Nota : il s’agit d’une première version des notes de cours. Merci de signaler les erreurs à [email protected] version du 16 septembre 2015 Chapitre I - L’approche de Langevin pour le mouvement Brownien But du chapitre : discuter du sens physique de l’équation de Langevin (fluctuations, réponse à une force extérieure . . . ). Mettre au jour le lien entre fluctuations et dissipation. Un vice de forme s’est glissé dans la discussion. . . lequel ? (réponse à la fin du chapitre). 1 Colloı̈des et mouvement Brownien En 1827, le botaniste R. Brown découvre que de petits grains de pollen (∼ 1 µm), immergés dans un fluide, ont un mouvement erratique, compliqué et incessant. Il remarque que le même phénomène se produit avec des petits minéraux. C’est une observation importante car elle exclut une quelconque force vitale qui serait propre aux objets biologiques. De manière générale, tout objet de taille mésoscopique (intermédiaire entre micro et macro) exhibe le même mouvement dit Brownien : [1] les objets ne doivent pas être trop gros, pour être sensibles à l’agitation thermique, [2] tout en étant beaucoup plus massifs que les molécules du fluide porteur. • La contrainte [1] impose, pour un colloı̈de sphérique de rayon σ et de densité de masse ρ : (ρ g σ 3 ) σ < kT ⇒σ< kT ρg 1/4 ∼ 1 40 eV 103 . 10 (où g gravité) !1/4 ∼ 10−20 104 1/4 ∼ 10−6 m • La contrainte [2] impose grosso modo : σ > 10−8 ou 10−9 m ֒→ taille comprise entre 10−8 et 10−6 m (dans un solvant comme l’eau) On parle de colloı̈des, définis initialement par le chimiste écossais T. Graham dans les années 1860 comme étant des substances qui ne diffusent pas à travers des membranes semiperméables, ce qui conduit à la même contrainte de taille que ci-dessus : σ > 10−9 m ; ces substances se présentaient souvent sous formes de gommes, de colles (κσλλα en grec, d’où le nom “colloı̈des”). Synonyme aujourd’hui : matière molle, ce qui ne fait pas trop mal quand on le reçoit dans la figure. L’idée que le mouvement d’un colloı̈de était dû aux collisions incessantes avec le fluide porteur s’est répandue à la fin du XIXième siècle, et c’est Einstein qui a le premier proposé une explication claire du phénomène (1905). Les expériences sur l’équilibre de sédimentation par Jean Perrin (prix Nobel 1926) en ont donné une confirmation expérimentale, ainsi qu’une mesure du nombre d’Avogadro (fondement de la théorie atomique de la matière). On doit mentionner toutefois que les lois fondamentales du mouvement Brownien avaient été obtenues un peu auparavant par Louis Bachelier dans sa thèse “Théorie de la spéculation” (1900), même si les objets considérés étaient bien différents. Enfin, historiquement, c’est dans le cadre de l’étude du mouvement Brownien que le premier processus stochastique a été construit (N. Wiener 1923). Point important pour l’histoire des mathématiques. Ce domaine a été mis à l’honneur avec la médaille Fields de Wendelin Werner en 2006, de nouveau en 2010 avec Stanislas Smirnov puis en 2014 avec Martin Hairer, qui se sont vus décerner la même récompense. 1 ֒→ les idées et méthodes qui vont suivre dépassent largement le cadre des suspensions colloı̈dales. Elles sont applicables à la classe de phénomènes où le bruit joue un rôle important (biologie, finance, chimie...). 2 Le modèle de Langevin Par souci de simplicité : traiter le problème à une dimension ; généralisation à dimension d immédiate. Dans les premières approches (Einstein, Schmoluchowski), l’inertie des colloı̈des était négligée. Langevin a proposé un raisonnement plus élaboré [CRAS 146, 530 (1908)]. On s’intéresse au centre de masse du colloı̈de x(t) : v= dx dt et m dv = Fext + F dt UN SEUL COLLOIDE ICI La force F est due aux interactions avec le fluide porteur, supposé à l’équilibre à la température T . Fonction désespérément compliquée (fluide porteur constitué d’un grand nombre de molécules) mais possède deux caractéristiques essentielles : (a) fluctue sur une échelle de temps τc ∼ temps de collision (faible, disons ∼ 10−15 s pour fixer les idées, voire moins), en raison de la succession des impacts moléculaires (b) si la particule est soumise à une force extérieure Fext que l’on arrête brusquement, la vitesse moyenne 1 de la particule doit être amortie par les collisions avec les molécules du fluide, ce qui donne une friction d’autant plus grande que v est grande (penser par exemple à la friction de Stokes 2 ) FStokes = −6π η σ v = −4π η σ v pour une sphère de rayon σ, où η : viscosité dynamique avec des conditions aux limites “slip” (par opposition à “stick”) La force F ne dépend pas explicitement du temps, mais implicitement, via les coordonnées de la particule et de toutes celles des molécules du fluide porteur. Il faudrait résoudre toutes les équations du mouvement couplées... Fort des remarques a) et b) ci dessus, le modèle de Langevin court-circuite ces problèmes en décrivant le mouvement par une équation phénoménologique. dv = − m γ v(t) + R(t) + Fext équation de Langevin (1) dt 1 où le coefficient de friction γ est constant [γ] = tps et R(t) est une force aléatoire indépendante de v, appelée force de Langevin. L’impossibilité de caractériser entièrement l’état du système global impose le recours à une description statistique, basée sur une moyenne d’ensemble. On considère une collection d’un grand nombre N de systèmes, avec mêmes valeurs de x et v, mais différant par les degrés de liberté du fluide (on parlera de réalisations du bruit) : m hR(t)i = Z N d d 1 X , , dt R(i) (t) =⇒ h i commute avec N dt dx i=1 En d’autres termes, il s’agit d’une moyenne d’ensemble, sur la fonction de distribution du fluide porteur (à l’équilibre, et donc de poids de Boltzmann bien défini). On peut aussi considérer que 1. prendre par exemple la moyenne sur un grand nombre de collisions, mais sur une échelle de temps suffisamment petite pour que v n’ait pas évolué. . . , cf discussions à venir 2. On suppose implicitement les nombres de Reynolds petits. Re = U.L/ν où ν est la viscosité cinématique ν = η/ρ = 10−3 /103 = 10−6 m2 /s pour l’eau. Donc, pour L = 1 µm, tant que U ≪ 1 m/s, on a Re ≪ 1. 2 la moyenne porte sur un grand nombre de particules dans le même fluide, à condition que les colloı̈des n’interagissent pas (grande distance mutuelle = régime dilué). R R (1) (2) Système 1 Système 2 t t ↔ τc Hypothèses sur la force de Langevin R(t), et conséquences * Fluide dans un état stationnaire, à l’équilibre : moyennes à un temps ne dépendent pas du temps, et hR(t) R(t′ )i ne dépend que de t − t′ d 1 hvi = −γhvi + hRi. Si l’on veut avoir hvi = 0 aux dt m temps longs, on doit avoir hRi = 0. * hR(t)i = 0 . Pour Fext = 0, on a * Fonction de corrélation C (τ ) = hR(t)R(t + τ )i est supposée connue. Elle décroı̂t très vite avec τ , sur échelle τc (temps de collision ∼ temps de corrélation de R). Fonction d’auto corrélation stationnaire ⇒ fonction paire 3 de τ . Elle vérifie 4 | C(τ ) |6 C(0). C(τ ) τc τ On pose : Z ∞ 0 hR(t)R(t + τ )i dτ = Γ m2 | {z } (2) C(τ ) On ne doit pas oublier que friction −γm v et force aléatoire R sont deux facettes d’un même phénomène : collisions avec le fluide ⇒ γ et Γ sont reliés, via une formule qui découle de la condition d’auto-cohérence de l’approche (cf plus loin). 3. Dans le cas complexe, on considérerait C (τ ) = hR(t) R∗ (t + τ )i. La stationnarité se traduit alors par C (τ ) = hR (t − τ ) R∗ (t)i = C ∗ (−τ ) 4. On peut noter que hA(t)B (t + τ )i définit un produit scalaire, d’où | C(τ ) | 6 C(0) (Cauchy-Schwartz). Par ailleurs, rien n’interdit à la fonction de corrélation C de devenir négative. 