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6ÈMES RENCONTRES DE L
LA PERFORMANCE ENERGÉ
ÉTIQUE
Ouverrture
ETROL
Philippe ROCHER, dirrecteur de ME
Bonjour e
et bienvenue à ces 6emes re
encontres de la performance énergétiqu
ues (RPE) orgganisées par le Groupe
Moniteur et l’Agence de
e l’Environnem
ment et de la M
Maîtrise de l’É
Énergie (ADEM
ME). Cette annnée, le sous-tiitre de ces
rencontre
es est tout sim
mple : « nouvelles solutions ttechniques et financières ».
Comme cchaque fois, nous allons travailler pend
dant deux jours sur des su
ujets thématiqques et sur des projets
exemplairres, des réalissations remarq
quables. Quattre séquences
s de restitution
ns de ces projeets vont nous permettre
de les d
décortiquer ett de vérifier essentielleme
ent leur reprroductibilité te
echnique, maais aussi éco
onomique,
financière
e, environnem
mentale, sous l’angle de l’ussage, du rôle des occupants au sein dee diverses réalisations –
maisons iindividuelles, bâtiments colllectifs ou tertia
aires.
En dehorrs de ces séa
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nces, vous as
ssisterez à qu
uatre tables-roondes thématiques, par
demi-jourrnées. La pre
emière sera consacrée au sujet délicat de la garantiie de perform
mance énergétique. Cet
après-mid
di aura lieu un
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aux en site occupé, notamm
ment dans le ddomaine socia
al. Demain
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ortera sur l’aiide apportée aux particuliers pour less aider à am
méliorer la
performan
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que de leur log
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emain après-m
midi sera évoq
quée l’évolutioon de la réglem
mentation,
en particculier des bâ
âtiments à énergie positivve. Quels en
n sont les acteurs,
a
les enjeux, les objectifs ?
Concrètement, après ces
c rencontres
s, comment a llons-nous démarrer cette transition
t
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e du bâtiment ?
Cette ann
née, le Royau
ume-Uni est l’invité d’honne
eur de ces ren
ncontres. Des experts venuss d’Outre-man
nche nous
présenterront donc eux--aussi la situation dans leurr pays et nous
s feront part de
e leurs retourss d’expérience
es.
essortie des qu
uestionnaires d’évaluation des
d années prrécédentes, nous avons
Pour tenirr compte d’une demande re
réduit le n
nombre d’intervenants, de manière
m
à don
nner la parole le plus possib
ble à tous les participants. À la fin de
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able-ronde ett de chaque séquence
s
de restitution, un échange po
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experts (b
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des, maîtres d’œuvre,
d
maîtrres d’ouvrage).
Je vais llaisser la parrole à Guillau
ume Prot, prrésident du Groupe
G
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eur, qui est coorganisateu
ur de ces
rencontre
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Guillaum
me PROT, prés
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à ttous à ces 6emes rencontres
s de la perform
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étique. Au
Mesdame
nom du g
groupe Monite
eur et de notre
e partenaire l’A
ADEME, je su
uis très heureux de vous y accueillir. Cette année,
nos renco
ontres sont pla
acées sous le signe du gran
nd chantier de
e la rénovation
n. Une rénovaation énergétiq
que définie
par Franççois Hollande et Jean-Marc Ayrault lors d
de la conférence environnem
mentale comm
me l’une des priorités
p
de
leur polittique de transition énergé
étique. Le go
ouvernement annonce un objectif de rrénovation de
e 500 000
logementts chaque ann
née, soit trois fois
f
plus que le
es 150 000 log
gements rénovés annuellem
ment, selon l’A
ADEME.
Cette ambition se trouvve à la hauteu
ur des enjeux d
de la maîtrise de l’énergie, puisque le bââtiment représente 43 %
de la con
nsommation énergétique de
e la France. D
De ce point de
e vue, fixer l’objectif à 500 0000 logementts rénovés
par an esst un véritable coup d’accélérateur à la lu
utte contre le changement
c
climatique.
c
Unne ambition qu
ui redonne
aussi de l’oxygène à l’économie du
d bâtiment, q
qui en a larg
gement besoin
n. Le présideent de la Rép
publique a
annoncé la mise en chantier d’u
un million de
e logements par an : 500
0 000 logemeents rénovés auxquels
s’ajoutera
aient 500 000 logements ne
eufs. Or, en 20
nt 350 000
012, la constrruction neuve recule de 12 % en réalisan
nouveauxx logements, et
e la rénovatio
on baisse de 0
0,5 %. Différen
nts experts s’a
accordent à drresser un tableau assez
sombre d
des perspectivves 2013.
ur des fondam
mentaux simples : en France
e, la demandee est saine, sttructurelle,
Notre seccteur s’appuie cependant su
et à peu près constante (de l’ordrre de 500 00
00 à 800 000
0 logements neufs par an ). Elle repose
e sur une
phie dynamique et des mé
énages globa
alement solvables. Comme le déclarait la semaine dernière
d
le
démograp
présidentt de la FFB, Didier
D
Ridoret, les entreprise
es du bâtimen
nt sont dans le
es starting-bloocks, prêtes à relever le
défi.
1 Dans un contexte difficile, les annonces gouvernementales donnent de vrais espoirs de reprise de l’activité –
mais des espoirs teintés de nombreuses interrogations : les moyens financiers de cette ambition restent à
préciser. Même si l’Agence nationale de l’habitat (Anah) voit son budget augmenter de 600 M€, ce qui, selon
Cécile Duflot, devrait lui permettre de soutenir la rénovation de près de 100 000 logements, et même si l’éco-prêt
pour le logement social renforcé devrait soutenir celle de 150 000 logements, restent 250 000 logements à
rénover pour atteindre les ambitions du gouvernement. Les mesures d’accompagnement de la maîtrise d’ouvrage
privée demeurent très floues. Quel sera le contenu du crédit d’impôt au développement durable ? Quelles seront
les modalités de l’éco-PTZ ? Comment sera rémunéré le tiers-investisseur qui pourra se substituer au maître
d’ouvrage défaillant ? Autant de questions auxquelles nos rencontres apporteront des débuts de réponses,
notamment avec l’intervention de Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment, qui viendra dévoiler les
premières pistes de travail sur le plan de performance énergétique de l’habitat que Delphine Batho et Cécile
Duflot viennent de lui confier.
Nous ne doutons pas que des réponses concrètes vont voir le jour. Mais quand et à quel rythme ? Si, pour 2012,
la messe est dite, il serait bon que la croissance verte vole au secours de l’activité du bâtiment dès les premières
semaines de l’année 2013. Par ailleurs, le défi de la rénovation énergétique est déjà relevé sur le terrain, par
nombre de maîtres d’ouvrage, de maîtres d’œuvres et d’entreprises volontaires et dynamiques. Ces rencontres
en seront une nouvelle illustration : pas moins de douze réalisations exemplaires vous seront décryptées par
leurs concepteurs. Je suis certain que dans deux jours, vous repartirez dans vos bureaux, vos agences, vos
entreprises ou vos administrations, avec au moins une solution pour l’un de vos projets. C’est en tout cas l’objectif
que l’ADEME et le Groupe Moniteur ont fixé aux rencontres de la performance énergétique.
Pour terminer, je voudrais remercier notre coorganisateur l’ADEME, ainsi que le partenaire institutionnel qui nous
aide à définir le contenu de ces rencontres, et enfin nos sponsors, COFELY, EDF, SAINT GOBAIN et SOLAIRE
DIRECT sans qui tout cela ne pourrait avoir lieu.
Je vous souhaite à toutes et à tous d’excellentes rencontres de la performance énergétique.
2 Rénover dans le tertiaire : investir à coup sûr
Table-ronde n°1
Peut-on garantir la performance énergétique ?
Philippe ROCHER, animateur
Merci, Guillaume Prot, pour cette feuille de route pour ces deux jours, avec une promesse faite aux participants, à
savoir repartir d’ici avec au moins une réponse concrète et précise, une réponse technique bien entendu, mais
dans le sous-titre apparaissent également des réponses financières. Nous allons démarrer tout de suite avec des
réponses qui ne seront sans doute ni techniques ni financières, mais plutôt contractuelles, avec la première tableronde intitulée : « peut-on garantir la performance énergétique ? » Dans un premier temps, comment la définir,
quelles sont les solutions concrètes d’assurance qui existent, quelles sont les garanties apportées ? Globalement,
qui s’engage, pourquoi et pour qui ? Vont participer à cette table-ronde Michel Jouvent, directeur général
d’Apogée, Bruno Marotte, directeur Rénovation énergétique de Bouygues Bâtiment Ile-de-France, Pascal Roger,
directeur du développement de Cofély, filiale du groupe GDF-Suez, Claude Delahaye, directeur immobilier,
construction et développement durable chez Verspieren, courtier en assurances, et enfin Pierre Esparbès,
président de la commission construction de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et
également directeur général adjoint du Groupe SMABTP. Les organisateurs de ces rencontres étant l’ADEME et
le Groupe Moniteur, nous accueillerons aussi autour de cette table-ronde José Caire, directeur villes et territoires
durables à l’ADEME, ainsi que, pour représenter Le Moniteur, Dominique Errard, rédacteur en chef délégué de la
revue, chargé d’apporter une vision transversale, neutre, technique, voire contradictoire d’un bout à l’autre de
cette demi-journée.
Nous allons entrer dans le vif du sujet avec Michel Jouvent, délégué général d’Apogée, une association
professionnelle de propriétaires et de gestionnaires soucieux d’améliorer la qualité de leur patrimoine et plus
particulièrement de la performance énergétique de celui-ci. Michel Jouvent est le rapporteur d’un groupe de
travail sur la garantie de performance énergétique. Il a travaillé sur le plan Bâtiment Grenelle conduit par Philippe
Pelletier – nous serons informés plus tard du nouveau nom du plan, de sa nouvelle feuille de route et de ses
nouvelles missions. J’aimerais déjà savoir quelle est votre définition de la garantie de performance énergétique.
Michel JOUVENT, délégué général Apogée
Cette mission a effectivement été confiée à Philippe Pelletier en avril 2011. J’en suis le co-rapporteur avec
Caroline Costa, directrice juridique d’Égis. Nous apportons des définitions et faisons des propositions. Nous
avons travaillé avec une centaine de représentants des différentes professions du bâtiment et de l’immobilier,
dans un dialogue constructif et consensuel qui a débouché sur un rapport convenant à la plupart des experts
engagés dans cette démarche.
La principale difficulté a été de coller à la fois au neuf et à l’existant, et à différents types de patrimoine
(logements, bureaux, champ public), avec de fortes attentes des utilisateurs et des propriétaires-gestionnaires
dans tous les secteurs. Pour atteindre une certaine efficacité énergétique, il est nécessaire d’investir ; les acteurs
comptant tous sur un retour sur investissement favorable, il est apparu indispensable de pouvoir les sécuriser.
Quelques définitions sont proposées : la garantie de performance énergétique (GPE) a pour objet de garantir une
efficacité énergétique ; sa mise en œuvre se traduit par l’obligation imposée par un prestataire d’atteindre des
objectifs d’efficacité énergétique fixés. Nous avons dû inventer deux termes pour la circonstance : la GPE
intrinsèque (GPEI) et la garantie de résultat énergétique (GRE). La GPEI se situe aux dates de conception et de
travaux, soit sur du neuf soit sur de l’existant. L’idée est de garantir un niveau maximal prédéterminé de
consommation énergétique dite conventionnelle, en faisant mieux que la réglementation existante. La garantie
serait appliquée soit à un bâtiment soit à un patrimoine, soit en neuf soit en rénovation, autour des cinq usages
de la réglementation : chauffage, refroidissement, eau chaude sanitaire, ventilation et auxiliaires. Il s’agit donc
d’un périmètre limité (celui de la réglementation actuelle), nous semblant insuffisant puisque pour les bâtiments
les plus récents, ce qui est hors périmètre dépasse souvent ce qui est dans le périmètre réglementaire, et ce
aussi bien pour des immeubles de bureaux que pour des bâtiments basse consommation (BBC). Les
consommations individuelles représentent souvent plus que la partie commune.
Les cinq usages de la GPEI sont donc ceux de la réglementation. Si des non-conformités sont constatées, le
professionnel qui a bâti s’engage à traiter celles-ci et à réparer dans les limites de la garantie, de manière à
atteindre ce qui a été fixé au départ.
La garantie de résultat énergétique (GRE), quant à elle, incorpore les fonctions de maintenance et d’exploitation.
Il s’agit d’un ensemble de consommations effectives, exprimées chaque fois en énergie finale, sur un périmètre
d’usage fixé. Comme la GPEI, elle concerne un bâtiment ou un ensemble de bâtiments, neufs ou en rénovation,
quelle qu’en soit la destination ; le cas d’une intervention sans travaux n’a pas été exclu – dans ce cas l’on peut
3 obtenir des résultats en jouant sur la communication et sur un certain nombre de réglages (en Allemagne,
800 000 logements ont été traités de cette manière, sans effectuer de gros travaux).
Si les consommations effectives mesurées sont supérieures à ce qui est prévu par la garantie, le tiers garant doit
s’acquitter d’une pénalité. Dans le cas inverse un partage des économies est envisageable. Dans un certain
nombre de cas, les pénalités peuvent être prévues de telle façon que le prestataire soit vivement engagé à traiter
les non-conformités.
Enfin, nous avons imaginé une GPE de courte durée, sur un ou deux ans après la réception. Nous avons hésité à
faire figurer cette variante en complément de la GPEI, mais pour le moment, notre rapport s’en est tenu à une
variante de la GRE.
Notre rapport comporte une vingtaine de propositions. Certaines d’entre elles figurent dans le dossier qui vous a
été remis par le Moniteur et dans RPE Mag.
Philippe ROCHER (Animateur)
Nous allons maintenant demander aux acteurs directement concernés ce qu’ils pensent de ces propositions. La
GPEI est donnée par le promoteur et liée à la structure du bâtiment construit. Bruno Marotte, en tant que
directeur rénovation énergétique de Bouygues Bâtiment Ile-de-France, vous devez connaître dans le moindre
détail ce que vous avez construit ; vous êtes le seul à être au fait de ce qui se cache derrière les épaisseurs de
peinture et d’enduit, à savoir très précisément, une fois que le bâtiment est terminé, ce que vous y avez mis. Si le
constructeur est le seul à pouvoir s’engager, que pensez-vous des deux définitions qui viennent d’être
proposées ?
Bruno MAROTTE, directeur rénovation énergétique de Bouygues Bâtiment Ile-de-France
Michel Jouvent en est l’inventeur, et nous, les acteurs engagés. Le marché n’a pas attendu ces définitions : nous
pouvons déjà donner des exemples de garanties de résultat énergétique. La GPEI ne constituant qu’une
extension de notre métier, elle va se mettre en œuvre naturellement, sans complications. En revanche, la GRE
est pour nous le vrai sujet. On la voit sur le marché, aussi bien en neuf qu’en rénovation, en tertiaire qu’en
logement, et nous avons des premières références dans ce domaine.
En ce qui concerne le logement, nous avons traité les premiers contrats de performance énergétique chez des
bailleurs sociaux, en rénovation, notamment avec le contrat de performance énergétique (CPE) de LogiRep, qui
sera présenté lors d’une table-ronde de l’après-midi. Nous avons aussi traité quelques contrats en copropriétés,
les premiers du marché, avec de véritables engagements sur la partie chauffage et production d’eau chaude.
Pour ce qui est du neuf, nous venons de gagner une opération lancée par le bailleur social de la SNCF, à
Achères (Ile-de-France), sur 120 logements, en conception réalisation exploitation maintenance (CREM), avec
une garantie réelle sur la consommation du gaz pour chauffer les logements ainsi que sur la production d’eau
chaude sanitaire.
Nous avons aussi quelques exemples en tertiaire, aussi bien en neuf qu’en rénovation. Les premiers exemples
du marché ont été les bâtiments et travaux publics (BTP), notamment Balard, où nous avons apporté une
garantie énergétique réelle sur l’ensemble du site, aussi bien sur la partie neuve que sur la partie réhabilitée. Elle
a cette particularité de ne pas toucher uniquement les cinq usages de la réglementation thermique (RT), mais
aussi le process – nous garantissons par exemple la consommation du système d’informations.
e
Par ailleurs, nous avons remporté un appel d’offre de la Ville de Paris sur la construction d’une école dans le 15
arrondissement. Nous avons volontairement proposé à la Ville une garantie de consommation, en accompagnant
pendant trois ans le service dédié à l’exploitation et à la maintenance des chaufferies (le STEG) vers la garantie
réelle énergétique proposée au client. C’est en partie grâce à cet élément de différenciation que nous avons
remporté cet appel d’offre.
Nous ne pouvons pas encore nous prévaloir de très nombreuses références, mais, maintenant que le marché
existe, nous sommes prêts à nous y engager.
La solution d’apporter la garantie pendant deux ou trois ans et de la transférer par la suite au mainteneur nous
paraît bonne. Si le bâtiment, soit neuf soit rénové, tient ses engagements lors des premières années, il n’y a
aucune raison pour qu’il ne les tienne pas ensuite. Nous faisons donc en quelque sorte un pas en avant vers
l’usage du bâtiment en créant un quitus avec le mainteneur (acteur privé ou public), qui devient alors responsable
de la garantie ; son rôle est donc de maintenir cette performance énergétique.
Nous pensons que cette solution permet de travailler tous ensemble, ce qui constitue l’une des clés de ces
nouvelles garanties. En ce moment, nous construisons avec Jean Nouvel le nouvel auditorium de la Philharmonie
de Paris, porte de la Villette. C’est Cofély qui sera chargé de la maintenance. En revanche, il n’existe pas de
4 garantie de performance énergétique sur ce bâtiment, car elle n’a pas été demandée par le client et à l’époque de
l’appel d’offre, ces sujets n’étaient pas encore d’actualité.
Animateur
Nous avons compris que le GPEI s’adressait au constructeur. Mais pour ce qui est de la GPE, l’on se tourne plus
naturellement vers un spécialiste. De votre côté, Pascal Roger, qu’acceptez-vous ? Quelle garantie apportezvous, quel risque allez-vous supporter, et ce, de quelle manière et pendant combien de temps ?
Pascal ROGER, directeur du développement de Cofély, filiale de GDF Suez
Tout d’abord, la maintenance n’est qu’un moyen parmi toutes les activités que nous menons. Vis-à-vis de ces
sujets, nous sommes avant tout des exploitants, des personnes qui prenons la responsabilité de la consommation
énergétique d’un bâtiment dans la durée. C’est à travers l’ensemble des interventions que nous nous inscrivons
dans cette démarche, la maintenance n’en constituant qu’une petite partie.
Nous sommes une société de services énergétiques ; dans ce contexte, c’est sous une forme traditionnelle que
depuis longtemps nous portons des contrats de résultats dans la durée, et qui sont aujourd’hui formulés de
manière plus claire. Cet effort de définition a permis de faire un pas en avant très important : le contrat de
performance énergétique ou la garantie de résultat énergétique s’avérant intelligible pour l’usager (puisque
quelqu’un lui garantit un niveau de consommation), nous devons maintenir ce contrat final avec lui dans des
cadres extrêmement simples. Bien entendu, tout ce qui paraît clair cache des éléments beaucoup plus
complexes. Notre réflexion se donne pour objet de régler ces éléments de complexité pour arriver à un résultat
simple. Cette première démarche de définition a permis de préciser une interface très compliquée à gérer,
notamment sur des bâtiments neufs ; elle consiste finalement à énoncer ce que garantit le concepteurconstructeur et ce que va prendre en charge un exploitant, qui in fine va être responsable techniquement et
surtout financièrement, vis-à-vis du client final, sachant que les pénalités peuvent parfois s’avérer très lourdes.
Depuis l’an dernier, bon nombre d’éléments ont évolué. Au sein de notre fédération regroupant des entreprises
de service énergétique, la FEDEM, le sujet nous a toujours paru complexe. Pour garantir un résultat énergétique,
il faut d’abord définir une situation de référence et par là-même déterminer quels sont les outils de mesure et de
vérification de cette performance. Notre fédération vient de publier un guide qui explique de manière relativement
simple la manière dont nous pouvons mettre en place des processus d’analyse et de revue, Les Éléments
essentiels d’un plan de mesure et de vérification de la performance énergétique. Ce guide peut être téléchargé
sur le site de la FEDEM. La mesure est un élément crucial, puisque toute la contractualisation tourne autour
d’elle. Cette mesure comporte plusieurs éléments ayant trait à la conception et à la construction ; avec le bureau
d’études Syntec, nous avons signé un accord dans lequel les entreprises membres sont prêtes à s’engager sur le
fait que si le bâtiment qu’elles ont conçu ne délivre pas les performances attendues, elles acceptent une forme de
pénalisation – pour un montant en relation avec celui de leurs prestations, mais qui a tout de même un poids
important du point de vue de l’engagement.
Aujourd’hui, les constructeurs sont fortement engagés dans ce type de démarche, avec des mesures réelles sur
des périodes de deux à trois ans ; la gestion de l’interface entre le constructeur et l’exploitant se règle
progressivement. L’exploitant accompagne considérablement les travaux en phase de réalisation et il se trouve
aux côtés du maître d’ouvrage dans la période test de transfert de responsabilités que constitue le moment de la
réception de l’ouvrage.
Une fois la situation de référence établie, il faut déterminer les engagements ; l’on retrouve là un deuxième
élément de complexité : l’exploitation courante, la maintenance, l’entretien, etc. Le résultat final de consommation
énergétique dépend d’un facteur primordial, à savoir le comportement des usagers. Or cette notion d’usage est
intégrée dans la garantie de résultats énergétiques. Ce sujet connaît des évolutions importantes : nous lançons
un certain nombre d’actions de sensibilisation aux mesures. L’utilisation des usagers constitue à la fois un acte
technique (capteurs, etc.) et une démarche comportementale, dont nous sommes amenés à assumer la
responsabilité, y compris financière, dans les contrats. Les premiers contrats concernés ont été ceux de
performance énergétique pour des partenariats public/privé. Le comportement devient donc un sujet essentiel.
Animateur
Voulez-vous dire que vous assumez le risque comportemental de l’usager du bâtiment ?
Pascal ROGER
Oui, avec un certain nombre de variables. Lors de la détermination de ces contrats, le seul moment complexe est
la rédaction de la formule de variabilité par laquelle une consommation de référence est définie, par rapport à un
usage ou des conditions extérieures préétablies : la climatologie (les degrés jour unifiés ou DJU), le nombre
d’occupants dans le bâtiment (qui se traduit parfois en nombre de repas servis), le parc informatique et le type
d’activités que l’on y mène.
5 Sur des bâtiments existants, nous avons développé des simulations statistiques a posteriori, qui permettent de
reconstituer cette variabilité sous une forme polynomiale contractuelle, c'est-à-dire qu’il y a une formule
d’ajustement puis une formule de révision de prix. Ces éléments s’avèrent cruciaux dans la réalisation du contrat
de performance énergétique. Rien ne peut se faire si les maîtres d’ouvrage ne nous transmettent pas un certain
nombre d’informations fiables sur l’usage donné au bâtiment et sur les mesures de référence.
Un petit document également établi par la FEDEM, Les Éléments essentiels du contrat de performance
énergétique, explique comment s’engager dans une démarche de performance énergétique, dont l’objectif, in
fine, est de présenter un contrat extrêmement simple à un client : les conditions de départ, l’impact sur la
consommation énergétique en cas de changement de conditions, et la durée de la garantie de la consommation.
e
M Ortéga a aussi travaillé sur la conceptualisation de ce type d’engagement.
Animateur
Avez-vous déjà imaginé vous réassurer auprès d’une compagnie, lorsque vous aurez beaucoup de contrats de la
sorte ?
Pascal ROGER
Nous n’avons pas encore travaillé sur l’aspect réassurance, mais le sujet nous passionne…
Animateur
Et il va être immédiatement abordé dans le débat, par Claude Delahaye, directeur chez Verspieren, qui a travaillé
plus de quatre ans sur les thématiques du développement durable et plus particulièrement sur ce qui concerne
l’immobilier et la construction. Claude Delahaye, vous êtes un chercheur de réponses, vous identifiez un nouveau
risque et vous examinez ce que les compagnies sont prêtes à proposer pour vos clients. Sur ce sujet particulier,
quelle caractéristique avez-vous donnée à ce nouveau risque et avez-vous trouvé de quoi sécuriser vos clients
maîtres d’ouvrage ?
Claude DELAHAYE, directeur immobilier, construction, et développement durable, Verspieren
Verspieren a pour rôle de proposer à ses clients des solutions déjà existantes sur le marché et également
d’innover, lorsque ces solutions n’existent pas. Nous avons fait le constat que, après le Grenelle de
l’environnement, nous allions demander aux bâtiments de faire preuve à la fois de solidité, d’étanchéité et de
performance énergétique, ce qui risquait de compliquer quelque peu la tâche. Nous savions déjà que les deux
premiers points laissaient parfois à désirer puisqu’il existe des assurances pour les sinistres ; quant à la
performance énergétique, nous avons craint qu’il soit compliqué d’ajouter une nouvelle condition et nous nous
sommes demandé quelle solution devrait être mise en place sur le plan de l’assurance.
Les dispositifs existant déjà sur le marché pouvaient-ils répondre à la question du nouveau risque ? Peut-on se
contenter de dispositifs tels que les responsabilités décennales imposées par le Code civil ou est-il nécessaire
d’imaginer d’autres solutions ? Si l’on considère que ces dispositifs s’appliquent à la performance énergétique
des bâtiments, la réponse s’avère relativement simple puisqu’il existe des textes de loi et des mécanismes
référentiels. Or, si nous pouvons réfléchir de notre côté, il ne faut pas oublier que le risque lui-même est supporté
par les assureurs. Si ces derniers n’adhèrent pas à nos idées, celles-ci resteront lettre morte.
La question de savoir si la performance énergétique relevait ou non de la responsabilité décennale s’est posée
dès le début. Le débat s’est avéré compliqué car les assureurs ne disposaient d’aucun recul face à ce nouveau
risque et pouvaient donc difficilement calculer des tarifs sur des bases dépourvues de sinistralité. La situation
diffère sur la rénovation et sur le neuf. En ce qui concerne le neuf, les fortes exigences de performance
énergétique se trouvent sur les bâtiments de basse consommation (BBC), pour la plupart d’entre eux
extrêmement jeunes ; or la performance énergétique ne peut pas s’apprécier dans les six mois qui suivent sa
construction – il faudrait que ce bâtiment ait vécu a minima douze à dix-huit mois. Finalement, il existe très peu
de bâtiments sur le marché sur lesquels nous pourrions porter un jugement exhaustif quant à leur sinistralité.
Sur la question de savoir si la performance énergétique relève de la responsabilité décennale, les assureurs ont
leur position ; ce n’est pas mon cas. Si la performance énergétique se trouve dans la décennale, la situation me
paraît plus simple, en tant que courtier, et demande moins d’effort d’imagination, sous réserve que les assureurs
demeurent sur ce marché. Or nous n’avons pas constaté d’engouement massif de la part des assureurs pour
adopter la solution de la responsabilité décennale. Nous nous sommes donc penchés sur une solution
contractuelle, en ne prenant pas comme support les textes de lois, mais les obligations contractuelles prises par
les entreprises vis-à-vis des maîtres d’ouvrage. Verspieren a donc imaginé de nouvelles solutions et est retourné
vers les entreprises pour les leur proposer. Nous nous sommes surtout intéressés à la rénovation, dont l’un des
avantages par rapport au neuf est l’occupation du bâtiment, et par là-même l’existence d’un référentiel d’attitude,
de comportement et de consommation avant travaux, qui constitue un grand facilitateur. Nous sommes donc
6 partis sur des garanties sur la base de consommations réelles (les niveaux de consommation au kWh par an) et
sur laquelle nous donnons une garantie. Si nous ne parvenons pas au niveau de performance énergétique
garanti, deux solutions s’offrent à nous : soit nous compensons financièrement le delta de consommation, soit
nous effectuons des travaux de remise à niveau du bâtiment de telle sorte qu’il atteigne la performance
énergétique. Nous avons monté les garanties sur ces deux aspects.
Je rappelle que la performance énergétique des bâtiments ne vise pas une baisse des tarifs pour les
consommateurs, mais une moindre émission de gaz à effet de serre et un moindre recours aux énergies fossiles.
Le législateur s’intéresse donc à la conformité du bâtiment aux obligations et non à la consommation de
l’occupant, d’où la nécessité de prévoir un volet de remise à niveau du bâtiment.
Animateur
Il y a un assureur brillant et actif à nos côtés, nous allons lui demander ce qu’il en pense. Pierre Esparbès est
président de la commission construction de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et
également directeur général adjoint de la SMABTP. Pierre Esparbès, vous n’avez pas réagi lorsque Claude
Delahaye a proposé de faire entrer dans la décennale la garantie de performance énergétique, quelle est votre
position ? Je sais que vous avez mené en interne une réflexion approfondie sur le sujet.
Pierre ESPARBES, président de la commission construction de la FFSA
La construction bénéficie d’un certain nombre de garanties légales – l’assurance-construction – qui protègent le
bâti. Ces garanties constituent le fondement de l’acte de construction. Lorsque l’on regarde les étoiles, l’on doit
rester les pieds sur terre. Même si toute cette journée est orientée sur la performance énergétique, une opération
de rénovation ou de construction neuve est avant tout une opération de rénovation et à ce jour, nous avons de
grandes inquiétudes sur les garanties classiques et les pathologies que peut générer une opération de rénovation
énergétique ou de construction neuve dans le domaine du bâtiment de basse consommation (BBC). Nous ne
devons pas nous éloigner des fondamentaux, sous peine que les assureurs construction, dont je fais partie, se
heurtent à de sérieux problèmes.
Après ce rappel, nous pouvons nous poser la question de la performance énergétique. La jurisprudence n’étant
pas claire, le risque juridique est très élevé. Ceux qui pensent que la performance énergétique va entrer dans le
domaine de l’assurance construction risquent d’être fort déçus. Ce n’est pas envisageable pour deux raisons :
tout d’abord, le schéma d’assurance construction n’est pas du tout adapté aux problématiques de performance
énergétique, qui sont très complexes et dépendent de bon nombre d’éléments. Il nous paraît surréaliste de faire
en sorte qu’une responsabilité dépendant des acteurs soit mise en œuvre d’une manière sous-jacente par rapport
aux consommateurs. La deuxième raison pour laquelle le schéma d’assurance construction n’est pas adapté est
la présomption de responsabilité. Dès lors qu’il y a des désordres, les constructeurs sont présumés responsables.
Tous ces dispositifs ne peuvent être appliqués à une garantie réelle de la consommation énergétique.
Si la performance énergétique ne dépend pas de l’assurance construction, quel type de solution d’assurance
peut-on concevoir pour accompagner les consommateurs et les différents acteurs de la construction ? Pour tenter
de répondre à cette interrogation, nous avons initié une véritable réflexion globale, en y incluant tous les
assureurs. L’opération de construction requérant bon nombre d’intervenants, elle nécessite la mise en place d’un
dispositif assurantiel entre tous les acteurs (bureaux d’études, maîtres d’ouvrage, exploitants, consommateurs,
différents assureurs). À la FFSA, nous avons donc réfléchi à une démarche professionnelle.
Voici nos conclusions : dans un premier temps, nous nous sommes positionnés vis-à-vis du consommateur, en
nous demandant quelle serait la situation en cas de surconsommation. Nous avons conçu un schéma de garantie
à deux volets, dont le premier est la recherche de cause de la surconsommation. Cette garantie a vocation à
prendre en charge les frais d’investigation et d’expertise afin de rechercher les causes d’une surconsommation.
Dès lors que la consommation dépasse un seuil calculé en amont ou estimé par l’assureur sur les bases des
rapports du bureau d’études thermiques, l’on met en place des investigations pour en comprendre les causes. La
surconsommation est une notion extrêmement compliquée. Avec les assureurs, nous avons réalisé une
cartographie des risques, et il nous a paru important d’étudier les causes de la surconsommation dans un premier
temps, ce qui constitue une véritable valeur ajoutée pour le consommateur (car s’il est directement responsable,
la mission des assureurs sera alors pédagogique) ; les causes peuvent être également liées au bâti ou à sa
performance intrinsèque – défaut de mise en œuvre, erreur de conception, vice de produit – et elles doivent être
prouvées. Après ces frais d’investigation, les assureurs ne peuvent pas prendre en charge l’ensemble des
