2. Premières notions de théorie des modèles - IMJ-PRG

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L���� �○  (N������ ��������)
Résumé. La théorie des modèles se concentre sur les structures relationnelles, et méconnaît a priori l’information
topologique, analytique, catégorique, etc. Mais sa force (et ce sans quoi elle ne serait qu’un langage un peu stérile)
est de prendre en compte les parties dites dé�nissables. Il y a donc quelques points de terminologie à préciser.
L’étudiant accablé par le début de la leçon ferait bien de décider si la �n en est aussi triviale et sans intérêt,
ou si lesdits points �nissent par porter des fruits. D’ailleurs nous irons aussi vite que possible et renverrons à un
cours niveau M pour les détails.
Références utiles :
— Les deux premières leçons du cours de M donné à Paris  (lien pdf)
— [Marker, §§.–. et .–.]
— D. M�����, Introduction to model theory. dans D. H������, A. P����� �� C. S�������� (éditeurs), Model
theory, algebra, and geometry, Mathematical Sciences Research Institute Publications, vol. . Cambridge
University Press, Cambridge, , pp.. –.
— [Borovik-Nesin, chapitre ] contient quelques rudiments d’un point de vue plus algébrique.
2. Premières notions de théorie des modèles
2.1. Syntaxe
Dé�nition 2.1. Un langage (sous-entendu du premier ordre) est la donnée de symboles :
— de constantes ;
— de relations unaires, binaires, ternaires, etc. (on dit aussi « prédicats ») ; on demande la présence de
=;
— de fonctions unaires, binaires, etc.
Exemple 2.2.
— Le langage des groupes est �groupes = {, =, − , ⋅}, où  est (un symbole de) constante ; = une relation
binaire ; − une fonction unaire, et ⋅ une relation binaire.
— Le langage des anneaux est �anneaux = {, , =, +, −, ⋅}.
Dé�nition 2.3. Un �-terme est une expression obtenue par itération �nie à partir :
— des constantes ;
— des variables x, y, . . . ;
— des fonctions.
Exemple 2.4.
—  ⋅ (x ⋅ (− ⋅ y − )) est un terme de �groupes .
—  ⋅ (x + (−y)) est un terme de �anneaux .
Dé�nition 2.5.
— Une �-formule atomique est une expression de la forme R(t  , . . . , t n ) où R est une relation n-aire
et les t i des termes.
— Une �-formule est une expression obtenue par itération �nie à partir :
— des formules atomiques ;
— des connecteurs booléens ¬ (négation), ∧ (conjonction), ∨ (disjonction), → (implication) ;
— des quanti�cateurs ∀x, ∃y.
— Un �-énoncé est une �-formule où toute variable est liée, i.e. quanti�ée.
Si en revanche une formule a encore des variables libres x, on l’indiquera systématiquement pour en
garder trace en la notant φ(x).
Exemple 2.6.
— φ(x) ∶ ∃y y ⋅ y = x est une formule de �groupes .
— ψ ∶ ∀x∃y y + y = x ⋅ x est un énoncé de �anneaux .
En fait la dé�nition précédente est un peu trop restrictive pour parler de polynômes à coe�cients dans
K, et nous l’étendrons dans un instant.

