Chapitre D L A C O M P L E XIT E D E S R E L AT IO NS E NT R E GÈ NE S , P H É NO T Y P E S E T E N VI R O N NE M E N T 1 Au cours du Chapitre A, nous avons vu que le phénotype se définit à différents niveaux : macroscopique, cellulaire et moléculaire. En réalité, le phénotype moléculaire permet d’expliquer le phénotype macroscopique. Or ce sont les gènes qui codent pour les protéines spécifiques responsables des caractères phénotypiques. Donc le génotype détermine le phénotype. En réalité, les relations entre le génotype et le phénotype sont souvent plus complexes. 1. Les phénotypes multigéniques. a. Plusieurs gènes pour un caractère. Un caractère est qualifié de monogénique s’il ne dépend que d’un seul gène. La majorité de ces caractères sont connus d’après l’étude de maladies génétiques : la présence d’allèles (version d’un gène) défectueux de ce gène se traduit par une absence ou un dysfonctionnement de la protéine correspondante. On peut citer comme maladies monogéniques, la mucoviscidose ou la myopathie de Duchenne. Cependant les caractères monogéniques sont rares. Un même caractère peut être gouverné non pas par un, mais par plusieurs gènes. La majorité des caractères visibles comme la couleur des yeux ou de la peau, la forme d’un organe, dépend de plusieurs gènes. Ces caractères sont qualifiés de multigéniques (ou encore de polygéniques). On peut prendre l’exemple de la synthèse de la mélanine. Cette synthèse résulte souvent d’une succession de réactions biochimiques qui transforment, étape par étape, un produit initial. Or dans le Chapitre A, nous avons vu que chacune des réactions est catalysée par une enzyme spécifique et chacune de ces enzymes est codée par un gène différent. Très souvent, la réalisation d’un caractère phénotypique est encore plus complexe. Reprenons l’exemple de la couleur de la peau. Pour que la peau prenne sa couleur, il faut une synthèse de mélanine mais aussi l’exportation de cette mélanine vers les cellules superficielles de l’épiderme. La synthèse de mélanine résulte d’une voie métabolique mettant en jeu plusieurs gènes mais l’exportation des vésicules contenant la mélanine nécessite une forme de myosine (protéine) qui est issue de l’expression d’un autre gène. Ainsi, pour un caractère, il n’y a pas un gène mais plusieurs gènes mis en jeu. b. Plusieurs génotypes possibles pour un même phénotype. Dans le cas des caractères monogéniques, le phénotype est le reflet direct du génotype. Il n’en est pas de même pour les caractères polygéniques. La couleur de la peau est un exemple de caractère polygénique : la mutation d’un gène se traduit par l’absence de pigmentation de la peau. Mais la mutation d’un gène très différent, qui code pour une protéine de la famille des myosines, empêche l’exportation des vésicules de mélanine vers les cellules épidermiques. Cette anomalie entraîne une absence de pigmentation de la peau. A travers cet exemple, on constate que des génotypes différents peuvent conduire à un même caractère phénotypique. L’idée essentielle à retenir est la suivante : Si nous connaissons le génotype de l’individu, nous pouvons en déduire son phénotype, mais l’inverse n’est pas vrai, la connaissance du phénotype ne permet pas de déduire avec certitude le génotype. 2 Jusqu’à présent nous avons considéré que le phénotype était déterminé à partir de l’expression d’un ou de plusieurs gènes. Le génotype participe à l’élaboration du phénotype. Cependant, de nombreux exemples permettent de montrer que l’environnement peut être un facteur important et influent dans l’apparition de différents caractères. 2. Le rôle de l’environnement dans l’apparition du phénotype. a. L’influence de l’environnement sur l’expression des gènes. Chaque cellule d’un organisme contient la totalité de l’information génétique mais seuls certains gènes s’expriment dans une cellule, lui conférant ses caractères propres. Cette expression est variable au cours du temps, en effet, elle peut être stoppée, activée, ralentie ou stimulée. On dit que l’expression de l’information génétique est régulée. L’influence de facteurs environnementaux sur l’expression génétique peut être constatée : sous l’influence du rayonnement solaire, la peau bronze. Le rayon solaire exerce une influence sur les mécanismes responsables de la synthèse de mélanine. b. L’effet des allèles d’un gène dépend de l’environnement. Les gènes codant pour des protéines sont directement responsables de la réalisation du phénotype. Mais, l’intervention d’une protéine dans la mise en place du phénotype est ellemême dépendante de facteurs environnementaux. Une mutation en un endroit précis du gène de la b-globine se traduit par la synthèse d’une Hb anormale (HbS). Cependant, la crise drépanocytaire ne se déclenche que dans des conditions particulières liées à l’environnement : c’est seulement quand la concentration en O2 diminue (c'est-à-dire l’hypoxie) ou bien si la température augmente, que cette Hb polymérise et déforme les hématies. On parle souvent de prédisposition génétique et de détermination multifactiorelle : que recouvrent ces expressions ? 3. Des relations complexes. a. La notion des gènes de prédisposition. On appelle gène de prédisposition, un gène dont la possession augmente la probabilité de développer un caractère donné. Certains gènes de prédisposition ont été identifiés dans le cas des cancers et des diabètes. La possession d’un gène de prédisposition est un facteur de risque mais il s’agit d’une probabilité et non d’une certitude. b. Le phénotype multifactoriel. La relation entre génotype et phénotype est complexe. La réalisation du phénotype dépend des gènes mais également de nombreux autres facteurs : interactions entre les différents gènes, influence du milieu extérieur, de l’alimentation, du milieu de vie. On peut prendre l’exemple du risque aux maladies cardiovasculaires : il dépend de nombreux facteurs génétiques mais également de l’alimentation, de la pratique ou non d’activités physiques, la consommation de tabac, d’alcool … La mise en place d’un caractère met en jeu, le plus souvent, de nombreux facteurs : On parle de phénotype multifactoriel = phénotype qui dépend de plusieurs facteurs différents, génétiques et / ou environnementaux. 3 Conclusion. La complexité des relations entre génotype et phénotype fait qu’il est très difficile de prédire précisément un phénotype à partir de la connaissance du génotype. Cependant, on connaît de plus en plus de gènes et on comprend mieux leur rôle. A l’heure actuelle, on se dirige vers une médecine prédictive, qui consiste à préciser une probabilité ou un risque de développer une maladie. 4