garanties, notamment tout ce qui est lié à l’utilisateur. Ils demeurent dans des garanties à péril dénommé :
lorsque vous vous assurez en multirisques habitation, vous êtes couverts pour l’incendie, le vol et autres
événements susceptibles de générer la destruction de votre bien ; de la même manière, dans les périls que nous
envisageons d’apporter, il y en a qui sont liés à un défaut de performance intrinsèque. Nous apportons des
garanties dès lors que nous mettons en cause un certain nombre d’acteurs, afin de sécuriser l’ensemble des
intervenants de l’acte de construire.
7 Nous ne garantissons donc pas le résultat. Notre démarche se fait en deux temps : nous garantissons d’abord sur
les frais d’investigation (la garantie « recherche de causes », qui correspond dans d’autres domaines par
exemple au cas de fuite ; ici, une expertise se déclenche pour rechercher les causes de la surconsommation,
avec un rapport à la clé, remis aux acteurs, qui identifie les causes) et ensuite sur les véritables protections
(indemnisation ou principe réparatoire).
Animateur
Avez-vous aussi pensé à la réassurance, que nous avons évoquée avec Pascal Rogier ? Pendant deux ou trois
ans, le constructeur prend en charge la garantie, puis la transmet dans un contrat d’exploitation.
Pierre ESPARBES
Il ne s’agit pas de réassurance mais d’assurance. Le constructeur n’apporte que des garanties. À ce jour, tout ce
qui s’inscrit dans le domaine des résultats énergétiques n’est pas couvert par les compagnies d’assurance. C’est
justement pour cette raison que nous réfléchissons à des solutions.
Animateur
Il n’y a pas de « garantie de la garantie », élément de sécurité. Les constructeurs s’engagent, mais il n’existe pas
de transfert de risques à un tiers.
Bruno MAROTTE
Vous avez tout à fait raison de le souligner. Nous nous trouvons dans un moment crucial. Il faut absolument
résoudre le problème d’un point de vue juridique pour éviter de tomber dans des excès qui risquent de faire
disparaître les offres du marché. Aujourd’hui, l’offre existe et provient de groupes comme le nôtre. Des
concurrents font des annonces non suivies des faits, pendant que notre groupe agit et envisage de communiquer
plus tard ! Cela fait trois ans que nous investissons en recherche et développement pour être en mesure de
donner des garanties. Nous investissons dans le calcul, dans le commissionnement (le contrôle en fabrication),
dans l’instrumentation (pour qu’elle ne soit pas trop lourde et nous permette de suivre le bâtiment dans le
système de gestion technique centralisée), dans l’usage du bâtiment, comme l’évoquait Pascal Roger (sur
l’accompagnement des occupants, qu’il s’agisse de bailleurs privés ou de bâtiments publics), et également dans
des systèmes de mesures.
Cette garantie paraît compliquée, mais elle comporte un gros avantage, le fait qu’elle soit annuelle. Il s’agit donc
d’un phénomène lent par rapport à une garantie de process, instantanée. Si vous êtes averti tout au long de
l’année de ce qui se passe dans le bâtiment (de manière mensuelle, bimensuelle ou même hebdomadaire), vous
pouvez suivre la consommation du bâtiment et donc enclencher un programme d’actions correctives qui
permettrait, en accord avec l’occupant et le mainteneur, de revenir sur la garantie. Beaucoup de personnes
s’investissent sur ce sujet, pour préparer l’avenir. L’aspect juridique constitue le point de blocage qui peut
apparaître sur le marché. Il est fondamental d’avancer sur la question ; d’ailleurs, suite au rapport Jouvent/Costa
déjà évoqué, des groupes de travail vont se remettre en place afin de traiter du sujet de la décennale. Si nous ne
pouvons pas exclure la performance énergétique du système de la décennale, nous ne devons pas non plus aller
trop loin sous peine de bloquer le système et les d’offres.
Pierre ESPARBES
Il est nécessaire de l’exclure de la GRE et de le concentrer sur la GPEI.
Animateur
Pascal Roger, êtes-vous d’accord avec ce qui vient d’être dit ? Que pensez-vous de la position des assureurs ?
Pascal ROGER
Le contrat énergétique comporte un élément spécifique, l’impossibilité de raisonner de manière statique. Il faut
aller chercher les économies d’énergie année après année. Or l’exploitant doit être motivé par cette recherche.
Ce qui fait la force de ce type de contrat, c’est la garantie non pendant une année, mais pendant toute la durée
du contrat. De notre côté, nous recommandons des durées relativement longues, afin de trouver un point de
stabilité. La question a été posée de savoir si Cofély se réassurait sur ce risque. Spontanément, sans l’avoir
évoqué en interne, j’aurais tendance à dire que ce qui pourrait être intéressant serait non de nous réassurer, mais
de nous motiver : si nous n’atteignons pas les performances, nous sommes alors pénalisés et si nous les
améliorons, nous sommes avantagés. Il faudrait trouver un équilibre entre les bonus et les malus. En revanche, le
maître d’ouvrage, sur la partie qui lui reste, pourrait trouver un intérêt à être couvert du risque de dérive (puisqu’il
va en supporter une partie, notamment en termes de surconsommation). Si l’on part du principe qu’un exploitant
compétent va supporter la moitié des pertes, un élément d’évaluation des risques est que sur un ensemble de
8 portefeuilles, statistiquement, l’exploitant pourrait même avoir une forme d’intéressement aux améliorations pour
compenser les pertes.
Les contrats doivent être respectés dans la durée. En règle générale, lorsqu’un contrat se déroule mieux que
prévu, les clients ont tendance à rediscuter les contrats et revoir les formules d’intéressement des assureurs alors
qu’à l’inverse, lorsque cela se passe moins bien que ce qui était espéré, l’on est plus strict sur l’application du
contrat. Dans les risques que nous prenons, notamment les risques comportementaux, nous devons tenir compte
de cet aspect important.
J’ai tendance à croire qu’il existe une piste, sans doute pas pour nous exploitants, mais plutôt pour les maîtres
d’ouvrage : une approche de même nature que celle que l’on mène avec les constructeurs – à qui l’on ne
demande pas de prendre tout le risque, mais d’être impliqués financièrement à hauteur de leur prestation, – qui
ferait que les assureurs se sentiraient à leur aise pour prendre un minimum de risques, tout le monde ayant tiré la
charrette dans le même sens.
Animateur
Dominique Errard a réagi lorsque vous évoquiez la durée. Nous avons imaginé que vous alliez proposer, comme
Darty, une extension de garantie sur la durée globale du bâtiment. Avant de lui donner la parole, je voudrais
écouter José Caire, directeur Villes et territoires durables à l’ADEME, le bras armé du gouvernement pour la mise
en œuvre concrète de cette démarche d’efficacité énergétique du bâtiment. Comment l’ADEME conçoit-il la
garantie de performance énergétique et quel est son rôle sur le sujet ?
José CAIRE, directeur Villes et territoires durables, ADEME
Le positionnement de l’ADEME est bien évidemment de soutenir les acteurs qui avancent sur ce champ assez
complexe. Cela fait d’ailleurs quelques années que l’ADEME y travaille. Nous avons vu que les objectifs étaient
extrêmement ambitieux. Compte tenu des enjeux que représente la réhabilitation en termes d’impact climatique,
l’ADEME se focalise sur ce point. Les 500 000 rénovations prévues nécessitent de trouver de grosses sommes
d’argent et par ailleurs, il faut que les maîtres d’ouvrage et les financeurs potentiels prennent des décisions, dans
un climat de confiance. Nous nous trouvons donc dans des logiques de garantie et de confiance et dans une
démarche qualité.
Au demeurant, l’une des contributions de l’ADEME est d’encourager le travail de qualité ; je fais allusion à
l’opération « Reconnu Grenelle Environnement », avec les professionnels (fédérations, certificateurs…) pour
contribuer à faire monter en compétences les personnes qui réalisent les opérations. Actuellement, nous
travaillons avec les maîtres d’œuvre à une extension de la mention « Reconnu Grenelle Environnement ». Au-delà de cela, le positionnement de l’ADEME a été depuis plusieurs années de susciter des opérations test sur
des contrats de performance et sur la garantie de performance énergétique. Nous avons lancé des appels à
projets, des appels à manifestations dans le cadre des investissements d’avenir et avons accompagné les
acteurs (en particulier des maîtres d’ouvrage). L’ADEME fait son métier classique d’accompagnement de
l’innovation et des avancées. Le troisième volet est le travail conjoint avec la fondation Bâtiment Energie, qui axe
toutes ses forces autour du travail sur la garantie de performance énergétique.
Animateur
L’ADEME apporte également une expertise technique. Nous avons vu qu’il fallait distinguer le structurel du
comportemental, ce qui a nécessité la mise en place de définitions, de méthodes, de dispositifs, de procédures.
Comment l’ADEME intervient-elle sur ce sujet ?
José CAIRE
Essentiellement d’un point de vue méthodologique : la fondation travaille sur l’équilibre entre les mesures de
vérification et le coût que cela représente par rapport au gain espéré. Par ailleurs, l’ADEME se positionne de plus
en plus sur les dimensions comportementales (sur les bâtiments basse consommation et sur les futurs BEPOS,
bâtiments à énergie positive). Elle prend en compte la connaissance du comportement de l’usager et de ses
déterminants, pour pouvoir les intégrer à sa réflexion.
Dominique ERRARD, Rédacteur en chef délégué du Moniteur
Je souhaite poser une question à Michel Jouvent : les propriétaires et les gestionnaires sont-ils demandeurs de
garantie de performance énergétique ? Celle-ci se valorise-t-elle dans les transactions et si oui, de quelle
manière ? Y a-t-il un marché à venir sur le sujet ?
Michel JOUVENT
9 Votre question concerne-t-elle la valeur verte ?
Dominique ERRARD
Verte ou non. La valeur commerciale également.
Michel JOUVENT
Nous ne possédons pas encore beaucoup de statistiques sur le marché français. Nous savons juste, grâce à une
étude récente de l’ADEME, qu’il existe en région un différentiel allant de 5 % à 10 %. S’agit-il d’une survaleur du
bâtiment économe ou d’une baisse de la valeur des bâtiments moins favorisés ? L’histoire le déterminera. Pour le
moment, les chiffres ne s’avèrent pas très significatifs. Nous savons en revanche, en ce qui concerne le tertiaire,
qu’il y a une forte demande des entreprises à utiliser des bâtiments à faibles charges.
Claude Delahaye a rappelé que les économies d’énergies visaient avant tout le gaz à effet de serre, mais il faut
être conscient que dans le logement, en particulier dans le logement social, l’une des plus importantes
problématiques est celle du pouvoir d’achat (loyer et charges) ; une économie d’énergie représente 40 % ou 50 %
des charges locatives, qui elles-mêmes sont parfois équivalentes au montant du loyer. Nous devons donc
prendre en compte cet aspect financier. Certains souhaiteraient même obtenir une garantie non en unités de
consommation énergétique, mais en euros.
Animateur
Le label énonce que les bâtiments sont éco-responsables ; au-delà de ce label, cette garantie financière
correspond-t-elle à une réalité ?
Michel JOUVENT
Dans tous les secteurs de l’immobilier (maisons individuelles, copropriétés, parcs locatifs, immeubles tertiaires
dont ceux de l’État), lorsqu’il s’agit d’investir des sommes énormes dans une opération, l’on s’attend à obtenir une
certaine sécurisation et même un retour sur investissement. Il y a donc une forte demande, y compris dans le
parc individuel.
Animateur
Du côté des assureurs, combien une garantie de performance énergétique coûte-t-elle ?
Pierre ESPARBES
Aujourd’hui, il n’en existe pas. Ce n’est pas un risque à transférer en intégralité car il nous est impossible de
reprendre l’ensemble de la garantie de résultats énergétiques.
Animateur
Votre voisin n’a pas l’air tout à fait d’accord avec vous.
Claude DELAHAYE
Mon horoscope du jour m’ayant conseillé d’éviter les conflits, je ne vais donc pas me prononcer !
Animateur
Ce qui signifie que sans l’horoscope, vous seriez entré en conflit avec Pierre Esparbès ? Claude Delahaye, vous
allez tout de même évoquer ces contrats, sans pour autant devenir conflictuel ?
Claude DELAHAYE
En tant que président de la FFSA, Pierre Esparbès se doit de tenir compte des composantes qui constituent sa
fédération. En ce qui nous concerne, nous avons effectivement bâti une garantie avec des assureurs n’étant pas
tous dans cette mouvance. Nous ne cherchons pas à jouer les dissidents, mais à trouver des solutions pour
sécuriser. Un bailleur social m’a confié : « Je commence à comprendre les tenants et aboutissants de la
performance énergétique, grâce à deux cas de figure. D’abord un cas d’accession à la propriété où l’acquéreur a
fait faire un diagnostic de performance énergétique (DPE) et s’est plaint d’obtenir un niveau G alors que je lui
avais annoncé un niveau B. J’ai dû lui faire un chèque. Le deuxième cas s’est produit trois mois plus tard, alors
que j’avais concouru pour l’obtention d’une subvention européenne, qui ne m’a pas été attribuée car le bâtiment
n’était jamais arrivé au niveau de la performance ». Assurance construction ou non, contractuelle ou non, nous
nous heurtons à de nombreuses difficultés.
10 Nous avons retenu le principe de la garantie décennale, par souci de simplicité, la plupart des garanties en
matière de construction ayant une durée de dix ans. Cependant, au bout de trois ou quatre ans d’exploitation d’un
bâtiment, nous devrions être en mesure de déterminer s’il y a performance ou non. La garantie ne prend pas au
premier jour de la livraison, car une période d’adaptation s’avère nécessaire. C’est seulement après avoir mis en
œuvre un ensemble complexe de dispositifs coûteux pour le maître d’ouvrage (bureau d’études, contrôles
techniques, missions de commissionnement, recalages de consommation, etc.) que nous pouvons bâtir une
garantie contractuelle avec lui.
Le contrat mis en place est satisfaisant pour le maître d’ouvrage puisqu’il inclut un préfinancement en cas de
défaut, avant recours contre les intervenants. Reste cependant un problème crucial, celui des entreprises – soit
des grandes entreprises qui travaillent sur fonds propres et apportent ainsi une certaine tranquillité, soit des
entreprises moyennes n’étant pas adossées à de grands groupes, ce qui engendre plus de complications.
Animateur
Je voudrais poser une question à Bruno Marotte. Pour le constructeur que vous êtes, les garanties de
performance énergétique peuvent-elles changer la manière de réaliser les bâtiments ou de les rénover ?
Certaines techniques vont-elles être écartées, allez-vous faire preuve de plus de prudence ? Quelles nouvelles
technologies seront mises en avant, notamment en termes de capteur d’informations ?
Bruno MAROTTE
Incontestablement, la réponse à vos questions est « oui ». Et si nous avons investi de l’argent dans ces sujets
depuis quelques années, c’est parce que notre philosophie d’entreprise se tourne vers un monde responsable.
Selon nous, le constructeur – que ce soit en neuf ou en rénovation – doit devenir responsable de cette garantie,
car l’acte de construire a un impact majeur sur la consommation réelle du bâtiment et donc sur le revenu des
ménages, comme le soulignait Michel Jouvent. L’augmentation de l’énergie est inévitable alors que le revenu des
Français sera sans doute stable dans les années à venir.
Nous avons donc besoin de constructeurs responsables, et ce, quelle que soit leur taille. Les grands groupes
sont les premiers à s’inscrire dans cette démarche car ils possèdent des moyens en recherche et développement
et souhaitent à la fois développer leur business et se donner une image citoyenne ; mais la démarche ne doit pas
leur être réservée.
Nous allons concevoir un certain nombre de méthodes, notamment en termes de contrôles. Nous réfléchissons
de manière approfondie au commissionnement et au pilotage de la performance énergétique, pour mettre en
place de la méthodologie au sein des programmes de recherche et développement. Ainsi, sur le contrat de
performance énergétique de LogiRep, nous avons sensibilisé un conducteur de travaux à ces sujets, ce qui a
2
débouché sur des tests sur les choix des matériaux – des vérifications sur 2 m – avant le lancement de la
production.
Animateur
Encourageriez-vous les constructeurs autres que Bouygues à faire appel à une ingénierie indépendante pour
effectuer régulièrement des opérations de contrôle sur les chantiers, c'est-à-dire vérifier que les travaux se font en
conformité, afin que le résultat soit garanti ? Cette ingénierie pourrait même attester des bonnes pratiques auprès
de la maîtrise d’ouvrage. Pratiquez-vous vous-même ce type d’opération ?
Bruno MAROTTE
Effectivement, c’est le cas. Ainsi, sur Balard, nous avons une cellule de pilotage de la performance énergétique
composée de deux salariés de Bouygues à plein-temps (pour la partie concepteur-constructeur) et une mission
de conseil que nous avons confiée à Arcobat, qui nous aide à piloter le projet. L’ensemble nous donne tout à fait
satisfaction.
Sur ces sujets, il y a du travail pour tous, quelles que soient les professions. L’idée n’est pas de déposséder les
exploitants ou les bureaux d’étude de leur rôle ; nous devons tous nous mettre autour de la table et travailler
ensemble, en respectant le métier de chacun et en responsabilisant chaque partie de métier en fonction de ses
compétences et de son implication au sein du projet. Ainsi, comme il n’est pas dans la culture des constructeurs
de s’engager pour trente ans, ils pourraient rester dans le projet les deux ou trois premières années de la vie du
bâtiment. De même, le bureau d’études, chargé des calculs, se limiterait à la responsabilité de la conception et
non à celle de la construction et de l’usage. Quant à l’exploitant, il aurait sa responsabilité de mainteneur –
conduite de l’installation, accompagnement des usagers – mais sans lien avec la conception et la construction.
Michel JOUVENT
11 La mesure est indispensable. Un outil dont a parlé Pascal Roger fait référence, le protocole de mesure et de
vérification de l’efficacité énergétique (IPMVP), quelque peu rébarbatif au départ, mais bien expliqué dans la
revue de la FEDEM. Il faut l’adapter pour rester simple. Comme les représentants des associations l’ont rappelé à
plusieurs reprises, les occupants ne souhaitent pas que leur logement se transforme en laboratoire, avec dix
capteurs par pièce pour suivre les consommations instantanées.
Animateur
Pourquoi refuse-t-on pour le bâtiment ce qui est admis pour l’automobile ? De nos jours, lorsque l’on monte dans
une voiture, nous sommes bipés de tous côtés si nous n’attachons pas notre ceinture, alors pourquoi pas de bips
à notre domicile ?
Michel JOUVENT
Si une anomalie est détectée, va pour le bip ! Mais le fait d’avoir accès en permanence à nos consommations
instantanées, seuls les enfants trouveraient cela amusant, et encore pendant cinq jours… Nous devons rester
simples. Une règle spécifie d’ailleurs que nous ne devons pas dépenser en instruments de mesure plus de 10 %
des économies de consommation.
Un autre point n’a pas encore été évoqué, alors qu’il commence à émerger dans le logement et même dans des
immeubles de bureaux : construire un immeuble à faibles dépenses énergétiques nécessite beaucoup
d’équipements complémentaires qui font l’objet de contrats de maintenance, dont le surcoût, dans certaines
opérations de logement, dépasse l’économie d’énergie réalisée. C’est un peu fâcheux !
Animateur
Imaginons que vous économisez autant en énergie que ce que vous dépensez en contrat de maintenance, êtesvous tout de même gagnant, dans la mesure où dans un cas vous avez de la main-d’œuvre et un local et de
l’autre vous limitez l’hydrocarbure ?
Michel JOUVENT
A prix égal, cela peut se discuter, mais nous devons rester vigilants. L’économie de charge ne correspond pas à
l’économie d’énergie si l’on oublie de déduire les surcoûts de maintenance.
Je souhaite également évoquer en deux mots la nouvelle mission que devrait nous confier Philippe Pelletier dans
quelques jours. Il s’agirait d’approfondir les aspects juridiques liés au sujet de la garantie. Outre les propositions
de textes, la mission consisterait à donner le mode d’emploi détaillé de la GPEI. Ce rapport d’État pourra être
complété dans les semaines à venir. J’invite les personnes intéressées à contacter Philippe Pelletier afin de
participer à ce groupe restreint composé de différents acteurs de la construction immobilière, en vue d’avancer
dans ces directions.
Pierre ESPARBES
Il ne faudrait surtout pas laisser supposer que la performance énergétique et la garantie réelle sont des
problématiques simples. Elles sont au contraire extrêmement compliquées. Nous sommes dans une phase
exploratoire marquée par un grand nombre de recherches. Le pire pour un assureur serait de faire croire aux
entreprises qu’elles peuvent s’y engager les yeux fermés, pour leur annoncer trop tard que le contrat ne couvre
pas certains sinistres. Il n’est pas question de faire signer les contrats et d’utiliser des clauses qui videraient ces
contrats de leur substance. Le rôle des assureurs ne consiste pas à faire du marketing. Nous sommes ravis que
se mette en place un nouveau groupe de travail composé d’excellents professionnels, qui vise à bâtir des
solutions.
Il est souvent dit que l’on garantit les résultats, mais si vous examinez le contrat vous remarquerez l’étendue de la
nature des exclusions (ces dernières vont du domaine de la consommation aux erreurs de conception et de saisie
dans le logiciel, en passant par les problèmes d’exploitation) ; dans les garanties d’assurance, nous n’avons pas
le droit de donner une image fausse de la couverture. Plutôt que d’annoncer une garantie totale avec une
exclusion de 99 % des risques, nous préférons garantir uniquement les problèmes de performance énergétique
intrinsèques – c'est-à-dire ce qui vient du bâti.
Question de la salle, Michel HUET, avocat
Ma question s’adresse à la fois à Bruno Marotte et aux assureurs : les mots « complexification » et
« simplification » ont été prononcés, mais ne croyez-vous pas que, pour les professionnels, le problème est de
d’endosser la responsabilité de la garantie, alors que notre système d’assurance n’est pas adapté ? Ne pourraiton pas plutôt déconnecter le problème de la décennale, et établir une garantie sur trois ans, avec ce qui est
12 essentiel et qui a fait l’honneur de notre système décennal, une présomption de responsabilité ? Ne pensez-vous
pas que votre position relativement « timide » en matière d’assurances risque de vous laisser devancer par les
sociétés d’assurances européennes ?
Bruno MAROTTE
Je confirme que nous offrons des garanties réelles et qui ne contiennent pas d’innombrables conditions. En ce
qui concerne le sujet comportemental, sur le tertiaire il est assez aisé de définir un scénario d’usage du bâtiment
et donc de le contractualiser. Il ne faut pas non plus que le scénario d’usage devienne trop compliqué, sous peine
de construire une « usine à gaz ». En revanche, pour le logement il n’est pas possible de contractualiser le
scénario d’usage, en dehors de la température moyenne, car tout ce qui ressort de la vie privée des gens, à
savoir la présence des occupants et leur utilisation de l’électroménager et de l’éclairage, ne peut faire l’objet d’un
contrat. Nous investissons dans des hypothèses de calcul pour essayer d’établir une sorte de courbe de Gauss
du comportement des logements, et nous prenons un risque non contractualisé.
Je vais revenir sur la présomption de responsabilité, que je préfère convertir en « présomption d’innocence ».
Nous pensons que la responsabilité sur la décennale est le sujet clé pour ouvrir le marché. Nous devons garder
le système décennal, qui fait effectivement la fierté du système assurantiel. En cas de sinistre décennal, le client
reste assuré sur l’ensemble des dommages qui y sont liés. Si l’on subit un sinistre classique avec des
surconsommations énergétiques, ces dernières seront alors assurées comme une conséquence naturelle de ce
sinistre. En revanche, il nous pose problème d’être appelés sur la garantie de résultat énergétique par exemple
au bout de la septième année, alors que nous ne sommes plus présents dans le bâtiment et qu’une partie de son
résultat énergétique découle d’éléments ne dépendant pas de nous (les aspects maintenance et comportement).
Comment transférer la responsabilité décennale à la maintenance ? Si nous parvenions à concentrer la
décennale sur la GPEI, tout en posant une certaine limite, cela permettrait d’extraire la GRE de la décennale tout
en gardant de la performance énergétique à l’intérieur de la décennale (politiquement et socialement, il serait
incorrect de l’extraire en totalité), de définir avec le client une GRE entièrement contractuelle, et donc limitée, ce
qui inciterait les assureurs de faire des offres. Un boulevard pourrait s’ouvrir à eux…
Prenez une résidence de 50 logements (un exemple classique de logements sociaux en France) dont la
consommation annuelle est de 20 000 € par an, et qui coûte en moyenne 7 M€ en construction (tarifs de l’Ile-deFrance, y compris les honoraires de maîtrise d’œuvre). Il faut un système assurant que les maîtres d’ouvrage –
en l’occurrence les occupants, puisque les charges sont récupérables – soient assurés de ne pas dépenser plus
de 20 000 € par an. En cas d’écart de 30 %, soit 6 000 €, il ne faut surtout pas imaginer un système d’usine à gaz
entraînant des coûts d’expertise et de travaux démesurés par rapport aux dommages réels de cette garantie. Il
est donc nécessaire de concevoir un système suffisamment fin et qui soit connecté à la réalité.
Animateur
Vous avez prononcé le chiffre de 20 000 € par an. Nous entendrons le témoignage d’une occupante qui ne
dépense que 85 € par an.
e
Pierre Esparbès, vous êtes accusé par M Huet d’avoir une position timide et de minimiser la démarche,
cependant que Bouygues vous propose un boulevard. Alors, entre les deux ?
Pierre ESPARBES
Tout d’abord, notre responsabilité à ce stade se situe vis-à-vis des personnes qui prennent de véritables
engagements. Si vous prenez des engagements exorbitants de droit commun sur des consommations réelles,
nous devons clairement vous informer que c’est à vos risques et périls, sans garantie d’assurance.
Nous sommes gênés par la notion de présomption de responsabilité. Comment déclencher cette présomption
pour un bâtiment qui respecte la réglementation thermique (RT) 2012 ? À partir de quel seuil ? 50 KWh ? Ce
chiffre théorique n’a aucun sens physique, ne correspond à aucune consommation réelle. En cas d’infiltration,
vous pouvez en faire le constat et ainsi déclencher la présomption de responsabilité. Mais lorsqu’un bâtiment
neuf respecte la RT 2012, à partir de quel moment et de quelle manière peut-on la déclencher ? Au moment où le
maître d’ouvrage signale qu’il consomme trop ? Comme le disait Spinetta, qui a beaucoup œuvré pour la mise en
place du dispositif d’assurance construction, le problème de la performance énergétique est qu’elle ne se mesure
pas.
Claude DELAHAYE
Deux remarques et pas de polémique. Effectivement, l’attribution de garanties sur la base de calculs
conventionnels est une vue de l’esprit. Il faut bien évidemment se fonder sur des calculs thermodynamiques, qui
existent depuis de nombreuses années et qui permettent de déterminer avec le maître d’ouvrage, sur la base
d’un certain nombre de critères, un cahier des charges thermiques et de prendre des engagements vis-à-vis de
celui-ci. Si le maître d’ouvrage fait en sorte que la température soit à 21° dans un bâtiment (le fait de prévoir des
13 bâtiments chauffés à 19° n’est qu’un leurre), l’on adopte des critères proches de la réalité qui servent de base à
des calculs thermodynamiques et l’on doit arriver à donner des garanties de résultat. Mais je ne vois pas pourquoi
les exploitants ou le maître d’ouvrage devraient supporter les défauts de conception et de réalisation
(perméabilité, ponts thermiques) qui font que le résultat escompté n’est pas atteint. Le comportement, quant à lui,
est très important, et il est possible de l’isoler.
Pascal ROGER
Nous réclamons la présomption de responsabilité, qu’un exploitant, dans le cadre d’un contrat de garantie de
responsabilité énergétique, accepte de prendre – et c’est là la force de ce contrat. La question de l’interface entre
les problématiques de conception-réalisation, donc de tout ce qui va dans le sens d’un engagement plus fort au
stade de la GPEI, y compris un engagement financier sur une période plus longue, est un élément primordial en
termes de création de confiance. Si nous abordons le sujet du côté des risques, nous ne pourrons jamais parvenir
à nos fins. La seule manière d’y parvenir est de nous sentir à l’aise à un moment donné. Je reviens sur le fait que
nous ne sommes pas des mainteneurs, mais des exploitants. Nous pouvons trouver des solutions, même si à ce
jour elles ne sont pas toutes prédéterminées. Nous avons besoin de gérer correctement le transfert d’interface
entre conception, réalisation et exploitation. Le fait que les concepteurs et les réalisateurs s’engagent au-delà de
ce qu’ils faisaient précédemment constitue un élément très favorable. In fine, nous demanderons d’accompagner
les phases de conception et de réalisation afin de nous sentir à l’aise pour porter cette responsabilité, de telle
sorte que les maîtres d’ouvrage n’aient pas le sentiment qu’ils devront gérer une problématique GPEI/GRE
demain, mais seulement une problématique GPEI encapsulée dans la garantie de résultat énergétique. Et c’est
ceci que nous réclamons comme le cœur de notre métier, sur lequel nous sommes disposés à avancer.
Animateur
Y a-t-il un maître d’ouvrage dans la salle qui souhaite réagir à ce qui vient d’être énoncé ?
Alexandre Sevenet, président du groupe NEPSEN, groupe de bureaux d’études en économie d’énergies
Comment constate-t-on des non-conformités en GPEI ?
Michel JOUVENT
C’est exactement le sujet sur lequel travaille la mission complémentaire de Philippe Pelletier : le mode d’emploi
de la GPEI est la manière dont elle peut être contrôlée. Il est trop tôt pour en dire plus.
Pascal ROGER
A ce stade de la GPEI, on ne fait que vérifier les calculs conventionnels. Mathématiquement, cela fonctionne. La
réalité, c’est de déterminer, au moment de la réception d’un ouvrage, quels types de tests vont être effectués, sur
l’étanchéité, les capacités d’isolation de telle ou telle solution constructive – des sujets traités dans les processus
de réception d’ouvrage. Lors de la réception d’ouvrage, il doit y avoir des règles de calcul de performance au
stade de la perception (différence de température de peau, de la thermographie infrarouge, étanchéité, etc.).
Chaque fois que nous prenons en charge un bâtiment dont nous n’avons pas assumé nous-mêmes la
responsabilité en termes de construction – ce qui est l’immense majorité des cas, en dehors de quelques
réhabilitations légères – un des gros sujets qui répond à votre question ne se pose pas en termes de GPEI mais
de transferts de responsabilité entre les concepteurs-réalisateurs et l’exploitant. La réponse qui est en train d’être
élaborée par les constructeurs et qui consiste à dire qu’ils acceptent d’être mesurés sur les consommations
réelles pendant une certaine période de temps, est un début de réponse quantifiable et mesurable, avec des
conséquences pouvant être contractualisées entre eux et nous, que nous allons ensuite pouvoir supporter vis-àvis de l’usager.
Animateur
Merci, Pascal Roger. Ce sera le mot de la fin de cette table-ronde. Je souhaite tout de même apporter une
précision. Claude Delahaye a affirmé que le législateur avait mis en place le plan de performance thermique des
bâtiments non dans le but de faire faire des économies au particulier mais dans celui de réduire les émissions de
CO2 et de travailler sur une ressource intelligente de nos ressources énergétiques. Vous allez constater au vu des
exemples qui vont vous être présentés que, effectivement, même si dans certains cas le plan ne s’accompagne
pas d’économies sonnantes et trébuchantes, il y a tout un ensemble d’éléments impalpables, difficiles à quantifier
et à mesurer, dans le sens du confort. Les témoignages des maîtres d’ouvrage des différents projets que vous
allez découvrir vont mettre en exergue certes des aspects énergétiques et économiques, mais aussi l’aspect
« confort », le côté agréable à vivre de ces bâtiments.
Merci, Messieurs, d’avoir participé à cette première table-ronde.
14 Je vous signale que tous les supports des intervenants et les vidéos visionnées au cours de ces deux journées
seront téléchargeables sur le site internet http://conferences.lemoniteur.fr/RPE/, à condition que vous ayez bien
écrit votre adresse électronique sur le questionnaire d’évaluation de la conférence.
15 Retours d’expériences n°1
Rénovation de bâtiments exemplaires dans le tertiaire
Philippe ROCHER
Comment transformer une passoire énergétique tertiaire en bâtiment de basse consommation (BBC) ou en
bâtiment à énergie positive (BEPOS) ? Quels sont les facteurs de réussite ? Comment mesure-t-on les niveaux
de performance et quelles sont les erreurs à éviter ? Quelques questions de fond qui vont être posées aux
participants de cette première séquence, animée par Dominique Errard, rédacteur en chef de la revue Le
Moniteur.
Trois acteurs professionnels de l’acte de construire vont intervenir pour ces premiers retours d’expériences.
Christophe Plantier est ingénieur thermicien chez Enertech, le bureau d’études bien connu du moindre kWh dans
le bâtiment, dirigé par Olivier Sidler. Julien Rivat est architecte DPLG au cabinet Rivat Architecte, et David
