Groupe de Lorentz et son algèbre de Lie dans leurs représentations

Groupe de Lorentz et son algèbre de Lie dans leurs
représentations dans l’algèbre de Pauli
Jean Parizet1
Résumé
Par une démarche directe, on propose une étude du groupe de Lorentz et de son algèbre
de Lie par leurs représentation dans l’algèbre de Pauli, après une présentation rapide de ce
groupe et de ces algèbres. Ainsi cette étude en est simplifiée, par exemple en permettant
d’obtenir aisément un élément de l’algèbre de Lie dont l’exponentielle est un élément donné
du groupe spécial de Lorentz, tout en approfondissant l’un des chapitres de l’ouvrage[4]
"Clifford Algebras and Spinors" (Cambridge University Press) de Pertti Lounesto - dont il
convient de saluer la mémoire.
1 Groupe de Lorentz L
R4étant muni de la forme de Minskovski, de matrice Q=c20
0Idans sa base
canonique, le groupe de Lorentz Lest celui des matrices Ldes endomorphisme de R4laissant
invariant la forme de Minkowski c’est à dire vérifiant
tLQL =Q(1)
On en déduit que si l’on écrit Lsous la forme
L=γtU/c
cV A ,(2)
son inverse est L1=Q1tL Q soit L1=γtV/c
cU tA, et ses coefficients vérifient
les relations — si γ6=1
γ2= 1 + tU U = 1 + tV V , A =S+VtU
1 + γ(3)
Sétant une matrice orthogonale telle que V=S U
Dans ce cas : det(L) = det(S).
Lorsque γest positif et Sune rotation, L∈ L+(groupe spécial de Lorentz). Sinon, dans l’in-
terprétation physique, il y a renversement du temps ou retournement de l’espace, voire les deux.
Si γ=1,Lest de la forme L=1 0
0SSest orthogonale.
Les matrices particulières de L+
L(R) = 1 0
0R, L(U) = γtU/c
cU I +UtU
1+γ
114920 Mathieu
1
– où Rest une matrice de rotation et où γpositif et Usont liés par (3) – sont appelées matrice
de rotation pure et matrice de Lorentz pure de vecteur U(boost pour les anglo-saxons).
Lappartenant à L+, de la forme (2) avec S=R, peut s’écrire :
L=L(R)L(U) = L(V)L(R)(4)
L’algèbre de Lie de Ls’obtient de manière traditionnelle : soit L:I → L de classe C1
sur l’intervalle réel I, et pour Xfixé soit Xs=LsX. En dérivant il vient
˙
Xs=˙
LsXsoit ˙
Xs= ΣsXsavec Σs=LsL1
s
d’où puisque tLsQ Ls=Q:
tΣQ+QΣ = 0,et la forme de Σ : Σ = 0tX/c
cX (5)
Réciproquement soit sΣscontinue sur Ià valeurs une matrice réelle d’ordre 4 telle que
(s, tΣsQ+QΣs= 0). La solution de ˙
Ls= ΣsLspour la condition initiale Ls0∈ L vérifie
d
dt (tLsQ Ls) = tLs(tΣsQ+QΣs)Ls= 0
elle a donc ses valeurs dans Len étant de même nature que Ls0, par exemple appartenant comme
elle à L+, ou présentant continûment un renversement du temps ou un retournement de l’espace
ou les deux par simple raison de connexité, Iétant un intervalle.
2 Algèbre de Pauli P
L’algèbre de Pauli Pest tout simplement l’algèbre M2(C)des matrices d’ordre deux sur C,
considérée comme algèbre réelle de dimension huit, de base engendrée par les matrices de Pauli
σ1=0 1
1 0 , σ2=0i
i0, σ3=1 0
01avec aussi σ0=1 0
0 1
soit la base (σ0, σ1, σ2, σ3, σ2σ3, σ3σ1, σ1σ2, σ1σ2σ3)notée (σ0, σ1, σ2, σ3, iσ1, iσ2, iσ3, iσ0)en
accord avec les notations dans M2(C).
Rappelons les relations σiσj+σjσi= 2δij σ0pour (i, j = 1,2,3).
Un élément ξde Ps’écrit à priori
ξ=0+ibσ0+u+iv ou (a+ib)σ0+ (u+iv)(6)
u=P3
k=1 ukσket v=P3
k=1 vkσk.
On décompose Pen somme directe des scalaires, pseudoscalaires, vecteurs et pseudovecteurs :
P=Sc(P)P sSc(P)Vec(P)P sVec(P).
L’hermitienne de ξdonnée par (9) s’écrit : ξ=0ibσ0+uiv.
Le déterminant de ξ=0+ibσ0+u+iv s’obtient en multipliant ξpar sa coadjointe ξc:
ξc=0+ibσ0uiv =det(ξ)σ0=ξ ξc= (a2b2~u2+~v2+ 2i(ab ~u.~v))σ0(7)
Remarquons
det ξ= (a+ib)2+ det(u+iv),det(u+iv)σ0=(u+iv)2.