3 Si τc est beaucoup plus court que tous les autres temps du problème, une bonne approximation est C(τ ) ∝ δ(τ ) d’où C(τ ) = 2 Γ m2 δ(τ ) . L’ordre de grandeur de C(0) est Γm2 /τc . Il est important de ne jamais perdre de vue que τc n’est jamais strictement nul. 3 Diffusion, relaxation et réponse 3.1 Évolution de la vitesse Dans ce qui suit, on suppose Fext = 0, sauf mention du contraire, et C(τ ) = 2Γ m2 δ(τ ). A t = 0, on a v = v0 . L’équation m v̊ = −γ m v + R(t) s’intègre par “variation de la constante” v(t) = A(t) e−γt ⇒ m Å e−γt = R(t) ⇒ v(t) = v0 e −γt 1 + m Z t (3) R(t′ )e−γ(t−t ) dt′ ′ 0 e−γt −→ moyenne de v(t) : hv(t)i = v0 → amortissement avec temps caractéristique γ −1 −→ variance de v(t) : σv2 ≡ h(v − hvi)2 i = hv 2 i − hvi2 , carré de l’écart type. Z t Z t 1 ′ ′′ 2 ′ ⇒ σv = 2 dt dt′′ hR(t′ )R(t′′ )i e−γ(t−t ) e−γ(t−t ) {z } | m 0 0 = 2Γ Z 2m2 Γδ(t′ −t′′ ) t e −2γ(t−t′ ) 0 2 σv (4) Γ dt′ = 1 − e−2γt γ Γ γ 1 γ 0 t • t = 0 : σv2 = 0 (vitesse certaine). Puis, sous l’effet de la force aléatoire, les fluctuations apparaissent. • t ≪ γ −1 : σv2 ∼ 2 Γ t. Diffusion dans l’espace des vitesses, Γ est le coefficient de diffusion. A ces échelles de temps la friction est inopérante, et on a m v̊ = R → version continue d’une marche aléatoire (faire l’identification v → x, position du marcheur). Les “coups” reçus par la variable v produisent une diffusion standard. • t ≫ γ −1 : la friction agit et σv2 sature à Γ/γ. Equation complète → marcheur aléatoire retenu par les bretelles 5 (force harmonique x̊ = −γx + R). Le marcheur ne diffuse qu’aux temps courts (où il ne sent pas ses bretelles). 3.2 Une première relation de fluctuation-dissipation Aux temps longs, la particule doit se thermaliser avec un bain à température T , d’où hv 2 i = kT /m. Puisque hvi → 0 pour t ≫ γ −1 , on a 6 σv2 ∼ Γ/γ ∼ kT /m ⇒ γ = m Γ kT 5. Bretelles : braces (GB), suspenders (US) 6. Ecrire Γ = γ kT /m qui se comprend comme le coefficient de diffusion dans l’espace des v → 4 (5) [v]2 tps = γ kT /m Peut se réécrire 1 γ= 2mkT Z ∞ −∞ hR(t) R(t + τ )i dτ γ ≡ dissipation ; hR(t) R(t + τ )i ≡ fluctuation Relation également valable pour τc non nul, pourvu que τc ≪ γ −1 . Elle porte parfois le nom de seconde relation de fluctuation-dissipation (il en existe en effet une autre, qui relie γ aux fluctuations de vitesse, et qui apparaı̂tra sous peu). Cela traduit le fait que les collisions sont à l’origine de la friction et de la force fluctuante. Pour l’équation de Langevin retardée (ou généralisée), nous retrouverons une formulation très proche [Eq. (48)]. 3.3 Évolution de la position A t = 0, on suppose x = x0 = 0 et v = v0 . On intègre (3) Z ′ Z v0 v0 1 t ′ t ′′ ′ ′′ −γt x(t) = (1 − e ) + dt R(t′′ )e−γ(t −t ) ⇒ hx(t)i = (1 − e−γt ) dt γ m 0 γ 0 (6) qui varie de 0 à v0 /γ. Pour obtenir la variance de la position, on peut calculer σx2 = h(x−hxi)2 i = hx2 i − hxi2 via d 2 σ = 2 h(x − hxi)(v − hvii dt x Z t Z t′ Z t 2 ′ ′′ ′′′ ′′ ′ = 2 dt′′′ hR(t′′ )e−γ(t −t ) R(t′′′ )ie−γ(t−t ) dt dt m 0 0 0 Z t′ Z t dt′′ exp −γ(t′ − t′′ ) − γ(t − t′′ ) dt′ = 4Γ 0 (7) 0 2Γ = 2 (1 − e−γt )2 γ et comme σx2 (t = 0) = 0 (x est une variable certaine à t = 0) ; il vient 2Γ 1 2 2 −2γt −γt σx = 2 t + (1 − e ) − (1 − e ) γ 2γ γ (8) • t ≪ γ −1 : σx2 ∝ t3 , et hxi ∝ t ⇒ hx2 i ∼ hxi2 ∼ v02 t2 . Régime balistique aux temps courts, tant que la friction n’a pas pu agir. • t ≫ γ −1 σx2 ∼ 2Γ/γ 2 t ∼ hx2 i et hxi → constante. Régime diffusif avec coefficient de diffusion D = Γ /γ 2 = kT /(mγ) . Pour un rappel sur la diffusion en dimension d, voir page 6. Mentionnons ici que l’on peut obtenir une relation plus simple que (6) pour la position, en ′ intégrant le e−γt par partie 7 Z th i v0 1 ′ −γt x(t) = x0 + (1 − e ) + 1 − e−γ(t−t ) R(t′ ) dt′ . (9) γ mγ 0 Cela permet de trouver rapidement le résultat (8). 