Bownass exerce le poste de directeur du développement durable chez WSP Genivar, au Royaume-Uni.
Le format sera identique pour les dix retours d’expérience, à part les deux exemples venus d’Outre-manche :
chaque intervention débutera par une séquence vidéo, puis sera suivie d’un temps de présentation plus détaillée
de tous les choix techniques puis d’une discussion avec la salle. Nous allons commencer par Christophe Plantier,
qui va évoquer un projet qu’il a suivi en détail, le siège de la fédération du BTP Drôme-Ardèche, ce bâtiment
construit en 1995 à Valence (Drôme) dont la rénovation énergétique a été réalisée en 2011, avec un objectif
quelque peu ambitieux. Nous allons d’abord écouter le témoignage de Gérard Payen, président de la fédération
du BTP Drôme-Ardèche.
[vidéo] Gérard PAYEN, président de la fédération du BTP Drôme-Ardèche
Nous sommes à Valence, sur le plateau de Lautagne, au siège de la fédération du BTP Drôme-Ardèche. Ce
bâtiment est récent, puisqu’il date de 1995. Partis d’un bâtiment à isolation classique, nous avons réalisé un
bâtiment basse consommation à énergie positive. Nous avons travaillé avec un cabinet thermicien sur l’isolation
par l’extérieur, afin de pouvoir travailler avec un maximum d’entreprises et avoir deux types d’isolation. Sur la
façade nord, nous avons remplacé les vieilles menuiseries par des menuiseries très performantes, et sur les
façades sud et ouest nous avons gardé les menuiseries aluminium intérieures qui étaient en place et il a été
reposé des menuiseries également en aluminium sur le mur extérieur en parement en pierre. Dans le hall
d’entrée, la grande verrière, qui souffrait de forte déperdition thermique et d’entrée d’air par manque d’étanchéité,
a été déposée et remplacée par une nouvelle verrière avec des vitrages très performants. Sur cette verrière a été
mis en place un système de brise-soleil, qui se ferme lorsque le soleil est au zénith, pour éviter la grande chaleur.
Nous avons également revu notre système d’éclairage : il a été doté d’ampoules basse consommation, et les
éclairages se déclenchent grâce à des détecteurs de présence. En vue d’une énergie positive, nous avons
2
installé 370 m de panneaux photovoltaïques sur la structure-terrasse. Nous avions prévu une production de
60 000 kWh pour la première année, or en 2012 nous avons déjà dépassé nos prévisions. En ce qui concerne le
système de chauffage, nous avons creusé un puits pour travailler en pompe à chaleur pour l’eau chaude, le
chauffage l’hiver et le rafraîchissement l’été. Cette expérience s’est avérée très intéressante pour tous les
participants au projet. Nos adhérents, qui viennent souvent utiliser nos services, font le « tour du propriétaire » et
observent tout ce qui a été réalisé. Nous voulions aussi que notre bâtiment constitue une vitrine technologique
pour les départements de la Drôme et de l’Ardèche.
Animateur (Philippe ROCHER)
Nous allons revenir sur la démarche négaWatt qui a guidé la rénovation ambitieuse de ce bâtiment, qui se devait
d’être exemplaire, compte tenu du maître d’ouvrage. Nous allons entrer dans les détails techniques avec
Christophe Plantier, ingénieur thermicien. Quelle a été la méthode ? Quels ont été les critères de choix
techniques ? Comment la discussion avec le maître d’ouvrage s’est-elle passée ?
Christophe PLANTIER
Ce projet s’est effectivement fixé pour ambition de concevoir un bâtiment à énergie positive, et de faire de ce
bâtiment une vitrine des technologies existantes, de ce tout ce que l’on avait à disposition dans la performance
énergétique – c’est ce qui a guidé les choix techniques pour la rénovation du bâtiment. Ainsi il y a plusieurs choix
pour les menuiseries : un système de doubles-fenêtres sur les bureaux et des fenêtres en remplacement sur la
partie salles de réunions. Par ailleurs, pour les entreprises ayant participé à ce chantier, il y avait un aspect
pédagogique sur la performance énergétique, et plus particulièrement sur l’étanchéité à l’air. La méthode de
conception est basée sur le triptyque négaWatt : sobriété, efficacité, et énergie renouvelable. Ces trois éléments
sont indispensables à la performance et à la réalisation d’objectifs d’énergie positive. Nous y reviendrons sur la
partie énergétique, car l’aspect « comportement des usagers » est central dans ce type de bâtiment.
16 Animateur
Nous allons revenir point par point sur l’efficacité, l’énergie renouvelable et la sobriété (nous gardons le meilleur
pour la fin). Quelques précisions techniques à l’aide de vos diapositives.
Christophe PLANTIER
Les premiers travaux auxquels nous avons pensé ont été de ré-isoler ce bâtiment. Le choix s’est porté
naturellement sur une isolation par l’extérieur, du fait de sa meilleure performance thermique et parce qu’il aurait
été inconcevable de réaliser des travaux à l’intérieur des bureaux, le bâtiment étant un site occupé. Nous avons
donc vêtu ce bâtiment d’un nouveau manteau thermique, avec deux techniques différentes : du polystyrène sous
enduit sur la partie salle de réunions (technique très classique et sans doute la moins onéreuse), et une dalle
minérale sous pare-bâche pierres pour la partie bureaux. Sur la partie bureaux ont été gardées les menuiseries
coulissantes existantes en aluminium, non-étanches à l’air et peu performantes, auxquelles nous avons ajouté
une nouvelle menuiserie : une ouverture à l’italienne en aluminium thermiquement performant. Puis nous avons
traité l’étanchéité à l’air sur ces nouvelles menuiseries, ce qui a permis de régler le problème des menuiseries
existantes. Enfin, sur toutes les menuiseries du bâtiment ont été posées des protections solaires, indispensable à
un confort en période chaude, sans climatisation.
Animateur
L’étanchéité à l’air sujet ô combien délicat qui modifie beaucoup le comportement et qui oblige tout le monde à
être présent le jour du test, y compris le plombier et l’électricien !
Christophe PLANTIER
Effectivement. Sur cette opération a eu lieu un suivi particulier sur l’étanchéité à l’air. Un prestataire a réalisé des
tests préalablement aux travaux, en présence des entreprises concernées, ce qui a permis d’identifier les fuites et
de les traiter. Les tests aux fumigènes font clairement apparaître les endroits où passe l’air. Je vous invite à
assister à un test dès que vous en aurez l’occasion, c’est à la fois impressionnant et très pédagogique. En
l’occurrence, le manque d’étanchéité se situait principalement sur les menuiseries, et dans une moindre mesure
sur la pénétration des réseaux et sur la cage d’ascenseur – une colonne mettant en liaison le volume chauffé
avec le parking non chauffé et avec la toiture extérieure.
La menuiserie doit être intrinsèquement étanche à l’air ; pour arriver à un niveau performant, il faut
impérativement viser un classement AEV de niveau A4, ce qui pose un vrai problème pour les menuiseries
coulissantes, car à ce niveau l’on arrive uniquement à des systèmes à frein, où le joint est coincé, pour garder
l’étanchéité. Par ailleurs, l’aspect le plus important pour les menuiseries est la liaison entre le dormant et la
structure étanche et opaque du bâtiment. Nous avions une structure béton, intrinsèquement étanche à l’air ; nous
avons donc fait la liaison par des membranes à scotch butyle qui, collées au dormant de la menuiserie,
permettent une adhésion très forte au béton. Pour parvenir à un niveau très élevé d’étanchéité à l’air (niveau
passif), on ne peut plus compter sur les composantes habituelles – il faut notamment cesser de tout traiter au
silicone, qui, s’il semble convenir au moment de la pose, ne résiste pas lorsque l’on a deux matériaux très
différents – leurs dilatations font alors jouer le silicone. Les membranes, elles, sont posées de manière assez
souple pour reprendre la dilatation et permettre ainsi une étanchéité à l’air quasi-parfaite.
Il ne faut pas non plus négliger les pénétrations des réseaux : chaque fois que des réseaux aérauliques,
électriques ou hydrauliques traversent le volume étanche, l’on traite ces liaisons par des scotchs spéciaux. Par
exemple, sur ce fourreau électrique qui passe à l’extérieur ont été collés de petits bouchons permettant
l’étanchéité à l’air entre le fourreau et les câbles. À part les entreprises de peinture ou de revêtement de sol,
toutes les entreprises sont concernées par ces tests.
Animateur
Il faut que tous les corps de métier aient vu la porte rouge ! Quelle est la durée de vie d’un ruban adhésif ? Estelle analogue à celle du BEPOS ?
Christophe PLANTIER
Nous n’avons pas encore suffisamment de recul sur ce matériau, mais nous espérons que la durée de vie du
scotch correspondra à celle du bâtiment. D’après la documentation, la matière butyle permet théoriquement
d’adhérer de plus en plus, au cours du temps, au béton. Nous verrons bien comment elle évolue.
Dominique ERRARD
17 Cela signifie-t-il qu’en livrant un bâtiment comme celui-ci, qui a été refait, vous êtes en mesure de déclarer au
maître d’ouvrage que le bâtiment est BEPOS à vie ?
Christophe PLANTIER
Non, il me paraît difficile de l’affirmer ainsi. Nous lui disons que nous avons conçu et construit un bâtiment ayant
le potentiel pour être un bâtiment à énergie positive.
Il faut revenir à l’aspect comportemental des gens : ce n’est pas le bâtiment qui consomme de l’énergie, mais ses
usagers. Nous ne pouvons donc pas assurer au maître d’ouvrage que nous lui fournissons un bâtiment à énergie
positive.
L’une des diapositives s’intitule « Le diable se cache dans les détails », car si l’on veut arriver à des bâtiments
très performants, nous nous devons d’améliorer les qualités de nos métiers. La qualité de conception consiste à
faire le tour de l’enveloppe, trouver tous les détails qui posent problème et concevoir des systèmes qui permettent
de traiter ces détails, et ce de manière simple, pour que les entreprises soient en mesure d’agir. Ce travail accru
de conception s’avère nécessaire pour parvenir à une performance énergétique.
[Diapositive « Une qualité de préparation accrue »] Je tiens beaucoup à cet aspect. Cette opération ayant eu
comme particularité d’être menée sur le siège de la fédération du bâtiment, nous avons travaillé en collaboration
étroite avec les entreprises qui ont conduit le chantier, ce qui a constitué un enrichissement pour tous. Nous
avons réfléchi à la préparation du chantier avec notre vision de concepteur, mais aussi avec celle des
entreprises, qui étaient en mesure d’évaluer la faisabilité de nos projets.
Enfin, nous devons évoquer la qualité de mise en œuvre des entreprises, qui a besoin d’être améliorée. Sur ce
chantier, les entreprises se sont montrées volontaires pour faire progresser leurs process, et cela a contribué à la
performance du bâtiment.
Une fois l’enveloppe traitée, il faut s’occuper des systèmes techniques. Nous sommes passés d’une ventilation
mécanique de type simple flux auto-réglable à une ventilation de type double-flux avec récupération de chaleur,
avec comme approche les deux points déjà évoqués, sobriété et efficacité. La sobriété consiste à ne ventiler que
pendant les horaires d’ouverture des bureaux, ce qui est important puisque l’on passe un peu moins d’un tiers de
l’année dans les bureaux ; pendant les deux autres tiers, l’on peut couper la ventilation et ne pas consommer
d’électricité ni de chauffage. La ventilation est donc stoppée la nuit, les week-ends et éventuellement pendant les
vacances. Par parenthèse, beaucoup pensent qu’il est impératif de ventiler les sanitaires 24h/24, or l’on peut tout
à fait bloquer leur ventilation, en la relançant simplement une à deux heures avant l’arrivée des salariés, et le
volume d’air, qui peut être souillé, est évacué du bâtiment.
Par ailleurs, pour continuer sur la sobriété, nous avons essayé de ne ventiler qu’au strict besoin de l’occupation
du bâtiment. Ce dernier comportant deux salles de réunions susceptibles d’accueillir jusqu’à cent personnes voire
plus, nous y avons installé des sondes de détection de CO2, permettant d’ajuster le débit de ventilation à
l’occupation réelle et par là-même d’adapter la consommation énergétique qui en découle.
En ce qui concerne l’efficacité énergétique, nous avons mis un système double-flux à récupération de chaleur (de
l’ordre de 90 %). Sur un bâtiment très isolé, la charge due au renouvellement d’air correspond à un tiers en
simple flux ; si vous réduisez de 90 %, vous gagnez 25 % de besoin de chauffage, ce qui est donc non
négligeable et quasiment indispensable, sauf sur le pourtour méditerranéen, où l’on pourrait rester en simple flux.
Autre point sur l’efficacité énergétique : les fabricants proposent de plus en plus de ventilateurs à vitesse variable
s’adaptant au débit nécessaire ainsi que des moteurs électriquement plus efficaces et qui permettent, pour le
même service, de consommer beaucoup moins d’électricité.
Enfin, dernier aspect, l’étanchéité des réseaux, sur laquelle nous travaillons de plus en plus. Les réseaux
aérauliques fuyant beaucoup, il devient nécessaire de les traiter pour atteindre de faibles taux de fuite.
Animateur
Si le renouvellement d’air n’a lieu qu’en période d’occupation des locaux, est-ce suffisant pour évacuer d’autres
émissions que le CO2, telles que les composés volatiles, les émanations des matériaux de construction ou du
mobilier ?
Christophe PLANTIER
Cette question passionnante pourrait faire l’objet d’un long débat. Nous nous sommes fiés au taux de
renouvellement d’air réglementaire. Dans les salles de réunion, nous avions un petit logiciel permettant de
simuler le taux de CO2, et nous arrivons à maintenir ce taux en dessous de 1 000 ppm, à savoir la limite légale.
18 Est-ce satisfaisant en termes de qualité de l’air ? Cela peut être discuté. Les médecins spécialistes du sujet
estiment que c’est largement insuffisant, quant à moi je ne me prononcerai pas sur la question…
Animateur
Nous allons supposer que vous avez regardé l’analyse de cycle de vie (ACV) de composants comme les
peintures ou les revêtements de sol (même si cela vous échappe sur le mobilier) et que vous vous situez dans les
normes. Revenons à la performance énergétique.
Christophe PLANTIER
Le système de chauffage et de rafraîchissement de l’époque consistait en des chaudières gaz à condensation, et
en un groupe froid sur toiture pour la climatisation. Nous les avons remplacés par des pompes à chaleur, dont la
source est la nappe qui passe sous le bâtiment. Nous avons trouvé de multiples avantages à l’utilisation de ces
pompes à chaleur : la nappe ayant une température entre 12° et 14°, l’on se contente d’un échange direct avec
son eau pour le rafraîchissement du bâtiment. Le fluide du réseau ne fait que passer dans l’échangeur et être
envoyé directement aux émetteurs, nous n’utilisons donc pas les pompes à chaleur pour rafraîchir le bâtiment.
L’été dernier, qui a été marqué par deux semaines très chaudes au mois d’août, s’est bien passé pour le
bâtiment, et même trop bien, puisque la température était de 24° alors que la loi exige de ne pas descendre en
dessous de 26°.
Nous avons installé deux pompes à chaleur en cascade : la première travaille 90 % du temps pour couvrir la
moitié de la puissance nécessaire, et la seconde vient en secours pour les pointes. La particularité de ce bâtiment
est que l’on a conservé le système d’émission qui était en place. À l’époque de sa conception, ce système était
surpuissant par rapport aux besoins. Comme les besoins ont été réduits d’un facteur 3 ou 4, les surpuissances
atteignaient 5, 6 ou 7 selon les bureaux. Le gros avantage de ce système est la possibilité de faire fonctionner le
réseau de distribution à basse température. En conception, nous sommes partis sur des distributions à 30°, que
vraisemblablement, nous allons monter à 35°. Nous faisons donc de l’eau à 35° grâce aux pompes à chaleur,
avec une source à 14° maximum, ce qui signifie que le delta T à compenser par la pompe est très faible, et ce qui
permet de travailler à des coefficients de performance très élevés, de l’ordre de 6 ou 7 minimum. Une pompe à
chaleur travaillant à forte température n’est pas performante ; nous possédons au contraire un système
performant.
Nous avons installé sur ce système les pompes de classe A pour limiter les consommations d’électricité, avons
calorifugé tous les réseaux afin d’éviter les pertes de distribution et nous avons longuement travaillé sur une
régulation simple du système – pour passer d’une saison à l’autre, il est manuel –en particulier sur la régulation
de la pompe qui va chercher l’eau de la nappe, située à 45 mètres, plus profondément que ce que l’on espérait
(la pompe fait 3,5 kW électriques pour une puissance nominale des pompes à chaleur de l’ordre de 10 kW). Un
tiers de la puissance appelée se trouve sur cette pompe. Il faut donc la réguler de la manière la plus fine possible.
En hiver, chaque fois que la pompe à chaleur s’arrête, nous interrompons la pompe de forage, alors que l’été, où
nous sommes en échange direct, nous essayons d’adapter le débit de la pompe à ce qui est demandé en aval via
un variateur de fréquences. Ce principe vise à réguler au plus fin du besoin.
Animateur
Vous avez dit que 45 mètres était plus profond que ce que vous espériez, mais vous deviez savoir dès le départ
où cette nappe se trouvait?
Christophe PLANTIER
Non, car nous n’avions pas fait les calculs à l’époque de la conception. Sur le plateau de Lautagne, d’autres
entreprises sur le site utilisaient la nappe pour leurs besoins de chauffage. Leur nappe se situait à 20 mètres, ce
qui nous a fait espérer qu’il en était de même pour nous. Or, les nappes n’étant pas toujours plates, celle-ci se
trouve dans un creux, et nous devons descendre à 45 mètres pour l’atteindre.
Je poursuis mes explications sur les autres usages. En ce qui concerne l’éclairage, tout ce qui est électricité
spécifique pour les bâtiments tertiaire est central dans la performance énergétique. Nous avons eu un retour
d’expérience sur le conseil général du Bas-Rhin où a été faite une étude, puis des travaux ; nous avons suivi une
campagne de mesures sur ce bâtiment et réussi à réduire d’un facteur 10 les consommations d’éclairage dans
les salles de réunion, dans les parkings et dans d’autres salles. Il n’est pas très difficile de diminuer les
consommations d’éclairage avec les mêmes principes de sobriété et d’efficacité : nous évitons les
suréclairements, qui se généralisent dans les bâtiments, notamment dans le tertiaire, et qui sont néfastes pour les
yeux. Très récemment, un test a été effectué auprès d’usagers, à qui l’on a demandé de régler eux-mêmes le
taux d’éclairement de leur bureau, ce qui a abouti en moyenne à 200 à 220 lux sur la tâche de travail, alors que
400 lux sont préconisés par la norme NF C et que les spécialistes de l’éclairage vous conseilleront même 500 ou
600 lux.
19 La réduction du niveau d’éclairement permet de diminuer les puissances installées de manière drastique. La
sobriété, c’est également le fait d’éclairer seulement lorsque cela est nécessaire. Nous avons bien évidemment
installé des détections de présence principalement dans les parkings et les lieux de circulation. Il y en a aussi
dans les bureaux, mais pas de manière automatique : ce sont les usagers qui commandent l’éclairage
manuellement, et la détection de présence ne sert qu’à éteindre les lampes lorsque l’éclairage naturel est
suffisant.
Quant à l’efficacité, cela correspond à des sources efficaces, Fluocompact et LED. Les sources LED servent pour
l’éclairage d’ambiance, car même si elles s’avèrent extrêmement performantes, elles restent encore onéreuses. Il
faut le temps que le système se généralise pour qu’il devienne abordable. Nous devons rester vigilants quant à
l’éclairage LED, très directif, qu’il faut donc éviter de regarder en face. Notre travail sur les luminaires a abouti à
des rendements supérieurs à 80 %, ce qui permet de réduire la puissance installée : dans nos bâtiments, nous
nous situons en moyenne à 5 à 6 watts par m2 au lieu des 20 watts habituels. Enfin, un détail qui n’en est pas un,
concernant les éclairages de sécurité mis en permanence : classiquement, les puissances atteignent 2 à 3 watts,
alors que dans notre bâtiment, nous descendons à 0,5 watts par unité.
Nous allons passer de l’un des postes en passe d’être l’un des moins gourmands dans le tertiaire, à savoir
l’éclairage, à l’un des postes qui à l’inverse se situe parmi les plus gourmands dans le même domaine, la
bureautique. En tant que concepteurs de bâtiment, il peut nous paraître incongru de nous intéresser à la
bureautique ; et pourtant, de nos jours nous ne pouvons pas échapper à une réflexion sur celle-ci, car elle
représente environ 60 % de la consommation énergétique d’un bâtiment tertiaire de ce type. Si nous n’avons pas
conçu l’installation, nous avons tout de même conseillé à la maîtrise d’ouvrage de s’équiper d’ordinateurs
performants. En 2004, nous avons comparé les mesures d’une campagne de suivi dans une centaine de bâtiments de bureau :
en moyenne, 878 kWh par an et par unité. Dans nos bureaux Enertech, nous n’étions qu’à 157 kWh, soit 82 % de
moins que la moyenne. Aujourd’hui, nous serions à 95 % de consommation en moins. Cela montre que l’on sait
réduire d’un facteur 10 ces consommations de bureautique, avec un peu d’intelligence et du matériel performant.
Par ailleurs, nous devons garder en mémoire que ces consommations d’électricité bureautique au sein du volume
chaud/rafraîchi du bâtiment sont des apports de chaleur ; en période de rafraîchissement ou de climatisation, une
réduction de 90 % de ces apports diminue d’autant les besoins de climatisation et en période de chauffe, cette
chaleur est récupérable, mais en tant que chauffage électrique (donc pas le plus performant).
Animateur
À quoi une « unité » correspond-elle ?
Christophe PLANTIER
Elle correspond à un ordinateur. Les autres consommations de bureautique (photocopieurs, imprimantes) sont
gérées principalement par la coupure des veilles. Dans ce bâtiment, nous avons transformé le réseau électrique
ondulé de l’époque en un réseau vert, relié à une horloge. Le soir, l’alimentation électrique de ces machines est
coupée et n’est remise en route que le matin, ce qui permet d’économiser leur consommation d’électricité.
Une fois que nous avons réduit tous les besoins du bâtiment en énergie, nous avons visé l’énergie positive ; notre
choix s’est porté sur le photovoltaïque intégré à la toiture – cela se passait juste avant le changement de stratégie
politique sur ce système. Nous avons intégré 360 m2 de capteurs photovoltaïques, afin de couvrir les besoins et
même d’atteindre l’énergie positive. Ces capteurs étaient très performants par rapport à ceux qui étaient proposé
à l’époque, de l’ordre de 17 % de rendement. Actuellement, d’autres capteurs encore plus performants sont
arrivés sur le marché.
Passons maintenant au bilan énergétique annuel. Le bilan estimatif que nous avions établi au moment de la
conception reposait sur une réduction des consommations du bâtiment de l’ordre de 63 % et une production
photovoltaïque de l’ordre de 15 000 kWh par an au-dessus des besoins, pour être à énergie positive et pouvoir
amortir les dérives du bâtiment. Même si nous n’avons pas fini notre campagne de mesures, nous estimons que
nous aurons une consommation supérieure, du fait principalement du comportement des usagers ; en revanche,
la production photovoltaïque a déjà atteint son objectif fin septembre – cela est dû au fait que dans nos bases de
données météo, nous avions accès à la météo de Montélimar, de Grenoble et de Lyon, mais pas de Valence.
Nous avions calculé une moyenne entre Montélimar et Grenoble, en sous-estimant celle de Valence. Nous allons
produire 70 000 ou 75 000 kWh, ce qui nous donnera plus de marge – cela correspond à un achat par EDF
d’environ 4 000 euros.
Dominique ERRARD
Au début de votre présentation, vous avez évoqué un accompagnement pédagogique des entreprises. Cet
accompagnement a-t-il fait l’objet d’une mission qui vous a été confiée, ou se situe-t-il simplement dans le
20 discours ? Au terme de cette opération, y a-t-il un accompagnement des utilisateurs, et le cas échéant, est-ce
aussi l’objet d’une mission, et pour combien de temps ?
Christophe PLANTIER
L’accompagnement pédagogique des entreprises a eu lieu lors des réunions de chantier, auxquelles nous
participions. Nous n’avions pas de mission particulière dans ce sens, mais nous voulions que tous les acteurs se
sentent concernés afin de parvenir à un bon résultat. Nous avons le sentiment que les entreprises ont apprécié
cet accompagnement, dans la mesure où nous ne leur donnions pas de leçon ; nous nous contentions d’expliciter
ce que nous avions prévu en conception tout en tenant compte de leur pertinence de terrain, afin de valider la
faisabilité de nos projets. Nous avons établi une véritable collaboration avec les entreprises. Si cette démarche
pouvait se généraliser dans le monde du bâtiment, elle se traduirait par de gigantesques progrès en termes de
compétences.
Il n’y a eu qu’une mission spécifique : une entreprise prestataire a été missionnée pour effectuer des tests à la
porte soufflante préalables aux travaux, puis durant le chantier, pour vérifier le suivi et accompagner les
entreprises sur des conseils de mise en œuvre.
Par ailleurs, l’accompagnement des usagers fait partie de notre philosophie. Toujours dans la même optique,
nous nous devons d’accompagner les usagers vers la sobriété. Lors de réunions, nous leur avons présenté leur
bâtiment et la manière dont ils allaient l’utiliser. Nous leur avons prodigué des conseils assez simples, tels que de
penser à éteindre leur ordinateur le soir – cela peut paraître évident, mais c’est en réalité une révolution, dans le
tertiaire, lorsque l’on constate le nombre impressionnant de bureaux éclairés la nuit par exemple à la Défense. La
sobriété, en matière d’économies d’énergie, s’avère parfois d’une grande simplicité (extinction des lumières et
des ordinateurs). Nous avons également délivré des messages sur l’utilisation du chauffage, en leur rappelant
que le maximum à 19°, même s’il leur paraît bas, a été fixé par la loi et qu’un degré supplémentaire, dans ce type
de bâtiment, correspondrait à 15 % ou 20 % de consommation supplémentaire de chauffage. Par ailleurs, comme
nous n’avons pas repris la régulation terminale du bâtiment, les utilisateurs sont responsables du chauffage : ils
disposent de thermostats pouvant donner une température de consigne et de rafraîchissement. Hélas, certains
avaient l’habitude de les régler sur 24° en hiver et 23° en été, ce qui faisait dériver les consommations du
bâtiment. Notre rôle a été de responsabiliser les usagers sur leur comportement, pour qu’ils prennent en main le
projet.
Animateur
Nous reviendrons plus tard sur les températures de consigne, notamment au travers de l’intervention de Thierry
Bièvre sur la tour Elithis. La salle a-t-elle des questions sur la présentation qui vient d’être faite ?
Cédric HUSSENOT, bureau d’études Logic Thermic
En tant que thermicien, je souhaite poser plusieurs questions, notamment sur la nappe d’eau et sur l’ascenseur.
Y a-t-il un risque que la nappe manque d’eau à terme, et dans ce cas, qu’allez-vous faire ? Comment avez-vous
réglé le problème de l’ascenseur ? Existe-t-il des ascenseurs étanches ou des tests d’étanchéité comme pour la
ventilation ? D’ailleurs, avez-vous effectué ce test pour la ventilation des réseaux ? Dans vos bâtiments, avezvous déjà pris en compte le commissionnement pour les bâtiments à énergie positive?
Animateur
Vous avez posé une question sur la nappe, or la géothermie ne figure pas à l’ordre du jour de cette journée. Je
vous renvoie aux journées des 13 et 14 décembre organisées par l’Association française de la géothermie, à la
Villette.
Christophe PLANTIER
Concernant les risques sur nappe, nous nous sommes fiés à un bureau d’études, qui l’a examinée.
Animateur
Effectivement, il existe des bureaux d’études dont c’est le métier. Par ailleurs l’ADEME ainsi que d’autres
organismes portent des systèmes de garantie. Nous allons revenir aux questions posées.
Christophe PLANTIER
En ce qui concerne les ascenseurs, nous parlons de l’étanchéité non de la cabine mais de la gaine, qui traverse
le volume chauffé, en étant en contact avec le parking et la toiture. Pour y remédier, nous utilisons généralement
le système BlueKit, qui consiste en des clapets installés sur les ouvertures (parking et toiture), fermés en position
normale. Dans la gaine d’ascenseur se trouve de la détection de fumée, de température et de CO2. En cas de
21 dépassement de consignes, une unité centrale procède à l’ouverture des clapets et à la ventilation de la gaine, ce
qui la rend étanche 90 % du temps. Cependant, nous n’avons pas utilisé ce système pour cette opération, par
manque d’expérience, et parce que le test à la porte soufflante n’avait pas été effectué lors de la conception.
Nous nous sommes rendu compte du problème trop tard, juste avant les travaux. L’ascenseur demeure donc un
problème dans l’étanchéité du bâtiment.
Les fabricants français d’ascenseurs se montrent plutôt défavorables à ce système, auquel ils préfèrent la
ventilation mécanique des gaines d’ascenseur, qui permet de maîtriser les débits.
Julien RIVAT, architecte DPLG, cabinet Rivat architecte
La législation diffère entre les pays européens. Pour avoir déjà collaboré avec des cabinets d’architecture
allemands, je sais que la réglementation ne s’applique pas, dans ce pays. En France, le cas le plus simple,
lorsque cela est possible, est d’installer l’ascenseur en dehors de l’enveloppe chaude (en coursive extérieure) ;
l’on dispose alors de portes étanches en partie inférieure, par exemple pour desservir un étage de sous-sol de
parking, et pour la ventilation de 7 dm2 en ventilation haute de l’ascenseur, il y a deux possibilités : la servir avec
une boîte à clapet, ou bien il existe une tolérance sur les atriums de grand volume, pour lesquels il est possible
de ventiler directement dans l’atrium sans passer par une gaine coupe-feu. Nous avons déjà expérimenté cette
solution plusieurs fois avec des bureaux de contrôle.
Animateur
Merci, Julien Rivat, pour toutes ces précisions. Christophe Plantier, il vous reste à répondre à la question sur la
ventilation des réseaux.
Christophe PLANTIER
Nous n’avons pas effectué de test spécifique. Nous avons travaillé avec l’entreprise sur un traitement étanche de
toutes les liaisons – une obligation de moyens. Il est regrettable que nous n’ayons pas fait de tests par la suite.
Dans d’autres opérations, notamment en Bourgogne, ces tests se feront et nous allons nous former.
Animateur
Julien Rivat, qui vient de s’exprimer, va nous présenter une opération de réhabilitation d’un bâtiment tertiaire,
l’espace Fauriel, qui occupe une partie du site Manufrance, emblématique de la ville de Saint-Étienne. Ce
bâtiment date de 1880.
Julien RIVAT
[vidéo] Ce bâtiment se trouve sur le site historique de Manufrance, société de vente par correspondance bien
connue. Lorsque je l’ai visité, je me suis immédiatement rendu compte qu’il avait un potentiel de rénovation
énergétique intéressant. Je me suis dit que l’on pouvait rendre un monument historique très performant
thermiquement. Nous avons choisir le label Passivhaus car pour nous, il représentait le plus performant des
labels et la plus exigeante des demandes. Le fait que le bâtiment soit classé nous a apporté de nombreuses
contraintes, notamment l’impossibilité d’isoler par l’extérieur, afin de préserver les façades.
Pour obtenir la performance Passivhaus, nous avons mis en œuvre une excellente isolation thermique, en
utilisant une enveloppe à l’intérieur de l’enveloppe, constituée d’ossature bois et de laine de bois pour s’affranchir
des contraintes thermiques, puisque nous étions contraints d’isoler par l’intérieur. Notre étanchéité à l’air est elle
aussi particulièrement travaillée : vitrail triple et châssis aluminium. De même, pour assurer le chauffage, nous
avons eu recours à une pompe à chaleur géothermique associée à une ventilation mécanique à double flux. Nous
avons ainsi divisé par 14 la consommation d’énergie entre le bâtiment tel qu’il était avant et le bâtiment actuel. Le
résultat est là, le bâtiment a été livré et le travail a repris. Il faudra encore du temps pour que les opérateurs
économiques de l’immobilier se rendent compte des économies potentielles et termes d’énergie et de retour sur
investissement que l’on peut réaliser en menant de telles opérations, exemplaires d’un point de vue
environnemental.
Animateur
Vous avez entendu le témoignage à la fois du maître d’ouvrage, du maître d’œuvre, de l’architecte, et presque
aussi du bureau d’études techniques. Vouloir transformer en bâtiment basse consommation un édifice inscrit à
l’inventaire des bâtiments historiques était un véritable défi, et cependant vous parvenez à un facteur 14 sur la
partie énergie. Nous allons écouter vos précisions sur tout ce qui n’a pas été détaillé sur la vidéo.
Julien RIVAT
22 Effectivement, cette opération constituait une véritable gageure ! Je tiens toutefois à préciser que si nous
sommes parvenus à un tel facteur, c’est parce qu’il s’agissait à la base d’une épave thermique. Nous sommes en
effet partis de loin… Ce bâtiment, autrefois occupé par Manufrance, était curieusement celui des énergies, plus
précisément des chaudières. Il assurait la production de vapeur pour la centrale électrique et le chauffage de
l’ensemble du site.
Nous avons mené un travail important autour du diagnostic. Sur cette diapo montrant la campagne
thermographique initiale, l’on aperçoit les ponts thermiques linéiques et les parties les plus froides, et les stores
brise-soleil, qui en réalité faussent la thermographie en empêchant la chaleur de sortir. Nous avons décidé
d’amener ce bâtiment vers la performance passive. Le Passivhaus comporte trois critères :

