LA RENCONTRE PATIENT-FAMILLE-SOIGNANTS DANS LE CONTEXTE DE LA MALADIE GRAVE De Boeck Supérieur | « Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux » Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) 2016/2 n° 57 | pages 49 à 71 ISSN 1372-8202 ISBN 9782807390171 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapiefamiliale-2016-2-page-49.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Jean-Pierre Gagnier, Linda Roy, « La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux 2016/2 (n° 57), p. 49-71. DOI 10.3917/ctf.057.0049 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Jean-Pierre Gagnier, Linda Roy La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Résumé Quand survient la maladie grave, des ressources émergent et des fragilités peuvent être amplifiées. Les relations familiales révèlent alors leur histoire et leur densité. Tout en soulageant et accompagnant au mieux la personne confrontée à la maladie, il importe de reconnaître les adaptations mutuelles qui se manifestent dans les familles et l’expérience des soignants qui gravitent dans un tel champ de force et y contribuent. Le soignant, qu’il soit travailleur social, psychologue, infirmière, médecin ou autre, intervient au cœur de ce champ de forces. Plusieurs repères issus de l’approche systémique nous soutiennent au quotidien dans l’exercice de nos responsabilités individuelles et collectives. Des enjeux liés aux loyautés familiales et à la rencontre patient-famille-soignants sont priorisés. De courts récits inspirés de situations réelles illustrent nos propos. Abstract: The encounter between the patient, family and care providers when a serious illness occurs When occurs serious illness, resources emerge and fragilities can be amplified. Family relations then reveal their history and density. While relieving and best accompanying the person confronted with the disease, it is important to recognize the mutual adaptations that occur in families and the experience of care providers who revolve in such a force field and contribute to it. The care provider, whether a social worker, psychologist, nurse, doctor or other, acts at the heart of this field of forces. Several guidelines from the systemic approach support us on a daily basis in the exercise of our individual and collective responsibilities. Issues related to family loyalties and to the encounters between patients, families and 1 2 Psychologue, professeur, chercheur au Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille, Département de psychologie, Université du Québec à Trois-Rivières ; collaborateur au Réseau Cancer Montérégie (RCM). Travailleuse sociale régionale au Réseau Cancer Montérégie (RCM) du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre, Hôpital Charles Lemoyne, Québec, Canada. DOI: 10.3917/ctf.057.0049 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Jean-Pierre Gagnier1 & Linda Roy2 50 Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy care providers are prioritized. Short stories inspired by real situations illustrate our paper. Keywords Serious illness – Cancerology – Family adaptation – Psychosocial interventions – Care providers. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Introduction Cet article témoigne de nos expériences cliniques et de nos sensibilités particulières à l’égard des personnes atteintes de maladie grave, des familles et des soignants. En tant qu’intervenants psychosociaux engagés en cancérologie dans un contexte hospitalier3, nous voyons à quel point la maladie grave exige la dispensation de soins de pointe et exerce une pression sur les relations familiales. Adoptant une perspective résolument développementale et systémique, nous sommes amenés à penser en termes de complexité, d’assemblage et de hasard. Les expériences quotidiennes vécues dans le contexte de la maladie grave sont sources de questionnements, de défis et de découvertes. Des embâcles se créent, des opportunités sont saisies. À l’insu bien souvent de ceux qui les émettent, ces éléments contraignent ou stimulent les moments de recherche d’équilibre ou de sens. Les conceptions actuelles du soin, précisées dans les documents gouvernementaux et inscrites dans les engagements des établissements de santé, rappellent l’importance du soutien aux familles et aux proches des patients. Or, les défis cliniques et de gestion pour concrétiser de telles volontés demeurent importants. La centration individuelle bien légitime sur la maladie et la personne malade a creusé des sillons dont il n’est pas si simple de sortir. Le soutien au patient atteint de maladie grave n’efface pas les contextes familiaux, culturels et sociaux. L’individu et le contexte coexistent. Les 3 Les services de santé psychosociaux permettent aux patients, aux familles et aux professionnels d’optimiser les soins biomédicaux et de gérer les aspects psychologiques et sociaux de la maladie et de ses conséquences afin de promouvoir une meilleure santé (Institute of Medecine (IOM), 2008). Nous tenons à remercier tous les intervenants que nous côtoyons et que nous supervisons. Ils nous inspirent et permettent d’approfondir les idées et les pratiques dont nous témoignons dans cet article. Nous tenons également à souligner la collaboration de Julie Vadeboncoeur et de Pierre Asselin qui ont relu et judicieusement commenté notre travail. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Mots clés Maladie grave – Cancérologie – Adaptation familiale – Interventions psychosociales – Soignants. La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 51 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur tentatives d’adaptation mutuelle épousent des formes changeantes et multiples. C’est souvent dans les petits gestes du quotidien que la vie se raconte, que se révèlent le souci de l’autre et les inquiétudes les plus profondes. Les personnes malades et les familles4 parlent de leur expérience dans un langage qui mérite une écoute particulièrement attentive. Les rapprochements, les hésitations, les réflexions intimes, les gestes à peine esquissés révèlent un champ de force aussi subtil que déterminant. Comment comprendre que la souplesse adaptative des uns et des autres puisse être activée, compromise ou perdue ? Comment penser les adaptations mutuelles entre une personne atteinte de maladie grave, sa famille et les soignants ? Comment répondre aux exigences d’accessibilité et de continuité de soins et de services hors les murs (en externe et à domicile) ? Le développement de pratiques cliniques conçues et ajustées aux besoins des patients et des familles, en assemblage avec les soignants, est au cœur de nos engagements professionnels. Nos propos témoignent donc de ce qui peut survenir dans le contexte de la maladie grave sans prétendre que l’ensemble des expériences et des réactions possibles puissent être représentées. Une attention particulière est accordée aux adaptations familiales et aux enjeux relationnels qui sont régulièrement soulevés dans le contexte clinique de la maladie grave. La thématique des loyautés familiales, de la place et la rencontre patient-famillesoignants sont privilégiées. Plusieurs repères issus de l’approche systémique nous soutiennent au quotidien dans l’exercice de nos responsabilités individuelles et collectives. Nous proposons d’abord quelques idées qui, tels des phares, éclairent nos pas et ancrent notre recherche de cohérence. De courts récits inspirés de situations réelles illustrent nos propos5. Ces fragments de vie témoignent des liens circulaires existant entre la personne atteinte, la famille, les proches, les soignants et le contexte social. Comme le précise Mony Elkaïm, la question essentielle ne consiste pas à savoir qui fait quoi à qui, mais bien que font-ils ensemble et nous avec eux. Nous souhaitons simplement que les considérations générales et les fragments de vie commentés puissent contribuer à la réflexion sur cette thématique complexe. 