2
Conventions géométriques
1. Il est commode d’identifier un vecteur de Vec(P)avec celui de R3euclidien orienté de
mêmes composantes dans la base canonique : x=P3
k=1 xkσk~x =P3
k=1 xk~ek.
Ainsi écrit-on :
uv = (~u.~v)σ0+i ~u ~v
relation utile pour faciliter les calculs dans P.
2. De manière analogue, identifions un élément de Sc(P)Vec(P)avec le vecteur de R4muni
de la forme de Minkovski Q, la base canonique ~e0, ~e1, ~e2, ~e3,vérifiant
Q(~e0) = c2, k = 1,2,3 : Q(~ek) = 1,
de sorte que
ct σ0+
3
X
k=1
xkσkt ~eo+~x =t ~e0+
3
X
k=1
xk~ek(8)
D’après (7)
Q(t ~e0+~x) = det(ct σ0+x)
Dans la suite nous noterons τ=ct +x, en omettant plus généralement d’écrire σ0unité
de l’Algèbre P(ce qui revient à écrire 1 à la place de σ0) .
Notons que ξSc(P)Vec(P) si et seulement si ξ=ξhermitienne de ξ:
(a+ib +u+iv)=aib +uiv.
3 Représentation dans Pdu groupe de Lorentz
L’application
τ=ct +x7→ τ0=ct0+x0=ξ(ct +x)ξ=ξ τ ξ(9)
est un endomorphisme de Sc(P)Vec(P)qui conserve Qssi |det(ξ)|2= 1.
Quitte à diviser ξpar l’une des racines carrées de son déterminant, on peut supposer que ξ
vérifie
det(ξ) = 1.
ce dont nous conviendrons dans la suite et dirons que ξest unitaire (unimodulaire serait plus
exact, mais unitaire a une connotation vectorielle).
On obtient les représentations de Ldans P.
Car en supposant ξsous la forme (6), son déterminant valant 1 on a d’après (7) :
a2b2u2+v2= 1 , ab ~u.~v = 0
d’où la démarche
1. Si ~v = 0, nécessairement b= 0 et a2u2= 1.
Il existe ϕréel et ~
lunitaire tels que
ξ=ch ϕ
2+sh ϕ
2l
et en développant (9) on vérifie que ξreprésente une transformation de Lorentz pure de
vecteur sh ϕ~
l. Il est commode d’écrire ξselon β(sh ϕ
2l); notons que β=β.
2. Si ~v 6= 0, un calcul direct montre que
(aiv)ξ= (a2+v2)+(au +bv +~v ~u).
Puisque (aiv)1= (a+iv)/(a2+v2):
a+ib +u+iv =a+iv
a2+v2.a2+v2+au +bv +~v ~u
a2+v2
ou encore a2+v2+au +bv +~u ~v
a2+v2.a+iv
a2+v2
(10)
3
la seconde expression étant obtenue en considérant ξ . (aiv).
Il existe θréel et ~n unitaire tels que
ρ= cos θ
2isin θ
2navec cos θ
2=a
a2+v2,sin θ
2~n =~v
a2+v2(11)
et en développant (9) (pour ρ) on voit que ρreprésente une rotation pure d’angle θautour
de l’axe dirigé par ~n. Lorsque cette rotation est un demi-tour (ssi a= 0) on choisit ρ=in ,
sinon on note ρsous la forme ρ(tan θ
2n).
3. En conclusion selon (4), pour ξunitaire, (9) correspond à un élément de L+– la réciproque
est évidente, et les relations (10) sont les transcriptions des relations (4) (compositions
polaires). Il est intéressant de noter, si a6= 0, que la rotation Rfigurant dans (4) n’est pas
un demi-tour et que v
a(dans la représentation par ξ) est le vecteur d’O.Rodrigues de R.
4. En considérant, ξétant toujours unitaire
τ7→ ξ(τc)ξ, τ 7→ ξ τcξet τ7→ −ξ τ ξ,
on obtient alors les représentations dans Pdes transformations de Lorentz changeant
l’orientation du temps ou de l’espace ou des deux.
Remarques
1. La représentation précédente de L+dans Pdonne immédiatement la structure de groupe
de L+. Avec les notations de (2) et (6), le coefficient γde la matrice Lest le terme
scalaire de ξξ:γ=a2+b2+u2+v2= 1 + 2(a2+v2)>1car ξest unitaire, et si
γ=ch ϕ:a2+v2=ch 2ϕ
2.
2. Notons que x7→ ρ x ρreprésente une rotation dans R3. D’ailleurs ρ=ρ1.
3. Il est facile de passer de L∈ L+àξ∈ P unitaire la représentant, et réciproquement ; il
y a ambiguïté entre le choix de ξou celui de ξ. A partir de L, sa première ligne (avec
γ=ch ϕ) donne β(sh ϕ
2l), et la matrice Rdonne ρ=in ou ρ(tan θ
2n).