L’étanchéité à l’air, sur la base de l’unité N50, légèrement différente du Q4 des bâtiments de basse
consommation. Le N50 devait être inférieur à 0,6, ce qui correspond en gros à un Q4 inférieur à 0,3.
C’est donc 6 fois plus étanche que le BBC ;

2
Un besoin de chauffage de l’ordre de 15 kWh par m par an ;

Toutes énergies confondues (y compris le parc informatique et les cafetières), un bilan énergétique
inférieur à 80 kWh par m2 par an.
Une diapositive montre les réseaux qui se trouvaient dans le plenum, non calorifugés. Le plenum était
complètement ventilé ; nous avons simplement soulevé des dalles démontables de faux plafond et constaté qu’au
cours des opérations successives de maintenance, l’isolant avait purement et simplement été retiré. Nous
partions de très loin !
Nous avons choisi le concept de « la boîte dans la boîte ». Comme il s’agit d’un monument inscrit à l’Inventaire
supplémentaire des monuments historiques (ISMH), avec une façade d’une nature particulière, on ne pouvait pas
isoler par l’extérieur. Le bâtiment possédait toutefois déjà des caractéristiques d’architecture bioclimatique : très
peu de masques, un bâtiment compact, une majorité d’ouvertures au sud. Il avait déjà fait l’objet d’une
rénovation au parti-pris architectural discutable mais avec un atout majeur, son système porteur (ajout de dalles)
complètement désolidarisé de la façade, grâce à la volonté de l’architecte des Monuments historiques. Il n’y avait
donc aucun lien entre la nouvelle structure béton rénovée dans les années 1990 et la maçonnerie ancienne.
Dans le cadre de telles opérations, il convient d’accompagner les entreprises, à l’aide d’un carnet de détails
assez poussés, d’une sélection des intervenants en fonction de leur motivation, d’explications sur la démarche
(vers où et pourquoi). Il faut préciser aux entreprises concernées qu’elles seront contrôlées en phase chantier et
en phase finale au travers de tests d’infiltrométrie, de campagnes de thermographie avant et après chantier. Vous
voyez sur cette diapo une coupe de détail avec en rouge les points spécifiques qui seront repris sur un carnet de
mise en œuvre. Ce travail de conception est crucial pour assurer une mise en œuvre exemplaire, qui elle seule
est garante de la performance énergétique.
Notre difficulté majeure était l’impossibilité à isoler par l’extérieur, ce qui normalement permet de s’affranchir des
ponts thermiques. Or l’isolation par l’intérieur pose bon nombre de soucis, parmi lesquels la possibilité pour la
maçonnerie de se charger d’un point de vue hygrométrique. Un logiciel intitulé WUFI, qui mesure les migrations
d’hygrométrie dans les parois, a soulevé un risque réel. Nous avons donc eu recours à une lame d’air ventilée de
quelques centimètres, qui fait toute la hauteur du bâtiment, qui dessert la partie inférieure (les archives),
composée de locaux considérés comme non-chauffés, jusqu’à la toiture. Cette circulation d’air verticale permet
aux murs de ne pas se charger en humidité.
L’isolant est pris dans une double ossature bois, afin de limiter le pont thermique du bois (même si le bois n’est
pas un matériau à la conductivité énorme, celle-ci est néanmoins réelle). Ensuite, nous avons un vide technique
vert, pour passer les gaines et les parties techniques. L’isolant est lui-même ensaché entre deux membranes : la
plus proche de la paroi ancienne est de type Solitex assez aspirante (ce que l’on utilise généralement en écran
sous toiture), et la membrane intérieure est de type Intello de chez Pro Clima (membranes d’étanchéité à l’air).
Sur ce projet est apparu un point de complexité important : sept menuiseries n’ont pas pu être mises au nu
intérieur. Lorsque l’on isole par l’extérieur, l’on essaie de positionner la menuiserie au nu extérieur de la paroi ; ici
l’idéal aurait été de la positionner au nu intérieur pour éviter le pont thermique d’embrasure. Après discussion
avec l’architecte des Bâtiments de France, afin de conserver la même vue d’embrasure depuis l’extérieur sur tout
le bâtiment, nous avons été contraints de placer la menuiserie « en tunnel ». Nous avons donc limité au
maximum le pont thermique à l’aide du retour d’isolant, mais c’était une opération assez complexe. Il s’agit de l’un
des plus gros ponts thermiques du bâtiment.
Animateur
La lame d’air mesure 27 mm, est-ce suffisant ?
23 Julien RIVAT
Tout à fait. L’idée était que le mur se comporte comme un bardage : s’il supporte la toiture, il n’assure aucune
autre fonction. Ce n’est qu’une protection mécanique de l’isolant.
Sur les autres diapos vous pouvez voir :

La « boîte dans la boîte » ;

Le détail en partie haute du mur, avec la sortie de la circulation d’air sous toiture ;

La charpente, à laquelle nous n’avons pas pu toucher car elle était classée ; c’est donc un autre pont
thermique qui a été calculé. La charpente métallique vient s’appuyer sur la maçonnerie. Néanmoins,
notre chance a été que sur cette charpente métallique une charpente bois avait été rapportée à
l’époque, ce qui permet d’avoir un pont thermique constant sur la ferme ou sur les pannes.

Le traitement de la panne : sur la panne métallique qui dessine un U, une panne de bois permet de
s’affranchir de ce pont thermique. Si nous étions passés en isolation extérieure, cela aurait posé des
problèmes de zinguerie, puisqu’il aurait fallu rehausser la toiture de manière visible ; de toute façon,
cette toiture avec des chevrons en bois constituait la partie la plus simple à traiter. Nous n’avons aucun
pont thermique sur cette partie. Il y a une isolation de 90 mm de laine de bois entre chevrons, 200 mm
du même matériau perpendiculaire au chevron et 40 mm en troisième couche. L’architecte des
Bâtiments de France n’a pas exigé que l’on voie la totalité de l’arbalétrier métallique. En revanche, l’on
peut apercevoir des tôles qui ont été fixées sur la panne de calage en bois, ce qui permet d’avoir la
vision de l’intégralité de la panne. Il n’y a rien de dénaturant ; si l’on trouve une meilleure solution un
jour, l’on peut déposer les tôles, qui n’ont pas abimé la charpente. Le calage altimétrique de l’isolant
permet de voir cette dernière.

Le détail de l’étanchéité à l’air mise en œuvre à l’aide de membranes butyles sur les pannes. J’insiste
sur le fait que l’étanchéité à l’air constitue l’un des éléments structurants sur ce type de projet. 320 mm
d’isolant ont été mis en œuvre en toiture.

Nous avons également dû traiter les points de jonction sur la verrière.
Sur ce type de projet, il est important de bien intégrer les apports solaires sur l’outil de conception utilisé. Lorsque
l’on réalise une boîte étanche et très isolée, le plus souvent le confort d’hiver se règle assez facilement. Sur les
différents bâtiments de type passif que nous avons livrés, nous n’avons jamais eu de mauvais retour. En
revanche, nous devons rester très vigilants sur le confort d’été. Avec la verrière, nous avons tenu compte de la
maîtrise des apports solaires, à l’aide de stores screen extérieurs automatisés sur les façades sud et ouest – car
lorsque l’occupant du bureau réagit, il est souvent trop tard. Pour le confort d’été, nous avons également eu
recours à une ventilation de deux types : soit la ventilation à double-flux est forcée, soit nous manœuvrons des
lanterneaux de manière manuelle ou automatisée (des petits automates détectent la température intérieure et
extérieure en période de chauffe, et si suffisamment de chaleur a été accumulée, l’on peut établir une ventilation
naturelle nocturne).
Animateur
J’imagine que ces nombreux détails n’ont pas été énoncés au moment de la consultation des entreprises ?
Comment réagissent-elles lorsque vous arrivez sur le chantier et que vous leur expliquez qu’elles doivent s’y
prendre de telle ou telle manière, pas forcément comme à leur habitude ? La démarche nécessite-t-elle des
travaux supplémentaires ? Les entreprises acceptent-elles vos exigences parce qu’elles sont aussi militantes que
vous ?
Julien RIVAT
Dans ce cas particulier, où nous étions à la fois architecte et maître d’ouvrage, nous avons eu la chance de
pouvoir choisir des entreprises réellement motivées par notre projet. Ce point me paraît capital pour réussir ce
type d’opération. Pour répondre sincèrement à votre question sur d’éventuels travaux supplémentaires, eh bien
non, il n’y en pas eu, parce que tous les carnets de détails avaient été produits en phase conception. Il est
indispensable d’y penser lors de cette phase ; sur le chantier, il est déjà trop tard, même si l’on a affaire à une
entreprise volontariste. Au moment de l’appel d’offre, les grands principes et les détails ont déjà été fournis aux
entreprises. Le tir peut éventuellement être rectifié en phase chantier si le test d’étanchéité intermédiaire (la porte
soufflante) montre certains défauts de conception. Nous avons d’ailleurs eu un petit défaut sur l’une des pannes,
que nous avons corrigé par la suite.
À l’origine, ce bâtiment était surchauffé à grand renfort de machines qui se trouvaient à l’intérieur. Aujourd’hui, il
est chauffé à l’aide d’une pompe à chaleur géothermique. À la différence du projet présenté précédemment, il ne
24 s’agissait pas de géothermie de nappe, mais de forage. Nous détenons donc deux forages de 90 m de
profondeur qui restituent de la chaleur via un plancher chauffant, que nous avons également dimensionné en
basse température : le départ chauffage se situe entre 28°et 30°. L’idée est de pouvoir réagir très vite contre la
surchauffe, car en isolant par l’intérieur, nous perdons une partie de l’inertie – or celle-ci s’avère être un élément
primordial dans le confort d’été. Si notre départ chauffage avait une température supérieure, nous serions plus
longs à couper et à décharger la dalle.
Par ailleurs, nous avons une ventilation mécanique à double flux et à haut rendement. La particularité du système
est son élément intégré « tout en un » : nous avons fait appel au même fabricant pour la pompe à chaleur et pour
la VMC double-flux. L’intérêt réside dans la régulation et la gestion plus fine des automates et du pilotage. En
confort d’hiver ou d’été, l’appareil comprend une batterie de rafraîchissement ou de dégivrage, qui n’est pas une
batterie électrique : la particularité des échangeurs double-flux à haut rendement, c’est qu’en hiver, où il peut
geler (le climat de Saint-Étienne est continental), la pompe à chaleur comporte une fonction lui permettant de
dégivrer l’échangeur à plaque ; de même, en thermique d’été, elle peut rafraîchir l’échangeur du double-flux afin
d’insuffler de l’air plus frais. De la même manière, le plancher chauffant est également rafraîchissant, mais de
manière passive – il n’y a pas de déclenchement de la pompe chaleur, ce sont les moteurs et les pompes qui font
circuler l’eau glycolée dans les forages. Un échange se fait dans un ballon, pour rafraîchir le plancher chauffant.
Nous avions une surface très restreinte, mais comme le bâtiment s’est avéré thermiquement très performant,
nous nous sommes contentés de limiter à deux le nombre de forages, ce qui est relativement faible compte tenu
de la superficie et du volume à chauffer, de l’ordre de 2 000 m3. Ce sont deux forages sur sonde en boucle
fermée. Nous nous sommes arrêtés à 90 m car la législation française prévoit le régime de la déclaration jusqu’à
100 m, et au-delà le régime de l’autorisation. Le choix d’un unique forage de 180 m aurait été compliqué à mettre
en œuvre d’un point de vue déclaratif.
2
2
3
La superficie totale des locaux est d’un peu plus de 600 m , 500 m pour l’enveloppe chaude, 2000 m . Le coût
des travaux est de l’ordre de 150 000 € HT, hors ingénierie. La consommation de chauffage est inférieure à 14
kWh par m2 et par an. Le surcoût d’investissement par an est de l’ordre de 130 000 €, soit 20 % – 14 % sont
directement liés à la performance énergétique, 6 % à la présence d’éco-matériaux, notamment la laine de bois,
qui présente l’intérêt d’avoir un déphasage important et d’être un isolant avec une inertie marquée, et enfin 2 %
sont liés à l’ingénierie.
Même si nous n’avons pas encore traversé de saison de chauffe sur ce projet, le coût annuel pour le besoin de
chauffage est estimé à environ 1 000 euros, contre plus de 13 800 euros auparavant. Nous nous situons donc sur
un facteur 14, mais je vous rappelle que nous sommes partis de très loin.
Par ailleurs, maintenant que nous avons un peu plus de recul qu’au moment où a été tournée la vidéo, nous
pouvons affirmer que le bâtiment s’avère confortable. La thermique d’été s’est plutôt bien passée, et nous
sommes confiants sur la celle d’hiver. En prenant en compte les éco-matériaux, le retour sur investissement sur
le surcoût est de l’ordre d’une douzaine d’années.
Animateur
S’agit-il d’un temps de retour purement économique sur investissement, sans que soit chiffré par exemple le
confort d’été ?
Julien RIVAT
Tout à fait. Sur ce type de bâtiment, la température de consigne à 19° semble confortable dans la mesure où
l’excellente isolation ne donne pas de sensation de paroi froide. Il suffit parfois même d’un rayon de soleil en hiver
ajouté au parc informatique pour chauffer les lieux.
Christophe PLANTIER
Sur quel prix de l’énergie le temps de retour se fonde-t-il ? Selon moi, le temps de retour est une notion théorique,
qui ne signifie pas grand chose. En effet, qui est capable de prévoir le prix de l’électricité dans dix ou quinze
ans ?
Julien RIVAT
Effectivement, comme il s’agit d’un temps de retour maximum, donné à coût d’énergie constant, nous pouvons
nous attendre à quelques augmentations. Le temps de retour pourrait s’améliorer si le prix de l’énergie baissait,
mais sur ce point, j’entretiens peu d’espoir…
Animateur
25 Nous allons maintenant passer à la troisième présentation, qui ne sera hélas pas précédée d’une vidéo, comme
les deux premières. Nous partons pour le Royaume-Uni, à la rencontre de notre invité David Bownass, directeur
du développement durable pour la société WSP + Genivar. Il s’agit d’une entreprise de 14 000 personnes, depuis
la dernière fusion avec le groupe canadien Genivar. Elle est présente dans 35 pays et fournit une gamme
complète d’ingénieurs service dans le domaine du bâti naturel, que ce soit dans le bâtiment, l’infrastructure,
l’énergie ou l’environnement.
Nous allons examiner un immeuble de bureaux, qui porte le nom de « 20 Canada square », comme vous le
verrez aussi dans le RPE Mag qui vous a été distribué. Il se situe dans le quartier Canari Wharf, au cœur de la
capitale britannique. David Bownass va nous présenter son retour d’expérience.
David BOWNASS – Directeur de développement durable – WSP Genivar
Bonjour et merci pour vos deux présentations intéressantes.
Ma présentation aujourd’hui porte sur un modèle financier un peu différent des présentations que vous venez de
voir et se base sur les aspects économiques de la rénovation des bâtiments. Donc plutôt les résultats découlant
des améliorations des bâtiments. Je pense que nous passerons sur les diapositives assez rapidement car je sais
que nous manquons de temps. J’ai divisé la présentation en 5 parties : quelques éléments de contexte puis des
détails concernant le projet, les propositions et l’installation définitive, quelques leçons à en tirer et des
conclusions générales.
Commençons par quelques informations sur le contexte.
Notre objectif était d’examiner le marché actuel de la construction. Nous avons observé qu’il existait un potentiel
important dans la rénovation des bâtiments et qu’il y a bien sûr une tendance aussi bien ici, je suppose, qu’au
Royaume-Uni, à vouloir réduire les émissions de CO2 des bâtiments actuels ; ils représentent une part
importante de nos émissions CO2. Nous avons passé du temps à observer le marché et nous nous sommes vite
rendu compte en écoutant les clients que la plupart d’entre eux recherchaient une économie financière garantie,
le moins de dérangement possible, ils ne souhaitaient pas gêner leurs locataires car les locataires sont
actuellement précieux et ils voulaient également un seul contrat. Pour répondre à cela nous avons donc formé
une co-entreprise incluant WSP Genivar, Brookfield qui étaient les principaux entrepreneurs et surtout des
entrepreneurs en installations mécaniques et électriques à travers une société qui s’appelle Mercury. Grâce à cet
accord et suite à ce développement, nous avons pu réaliser notre premier projet à Londres, au 20 Canada
Square dans le quartier de Canary Wharf.
Le bâtiment date de 2003, il s’agit d’une construction relativement neuve. Il s’agit, pour parler poliment, d’une
importation américaine, une conception du nord du Canada, donc un système tout air avec de grandes masses
d’air entrant par le toit, réparties à travers le bâtiment par le biais de salles techniques de ventilation situées à
chaque étage qui retraitent l’air et l’envoient dans les espaces. Le bâtiment compte 12 étages et abrite 2
principaux locataires, BP et McGraw Hill ; comme je l’ai dit il y a une installation centralisée et, étrangement, un
réchauffage électrique du débit d’air variable (VAV) aux étages. Il y a 5 refroidisseurs au sous-sol. Il y a eu par le
passé des problèmes avec la distribution d’eau réfrigérée. Il s’agissait de très grands refroidisseurs avec un
nombre de phases limité, ils étaient donc très difficiles à contrôler. Nous avions aussi 6 tours de refroidissements
installées sur le toit.
Le point de départ de notre implication dans le projet a été une discussion préliminaire concernant le souhait du
client de réduire la taxe carbone. On parlait alors d’introduire une taxe carbone sur la consommation énergétique
des bâtiments. C’est encore en discussion au Royaume-Uni mais cela a donné lieu à de nombreuses itérations.
Cela a conduit à envisager les choses plus largement : le gestionnaire de l’immeuble disposait de plusieurs
rapports émis par des entreprises individuelles concernant la gestion technique du bâtiment, qui envisageaient
des pompes individuelles ou étudiaient l’éclairage, mais ce qu’il souhaitait réellement, c’est une vue d’ensemble,
holistique, qui rassemble en un seul contrat toutes les économies d’énergie possibles. Ils avaient, pour être
honnête, déjà réalisé quelques économies faciles, ils avaient déjà modifié une partie de l’éclairage, ils cherchaient
à installer des variateurs de vitesse sur les systèmes de ventilation à débit constant et ils installaient des
détecteurs IRP pour l’éclairage de l’escalier afin qu’il reste éteint la plupart du temps. Nous avons donc été invités
à observer le bâtiment dans son ensemble et nous avons effectué deux visites avant d’élaborer un rapport initial.
Nous avons divisé ce rapport selon le niveau d’interruption des interventions : aucune interruption, interruptions
minimum et interruptions importantes. Nous les avons également présentées avec le prix maximum garanti des
travaux, une garantie d’efficacité et le plan d’action envisagé. Les conclusions que nous avons présentées
allaient d’un amortissement simple sur 2 ans à un amortissement sur 60 ans. Ils étaient très intéressés, comme
vous pouvez imaginer, par une garantie d’amortissement rapide de leur investissement.
Les commentaires reçus de la part du client à propos du rapport initial étaient intéressants. Les locataires avaient
un bail de 5 ans et le client ne voulait pas s’engager dans des travaux dont l’amortissement était supérieur à 5
26 ans. Heureusement pour nous, ils avaient accumulé entre 400 et 500 000 livres sterling par le biais de leur fonds
d’amortissement afin de remplacer les refroidisseurs et d’effectuer quelques travaux. Ils avaient donc de l’argent,
ce qui s’avérait très utile pour nous mais ils voulaient un projet qui assure un amortissement sur 4 ans avec une
performance garantie, un prix maximum garanti et des travaux d’une durée inférieure à 6 mois sur le chantier.
Soit des demandes plutôt exigeantes de la part du client.
Passons à la proposition définitive : nous sautons là pas mal de temps, je crois qu’il s’est passé 18 mois entre le
rapport initial et la solution définitive qui satisfaisait le client.
Les exigences techniques ou les améliorations techniques que nous avons fournies consistaient en un nouveau
refroidisseur principal : il s’agissait d’un nouveau refroidisseur à vitesse variable, et le refroidisseur principal
traitait la majeure partie de la charge d’eau refroidie même s’il y avait 4 refroidisseurs de secours. Nous avons
étudié et optimisé le fonctionnement de la tour de refroidissement.
L’interface entre le propriétaire et le locataire n’était pas vraiment économe en énergie, puisque l’air entrait au
niveau du toit à 14°C, pardon, entrait à température ambiante et était chauffé à 14ºC, quels que soient les
besoins du bâtiment, descendait dans l’immeuble puis à chaque étage l’air était soit réchauffé, soit refroidi, en
fonction de la demande de l’étage. Ce n’était donc pas un système particulièrement efficace et nous avons pu
tirer parti du rafraîchissement naturel (free cooling) possible en observant la demande existant à chaque étage.
Nous avons installé de nombreux compteurs divisionnaires supplémentaires, ce qui était en partie pour servir nos
intérêt afin de prouver que nous avions atteint la performance attendue mais aussi pour que le client puisse
comprendre où partait son énergie.
Nous avons rééquilibré le système d’eau réfrigérée, qui avait connu de nombreux ajouts et la plupart de l’eau
réfrigérée disparaissait au 2e étage et ne montait pas dans le bâtiment. Nous avons également étudié le système
de contrôle du CO2 pour le système de ventilation du parking...
Nous leur avons fourni un prix maximum garanti pour les travaux de seulement un million de livres sterling. Nous
leur avons garanti des économies d’énergie de 225 000 £ par an et l’ensemble de ces travaux devait se faire
dans un délai de six mois. Il est intéressant de constater que pour un devis de travaux de 924 000 £ nous leur
avons initialement donné une garantie de bonne fin de 50 000 £. Donc en théorie, ils auraient gardé 50 000 £ sur
les 924 000 £ si nous n’avions pas atteint les résultats promis, ce qui était une offre assez généreuse mais afin de
conclure le contrat nous avons dû finir par augmenter ce chiffre à 80 000 £, ce qui était difficile, mais bien sûr
nous avions fixé nous-mêmes les paramètres en étant prudents, dans une certaine mesure, nous pouvions donc
nous permettre d’offrir cette garantie.
Pour remettre cela dans le contexte, nous avons effectué un calcul de la valeur nette actuelle sur la base d’une
consommation d’énergie réduite sur vingt ans et leur investissement d’un million de livres avait une valeur nette
actuelle de 2 millions de livres. Cela leur donnait un amortissement sur quatre ans avec une garantie de 80 000 £,
il s’agissait donc d’un accord qui leur était extrêmement favorable et étant donné qu’ils avaient déjà des fonds
importants à la banque, ils n’ont pas hésité à saisir cette opportunité.
Travailler dans le bâtiment, dans un bâtiment déjà en place, a été assez difficile étant donné qu’il était
constamment occupé pendant toute la période où nous y étions. Nous avons donc consacré beaucoup de temps
en présentations aux parties prenantes, nous faisions des réunions informelles au quotidien pour expliquer où
nous travaillions dans le bâtiment, nous avions des réunions hebdomadaires officielles sur l´état d’avancement
puis des réunions mensuelles avec les locataires sur le développement durable pendant lesquelles nous
rencontrions toutes les parties prenantes et tous leurs agents, et nous leur expliquions ce qui se passait et
comment avançaient les travaux.
Nous avons beaucoup travaillé pendant les horaires de travail et en dehors, de nombreux weekends, mais la
collaboration entre nous et les locataires et les clients, le propriétaire, s’est particulièrement bien passée, ils
étaient engagés dans le projet mais il a fallu rester sur nos gardes car nous avons dû adapter notre approche
lorsque nous nous sommes rendu compte que ce qui se passait en réalité dans l’immeuble ne correspondait pas
aux éléments qui nous avaient été communiqués.
Il y a donc eu des ajustements pour la tour de refroidissement, la stratégie de mesure, curieusement ils
disposaient en fait sans le savoir d’une entrée d’énergie supplémentaire dans le bâtiment, et il y avait également
quelques problèmes concernant la baisse de pression des tuyauteries des systèmes de refroidissement du centre
de données. En tenant compte de tout cela nous avons achevé les travaux et au cours des 12 mois de la période
de surveillance qui a suivi, nous avons surveillé ensemble la consommation d’énergie au quotidien, présenté cela
mensuellement et pour notre part nous cherchions les zones où il faudrait peut-être ajuster la consommation
d’énergie car dans la garantie de bonne fin nous indiquions le nombre d’heures de fonctionnement, le type de
travaux réalisés dans le bâtiment étaient définis et s’ils souhaitaient apporter des modifications nous devions le
savoir afin de changer la base du modèle.
27 Alors, les leçons apprises.
Nous avons appris plusieurs leçons précieuses au cours de ce projet. Pour que nous comprenions bien, pardon,
une partie de l’exigence est d’avoir une explication complète concernant la garantie de bonne fin car la garantie
de bonne fin est un élément d’information important.
On pourrait bien sûr l’envisager, en étant un peu cynique, comme une échappatoire facile mais il était en fait
important que le client en comprenne les détails. Je pense que certains membres de l’équipe du client ont
compris mais pas tous. Mais pour s’assurer que l’information passe, bien sûr le travail implique absolument tout le
monde dans le bâtiment et nous avons distribué un protocole d’accord vert aux locataires et au client afin qu’ils
comprennent quel était leur rôle à jouer dans le contrat en matière de comportements. Il y a eu, comme il y en a
je pense sur n’importe quel projet de cette nature, des différences entre les fonctionnalités annoncés et réelles du
bâtiment, et lorsque vous garantissez une économie d’énergie vous devez bien entendu garder cela à l’esprit en
espérant pouvoir trouver à la fois des sources de gains et des sources de pertes au moment de l’exécution des
travaux. Nous avons élaboré séparément un contrat technique et un contrat juridique sur lequel nous nous
sommes tous mis d’accord et, comme je l’ai déjà dit, il faut être prudent afin de s’adapter aux informations
trouvées dans le bâtiment.
Alors, voici un aperçu rapide du projet. Dans ce cas, comme je l’ai dit tout à l’heure, le délai qui s’est écoulé entre
la première conversation avec le client et l’arrivée sur le chantier a été de 18 mois, il y a ensuite eu 6 mois de
travaux, puis une période de surveillance de 12 mois, et notre garantie de bonne fin allait jusqu’au terme de cette
période de surveillance de 12 mois, nous avons donc mesuré la consommation d’énergie au bout des 12 mois
afin de prouver que nous avions obtenu les économies souhaitées par le client.
En fin de compte, et je suis heureux de le dire car les montants financiers en jeu étaient importants, la
consommation d’énergie enregistrée au terme des 12 mois était inférieure de 15 % à l’objectif garanti. Je crois
que j’ai mentionné dès le début que nous avions essayé d’être raisonnablement prudents mais nous avons aussi
passé beaucoup de temps à mettre au point et à affiner les systèmes au cours de cette période de 12 mois.
Mais en observant le marché actuellement, lorsque vous lancez un nouveau produit sur un marché il est en fait
difficile de surmonter certains obstacles. Il y avait de nombreux intérêts en place lorsque nous essayions de
gagner cette offre. Il y avait sur le site des personnes qui géraient les installations existantes et elles ont eu
l’impression que nous leur volions leur travail ; il y avait de nombreuses parties prenantes à engager à la fois côté
locataires et propriétaire, ainsi que tous les agents des locataires, et curieusement il ne s’agissait pas uniquement
d’une question d’argent, étant donné que le système offrait un excellent amortissement et que le client avait de
l’argent. Nous avons aussi fait une offre comme quoi nous pouvions apporter un financement mais il faut faire
preuve de prudence quand vous proposez un financement car il y a des intérêts à verser sur le montant
emprunté. Pour vous donner rapidement une idée, si nous avons pour faire simple 1 million de livres sterling de
travaux et 250 000 £ d’économies par an, l’amortissement est de quatre ans. Emprunter 1 000 000 £ à 5 %
génère un intérêt à verser de 50 000 £ par an. Donc au lieu d’avoir un amortissement sur quatre ans, on obtient
un amortissement sur cinq ans. En cas d’emprunt il faut donc faire très attention à l’aspect financier.
Cela dit, un amortissement sur quatre ans est certainement mieux que n’importe quelle énergie renouvelable que
je connaisse à ce jour. Peut-être, si vous avez beaucoup de chance, il est possible que des centrales de
cogénération très efficaces dans un hôpital ou un lieu similaire puissent vous apporter ce type d’amortissement,
mais c’est en tout cas un argument commercial extrêmement fort. Le secret est vraiment de trouver les bons
clients et idéalement, des clients qui soient les uniques détenteurs d’un bien immobilier qu’ils comptent conserver
afin de pouvoir profiter des économies réalisées. Et notre parc immobilier est susceptible de bénéficier de ce type
d’améliorations jusqu’à ce que les fondements juridiques prennent le relai.
Animateur
Merci David pour cette présentation très claire.
Animateur
La question est la suivante ; est-ce qu’il y a eu avant votre intervention, avant que vous ne fassiez votre
proposition de rénovation énergétique, est-ce qu’il y a eu un bureau d’étude, indépendant de vous, qui a fait un
premier diagnostic
David BOWNASS
Non, on nous a donné la consommation énergétique du bâtiment. Ils nous ont donné les factures de
consommation de gaz et d’électricité et donc fixé la référence pour nous. Leur consommation actuelle était le
point de référence à partir duquel nous devions travailler. Nous avons pris cela et créé un modèle d'ingénierie
28 thermique pour le bâtiment, étudié les systèmes existants et comment les adapter, à partir de là nous avons vu ce
que nous pouvions offrir en termes d’amélioration énergétique.
Animateur
Donc dans cette opération, il n’y a que deux acteurs, votre client et vous. Il n’y a pas de tierce partie qui vient
vérifier les résultats de la rénovation énergétique, Il n’y a pas de tierce partie qui a, avant l’opération fait un
diagnostic pour connaître la véritable situation de l’immeuble. Si je comprends bien, c’est à la fois une garantie de
performance intrinsèque et de résultat énergétique que vous avez offert à votre client. C’est-à-dire que l’usage du
bâtiment n’a pas été particulièrement sorti des consommations. Il n’y a pas eu d’étude qui distingue les deux ?
David BOWNASS
Non, voilà la réponse pour résumer. Nous étions principalement deux à proposer une offre complète comme ils
cherchaient : ils voulaient un seul point de contact et une seule facture. Nous avions donc le rôle de consultants
et celui de fournisseurs de l’installation, et une partie des conseils et des économies d’énergie potentielles que
nous pouvions clairement identifier ont été intégrés à l’offre, ainsi que les économies financières. Mais la
surveillance de la consommation était très transparente puisque nous avions les factures comme base et le client
dispose d’un système de gestion technique du bâtiment, un système de gestion de l’énergie, et il nous informait
chaque mois du montant des factures de consommation : il y avait donc un volume fixe d’énergie qui provenait
des factures et au terme des 12 mois ayant suivi les travaux, la facture comptait 2750 mégawatt heures de moins.
Il n’y avait donc pas lieu à discussion ou désaccord, c’était un système très transparent.
Animateur
Votre engagement dans le temps, c’est sur combien d’années ? Votre garantie, vous l’apportez pour combien
d’années ?
David BOWNASS
C’est une très bonne question. La garantie a été prouvée au terme des 12 mois et il s’agissait du point fort de
notre offre parce que les économies que nous leur avons fait faire sont acquises, nous n’essayions pas d’obtenir
un contrat pour des économies en continu sur une période de temps. En ayant la preuve de la baisse de leurs
factures d’énergie au terme de la période de 12 mois, ils nous ont donc versé les 80 000 £ qu’ils avaient retenus
au cours de cette période. Il est juste de mentionner que le bâtiment modifie régulièrement son utilisation et sa
consommation, je pense donc que si nous avions eu un contrat à long terme il aurait été très difficile de suivre
cela et de prouver que des économies étaient réalisées.
Animateur
Alors, ce qu’il faut dire et vous le verrez très bien dans le RPE Mag, c’est que Brookfield est un propriétaire très
important en Angleterre, qu’il a fait du benchmarking sur l’ensemble des bâtiments dont il s’occupait et qu’il avait
quand même une différence entre 500 kWh/m²/an sur ce bâtiment-là versus une moyenne de 350 et, pour le
meilleur des bâtiments à 235. Donc, il avait déjà une petite idée dès le départ, même s’il n’a pas eu un tiers
neutre qui soit venu là. Basé sur l’ensemble de la statistique des bâtiments, ils se sont dit : « sur celui-là, nous
avons un problème ».
Question de la salle, Mariam DICKO - Mott Macdonald
Est-ce que ce type de garantie de la performance énergétique, est quelque chose de courant pour vous ou bien
cela reste-t-il exceptionnel comme c’est le cas en France ?
David BOWNASS
Non, il s’agissait d’une offre totalement nouvelle. Ce qui s’est passé, c’est que le marché, et je suppose que c’est
pareil ici, a plongé : nous cherchions de nouveaux marchés sur lesquels entrer et nous avons rapidement compris
ce que les clients voulaient, j’ai connaissance actuelle d’une ou deux passations de marchés publics autour de la
même structure mais cela reste très embryonnaire au niveau d’une offre sur le marché.
Animateur
Je vais maintenant proposer à un grand témoin de nous confier ce qu’il pense, non seulement des trois projets
qui viennent d’être présentés, mais également de la table-ronde de ce matin. François Amblard va nous rejoindre
sur scène. Il est président de la chambre d’ingénierie et du conseil de France (CICF) et également président du
groupe SYNAPSE Construction et de FLUITEC, l’une des filiales du groupe SYNAPSE. Quelles sont vos
réactions sur les trois projets présentés ?
29 Synthèse du Grand Témoin de la matinée
François AMBLARD, président de la CICF
Bonjour à tous. Mes propos ne pourront être que des réactions à chaud.
Les deux premiers projets ont un caractère exceptionnel, où toutes les composantes étaient réunies puisque le
maître d’ouvrage était demandeur et avait cette cible. Malheureusement dans trop de projets, il semble difficile de
s’acheminer vers des solutions « parfaites » tout simplement parce que le maître d’ouvrage ne fait pas preuve de
bonne volonté pour choisir des solutions quasi-idéales. À la lecture de certains programmes, l’on se réjouit
souvent de constater l’engagement des maîtres d’ouvrage, mais au moment de l’addition, le résultat s’avère
quelque peu différent, et lors des travaux, les mêmes erreurs sont refaites que par le passé.
J’ai remarqué une redistribution des rôles. Le premier témoignage a souligné l’importance du thermicien ou de
l’ingénieur fluides (puisque la maîtrise de l’ensemble de la problématique fluides va au-delà de la thermie, en
incluant l’électricité dans la notion de fluides). Ce qui apparaît également est la forte prise en compte du besoin
de mesures. Vouloir être performant est une bonne chose, mais par rapport à quoi, en partant d’où et en arrivant
où ? Est-on performant sur la production d’eau chaude sanitaire par exemple si l’on ne connaît pas le nombre de
m3 consommés ? Par ailleurs, la notion de formation est ressortie des interventions en tant qu’élément fort –
formation des concepteurs, des réalisateurs, des utilisateurs – avec une passerelle vers la notion de pédagogie et
de dialogue.
J’ai déjà évoqué l’importance fondamentale du maître d’ouvrage. Si celui-ci n’est pas conscient des enjeux et de
la responsabilité qu’il devra prendre, le projet ne sera pas mené à terme.
Attention à ne pas toujours vouloir se lancer dans des projets exemplaires, parfois trop éloignés de la réalité du
terrain. Les projets qui nous ont été présentés présentent la même caractéristique : la présence d’un maître
d’ouvrage unique, ce qui rend la discussion plus facile. Hormis la société qui nous a parlé d’une rénovation en
copropriété ce matin – encore faudrait-il savoir quelle est la composante des copropriétaires, car dans les
assemblées générales de copropriétaires, rien n’est plus difficile que de faire s’accorder tous les participants – il
est plus facile d’effectuer une très belle réhabilitation dans une cité HLM avec un seul maître d’ouvrage,
professionnel qui connaît tous les rouages, qui détient la clé de la gestion et décide lui-même de la température
des logements (au contraire d’une assemblée générale où des copropriétaires exigent d’être chauffés à 23°
« comme avant »). Il est assez aisé dans ce cas de parvenir à une garantie de résultats, alors que la chose est
plus difficile pour des comportements non-maîtrisés, voire non-maîtrisables.
Animateur
Demain matin, nous assisterons à des présentations de réalisations qui ne sont pas forcément exemplaires, dans
des copropriétés ; nous aborderons la notion de « leader énergétique » destiné à mettre tout le monde d’accord.
Dominique ERRARD
J’aimerais revenir sur la question du débat et de vous la poser : peut-on garantir la performance énergétique ? En
tant qu’ingénieur, vous allez me répondre que cela est possible techniquement. C’est pourquoi je vais modifier
ma question, en fonction des propos tenus ce matin par des assureurs et par le représentant des propriétaires et
des gestionnaires : doit-on garantir la performance énergétique ?
François AMBLARD
Oui, nous pouvons et devons garantir la performance énergétique. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Un projet
comporte trois étapes fondamentales : la conception, avec la mesure de la situation de départ, la réalisation et
enfin l’exploitation. Même si le même contractant chapeaute l’ensemble, ces trois étapes existent inévitablement.
Il n’a pas été dit ce matin qu’il n’y avait pas de tierces parties de contrôle ou d’accompagnement (assistance à
maître d’ouvrage, AMO) – et cela a été confirmé dans le projet anglo-saxon présenté. S’il n’y a pas les trois
composantes détachées, il me paraît indispensable qu’il y ait un AMO, car on ne peut être à la fois juge et partie.
Il est inconcevable qu’un maître d’ouvrage signe quasiment un chèque en blanc à un seul intervenant ayant la
totalité de la problématique dans les mains.
Par rapport à quels éléments peut-on le juger ? Pas par rapport à des euros, car les énergies sont fluctuantes, ni
par rapport à des kWh qui ne signifient pas grand-chose lorsque l’on ne maîtrise pas la température extérieure,
les consommations d’eau chaude et le comportement humain en général. C’est bien de concevoir des boîtes
performantes énergétiquement, mais l’on doit penser avant tout aux personnes qui y vivent et qui doivent bien s’y
sentir. À quoi sert d’avoir des bâtiments performants si les secrétaires se plaignent en permanence du froid ? Qui
n’a jamais entendu ce genre de discours dans les bureaux ? Lorsque les fumeurs ouvrent une porte pour sortir
30 sur une terrasse, il y a un risque de dérives (la porte n’est pas toujours refermée). Christian Rozier évoque la tour
Elithis et ses surprises, qui mettent pas en cause non le bâti, mais le comportement.
L’on peut donc garantir la performance énergétique, si l’on parvient à se mettre d’accord sur les conditions
d’utilisation. À titre personnel, il m’est arrivé dans ma copropriété de conduire des projets de réhabilitation
énergétique ; au participant qui m’interrogeait sur la question de la garantie, j’ai répondu que j’étais à même de lui
apporter une garantie, à la seule condition que les copropriétaires se portent eux-mêmes garants de leur
comportement. Par exemple, en installant des contacts à feuillure sur les fenêtres pour couper le chauffage en
cas d’ouverture et de sondes – les copropriétaires, par peur d’être espionnés et tout simplement pour conserver
leur liberté, ont eux-mêmes abandonné la notion de garantie ! Je leur ai dit qu’ils n’auraient pas le droit d’avoir de
l’eau sanitaire à plus de tant de degrés, et pareillement pour le chauffage sans que les engagements soient
révisés. Nous devons parvenir à décomposer la garantie en trois temps :