7. En effet, en notant F ′ la dérivée d’une fonction F : " #t Z Z t Z t′ ′ t −γt′ ′ ′′ −e−γt e F (t′ ) + dt′ e−γt dt′′ R(t′′ )eγt = γ γ 0 0 0 0 {z } | F (t′ ) F ′ (t′ ) | {z } R(t′ ) exp(γt′ ) Z Z ′ 1 t −eγt t ′ dt R(t′ )eγt + R(t′ ) dt′ γ γ 0 0 Z i ′ 1 th = 1 − e−γ(t−t ) R(t′ ) dt′ γ 0 = 5 dt′ 3.4 Limite des grandes frictions (Fext = 0) Dans la limite des temps longs (ou alternativement limite des grands γ puisque seul compte γt), les degrés de liberté de vitesse ont relaxé, et le terme d’inertie devient négligeable dans l’équation de Langevin m v̊ = −mγv + R. Peut également se voir en Fourier : imωb v = b −mγb v + R et ω → 0. L’équation du mouvement devient dx 1 = R(t) dt mγ (10) On parle aussi de limite visqueuse (“overdamped”), ou sur-amortie. C’est le type d’équation Rt considérée par Einstein et Schmoluchowski. Elle s’intègre immédiatement : mγx(t) = 0 R(t′ )dt′ (on suppose ici x(0) = 0) 8 1 Γ hx2 (t)i = 2 2 2m2 Γ t = 2 2 t m γ γ On retrouve la même diffusion avec D = Γ/γ 2 que plus haut, à la différence que ce comportement est ici valable à tout temps (il n’y a plus de régime balistique puisque l’inertie a été négligée). En considérant que R(t) donne à la particule des coups aléatoires (moyenne nulle, variance fixée) → marche aléatoire qui conduit naturellement à diffusion. On peut montrer que P (x, t) la densité de probabilité de x à l’instant t, obéit à l’équation de diffusion : ∂t P = D ∂x2 P (11) Rappel. En dimension d, ∂t P = D∇2 P implique immédiatement diffusion : Z Z d 2 2 h~r i = r ∂t P d~r = r2 D ∇2 P d~r dt Z I 2~ ~ ~ = D r ∇P · dS − 2~r · ∇P d~r {z } | 0 Z Z ~ + 2 div ~r P d~r = D −2 ~rP · dS | {z } (12) d = 2dD Remarque 1 : Si R(t) est modélisée par le processus gaussien stationnaire d’auto-corrélation C(τ ) ∝ δ(τ ), x(t) défini par x̊ = R est appelé processus de Wiener. Remarque 2 : Dans un potentiel extérieur harmonique, l’équation de Langevin devient mγ dx/dt = −mω02 x + R(t), qui est formellement très proche du Langevin initial sans force extérieure : dv m = −mγv + R(t) (13) dt Un tel processus est appelé processus d’Ornstein-Uhlenbeck. Cette dénomination suppose la distribution gaussienne à t = 0. Remarque 3 : Attention, la limite sur-amortie peut comporter des chausse-trappes. −→ Limite sur-amortie Z t 1 hR(t)x(t)i = hR(t)R(t′ )idt′ mγ 0 8. Plus généralement, la covariance s’écrit hx(t)x(t′ )i = 2 Γ γ −2 min (t, t)′ 6 (14) où la borne inférieure est sans importance (condition limite). On ne peut pas insérer brutalement hR(t)R(t′ )i = 2Γm2 δ(t − t′ ) ⇒ mal défini (15) On revient à τc fini mais petit, avec t ≫ τc Z ∞ Γ 1 hR(t)R(t + τ )i dτ ≃ m hR(t)x(t)i ≃ mγ 0 γ | {z } (16) Γm2 −→ Si l’inertie est prise en compte, de nouveau avec τc → 0, on trouve en revanche hR(t)x(t)i ∝ τc . Physiquement, l’inertie empêche la particule de suivre instantanément la force aléatoire. Plus formellement, on peut dire que la limite τc → 0 ne commute pas avec γ −1 → 0. Calculatoirement, on a Z ′ Z v0 1 t ′ t ′′ ′ ′′ −γt x(t) = (1 − e ) + dt R(t′′ )e−γ(t −t ) avec x(0) = 0 dt γ m 0 Z ′0 Z 1 t ′ t ′′ ′ ′′ hx(t)R(t)i = e−γ(t −t ) dt hR(t)R(t′′ )i dt | {z } m 0 0 (17) ′′ ′′ ∝ τc2 C(0)/m ∝ τc Γ m ≪ γ −1 Γ m C(t−t ), nul dès que (t−t )>τc C(0) ∝ Γm2 /τc où Alternativement, on peut utiliser x(t) = x0 + ⇒ hx(t)R(t)i = 1 mγ Z t 0 v0 1 (1 − e−γt ) + γ mγ Z t 0 [1 − e−γ(t−t ) ]R(t′ )dt′ [1 − e−γ(t−t ) ] hR(t)R(t′ )i dt′ | {z }| {z } ′ ≃γτc 2 Γm δ(t − t ) | {z } ′ ′ (18) largeur τc ≃ 3.5 1 γτc Γm2 ≃ τc Γ m mγ Mobilité et relation d’Einstein On revient à Langevin inertiel avec force extérieure mv̊ = −γmv + Fext + R ⇒ m d hvi = −γmhvi + Fext dt (19) En passant aux composantes de Fourier : Fext = Re(F0 eiωt ); hvi = hvi0 eiωt hvi = 1 1 m γ + iω | {z } F0 (20) A(ω) Admittance, inverse de l’impédance Dans le cas d’une force constante F0 , on définit la mobilité µ par : hvi0 = µF0 ⇒ µ= 1 mγ (21) Noter que la mobilité (mγ)−1 apparaı̂t dans la formulation suramortie, cf l’Eq. (10). Compte tenu de D = Γ/γ 2 et Γ = γkT /m (fluctuation-dissipation), on a D = µkT Relation d’Einstein-Sutherland 7 (22) D → fluctuation, µ → dissipation. C’est une autre facette de la relation profonde entre fluctuations et dissipation. Pour obtenir ce résultat, Einstein avait utilisé un autre raisonnement 9 . Il considère les particules colloı̈dales soumises à un potentiel extérieur Uext , en équilibre à température T . On note n(~r, t) la densité de la particule. A l’équilibre, le courant de diffusion ~ (Fick) doit équilibrer le courant de particules induit