Chapitre I. L’Univers de la géométrie
2.2. Structures
Dé�nition 2.7. Une �-structure est un objet mathématique � où les divers symboles de � ont un sens,
i.e. où à chaque symbole de constante c ∈ � correspond une vraie constante c � ∈ �, à chaque symbole
de relation R ∈ � correspond (le graphe d’) une vraie relation R � ⊆ � n , à chaque symbole de fonction
f ∈ � correspond une vraie fonction f � ∶ � n → � .
Nous demanderons que =� soit la diagonale de �  , c’est-à-dire la vraie égalité. Nous dirons aussi que
� est une structure dans le langage �.
Avec cette notion de �-structure viennent aussi celles de �-sous-structure et de �-isomorphisme.
Dé�nition 2.8. Si � est une �-structure, φ(x, y) est une �-formule, et m ∈ � n est un uplet de même
longueur que y, nous dirons que φ(x, m) est une formule à paramètres dans � .
Dé�nition 2.9. Soient � une �-structure et φ(m) un énoncé à paramètres dans � . Alors φ(m) est soit
vrai soit faux dans � ; dans le premier cas nous dirons que � satisfait φ(m), noté � ⊧ φ(m).
En toute rigueur il faudrait véri�er que cela peut être formalisé rigoureusement. Le mérite en revient
à Alfred Tarski ; maintenant que c’est fait, nous pouvons librement suivre notre intuition, qui ne nous
trompe pas ici. L’étudiant anxieux peut se tourner vers un cours de logique niveau M pour les véri�cations
qui sont fastidieuses mais essentiellement triviales, car toutes du règne de la récurrence �nie ; leur intérêt
est méthodologique et épistémologique, mais pas mathématique.
Exemple 2.10. La notion de vérité est relative (c’est la modernité du point de vue tarskien) ; ainsi C ⊧
∃x x ⋅ x +  =  mais R ⊧
/ ∃x x ⋅ x +  = .
2.3. �éories et compacité
Dé�nition 2.11. Un ensemble de �-énoncés T est satisfaisable s’il existe une �-structure � ⊧ T (i.e.,
� ⊧ φ pour chaque φ ∈ T). On dit alors que � est un modèle de T et que T est une théorie (on évite
« théorie » pour quelque chose qui n’est pas satisfaisable, i.e. sans modèle).
En�n si tout modèle de T est un modèle de φ, on note T ⊧ φ.
Exemple 2.12.
— La théorie des groupes, dans �groupes , est formée des énoncés :
— ∀x∀y∀z x ⋅ (y ⋅ z) = (x ⋅ y) ⋅ z) ;
— ∀x  ⋅ x = x ⋅  = x ;
— ∀x x ⋅ x − = x − ⋅ x = .
Les modèles de cette théorie sont exactement les groupes.
— La théorie des corps dans �anneaux est formée d’un nombre �ni d’énoncés.
— La théorie des corps algébriquement clos ACF est formée de la théorie des corps, et pour chaque
entier n de l’axiome (de longueur croissante avec n) :
∀a n . . . ∀a  a n ≠  → ∃x a n x n + ⋅ ⋅ ⋅ + a  = 
Remarques 2.13.
— La théorie des groupes, la théorie des corps, peuvent se ramener à un seul axiome. En revanche
ACF est essentiellement in�nie : on ne peut pas quanti�er sur n plus haut.
— Gödel a montré l’équivalence entre satisfaisabilité et cohérence logique : il n’est donc pas illégitime
d’employer « cohérent » en place de « satisfaisable ». « Consistent » en revanche est un anglicisme.
Le théorème fondamental et point de départ de la chose est le suivant.
�éorème 2.14 (théorème de compacité de Gödel-Malcev). Un ensemble de �-énoncés est satisfaisable si
et seulement si tout sous-ensemble �ni l’est.

Leçon n○ 
Ce résultat n’est pas surprenant si l’on admet que la satisfaisabilité équivaut à la cohérence logique,
puisque cette dernière notion est �nitaire. Mais nous donnerons une démonstration plus honnête de ce
théorème.
Exemple 2.15.
— Il n’existe pas de �groupes -théorie dont les modèles soient exactement les groupes �nis. Si T était
telle, on formerait :
T ′ = T ∪ {∃x  . . . ∃x n � x i ≠ x j }n∈N
′
i≠ j
Ici encore, la taille de la formule croît avec n et T est essentiellement in�nie. Comme il existe des
groupes �nis arbitrairement grands, T ′ est �niment satisfaisable, donc satisfaisable : contradiction.
— Si φ est un énoncé des anneaux vrai dans tous les F p , alors il existe un corps de caractéristique
nulle K ⊧ φ.
On forme en e�et ACF ∪ {p ≠ } p∈� ∪ {φ} : par hypothèse, elle est �niment satisfaisable, donc
satisfaisable, dans un corps algébriquement clos de caractéristique nulle.
3. Parties dé�nissables
Le concept le plus important est celui de partie dé�nissable, dont nous donnons tout de suite la
dé�nition.
Dé�nition 3.1. Soit � une �-structure. Une partie X ⊆ � n est dé�nissable à paramètres b s’il existe une
formule à paramètres φ(x, b) telle que
X = φ(� , b) = {m ∈ � ∶ � ⊧ φ(m, b)}
Si l’on veut insister sur l’absence de paramètres requis, on dira ∅-dé�nissable.
Les constructibles sont ainsi, exactement, les dé�nissables à paramètres sans quanti�cateurs dans K.
Remarque 3.2. La classe dé�nissable est la plus petite famille de collections � = (�n )N telle que :
— les singletons sont dans � ;
— chaque graphe de relation, de fonction est dans � ;
— chaque �n est clos par permutations : si A ∈ �n et σ ∈ Symn , alors σ A = {(a σ() , . . . , a σ(n) ) ∶
(a  , . . . , a n ) ∈ A} ∈ �n ;
— chaque �n est une algèbre de Boole ;
— � est close par produits cartésiens ;
— � est close par projections : si A ∈ �n+ alors π(A) ∈ �n , où π(a  , . . . , a n+ ) = (a  , . . . , a n ).
Nous reviendrons abondamment sur la classe dé�nissable dès la prochaine leçon.
3.1. Élimination des quanti�cateurs
�éorème 3.3 (Chevalley-Tarski, formulé par un logicien). Soit φ(x) une formule de �anneaux . Alors il
existe une formle sans quanti�cateurs ψ(x) telle que ACF ⊧ ∀x φ(x) ↔ ψ(x).
On dit que la théorie ACF élimine les quanti�cateurs.
Remarques 3.4.
— Ceci entraîne bien la version géométrique. Soit en e�et dans K un corps algébriquement clos,
un sous-ensemble constructible C ⊆ Kn+ . Il est alors dé�ni par φ(x, b). Écrivons x = (y, x n+ ) ;
alors π(C) est dé�ni par ∃x n+ φ(y, x n+ , b), formule que nous notons ψ(y, b). Mais il existe une
formule sans quanti�cateurs χ(y, z) telle que ACF ⊧ ∀y∀z ψ(y, z) ↔ χ(y, z). Notamment K ⊧
∀y ψ(y, b) ↔ χ(y, b). Donc π(C) est dé�ni par χ(y, b), à paramètres mais sans quanti�cateurs :
π(C) = χ(K, b) est constructible.