4 5 Le proche peut être le conjoint, les enfants, les parents ou les autres membres de la famille, de même que les amis significatifs. Certains détails ont cependant été modifiés afin de protéger l’anonymat des personnes concernées. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur 52 Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Depuis une quinzaine d’années, à la direction Québécoise de cancérologie, on constate deux grandes tendances concomitantes. La première concerne directement l’expérience des patients. Ainsi, une proportion importante de travaux actuels porte sur l’évaluation de la détresse, les cognitions et les stratégies individuelles d’adaptation des personnes atteintes de cancer (Direction de la lutte contre le cancer, 2011 ; Holland, Breitbart, Jacobsen, Loscalzo, McCorkle, Butow, 2015). La seconde tendance rappelle que les proches sont bousculés par la maladie grave d’un des leurs et sont pourtant attendus comme sources de soutien. Ainsi, les documents formels ne parlent plus exclusivement des patients. Progressivement, les auteurs reconnaissent l’importance de saisir le patient dans son contexte familial et encore plus récemment dans son contexte social en parlant des proches et de la culture d’appartenance. On retrouve cette évolution dans les écrits ministériels et les documents officiels (Organisation mondiale de la santé 2009 ; Association Canadienne d’Oncologie psychosociale, 2010 ; Direction de la lutte contre le cancer, 2011). Qu’il suffise de mentionner l’évolution démographique, les nouvelles formes d’organisation familiale et la diversité culturelle. L’accroissement de l’espérance de vie augmente la possibilité que des conjoints très âgés ou des enfants passablement âgés aient à soutenir un proche dans la traversée de la maladie. À défaut de soutien ou de répit suffisants, il est possible qu’un proche puisse ressentir une sorte d’usure physique et douloureuse à la détresse d’une personne gravement malade ou en fin de vie. De même, le petit nombre d’enfants dans les fratries réduit la taille des réseaux familiaux pouvant combiner leurs ressources et leurs disponibilités pour faire face à la crise. Pour les familles d’immigration récente, la maladie d’un être cher ou la fin de vie débordent les frontières de leur société d’accueil. Les repères culturels, les rituels de la patrie d’origine où vit encore une grande partie des membres de la famille élargie, exigent de concilier deux registres distincts de relations et de significations. La fragilisation d’un être cher peut parfois réactiver brusquement ce qui a été vécu lors du processus d’immigration. Les mutations reliées aux transformations familiales et sociales et à l’organisation des services rappellent la pertinence et la nécessité d’ajuster l’offre de soins et d’accompagnement. Dans ce contexte en pleine mouvance, l’hospitalisation est brève et ne s’applique généralement que dans les situations de soins aigus. Concrètement, les soins en oncologie s’actualisent de plus en plus en clinique externe. Le maintien à domicile est encouragé. Les soignants sont Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Un environnement changeant La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 53 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur davantage amenés à rencontrer les patients et les familles dans leur propre contexte de vie. Pour les malades et les familles, recevant des traitements dans les cliniques externes des hôpitaux spécialisés ou suivis à domicile, de nouvelles bases de sécurité doivent être établies. Les pharmaciens, par exemple, se préoccupent de l’adhésion des malades aux prescriptions de traitement prises en dehors des milieux formels de soins. Quand, par exemple, un médicament est administré en milieu de soins, les contrôles sont assurés à même les mécanismes de suivi et de régulation des pratiques hospitalières courantes. Quand le médicament est pris hors les murs, sous la responsabilité directe des malades et des proches, les soignants constatent que quelque chose échappe à leur vue. De nouvelles modalités de suivi doivent être développées. Or, le passage du discours à la pratique demeure exigeant. Comment assurer une base sécurité nouvelle et créatrice pour que les malades, leurs proches et les intervenants puissent inventer leurs soutiens ? Les soins spécialisés offerts en cancérologie sont essentiels mais non suffisants s’ils ne parviennent pas à intégrer une prise en compte des adaptations mutuelles et des relations tout au long de la trajectoire. La maladie occupe l’avant-scène et la vie continue Dans un monde qui adule la performance et la réussite individuelle, la maladie et la mort apparaissent comme d’inconvenants trouble-fêtes (Aubert, 2003 ; Laporte & Vonarx, 2015). Chacun porte, enfoui au plus profond de son être, l’ardent désir que sa vie échappe aux dents acérées du temps et que les personnes aimées ne souffrent et ne meurent jamais. La maladie constitue une menace dans le temps, c’est-à-dire dans le temps du corps, dans le temps passé avec les autres, dans le temps des projets entrepris ou simplement rêvés (Goldbeter-Merinfeld, 2006). Bien que les soins et les traitements aient beaucoup évolué, le caractère largement imprévisible du cancer et la vitesse parfois vertigineuse de ses effets demeurent des sources de peurs profondes. Le rapport au temps et le familier, jusque-là bien installés, sont bouleversés. Les automatismes du quotidien, les régulations offertes par le travail et les activités sociales semblent soudainement d’une époque révolue. La force de la menace, la fatigue et les exigences imposées par la maladie et le soin projettent le patient et ses proches dans une expérience déstabilisante. Les exigences reliées aux symptômes et aux effets secondaires des traitements s’inscrivent dans un Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur 54 Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur « Apaiser l’imaginaire du malade, afin qu’au moins il cesse de souffrir de ses réflexions sur la maladie plus que de la maladie elle-même… Maintes et maintes fois j’ai constaté avec tristesse que les pièges métaphoriques qui déforment l’expérience d’un malade atteint de cancer ont des conséquences tout à fait réelles : ils dissuadent des gens de se faire soigner assez tôt et de s’efforcer de chercher un traitement valable. », (Sontag, 2009, p.130). La nature du cancer, l’évolution de la maladie et la durée des épisodes de soins sculptent inévitablement des expériences distinctes pour les patients et pour les proches. Certaines personnes atteintes d’une forme virulente de cancer qui a couvé silencieusement apprennent très tardivement la gravité de leur état et décèdent rapidement. Pour ces patients, la vie du « jusque-là » est soumise à un très brusque freinage. Le choc et la crise sont alors si concentrés que l’impensable et l’urgent accaparent massivement l’espace. Pour d’autres, l’évolution plus lente de la maladie et les divers épisodes de soins offrent des occasions particulières et uniques de rencontres avec soi-même, avec les proches et les soignants7. Bien qu’augmentant les chances de survie, l’évolution des traitements participe à l’allongement des trajectoires de soins. « Le progrès médical n’induit pas tellement d’augmentation des cas de guérison mais une véritable explosion des cas de maladies chroniques. Nous observons donc une augmentation du nombre de patients atteints de plusieurs maladies chroniques concomitantes. Cet accroissement de la complexité clinique met à mal la sur-spécialisation de la médecine. », (Goldwasser, 2013, p 187). En cancérologie, il est de plus en plus fréquent d’observer des manifestations et des sources de pression associées aux maladies dites chroniques. 6 7 Nous adoptons l’appellation « maladie grave » compte tenu de la place qu’elle occupe dans la documentation scientifique et clinique. Il convient toutefois de demeurer vigilants et critiques face aux possibles effets performatifs des représentations sociales associées au cancer. Attentive à la stigmatisation de certaines maladies et en particulier aux mystifications qui entourent le cancer, Suzan Sontag (2009) propose une réflexion critique sur la maladie comme métaphore. Pour une fine description des phases d’évolution du cancer, voir Delvaux (2006). Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur monde de représentations sociales encore bien souvent sombres et fortement chargées (Savard, 2011 ; Sontag, 2009)6. La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 55 Quelques repères systémiques qui nous aident à composer avec la complexité de la pratique clinique Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Suite à ce bref survol d’enjeux sociaux et organisationnels, nous souhaitons partager quelques repères systémiques qui nous aident à penser et à agir. Nous proposons également des récits de pratique et les commentons de manière à traduire notre approche psychosociale attentive aux assemblages patient-famille-soignants. Penser en termes de circularité L’intérêt pour les dimensions familiales et sociales de la maladie grave s’est accru dès qu’ont été davantage reconnus les effets circulaires existant entre la personne atteinte, les proches, les soignants et le contexte social ambiant (Byng-Hall, 2013 ; Mitchell, Wynia, Golden, McNellis, Okun, Webb, Rohrbach & Von Kohorn, 2012)8. Les problèmes de santé ou les symptômes, présentés légitimement dans un contexte de maladie, en termes de caractéristiques individuelles, sont vécus en relation avec les personnes significatives. Pour les soignants, adopter une épistémologie systémique, c’est s’intéresser, entre autres, aux relations et aux configurations circulaires9 entre les éléments d’un système. Chaque comportement est à la fois source et objet d’influences. « Ce que l’on définit en tant qu’« explication » s’enrichit et se complique puisque ce qu’il s’agit d’expliquer, ne désigne plus un comportement défini en termes de soumission des effets à des causes, mais un comportement 8 9 Rappelons simplement que plusieurs autres pionniers tels Ancelin-Schützenberger, Ausloos, Basaglia, Elkaïm, Minuchin et Onnis ont contribué, de manière distincte et complémentaire, au développement d’une compréhension systémique des problématiques de santé. Ces auteurs inspirent nos pratiques de tous les jours. La notion de circularité a été initialement élaborée par Bateson qui utilisait ce terme pour décrire l’organisation récursive qui caractérise les formes vivantes. L’équipe de Milan a ensuite proposé un modèle d’intervention circulaire qui utilise la technique des questions circulaires. Deux points propres à ce modèle méritent d’être rappelés : 1) l’information réside dans les différences ; 2) c’est dans son contexte qu’un comportement trouve sa signification. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur L’étape de la survivance est apparue progressivement dans la trajectoire de soins (Direction de la lutte contre le cancer, 2011). 56 Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy En intervention, les questionnements circulaires contribuent à situer les individus dans leur contexte interpersonnel et font émerger ce que Bateson appelait « les motifs qui relient ». Il s’avère alors possible de reconnaître des influences réciproques jusque-là méconnues. S’inspirant de cette perspective, l’essentiel du projet d’intervention psychosocial consiste à soutenir la recherche de nouvelles façons d’être ensemble. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Dans un contexte La maladie grave surgit toujours dans une histoire de vie, à un moment particulier, dans un contexte. Les patients ont une vie bien à eux avant l’apparition de la maladie et pendant la maladie. Ils ont une expérience avec la solitude, avec la vulnérabilité, avec le fait de demander, avec le sens de la présence ou de l’absence de relations de proximité (pensons simplement aux exigences soulevées par la cohabitation dans une chambre d’hôpital ou par l’arrivée d’un nombre important de soignants dans leur vie). Dans les contextes de soins, la personne malade se montre à la fois cohérente (s’appuyant dans les tendances de sa « vie du jusque-là ») et en partie énigmatique pour elle-même, pour les proches et les soignants. Dans un couple ou une famille, la vie s’organise, les rôles se structurent, les rituels sont créés. Progressivement, il y a des implicites dont on ne discute plus. Quand survient la maladie grave, le terrain de l’intimité et des acquis est réactivé. La menace et les exigences de la maladie obligent à revoir ce qui a été ritualisé et réactive ce que Neuburger (2000) appelle le mythe fondateur. La nécessité d’une réorganisation s’impose. Les moments de crise sont à la fois sources de menace et opportunités de changement. Quiconque œuvre en cancérologie et en soins palliatifs peut témoigner d’étonnantes avancées pouvant se produire, parfois en quelques jours seulement, dans le positionnement du malade ou dans l’agencement des relations familiales. Des positionnements d’incrédulité ou de peur peuvent être suivis d’adaptations tirant profit du soutien offert. Ausloos (2010), dans un article remarquable intitulé De la crise à la résilience face au cancer, rappelle la question de l’opportunité et s’inscrit en pleine cohérence avec la reconnaissance de la compétence de la famille. Darnaud (2012) souligne de plus l’exigence pour les soignants d’être là, à ce moment-là, auprès des personnes, dans l’intensité du dire exprimé ou réprimé, dans l’intensité du cri de révolte qui cherche une voie. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur naissant de l’interaction entre une sensibilité et un environnement. », (Despret, Elkaïm et Stengers, 2002, p. 24) La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 57 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur En fait, dans le parcours de la maladie grave, quand une crise survient, des dimensions de la personne malade et des relations déjà établies surgissent. Ce qui allait de soi devient questionnable et parfois caduque. La crise serait la rencontre avec des aspects de soi qui n’étaient pas mis de l’avant, qui étaient en quelque sorte dormants. Ces aspects de soi qui s’éveillent sont liés au passé mais ils ne se réduisent pas à lui. Les dimensions de soi entrent en résonance à un moment particulier avec les autres et le contexte, (Elkaïm, 2009)10. Dans le sillage et les turbulences de la maladie grave et de la fin de vie, des ressources surgissent et des fragilités peuvent être amplifiées. Les relations familiales révèlent alors d’autres pendants de leur histoire et de leur structure. Autant de familles, autant de trajectoires. La diversité des réactions et des stratégies adaptatives des patients et des familles est observable tout au long de la trajectoire allant de la confrontation à la maladie grave jusqu’à guérison ou à la traversée du deuil. Les membres de la famille vivent entre eux un parcours, une traversée chaque fois porteuse d’enjeux universels et particuliers. Ce que vivent les proches est légitime et peut bien évidemment exercer une influence sur l’expérience du malade. S’approcher du vécu des proches, c’est apprendre à se maintenir au cœur des relations de manière sensible et différenciée. Les proches vivent eux-mêmes des bouleversements dans cet affrontement avec la maladie grave. Bien souvent, ils parlent de ces grands remous aux soignants. C’est pourquoi, malgré les pressions multiples et les émotions vives, il est crucial de nous soucier du parcours qui lie les uns et les autres par la force des attachements affectifs et des projets partagés. Nous pouvons, sans intrusion inopportune, faciliter l’émergence et le maintien de conditions favorables au vivre ensemble. Ainsi, le regard posé par les soignants sur la famille ne doit pas réduire celle-ci au seul statut de ressource pour la personne malade. Rien ne justifie le fait qu’une famille puisse être simplement mise au service du malade sans espace pour se vivre et se dire. Il ne s’agit 10 Le concept de résonance proposé par Elkaïm est une sorte de point nodal, d’intersection entre différents systèmes, portant sur une ou plusieurs singularités partagées. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur « C’est l’incapacité, pour la personne, de prendre de la distance au moment où elle vit l’événement, qui en fait à la fois un élément vécu et une déchirure. L’événement n’est plus un événement, tant il menace en raison de la violence perçue, la survie du sujet à ses yeux. », (Darnaud, 2012, p. 122). 58 Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy pas non plus de demander au patient de porter et de régler les difficultés ou les non-dits de sa famille. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur La participation des observateurs dans le système observé devant être pleinement reconnue, les soignants bougent dans un tel champ de forces et inévitablement y contribuent (Elkaïm, 2014 ; Gagnier & Roy, 2009). La cybernétique de « second ordre » et les travaux de Heinz von Foerster ont grandement aidé les systémiciens à penser la participation des intervenants et à concevoir leurs modes d’intervention à partir de la manière dont ils sont situés (Despret, Elkaïm & Stengers, 2002). Les équipes de soin sont inévitablement observatrices et participantes. « Le thérapeute n’a pas accès, ne lui en déplaise, à une véritable extraterritorialité, ses constructions du monde sont, au contraire, indissolublement liées à celles des personnes avec lesquelles il entre en relation car l’observateur n’est pas situé en dehors de ce qu’il observe : partie prenante de la situation, il est inclus à ce titre dans le système auquel il participe. », (Elkaïm, 2014, p. 12). En l’absence de position réflexive ou de repères suffisants, il est difficile pour les soignants de comprendre ce qui se joue entre les membres de la famille et avec eux. Penser en termes d’adaptations familiales nous invite à réfléchir au rapport entre les pratiques professionnelles et les initiatives prises par les familles. Les situations de confrontation à la maladie grave ou à la fin de vie, bien que requérant des soins physiques de qualité et des attitudes de soutien, ne nécessitent pas d’emblée le recours à des intervenants psychosociaux11. Le diagnostic propulse les personnes malades et les proches dans une crise intense. Pourtant, la plupart des familles arrivent à composer avec les exigences soulevées en puisant dans leurs ressources, dans leur capital d’attachement et de solidarité. Il importe de réfléchir aux conditions qui font que des familles ont des besoins particuliers, plutôt que de considérer que toutes les familles ont inévitablement besoin d’interventions psychosociales. Onnis (1984), dans un article remarquable sur la demande, rappelait à quel point l’offre de services pouvait sculpter la demande. 11 L’oncologie psychosociale est définie comme une spécialité des soins du cancer concernée par la qualité de vie, la compréhension et le traitement de l’aspect social, psychologique, émotionnel, spirituelle et fonctionnel associé au cancer et au deuil. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur La place des intervenants La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 59 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Plusieurs études ont permis de mieux cerner les besoins psychosociaux des patients et des familles (Association canadienne d’oncologie psychosociale, 2010 ; Direction de la lutte contre le cancer, 2011). Les soins de soutien offerts par l’équipe de base en oncologie et les professionnels du soin des réseaux communautaires suffiraient pour répondre aux besoins de la moitié des personnes concernées12. Les intervenants psychosociaux sont interpellés dans les situations complexes généralement identifiées par leurs collègues du soin dans le cadre d’une collaboration interdisciplinaire. La reconnaissance de la compétence et des capacités d’adaptation des familles nous invite à ne pas nous imposer comme des tiers inévitables13. À défaut d’un tel discernement, nous risquons de participer à une logique confirmant l’insuffisance des ressources des familles pour la traversée des moments de crise14. Cette exigence et capacité d’identification des situations nécessitant une aide psychosociale spécialisée et de non intrusion dans les situations bien soutenues à même les ressources des patients et des familles demeure un défi constant. Des études récentes (Fann & Arthehold, 2012 ; Zebrack et coll. 2015) indiquent que les patients considèrent que les équipes soignantes reconnaissent encore peu leurs besoins psychosociaux et que certains membres des équipes ne semblent pas savoir comment utiliser judicieusement les ressources psychosociales. Sensibles à ces enjeux, nous portons essentiellement deux principaux soucis : 1) bien définir les services psychosociaux et les critères d’orientation vers les soins et services psychosociaux ; 2) ne pas envahir les patients et leur famille des besoins identifiés par les professionnels pour lesquels ils ne formulent aucune demande ou qui n’ont pas été, dans la mesure du possible, validés auprès d’eux (Gagnier & Roy, 2013). Il nous apparaît même possible que l’adoption, encore trop fréquente, d’une perspective centrée sur les déficits des familles puisse jouer un rôle régulateur et permettre l’évitement des tensions vécues dans les équipes de soins autour de la place des uns et des autres. En effet, la collaboration interdisciplinaire suscite le croisement des regards et des expertises. 12 13 14 Les travaux de Fitch (2008) et du Comité canadien d’oncologie psychosociale (2010) proposent une organisation hiérarchisée des services basés sur la proportion des patients nécessitant de l’aide. Pour une réflexion clinique systémique approfondie sur les tiers, nous suggérons de consulter les écrits d’Édith Goldbeter-Merinfeld. Rappelons la contribution d’Austin (1970) à propos des énoncés performatifs qui méritent d’être considérés comme des actions qui modifient les choses. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy Considérer les enjeux liés à l’évolution de la maladie et aux traitements, et choisir une voie avec le patient et sa famille exigent que les membres de l’équipe puissent s’ouvrir avec sensibilité aux hypothèses multiples et parfois contradictoires soulevées dans les situations complexes. N’en doutons pas, cette collaboration est difficile. Elle oblige les professionnels à reconnaître et assumer les limites de leurs champs de pratique et des traitements. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Ainsi, deux types d’offre doivent pouvoir coexister : 1) être là, à côté des patients et des familles, offrir empathie et informations disponibles ; 2) intervenir quand il le faut. Les initiatives et les tentatives d’adaptation des membres de la famille méritent d’être pleinement reconnues. Il nous arrive fréquemment d’être simplement des témoins appréciateurs des forces vives, des attachements et des solidarités qui s’expriment au cœur du difficile. De la compétence Le récit qui va suivre rappelle par sa simplicité que la maladie grave et la mort peuvent être vécus dans l’intimité et la discrétion, sans intervention psychosociale spécialisée. Il présente un fragment de vie qui illustre ce qui s’est tissé entre deux êtres au fil du temps partagé et il décrit une qualité émergente porteuse de compétence. Un moment de veille Approchons-nous doucement. Une femme âgée est assise au chevet de son conjoint. Elle guette le moindre frémissement sur son visage, pour capter l’insaisissable. Cette scène se déroule sur le registre de la pudeur et de la discrétion. Elle qui a tant partagé son espace de vie avec son homme, le veille, ou mieux, se veille avec lui. Elle qui a beaucoup travaillé de ses mains, cousu les vêtements des enfants, aimé de son mieux, assiste impuissante à l’irréparable. Une souffrance contenue et silencieuse, en fines dentelles, dans ce moment carrefour entre la vie du « jusque-là » et la vie incertaine et pour le moment impensable de demain. Ainsi, le cœur et la raison frémissent face au vide et aux ruptures. La maladie grave et la fin de vie ébranlent la base de sécurité. Elles touchent les croyances, les rôles et les représentations. Ces répercussions existentielles sont naturelles. Une dame offre sa présence et sa disponibilité à son compagnon de route. La maladie ou la mort d’une personne qu’on aime nous rappellent la précarité de l’existence (Barnes, 2013 ; Fauré, 2012). Bien que Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur 60 La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 61 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur L’amour, l’attachement et l’engagement nous transforment. Dans l’histoire entremêlée d’une famille, les pertes et les transitions incitent chacun à une relecture de son propre récit de vie. Le couple et la famille font partie de ce qui nous définit. Ainsi l’engagement et la loyauté sont des déterminants importants des relations familiales. Conséquemment, les enjeux de l’éthique relationnelle sont particulièrement saillants dans les familles confrontées à une situation de maladie grave ou de fin de vie. C’est notre attente de réciprocité, d’équité et de loyauté qui détermine, pour une bonne part, la manière dont nous traitons les personnes qui nous entourent (Ducommun-Nagy, 2008). Quand des personnes signifiantes de notre entourage se sont montrées généreuses à notre égard, l’éthique relationnelle nous amène à leur exprimer notre loyauté. C’est pourquoi la loyauté familiale joue un rôle important dans la cohésion des familles. Elle aide à traverser les inévitables moments de crise et de transition. Elle est susceptible de soutenir les tentatives de redéfinition identitaire. La vie est ce qu’elle est. Nous ne sommes pas victimes des nôtres qui sont atteints de maladie grave. Nous sommes avec eux dans l’incertain, dans l’exigeant, dans le possible et dans les limites inévitables de la vie (Barruel & Bioy, 2013). Au cœur du souffrant et du difficile, le développement des uns et des autres se poursuit, les manifestations d’attachement et de solidarité humaine produisent régulièrement d’étonnantes avancées. « Plus nous sommes autonomes, plus nous devons assumer l’incertitude et l’inquiétude, plus nous avons besoin de reliance. Plus nous prenons conscience que nous sommes perdus dans l’univers et que nous sommes engagés dans une aventure inconnue, plus nous avons besoin d’être reliés à nos frères et sœurs en humanité. », (Morin, 2004, p. 39). Nous proposons maintenant une métaphore. Il arrive que les familles au chevet d’un proche renvoient à une sorte de respiration partagée. Une grande inspiration quand l’on cherche à assurer la contenance des émotions. Plus d’espace pour respirer quand les nouvelles sont bonnes, quand l’être 15 Le tout ne se résume pas à la somme des éléments qui le composent. C’est cette non-sommativité que Watzlawick (1972) a appelé la qualité émergente. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur la situation demeure exigeante, cette dame fait preuve de trois niveaux distincts et complémentaires de loyale fidélité : une fidélité à l’égard de son propre engagement affectif, à l’égard de son homme et à l’égard du lien qui les unit15. Telle l’action d’un champ magnétique, la loyauté directe est une force qu’on peut reconnaître à ses effets (Ducommun-Nagy, 2006). Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur cher est calme, quand il se repose et ne semble pas souffrir. Une famille qui retient son souffle à d’autres moments, sous la pression de la gravité de l’instant ou pour simplement déposer une image en soi. Ces mouvements autour et avec le malade sont parties prenantes de son contexte de maladie ou de fin de vie et le confirment vivant, membre de la fraternité des vivants (Hacpille, 2012). Des moments de dialogue ou des silences partagés, des regards échangés, les gestes simples pour assurer le confort, des mains qui se touchent. Reliés par les liens d’attachement et l’histoire partagée, les proches s’installent souvent comme des veilleurs attentifs, comme des équipes à relais auprès de la personne malade ou en fin de vie (Gagnier, 2014, 2016). Nous parlons alors des « loyautés qui nous libèrent » (Ducommun-Nagy, 2006). Ces moments partagés participent à l’élaboration des deuils des survivants et contribuent aux scripts familiaux (ByingHall, 2013). Loyautés familiales La maladie grave et la fin de vie d’un proche peuvent amplifier les tendances déjà présentes dans les relations familiales. Il arrive que la tension, la fatigue et l’angoisse ressenties dans la relation avec un proche en fin de vie puissent réveiller des blessures qui étaient en quelque sorte dormantes. Par ailleurs, sous la vive pression de situations de menace ou de perte, l’instinct de vie et les capacités de dépassement prennent du relief. S’il peut être naturel d’offrir sa loyaute16 à des parents qui se sont dévoués pour nous, que se passe-t-il quand des sentiments d’injustice, d’indifférence et de colère rappellent un passé familial difficile ? Des tensions internes peuvent inhiber la capacité à s’approcher ou à se montrer disponible. « La loyauté se définit comme la préférence donnée à une relation par rapport à une autre, fondée sur un libre choix que nous faisons en tenant compte de trois éléments : ce que nous avons reçu dans chacune de nos relations, ce que nous avons déjà donné et enfin ce que nous pourrions recevoir dans le futur. », (Ducommun-Nagy, 2006, p. 81). 16 Le thème de la loyauté a été introduit dans le champ de la thérapie familiale par le fondateur de la thérapie contextuelle Yvan Boszormenyi-Nagy (1973). DucommunNagy (2006) rappelle que les loyautés familiales ne sont pas que des contraintes, elles sont des forces qui nous libèrent en pouvant permettre de tisser des liens et d’apprendre à vivre de manière autonome. Dans sa définition relationnelle, la loyauté est essentiellement basée sur l’engagement et la redevance. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur 62 La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 63 La rencontre ultime d’un fils avec son père Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Dans une pièce de théâtre intitulée « L’Impératif présent », l’auteur québécois Michel Tremblay met en scène un fils de 55 ans qui visite son père en fin de vie et lui donne des soins. Les deux hommes livrent la perception de leur drame personnel et familial dans une confrontation qui conduit chacun à son heure de vérité. Pour le père, c’est l’inévitable rencontre avec sa fragilité, sa dépendance et la fin de sa vie. Or, le fils porte en lui depuis longtemps le souvenir de mauvais traitements infligés par son père et d’atteintes répétées à sa valeur. La souffrance et la rancœur logées dans l’intime du fils engendrent des mouvements opposés, contradictoires : maintien de la colère comme fidélité à sa propre expérience et désir de pardonner comme ultime opportunité de libération. Quelle expérience souffrante que celle de s’occuper de son père en fin de vie alors que des pans entiers de leur relation brûlent encore en lui. Au moment de s’approcher de son père maintenant affaibli, c’est le manque, la colère et l’impuissance qui montent en lui et le paralysent. D’une visite à l’autre, progressivement, silencieusement, ils espèrent un rapprochement. Les murs et les silences installés entre eux au fil du temps s’imposent encore avec force. Les pressions du temps compté et du tant à dire s’amplifient. Les gestes de soins trahissent l’ambivalence des sentiments et deviennent des mots mis en scène. Les soignants sont témoins de cette intense confrontation. Tous les jours, ils sont amenés à traverser avec délicatesse ces espaces de l’intime. Ils cherchent à contenir ce qui est éveillés en eux. Ils ont à soigner, à soutenir et à savoir attendre. Un grand risque, celui d’imposer une forme de résolution hâtive qui, tel un passage à l’acte, nierait le temps requis pour les adaptations mutuelles et bousculerait le champ des possibles dans cette joute de l’intime. Dans les adaptations familiales plus difficiles, notre regard ne doit pas s’arrêter aux seuls comportements observables. Nous sommes témoins privilégiés d’intentions, de besoins, de peurs qui se terrent sous les manifestations d’opposition et de réclamation. Les soignants sont alors des tiers Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Dans le prochain récit, nous présentons une situation pouvant générer une expérience émotionnelle intense pour les soignants et dans laquelle une bifurcation, du nouveau demeurent possibles pour les membres de la famille. Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy qui permettent d’évacuer la peur et l’angoisse générée par la rencontre de la limite. La pratique courante en cancérologie démontre que l’intégration des proches dans la compréhension des problèmes et de l’intervention exige, de la part des professionnels, beaucoup de rigueur, une vigilance face aux enjeux de confidentialité, le respect du cadre d’intervention et une fine analyse des demandes. Comme le rappellent Reyneart, Janne, Zdanowicz & Naviaux (1998), il faut parfois un grand art pour établir des alliances avec les proches sans engendrer de coalliances contre le patient. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Ainsi, il arrive que les conduites et les paroles de certains patients en grande détresse ou en colère soient très difficiles à vivre pour des proches ou les soignants. Ces agissements sont souvent ressentis comme des attaques personnelles directes et injustifiées. L’expérience de l’impuissance est souvent très éprouvante. Comment éviter que des jeux de prescription hâtive de conduites ou la disqualification des uns et des autres ne viennent recouvrir et amplifier ce qui d’hier à maintenant se répète devant nous, avec nous ? Quand une personne a été lésée de manière importante, des formes implicites d’autorisation à punir et à critiquer sont susceptibles de prendre racines17. Quand un fils considère que son père n’a pas rempli ses obligations envers lui, il peut estimer qu’il ne lui doit rien, surtout pas sa loyauté. Quand le compte n’y est pas, la spirale d’une légitimité destructive peut s’enclencher. Telle une tache d’huile qui déborde de ses frontières initiales, cette spirale peut conduire à refuser de prendre en compte les droits et les besoins des autres. Et ce, justement parce que les autres n’auraient pas pris en compte ses droits et ses besoins (Ducommun-Nagy, 2008). « C’est comme si le passé réclamait plus que le présent ou le futur… L’injustice est contexte : si quelqu’un est victime, ses partenaires sont touchés, concernés par l’interdépendance des conséquences et des engagements. », (Michard, 2005, p. 83). Dans l’illustration précédente, le fils parviendra-t-il à exonérer son père ? Dans la perspective de l’éthique relationnelle, si des parents ont porté gravement atteinte à l’intégrité physique ou émotionnelle d’un enfant, ce sont eux qui lui doivent réparation. Si l’enfant se montre tout de même généreux à leur égard, ce ne sera pas par obligation (DucommunNagy, 2010). Telles des fissures dans un mur opaque de colère réprimée, les 17 « L’ardoise pivotante », appellation proposée par Boszormenyi-Nagy (1973), l’héritage du déficit de réciprocité, l’engagement à rééquilibrer le passé d’une génération à la génération suivante sont des facteurs importants de dysfonctionnements conjugaux et familiaux. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur 64 La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 65 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur La mise en mouvement générée par le fait de donner, malgré les injustices passées, peut permettre d’amorcer une spirale de légitimité constructive, puisqu’inévitablement les effets se répercutent dans d’autres relations voire d’autres générations. Les retombées d’une telle traversée sont importantes dans une trajectoire de vie. En fait, le besoin de reprendre ce qui est dû ou le besoin de redonner peut être reporté dans le temps. Ils peuvent être actualisés éventuellement avec d’autres personnes ou à un autre moment de la vie. La légitimité acquise en donnant se manifeste par une plus grande liberté intérieure, une tendance diminuée à se mettre en échec et la possibilité de deuils moins complexes. La place des uns et des autres La maladie grave forme un assemblage avec les agencements relationnels préexistants et agit souvent comme un amplificateur. Ainsi, la réactivation de tensions résiduelles associées à certaines histoires familiales peut parfois rendre les rapprochements difficiles. Les désaccords et les conflits survenant entre les membres de la famille risque alors d’empiéter sur l’énergie et l’espace dont la personne malade a besoin pour s’adapter. Dans le prochain récit, nous présentons une situation complexe illustrant un enjeu universel et délicat, celui de la place. Mélanie s’est présentée aux urgences de l’hôpital après avoir consulté dans un cabinet médical à quelques reprises. À chaque occasion, un diagnostic de bronchite était établi. Voyant la situation se détériorer de jour en jour, l’employeur de Mélanie l’a convaincue de se rendre aux urgences. Dès son arrivée aux urgences, après quelques examens plus approfondis, Mélanie est envoyée à l’unité des soins intensifs. La maladie évolue au rythme de sa fougue de jeune adulte. La patiente se trouve dans un état critique. Au cours de ce séjour aux soins intensifs, une consultation est demandée à l’équipe en oncologie. L’équipe des soins intensifs affirme ne pas arriver à calmer et à Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur moments partagés et les gestes de soins peuvent soutenir l’espoir. Où trouver la force de choisir, si possible, une forme de pacification plutôt que de continuer à nourrir l’amertume en dénonçant et en réclamant ? Où trouver la force de ne plus agir sur la base de la légitimité à punir ? Peut-on parvenir à lâcher prise sans se trahir soi-même ? Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur soutenir les proches de Mélanie. La tension entre les membres de la famille est excessivement vive et manifeste. Mélanie est une jeune adulte de 30 ans qui partage sa vie avec Carl, son conjoint depuis 5 ans. Carl travaille dans la même organisation qu’elle. Mélanie est la cadette d’une famille de deux enfants. Son frère aîné est décédé dans un accident d’automobile il y a 7 ans. Mélanie a rencontré son conjoint actuel peu après le décès de son frère. Se remémorant cette période, le conjoint nous dira d’ailleurs que c’est surtout grâce à lui que Mélanie a repris pied et poursuivi ses études. Selon lui, Mélanie ne se permettait pas d’exprimer la douleur de la perte de son frère devant ses parents. Elle cherchait le mieux possible à les protéger et à se protéger de ce drame, de cette brûlure interne si intense. Pendant l’hospitalisation de Mélanie, maintenant transférée au département d’oncologie, la tension est montée entre les proches de Mélanie, et plus particulièrement entre sa mère et Carl. Ces derniers se querellaient en présence de Mélanie et cherchaient à établir des alliances avec les infirmières. Qui prendrait donc parti pour l’un contre l’autre ? Mélanie et Carl vivaient depuis quelques mois chez les parents de celle-ci. Ils avaient quitté leur logement dans le but d’arriver à constituer une mise de fonds pour s’acheter une maison. Les parents de Mélanie prévoyaient de leur côté quitter la demeure familiale à brève échéance. La mère de la jeune femme a pris sa retraite récemment et son père se prépare à le faire. C’est un peu comme si la famille s’était contractée pour réaliser simultanément un mouvement dans deux étapes de vie, soit le début de la vie adulte sans les parents pour les uns, le passage à la retraite pour les autres. La mère de Mélanie nous dit se sentir seule et débordée par cette crise. Elle ajoute que depuis la mort accidentelle de son fils, une distance silencieuse, un champ de non-dit se sont installés entre elle et son mari. Elle souhaiterait pouvoir en parler avec lui. Pendant l’hospitalisation, la querelle entre la mère de Mélanie et Carl s’est intensifiée. Chacune des deux personnes cherchait à disqualifier son rival et à entraîner les membres de l’équipe de soignante dans ses filets. Dans cette situation familiale, chacun cherche à assurer sa place auprès de Mélanie. Qui a la priorité ? Les petits détails du quotidien deviennent des occasions d’affrontement : la nourriture préparée par la mère Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur 66 La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 67 ou par le conjoint, les heures de présence auprès de Mélanie, et ainsi de suite. Qui détient la place la plus légitime auprès de Mélanie ? De telles questions génèrent des tensions et contribuent à un intenable malaise dans la famille et puis progressivement, dans l’équipe soignante. Comme nous l’avions indiqué précédemment, dès que la maladie grave survient dans une vie, elle s’inscrit dans une histoire et un contexte qui s’en emparent et évoluent avec elle. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur La travailleuse sociale de l’équipe d’oncologie s’est approchée d’abord de Mélanie afin de réfléchir avec elle, à ses besoins, à ses attentes dans une telle situation. Mélanie lui a dit, à sa façon, qu’elle se sentait tiraillée sur deux fronts : entre sa mère et son conjoint Carl, entre son père et sa mère. Au plus profond d’elle-même, elle désirait protéger ses parents de la douleur d’une autre perte et disposer d’un espace pour mener sa vie. C’est à partir de ces paroles de la patiente que l’équipe pouvait penser son rôle et soutenir le vivre ensemble. Les propos de Mélanie ont ouvert le chemin à des rencontres familiales. Comment soutenir Mélanie et à la fois accompagner ses proches en gardant à l’esprit le fait que chacun a sa place auprès d’elle ? « Ne faut-il pas qu’un espace d’incertitude soit préservé pour que, dans la brèche formée par le doute, les esprits s’activent, se mettent en mouvement, créent, imaginent… N’est-ce pas autour de ce même espace, que s’enracine l’accueil de l’autre, engageant à une attitude humble qui ne peut prétendre savoir pour l’autre, invitant à découvrir, accompagner. », (Ceccaldi, Barruel & Goldwasser, 2013, p. 56). L’expérience de la maladie se greffe sur une vie singulière, arrive à un moment particulier de son déroulement et gravite dans un champ de forces non moins uniques. Pendant que la grande vulnérabilité de Mélanie vient éveiller chez ses parents la douleur de la perte relativement récente de leur fils, son conjoint Carl est désemparé, interrompu en plein élan dans le projet de vie autonome en couple. Chaque situation familiale porte une signature. Lorsque le cancer touche un conjoint appartenant depuis quelques années à un couple sans enfant, comment peut-il assurer sa juste place ? Lorsque c’est la vie de leur propre fille qui est menacée, quel que soit son âge, comment les parents peuvent-ils assurer leur présence ? Comment les uns et les autres parviendront-ils à composer une nouvelle orchestration en fidélité à leurs alliances antérieures et en souplesse face à ce qui s’annonce ? De fait, on appartient à soi, au carrefour de ses multiples relations significatives. Un soin qui s’organise trop massivement autour d’une réponse Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur 68 Jean-Pierre Gagnier & Linda Roy Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Cette situation soulève des enjeux délicats autour de la question de la place des uns et des autres. Parallèlement à ce qui se joue sur la scène familiale, la place des soignants auprès de la famille et entre eux mérite une grande attention. Confrontée au quotidien par des situations délicates, complexes et bien souvent inédites, l’équipe doit être « suffisamment bonne 18 », c’est-à-dire dévouée, rigoureuse, rencontrant des limites et soucieuse de les considérer. Elle se préoccupe également sans relâche de la place du patient et de ses proches tout en consentant à s’inclure dans le regard qu’elle porte sur les situations. Stimulés par les exigences concrètes du quotidien, les membres de notre équipe cherchent pour leur part à développer une collaboration interdisciplinaire qui puisse favoriser le soutien et la coopération construits sur les ressources de chaque intervenant. Conclusion Comme nous avons cherché à le soutenir et l’illustrer, les soins dispensés dans le contexte de la maladie grave soulèvent d’importants défis. Une inévitable tension, un espace de négociation persistent entre la nécessité et la valeur de soins spécialisés rigoureux et la reconnaissance suffisante des adaptations qui se réalisent entre les membres du réseau familial, les amis et les personnes malades ou en fin de vie. Comment parvenir à être aussi présents que nécessaire à certains moments et simplement témoins discrets dans d’autres circonstances ? Comment accompagner les familles et les proches sans empiéter sur leurs initiatives et adaptations mutuelles avec le patient ? Comment reconnaître pleinement que la vulnérabilité d’un être cher ou sa mort font partie de la vie et concernent les liens tout autant que les soins ? Les intervenants se déplacent sur cette arrête étroite du souci de l’autre, de l’intime et du délicat. L’évolution des soins et des services invite à développer de nouvelles pratiques, de nouvelles formes de sécurité pour les malades et les familles. 18 Analogie avec le concept de « la mère suffisamment bonne » proposée par Winnicott. Pour Winnicott, la mère suffisamment bonne, c’est la mère réelle, dévouée, qui fait de son mieux. Elle est capable d’avoir des défaillances et d’y remédier. L’équipe « suffisamment bonne » est l’équipe réelle qui se dévoue au patient et à la famille, fait de son mieux, reconnaît ses limites et se révèle capable de s’ajuster. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur spécialisée à des symptômes individuels, sans se soucier des expériences engendrées dans le vivre ensemble, peut contribuer paradoxalement à affaiblir la capacité d’un collectif à se solidariser, à prendre soin et à préparer demain. La rencontre patient-famille-soignants dans le contexte de la maladie grave 69 Les soins offerts en clinique externe et à domicile exigent que l’on porte davantage attention à l’expérience des proches aidants et aux relais intersectoriels devant garantir l’accessibilité, l’équité et la continuité des soins aux personnes atteintes de maladie grave. Notre pratique en cancérologie confirme que l’expérience des patients et des familles bénéficie des initiatives organisationnelles de bien-traitance à l’égard des intervenants, de la collaboration interdisciplinaire (Gagnier & Roy, 2013) et du respect des diverses modalités de soins et de services offerts par les familles et les communautés. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Montréal - - 132.204.249.21 - 07/02/2017 11h45. © De Boeck Supérieur Références ASSOCIATION CANADIENNE D’ONCOLOGIE PSYCHOSOCIALE (2010) : Standards of Psychosocial Health Services for persons with Cancer and their families. AUBERT N. 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