par la force appliquée −D∇n ~ ext nh~ v i = n µ F~ext = −nµ∇U i h ~ − nµ∇U ~ ext = ~0 = −D n ∇ ~ ln n + µ Uext ⇒ −D ∇n (23) D µ ⇒ n = n0 exp(− Uext ) D µ 1 Uext )⇒ = . Compte tenu de A l’équilibre, on doit retrouver le poids de Boltzmann exp(− kT D kT cette relation, il est instructif de réécrire l’équilibre des flux sous la forme : −∇(nkT )+nF~ext = ~0 ~ ression + F~ext = ~0 (cf Navierqui traduit l’équilibre mécanique du fluide de particules : − n1 ∇P Stokes). Ici la pression est la pression osmotique nkT . On retrouve la loi des gaz parfaits puisqu’on a négligé les interactions entre particules Browniennes (un seul colloı̈de). 3.6 Statistique de la vitesse Langevin inertiel mv̊ = −γmv +R(t). Nous n’avons fait aucune hypothèse sur la statistique de R(t) (quelle est sa loi de probabilité ?). Lorsque τc ≪ γ −1 (situation raisonnable physiquement, cf plus bas), ce n’est pas nécessaire pour trouver la statistique de v (et également, celle de x). En effet, revenons à Z 1 t ′ −γt v(t) = v0 e + R(t′ )e−γ(t−t ) dt′ où t ≫ τc m 0 On peut découper l’intervalle [0, t] en un grand nombre de tranches ∆t où τc ≪ ∆t ≪ γ −1 v(t) = v0 e −γt Z N e−γt X j∆t·γ (j+1)∆t + R(t′ )dt′ e m j∆t (24) j=0 R (j+1)∆t Avec j∆t R(t′ )dt′ que l’on notera B(∆t), on retrouve la somme d’un grand nombre (puisque ∆t ≫ τc ) de variables aléatoires indépendantes ֒→ distribution gaussienne nous dit le théorème de la limite centrale. Par conséquent, v(t), que l’on peut voir comme une somme de variables aléatoires gaussiennes, est également gaussienne. Il suffit donc de connaı̂tre hv(t)i et σv2 pour en caractériser entièrement la distribution de probabilité W : hvi = v0 e−γt ; σv2 = Γ (1 − e−2γt ) γ avec Γ kT = . γ m On peut écrire directement W en dimension d quelconque : d 2 m(v − v0 e−γt )2 m exp − W (v, t) = 2πkT (1 − e−2γt ) 2kT (1 − e−2γt ) (25) (26) Il s’agit de la loi de probabilité de v à un instant t donné, en ayant fixé v = v0 à t = 0. C’est donc une densité de probabilité conditionnelle, que l’on note souvent W (v, t | v0 ), caractéristique du processus d’Ornstein-Uhlenbeck 10 . kT 9. William Sutherland (injustement méconnu) a montré D = 6πηR dès 1904, et discuté en particulier l’influence des conditions aux limites hydrodynamiques sur le colloı̈de (passage 6π à 4π) 10. Attention, le processus d’Ornstein-Uhlenbeck est stationnaire, ce qui implique que la distribution initiale est gaussienne, alors que l’on a choisi ici un pic de Dirac. Ainsi, W (v, t | v0 ) coı̈ncide avec son pendant OrnsteinUhlenbeck, mais ce n’est pas le cas de W (v, t). Nous reviendrons sur les définitions au second chapitre. 8 t>0 W t=0 t→∞ 0 q kT m v0 v −→ On peut retrouver ce résultat de manière beaucoup plus pédestre, en calculant tous les moments de v hv 2n+1 i = 0 (27) hv 2n i = (2n − 1)!!hv 2 i = 1 × 3 × 5 · · · × (2n − 1)hv 2 i ce qui montre également que la densité probabilité de v est gaussienne. −→ On peut appliquer le même raisonnement pour x, également gaussien. On retrouverait kT qu’aux temps longs, W (x, t | x0 , v0 ) est la solution d’une équation de diffusion, avec D = mγ . 4 Dynamique des fluctuations de vitesse à l’équilibre On veut calculer hδv(t)δv(t′ )i où δv = v − hvi. A l’équilibre, hvi = 0 d’où hδv(t)δv(t′ )i = hv(t)v(t′ )i. En multipliant l’équation de Langevin pour v(t) par v(t′ ) et en prenant la valeur moyenne hi, il vient d 1 hv(t)v(t′ )i = −γhv(t)v(t′ )i + hR(t)v(t′ )i . (28) dt m | {z } ? Dans ce qui suit, on tient qualitativement compte de τc 6= 0, bien que très petit (devant γ −1 ). Nous allons calculer d’abord le terme h R(t)v(t′ ) i, duquel nous déduirons l’expression de l’autocorrélation vitesse-vitesse. 