Chapitre I. L’Univers de la géométrie
— Le théorème logique est plus fort que sa version géométrique car il introduit de l’uniformité en le
modèle et en les paramètres : χ ne dépend ni de K ni de b.
Lemme 3.5. Soit T une �-théorie. Alors sont équivalents :
— T élimine les quanti�cateurs (toute formule équivaut à une formule sans quanti�cateurs) ;
— T élimine les quanti�cateurs une fois (si φ(x, y) est sans quanti�cateurs, alors existe ψ(x) sans
quanti�cateurs telle que T ⊧ ∀x (∃y φ(x, y) ↔ ψ(x))).
Démonstration. Récurrence ; noter que ∀y φ(x, y) équivaut à ¬∃y ¬φ(x, y), qui équivaut à ¬χ(x) pour
χ sans quanti�cateurs associée à ∃y ¬φ.
Le résultat suivant est facile en théorie des modèles ; c’est un exercice en compacité pour lequel le
temps manque.
�éorème 3.6 (d’élimination). Soient T une �-théorie et φ(x) une formule. Alors φ équivaut modulo T à
une formule sans quanti�cateurs si et seulement si :
chaque fois que � , � ⊧ T et a ∈ � , b ∈ � sont tels que a ↦ b dé�nisse un isomorphisme des
structures engendrées ⟨a⟩ ≃ ⟨b⟩, on a que � ⊧ φ(a) entraîne � ⊧ φ(b).
La clause de test étant que deux uplets « en même con�guration sans quanti�cateurs » de part et d’autre,
doivent donner la même valeur de vérité à φ.
Démonstration du théorème de Chevalley-Tarski. Il su�t de démontrer qu’une formule ∃y φ(x, y) où
φ(x, y) est sans quanti�cateurs, équivaut à dans ACF à une fomrule sans quanti�cateurs. Nous invoquerons
le théorème d’élimination.
Soient K, L ⊧ ACF et a ∈ K, b ∈ L tels que a ↦ b dé�nisse un isomorphisme ⟨a⟩ ≃ ⟨b⟩ (en toute rigueur,
anneaux engendrés). Notons R a = ⟨a⟩, sous-anneau de K ; alors R a ≃ Rb , qui s’étend en R a [X] ≃ Rb [X].
Supposons K ⊧ ∃y φ(a, y) et montrons que L ⊧ ∃y φ(b, y). Or la formule sans quanti�cateurs
φ(x, y) est de la forme :
k
ℓi
⋁ � Pi , j (x, y) =  ∧ Q i (x, y) ≠ 
i= j=
pour des polynômes à coe�cients dans le corps premier. Par hypothèse existent r ∈ K et i ∈ {, . . . , k}
i
tels que K ⊧ ⋀ℓj=
Pi , j (a, r) =  ∧ Q i (a, r) ≠ . L’entier i est dorénavant �xé. On cherche s ∈ L tel que
i
L ⊧ ⋀ℓj=
Pi , j (b, s) =  ∧ Q i (b, s) ≠ .
— Si pour tout j, Pi , j (a, X) = , alors les polynômes Pi , j (b, X) sont nuls aussi : il su�t donc de
trouver s ∈ L tel que Q i (b, s) ≠ . Mais le polynôme Q i (a, X) n’est pas nul, donc Q i (b, X) non
plus : il su�t de prendre s ∈ L ne l’annulant pas.
— S’il existe j tel que Pi , j (a, X) ≠ , alors r est algébrique sur R a . Soit µ(X) = M(a, X) son polynôme
minimal à coe�cients dans R a : µ divise donc ceux des Pi , j (a, X) qui ne sont pas le polynôme nul.
En revanche, il ne divise pas Q i (a, X). Soit ν = M(b, X) ; ici encore, ν divise les Pi , j (b, X) mais
pas Q i (b, X).
Comme L est algébriquement clos, une racine s ∈ L de ν convient.
Dans les deux cas on peut conclure avec le théorème d’élimination.
Corollaire 3.7. ACF est fortement minimale : toute partie dé�nissable (en une seule variable) dans tout
modèle est �nie ou co�nie.
F�� �� �� ����� �○ .

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