L’essentiel contexte Afin de garantir la qualité des process, la sécurité des patients et la protection des personnels, plusieurs méthodes de recueil et de gestion des non-conformités sont déployées au sein des unités de préparation des chimiothérapies. enjeux .6 Quelles sont les méthodes mises en place pour recueillir le taux des non-conformités dans la préparation des chimiothérapies ? De quelle manière exploiter ces données pour limiter les cas de non-conformités ? Gestion des non-conformités Quels outils pour gagner en qualité et sécurité ? contributeurs Régine Chevrier, pharmacienne gérante adjointe, Centre régional de lutte contre le cancer Jean Perrin (Clermont-Ferrand) Coralie Lepage, pharmacien, Unité de préparation des cytotoxiques (UPC), Hôpital Foch (Suresnes) Bertrand Pourroy, pharmacien, Assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM) Dans une approche globale, la non-conformité se définit par un écart aux procédures mises en place dans l’unité de préparation des cytotoxiques. Cependant, même s’il existe un socle commun dans la définition de la non-conformité, des nuances existent en fonction de l’organisation spécifique à chaque établissement. Retour sur trois expériences de recueil et de gestion des non-conformités. Le regard de… Régine Chevrier, Clermont-Ferrand Depuis 2008, le Centre Jean Perrin a recours aux contrôles analytiques des poches de chimiothérapie à l’aide du spectromètre « QC prep ». Pour décider de la conformité ou de la non-conformité de la poche de chimiothérapie, des marges d’acceptabilité de plus ou moins 10 % (contre les 5 % des normes habituelles de la pharmacie) ont été déterminées. « Nous avons fait le choix d’élargir à 10 % pour plusieurs raisons. D’abord parce que le volume des poches n’est pas toujours précis, tout comme celui des seringues. Enfin, nous intégrons les éventuelles erreurs de méthode liées à l’analyse ». Evolution des procédures L’analyse effectuée sur un aliquote de 1,4 ml permet un dosage quantitatif et qualitatif de la poche de chimiothérapie. Si celle-ci se trouve dans la marge d’acceptabilité, elle est libérée. En revanche, si la concentration En chiffres 22 000 poches sont produites chaque année dont 80 % sont dosées. En 2015, sur les 17 000 poches de chimiothérapies analysées au Centre régional de lutte contre le cancer Jean Perrin, 24 (soit 0,15 %) ont été jugées non conformes ; un chiffre stable depuis 2011. calculée par l’automate n’est pas comprise dans cette marge, un deuxième contrôle est effectué. « En effet, nous nous sommes aperçus qu’une non-conformité lors du premier contrôle pouvait être consécutive à une mauvaise homogénéisation de la poche ». Pour diminuer ce risque, une procédure consistant à retourner les poches 10 fois, pour assurer une bonne homogénéité, a été mise en place. « Il arrive que cela ne suffise pas. L’opération est alors renouvelée. Et le deuxième contrôle est lancé. Sur les premiers prélèvements, nous observons que 2,5 % des préparations dosées sont jugées non-conformes. Après un deuxième prélèvement et une homogénéisation, la préparation de non-conformités tombe à 0,15 %. » Si à l’issue du deuxième contrôle, le résultat n’est toujours pas conforme, la poche est détruite et le pharmacien donne l’ordre de relancer la fabrication. Sur le premier prélèvement, 2,5 % des préparations dosées sont jugées non-conformes. Après un deuxième prélèvement et une ré-homogénéisation, la proportion de non-conformité tombe à 0,15 %. » “” Le témoignage de… Bertrand Pourroy, Marseille A l’origine A l’ouverture de l’unité de reconstitution des anticancéreux en 2007, le recueil des non-conformités se faisait sur papier ; ce qui supposait un temps de saisie chronophage et un problème d’anonymat. Les agents rencontraient des difficultés à mettre leur nom ou celui d’un collègue à côté d’une non-conformité. La transition En 2011, en collaboration avec l’équipe de gestion des risques, nous avons développé un formulaire spécifique et informatisé de déclaration des nonconformités. Pour se faire, nous nous sommes appuyés sur Blue Medi, un logiciel de gestion de la qualité et des risques pré-existant au sein de notre institution. L’évaluation Les non-conformités – relevées aux cours des différents processus – sont cotées en fréquence mais aussi en gravité. Celle-ci s’évalue en perte de temps ou perte financière à la différence d’un événement indésirable qui sera coté par rapport au risque patient et par conséquent fera l’objet non pas d’une déclaration de non-conformité mais d’évènement indésirable. Chaque déclaration est envoyée directement par mail au référent qualité de l’unité. Si la gravité est importante, le mail est envoyé également au cadre de santé ainsi qu’à l’ensemble des pharmaciens intervenant au sein de l’unité. Les non-conformités sont cotées en gravité » .6 Gestion des non-conformités Quels outils pour gagner en qualité et sécurité ? Marseille : un comité de retours d’expérience dédié aux non-conformités En 2014, un Comité de retour d’expérience (Crex) dédié à la gestion des non-conformités a été mis en place. Toutes les six semaines environ, il réunit deux pharmaciens, deux préparateurs en pharmacie, un cadre de santé, un coursier, un interne et un externe. Tous passent en revue les non-conformités déclarées depuis le dernier comité. Le groupe choisit un cas - particulier ou récurrent - avant de désigner un pilote parmi les membres du Crex qui enquêtera sur le sujet choisi et proposera des solutions qui seront discutées et analysées au cours du Crex suivant. Une réévaluation des actions antérieurement mises en place est réalisée ponctuellement. Si une non-conformité n’a pas disparu ou diminué insuffisamment, une nouvelle enquête est lancée. Au minimum, une centaine de non-conformités sont relevées entre chaque CREX. L’un des derniers Crex portait sur le défaut de déclaration de non-conformités qui a révélé que la saisie n’était pas toujours faite – un déficit lié en partie au turn-over des personnels. Des actions de formation menées au cours de réunions internes ont été déployées, ponctuées d’interventions externes. ? 