p,q - MPSI-3

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LYCÉE T HIERS
DEUX PREUVES DE LA DÉNOMBRABILITÉ DE N2
1 - Position du problème
Rappelons tout d’abord qu’un ensemble E est dit dénombrable lorsqu’il est équipotent à N, c’est-àdire lorsqu’il existe une bijection de N dans E.
Intuitivement, construire une telle bijection revient à proposer une méthode pour énumérer les éléments de E, sans jamais compter deux fois le même (injectivité) et en étant sûr de les compter tous
(surjectivité).
Dans le cas de N2 , une méthode naturelle est illustrée par la figure ci-dessous : on énumère les
couples d’entiers naturels en passant en revue les “diagonales” successives, c’est-à-dire les ensembles
Es = ( p, q) ∈ N2 ; p + q = s , pour s = 0, 1, 2, 3, · · · Le point essentiel est que chacun de ces ensembles est fini, qu’ils sont deux à deux disjoints et que leur union est N2 tout entier. Le fait que Es
soit fini (de cardinal s + 1) garantit que l’on va pouvoir énumérer ses éléments en un nombre fini
d’étapes.
(0,p+q−1)
(p,q)
(0,0)
(p+q,0)
Voilà pour ce qui est de la compréhension intuitive. Il faut maintenant définir avec précision cette
fameuse bijection ... et montrer rigoureusement qu’il s’agit bien d’une bijection !
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2 - Définition de f
Soit ( p, q) ∈ N2 . Les couples qui précèdent celui-ci dans l’énumération décrite ci-dessus sont les
suivants :
(0, 0)
Total : 1
(1, 0) ; (0, 1)
Total : 2
(2, 0) ; (1, 1) ; (0, 2)
Total : 3
... etc ...
( p + q − 1, 0) ; ( p + q − 2, 1) ; · · · ; (1, p + q − 2) ; (0, p + q − 1)
Total : p + q
et encore :
( p + q, 0) ; ( p + q − 1, 1) ; · · · ; ( p + 1, q − 1)
Total : q
On considère donc l’application :
f : N2 → N, ( p, q) 7→ [1 + 2 + · · · + ( p + q)] + q =
( p + q ) ( p + q + 1)
+q
2
et l’on montre qu’il s’agit d’une bijection.
3 - f est surjective
Soit n ∈ N. Considérons l’entier :
k ( k + 1)
N = max k ∈ N;
6n
2
k ( k +1)
N est bien défini car la suite
diverge vers +∞. La définition de N donne l’encadrement :
2
k ∈N
N ( N + 1)
( N + 1) ( N + 2)
6n<
2
2
Posons alors :
q = n−
N ( N + 1)
; p = N−q
2
Il est clair que q > 0. De plus :
N ( N + 1)
N 2 + 3N
( N + 1) ( N + 2)
p = N− n−
=
−n =
−n−1 > 0
2
2
2
Ainsi ( p, q) ∈ N2 et f ( p, q) = n. La surjectivité de f est établie.
4 - f est injective
Soient ( p, q) ∈ N2 et ( p0 , q0 ) ∈ N2 tels que f ( p, q) = f ( p0 , q0 ) .
Posons N = p + q; alors :
N ( N + 1)
N ( N + 1)
( N + 1) ( N + 2)
6
+ q = f ( p, q) <
2
2
2
la dernière inégalité résultant de :
( N + 1) ( N + 2)
− f ( p, q) = N + 1 − q = p + 1 > 0
2
(1)
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Donc :
k ( k + 1)
6 f ( p, q)
p + q = max k ∈ N;
2
0
0
Il en résulte dans un premier temps que p + q = p + q , puis :
( p 0 + q 0 ) ( p 0 + q 0 + 1)
( p + q ) ( p + q + 1)
= f p0 , q0 −
= q0
2
2
et finalement ( p, q) = ( p0 , q0 ) .
q = f ( p, q) −
5 - Et la bijection réciproque ?
Reprenons le calcul de la section 3. Il est possible d’expliciter N en fonction de n. En effet, l’application
t ( t +1)
R → R, t 7→ 2 induit une bijection croissante ϕ de [0, +∞[ dans lui-même, dont la bijection
réciproque est :
√
1
ϕ−1 : [0, +∞[ → [0, +∞[ , x 7→
−1 + 1 + 8x
2
On constate alors, en appliquant ϕ−1 à chaque membre de (1), que :
√
1
−1 + 1 + 8n < N + 1
N6
2
√
1
d’où (en notant b x c la partie entière du réel x ) : N =
−1 + 1 + 8n . Notons N (n) cet entier
2
(changement de notation ! N est devenu une application ...). Alors la bijection réciproque de f est :
1
1
−1
2
(2)
f : N → N , n 7 → N ( n ) − n + N ( n ) ( N ( n ) + 1) , n − N ( n ) ( N ( n ) + 1)
2
2
Voici ce que cela donne en Maple :
N:=n→floor((-1 + sqrt(1+8*n))/2);
recip:=proc(n)
local m,r;
m:=N(n);
r:=m*(m+1)/2;
[m-n+r, n-r]
end proc;
En anglais, floor désigne le plancher, le sol. Pour Maple (et pour d’autres langages informatiques),
c’est le nom de la fonction “partie entière”.
Question : pourquoi avoir utilisé des variables locales et ne pas avoir écrit d’un coup l’expression
correspondant à (2) ? Réponse : ici 1.
6 - Une autre bijection de N2 dans N
Il est bien connu que tout entier naturel n > 2 est produit de nombres premiers. Il s’ensuit que :
∀n ∈ N? , ∃ ( p, q) ∈ N2 ; n = 2 p (2q + 1)
car les nombres premiers autres que 2 sont tous impairs et un produit d’entiers impairs est impair !
Simplement pour ne pas recalculer 5 fois la même expression.
1.
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Autrement dit, l’application :
g : N2 → N? , ( p, q) 7→ 2 p (2q + 1)
est surjective.
Elle est aussi injective, car si ( p, q) ∈ N2 et ( p0 , q0 ) ∈ N2 vérifient :
0
2 p (2q + 1) = 2 p 2q0 + 1
0
et si (par exemple) p < p0 , alors 2q + 1 = 2 p − p (2q0 + 1) , égalité entre deux entiers de parités distinctes ! Donc p = p0 nécessairement, et du coup q = q0 .
Finalement, g est une bijection.
Comme N? est équipotent à N (via la bijection N? → N, n 7→ n − 1), on retrouve le fait que N2 est
dénombrable en composant deux bijections.
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