11 4.1 Rt Corrélation R − v, force de Langevin-vitesse On a v(t) = v0 e−γ(t−t0 ) + −∞ R(t ′ )e−γ(t−t′ ) dt′ /m Rt et donc t0 R(t′ )e−γ(t−t ) dt′ /m. En renvoyant t0 à −∞, il vient v(t) = ′ Z ′ 1 t ′ ′′ hR(t)R(t′′ )i e−γ(t −t ) dt′′ hR(t)v(t )i = m −∞ Z 1 +∞ ′ ′′ = hR(t)R(t′′ )i θ(t′ − t′′ ) e−γ(t −t ) dt′′ m −∞ ′ (29) 11. Le résultat final peut se trouver de façon plus astucieuse. Idée : prendre par exemple t > t′ ⇒ hR(t)v(t′ )i = 0 ′ ce qui donne hv(t)v(t′ )i = A(t′ )e−γt = kT e−γ(t−t ) en intégrant directement (28) ; enfin la dépendance temporelle m ′ doit être en | t − t |, par parité. On court-circuite ainsi les parties 4.1 et 4.2, qui ont toutefois le mérite de constituer un exercice formateur, et conseillé. 9 hR(t)R(t′′ )i e−γ(t −t ) θ(t′ − t′′ ) ′ ′′ τc t (cas t < t′ ) t (cas t > t′ ) t′ t′′ −→ cas t > t′ , avec t − t′ ≫ τc : hR(t)v(t′ )i = 0 v(t′ ), qui est déterminée par les valeurs de R aux instants antérieurs à t′ , ne peut être corrélée avec R dans le futur lointain de t′ . −→ cas t < t′ , avec t′ − t ≫ τc : hR(t)v(t′ )i = 2Γm e−γ(t −t) v(t′ ) corrélée aux forces R(t) antérieures, sur une fenêtre temporelle γ −1 ′ −→ Lorsque t ≃ t′ , i.e. |t − t′ | ∼ τc , on passe continûment d’un des comportements précédent à l’autre. En particulier, on a 12 hR(t)v(t)i = Γm d’où l’allure : hR(t)v(t′ )i 2Γm Γm τc γ −1 t′ t < t′ t > t′ t Il s’agit d’une fonction non symétrique, car ce n’est pas une fonction d’auto-corrélation. 4.2 Auto-corrélation de la vitesse On a vu m v(t) = Z t R(t′ )e−γ(t−t ) dt′ ′ −∞ Z t 1 ′′ hR(t′′ )v(t′ )ie−γ(t−t ) dt′′ ⇒ hv(t)v(t )i = m −∞ Γ −γ|t−t′ | = e avec τc → 0 et l’expression ci dessus pour hR(t′′ )v(t′ )i γ ′ 12. En effet, par stationnarité, d hv 2 i dt (30) = 0 = 2hvv̊i = 2hv(−γmv + Ri, d’où hv(t)R(t)i = γm hv 2 i = mΓ = γkT . 10 hv(t)v(t′ )i Γτc en réalité, bord arrondi départ parabolique Γ γ τc γ −1 t − t′ De nouveau, deux constantes de temps dans la dynamique fluctuante : τc , rapide et γ −1 : lente. Toutefois, le “poids” de la constante temps rapide est faible, O(γτc ). Ainsi, la vitesse peut être considérée comme variable lente, alors que R(t), qui la pilote, évolue sur une échelle rapide. Comme attendu, les intégrations successives lissent les singularités. hR(t)R(t′ )i t t′ −1 DV en 0 comme τc hR(t)v(t′ )i t t′ Discontinuité quand τc → 0 hv(t)v(t′ )i t t′ Fonction continue, mais dérivée discontinue si τc → 0 Remarque : Prenons t > t′ . On a d hv(t)v(t′ )i = −γhv(t)v(t′ )i dt qui a la même forme que l’équation décrivant l’évolution moyenne à un temps : (31) d hv(t)i = −γhv(t)i. (32) dt Dans (31), la moyenne porte à la fois sur les variables du bain (fluide) et de la particule en équilibre avec le bain (on pourrait noter cela ≪≫, pour marquer la différence avec hi, qui porte usuellement sur le bain avec par exemple v0 fixé, x0 ...). En revanche, dans (32), hi est une moyenne hors équilibre, et porte uniquement sur les variables du bain (la particule a pu être “lancée” à t = 0 avec v0 ...) On voit apparaı̂tre le lien entre régression des fluctuations à l’équilibre, et la loi de relaxation d’une perturbation hors équilibre. Ce lien a été formalisé par Onsager [Phys. Rev. 37, 405 (1931) ; 38, 2265 (1931)]. ֒→ Hypothèse de régression d’ Onsager, utile en pratique pour relier une friction calculée à l’équilibre (via (31)) à une situation hors équilibre via (32). 4.3 Une nouvelle relation de fluctuation-dissipation Avec hv(t)v(t + τ )i = kT −γ|τ | e , on a m Z ∞ kT 1 e−iωτ hv(t)v(t + τ )i dτ = = kT A(ω) m γ + iω 0 11 (33) ֒→ A(ω) admittance complexe, réponse à une force sinusoı̈dale 1 A(ω) = kT Z ∞ 0 e−iωτ hv(0)v(τ )idτ → théorème de fluctuation-dissipation Dans la limite statique ω → 0, on a A(0) = D= Z ∞ 0 (34) D 1 = où D est le coefficient de diffusion. mγ kT hv(0)v(τ )i dτ → relation de Green-Kubo (35) C’est une relation très générale qui a semble t-il été découverte par Geoffrey Taylor (1921), dans le contexte de la turbulence. Elle est toujours vraie dès qu’il y a diffusion. En effet d h(x(t) − hxi )2 i = 2hx(t) − hxi v(t)i |{z} |{z} dt ou x0 =2 Z ou x0 t 0 hv(t)v(t′ )idt′ . Reste alors à voir si la limite t → ∞ existe, auquel cas nous avons affaire à un comportement diffusif. 