DOSSIER : LA RÉFORME DE L’ASSURANCE MALADIE
La loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a été publiée au
Journal officiel du 17 août 2004 après validation par le Conseil constitutionnel.
Intervenant dans un contexte financier extrêmement dégradé, elle procède à une
réforme en profondeur de l’assurance maladie. Ce dossier se propose, dans un premier
temps, d’examiner les dispositions du titre I de la loi qui traitent de l’amélioration de
l’offre de soins. La seconde partie aborde les mesures relatives à la nouvelle
gouvernance de l’assurance maladie ainsi que celles touchant à son financement (titre II
et III de la loi).
La loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie s’est inscrite dans un contexte financier
extrêmement dégradé. Le déficit du compte de la Caisse nationale de l’assurance maladie des
travailleurs salariés (CNAMTS) s’élevait à 11,9 milliards d’euros fin 2004, soit environ 10%
des dépenses de la branche. La CNAMTS n’a jamais connu de situation d’équilibre au cours
des quinze dernières années et le déficit s’est accru très rapidement au cours de la dernière
période.
La loi du 13 août 2004 a été précédée d’un travail de diagnostic qui a été confié, en octobre
2003, au Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Celui-ci a remis un rapport
dégageant un diagnostic largement partagé. Il préconisait essentiellement la conjugaison de
trois actions pour faire face à la gravité de la situation financière et aux perspectives de
croissance des dépenses : améliorer le fonctionnement du système de soins et du système de
protection sociale, ajuster les conditions de prise en charge et agir sur les recettes. La loi du 13
août 2004 s’inspire fortement de ces propositions.
L’impact financier de la réforme est estimé par le gouvernement à 15 milliards d’euros à
l’horizon 2007, dont 10 milliards d’économies sur les dépenses et 5 milliards de recettes
supplémentaires. La réforme comprend à la fois des mesures de rétablissement financier, mais
aussi des mesures dites « structurelles » dont l’objet est de modifier l’organisation du système
de soins et le comportement des acteurs dans le sens d’une prise en charge de meilleure
qualité et plus économe des deniers publics. Pour atteindre cet objectif, la réforme se donne
pour priorité de mieux responsabiliser l’ensemble des acteurs : État, gestionnaires de
l'assurance maladie, professionnels de santé et patients.
I - Amélioration de l'offre de soins et maîtrise médicalisée des dépenses de santé
A - Favoriser une coordination des soins effective
Le dossier médical personnel,
L'outil mis en avant pour assurer et symboliser cette coordination est le dossier médical
personnel (article 3 de la loi), dont chaque bénéficiaire de l’assurance maladie devra disposer
à compter de 2007. Il devrait permettre de suivre le cheminement du malade dans le système
de soins. La loi offre des garanties renforcées afin que le secret de la vie privée des patients
soit strictement respecté. La consultation du dossier médical en dehors de la prise en charge
2
médicale du patient par un professionnel de santé en ville ou dans un établissement de santé et
ce, même avec son consentement, est interdite1. Les conditions d’accès des professionnels de
santé aux informations de l’assurance maladie sur les soins dont ont bénéficié leurs patients
(art. 21) seront précisées par un décret en Conseil d’État (non publié à ce jour) pris après avis
de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Dans l’immédiat, un « groupement de préfiguration du dossier médical personnel » est chargé
de la préparation des dispositions permettant à l’organisme gestionnaire du dossier médical
personnel d’être opérationnel et d’en assurer la mise en œuvre technique. Il a été constitué
sous la forme d’un groupement d’intérêt public dont la convention constitutive a été
approuvée par arrêté des ministres chargés de la santé et du budget en date du 11 avril 2005.
L’État, la CNAMTS et la Caisse des dépôts et consignations sont membres de ce groupement
d’intérêt public.
L’organisation d’un parcours de soins coordonnés,
Le développement de parcours de soins coordonnés autour d'un médecin traitant ou dans le
cadre des réseaux de soins constitue un deuxième moyen de favoriser la coordination (articles
7 et 8). L’entrée en vigueur de ce dispositif devrait intervenir le 1er juillet 2005 pour tous les
assurés de plus de seize ans.