Une garantie de conception ; les organismes de contrôle, qui n’ont pas encore été évoqués, ont sans
doute un rôle à jouer au travers de nouvelles missions relevant de leurs compétences pour apporter une
certification. Ce sujet mériterait réflexion, afin d’inventer peut-être de nouveaux métiers.

Une garantie de construction : il a été rappelé ce matin à quel point le savoir-faire des
entrepreneurs était primordial – et l’on sait à quel point il devient difficile de trouver pour les chantiers
des ouvriers formés et « éduqués » au travail bien fait. Ce véritable problème relève de la totalité de la
filière, et ce n’est pas la faute des ouvriers s’ils ne savent pas travailler ; et pas non plus forcément la
faute des chefs d’entreprises. C’est un problème beaucoup plus large, qui devrait être pris à bras-lecorps par les organisations professionnelles.

Une garantie d’exploitation : la profession d’exploitant est la mieux outillée et la plus au point sur le
problème, car celui-ci n’est pas nouveau pour eux, comme on l’a vu avec Cofély. Le métier d’exploitant
est sans doute l’un de ceux qui font montre du plus de professionnalisme, parce qu’ont été mises en
place des procédures et que les exploitants ont l’habitude de jouer sur le long terme ; avec les
concepteurs et les réalisateurs, le scénario diffère : à la réception d’un chantier, chacun s’en retourne à
ses occupations et attaque le chantier suivant. L’exploitant, lui, s’installe dans son rôle pour dix, quinze
ans, voire plus comme il l’espère, ce qui lui procure un véritable savoir-faire de vue à long-terme.
Animateur
François Amblard, vous venez d’évoquer trois garanties. Les deux premières pourraient se placer dans la GPEI
et la dernière dans la GRE. Pourquoi ne pas en ajouter une quatrième, la garantie d’utilisation, avec une garantie
de comportement énergétique (GCE) que vous feriez signer aux occupants ?
François AMBLARD
C’est une excellente question. Selon moi, cette dernière garantie constitue un volet de la garantie d’exploitation,
car il n’existe pas d’exploitation sans utilisation. J’en ai déjà discuté avec un exploitant qui avait des engagements
dans le cadre du P1 (énergie) avec garantie de résultats et avec une répartition en fonction du « trop
consommé » ou du « moins consommé », dans une règle de « un tiers/deux tiers ». Si les copropriétaires
consommaient moins, ils gagnaient un tiers de bonification, et dans le cas inverse, ils payaient deux tiers de
pénalités sur le dépassement. Bien entendu, cet exploitant avait formé son personnel, en lui donnant des
consignes fermes et drastiques. Tous les matins, les salariés prenaient les façades en photo afin de détecter les
fenêtres ouvertes. Aujourd’hui, ils effectueraient ce contrôle à l’aide d’une caméra thermique. Tout ceci montre
bien à quel point la notion de comportement est attachée à celle d’exploitation, l’une dépendant de l’autre. Ce
volet reste donc à développer et à éclaircir. Le comportement des usagers est plus facile à gérer dans des
immeubles de bureaux, tout simplement car ceux-ci restent vides 70 % du temps. Il suffit dans ce cas d’installer
les bons appareils.
Animateur
Merci, François Amblard et merci à vous, Messieurs, d’avoir participé à cette table-ronde. Pouvons-nous imaginer
que nous aurons un jour des caméras thermiques sur des satellites ? On nous promet des détections satellitaires
de vitesse pour la route, nous allons être sacrément surveillés !
Cet après-midi, vous allez assister au duo de nos deux « monuments » du sujet du jour, Alain Maugard et
Philippe Pelletier.
Animateur
emes
rencontres de la performance énergétiques, coorganisées par
Bonjour à ceux qui nous ont rejoints pour ces 6
le Groupe Moniteur et l’ADEME. François-Xavier Hermelin sera mon complice pour animer cette demi-journée. Il
31 est directeur éditorial presse sectorielle construction du Groupe Moniteur et coresponsable du contenu de ces
deux journées avec Patrice Grouzard.
Cet après-midi s’ouvre sur un regard croisé entre deux acteurs incontournables de la performance énergétique
dans le secteur de la construction – l’un sur le plan Bâtiment Grenelle (nous allons découvrir à l’instant son
nouveau nom) et l’autre sur Qualibat – Philippe Pelletier et Alain Maugard.
32 Le nouveau plan de performance énergétique (de l’habitat)
Animateur
Voici Philippe Pelletier, avocat, ancien président de l’Anah, président du comité stratégique du Plan Bâtiment
Grenelle jusqu’en juillet dernier et Alain Maugard, président de Qualibat, que vous connaissez certainement en
tant qu’ancien président du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).
Philippe Pelletier, au lendemain de la conférence environnementale, vous voilà confirmé dans votre mission, à
savoir piloter le plan de performance thermique des bâtiments – nouveau nom du plan – avec l’aide de Jérôme
Galtier et Anne-Lise Deloron. J’ai intitulé cette séquence « le nouveau plan de performance énergétique », en
tronquant la fin du nom qui figure sur le programme du Moniteur. Pourquoi avez-vous souhaité le rectifier ?
Philippe PELLETIER, président du comité stratégique du plan Bâtiment Grenelle
J’ai vu aussi qu’apparaissait le petit sigle « Bâtiment Grenelle » ; je trouve tout à fait naturel que la volonté de la
nouvelle équipe gouvernementale de relancer l’action et d’accélérer le pas soit soulignée par l’évolution du
vocabulaire, même si ce n’est pas le plus important. Nous réfléchissons à un nouveau qualificatif pour le « Plan
Bâtiment » (expression qui demeurera) ; la modification du troisième mot ne changera pas notre vie, mais elle
montrera que s’ouvre « l’an II ». Je lance un appel aux personnes qui auraient des idées, merci de nous les
communiquer.
Animateur
Je n’ai pas été assez clair. François-Xavier Hermelin a souhaité appeler cette séquence « le nouveau plan de
performance énergétique de l’habitat », et vous avez préféré que l’on supprime « de l’habitat », pourquoi ?
Philippe PELLETIER
Dans le plan qui a été présenté à la conférence environnementale et qui s’exprime dans la lettre de mission que
j’ai reçue, deux orientations doivent retenir votre attention : la première est que l’on met un accent particulier sur
la rénovation énergétique. Nous avons travaillé sur le plan Bâtiment dans son ensemble, mais nous avons passé
beaucoup de temps – avec raison – à concevoir les nouvelles règles de la construction, qui s’illustrent à travers la
er
réglementation thermique 2012 et qui seront généralisées au 1 janvier prochain. Pendant cette période, nous
n’avons cessé de proclamer que le vrai sujet était celui de la rénovation énergétique. Le plan met donc l’accent
sur ce point crucial, et en cela, nous nous trouvons dans le juste. C’est ce dont nous allons parler maintenant.
À l’intérieur de la rénovation énergétique des bâtiments, la question de la rénovation de l’habitat est posée avec
une intensité particulière, puisque, comme vous l’avez vu, un plan de rénovation de 500 000 logements par an va
se mettre en place, ce plan succédant à la perspective précédente de 400 000 rénovations de logements à partir
de 2013. Même si nous accélérons donc le pas et montons en exigence, la focale sur l’habitat ne doit surtout pas
donner l’illusion que les autres secteurs de bâtiment ne sont pas concernés. Nous allons nous montrer vigilants
sur la construction neuve en suivant les retours d’expériences de la réglementation thermique (RT) 2012. Nous
allons rester dans la vision de ce que sera la prochaine réglementation sur la construction – nous avons déjà
commencé à y réfléchir. Et nous allons nous intéresser à la rénovation des bâtiments autres que l’habitat,
notamment à la question de savoir si les locaux tertiaires du parc privé et du parc public vont voir une
accélération de leur processus de rénovation se mettre en place. Le chantier est immense ; pour cette nouvelle
période, un accent est mis sur la rénovation, en particulier la rénovation des logements.
François-Xavier HERMELIN, directeur éditorial presse sectorielle construction, Groupe Moiteur.
En ce qui concerne ce dernier point, François Hollande annonce 500 000 logements rénovés par an. Grâce aux
annonces de Cécile Duflot, l’on devine les sources de financement pour la moitié d’entre eux ; il en reste donc
250 000, qui correspondent essentiellement à l’habitat privé (des ménages sans grandes ressources et des
copropriétés). Vous qui êtes chargé de la réflexion sur ce plan, pouvez-vous nous dire ce que vous envisagez,
même s’il semble quelque peu prématuré de vous poser des questions concrètes ?
Philippe PELLETIER
Vous avez raison de m’interroger sur ce point et il n’est pas trop tôt, puisque nous y travaillons déjà. Nous avons
collectivement une impatience légitime à voir les ménage être aidés dans le processus de rénovation de leur
logement, car il s’agit d’un sujet majeur, d’ordre social et économique, mais de grâce, ne faisons pas preuve de
précipitation excessive qui nous conduirait à construire la maison sans en avoir érigé les fondations ! Acceptons
l’idée qu’un grand programme de ce type nécessite du temps pour se mettre en place : le temps d’être conçu, de
faire l’objet d’adaptations législatives réglementaires nécessaires, de voir les outils d’accompagnement mis en
33 place, et enfin, d’emporter dans le mouvement l’ensemble de la filière de l’offre de service et de susciter l’intérêt
des ménages pour ce programme.
Personne n’affirme que 500 000 logements seront construits demain matin ! Une montée en puissance sera
nécessaire. Nous avons tenté des simulations, qui montrent que le projet est ambitieux mais pas déraisonnable.
Nous pensons que, dans les différents pans du jeu de l’habitat, nous allons pouvoir contribuer à ce que ce score
soit atteint. Du côté des logements sociaux, maintenant qu’il existe un système bien calé de prêt sur fonds
d’épargne et que la ministre a annoncé au congrès de l’Union sociale pour l’habitat (USH) que l’appareillage allait
être amélioré, nous savons que nous sommes en mesure de réaliser plus de 100 000 rénovations de logements
sociaux par an – voire 150 000, ce qui constituerait un excellent objectif à atteindre.
Par ailleurs, le programme « débutant » de lutte contre la précarité énergétique, intitulé « habiter mieux », initié
par l’Agence nationale de l’habitat et porté dans les départements, s’était fixé l’objectif de 300 000 ménages sortis
de cette situation en six ans – cet objectif pourrait être revu à la hausse. Il faudrait donc rénover 50 000
logements par an en vitesse de croisière, or nous n’en sommes pas là. La marge de progrès est donc réelle et
financée.
En ce qui concerne les maisons individuelles, nous avons connaissance des débuts relativement encourageants
qu’avait connu le prêt à taux zéro pour porter une action de réalisation d’un bouquet de travaux dans une maison.
Ce prêt est hélas apparu comme inadapté dans sa mise en œuvre. Nous avons la recette pour que les banques
en reprennent la distribution ; il faut maintenant que la décision soit prise pour que l’on puisse relancer cette
action à grande échelle. Enfin, dans le secteur plus urbain des copropriétés, nous avons l’ambition que, pour les
assemblées générales qui se tiendront avant l’été 2013, puisse être mise sur la table la question de la résolution
de réaliser un mesurage énergétique de la copropriété – audit ou DPE selon sa taille. Cela signifie qu’il faut dans
l’intervalle former à grande échelle les syndics, sensibiliser les copropriétaires et les conseils syndicaux, parfaire
les adaptations réglementaires nécessaires, consolider la perspective d’un éco-prêt collectif pour la copropriété.
Cet enjeu de plus de 8M de logements est à notre portée.
Le chiffre dans sa généralité impressionne, et l’on peut comprendre votre sourire en posant votre question, mais
lorsque l’on examine le projet secteur par secteur, l’on se dit qu’une véritable dynamique peut se mettre en
mouvement – tel est mon rôle.
34 Les règles de l’art à l’heure du Grenelle de l’environnement
Animateur
Alain MAUGARD, vous semblez vouloir réagir à ce que vient d’énoncer Philippe Pelletier.
Alain MAUGARD
Je souhaite jouer le rôle des tendances au long terme. Tout d’abord, tout ce qui a été amorcé s’inscrit forcément
dans le Grenelle du Bâtiment. À l’heure actuelle, personne ne critique les choix législatifs, qui ont été effectués à
l’unanimité – je rappelle que c’est l’une des seules lois du précédent quinquennat qui a été votée à l’unanimité
moins les quatre abstentions des Verts, qui souhaitaient aller plus loin. Il s’agit donc d’une loi de consensus et
personne ne pense que nous avons fait fausse route.
En revanche, avec ce nouveau gouvernement, des priorités un peu différentes se mettent en place, notamment
deux d’entre elles qui viennent télescoper ce qui avait été décidé à l’époque du Grenelle : d’abord, la montée de
la question du logement comme étant une part du pouvoir d’achat des Français, une part du confort et une part
de la société de « social-démocratie » qui doit s’occuper de la qualité du confort des logements. Les journalistes
remarquent que l’on ne parle que de l’habitat ; certes, mais en lien avec la question du logement. L’autre priorité,
sur laquelle le nouveau gouvernement s’est imposé des contraintes plus fortes que le précédent, est la transition
énergétique, avec des ambitions de transformation un peu moins nucléaires, donc avec plus de renouvelable et
plus d’économies d’énergie. Sur du long terme, il s’agit donc de « Grenelle renforcé » par deux aspects : la
politique du logement qui doit devenir une priorité, et une transition énergétique plus dure qu’auparavant.
Dans notre groupe de travail, nous n’avons pas l’impression de faire le grand écart. Pour nous, la stratégie est
tout simplement confortée. Le vrai sujet est plutôt le suivant : a-t-on les moyens de cette politique ? Et comment
nous donner ces moyens pour y parvenir ? Ces questions sont plus compliquées qu’il y paraît, car la conjoncture
demande des mesures plutôt immédiates, attendues par la profession du bâtiment. Par ailleurs, il serait bon de
réfléchir à un dispositif pérenne. Les professionnels qui réclament des mesures immédiates sont les mêmes qui
exigent de la clarté et un plan sur quatre ou cinq ans ; ils veulent savoir à quel moment ils vont faire monter en
compétence les qualifications de leurs entreprises. La visibilité paraît indispensable. Je me contente de soulever
cette contradiction entre la demande de mesures rapides et le besoin de réflexion à long terme.
Animateur
Nous avons longuement évoqué ce matin la qualification des entreprises et la qualité de mise en œuvre ;
pouvez-vous nous donner votre point de vue ?
Alain MAUGARD
Nous faisons le pari que nous devons changer de braquet. Le Plan Bâtiment Grenelle était très ambitieux ; nous
devons le modifier en ce qui concerne la rénovation et continuer sur la construction neuve. Ce changement nous
amène à nous poser des questions sur la question des règles de l’art : sait-on ce qu’il faut construire ? Nos
concepteurs possèdent-ils tous les moyens de la conception ? Nos entreprises ont-elles des règles de l’art
adaptées ? Tout ceci s’inscrit dans le programme « Règles de l’art Grenelle Environnement 2012 » (RAGE), qui
consiste à revisiter toutes les règles de l’art de la conception neuve, mais aussi à envisager l’éventualité d’en
concevoir pour la réhabilitation. La réponse est donc « oui » : il faudra des règles de l’art pour la rénovation
thermique des bâtiments. Nous connaissons tous les bêtises habituelles, par exemple la façade étanchéifiée sans
que soit prévue la ventilation, ce qui détériore à la fois le bâtiment et la santé de ses occupants. Nous avons
démarré ce sujet avec un peu de retard, mais nous nous penchons actuellement sur 60 recommandations
professionnelles – ou règles de l’art revisitées – pour certaines tout à fait nouvelles ; elles s’étaleront entre la fin
2012, toute l’année 2013 et le début 2014. La moitié d’entre elles porteront sur les « systèmes actifs », c'est-àdire les solutions de production d’énergie sous toutes leurs formes, si possible décarbonées, avec une majorité
de renouvelables, et l’autre moitié sur l’enveloppe, le bâtiment lui-même, tout ce qui est du ressort du « secteur
passif ».
Ces recommandations professionnelles vont servir aux produits dérivés. Dès le départ, nous avons décidé de
remettre à jour nos documents techniques unifiés (DTU), en fonction de la recommandation professionnelle.
L’autre idée que nous avions sous-estimée à l’origine, et que je tiens à défendre devant vous, est l’usage
pédagogique de ces recommandations – la formation concernerait les concepteurs et les entreprises. La manière
dont nous allons améliorer et mettre à jour la compétence des acteurs du bâtiment constitue un sujet essentiel.
J’y ajoute un axiome supplémentaire : lorsqu’une personne est compétente, elle le prouve par une qualification.
La qualification constitue donc l’objectivation de la compétence. Nous sommes tous persuadés qu’il est essentiel
de faire prendre conscience à l’ensemble des acteurs du bâtiment que nos ambitions s’avèrent raisonnables, à
notre portée, et qu’il faut transformer en masse et en profondeur ce secteur, par de la formation et de la
qualification.
35 Je souhaite faire passer le message suivant aux maîtres d’ouvrage ici présents : si vous considérez que votre
seule fonction est de choisir parmi les appels d’offres ceux qui vous procurent la réponse la moins onéreuse,
vous passez à côté de vos responsabilités. Finalement, le maître d’ouvrage est la personne qui donne le la au
niveau des compétences et de la qualification à exiger dans le secteur du bâtiment. Si vous ne privilégiez pas la
compétence comme critère d’attribution des appels d’offres, ne vous plaignez pas que les acteurs de la
construction ne soient pas au bon niveau.
Animateur
Parmi ces critères se trouve le « reconnu Grenelle environnement ». Philippe Pelletier et Alain Maugard, vous qui
avez tous les deux piloté ce projet, quel en est le bilan ?
Philippe PELLETIER
Je laisserai Alain expliquer le rythme auquel les entreprises reçoivent cette mention « reconnu Grenelle
environnement » et l’appétence qu’elles y trouvent. De mon côté, je souhaite évoquer ce qui devrait être perçu
comme du bon sens.
Lorsque l’on incite une entreprise à devenir meilleure que les autres – à se former plus vite, à acquérir une
certaine qualification – elle trouvera bien entendu une clientèle susceptible de repérer que la prestation assurée
est de meilleure qualité que celle d’une entreprise non-formée ; mais cela nécessitera du temps. Je suis donc tout
à fait en phase avec Alain Maugard lorsqu’il affirme que les maîtres d’ouvrages se doivent de montrer le chemin
et d’exprimer une exigence de qualification dans leurs appels d’offre. Cette voie nécessaire permettra de
percevoir ce que dans notre jargon nous nommons un « éco-avantage », c'est-à-dire que l’entreprise qui fait
l’effort de former ses compagnons constatera qu’elle est éligible à des activités n’étant pas ouvertes à d’autres.
Dans le même sens, je plaide pour que l’entreprise qui signe un devis contenant des travaux éligibles à une aide
puisse, sans autre contrôle, être reconnue comme portant des travaux éligibles, lorsqu’elle possède la
qualification requise.
Mais nous devons aller encore plus loin, ayant un devoir de traduire, dans l’évolution de l’offre de service,
l’exigence de qualité, qui va devenir de plus en plus élevée chez les maîtres d’ouvrage. Lorsqu’ils s’engageront
dans un processus de rénovation énergétique, ces derniers vont demander avec légitimité que le résultat leur soit
assuré, ce qui signifie que les travaux que l’État va inciter à réaliser seront très vite réservés aux entreprises
qualifiées. Cela s’intitule « l’éco-conditionnalité ». Les deux fédérations du bâtiment ont décidé ensemble et avec
beaucoup de courage que cette éco-conditionnalité devrait être mise en place en 2014, ce qui suppose qu’à cette
date, des travaux bénéficiant d’aides de l’État ne pourront être réalisés que par une entreprise ayant une
reconnaissance de qualification. Ce chemin s’avère nécessaire pour tirer la filière vers le haut. Gageons que nous
y trouverons non seulement une rigueur accrue, mais également une maîtrise des coûts qui se traduira par de la
rigueur : moins de désordre, de désinvolture dans la conduite des chantiers, une meilleure coordination entre les
différents lots, tous ces éléments fabriquant du moindre coût.
Il nous faut prendre ce chemin pour obtenir une société confiante, qui s’engage en masse dans le travail de
rénovation énergétique du bâtiment. Il appartient à Alain Maugard, à la position qui est la sienne, de veiller à ce
que les entreprises conservent cette appétence pour la formation. Nous avons besoin d’obtenir très rapidement
l’éco-avantage et la confirmation de la perspective d’éco-conditionnalité.
Animateur
Alain Maugard, Philippe vient d’évoquer l’éco-avantage et l’éco-conditionnalité. Comment les entreprises vontelles s’y retrouver, si vous ne mettez pas un peu d’ordre dans la « labelomanie » ?
François-Xavier HERMELIN
Je voudrais ajouter une question : en tant que président de Qualibat, quel bilan tirez-vous de l’accord sur le
« reconnu Grenelle environnement », signé il y a un an, lors de Bâtimat ?
Alain MAUGARD
C’est un bilan « verre à moitié plein, verre à moitié vide », mais le verre est plutôt plein ! Tout d’abord, l’accord a
eu le mérite de mettre de l’ordre dans les signes de qualité. Certains estiment que ces derniers sont encore trop
nombreux. Les deux initiatives professionnelles – dont je fais la publicité – ÉCO-artisan et les Pros de la
performance énergétiques, sont issues des molécules Qualibat. Qualifelec (les électriciens) travaille également
sur le sujet, et nos amis des Qualit’ENR spécialistes des énergies renouvelables (ENR), sont sur la même
longueur d’ondes. Nous verrons si les pouvoirs publics souhaitent autant de signes dans l’avenir et s’il est
nécessaire d’y mettre de l’ordre.
36 Pourquoi le verre est-il tout de même à moitié vide ? Parce que « l’on ne se bouscule par au portillon », malgré
l’apparition des Pros de la performance énergétiques, des ÉCO-artisans et autres. Nous, Qualibat, qui lançons la
gamme ÉCO, Qualifelec et Qualit’ENR, en sommes au point mort. Nous avions démarré, mais cela a stagné. Le
domaine du bâtiment vit un moment d’attente où les pionniers se sont déclarés et ont joué le jeu de ces nouveaux
signes de qualité, et ils ne comprennent pas pourquoi ils n’en tirent pas un éco-avantage ou un qualif-avantage ;
ceux qui veulent la confirmation des qualif-obligations vont jouer la montre. Si l’on compare avec le cyclisme,
dans une étape de montagne il y a quelques échappés, mais le gruppetto est énorme et une partie de celui-ci se
dit que plus ils seront nombreux à arriver, même hors délai, moins ils seront éliminés du Tour de France par les
organisateurs. La question est sérieuse : comment allons-nous décider le gruppetto à faire un effort et comment
lui faire comprendre qu’il est inacceptable qu’il ne roule pas plus vite ?
Je ne menace personne, mais, en tant qu’homme libre, j’affirme haut et fort que les gens du bâtiment doivent
comprendre que l’on ne peut pas avoir de telles perspectives, en lien avec des choix politiques du pays, si l’on ne
fait pas monter le niveau d’exigences des compétences. Tout le monde affirme d’ailleurs que le secteur du
bâtiment est l’une des solutions pour résoudre la crise énergétique, le maintien à domicile des personnes âgées,
la question de la santé à domicile. Nous sommes au cœur des projets de société et d’une nouvelle croissance
dite « croissance verte territorialisée », avec des emplois locaux et de nouvelles unités de PME. Le ministre du
Redressement productif Arnaud Montebourg a rappelé que nous nous trouvons dans la troisième révolution
e
industrielle. Dans la seconde partie du XX siècle, le bâtiment n’a jamais été dans la révolution industrielle, mais
seulement dans la reconstruction. Comme il y est enfin, nous changeons de braquet afin que tout le monde se
mette à un niveau d’exigence de compétences. D’ailleurs, il se crée désormais de nouvelles entreprises à très
bon niveau. Les anciennes, quant à elles, possèdent les moyens de progresser.
Animateur
Le sous-titre des ces 6es rencontres évoque les nouveaux outils techniques, mais également financiers. Philippe
Pelletier, va-t-il falloir donner aux gens les moyens d’améliorer la performance énergétique de leur bâtiment ?
Philippe PELLETIER
La réponse est « oui », comme le sous-entendait d’ailleurs votre question. Nous avons tous conscience que, les
capacités budgétaires de l’État étant contraintes, ce n’est pas ainsi que nous pourrons porter l’ensemble de
l’action. Qu’est-ce qui peut venir en complément de l’appareillage déjà mis en place par l’État ? Probablement
plusieurs initiatives. La première est celle qui nous conduit à porter notre regard du côté des collectivités
territoriales : ne devrions-nous pas réfléchir ensemble à une modulation de la fiscalité locale, qui pourrait, par un
jeu de bonus et malus, encourager les opérateurs vertueux et décourager ceux qui ne le sont pas ? Le sujet
s’avère complexe, les collectivités territoriales ayant sans doute des réticences à utiliser cet outil compliqué à
mettre en œuvre – l’on pourrait imaginer que les droits de mutation et la taxe foncière fassent l’objet de
modulations, ce qui constituerait une manière d’aider les acteurs disposés à s’engager dans le processus.
La deuxième direction vers laquelle je porte le regard est les agents eux-mêmes. Alain Maugard faisait à l’instant
allusion à la troisième révolution industrielle ; dans son livre sur le sujet, Jeremy Rifkin décrit une société où nous
allons être un très grand nombre à produire de l’énergie et ce, très rapidement. Cette production va mobiliser une
ressource nouvelle et être mutualisée, opérée en réseaux ou en coopératives ; de même, il y a là des
financements disponibles qui vont probablement pouvoir soutenir des actions efficaces. Je ne pense pas qu’il
s’agisse d’une utopie. Nous en prenons le chemin et devons y rester attentifs.
Entre le public et le privé, la nouvelle idée qui commence à s’expérimenter est celle de sociétés d’économie mixte
construites localement qui pourraient jouer un rôle de « tiers-financeur » ou de « tiers-investisseur », c'est-à-dire
qu’elles viendraient apporter pendant un moment du cycle de l’immeuble et de sa transformation un financement,
qui pourrait être rémunéré notamment par les économies d’énergie.
Animateur
Le principe de tiers-financement appliqué à l’énergie est une invention française ; il s’est développé d’abord
Outre-manche puis dans les pays de l’Est. Finalement, nous revenons sur les ESCO (energy services company).
Philippe PELLETIER
Ceux qui suivent les travaux du Plan Bâtiment savent sans doute que nous avons un chantier ouvert sur ce sujet,
intitulé « les financements innovants ». Nous devrions communiquer des informations d’ici le mois de novembre.
François-Xavier HERMELIN
Demain, nous assisterons à la présentation d’une copropriété à Grenoble reprise par un tiers-investisseur, avec
un accord de transformation en logement social, ce qui va dans le sens de ce qui a été dit.
37 Philippe PELLETIER
L’on peut ajouter qu’il y a une manière de financer autrement que par des espèces sonnantes et trébuchantes, le
fait d’associer la transformation énergétique d’un immeuble à la création de droit à construire – la question a été
déjà traitée mais de manière trop rapide, avant l’élection présidentielle, et elle peut revenir intelligemment sur les
rails. Je crois beaucoup à cette ressource, car il a été démontré que construire un étage de plus sur une
copropriété solvabilise entièrement la rénovation énergétique et l’accessibilité de la copropriété. Cette dernière se
trouverait dotée de droits à construire ; je ne sais pas comment s’opérerait la mise en œuvre (elle pourrait par
exemple jouer le rôle de maître d’ouvrage), mais ensuite elle céderait les droits à construire. L’équation révèle
qu’avec le produit de la vente de ces droits, l’on transforme l’immeuble. Voilà quelque chose d’intelligent. La
densité de la ville s’en trouve favorisée et la solidité de l’immeuble permet de réaliser cette surélévation.
La dernière piste qui est sur le métier est la nouvelle période des certificats d’économie d’énergie sur lesquels les
négociations ont commencé. En ce moment, divers acteurs affirment qu’il faut peut-être rechercher une meilleure
efficacité pour l’appliquer à la rénovation énergétique des immeubles, et que c’est sans doute le moment de
repenser la question des certificats. Je n’ai pas d’expertise sur le sujet, mais j’entends qu’il y a là également une
source potentielle améliorée de financement pour demain.
Toutes ces pistes mises bout à bout ne viennent pas se substituer à l’existant, mais viennent ajouter des
éléments de solvabilisation des ménages et de l’entreprise, qui aujourd’hui fait défaut.
Alain MAUGARD
Parfait ! Je n’ai rien à ajouter.
Animateur
Au cours de ces rencontres, nous reviendrons sur ces sujets, notamment sur les travaux dans les copropriétés,
sur l’idée du tiers-investisseur, et sur les certificats d’économie de l’énergie de la deuxième génération.
Merci Messieurs, pour ces regards croisés.
François-Xavier HERMELIN
Nous n’avons pas le droit de faire partir Philippe Pelletier après ce que nous a dit Michel Jouvent ce matin sur la
garantie de performance énergétique, et qui demandait confirmation. Quelle est la deuxième période sur la
garantie de performance énergétique ?
Philippe PELLETIER
L’idée est simple. Comme nous en avons eu l’habitude depuis trois ans et demi, nous avons fait travailler des
personnes sur un sujet présentant un intérêt collectif, celui de la garantie de performance énergétique. Nous
sommes partis de l’analyse banale que les ménages allaient exiger de la sécurité dans le résultat des travaux
qu’ils allaient engager. Michel Jouvent a conduit en co-pilotage ces travaux, qui ont mis de l’ordre en inventant
des catégories : d’un côté, une garantie de performance énergétique intrinsèque, de l’autre une garantie de
résultat énergétique, avec des variantes dans chacune de ces catégories, la première principalement les
garanties légales, la seconde principalement les garanties contractuelles. En réunissant des juristes, des
techniciens et des assureurs, nous avons cherché à progresser collectivement sur le sujet. Ces réflexions ont fait
l’objet d’un rapport, en cours de diffusion.
Nous en sommes donc à la phase 2, dans laquelle nous nous engageons avec Michel Jouvent, qui a de nouveau
accepté de se relever les manches ; il s’agira d’un travail plus concret sur la teneur de ces catégories, par
exemple pour préciser la teneur de la performance énergétique dans la catégorie légale, la manière dont on la
circonscrira intelligemment et dont on pourra intéresser les assureurs à porter leur regard sur les garanties
contractuelles de résultat, jusqu’où, dans quel cadre, et avec quelle démarche. Nous devons aller plus loin afin
que se présentent des offres simples, sans risques pour les partenaires, et qui puissent donner à la société la
sécurité juridique et financière qui est recherchée.
Ce travail va se conduire, comme toujours, à la fois en petit cercle, pour plus d’efficacité, mais aussi avec une
grande ouverture sur l’extérieur, pour tenir compte des expériences des uns et des autres et s’en enrichir.
Animateur
Merci, Philippe Pelletier, pour cette conclusion de ces premiers regards croisés. Michel Jouvent, vous avez
maintenant votre lettre de mission, attendue avec impatience par les bureaux d’études.
38 Logement social : rénover le parc
Table-ronde n°2
Logement social : travailler en site occupé
Logement social, intervenir en site occupé : quelles sont les bonnes pratiques et les limites des interventions ?
Qu’est-il prévu sur le sujet dans les cahiers des charges des bailleurs ? Comment mener la concertation entre les
différents intervenants et les occupants ? Voici quelques questions auxquelles vont répondre Philippe Lair,
Christophe Possémé, Virginie Thomas, Pierre Touya et François-Xavier Hermelin, qui reste sur scène.
Philippe Lair est architecte de Lair et Roynettes Architectes, à Paris, Christophe Possémé est le PDG de
l’entreprise Le Bâtiment Associé, basée à Muizon dans la Marne, Virginie Thomas, responsable du programme
logement au sein du Plan urbanisme construction architecture (PUCA) – et qui tente de rétablir la parité sur cette
scène – et enfin Pierre Touya, qui est chef de cabinet auprès de la présidence du directoire du groupe Polylogis,
bailleur social indépendant basé à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine.
Philippe Lair va ouvrir cette table-ronde par la présentation de la réhabilitation de 253 logements au KremlinBicêtre. C’est un retour d’expérience intéressant que vous allez nous présenter en diapositives, avec un déroulé
« jour par jour » de la manière dont se développent les travaux.
Philippe LAIR, architecte Lair et Roynettes Architectes
Ce document a été conçu à l’usage des locataires. Il s’agit d’opérations de réhabilitation dans lesquelles la
communication auprès des locataires s’avère indispensable, afin que ceux-ci puissent s’approprier le projet. En
amont, des réunions leur montrent comment va se dérouler le projet, mais les locataires se demandent avant tout
de quelle manière ils vont vivre la période des travaux.
Sur cette opération, sur la première cage de halls de travaux, nous avons fait un déroulé jour par jour, pour
montrer aux autres locataires ce qu’ils allaient vivre tous les jours et combien d’ouvriers allaient travailler dans
leur logement – il faut savoir qu’un chantier de 253 logements dure environ dix-huit mois.
Le bâtiment – une grande barre – était typique des grands ensembles des années 1970. Le projet était la
rénovation énergétique en isolation par l’extérieur, mais également l’amélioration de la qualité de l’usage des
logements par la création de salles de bains plus grandes et de coins-repas dans les cuisines. Il y a donc eu
création d’extensions.

