MAPAR 2006
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de gastro-entérite chez les jeunes enfants. Depuis, d’autres groupes ont été
individualisés et actuellement on distingue six classes de souches pathogènes
pour l’intestin : ces pathovars (ou pathotypes) d’E. coli sont dénommés EPEC
(Enteropathogenic Escherichia Coli), EHEC (Enterohaemorrhagic Escherichia
Coli), ETEC (Enterotoxinogenic Escherichia Coli), EIEC (Enteroinvasive Escherichia
Coli), EAEC (Enteroaggregative Escherichia Coli) et DAEC (Diffusely Adherent
Escherichia Coli). Responsables d’une morbidité et d’une mortalité infantiles
particulièrement élevées dans les pays en développement, tous provoquent des
diarrhées parfois hémorragiques (EHEC), cholériformes (ETEC), dysentériformes
(EIEC) ou persistantes (EAEC). L’infection intestinale par le pathovar EHEC, com-
munément liée à une intoxication alimentaire (consommation de steak haché de
boeuf) et qui sévit avant tout dans les pays industrialisés, peut être compliquée
par un syndrome hémolytique et urémique.
Ces pathovars constituent, le plus souvent, des groupes clonaux au sein
de l’espèce. Tous produisent des facteurs de virulence faisant défaut chez les
souches commensales et qui altèrent la physiologie de la muqueuse intestinale.
Parmi ceux-ci, figurent des constituants de surface qui permettent aux bactéries
d’adhérer à l’épithélium intestinal, parfois d’un segment où ne résident pas les
souches commensales (comme l’intestin grêle dans le cas du pathovar ETEC).
Ces adhésines sont insérées dans la membrane externe de la bactérie et/ou
portées par des petits appendices qui tapissent le pourtour de la cellule ou l’un
de ses pôles, dénommés indifféremment pili ou fimbriae. Excepté le pathovar
EIEC, qui est phylogénétiquement très proche des bactéries rassemblées dans
le genre Shigella, les autres pathotypes sont incapables, une fois associés aux
cellules épithéliales, d’envahir celles-ci puis de s’y répliquer. Par ailleurs, tous
ces pathovars sécrètent des toxines ainsi que d’autres protéines qui, après
internalisation dans les cellules épithéliales (entérocytes), vont altérer leur
fonctionnement : blocage de la division cellulaire, arrêt de la synthèse protéi-
que, inhibition de la transduction de signaux, désorganisation du cytosquelette,
modification du potentiel de membrane ou induction de l’apoptose. Tous ces
facteurs de virulence sont codés par des gènes présents sur des plasmides, des
prophages, des transposons ou des îlots de pathogénicité [1].
2.
LA PLASTICITÉ GÉNOMIQUE, LA CLEF DE L’ÉVOLUTION BACTÉ-
RIENNE
Depuis près de 10 ans, 250 génomes de bactéries, pour la plupart d’intérêt
médical, ont été déchiffrés et plusieurs centaines d’autres sont en cours de
séquençage et d’annotation. La comparaison in silico de ceux d’E. coli commen-
saux et pathogènes a révélé que les gènes chromosomiques sont ordonnés de
manière relativement conservée d’une souche à l’autre. L’autre fait marquant
de cette analyse génomique comparative est la présence, chez les pathovars,
de matériel génétique supplémentaire (10 à 30 %). Les gènes additionnels, qui
proviennent d’organismes donateurs souvent inconnus, peuvent être regroupés
dans une structure capable de se répliquer indépendamment du chromosome
(plasmide) et, éventuellement, de s’auto-transférer. Cependant, de nombreux
autres segments d’ADN étranger transmis « horizontalement » (ou « latérale-
ment ») sont portés par le chromosome bactérien lui-même, intercalés entre
les régions partagées avec les souches commensales. Atteignant parfois une
centaine de kilobases (1 kilobase équivaut à 1 000 paires de bases), ces îlots,