Introduction aux finances publiques 2007-2008 version du 4 mai 2009 1
Chapitre 12
LES PRIX PUBLICS
12.1 Champ d'application et fondements théoriques:
la tarification au coût marginal
12.2 Première difficulté d’application: limite de capacité rigide
12.3 Deuxième difficulté d'application: la demande de pointe
12.4 La question des rendements croissants: le monopole naturel
12.5 Les impôts affectés
12.5.1 La logique de l’affectation
12.5.2 Les impôts affectés en Suisse
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Le secteur public met à disposition de la collectivité un grand nombre de services plus ou
moins collectifs. Certains d'entre eux sont financés selon le principe d'équivalence, étudié
au chapitre 11 ; d’autres pourraient l’être, mais sont pour l’instant financé par impôt.
Avec l’application du principe d’équivalence, les finances publiques tentent de faire
coïncider le cercle des bénéficiaires (utilisateurs) au cercle des payeurs. Ceci signifie que
l'État produit le service, mais le consommateur en décide l'utilisation et paie les seules
quantis consomes. Cette manière de procéder est particulièrement perceptible au
niveau de la gestion des finances publiques locales : on l’a vu dans le chapitre 2 (tableau
2-2, pour 2004), 28,8 % des revenus communaux proviennent des redevances
d’utilisation, émoluments et taxes ; 6 % des revenus de la propriété – en tout
pratiquement le tiers des recettes publiques locales.
Dans ce chapitre, nous essayons d’expliquer comment mettre en oeuvre le principe
d’équivalence et quelles sont les difficultés d’application rencontrées. À cette fin, il est
pertinent de définir le concept d’utilisateur payeur. L’objectif orationnel de ce principe est
que le financement d’une tâche publique soit assuré par le bénéficiaire de la prestation.
Ce principe vise donc à restituer des mécanismes de type marché dans la gestion du
secteur public. Il introduit un rapport direct entre le cercle des bénéficiaires et le cercle
des payeurs. La finalité de ce principe est la recherche d’un prix public plus « juste »,
notamment pour que ceux qui ne bénéficient pas, ne paient pas. Ainsi, dans une première
section, nous analysons la tarification au coût marginal des biens et services publics comme
fondement de la démarche « utilisateur-payeur ». Nous développerons ensuite trois
difficultés liées à cette application : lorsque la fonction de production se caractérise par une
limite rigide de capacité (section 12.2) ; avec des demandes très variables dans le temps,
avec des demandes de pointe par instants ou par période (section 12.3) ; en présence de
rendements croissants traduisant une situation de monopole « naturel » (section 12.4).
Enfin, dans la section 12.5, nous expliquerons une approche « indirecte » du principe
d’équivalence : l’affectation des impôts. Les logiques économique et politique seront définies
et une présentation des ressources affectées en Suisse sera établie.
Buts de ce chapitre
1. Être à même de préciser quels pourraient être les services collectifs (décentralisés)
susceptibles d’être financés selon le critère de l’utilisateur-payeur ; distinguer les
« public utilities » des « public services ».
2. Comprendre la démarche de type « utilisateur-payeur » dans sa dimension « fonction
de production » et ses difficultés d’application.
3. Former son jugement personnel sur les conditions d’une « privatisation » des
services collectifs.
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12.1 Champ d'application et fondements théoriques:
la tarification au coût marginal
Les prestations offertes par l'État, dans ce cadre doivent satisfaire aux conditions
d'application du principe d'équivalence mentionnées dans la sous-section 11.3.2. Par
simplification, on les grouper en trois cagories
les biens ou les services qui résultent d'une production de caractère industriel
public utilities » dans le vocabulaire anglo-saxon). Les tâches le plus souvent
mentionnées sont celles qui concernent la distribution d'eau, l'épuration des eaux,
l'enlèvement des déchets, les transports publics. Mais on trouve également dans ce
champ d’étude les prestations de réseau, comme les télécommunications, l’électricité, les
chemins de fer, ou encore la poste.
les biens immobiliers de l'État qui sont mis à disposition des particuliers contre
paiement d'un loyer. Dans ce cas, l’État agit comme n’importe quel propriétaire privé
concédant l’usage de son bien à une tierce personne moyennant paiement (location,
fermage, concession, etc).
les services destinés à l'amélioration du capital humain, comme la santé publique et
l'instruction, sous réserve d'ajustement des prix pour des raisons de politique
redistributive (comme la quasi-gratuité des études en vertu de l'égalité des chances).
Ces prestations ont cependant souvent un caractère obligatoire dont le degré varie d'un
pays à l'autre. Mais « l’obligation » prend des formes nuancées qui doivent être prises en
compte : (i) l’utilisateur doit consommer le service parce qu’aucune alternative existe ou
que des solutions privés ne sont pas acceptables ni acceptées (exemple : le couple
"enlèvement des ordures ménagères – protection de l’environnement") ; (ii) l’utilisateur
est captif parce que la fourniture du service nécessite un réseau – donc il doit
obligatoirement passer par un fournisseur pour obtenir la prestation (exemple : la
distribution d’eau potable) ; (iii) l’utilisateur n’est pas captif en ce sens qu’un choix
« privé » peut exister, mais les écarts de prix des prestations sont tels que la solution
« publique » est pratiquement incontournable pour la majorité des utilisateurs (exemple :
l’école, les soins hospitaliers).