3 questions à… Coralie Lepage, Suresnes Quel est le processus de cotation des non-conformités ? Les NC recueillies via ce logiciel sont caractérisées par une arborescence à quatre niveaux : 3 niveaux de définition (étape, point de l’étape, description) et 1 niveau d’action réalisée (décision). Grâce à l’analyse réalisée par notre équipe pluridisciplinaire, 3 échelles de gravité ont été élaborées. Elles concernent le patient, le personnel et le processus. Les cotations vont de 1 à 5 ; 5 étant la gravité maximale. Nous avons rétrospectivement travaillé sur les NC déjà identifiées pour établir leurs cotations. Et nous avons obtenu un consensus par type de NC. Ce système permet d’identifier immédiatement les NC les plus graves et les plus fréquentes. Ce sont sur ces NC que nous ciblons en priorité nos actions correctives. Cela nous amène à piloter la qualité de l’unité et du circuit en temps réel, En chiffres Arborescence du logiciel de recueil des NC 12 étapes 54 sous-étapes 238 descriptions 28 décisions à faire un suivi et à avoir des indicateurs de qualité. Tout cela s’inscrit dans la politique « qualité » de l’établissement. L’hôpital Foch a rédigé une charte d’incitation à la déclaration des évènements indésirables par le personnel en 2013. Ce travail sur les NC a également été présenté lors de la certification V2014 de l’établissement en décembre dernier. Dans quelle mesure ce recueil de nonconformité peut-il sensibiliser ? L’analyse de ces données nous permet de sensibiliser différents acteurs du circuit. Par exemple, nous réalisons une analyse semestrielle systématique par service clinique de toutes les NC de prescriptions. Depuis 2012, deux fois par an, des restitutions des données recueillies et analysées de NC sont faites auprès des prescripteurs dans le cadre des revues de morbidité et de mortalité (RMM). L’objectif est de réfléchir ensemble aux mesures correctives et de prendre les décisions afin de diminuer l’incidence des NC. Cela nous a notamment amené à faire des demandes d’évolution du logiciel du circuit des cytotoxiques. Désormais, certains reports de dose se font automatiquement et des alertes visuelles sur les protocoles ou les patients ont été créées pour les médecins. Au sein de l’UPC, nous avons demandé à avoir accès aux planifications de tous les rendez-vous des En chiffres Résultats : De 2011 à 2015 40 491 prescriptions • 1 536 NC de prescription soit un taux de NC moyen de 3.8% 107 405 préparations • 879 NC de fabrication : le taux moyen annuel de NC au niveau de la préparation a diminué régulièrement, passant de 0,92% en 2011 à 0,72% en 2015 patients. Il arrive que le médecin prescrive une chimiothérapie de façon anticipée alors qu’une évaluation est programmée avant son HDJ. Il y a un réel risque que la prescription change. Un coup d’œil sur la planification nous permet de l’alerter et d’éviter de lancer la préparation. Quel est l’impact sur la formation ? Nous réalisons le même type d’analyse sur les étapes pharmaceutiques de préparation. Des temps d’échanges et de restitution sont organisés avec les préparateurs tous les trimestres. Là aussi, il s’agit de proposer ensemble des mesures correctives à mettre en place. Le recueil et l’analyse des NC nous permettent également d’incrémenter notre programme de formation (continue et prise de poste) mis en place au sein de l’unité depuis 2011 et d’orienter le choix des thèmes de travail du Développement Professionnel Continu (DPC) de notre équipe de préparateurs. Depuis 2014, nous nous sommes engagés sur la voie de la formation par simulation, avec l’ouverture en 2015 d’un centre de simulation commun à différents services de l’hôpital. L’analyse des NC est devenue un outil de pilotage indispensable pour définir nos axes prioritaires de travail et de formation. La non-conformité : « Ecart au process, c’est à dire tout évènement déviant par rapport aux procédures et protocoles validés du circuit des cytotoxiques » Exemple : dose de charge ou d’entretien non respectée, constantes erronées ou non mises à jour (poids, taille, créatininémie), erreur de principe actif, oubli opabag, tubulure non purgée, fuite d’une préparation, rupture de stérilisation de l’isolateur, extravasation. 03339/COMM/0316 - Etabli le 08/07/2016 En décembre 2010, les pharmaciens de l’UPC ont adopté un logiciel de recueil des non-conformités qui s’applique à l’ensemble du circuit des cytotoxiques, de leur prescription jusqu’à l’administration. Tous les acteurs (médecins, pharmaciens, IDE, préparateurs, etc.) qui interviennent sur ce circuit signalent systématiquement une non-conformité (NC) ou un événement inattendu.