Le médecin traitant aura pour mission d’orienter le patient dans le système de soins et,
bientôt, de gérer son dossier médical. Il prescrira, en tant que de besoin, la consultation d’un
autre médecin (généraliste ou spécialiste). Toutefois, l’accès à certains spécialistes ne
nécessitera pas de prescription du médecin traitant. Ils seront « d’accès direct spécifique ». Il
s’agit des gynécologues, psychiatres et neuropsychiatres. Les patients en affections de longue
durée (ALD) pourront accéder directement à leurs spécialistes sans prescription médicale
préalable lorsqu’ils s’inscriront dans le cadre de leur protocole de soins. Enfin, certaines
situations dispensent d’une consultation du médecin traitant : l’urgence médicale ou le
déplacement hors du lieu de résidence. Les textes réglementaires en préparation prévoiront
d’autres exceptions (soins itératifs, séquences de soins…).
Lorsque le patient n’aura pas recours au médecin traitant ou qu’il refusera l’accès à son
dossier au professionnel qu’il consulte, la loi prévoit que son ticket modérateur pourra être
majoré. Les conditions de cette majoration seront définies par plusieurs textes non publiés à
ce jour. La convention médicale approuvée par un arrêté du 3 février 2005 (Journal officiel du
11 février 2005) autorise, par ailleurs, les spécialistes de secteur I à pratiquer un dépassement
d'honoraires lorsqu'ils sont consultés par des patients sans prescription de leur médecin
traitant. Pour les consultations externes hospitalières, une majoration non remboursable est
applicable en cas de non-respect du parcours de soins.
Le modèle du formulaire « déclaration de choix du médecin traitant » a été fixé par un arrêté
du 20 décembre 2004. Chaque foyer (une par personne et une par enfant de plus de seize ans)
a dû recevoir à ce jour ce formulaire de choix à retourner à sa caisse d’affiliation. Ce
formulaire est accessible sur le site internet www.ameli.fr, mais on peut également se le
procurer auprès de son médecin ou de son pharmacien.
Une meilleure définition des affections de longue durée (ALD),
1 Ce qui interdit, par exemple, l’accès du médecin du travail ou de l’assureur au dossier médical du patient ;
3
Le dispositif de prise en charge coordonné dans le cadre des affections de longue durée
(ALD), déjà réformé dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004,
est encore approfondi, le rôle du protocole de soins étant accru (article 6). Les informations
contenues dans ce protocole sont complétées : devront y figurer les éléments de diagnostic de
nature à justifier l’admission en ALD, le projet thérapeutique ainsi que la durée prévisible des
soins et les obligations de l’assuré en matière d’hygiène de vie par exemple (régime
alimentaire compatible avec l’état de santé, pratique d’un sport…).
Le champ du protocole de soins est élargi à l’ensemble des situations mentionnées à l’article
L 324-1 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire ALD et soins continus ou interruption de
travail d’une durée supérieure à six mois. Le protocole est signé par le patient ou son
représentant légal. Pour pouvoir bénéficier de l’exonération du ticket modérateur, le patient
devra communiquer son protocole à tout médecin.
Le protocole de soins est établi sur le fondement de recommandations de la Haute Autorité de
santé, mais est propre à chaque patient.
Une meilleure coordination ville-hôpital ,
La loi promeut également une coordination ville/hôpital à travers la création de missions
régionales de santé (MRS), regroupant les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et
les unions régionales de caisses d’assurance maladie (URCAM) chargées de l’organisation de
l’offre de soins régionales et de la coordination des deux secteurs du système de soins (article
67). Ainsi, les missions régionales de santé (MRS) devront définir les zones rurales ou
urbaines qui peuvent justifier l’institution de dispositifs d’aide visant à favoriser l’installation
des professionnels de santé ou des centres de santé, proposer des dispositifs de permanence
des soins et définir des programmes d’action dont elles assureront la conduite et le suivi,
notamment en matière de développement de réseaux.