Jour 1 : deux manœuvres mettent en place les protections à l’intérieur du logement et aident parfois à
pousser les meubles, selon la demande et l’âge des locataires. Qu’il s’agisse d’un trois pièces ou d’un
cinq pièces, les durées sont identiques, puisque dans les chambres et le séjour n’est refaite que
l’électricité. La plupart des travaux se déroulent dans les pièces humides (salles de bains et cuisines),
refaites en totalité : revêtement, électricité, carrelage, etc. En revanche dans les pièces sèches le
traitement des sols et des peintures n’est pas réalisé.

Jour 2 : c’est le plus impressionnant : à midi sont déjà faites la démolition entre la cuisine et l’extension
en parpaing (la fenêtre est enlevée et l’allège cassée), la démolition du séchoir, pour agrandir la salle de
bains, et celle de la porte de la cuisine, afin de la repousser et d’effectuer un aménagement plus
approprié. Ce jour-là, deux maçons et deux manœuvres travaillent dans l’appartement.

Le fait d’avoir réalisé un logement témoin auparavant a permis aux équipes de se roder. Le soir, les lieux
sont propres, sans aucune poussière. Les occupants peuvent cuisiner, même si tous les meubles ne
sont pas remis en place. Il est noté dans le cahier des charges qu’un point d’eau est accessible tous les
soirs. Ainsi, si l’évier de la cuisine est enlevé, au moins un point d’eau est conservé dans la salle de
bains.

Jour 3 : plusieurs corps de métiers sont présents – un carreleur, un plombier et un plaquiste. Les
équipements de plomberie commencent à être installés, les boulins sont faits contre les parpaings, les
fenêtres de l’extension sont posées au nu extérieur, l’isolation étant extérieure.

Jour 4 : trois plombiers et un carreleur terminent les installations de plomberie. Les volumes
apparaissent alors : la cuisine avec son coin repas, les plaques de finition, et la salle de bain agrandie
(la baignoire est posée à l’endroit de l’ancien séchoir). Il y a des adaptations en chantier, par exemple la
création d’une marche sous la baignoire car les séchoirs ne sont jamais au même niveau que les pièces
les jouxtant. Plutôt que de casser, ce qui provoquerait du bruit et de la gêne chez les autres locataires,
nous avons préféré créer une marche pour y poser la baignoire.
39 
Jour 5 : un plombier et un carreleur terminent la salle de bains et la cuisine. Finalement, une partie du
2
séchoir est préservée, pour en faire un placard de cuisine. Le logement comporte maintenant 6 m de
coin repas et une salle de bains nettement agrandie, susceptible d’accueillir un lave-linge. L’ensemble
du logement gagne donc en surface et en qualité d’usage.

Jours 6 et 7 : ces journées correspondent aux finitions du carreleur. En deux jours, l’électricité complète
d’un cinq pièces est refaite par trois électriciens, ce qui impressionne souvent les locataires.

Jours 8 à 10 : trois menuisiers travaillent sur les finitions. Cette opération fournit de nombreuses
prestations : placards dans la salle de bains, meubles-éviers sur mesure, tablettes devant les fenêtres,
changements de portes, remplacement de la porte palière. Les occupants apprécient à sa juste valeur le
travail des menuisiers.

Jour 11 + 9 : le peintre termine son travail.
Il faut donc compter environ vingt jours, soit quatre semaines, pour rénover un logement de cinq pièces, avec les
pièces humides refaites en totalité, ainsi que l’électricité complète du logement – en ajoutant l’extension, déjà
construite.
Selon les programmes et les chantiers, les temps d’intervention diffèrent. Sur un chantier équivalent, mais de 500
logements, quatre à six logements ont été mis en chantier par jour, avec 120 ouvriers sur place et un
encadrement assez conséquent (deux chefs de chantier pour les logements, un chef de chantier pour les halls,
un autre pour les façades). L’encadrement étoffé vise à un travail rapide et à une moindre gêne des locataires.
Animateur
Quel engagement contractuel avez-vous avec les entreprises pour gêner le moins possible ? Comment assurezvous la coordination entre tous les acteurs ?
Philippe LAIR
Il s’agit d’entreprises générales, avec des chefs de chantier dédiés à chaque tâche. L’on constate souvent qu’un
mois de rodage s’avère nécessaire, mais la suite est impressionnante : tous les matins, les équipes d’électriciens,
de plombiers sont réparties dès leur arrivée dans les logements, avec chacune sa mission. Vers 16 heures, tout
le monde nettoie.
Dans les notes méthodologiques fournies par les entreprises, il est spécifié que les ouvriers doivent être badgés,
qu’ils ne fument pas dans les logements, n’utilisent pas les escabeaux et les poubelles des locataires, etc. Les
équipes sont très rodées pour un travail en site occupé. Avec les rénovations énergétiques, l’on fait des tests
d’étanchéité à l’air dans les logements occupés, par exemple dans l’opération que nous terminons pour LogiRep
à Vitry-sur-Seine. Les occupants sont toujours étonnés par ce type de test et prennent conscience que leur
logement devient performant.
Généralement, les relations avec les locataires se passent bien. Les réunions de concertation avant l’opération
aboutissent au fait que ceux-ci se prennent au jeu. Sur toutes nos opérations en cours sont mis en place des
sites Internet informatifs (nous n’avons pas de personnel pour gérer les questions/réponses). Dans la gestion
d’un chantier en milieu occupé, il se trouve dans la cabane de chantier un cahier de doléances sur lequel sont
notées les interrogations des locataires, qui réapparaissent sur le site sous forme de foire aux questions. Les
réponses du site s’accompagnent de croquis lorsque nécessaire.
Le site est conçu par une société de communication, pour éviter des réponses trop techniques. Inutile d’expliquer
aux locataires que leur réseau électrique sera refait selon les normes NFC 1 500. L’équipe de communication
« traduit » en langage courant nos explications de professionnels.
François-Xavier HERMELIN
Vous avez parlé du peintre qui intervient pendant neuf jours. Pendant ce temps-là, que deviennent les
locataires ?
Philippe LAIR
Pendant toute la période, le locataire habite chez lui. C’est la raison pour laquelle nous ne faisons travailler qu’un
seul peintre par logement. Même pendant l’installation électrique, le logement reste occupé. Les personnes qui
ne travaillent pas observent les opérations, certaines proposent même d’aider. En revanche, quelques occupants
sont relogés, notamment les nourrices, les travailleurs de nuit et les personnes sensibles à la poussière. Les
réunions en amont avec les locataires permettent de déterminer qui devra être relogé dans des logements
40 réservés par le bailleur à cet effet. Les déménagements constituent toutefois une minorité pour ce type de
rénovation.
En revanche, pour d’autres types de réhabilitation, comme celle d’une habitation à bon marché (HBM) que nous
allons transformer en BBC, le cas de figure s’avère différent. La spécificité des logements HBM étant de petites
2
pièces, nous en profitons pour déclasser un T4 de 55 à 60 m en T3, ce qui implique une grosse reconstruction.
Nous travaillons alors en « logements-tiroirs », ce qui signifie que nous vidons complètement une cage et
relogeons les locataires. Un accompagnement social est mis en place par le maître d’ouvrage ou par la maîtrise
d’œuvre pour faciliter les déménagements. Ces opérations plus lourdes et plus longues sont réservées aux
bâtiments des années 1930 dans lesquels nous ne pouvons pas intervenir sur l’extérieur. Nous menons des
opérations-tiroirs dans les logements patrimoniaux ou pour lesquels nous sommes obligés d’isoler par l’intérieur.
Animateur
Après avoir écouté le point de vue de l’architecte, nous allons entendre celui du bailleur, Pierre Touya, de
Polylogis LogiRep. Nous avons compris que vous aviez mené une opération ensemble, à Vitry-sur-Seine, est-ce
celle de la Saussaye ?
Pierre TOUYA, chef de cabinet du président du directoire, groupe Polylogis
Bonjour à tous. Oui, effectivement, nous travaillons avec Lair et Roynettes Architectes sur une opération rue de la
Petite Saussaye, à Vitry-sur-Seine, à côté du futur tracé du tram et de la caserne des pompiers.
Nous avons 231 logements – soit une opération de taille similaire à celle qui nous a été présentée – répartis sur
trois bâtiments livrés en 1965, avec des façades en béton préfabriqué sans isolant, des balcons sur façade sud,
des menuiseries simples en placage bois, des toitures-terrasses inaccessibles, et une particularité : la connexion
au réseau de chaleur urbain de la ville. Il n’y a eu aucune réhabilitation sur le programme depuis son origine.
Nous avons décidé de faire un traitement architectural de l’ensemble des bâtiments, de mener des travaux
énergétiques, d’améliorer le confort des logements, d’embellir les parties communes, de renforcer la sécurité et
de créer six logements accessibles aux personnes à mobilité réduite. Nous touchons assez peu aux cellules.
Nous avons fait le premier contrat de performance énergétique (CPE) en matière de logement social. Parmi les
intérêts du projet – dont l’économie du coût de l’énergie et ses avantages pour les locataires – il faut mettre en
avant la rapidité des travaux. Ayant débuté les études en janvier 2010, nous allons livrer en mars 2013. Nous
avons signé le marché de conception en décembre 2010 et les travaux, qui ont débuté en octobre 2011, sont en
cours. Voilà donc la physionomie du contrat.
Il faut savoir par ailleurs que l’on travaille avec un groupement : la conception est assurée par messieurs Lair et
Roynettes, accompagnés par un conseil études techniques (CET), CET ingénierie, la réalisation est assurée par
Brézillon, filiale de Bouygues, le mandataire du groupement – nous sommes fort contents de leur travail. La
maintenance est assurée par Cogemex, filiale d’ETDE.
Finalement, vous menez une opération standard, hormis le fait que vous ajoutez un certain nombre de critères et
de contraintes. Vous intervenez sur un immeuble normal, au milieu d’occupants qui habitent « normalement » des
appartements normaux… Êtes-vous en train de préfigurer une industrialisation du site ?
Pierre TOUYA
Soyons modestes. Nous ne sommes pas en renouvellement urbain (RU), nous pensons simplement que notre
opération préfigure un début de modèle économique, qui pourrait s’instaurer par une plus grande industrialisation
et une meilleure organisation. Notre objectif est d’atteindre le label BBC rénovation. Derrière le montage, il existe
donc d’autres intentions : nous voulons utiliser des énergies renouvelables grâce à des panneaux solaires, nous
avons une obligation de résultat sur la partie énergétique (30 % d’économie minimum en kWh, le groupement
s’étant même engagé sur 40 %), et nous souhaitons diviser par cinq l’émission de gaz à effet de serre. Le
locataire verra sa quittance augmenter de 12 €, qui seront défalqués de l’économie de charges, dont nous
observerons l’incidence progressivement. Il est trop tôt pour donner une idée chiffrée de l’économie réelle.
Philippe LAIR
Certains locataires ayant un niveau de loyer plus faible que d’autres, il est effectivement difficile d’affirmer que la
hausse de loyer sera systématiquement compensée par la baisse des charges. Dans tous les cas, les économies
seront partagées à 50 % par le bailleur et par le locataire.
Pierre TOUYA
41 Le groupement s’engage sur les économies de charges. Si celles-ci sont réalisées, le partage a lieu, mais dans le
cas inverse, le groupement s’acquitte de 100 % de l’insuffisance. Il s’agit tout simplement d’un contrat de
performance énergétique, qui a bien été expliqué lors des réunions de concertation avec les locataires, ce qui fait
que ces derniers ont accepté l’augmentation sans coup férir. Hormis la performance énergétique, la valeur de la
résidence est rehaussée.
Philippe LAIR
Effectivement, les locataires ont accepté facilement le principe de l’engagement pris en constatant qu’il serait
tenu dans un délai court. L’effet coup de fouet a eu pour conséquence que les propositions ont été prises au
sérieux, contrairement à bon nombre d’opérations où les promesses d’économie prennent trop de temps à être
honorées. Dans notre cas, il était inconstatable que nous allions arriver à nos fins assez vite, et ce sentiment a
été renforcé par de la dynamisation de la relation avec les locataires, à travers l’organisation de réunions et le
lancement d’un site web. Le climat semble confiant et stable, même pendant le chantier, y compris au sein de
l’équipe de maîtrise d’œuvre et de maîtrise d’ouvrage. Nous en sommes au stade du traitement des façades et de
la pose des panneaux solaires.
Animateur
S’agit-il de panneaux solaires thermiques ou photovoltaïques ?
Pierre TOUYA
Comme ils servent pour l’eau chaude sanitaire, il s’agit de panneaux solaires thermiques, qui sont directement
répercutés sur les charges. La chaufferie est un réseau de chauffage urbain. Comme pour beaucoup d’opérations
où la réhabilitation énergétique est effectuée alors qu’il y a des réseaux de chauffage urbain, il faut renégocier
2
avec les distributeurs d’énergie des baisses, car les contrats sont le plus souvent à valeur fixe au m de logement.
Ceci constitue un autre sujet, mais qui doit être tout de même rappelé : tous les grands ensembles des années
1970 en réseau de chauffage urbain sont désavantagés par l’abonnement, qui est une partie fixe. Comme nous
faisons d’énormes efforts pour isoler les bâtiments et les rendre plus performants, nous ne devrions pas payer
autant de thermie, puisque nous en consommons moins.
Animateur
Christophe Possémé, vous êtes PDG de l’entreprise Le Bâtiment Associé. Votre retour d’expérience porte sur
l’intervention en site occupé sur une petite résidence dont le bailleur est une petite société dénommée l’Effort
Rémois. Quelles solutions techniques avez-vous retenues et comment les avez-vous mises en œuvre ?
Christophe POSSEME, PDG du Bâtiment Associé
Tout d’abord, pour répondre à Alain Maugard, il reste quelques entreprises pros de la performance énergétique –
la mienne en fait partie. Nous militons pour la qualité et l’évolution de nos métiers en France.
Je suis constructeur en maçonnerie, charpente, construction bois et taille de pierre, en plus de l’entreprise
générale – cela rejoint ce qui a dit sur le fait d’avoir des constructeurs tous corps d’État, surtout aujourd’hui avec
la RT 2012 et les tests d’étanchéité à l’air. Nous avons besoin de rassembler beaucoup de corps pour atteindre
une performance digne de ce nom.
Après l’appel d’offres d’un architecte, Alain Motto, nous avons réalisé, tel que demandé par l’Effort Rémois (du
groupe Plurial), un prototype concernant un îlot de logements des années 1960, afin de le réhabiliter. Si le
prototype s’avère satisfaisant, il peut déboucher sur un projet de réhabilitation de 600 logements. Là aussi nous
sommes en dehors d’un dossier en renouvellement urbain (RU).
Au départ, nous avons répondu à un appel d’offres en lots séparés, qui consistait à réaliser des extensions sur
les façades, pour modifier l’image architecturale du bâtiment, qui était uniforme au niveau des façades. L’idée
était d’ajouter au bâtiment des boîtes par l’extérieur, d’une superficie d’une dizaine de m2, en extension du salon
– ce que l’on appelle des « loggias » –, entièrement préfabriquées.
Animateur
Vous pourrez voir une très jolie photo de ce bâtiment dans le RPE Mag.
Christophe POSSEME
Merci ! Nous avons donc remporté cet appel d’offres et sommes allés à la pêche aux autres corps d’État afin de
faire une offre globale consistant à fabriquer et à pré-fabriquer entièrement le système dans notre atelier – je
possède en effet un outil industrialisé en construction bois. Nous avons fait venir le menuisier, l’étancheur, puis
42 récupéré le lot placo, pour réfléchir à la construction globale et poser sur les façades les boîtes entièrement finies,
dans le but de passer le moins de temps possible sur le chantier.
Ensuite, nous avons engagé une réflexion sur l’opération en site occupé, qui nous a menés à intégrer le parquet
et le placo aux boîtes en préfabriqué. Nous avons assemblé ces ouvrages par l’extérieur, sans créer de
désordres sonores ou de gênes habituellement dues aux passages dans les appartements. Une fois l’ensemble
des prestations réalisées, nous avons ouvert au dernier moment des fenêtres transformées en passages libres.
La démolition de l’allège n’a duré qu’une journée, puis les ouvriers sont entrés dans les appartements pour
terminer le placo et faire les finitions de peinture.
Le projet nous apparaît très concluant : gain de temps, très peu de co-activités avec les locataires. Ce genre de
projet nécessite une excellente conduite de travaux, une information préalable aux locataires, une vérification de
leur présence le matin (pour éviter de se retrouver la porte fermée, le locataire ayant oublié que vous deviez
intervenir chez lui). Il faut donc faire preuve de beaucoup de pédagogie en amont du chantier et pendant celui-ci,
et avoir des équipes rodées. Dans l’ensemble, les locataires, le maître d’ouvrage et les entreprises sont
entièrement satisfaits de cette réalisation.
Animateur
Qu’est-il prévu dans le contrat ? Y a-t-il des clauses spécifiques ?
Christophe POSSEME
Comme nous sommes en lots séparés, nous n’avons aucune clause, alors que lorsque j’agis en tant
qu’entreprise générale, je suis soumis à des clauses de résultats. La réhabilitation correspond à 50 % de mon
chiffre d’affaires (rénovation lourde, extension) – en ce qui concerne ce dernier point, je vais repartir de ces
journées tout sourire, puisque nous allons réaliser dans les années à venir de la surélévation sur des immeubles
et donc, grâce aux nouveaux financements, nous pourrons récupérer de nouveaux marchés.
Animateur
Vous avez donc effectué un maximum de réalisations au préalable pour rendre le chantier le plus rapide possible.
Y a-t-il des éléments qui ont coincé, sur ce projet ? Qu’est-ce qui a été le plus difficile à gérer ?
Christophe POSSEME
Peu de choses, en phase chantier, puisque tout a pu être récupéré en phase préparation, parfois avec l’immense
difficulté de faire comprendre à un corps d’État – l’étancheur par exemple –, qu’il travaillera plus vite et mieux
dans mon atelier chauffé plutôt qu’à 25 m de haut, dans le froid du mois de février. Nos entreprises doivent
oublier leurs idées préconçues pour changer leurs mœurs et leur manière de travailler. Nous sommes tenus de
comprendre les interfaces de chacun si nous voulons faire travailler ensemble les ouvriers et les salariés de
différents métiers.
Le seul bémol de départ a été lié au lancement du projet en lots séparés ; s’il avait été lancé en macro-lots, nous
aurions gagné deux mois.
Animateur
Vous avez déclaré avoir voulu changer le « look » de la façade, assez lambda, et à cet effet créer un certain
nombre de loggias, mais pas partout. Comment avez-vous arbitré pour choisir les personnes qui allaient profiter
d’une loggia et les autres, qui se retrouveraient avec 50 % de luminosité en moins à la fenêtre de leur séjour ?
Christophe POSSEME
Je ne suis pas concepteur d’ouvrage mais entrepreneur. Les orientations et les positionnements des extensions
ont été décidés lors de concertations entre l’architecte et le maître d’ouvrage. Je dois vous avouer que certains
locataires nous demandent maintenant pourquoi ils récupèrent l’ombre de la loggia du voisin sans bénéficier
d’extension.
Animateur
Ont-ils tout de même une terrasse ?
Christophe POSSEME
Non, ce ne sont pas des terrasses accessibles. L’objectif était un réaménagement de la résidence, avec des
43 extensions sur certains logements seulement. L’augmentation de surface est de 10 m2 sur des logements d’une
2
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superficie allant de 60 à 80 m .
Animateur
Merci pour ce témoignage. Virginie Thomas, responsable logement au sein du plan urbanisme construction
architecture (PUCA), un service interministériel créé en 1998 et attaché directement au ministère de l’Écologie,
du développement durable et de l’Énergie, vous pilotez depuis 2008 le programme de réhabilitation des bâtiments
d’habitat collectif (RÉHA) portant notamment sur la requalification énergétique. Quelles sont selon vous les
bonnes pratiques ? Trouvez-vous que ce que vous venez d’entendre va dans le bon sens ? Vous allez également
nous dresser un bilan rapide du programme RÉHA.
Virginie THOMAS, responsable du programme logement, PUCA
Je constate que sur les premières opérations lancées, l’on trouve bon nombre de points qui sont abordés depuis
un moment dans le programme RÉHA. J’ai coutume de dire que l’on a prévu l’essor démographique, alors que
nous n’avons pas vu venir celui qui était pourtant prévisible, l’essor en volume des bâtiments construits aprèsguerre.
Dans le cadre du parc social, ces bâtiments ont fait l’objet de différents types d’interventions, que nous
connaissons tous bien (entretiens de maintenance assez lourds, paluloses, etc.). Pour autant, au moment du
lancement du programme RÉHA, nous nous sommes posé la question du type d’intervention à privilégier et nous
nous sommes interrogés sur les types de pratiques usuelles et les possibilités de remettre en question ces modes
de faire, à l’aune de deux raisons : l’approche énergétique et une demande sociale assez forte.
Dans notre programme, nous intervenons sur des opérations de logements extrêmement bien situées (cœur de
ville), dans des secteurs en perte d’attractivité en général, et sur des logements assez exigus et pour lesquels les
normes de confort technique sont latentes, et qui pour autant ne justifient pas aux yeux du bailleur une opération
de démolition/reconstruction.
[Diapo] Notre opération de Toulouse est une illustration de tout ce que nous souhaitions explorer dans le
programme RÉHA. Dans un premier temps, nous avons réfléchi aux modalités d’intervention par le biais d’une
approche globale dans laquelle la dimension énergétique est l’un des objectifs recherchés, mais l’une des
composantes de l’équation et non pas la composante prédominante. Lorsque l’on intervient sur ce type
d’ensemble, se pose la question de son insertion urbaine, des stationnements, des entrées des bâtiments, la
manière dont cet ensemble est ou n’est pas raccordé au tissu urbain – souvent l’un des soucis majeurs de ce
type d’ensemble.
Est examinée également la qualité architecturale ; si pour certains bâtiments, il semble possible de ré-intervenir
intelligemment et qualitativement, pour d’autres il ne faut pas faire de sentiments… Sur certains bâtiments des
réalisations assez fines ont été faites, avec une logique d’industrialisation qu’il n’y a pas lieu de gommer, ce qui
nous pousse à nous interroger sur la manière d’intervenir. Autre élément important : les qualités d’usage du
bâtiment. Les séjours s’avérant souvent trop exigus, les bailleurs souhaitent faire agrandir les logements. La
dimension environnementale de ces projets doit elle aussi être examinée : faut-il démolir un ensemble de
bâtiments sur lequel la structure a terminé un cycle de vie (des structures béton de 50 ou 60 ans) alors qu’elle
peut faire deux autres vies ? Quelles sont les logiques d’intervention que l’on peut mettre en œuvre sur ces
bâtiments, en se projetant trente années plus tard, pour valoriser dans le futur les matériaux mis en place,
éventuellement les démonter pour correspondre à la future norme ? Quelle est la logique socio-économique qui
sous-tend tout projet ?
Le projet de Toulouse constitue le deuxième chantier RÉHA, parmi quatre. Vous avez eu connaissance du
premier, à savoir le projet Euclide à Tourcoing, porté par Vilogia. La SA Patrimoine languedocienne porte le projet
de Toulouse, intéressant à plusieurs titres. Mais avant de vous en parler, je vais faire un retour sur les deux
premiers projets lancés. Ce sont des bâtiments sur lesquels est atteint le niveau BBC 9. Sur Euclide, nous
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2
atteignons 68 kWh par m et par an. À Toulouse, nous seront à 38 kWh par m . Ces interventions permettent
aussi d’interroger le niveau de performance que l’on peut atteindre.
Par ailleurs, l’on crée 8 m2 supplémentaires à l’intérieur des logements, en étage et sur les façades. Là aussi, par
un jeu de déclassement de T4 en T3, par une volonté du maître d’ouvrage de diversifier les typologies – certains
appartements sont plutôt adaptés aux locataires, et parfois le bailleur se retrouve avec un ensemble très
homogène de logements en T3 ou en T4, alors que finalement, il lui aurait fallu une autre offre. Ces opérations
sont aussi l’occasion de travailler sur des attentes uniformes en termes de typologie de logements et qui, par ce
biais, peuvent induire des remises aux normes techniques et de surface, et adapter la qualité à l’intérieur du
logement. Dans ce cadre, l’intervention a lieu en site occupé. L’on voit à l’heure actuelle que la condition de ce
type d’intervention est l’agrandissement du logement, pour lequel les travaux s’effectuent par l’extérieur dans une
première approche – sur cet ensemble, il s’agira de modules industrialisés – puis l’on travaillera sur l’ensemble
des éléments qui ont été développés lors des précédentes interventions.
44 Toujours dans le même cadre, il est intéressant de continuer à développer la boîte à outils créée avec l’Union
sociale pour l’habitat (USH) depuis la première session de RÉHA 1, notamment les stratégies d’intervention en
site occupé, qui vont pouvoir être améliorées sur ces projets. Les savoir-faire aujourd’hui partagés par les
bailleurs, les entreprises et les architectes vont nous servir à décliner une série d’outils qui vont permettre à la
majorité des acteurs de se saisir des enjeux. Philippe Lair a évoqué avec justesse ces petits points énigmatiques,
qui, dans le cadre de travaux, risquent de provoquer très rapidement des arrêts de chantier.
Dans la suite de RÉHA 1 et de ces premiers chantiers, dont nous ne manquerons pas de vous faire des retours,
nous avons lancé en janvier 2012 une seconde session du programme RÉHA, avec la volonté de développer des
stratégies et des solutions techniques et financières. Nous avons souhaité que les équipes se focalisent sur trois
axes de réflexion :

