Pr Monnier
Je crois que ce que vous venez de dire va me faciliter la conclusion générale de cette présentation. Je conclurai de manière simple en disant que l’insulinothérapie dans le diabète de type 2, et je
crois que tout le monde en convient, doit être personnalisée d’abord dans ses modalités. Ceci peut être des schémas de type basal, des schémas de type basal bolus, des schémas de type basal
plus, des schémas avec des premix deux ou trois fois par jour bien que nous n’ayons pas trop soutenu ces derniers. Il faut aussi personnaliser les objectifs, c’est ce que nous venons de dire à
l’instant, les objectifs d’hémoglobine glyquée ne sont pas les mêmes en fonction de l’âge, de la présence de complications cardiovasculaires, du temps depuis lequel on suit ce malade. C’est une
thérapeutique qui n’est pas immuable au cours du temps. Elle doit être réajustée.
Comme l’a dit Éric Renard au tout début, la maladie diabétique de type 2 est une maladie évolutive, ne serait-ce que parce que l’insulinosécrétion s’épuise au cours du temps et parce que c’est
une maladie qui n’est pas stable. Ceci signifie que l’insulinothérapie basale de départ doit être souvent complétée par des schémas de plus en plus intensifiés, avec adjonction d’insuline ultra
rapide. Tout ceci est sous-tendu par le fait que l’espérance de vie (c’est une bonne chose) n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années. Ceci veut dire par conséquent que nous aurons
de plus en plus de diabétiques qui seront en épuisement insulinique au bout d’un certain nombre d’années. Ceci veut dire également que de plus en plus de diabétiques échapperont aux
antidiabétiques oraux et passeront sous insulinothérapie, basale dans un premier temps. Enfin ceci veut dire que ces insulinothérapies basales risquent de s’épuiser au bout d’un certain temps et
nous aurons de plus en plus de diabétiques qui passeront à des schémas intensifiés.
Pr Monnier
Je voudrais d’ailleurs, avant de faire la conclusion globale et dire que c’est une course de fond de plus en plus longue, demander au professeur Éric Renard (on aurait dû le faire dans les
questions diverses) ce qu’il pense de ces insulinothérapies super intensifiées par pompe à insuline dans le diabète de type 2.
Pr Renard
On dispose d’assez peu d’études qui aient valablement comparé des insulinothérapies par multi-injections versus des insulinothérapies par pompe. Pour reprendre ce que vous indiquez il y a
quelques minutes, je dirais que c’est aussi une question de personnalisation. Un jeune diabétique de type 2, relativement actif, avec une vie variable d’un jour à l’autre, se rapproche beaucoup
d’un diabétique de type 1. Plus sa vie sera animée et variable d’un jour à l’autre, plus il sera tenté de demander l’utilisation d’une pompe parce que cela lui permettra plus de liberté. Le cas plus
standard de diabétique de type 2, retraité, qui mange à peu près toujours à heures fixes et toujours à peu près la même chose, le bénéfice attendu de la pompe est faible. Les études montrent
globalement qu’il n’y a pas de différence en termes d’hémoglobine glyquée et qu’il y a en revanche un bénéfice en termes de qualité de vie selon les populations étudiées. Donc il n’y a pas
d’opposition à utiliser une pompe chez un diabétique de type 2 – d’ailleurs la France est un des rares pays où le traitement par pompe est remboursé pour les diabétiques de type 2 qui n’arrivent
pas aux objectifs avec des multi-injections. Cela reste relativement limité parce que c’est plus coûteux, c’est plus compliqué et donc je crois que là aussi, c’est du cas par cas, mais il n’y a pas
d’opposition en tout cas à accepter une demande de pompe d’un diabétique de type 2 si le profil laisse penser qu’on aura un bénéfice.
Pr Monnier
Nous arrivons donc au terme de cette présentation qui est réellement une course de fond. Course de fond pour le médecin et course de fond également pour le patient.
On l’a dit plusieurs fois au cours de cette présentation, l’insulinothérapie est une thérapeutique qu’il est assez difficile de faire accepter au patient, en particulier lorsqu’il a été pendant dix ou
quinze ans sous antidiabétiques oraux, quand on lui propose l’insulinothérapie il a l’impression de franchir une étape importante dans sa maladie.
Pr Monnier
Quand on intensifie son traitement insulinique, c’est encore une étape de plus. Et si on lui propose une pompe à insuline, c’est encore une étape de plus. Cela veut dire que tout au long de cette
longue histoire, qui est celle du diabétique de type 2, il faut à chaque étape essayer d’expliquer et essayer surtout de faire accepter une thérapeutique comme l’insulinothérapie. Il y a des moyens
pour le faire accepter.
Il y a d’abord le pouvoir de conviction du médecin, il faut en premier expliquer au patient les risques qu’ils encourent s’ils n’acceptent pas l’intensification du traitement. Ensuite il faut essayer de
leur montrer que le déséquilibre diabétique correspond à quelque chose. J’aime beaucoup leur faire de temps en temps des holters glycémiques. Si ce n’est pas possible, je pense qu’on peut
faire au moins des profils à 7 points, pour leur montrer ce que signifie le déséquilibre sucré.
Parfois, l’hémoglobine glyquée ne parle pas trop au malade. C’est un outil pour le médecin – cela peut être un outil pour le patient, mais c’est surtout un outil pour le médecin. En revanche, les
profils 7 points ou les holters permettent de montrer à un patient ce qui se passe à jeun et au moment des repas. Ceci permet d’expliquer la variabilité glycémique, c’est-à-dire tous les
paramètres qu’on a finalement envisagés pour passer d’une étape à l’autre (le risque d’hypoglycémie, la variabilité, l’hyperglycémie basale, l’hyperglycémie postprandiale), tous ces éléments sont
indispensables pour motiver le malade.
Pr Renard
Cette discussion plaisante a été utile je pense, parce qu’on a affronté des questions quotidiennes et complexes. L’insuline dans le diabète de type 2 est un traitement compliqué, difficilement
accepté et qu’il faut souvent négocier. Ce serait donc un avantage de pouvoir disposer d’un interlocuteur avec qui discuter lorsqu’on est face à un malade qui est souvent assez réticent. Comme
Pr Louis Monnier, j’espère que d’écouter cette discussion et de voir ce diaporama aideront dans leur pratique au quotidien des médecins généralistes et spécialistes qui le verront.
Dr Wojtusciszyn
J’étais ravie de participer à ce programme en votre compagnie également. Je pense que les explications physiopathologiques de la progression du diabète de type 2 peuvent réellement aider le
praticien à dire et à expliquer à son patient que le recours à l’insulinothérapie n’est pas une fatalité, mais l’évolution naturelle d’un diabétique de type 2, peut permettre justement de dédramatiser
ce passage à l’insuline et j’espère que ce programme pourra vous aider pour le réaliser.
Pr Monnier
J’espère que ce programme servira à ceux qui l’écouteront. Je remercie les deux experts, le Pr Éric Renard et le Dr Anne Wojtusciszyn. Je les remercie d’abord pour leur expertise, et je reconnais
que nous avons passé un bon moment au cours de la conception de cette présentation et au cours de son enregistrement !
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