Le décret d’application de cet article (n° 2004-1327 du 2 décembre 2004) précise que les
modalités d’organisation et de fonctionnement de la mission sont fixées par une convention.
En outre, la loi ayant prévu une direction alternée de la mission, ce texte prévoit que le
premier directeur de chaque MRS sera nommé sur décision des ministres chargés de la santé
et de la sécurité sociale après avis du directeur général de l’UNCAM. Dans chaque région, les
directeurs ont été désignés. Au-delà de ce cadre, la loi prévoit l’expérimentation d’agences
régionales de santé intégrant complètement ARH et URCAM dans une structure unique
(article 68).
Des mesures d’aide à l’accès aux soins
L’article 56 prévoit des dispositions relatives à l’aide à l’acquisition d’une assurance
complémentaire. Ce dispositif, qui s’adresse aux personnes dont les ressources sont comprises
entre le plafond de la couverture médicale universelle complémentaire (CMUC) et ce plafond
majoré de 15 %, crée une déduction du montant de la prime annuelle versée par les
souscripteurs d’un contrat d’assurance complémentaire. Le montant de cette déduction s’élève
de 75 à 250 euros par an en fonction de l’âge du bénéficiaire. Le décret n° 2004-1450 du 23
décembre 2004 relatif au crédit d’impôt au titre des contrats d’assurance complémentaire de
santé précise qu’il revient à la caisse primaire d’assurance maladie d’examiner le droit au
4
crédit d’impôt et de délivrer à la personne concernée une attestation dont le contenu est fixé
par arrêté du 23 décembre 2004.
B - Généralisation des démarches de qualité
La Haute autorité de santé (HAS)
La loi du 13 août 2004 crée une Haute autorité de santé (article 34), autorité scientifique
indépendante, dirigée par un collège dont les membres sont désignés par les présidents de la
République, de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique et social. Un
décret du 20 décembre 2004 a procédé à la nomination des membres de ce collège ainsi que
de son président. La HAS se voit confier l'évaluation scientifique des pratiques médicales et
des processus diagnostiques et thérapeutiques. Elle reprend les dispositifs d’évaluation
existants (la commission de la transparence sur les médicaments et le comité économique des
produits de santé pour les dispositifs médicaux) et devra développer une démarche similaire
dans les autres domaines des soins (notamment pour les actes et les ALD). Elle élaborera les
recommandations de bonne pratique et prendra en charge les missions d’évaluation et
d’accréditation de l’actuelle ANAES (agence nationale d’accréditation et d’évaluation en
santé) qui est supprimée par la loi. Ses compétences relèvent exclusivement du domaine de
l’avis et de la recommandation.
Tous les textes nécessaires à la mise en place de la HAS dont trois en Conseil d’État2, ont été
publiés (art. 35 et 36). Le décret n° 2004-1139, paru dès le 27 octobre 2004, définit
précisément ses missions et son organisation. Cette instance d’expertise indépendante a été
installée le 22 décembre 2004. Les moyens dont elle dispose sont par ailleurs à la hauteur de
ses missions, puisque son budget s’élève à 59 millions d’euros pour 2005.
Un nouveau dispositif d’accréditation des professionnels de santé et des équipes
médicales
Tout médecin, libéral ou salarié, doit s’engager dans une démarche d’évaluation individuelle
de sa pratique professionnelle, éventuellement dans le cadre de groupes de pairs, sous peine
de sanctions ordinales. La HAS est responsable de l'organisation de cette évaluation (article
14). Le décret n° 2005-346 du 14 avril 2005 précise cette obligation. L'évaluation sera
réalisée par des médecins habilités ou par des organismes agréés par la HAS.
L’article 16 crée un dispositif d’accréditation des médecins ou équipes médicales d’une même
spécialité exerçant en établissement de santé. La mise en place de ce dispositif nécessite la
publication d’un décret qui devrait intervenir prochainement. Ce décret fixera également les
spécialités et les conditions d’exercice des médecins, soumis à l’obligation d’assurance en
application de l’article L. 1442-2 du code de la santé publique3 et qui ont été accrédités ou
sont engagés dans une procédure de renouvellement de leur accréditation, qui pourront
bénéficier d’une aide à la souscription d’une assurance. Ce dispositif d’aide, à la charge de la
CNAMTS, permettra notamment de contribuer à résoudre les problèmes posés par la hausse
des tarifs d’assurance en responsabilité civile professionnelle.
