
Le médecin apparaît en effet comme l’élément essentiel en face de la plainte contre la
souffrance. C’est lui qui, dans un contexte hospitalier ou non, entreprend le contact décisif qui
fait que le malade, en dépit de son état, peut déjà espérer une quelconque amélioration. En
réalité l’importance que revêt la relation avec le médecin tient du fait qu’il s’agit à ce moment
d’une rencontre entre deux êtres : un colloque singulier. Ce contact est primordial pour les
deux acteurs certes, mais les attentes du patient nous semblent plus importantes en raison de
sa souffrance. Le médecin est donc celui qui, en plus des stratégies thérapeutiques, va
apporter une réponse à la plainte du patient, c’est cette réponse contenue dans son langage
(paroles, comportements et attitudes), qui apporte le premier réconfort au patient, c’est elle
qui réconcilie le patient avec le monde, avec lui-même, bref avec tout son environnement.
Cette possibilité traduite dans la pratique du médecin à re-offrir le monde au malade, à lui
manifester une fraternité, est traduite par le terme d’interhumain. Plusieurs auteurs, relevant
des sciences humaines et sociales, ont essayé de caractériser cet interhumain, en lui
reconnaissant des éléments essentiels dont le point commun est cette possibilité ou même
cette exigence qu’il y a en tout homme de manifester à un autre une fraternité, une amitié,
pour le dire simplement, de ne pas rester indifférent à l’autre. Si la pratique médicale illustre
obligatoirement cette attitude à travers l’offre des soins, on devrait la lui reconnaître aussi
dans les comportements et attitudes des médecins vis-à-vis de leurs patients. Leur pratique
d’une manière comme d’une autre, illustre les éléments décrits par les auteurs des sciences
humaines et sociales comme fondement même de l’interhumain. Y aurait-il un intérêt pour la
pratique médicale à reconnaître ces éléments des sciences humaines et sociales sur
l’interhumain ? Avant l’examen de cette question, il nous paraît intéressant de présenter au
préalable quelques conceptions de l’interhumain décrites par Emmanuel Levinas, Paul
Ricœur, Alain Touraine et Edgar Morin, ensuite de voir comment ces différents éléments se
retrouvent dans la pratique médicale.
A- Définition de l’interhumain
Il est difficile pour nous de trouver une définition générale de l’interhumain. Ce qui
caractérise en réalité cette notion est plutôt sa polysémie. Toutefois, malgré les apparentes
différences allant d’un auteur à un autre pour traduire ce qu’est l’interhumain, le plus
important est dans la saisie du fait qu’il existe un socle commun qui fédère tous les éléments
permettant de caractériser l’interhumain. Ce socle pourrait être traduit par la notion de
fraternité. Fraternité parce qu’il y a quelque chose en commun qui est partagé par les
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