5 Intégration numérique C’est le domaine de la dynamique Brownienne, technique de simulation mésoscopique dans laquelle les molécules du fluide porteur ne sont pas prises en compte explicitement mais implicitement, via la force de Langevin. Il exploite la grande séparation entre échelle de temps mésoscopique (polymère, colloı̈de...) et microscopique (τc ) → coarse-graining (gros grain), qui autorise les simulations sur des temps beaucoup plus longs que la Dynamique Moléculaire, où toutes les équations du mouvement (Newton) sont intégrées. Pour simplifier, on considère la limite sur-amortie x̊ = −∂x V (x) + R(t) où V est un potentiel extérieur quelconque. On discrétise le temps et on considère les variables adimensionnées (comme toujours dans les simulations) avec hR(t)R(t + τ )i = 2δ(τ ) x(t + ∆t) = x(t) − (∂x V )∆t + Z | t+∆t R(t′ )dt′ {z } t (36) B(∆t), voir page 8 B(∆t) → variable aléatoire gaussienne, moyenne nulle, quelle variance ? 2 hB i = Z t+∆t t hR(t′ )R(t′′ )idt′ dt′′ = 2∆t d’où x(t + ∆t) = x(t) − (∂x V )∆t + √ 2∆t b (37) où b est une variable aléatoire gaussienne G(0, 1) de densité de probabilité (pdf, probability density b2 distribution) W (b) = √12π e− 2 Aparté : Numériquement, on ne dispose que de générateurs aléatoires uniformes sur [0, 1]. Soit √ y1 et y2 de telles variables. Pour obtenir la gaussienne b, calculer b = −2 ln y1 cos(2πy2 ). En remplaçant cos par sin, on obtient une autre variable aléatoire G(0, 1) indépendante de b. Cette 12 technique portele de méthode de Box-Muller. Pnom 12 Variante : b = i=1 yi − 6 est aussi ≃ G(0, 1) (théorème central limite...). En pratique, on peut prendre b non gaussien, pourvu que hbi = 0, hb2 i = 1, et que sa densité de probabilité décroisse suffisamment vite (exp). Problème d’une approche de type (37) : l’erreur est en O(∆t) et pas O(∆t2 ) comme ce serait le cas avec une équation différentielle déterministe → améliorer le schéma avec Runge-Kutta... 6 6.1 Conclusion Ordres de grandeur Modélisation usuelle avec bruit blanc (δ corrélé en temps) suppose une séparation importante γ −1 ≫ τc . On peut considérer (assez arbitrairement) τc ∼ 10−15 s pour un liquide ordinaire. Pour un colloı̈de sphérique de rayon σ, mγ = 6 πση où η est la viscosité dynamique. Dans l’eau, η ≃ 10−3 Pa.s et pour σ = 1 µm, on a m ∝ ρ σ 3 ≃ 103 (10−6 )3 ≃ 10−15 kg γ −1 ≃ m 10−15 ≃ 1−6−3 ≃ 10−7 s 10 σ η 10 Comme γ −1 ∝ σ 2 , on a encore γ −1 ≃ 10−11 s pour σ = 10 nm ⇒ τc ≪ γ −1 . Ordre de grandeur pour la diffusion : D∼ kT kT 10−20 ∼ ∼ ∼ 10−12 m2 /s mγ 10ση 10 · 10−6 · 10−3 pour σ = 1 µm (38) Pour σ = 1 nm, et à supposer que l’on puisse appliquer nos formules pour d’aussi petites tailles, on aurait D ∼ 10−9 m2 /s, estimation qui n’est pas ridicule. A comparer en effet au coefficient de diffusion de petites molécules dans l’eau : D ∼ 10−9 m2 /s et pour un gaz, par exemple N2 à 1 atm et température ambiante D ∼ 10−5 m2 /s. Enfin, combien de temps une particule Brownienne met-elle pour diffuser sur une distance de l’ordre de son diamètre ? Ce temps t∗ peut être estimé par σ 2 = Dt∗ . Pour σ = 1 µm, t∗ = 10−12 /10−12 ∼ 1 s. Nous en concluons τc ≪ γ −1 ≪ t∗ . (39) Séparation “complète” des échelles de temps : situation agréable pour un théoricien, et relation d’ordre à garder en tête pour le chapitre Fokker-Planck à suivre, dans le but de donner un sens à certaines équations de diffusion. Noter aussi que a) t∗ ∼ est un temps ‘lent’, qui rend l’observation expérimentale aisée, b) la limite sur-amortie est valable pour les tps ≫ γ −1 , donc souvent pertinente pour les colloı̈des, pour lesquels on ne souhaite pas nécessairement avoir une résolution temporelle aussi fine que la fraction de microseconde. 