la question de la densification : l’on comprend l’intérêt pour un bailleur de construire, soit au-dessus soit
sur les côtés, une nouvelle offre permettant éventuellement, pour les opérations complexes, de créer
des opérations-tiroirs et de diversifier de manière plus souple l’offre de logement en concevant d’autres
typologies dans les nouvelles tranches.

la question de la mutualisation : la manière dont nous serions susceptibles de ré-intervenir, dans un
ensemble de quatre ou cinq bâtiments identiques, en effectuant des mutualisations techniques, de
logos, etc.

la question de la diversification : il s’agit d’un enjeu de taille pour les bailleurs, qui souhaitent adapter
l’offre à la demande, et également un enjeu d’insertion urbaine pour ces nouveaux ensembles, dans la
mesure où ils sont souvent bien implantés, mais pourraient s’étoffer d’une mixité fonctionnelle – qui
n’existe pas en général.
[diapo] Voici l’un des lauréats du concours RÉHA 2 ; j’en profite pour annoncer que les résultats se trouvent sur le
site du PUCA. Ce qui mérite d’attirer notre attention dans cette seconde session de RÉHA, au prisme de ces trois
axes de réflexion et de la volonté d’interroger la performance globale du bâtiment, est le fait que les équipes nous
ont proposé des stratégies d’intervention. Dans RÉHA 1, l’on a observé de quelle manière se saisir de l’existant
et jusqu’où aller dans l’optimisation du bâti en vue de la meilleure performance possible. Dans RÉHA 2, à
l’inverse, les équipes n’ont pas fait d’acharnement thérapeutique sur l’existant : elles s’en sont saisies de manière
intelligente, dans une approche assez qualitative et pertinente en termes d’investissement pour le bailleur le cas
échéant, et elles nous ont proposé ensuite des systèmes de compensation. Les équipes ont remis en cause de
nombreux éléments. Elles nous ont interpelées par exemple sur le niveau à apporter à l’existant : va-t-on vers des
sur-isolations, des rétrécissements de fenêtres, etc. ? – tout ce qui interroge les bailleurs, les acheteurs et les
garants de la qualité architecturale. Et finalement la question portait sur la stratégie globale en performance
énergétique.
[diapo] Même si l’’exemple présenté ici porte sur un ensemble de résidences universitaires dans le Nord, un
raisonnement similaire pourrait être adapté à du logement social. Comment obtenir un niveau pertinent de
réhabilitation ? L’on compense par des surélévations et des extensions. Comment acquérir des éléments de
bâtiment BEPOS ? Et comment interroger la performance globale de cet ensemble ? Il y a de nombreux
dispositifs à créer.
Dans le programme RÉHA, qui, vous l’aurez compris, est un programme laboratoire, ce qui est intéressant est
d’interroger la pertinence de ce que l’on pourrait faire dans un projet d’ensemble architectural et jusqu’où l’on peut
le pousser.
[diapo] Cet exemple montre d’autres stratégies d’alliance public/privé que les équipes nous ont proposées, sur de
l’existant. Certaines opérations mixent le logement et l’activité, avec toujours à l’appui des solutions techniques et
différents types de dispositifs juridiques réglementaires, qui doivent être interrogés sous ce prisme. Dans le cadre
des suites du programme, cela fera l’objet d’une série de groupes de travail réunissant des professionnels, tout
d’abord en petit cercle puis avec une plus grande ouverture.
Notre idée, au départ de RÉHA 2, était d’examiner avec les copropriétaires le fonctionnement de la boîte à outils
conçue en lien avec l’USH. Les jeux de surélévation, les jeux de performance sur l’existant, les compensations
énergétiques éventuelles font partie de l’ensemble des éléments intéressants à explorer.
Animateur
Comment influencez-vous les travaux en site occupé sur tous ces projets ? Avez-vous regardé de très près la
manière dont les lauréats organisent la séquence des travaux ?
Virginie THOMAS
45 À tout bon projet, tout bon bailleur. Sur ces approches, la stratégie du bailleur est primordiale. Ce type de projet
ne se monte pas aujourd’hui au paradigme de la performance énergétique, mais sur un ensemble de critères qui
permettent, à un moment donné, d’effectuer une jauge dans les priorités. La première raison pour laquelle
l’opération de Toulouse a été déclenchée est qu’il s’agit de l’un des bâtiments les plus vieux de la SA Patrimoine
languedocienne et le niveau de loyers le plus bas de la ville ; si l’éventualité de démolir au prisme de l’approche
environnementale aurait semblée logique pour le bailleur, une démolition/construction aurait impliqué un
changement de lieu de vie pour les occupants actuels. Nous avons choisi la réhabilitation lourde et la création
d’une offre complémentaire (dans la mesure où la situation géographique est excellente). Au moment où l’on
évoque d’éventuelles augmentations des plafonds de logements sociaux, l’existant demeure intéressant. Il y avait
par ailleurs nécessité pour le bailleur de réinterroger l’image de cet ensemble au milieu de la ville.
Animateur
Comment le bailleur a-t-il œuvré avec les occupants pour parvenir à les « emmener » avec lui ? Y a-t-il une
méthodologie de travail en site occupé à travers tous les projets que vous avez suivis ? Comment l’architecte, les
entreprises et les locataires s’intègrent-t-il dans le projet du bailleur, lui-même très investi ?
Virginie THOMAS
Les stratégies diffèrent en fonction des contextes. Mais nos approches sont connexes à ce que vous avez
évoqué : à un moment, un bailleur porte le projet, après avoir interrogé ses locataires sur leurs besoins et leurs
attentes – ce qui soulève le plus souvent des points auxquels nous ne nous attendions pas. Ensuite, les
entreprises générales mettent énormément de « matière humaine » sur le chantier. Sur celui de Toulouse, deux
salariés de l’entreprise seront présents à temps plein pendant toute la durée de l’opération pour jouer le rôle de
médiateurs, de telle manière que l’entreprise ou l’architecte ne soient pas systématiquement les « receveurs de
foudre ».
Animateur
Sommes-nous arrivés à un point où nous avons effectué tellement de travaux de réhabilitation sur tous ces
bâtiments que nous ne pouvons plus faire de travaux en site occupé et sommes obligés de faire du semi-occupé
en relogeant les habitants par un jeu de Tetris à l’intérieur du site, voire en vidant les locaux ?
Virginie THOMAS
Une fois de plus, nous nous trouvons sur différents types d’approches. Tout dépend de la nécessité ou non
d’intervenir sur tous les réseaux techniques, sur les salles de bains et les cuisines, de la configuration des
logements, de la typologie des bâtiments, de l’éventuelle vacance dans le bâtiment qui permet au bailleur de
prévoir des relais et des opérations-tampon. S’il y a la possibilité de construire quelques logements
supplémentaires, ce sont des conditions favorables à la mise en place de logiques d’interventions en sites
occupés – qui sont principalement contraintes par le fait que certains locataires ne peuvent pas être déplacés.
Au travers de RÉHA 1 et 2, nous avons vu poindre les leviers possibles que l’on peut se créer dans le cadre
d’opérations d’envergure, et la manière dont celles-ci peuvent non seulement servir à développer l’offre du
bailleur, mais aussi constituer un sacré coup de pouce pour mener les projets plus en profondeur.
Animateur
Merci pour ce témoignage. Comment le bailleur réagit-il à tous ces propos ?
Pierre TOUYA
Le bailleur se dit qu’il se trouve dans une relation apaisée avec les locataires, lorsque les études ne sont pas trop
longues, une fois la décision prise, et que la collectivité locale et les occupants constatent avec satisfaction qu’il
se passe quelque chose. Pendant les travaux, des réunions avec les locataires sont organisées ; et nous avons
un site web un peu plus riche que celui qui a été évoqué, www.efficonso.com, qui permet de mesurer les
consommations et de les comparer afin de voir où chacun se situe. Nous avons un plan stratégique de patrimoine
avec des tranches de traitement de logement et dans un certain nombre de cas – par exemple à Vitry-sur-Seine –
avec l’examen de la performance énergétique et des gains susceptibles d’être faits. Les locataires sont associés
au diagnostic. Par ailleurs, nous avons installé des instruments de mesure dans nos logements privés.
Le bon cocktail est donc le suivant : relations claires avec les locataires, relations apaisées avec la collectivité
locale, réunions régulières pendant le processus, bonnes relations avec le groupement – nous avons constaté
une forte émulation positive à l’intérieur de celui-ci. Comme le rappelait Alain Maugard, une bonne entente des
équipes et des techniciens s’avère positive pour le chantier. Enfin, les locataires ont la possibilité de mesurer la
performance de leur appartement et de la comparer grâce au site web, et éventuellement de modifier leur
comportement. Nous ne sommes pas en faveur de positions autoritaires, mais nous ne pouvons pas non plus
46 nous contenter de dire aux locataires qu’il leur suffit d’économiser l’eau chaude. Entre les deux extrêmes, il nous
faut parvenir à générer un comportement plus civique et plus responsable. Nous pensons avoir jeté des bases,
avec d’autres, dans ce domaine.
Animateur
La salle n’a pas de questions à poser. Merci, Madame, merci Messieurs, d’avoir participé à cette première tableronde de l’après-midi. Nous allons passer au retour d’expériences.
47 Retours d’expériences n°2
Rénovations exemplaires de logements sociaux
Animateur
Je vais commencer par une petite publicité pour le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de
l’Énergie, à la demande de Monique Gauch, qui travaille sur la mesure de la performance énergétique des
équipements solaires thermiques. Vous pouvez vous procurer un livret-DVD, qui a été conçu par l’Institut de
formation de l’environnement (IFORE) – que Monique Gauch représente en tant que « Madame énergies
renouvelables » –, et par l’Institut national de l’énergie solaire (INES).
Nous allons continuer sur les retours d’expériences des rénovations exemplaires en logement sociaux. Comment
transformer un logement social « passoire énergétique » en BBC ou en BEPOS ? Par quoi doit-on commencer ?
Quels sont les facteurs de réussite ? Comment mesure-t-on les niveaux ? Quelles erreurs doit-on éviter ?
Comment tenir compte de l’occupant ? Autant de questions auxquelles vont répondre les participants à cette
dernière séquence de retours d’expériences de la journée. Thomas Guilbert, Benoît Petit et Thomas Lipinski
(venu du Royaume-Uni) vont rejoindre François-Xavier Hermelin sur scène.
Thomas Guilbert est responsable d’agence pour Astec Ingénierie à Rennes, Benoît Petit est gérant du bureau
d’études Nortec Ingénierie à Croix dans le Nord, et Thomas Lipinski, chief technology officer pour Green
Structures à Twickenham, dans la banlieue sud-ouest de Londres.
Commençons par Rennes, avec une séquence vidéo sur la résidence Le Bonneval d’Espacil Habitat à RennesMaurepas. C’est un immeuble de 88 logements construit en 1961 et dont la rénovation énergétique a été réalisée
en 2010/2011 en vue d’une transformation en BBC. Dans cette séquence, vous entendrez le témoignage de
Thibault Garric, directeur technique d’Espacil Habitat.
[vidéo] Thibault GARRIC, directeur technique, Espacil Habitat
Nous sommes dans le quartier de Maurepas, berceau d’Espacil Habitat, qui compte 1 400 logements dans ce
quartier. Nous avons voulu réaliser des opérations BBC, notamment sur cet immeuble, car il souffre de critères
d’obsolescence : absence d’ascenseurs, bâtiment très énergivore. Vis-à-vis de la précarité énergétique de ses
habitants, nous voulions faire un effort particulier pour la maîtrise des charges pour le locataire. Le deuxième
objectif était d’exploiter un retour d’expériences sur ces opérations BBC, de standardiser chez Espacil Habitat ce
type de process afin de le reproduire sur d’autres bâtiments de notre patrimoine.
En ce qui concerne le plan financier, l’opération est revenue à 22 000 € par logement, c'est-à-dire 274 € par m2
de surface habitable. Nous l’avons menée en partenariat avec Rennes Métropole et reçu des subventions à
hauteur de 600 000 €.
Nous avons principalement travaillé sur l’isolation par l’extérieur, qui a permis de diviser par trois les
consommations, de réduire la perméabilité à l’air (elle aussi divisée par trois) et de diminuer les charges des
locataires. Nous appliquons la troisième ligne sur quittance de loyer, c'est-à-dire la répartition des charges
maîtrisées grâce aux travaux. Ainsi, pour 100 € de charges économisées, la moitié sera perçue par Espacil
Habitat et l’autre moitié profitera aux locataires.
En ce qui concerne les consommations énergétiques, le bâtiment est passé d’une consommation de 209 kWh par
m2 (classe D très proche de la classe E) à 84 kWh par m2 par an, ce qui le rend très performant et le fait passer
en classe B.
L’amélioration du confort thermique a été ressentie dès la fin des travaux par les locataires, en période d’été : ils
ont apprécié d’avoir un meilleur confort que les années précédentes, de ne pas souffrir du soleil et de la chaleur.
Le seul petit point noir a été le remplacement des ballons d’eau chaude par une production collective : la
production d’eau chaude étant plus éloignée, les occupants ont l’impression de consommer davantage.
Cette réhabilitation nous a permis de reproduire l’opération pour 483 logements.
Animateur
Ce reportage comporte maints détails et chiffres, sur lesquels nous allons revenir. L’objectif affiché par ce maître
d’ouvrage était de maîtriser les charges, d’avoir un retour d’expérience afin de reproduire l’opération. Voyons
maintenant avec Thomas Guilbert le point du vue du bureau d’études. Quels ont été les critères de choix ?
Qu’est-ce qui a été réalisé ? Et quel en est le bilan ?
Thomas GUILBERT, responsable d'agence, Astec Ingénierie
48 Le bureau Astec réalise pour ses clients de l’ingénierie en maîtrise d’ouvrage et en maîtrise d’œuvre ou
bureautique technique, selon les opérations et les maîtres d’ouvrage. Nous faisons partie du groupe Nox,
constitué de tous les métiers de la construction, dans toute la France.
Espacil Habitat nous a confié une mission de diagnostic sur le bâtiment Le Bonneval, qui date des années 1960.
Dans un premier temps, nous avons répertorié tous les désordres, non seulement thermiques, mais hors
conformité réglementaire (incendie, accessibilité, etc.), puis nous avons listé et chiffré tous les travaux, afin que le
maître d’ouvrage choisisse un panel de solutions.
Le bâtiment est orienté est/ouest, avec une façade assez lisse, quelques décrochés, notamment au niveau des
planchers, une zone de balcons, et un jeu de couleurs. Il y a une dizaine d’années, les balcons sur la face est
arrière ont été fermés afin de créer des loggias, là où se trouvent les ballons d’eau chaude électrique.
Le bâtiment s’inscrit également dans un contexte de rénovation du quartier, étant donné que la seconde ligne de
métro de Rennes arrivera juste derrière le bâtiment. Nous avons donc dû le séparer en deux ; nous avons
seulement permis d’isoler les réseaux en vue d’une opération de démolition. Après démolition de la cage du
milieu, nous sommes passés de 86 logements à 66 logements.
Dans le cadre de notre diagnostic, nous avons pu faire ressortir auprès du maître d’ouvrage les postes clé de
déperdition – la ventilation, les murs, les vitrages, les ponts thermiques (dus à la construction du bâti) – et lui faire
apprécier les postes de consommation du chauffage, de l’eau chaude sanitaire et des usages. Tout a été
transmis en calculs théoriques qui lui ont servi de base pour prendre des décisions.
Suite à ses choix, le maître d’ouvrage a élaboré un projet de chantier assez compliqué, souhaitant aller au bout
des choses, afin de répondre à l’appel à projets Prébat, de solliciter des financements auprès de l’ADEME et de
suivre les préconisations de Rennes Métropole, chargé de financer une grande partie des travaux énergétiques
de la ville.
En a découlé une liste de travaux. Nous avons remplacé les fenêtres en bois en simple vitrage par des blocs
rénovation en PVC, avec des doubles-vitrages. Cette opération ne nécessitant pas de travaux de réhabilitation
intérieure (travaux de peinture, etc.), nous sommes venus sur l’extérieur. L’intervention par l’extérieur visait à
limiter les désagréments auprès des locataires. Le bloc rénovation présentait un certain intérêt, mais aussi des
petits défauts, liés à sa pose. Nous avons isolé les planchers bas des caves privatives – même si l‘on reste
encore sur l’extérieur, le fait d’entrer dans la partie privative pose des problèmes en termes de réseau sur de
l’existant ou en termes d’accès. En ce qui concerne l’eau chaude et le chauffage, nous avions une ancienne
chaufferie centrale dans un bâtiment qui va allait démoli pour le métro ; nous avons dû créer deux chaufferies gaz
avec chaudières à condensation pour la production d’eau chaude sanitaire (ECS). Ces chaufferies sont installées
sous des porches existants, afin de ne pas ajouter de verrue sur le bâtiment. Les conduits passent dans les
loggias existantes. L’isolation se fait aussi en combles, soufflée sur le plancher béton ; le gros des travaux était
une isolation par l’extérieur, un bardage de type béton avec cellulose, sur une ossature bois et métal. Nous avons
également isolé les retours de tableaux, en les habillant en aluminium.
2
[diapo] Les tout premiers résultats présentés, faisant apparaître une consommation de à 72 kWh par m par an,
ne tiennent pas compte des modifications du calcul de la SHON. Depuis, nous avons discuté avec l’organisme
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chargé de contrôler les résultats, et nous parvenons au chiffre théorique de 84 kWh par m par an. La réduction
est essentiellement due à l’abandon de l’ECS en électrique.
Animateur
Qu’est-ce qui a coincé sur ce projet ? Comment se sont déroulées les relations avec les entreprises ? Même si
vous n’êtes pas entrés dans les appartements, vous en avez tout de même retiré toutes les fenêtres, ce qui peut
s’avérer gênant pour les occupants, surtout en Bretagne !
Thomas GUILBERT
Le beau temps n’est pas toujours présent dans notre région, mais il ne fait pas froid en tout cas ! Les fenêtres ont
été changées en une journée maximum pour les grands logements.
Nous avons aussi mis les bâtiments en conformité électrique et remplacé les appareils sanitaires. Ce type de
travaux s’effectue facilement et rapidement (une journée également) avec des entreprises compétentes, en
l’occurrence des entreprises rennaises. En revanche, il faut que les entreprises se suivent, sous peine de
connaître des complications d’intervention.
Le défaut, comme je l’ai déjà dit, concernait les fenêtres, ou plus précisément la pose de celles-ci par un soustraitant. En réalité il n’y avait qu’un ouvrier incompétent ; seule sa menuiserie a posé des problèmes. Sur le
logement témoin par exemple, les tests à l’étanchéité avaient donné de bons résultats puisque ce n’était pas cet
49 ouvrier qui avait fait le travail. Le bloc rénovation est intéressant à utiliser, à condition d’effectuer une bonne
préparation du bâti bois (vérifier qu’il soit plan, que le jointement se place bien tout autour, qu’il y ait une reprise
de l’étanchéité pour la structure). Le bâti existant bois est conservé, et le PVC vient se mettre dessus. Nous
avons eu un souci pour les premiers logements et nous avons pu nous réajuster pour les suivants. Nous avons
effectué des tests d’étanchéité au début, au milieu et à la fin. Ce ne sont pas les tests qui ont révélé la mauvaise
pose, mais la pluie !
Animateur
Comment s’est organisée la relation avec les locataires ? Combien de temps les travaux ont-ils duré ?
Thomas GUILBERT
Les travaux ont duré environ neuf mois. Le bailleur est passé voir tous les locataires pour leur présenter une
première fois les travaux, la durée d’intervention, le nom des entreprises qui allaient intervenir. Il les a préparés
au désordre et à tout ce dont ils devaient prendre conscience pour accepter les travaux. Pendant la durée du
chantier, une personne était chargée de la relation avec les locataires ; en cas de problème, ces derniers la
contactaient, ce qui débouchait parfois sur une rencontre avec les entreprises.
Animateur
Concernant le nerf de la guerre, nous avons compris qu’Espacil Habitat faisait appel à la troisième ligne, que les
économies d’une centaine d’euros étaient réparties équitablement entre Espacil Habitat et les habitants, et que
l’opération est revenue à 274 € par m2 de surface habitable. Ces chiffres correspondent-ils aux standards
habituels ?
Thomas GUILBERT
C’est la première fois qu’Espacil Habitat a fait appel à la troisième ligne. Les autres bailleurs rennais ne le font
pas forcément. Thibault Garric semble satisfait de cette démarche et compte la remettre en place sur d’autres
opérations.
Animateur
Qu’en pensent les locataires ? Cette économie de 50 € est-elle significative pour eux ?
Thomas GUILBERT
Aujourd’hui, l’écart se fait immédiatement ressentir sur leur facture d’électricité. En général, ils ont un
abonnement différent de celui d’avant (ils passent du jour/nuit à un abonnement plus petit) ; en revanche, étant
donné qu’il s’agit de collectif, les consommations risquent d’être plus fortes.
Animateur
Le petit point noir évoqué dans le film portait sur le chauffage d’eau chaude sanitaire centralisée, qui oblige les
locataires à faire couler de l’eau plus longtemps qu’avant, surtout pour ceux du dernier étage.
Thomas GUILBERT
Nous sommes malgré tout en bouclage ; mais je reconnais que nous avons reçu de nombreuses plaintes à ce
sujet. Au départ, nous avions un premier bouclage et nous revenions seulement jusqu’au compteur qui se trouvait
dans la gaine palière. Comme cela s’est révélé insuffisant, nous sommes revenus avec le bouclage jusqu’à
l’intérieur du logement, au plus près. Il y a donc eu des modifications postérieures aux travaux.
Animateur
Cela m’amène à ma dernière question, sur le suivi des performances dans le temps. Comment vérifiez-vous que
vos aménagements vieillissent bien ? Peut-on garantir que le joint silicone va durer toute la vie du BBC, que
l’étanchéité des blocs réno va perdurer ?
Thomas GUILBERT
Sur ce projet, le Centre d’études techniques de l’Équipement (CETE) de l’Ouest instrumentalise le bâtiment sur
une durée de quatre ans. Nous aurons donc des retours sur les premières années. Nous allons gérer la suite
comme n’importe quel chantier, c'est-à-dire par des garanties traditionnelles.
Animateur
50 Dans quelle catégorie faites-vous entrer les « garanties traditionnelles » ? Sont-elles contractuelles ?
Décennales ?
Thomas GUILBERT
Non, nous n’avons pas pris de décennale sur nos fenêtres. Mais comme nous posons des blocs réno depuis
plusieurs années, nous pouvons assurer que ces produits ne débouchent sur aucun souci. Les travaux sont
encadrés : il y a un document technique unifié (DTU), des avis techniques sur ce bloc, et les entreprises ont
l’habitude de les utiliser. Le Moniteur a même émis un cahier de prescriptions pour la pose des blocs réno.
Cédric HUSSENOT, bureau d’études Logic Thermic
Dans la vidéo a été évoquée la somme de 600 000 € pour les subventions ; d’où viennent-elles ?
Thomas GUILBERT
Grosso modo, il y a 100 000 € qui sont issus de l’appel à projet Probat (ADEME) ; le reste provient de la région
Bretagne et de Rennes Métropole.
Animateur
Nous allons passer au projet suivant, qui va nous mener dans le Nord-Pas-de-Calais. Nous allons visionner une
vidéo sur une rénovation de logements sociaux, la résidence Saint-Exupéry à Saint-Omer, qui comporte 240
logements répartis sur cinq bâtiments construits en 1968. La rénovation énergétique pour les transformer en BBC
a été réalisée en 2010/2011. Si je vous informe toujours des dates, c’est que lors des précédentes rencontres
RPE, nous avions parfois choisi des projets trop récents, qui ne nous procuraient pas assez de recul sur les
travaux de rénovation effectués. La réalisation de ce projet nous permet d’obtenir déjà un peu de retour.
Nous allons écouter le témoignage de Didier Caron, qui est responsable du patrimoine de Pas-de-Calais Habitat
et de Frédéric Bœuf, qui est ingénieur d’affaires chez Cerqual Patrimoine.
[vidéo] Didier CARON, responsable du patrimoine, Pas-de-Calais Habitat, et Frédéric Bœuf, ingénieur
d’affaires, Cerqual Patrimoine
La résidence Saint-Exupéry consiste en cinq bâtiments collectifs à usage d’habitations, qui comportent 204
logements. Ils ont été construits en 1968/1969. Nous avons réalisé cette opération de réhabilitation car elle était
inscrite dans notre plan stratégique patrimonial, pour plusieurs raisons : nous avions une forte demande des
habitants sur le renouvellement des équipements intérieurs de leur logement (salles de bains, installations
électriques), et notre objectif était de réduire les consommations énergétiques et de tester la certification
Patrimoine Habitat, voire Patrimoine Habitat et Environnement (PHE), de Cerqual.
Il s’agit de l’une des toutes premières opérations à avoir suivi la démarche de certification en réhabilitation de la
région Nord-Pas-de-Calais et même de la France. Le travail est allé encore plus loin, car nous avons travaillé sur
des notions d’acoustique et de sécurité incendie, qui soulignent la qualité du travail réalisé.
En ce qui concerne l’enveloppe, nous avons procédé à la réfection de l’isolation des toitures et des façades. Nous
avons posé une laine de roche de 100 mm avec un doublage en briques de terre cuite. Nous avons également
procédé au remplacement du seuil de ventilation par une ventilation hygroréglable. L’amélioration du confort
intérieur a porté sur la réfection des installations électriques des logements, des installations sanitaires dans les
cuisines, les salles de bains et les WC.
La consommation énergétique était de l’ordre de 270 kWh d’énergie primaire par m2 et par an. Après
réhabilitation, nous parvenons au niveau BBC rénovation, soit environ 104 kWh par m2 et par an. Cela se traduit
forcément par une réduction de la facture d’électricité pour l’habitant, de l’ordre de 250 € par an.
Nous avons dupliqué la méthodologie sur d’autres opérations de réhabilitation. Nous continuons à procéder de
cette manière sur tout le patrimoine.
Animateur
L’objectif affiché cette fois-ci, outre une réponse à la forte demande des habitants, est l’obtention de la
certification Patrimoine Habitat et Environnement de Cerqual. Nous allons examiner plus en détail avec Benoit
Petit, qui est gérant de Nortec Ingénierie, les critères de choix technique, puis le gain de cette opération.
Benoit PETIT, gérant de Nortec Ingénierie
51 L’opération Saint-Exupéry de Saint-Omer concerne donc 204 logements collectifs et elle a été réalisée non en
2010/2011, comme cela a été annoncé, mais en 2008/2009, ce qui nous permet d’avoir plus de recul. Elle est
située en entrée de ville et comporte cinq bâtiments – pour la partie réhabilitation – et un bâtiment en copropriété.
Nous avons proposé aux copropriétaires de bénéficier des travaux d’amélioration énergétique au titre d’un appel
d’offres qui aurait été commun ; or ils se sont exclus de fait de l’amélioration énergétique en déclinant la
proposition, ce que je trouve fort dommage.
Le site regroupe dix-sept entrées et est assez répétitif en termes de conception. Les bâtiments avaient déjà
bénéficié à la fois d’entretien et de GOGR (ancienne dénomination), mais aussi, en 1983, d’une première