4. Si ξunitaire correspond à L(R)L(U)(= L(V)L(R)) selon (6),
alors ξccorrespond à L(U)L(R1)et ξàL(R1)L(V) =t(L(V)L(R)).
5. La connaissance de u+iv entraîne celle de ±(a+ib)(de carré 1 + (u+iv)2) — c’est à dire
de ξet de ξc— qui correspondent à Let L1.
Digression : les Quaternions
Remarquons que la sous-algèbre de Pengendrée par (σ0,1,2,3)de table de mul-
tiplication (en posant σo= 1 et j=τjpour j=1,2,3)
τ1τ2τ3
τ1-1 τ3-τ2
τ2-τ3-1 τ1
τ3τ2-τ1-1
n’est autre que le corps des quaternions H.
Hétant la somme directe Sc(H)Vec(H), on identifie les scalaires de Haux réels et ses
vecteurs aux vecteurs de R3selon u=P3
k=1 ukτk~u =P3
k=1 uk~ek. Remarquons que selon
l’identification des vecteurs de Pà ceux de R3:u~u, nous avons dans P:u=iu en accord
avec la définition des τk.
C’est ainsi qu’une rotation d’axe orienté par ~n unitaire et d’angle θest représentée dans Hpar
x7→ (cos θ
2+ sin θ
2n)x(cos θ
2sin θ
2n)
Notons que det(x) = ||~x ||2.
4
4 Représentation dans Pde l’algèbre de Lie de L+
L’emploi de la représentation de L+dans Ppermet d’obtenir aisément, pour tout élément
de L+un élément de l’algèbre de Lie du groupe de Lorentz dont le premier est l’exponentielle
du second ; on dira que celui-ci est le logarithme de celui-là. Ainsi peut-on obtenir certaines
propriétés de L+.
Algèbre de Lie des matrices unitaires de P
1. Soit ξ:I → P de classe C1sur l’intervalle réel Iet à valeurs unitaires. τétant fixe de
Sc(P)Vec(P), soit τs=ξsτ ξ
s: en dérivant et exprimant ˙τsà l’aide de τson obtient
˙τs=ηsτs+τsη
savec ηs=˙
ξsξ1
s.
Si on considère τs=ξ(τc
s)ξou τs=ξ τc
sξou τs=ξ τsξ, on retrouve ηs.
2. Puisque ξ1
s=ξc
s(ξsétant unitaire) , et que dans P:αβc= (βαc)c,d
ds (ξsξc
s)=0
entraîne :
ηs+ηc
s= 0 donc ηsest de la forme ηs= ˜u+i˜v.
Ainsi ηest à valeurs dans Vec(P)P sVec(P)et l’endomorphisme de R4correspondant à
τ7→ ητ +τη s’écrit en utilisant (8)
t ~e0+~x 7→ t0~e0+~x0avec t0= 2~
˜u . ~x
c, ~x0= 2ct~
˜u~
˜v~x!
On retrouve la forme des matrices de l’algèbre de Lie de L+—cf (5) :
0 2 t˜
U/c
2c˜
U2Ω~
˜v~
˜vest la matrice de ~x 7→ ~
˜v~x.
Exemples classiques : β=ch s
2+sh s
2l:η=l
2;ρ= cos s
2isin s
2n:η=in
2
3. Réciproquement soit η:I → P à valeurs dans Vec(P)P sVec(P), continue sur cet inter-
valle réel, et soit ξla solution de ˙
ξ=ηξ pour la condition initiale ξs0.
Puisque d
ds det(ξs) = d
ds (ξsξc
s) = (ηs+ηc
s) det(ξs) = 0 , ainsi det(ξs) = det(ξso):
ξest à valeurs unitaires si et seulement si ξ0est unitaire.
Et pour ce choix de ξ0et τfixé, on obtient avec τs=ξsτ ξ
sou τs=ξ(τc
s)ξ
ou τs=ξ τc
sξou τs=ξ τsξ, trajectoires issues de τsous l’effet d’une famille
de transformations de Lorentz de même nature (conservant ou non les orientations du
temps et/ou de l’espace).
4. En conclusion, Vec(P)P sVec(P)est l’algèbre de Lie du groupe des matrices de Pauli
unitaires.
Le crochet de Lie de cette algèbre s’exprime selon
[u+iv, u0+iv0] := ((u+iv)(u0+iv0)(u0+iv0)(u+iv) = i(u+iv)(u0+iv0)
Dans Hon retrouve le crochet de Lie de l’algèbre de Lie des matrices orthogonales s’expri-
mant par un produit vectoriel.
Exponentielle et logarithme de certains élément de P
Lorsque ηest un élément de Vec(P)P sVec(P), la solution de ˙
ξ=ηξ pour la condition
initiale ξ0= 1 est exp(). On peut l’obtenir selon la démarche plus générale suivante qui
fait intervenir l’algèbre engendrée par ξ,algèbre complexe de dimension deux (si ξn’est
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