Par la tarification des biens et services, le secteur public vise à améliorer l'allocation des
ressource (les consommateurs ne peuvent obtenir le bien que s'ils acceptent de payer le
prix requis) et à dépolitiser certaines décisions (l'offre est strictement dépendante des
demandes des citoyens).
La tarification au coût marginal
L'analyse de base de la tarification des biens et services publics fait appel aux normes de
l'allocation optimale des ressources selon le principe de la tarification au coût marginal.
Soit le graphique 12-1 suivant.
Graphique 12-1 Tarification au coût marginal
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Prix
Quantité
O
D
b
P0
0 Q<Q0 Q0 Q>Q0
c
d
f
g
h
a
i
l
Dans ce graphique, la position qui correspond à une allocation optimale au sens de
Pareto est située au point b pour une quantité produite Q0 et un prix P0. Elle découle de
l'application de la règle de tarification au coût marginal (prix = coût marginal). Pour le
prouver, il est d'abord nécessaire de donner quelques définitions des éléments qui
forment le graphique:
½ La droite D indique les dispositions marginales à payer ou encore le bénéfice marginal
apporté aux consommateurs par une unité additionnelle de ce bien; le prix payé par
le consommateur constitue donc la mesure monétaire de la valeur subjective que
chaque consommateur attribue à l'unité marginale de consommation de ce bien.
½ La droite O représente la compensation minimale exigée par les offreurs pour produire
une quantité donnée de service; il s'agit du coût marginal.
À partir de ces définitions, on peut comprendre pourquoi seule la tarification au coût
marginal garantit une allocation efficace. Admettons donc deux situations qui se
distancent de la règle "prix = coût marginal":
la première est caractérisée par une production du service fixée à un niveau où le
prix dépasse le coût marginal (Q < Q0). Cela signifie que les consommateurs
attribuent à la dernière unité achetée une valeur "c" supérieure au sacrifice "l"
imputable à sa production. Il est dès lors justifié d'accroître l'offre du bien en
question;
la deuxième se caractérise par une production se fixant à un niveau où le coût
marginal excède le prix (Q > Q0). Dans ce cas, la valeur "f" des ressources utilisées
pour produire l'unité marginale dépasse celle que lui attribuent les consommateurs en
"d". Il est donc judicieux de libérer ces ressources pour la production d'autres biens.
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Ce n'est donc que si le prix est égal au coût marginal que la valeur subjective de la
dernière unité correspond exactement, aux yeux des consommateurs, à celle du sacrifice
fait pour la produire. Dans ce cas seulement, le critère de Pareto d'allocation optimale
des ressources est satisfait. Cette conclusion peut aussi être confortée en analysant le
surplus des consommateurs et les rentes des producteurs lorsqu'on s'écarte de la règle
de base. Au point b:
le surplus du consommateur est égal à P0ba et représente la différence entre ce qu'il
aurait été disposé à payer (0Q0ba) et ce qu'il a payé effectivement (0Q0bP0);
la rente du producteur est égale à P0bi. Elle correspond à la différence entre le
paiement effectué par le consommateur (0Q0bP0) et le coût supporté par le
producteur dans la production d'une quantité donnée (0Q0bi);
la société dans son ensemble jouit d'un "surplus de bien-être" égal à iba, réparti entre
le consommateur (sa rente) et le producteur (un bénéfice monétaire).
Si l'on s'écarte de ce point, on a que:
Q < Q0; au point c le bien-être de la société est réduit par rapport à la solution b de
lbc. L'augmentation de la rente du producteur ne peut se faire qu'en diminution du
surplus du consommateur.
Q > Q0; au point d le bien-être de la société est réduit par rapport à la solution b. Le
producteur subie en effet une perte de P0hdfb suite au déplacement de la solution en
d. Cette perte n'étant compensée qu'en mesure de P0hdb par l'augmentation du surplus du
consommateur, il en résulte une perte sèche pour l'ensemble de bdf.
La tarification au coût marginal est donc le seul critère qui permette d'atteindre le critère
de Pareto: il n'est plus possible, par une modification de l'allocation des ressources,
d'améliorer le bien-être d'un individu sans réduire celui d'un autre.
12.2 Première difficulté d'application: limite de capacité rigide
Le concept théorique de la tarification au coût marginal ne peut souvent pas être
appliqué tel quel à la réalité. La première difficulté d'application est celle d'une limite de
capacité de production rigide: cela signifie que l'investissement ne peut pas être ajusté
de manière infinitésimale mais évolue par paliers (CM1, puis CM2). Cette rigidité entraîne
des difficultés dans la détermination des prix publics lorsqu'il y a des placements
imprévus de la demande. Cette situation est illustrée dans le graphique 12-2: D2 qui
représente la demande attendue au stade de la planification, alors que D3 correspond à
la demande exprimée par les utilisateurs du service.
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