Diverses mesures visant à garantir la qualité des soins,
2 Décret n°2004-1139 du 27 octobre 2005, Décret n°2004-1398 du 23 décembre 2004 et décret n°2004-1419 du
23 décembre 2004.
3 Obligation instaurée par l’article 98 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002
5
La promotion pharmaceutique est mieux encadrée par l’instauration du principe d’une charte
de la visite médicale que les laboratoires devront respecter (article 31). Cette charte a été
signée entre les entreprises du médicament (LEEM) et le comité économique des produits de
santé (CEPS) le 22 décembre 2004 et elle vise à mieux encadrer les pratiques commerciales et
promotionnelles qui pourraient nuire à la qualité des soins.
La loi étend à l’hôpital le principe des accords de bon usage des soins déjà en place pour la
médecine de ville (article 13). Le décret d’application de cet article (n° 2004-1399 du 23
décembre 2004) instaure de nouveaux instruments contractuels d'incitation au bon usage des
soins, d'amélioration des pratiques hospitalières, notamment médicales dans un souci
d'optimisation médicalisée des dépenses des établissements de santé. Il organise ce dispositif
contractuel par le biais d'accords cadres nationaux tripartites signés entre l'État, l'union
nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et les fédérations nationales
représentatives des établissements de santé, d'accords locaux adaptant les conditions de mise
en œuvre des accords cadres et en fixant les modalités de concertation avec les professionnels
de santé et les conditions et la périodicité d'évaluation de ces accords.
C - Maîtrise médicalisée des dépenses de santé
La responsabilisation du patient,
La loi du 13 août 2004 (article 20) instaure une contribution forfaitaire sur les actes médicaux
et les actes de biologie qui est fixée à 1 euro dans la limite d’un plafond annuel de 50 euros
(décret n° 2004-1453 du 23 décembre 2004) afin de responsabiliser les patients dans leur
recours au système de soins. Seuls les enfants, les bénéficiaires de la CMU et les femmes
enceintes sont exonérés de cette contribution. Son rendement est estimé à 640 millions
d’euros.
Une des novations de la loi réside dans la volonté affichée que les incitations financières
créées pour orienter le parcours dans le système de soins (majoration de ticket modérateur et
contribution forfaitaire) ne soient pas neutralisées par les couvertures complémentaires. La loi
n’interdit pas l’intervention des assureurs complémentaires. Cependant seuls les contrats qui
ne prévoiront pas cette couverture pourront bénéficier des avantages sociaux et fiscaux
accordés aux contrats d’assurance maladie complémentaire (article 57).
Un renforcement des contrôles et de la lutte contre les fraudes,
L’article 19 précise que le respect des bonnes pratiques et référentiels médicaux devra être
contrôlé par l’assurance maladie dès le remboursement, les articles 20 et 21 qu’un contrôle
rigoureux des droits ouverts et de la carte Vitale sera mis en place avec notamment
l’apposition d’une photographie sur la carte lors du prochain renouvellement qui devrait avoir
lieu à partir de mi-2006. Le décret en Conseil d’État correspondant doit être publié
prochainement. Pour l’heure, les services administratifs peuvent demander à l’assuré de
produire un titre d’identité comportant une photographie.
Par ailleurs, le contrôle des prescripteurs et bénéficiaires d’indemnités journalières
est renforcé et mieux ciblé (articles 24, 25, 26, 27 et 28) :
- l’article 27 renforce les obligations de l’assuré notamment sur le respect des
horaires de sortie et sur l’envoi des avis d’arrêts de travail qui ne doit pas être tardif. Le décret
n° 2004-1454 du 23 décembre 2004 précise le montant de la sanction lorsque l'assuré envoie
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