6.2 Le best-of τc ≪ γ −1 ⇒ corrélation R assimilée à pic de Dirac, d’où la formulation usuelle pour Langevin : mv̊ = −γv + Fext + R(t) hR(t)R(t + τ )i = 2 m γ kT δ(τ ) où 2mγkT est la variance du bruit, déterminée par hv 2 i = kT /m. 13 (40) Réécriture de portée générale : γ = 1 mkT R∞ 0 hR(t)R(t + τ )idτ Comportement diffusif aux temps ≫ γ −1 avec kT = µkT (Einstein) mγ Z ∞ hv(t)v(t + τ )i dτ = D= (41) 0 obtenu en calculant d’abord l’auto-corrélation de v, où µ est la mobilité. En dimension d quelconque, travailler composante par composante (cartésienne) → tout reste ↔ ↔ ~ R(t ~ + τ )i = 2dmγkT δ(τ ) I , où I est la matrice identité valable. On a donc hR(t) Diffusion h~r 2 i ∼ 2dD t aux temps longs, avec Z ∞ Z 1 ∞ hvx (t)vx (t + τ )i dτ = h~v (t) · ~v (t + τ )i dτ. D = d 0 0 6.3 Généralité de l’approche (Onsager et Machlup, Phys. Rev. 91, 1505 (1953)) L’équation de Langevin dépasse largement le cadre colloı̈dal/Brownien, et se révèle pertinente pour toute une classe de phénomènes où le bruit joue un rôle important. Prenons l’exemple d’un circuit R-C (on évitera de confondre la résistance avec le terme de bruit, noté ici U ) : i Q −Q R C Vext hQi Équation macroscopique : + RhQ̊i = Vext . Mais dissipation ⇒ fluctuation des grandeurs C microscopiques. On doit donc avoir Q + Vext + U (t) C (42) hU (t)i = 0 hU (t)U (t + τ )i = 2Γδ(τ ) kT hQ2 i = à l’équilibre, et on exprime Pour déterminer l’amplitude du bruit, Γ, on invoque 2C 2 fluctuation-dissipation par (Vext = 0) Z t 1 1 ′ U (t′ ) e− RC (t−t ) dt′ Q(t) = R −∞ Z t Z t 1 1 1 ′ ′′ dt′′ hU (t′ )U (t′′ )i e− RC (t−t ) e− RC (t−t ) dt′ hQ2 i = 2 R −∞ −∞ (43) 1 1 = 2 (2Γ ) RC R 2 = CkT RQ̊ = − ⇒ Γ = kT R 14 La source de bruit, localisée dans la résistance, provient de l’interaction des électrons de conduction avec les autres degré de liberté. Cela induit une tension fluctuante U (t) telle que Z +∞ 1 R= (44) hU (t)U (t + τ )i dτ (≃ théorème Nyquist) 2kT −∞ T est a priori la température de l’ensemble du circuit, mais c’est celle de R qui compte, pas celle des fils ni de la capacité (imaginer la situation avec des thermostats différents pour R, C · · · ). Ainsi à partir de la loi macroscopique, on obtient des propriétés sur les fluctuations. Le même exercice peut être repris pour un circuit LC, ou RLC ; dans tous les cas, la relation (44) est valable. Cette approche est toutefois dangereuse (problème dans les cas non linéaires avec bruit interne, voir la discussion sur le paradoxe de Brillouin dans le livre de Van Kampen). 13 Si problème, revenir à l’approche microscopique. 6.4 L’équation de Langevin généralisée (l’arnaque dévoilée) Notre discussion dans le cas τc 6= 0 recèle une incohérence. En un mot, la friction s’établit instantanément, ce qui est non physique. On peut voir le lien R(t) → v(t) comme un filtrage R +∞ linéaire avec fonction de réponse χ(t) : v(t) = −∞ R(t′ )χ(t − t′ )dt′ avec χ(t) = θ(t) e−γt /m χ(t) 0 t → réponse percussionnelle, peu physique car le temps de montée est infiniment court. Or, la friction, qui résulte des collisions avec le bain, ne peut s’établir instantanément. Le frottement s’établit sur un temps au moins égal à τc → il va nous falloir arrondir les angles. . . On peut tenir compte de ces effets avec une équation de Langevin généralisée (dite également retardée) Z t dv m γ e(t − t′ )v(t′ ) dt′ + R(t) + Fext (45) = −m dt −∞ R∞ où γ = 0 γ e(τ )dτ et γ e(τ ) ∝ δ(τ ) seulement pour τc → 0. Le noyau mémoire γ e est une fonction de largeur ∼ τc . Dans ce contexte, on obtient pour réponse à une force extérieure : hv(ω)i = A(ω)Fext (ω) avec A(ω) = 1 1 mγ e(ω) + iω γ e(ω) ≃ γ jusqu’à la fréquence de coupure τc−1 . Ici encore Z ∞ 1 hv(t)v(0)ieiωt dt (fluctuation-dissipation) A(ω) = kT 0 (46) (47) et 1 hR(t)R(t′ )i, mkT où l’on voit que le noyau mémoire décroı̂t sur une échelle de temps τc 14 . γ e(t − t′ ) = (48) 13. Si x̊ = f (x) + U (t), U (t) force fluctuante, alors hx̊i = hf (x)i = 6 f (hxi) si f non linéaire... Or c’est hxi que l’on mesure macroscopiquement 14. L’égalité cache un point lié à la causalité ; il faudrait prendre γ e(t) = 0 pour t < 0. 15 7 Références Ces notes sont en grande partie inspirées d’un cours donné par Claude Cohen-Tannoudji au Collège de France. On pourra également consulter le livre de Noëlle Pottier, Physique statistique hors d’équilibre, CNRS éditions (2007). 16