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relative nouveauté est d’ordre linguistique (elle mériterait une analyse critique relevant de la
philosophie analytique, Austin, Searle). On utilise désormais un mot pour nous exotique et
plus technique, et surtout plus approprié pour les publications internationales soumises à la
tyrannie de l’impact factor et de l’ISI : il s’agit de l’insight, donné généralement pour
équivalent de « conscience du trouble » (awareness of disease) ; bien que Markova [19]
insiste pour que soient distingués clairement insight et awareness. Il a surtout le mérite de
correspondre à l’intitulé des différentes échelles de la psychopathologie quantitative [6–11]. Il
s’agit en réalité d’un retour aux sources de la psychiatrie moderne et aux premiers aliénistes
du XIXe siècle. L’altération de la conscience et la perte de la raison, sinon de la liberté [14],
étant pratiquement synonymes d’aliénation et de psychose (ce concept flou et nettement plus
tardif, qui n’en finit pas de disparaître des nomenclatures). Ce n’est pas, comme l’affirment
David ou Fulford en 1934, avec Aubrey Lewis que tout commence, mais bien un siècle et
demi auparavant avec les auteurs français, qui évidemment n’utilisaient pas le mot insight lui-
même…
Il y a deux domaines où la notion de discernement et de lucidité est fondamentale :
1) la psychopathologie et la clinique psychiatrique, comme élément central du trouble
mental ;
2) en matière d’expertise psychiatrique, puisqu’on demande aux psychiatres quel était
le « degré de discernement » lors de la commission d’une infraction (crime ou délit).
Dans le code pénal napoléonien de 1810, l’article 64 déresponsabilisait la personne (ni
crime, ni délit) en cas de « démence », d’aliénation, sans autre précision ni autre définition.
C’est en 1990 avec l’article 122-1 du code pénal actuel qu’apparaît le terme de discernement
puisqu’il est demandé à l’expert de préciser si au moment de l’infraction, le discernement
avait pu être aboli ou altéré (mission impossible ?). Cela sans que ne soient donnés aucune
définition ni critère, aucun modus operandis…
Depuis les origines du Droit1 concernant l’irresponsabilité des criminels selon leur état
de folie, ou d’absence de volonté, et cela depuis l’Antiquité la plus reculée (Bible, Premier
1 En particulier, dans le droit canonique médiéval, l’intention et la volonté libres sont les conditions de la
responsabilité. Celui atteint de « fureur » est excusable pénalement parce qu’il lui manque la « facultas
deliberandi ». L’ignorance du crime par absence de raison empêche la sanction, car le fou ne sait pas ce qu’il
fait. Le droit anglais ancien reprend des concepts identiques d’intention criminelle et de maîtrise de la volonté, la
perte de l’usage de la raison rendant irresponsable l’aliéné. À partir de 1843, les Règles de Mc Naghten précisent
que le criminel malade mental est responsable s’il sait qu’il enfreint la loi. Pour être irresponsable, il faut qu’il ne
puisse pas différencier le bien du mal, qu’il ignore qu’il accomplit un « acte nuisible et répréhensible » [1,4].