réhabilitation dite « thermique », sur laquelle il y avait déjà eu la création d’un bardage, qui est d’ailleurs à
l’initiative de la rénovation et de la volonté de Pas-de-Calais Habitat de rénover ce parc : le système Ardal
présentait des défaillances importantes, parmi lesquelles des chutes de dalles inquiétant à la fois les habitants et
le bailleur, qui, en tant que responsable, a souhaité régler le problème au plus vite.
À cette volonté de changement d’image et de traitement du bâtiment vient s’ajouter, comme l’a exposé Didier
Caron dans la vidéo, l’amélioration du confort des habitants, que l’on peut difficilement distinguer dans un accord
de réhabilitation car in fine nous devons tout de même obtenir un accord locatif ; il faut un juste partage entre les
travaux d’amélioration directement liés au patrimoine et ceux qui favorisent au final l’habitant, qui récupère des
économies, mais aussi le confort de ses installations. Tout le monde doit s’y retrouver.
En ce qui concerne la chronologie et le contexte du projet, l’on est toujours en décalage par rapport à l’évolution
de la réglementation. Le projet a été initié en 2005, le programme de travaux a été défini l’année suivante et la
déclaration préalable déposée fin 2006, et les travaux ont débuté en 2008 pour une livraison fin 2009. Suite au
Grenelle de l’environnement, nous avons évolué sur la réglementation thermique de mars 2007 à septembre
2009. Néanmoins, la politique volontariste d’amélioration de notre maître d’ouvrage a permis d’inscrire le projet
au titre de la labellisation Patrimoine Habitat et Environnement de Cerqual, avec une option BBC Effinergie dite
« pilote », puisque nous nous trouvions aux prémisses du processus. Nous avons effectué les premières études
thermiques au moment où les logiciels ont été disponibles. Le maître d’ouvrage a donc souhaité une opération
exemplaire et dupliquable.
Le bâtiment d’origine est composé d’une structure béton, avec des façades en panneaux préfabriqués de type
Coignet, avec une finition en pâte de verre. Le bardage en façade était en ardoise, avec une isolation par laine de
verre de 6 cm d’épaisseur, fortement abimée, absente par endroits, la dalle entre les logements et les locaux non
chauffés sur l’ensemble de la surface du rez-de-chaussée n’était pas isolée, ce qui se traduisait par un grand
inconfort pour les habitants concernés. Enfin, les doubles-fenêtres étaient composées à la fois d’une menuiserie
existante en bois simple-vitrages et d’un châssis aluminium (en rupture de pont thermique) qui servait de seconde
fenêtre, du côté extérieur.
Suite au constat de la volonté du maître d’ouvrage et des habitants est ressorti un programme d’améliorations :
renforcement du traitement de l’enveloppe, remplacement des chauffe-bains (qui sont restés sans mutualisation,
au titre individuel mais avec des rendements améliorés), mise en place d’une ventilation hygroréglable,
remplacement des blocs-portes paliers et éclairage des parties communes assorti d’une détection de présence.
Pour la partie travaux thermiques et renouvellement des façades, le budget correspond à 19 000 € HT par
2
logement (soit 3 000 € du m ). Il s’agit uniquement d’un budget travaux, hors honoraires et autres frais.
Le programme de travaux d’équipement et de confort des parties communes et des logements comprenait la
restructuration complète des halls d’entrée avec une inversion du mode de fonctionnement (parce que les
habitants utilisaient l’entrée secondaire comme entrée principale), ce qui a revalorisé la façade, la réfection des
embellissements, la réfection complète de l’accès de l’interphonie, le réaménagement de la salle de bains avec la
création de douches pour les habitants désireux, le remplacement des sanitaires des évacuations,
l’embellissement complet des pièces uniques et enfin, la mise en sécurité électrique des logements.
Le chantier a connu une durée de dix-neuf mois dont deux hivers, avec une difficulté particulière détectée lors du
diagnostic : la colle des pâtes de verre des panneaux de façade s’est révélée amiantée, ce qui a constitué une
contrainte supplémentaire pour les entreprises (notamment la protection des compagnons). Le bardage est mixte
(bois et briques).
Le bilan thermique s’avère bon : nous sommes partis de trois consommations, 270 en DPE, 296 kWh en
2
consommations réelles et un calcul thermique estimé à 191 kWh. Après travaux, le DPE donne 112 kWh par m
de surface habitable (SHAB), les consommations réelles passent à 103,8 et la RT nous donne 85. Il y a donc un
écart que nous allons chercher à justifier, mais faut préciser que pour deux des calculs de consommation, comme
nous n’avons pas de comptage scindé, nous sommes sur une extrapolation des consommations d’ECS
individuelles et des consommations électriques. La baisse théorique aurait dû être de 55 % alors que nous avons
constaté une baisse de 47 %. Toutefois, le résultat nous semble satisfaisant pour une opération initiée en 2006 et
menée en 2008/2009.
52 Nous n’avons aujourd’hui que le report des consommations brutes qui viennent polluer un résultat de
consommation réelle de chauffage, qui est suivi au plus près. Pour les consommations électriques, nous avons
effectué un calcul rapide avec des scénarios pénalisants de l’utilisation de l’éclairage, notamment dans les parties
communes et il s’avère que nous sommes défavorisés par le calcul théorique.
La séparation des comptages entre locatifs et copropriétés vient juste d’être faite, sauf que la réhabilitation au
départ pour la partie chauffage a bénéficié aussi aux copropriétaires, les comptages étant répartis selon la
surface. La régulation de chauffage collectif ne prend pas en compte la température intérieure des logements, qui
ne sont pas équipés de sondes.
Le comportement des habitants laisse encore à désirer : l’on voit encore régulièrement des personnes ouvrant les
fenêtres à grand vent pour renouveler l’air de leur logement, quelle que soit la température extérieure. Ce sont de
mauvaises habitudes qu’il faut s’attacher à corriger par un accompagnement. La certification PHE va dans ce
sens, en mettant à disposition des habitants un livret de gestes verts, un guide des bonnes pratiques, mais hélas
les livrets finissent souvent au fond des tiroirs, et les bonnes pratiques prennent du temps à s’acquérir.
L’accompagnement devrait donc être continu pour bien fonctionner. Si l’on fait la comparaison avec le port de la
ceinture dans un véhicule, alors que tout le monde a pris cette obligation comme une contrainte à l’origine, elle
constitue maintenant un véritable automatisme. Si l’on arrivait à mettre en œuvre cette démarche pour
l’habitation, nous obtiendrions des niveaux inférieurs de consommations. Je suis plus partisan de la
communication que des dispositifs qui bipent les fenêtres : au travers de rencontres avec les habitants, il faut leur
dresser un tableau de leur logement avant travaux et leur expliquer ce qui a changé ainsi que la manière dont ils
doivent faire évoluer son utilisation.
Nous sommes en train de réfléchir à la possibilité d’installer des sondes dans les logements. Plus la régulation
est fine en matière de chauffage, plus les habitants obtiendront des éléments tangibles en termes de maîtrises de
charges. Aujourd’hui, trop de calories sont encore dépensées par manque de finesse, ce qui empêche les
occupants d’en ressentir les avantages. Lorsque l’opération a été initiée, nous avons constaté une première
baisse des charges grâce à un changement d’exploitant et grâce à une remise en cause et une reprise en main
de la régulation. Les chiffres ont augmenté de manière significative lors des deux hivers que l’on a connus sur
l’opération : les bâtiments ont été déshabillés puis rhabillés par la nouvelle peau, ce qui a abouti à une
augmentation des charges de chauffage. En revanche, après la fin des travaux, nous avons assisté à une baisse
significative, ce qui traduit une efficacité réelle en termes de réduction des besoins de chauffage.
La période 2005/2012 est marquée par une baisse des charges de 7,9 % en moyenne pour les habitants, alors
que dans le même temps, le coût du P1 (énergie) a augmenté de 58 %. L’intervention sur le patrimoine permet
donc de limiter la précarité énergétique. Les résultats sont probants. L’on ne peut pas garantir que pour une
période très longue, la baisse des charges en valeur absolue soit juste, car l’on subit les augmentations du coût
de l’énergie – néanmoins, nous avons tout de même une zone tampon relativement importante (avec six
exercices sur lesquels les habitants n’ont pas subi d’augmentation de leur facture). À la première régule de
charges fin 2010, la moyenne des sommes rendues aux habitants sur les provisions tout au long de l’année est
entre 250 € et 350 € par logement.
Pour conclure, il est donc primordial de miser sur des opérations de réhabilitation, même si l’on constate parfois
hélas des dérives ou des écarts – dans ce cas l’on doit essayer d’en comprendre les causes et tenter d’y apporter
des solutions correctrices. L’investissement sur le patrimoine limite la précarité énergétique et compense pour le
moment allègrement l’évolution du coût de l’énergie. Les réhabilitations énergétiques doivent être complétées
d’un accompagnement continu des habitants, afin de leur enseigner les bonnes pratiques. Même si c’est le cas à
la livraison ou pendant une opération de réhabilitation au travers de rencontres, de journaux ou de sites,
néanmoins, une fois les travaux terminés, les rotations de clients et les évolutions dans le parc locatif et dans sa
gestion nécessiteraient de communiquer de nouveau, et ce, tout au long de la vie du cycle du bâtiment.
Sur cette opération, l’arbitrage du programme passe au crible à plusieurs titres : d’abord le plan stratégique de
patrimoine pour le maître d’ouvrage, afin de le pérenniser et de lui garantir la sécurité, des scénarios d’efficacité
énergétique en fonction à la fois du coût qu’il est capable de supporter et des besoins locatifs. L’adéquation est
toujours simple à trouver : nous avons quelques points de passage obligatoires chez chacun des acteurs
décisionnels pour que l’opération puisse avoir lieu.
Enfin, le financement des opérations de réhabilitation énergétique reste une difficulté : en ce qui concerne les
2
loyers au m de surface corrigée, dans la mesure où les opérations successives mettent ces loyers au plafond, il
n’y a plus de marge de manœuvre pour les augmenter de nouveau et bénéficier de ressources complémentaires.
D’autre part, toutes les réhabilitations énergétiques ne créent pas de surface et donc pas non plus de ressources,
ce qui pose là aussi des difficultés pour obtenir un équilibre.
La raison qui a poussé la copropriété à ne pas suivre est le coût par logement, qui aurait été supporté dans ce
cas à 100 % par les copropriétaires ; par ailleurs, ces derniers ont estimé qu’ils bénéficiaient de temps pour
prendre leur décision, puisque les entreprises se trouvaient là de toute façon pour le patrimoine locatif. Les
copropriétaires ont commencé par refuser les travaux, mais lorsqu’ils ont vu le résultat et ont constaté le
53 changement radical d’image du parc locatif (logements au goût du jour, avec des performances énergétiques plus
sensibles et performantes), ils ont alors souhaité bénéficier de la même démarche, mais il était trop tard. Le train
roule très vite…
Animateur
Comment les travaux se sont-ils déroulés dans le temps et avec les occupants ?
Benoit PETIT
L’appel d’offre avait été qualifié de «séquentiel » par la maîtrise d’ouvrage, c'est-à-dire qu’il était divisé en
« macro-lots » ; ont été dissociées les interventions sur l’enveloppe extérieure, sur le hall d’entrée et les parties
communes, et sur l’intérieur logement. Chaque groupe avait un mandataire, avec un référent. Le point facilitateur
a été la présence d’un représentant à demeure, qui a joué le rôle de pilote social chargé de l’interface entre les
entreprises et les locataires pour assurer la bonne marche du chantier (par exemple pour récupérer les clés des
locataires absents). Grâce à cet homme de confiance, les relations avec les locataires se sont remarquablement
bien déroulées.
De la même manière que la réhabilitation a été explicitée aux locataires pour obtenir leur accord, les
copropriétaires avaient également bénéficié d’une bonne communication fondée sur une vulgarisation des termes
techniques. Mais dans chaque copropriété, il est toujours difficile d’obtenir le quorum et un consensus pour
valider une décision d’une telle importance.
Animateur
Nous reviendrons sur ce sujet lors des retours d’expériences de demain. Parmi toutes les propositions de
Philippe Pelletier, l’une d’entre elles vous plaît-elle particulièrement ? Quid de celles qui portent sur le
financement de la réhabilitation énergétique ? Parmi les propositions : des bonus/malus, des droits à construire,
un tiers-investissement, des extensions de surface…
Benoit PETIT
La mixité de la programmation fonctionne en réhabilitation, puisqu’au titre du PUCA 1, nous avons vu dans les
réponses formulées que grâce à cela les opérations parvenaient à s’équilibrer en réhabilitation ou que la
libération d’une partie du foncier par la démolition permettait de créer une offre neuve qui venait compenser les
travaux de réhabilitation, et que la création d’une extension, d’une loggia, d’une surface habitable assurait
également l’équilibre de l’opération.
Il ne faut pas tomber dans l’écueil suivant : nous sommes parfois à la frange de l’acceptation des limites du loyer
2
par les habitants, ce qui fait que l’on ne peut pas créer 25 m par logement sous peine d’imposer un surcoût de
loyer inacceptable pour eux – il faudrait alors les reloger ailleurs pour un moindre coût, et là n’est pas l’objet de la
réhabilitation et de l’amélioration de la qualité urbaine des quartiers. L’objectif est au contraire d’apporter aux
habitants en place depuis longtemps un parc mis au goût du jour.
Questions de la salle
Patrice COTET, ECODEN
Je souhaiterais apporter un éclaircissement sur les manières dont sont comparées les consommations
énergétiques. Le DPE est calculé en surface habitable, or la réglementation thermique est actuellement basée
sur la SHON – comme la surface non-chauffée est ajoutée, le dénominateur est plus grand. Astuce
complémentaire : pour le BBC, l’on comptabilise aussi les murs (le crépi, etc.). J’ai connu des opérations dans
lesquelles la SHON RT s’élevait à 60 % de plus que la surface habitable. Par un artifice de calculs (en
augmentant le dénominateur) on arrive à faire croire à tous les pays européens que nous sommes meilleurs
qu’eux ; je ne sais pas comment les pouvoirs publics ont laissé faire cette aberration.
Palmyre Paillard, bureau d’études ingénierie générale indépendant, à Saint-Étienne
J’ai deux questions sur l’opération Saint-Exupéry : la brique en façade a-t-elle été étudiée en amont avant d’être
adoptée et a-t-elle créé une surcharge ? Par ailleurs, la découverte de l’amiante s’est-elle traduite par un
surcout ? Si oui, le retrouve-t-on dans les sommes que vous avez indiquées ?
Par ailleurs, je voudrais poser une question sur le problème de l’eau chaude dans le bâtiment de Rennes :
lorsque vous vous êtes aperçus qu’il y avait un problème de sous tirage, avez-vous dû refaire la distribution, à
savoir déplacer le compteur d’eau chaude ?
Benoit PETIT
54 L’amiante avait été découvert avant. Nous avons eu un surcoût de 150 000 € pour l’ensemble des travaux – en
ce qui concerne la mise en décharge, je n’en connais pas les chiffres. Il faudrait les demander à Didier Caron.
Quant à la surcharge éventuelle des briques, nous avons déposé du bardage, qui diffère effectivement des
briques. Mais comme nous étions sur une structure béton complète avec voile et plancher d’environ 15 cm
chacun, nous nous sommes accrochés sur la structure au titre de sabots métalliques et de glisses, dans le cadre
d’un procédé sous avis technique. Les briques sont bien fixées, avec cinq agrafes au m2.
Animateur
Les habitants avaient déjà été sensibilisés à la chute de dalles, cette fois-ci ils avaient besoin d’être rassurés !
Thomas Guilbert, pouvez-vous répondre à la question sur l’eau chaude dans le bâtiment Le Bonneval ?
Thomas GUILBERT
Le déplacement du compteur a été en partie pris en charge par Veolia, qui nous a poussés dans cette voie car il
avait intérêt à avoir un nouveau compteur.
Christophe PLANTIER
Je suis quelque peu étonné des épaisseurs d’isolants qui ont été posées sur le bâtiment de Saint-Exupéry, à
savoir 10 cm sur les murs et la même chose en toiture, alors que le site se trouve dans le nord de la France.
Qu’est-ce qui justifie ces chiffres assez bas ?
Benoit PETIT
J’ai fait un rappel historique du contexte du bâtiment. Au départ, la réhabilitation n’était pas inscrite sous la
réglementation RT ou TH-CE Ex. Comme nous nous sommes fondés sur un modèle usuel de réhabilitation, le
choix a été d’améliorer la performance et les épaisseurs d’isolants qui étaient existants. Je vous rappelle que le
programme de réhabilitation date de 2005/2006. Nous n’avions pas de simulation initiale pour valider les choix
techniques. Notre volonté était d’améliorer l’existant par rapport à un constat et un diagnostic, sans pour autant
passer par la voie du calcul et de la réglementation… qui n’existait pas !
Si nous menions la même opération aujourd’hui, nous poserions bien évidemment plus d’isolation sur les façades
et traiterions la toiture et l’étanchéité d’une manière différente. D’une manière générale, en 2012, nous serions en
mesure d’améliorer l’enveloppe.
Christophe PLANTIER
Pouvez-vous expliquer comment fonctionne le système de la ventilation hygroréglable ?
Benoit PETIT
Nous gérons l’hygrométrie tout simplement par les entrées d’air ; l’extraction quant à elle est maintenue par tirage
thermique, sans moteur. C’est un procédé Actis, sous avis technique.
Animateur
Nous allons passer à la présentation de l’exemple britannique, par notre invité Thomas Lipinski, qui est Chief
Technology Officer de Green Structures, basé à Twickenham, dans la banlieue sud-ouest du Grand Londres (à
une vingtaine de kilomètres). L’équipe de tournage n’a pas pu se rendre sur place ; c’est donc au travers d’une
présentation plus classique que nous allons découvrir cette maison construire en 1930 dans le quartier de
Brixston, au cœur de la capitale britannique.
Thomas LIPINSKI, Chief Technology Officer Green Structures
Merci, je m’appelle Tom, comme vient de le dire Philippe. Nous sommes avec mon équipe à l’avant-garde de la
réhabilitation thermique en Grande Bretagne depuis quelques années maintenant et nous nous penchons en
quelque sorte sur les cas extrêmes de réhabilitation thermique et de rendement énergétique, principalement de
manière expérimentale mais aussi pour essayer de commercialiser les expériences.
Lorsque je parle d’être à l’avant-garde de la réhabilitation thermique, ces quatre dernières années nous avons
reçu plusieurs prix pour la réduction d’énergie et l’amélioration du rendement énergétique des bâtiments existants
et Autodesk nous a décerné l’an dernier le titre d’ « inventeurs de l’année ».
55 Ce dont je vais vous parler ce soir sont les germes du programme « Retrofit for the future » (Réhabilitation pour
l’avenir, en français) qui était un programme-pilote financé par le Technology Strategy Board (Conseil pour la
stratégie technologique du gouvernement britannique) en 2009 et les années suivantes. Lorsque le Technology
Strategy Board a investi environ 14 millions £ en réhabilitations extrêmes, il s’agissait de voir ce qui pouvait être
fait dans les bâtiments actuels du Royaume-Uni qui sont assez anciens, construits avant 1930 comme l’a indiqué
Philippe. Ces projets devaient être innovants et parfois concevoir des technologies ; chaque bâtiment-test devait
être suivi pendant plus de 2 ans. Nous avons eu la chance de recevoir plusieurs de ces projets.
Tous les projets que nous avons réalisés concernaient des constructions anciennes. Pour les décrire rapidement,
il s’agissait typiquement de résidences d’habitation sur deux niveaux, murs pleins, fenêtres à simple vitrage,
extrêmement difficiles à chauffer, même en consacrant 2 000 euros par an au chauffage, ces logements restent
très inconfortables. Il était impossible de les rendre suffisamment confortables pour que les locataires s’y sentent
bien. D’un autre côté, nous parlons ici de personnes en situation de pauvreté énergétique, il s’agissait
exclusivement de logements sociaux, de personnes vivant d’aides sociales donc en général des situations pas
idéales, voilà le type de bâtiments auxquels nous avions affaire.
Notre approche a été d’aborder la réhabilitation par son angle extrême. Nous voulions réduire la consommation
d’énergie et les émissions de CO2 de 90 %, ce qui exige évidemment une approche globale du bâtiment. Nous
avons d’abord traité la structure, ce qui voulait dire isolation interne et externe. Concernant l’isolation
concrètement, nous parlons ici d’environ 12 cm de polyuréthane ce qui équivaut à environ 25 cm d’isolation en
polyester. Après avoir isolé l’ensemble du bâtiment, nous nous sommes penchés sur les systèmes de chauffage
et d’aération, de différentes manières, souvent à l’aide de l’énergie solaire, pour améliorer les appareils de
chauffage.
Puis nous avons envisagé les autres mesures qu’il était possible d’introduire. Nous avons remplacé tout
l’éclairage par un éclairage LED dans les zones communes. Il était automatique par détection de mouvement et
nous avons remplacé tous les dispositifs. Nous avons essayé d’envisager tous les aspects de ces bâtiments afin
d’améliorer le rendement énergétique. Nous avons aussi mis en place plusieurs éléments marginaux ou des
mesures innovantes dans ces logements. Entre autres, des accumulateurs solaires pour essayer d’améliorer un
peu le chauffage des espaces, voir ce qui se passe et quel niveau de contribution il est réellement possible
d’atteindre.
Et selon le projet nous avons utilisé soit une ventilation mécanique avec récupération de la chaleur soit une
ventilation passive, en fonction du bâtiment. Vous pouvez voir que nous avons retiré plusieurs éléments à l’avant
et à l’arrière du bâtiment afin de permettre la mise en place de nos niveaux extrêmes d’isolation, et nous avons
aussi augmenté, enfin bien amélioré, le niveau d'étanchéité à l'air des lieux, en gros en enveloppant l’ensemble
dans une membrane étanche puis en isolant chaque extrémité. Dans les cas où nous avons utilisé un système de
ventilation mécanique avec récupération de la chaleur vous pouvez constater que le gros appareil a été transféré
dans le grenier, qui a lui-même dû être isolé pour pouvoir l’abriter, et nous avons installé des conduits dans toutes
les pièces du bâtiment. Si on travaille sur des maisons anciennes de l’époque victorienne, ce n’est pas une
proposition simple parce que vous devez retirer de nombreuses corniches décoratives qu’il faut ensuite
réintégrer, ce qui implique de nombreuses opérations.
Toutes les fenêtres qui étaient initialement en simple vitrage ont été remplacées par des fenêtres passives à triple
vitrage et les joints ont été scellés non seulement avec de la silicone mais aussi avec différentes bandes
adhésives des deux côtés afin de garantir qu’elles étaient toutes aussi étanches à l’air que possible. Nous avons
aussi un peu joué avec l’architecture pour voir s’il était possible de rendre les rues un peu plus attrayantes. Dans
ce cas, vous pouvez voir que nous n’avons pas une simple façade lisse mais également des empiècements en
bois pour l’égayer un peu. La neige au-dessus du toit n’est pas un effet Photoshop, c’est de la vraie neige et vous
pouvez voir que le rendement énergétique a dû s’améliorer au moins un peu car ce n’est plus un congélateur
comme avant.
Alors, nous avons travaillé sur différents logements et pris des mesures différentes, puis nous les avons suivis
pendant plusieurs années, ce qui a en quelque sorte fait de nous la brebis galeuse de la famille aux yeux des
habitants des logements sociaux, puisqu’ils nous faisaient de nombreux reproches chaque fois que quelque
chose tombait en panne : nous devions à chaque fois intervenir et en prendre pour notre grade, et en même
temps nous les suivions de façon assez rapprochée, nous observions entre 5 et 10 capteurs température par
logement, nous avons surveillé les bâtiments où avaient été installés des systèmes de ventilation mécanique,
nous avons surveillé ce qui entrait et sortait à travers les conduits, quasiment tout y compris différents compteurs
électriques. Juste pour voir ce qui se passait, et les améliorations que nous pouvions y apporter.
Ce que vous voyez ici sur cette petite photo est un granulé fumigène diffusé en dehors de la cuisine dans les
logements passifs avec les portes et les fenêtres fermées. Lorsque nous avons installé les systèmes de
ventilation mécanique nous avons remarqué que la température de retour du conduit de l’extracteur d’air des
cuisines et des salles de bains était beaucoup plus basse que nous avions pensé en regardant certaines pièces.
En même temps, si vous regardez la température intérieure, les logements étaient autour de 16°C auparavant et
56 les habitants le supportaient puisqu’ils ne pouvaient pas se permettre de payer du chauffage mais elle dépassait
soudain 30.
Vous pouvez donc constater clairement l’effet rebond car quand les gens peuvent se permettre de chauffer, ils
n’hésitent plus, ils obtiennent toute la chaleur possible. Mais même avec des températures si élevées, nous ne
retrouvions pas la chaleur dans les systèmes de ventilation mécanique, c’est pourquoi nous avons commencé à
enquêter et nous avons réalisé que la ventilation mécanique crée en effet une chute de pression à une extrémité
du bâtiment, et un excès de pression bien sûr à l’autre extrémité, et si toutes les portes sont fermées, une grande
partie de l’air chaud était en fait relâché en dehors du bâtiment à travers les fissures que nous n’avions pas réussi
à combler et en même temps l’air froid était relâché dans les cuisines et les salles de bains et ainsi de suite à
l’autre extrémité. Nous n’obtenions donc pas vraiment le rendement énergétique souhaité.
Alors, autre chose. Nous avons installé non seulement pas mal de systèmes de gestion technique de bâtiment
fonctionnant dans de grands complexes qui disposent de leur propres gestionnaires de site, mais également
beaucoup de modules complexes. Par exemple nous essayons d’obtenir de l’énergie solaire en partie grâce aux
panneaux solaires et nous utilisons la ventilation mécanique pour redistribuer la chaleur à travers le bâtiment.
Cela implique des vannes, des servomoteurs et des conduits, et nous avons dû nous réunir assez souvent pour
tenter d’identifier la cause des pannes qui survenaient.
Lorsque ces systèmes sont installés dans de grands bâtiments disposants de gestionnaires de site, ce que nous
n’apprécions guère en général c’est la présence d’une équipe entière sur le site pour traquer ces systèmes et
s’assurer que tout fonctionne. Lorsque nous les installons dans des logements et des logements sociaux, nous
n’avons pas une telle équipe de collaborateurs sur le site en train de perfectionner le système, en quelque sorte
nous remettons le travail et quittons les lieux en espérant que tout fonctionne.
D’après notre expérience, une grande partie des choses que nous avons installées, notamment les systèmes
complexes impliquant des systèmes électroniques ou mécaniques, ont connu un niveau de pannes élevé et des
coûts d’entretien extrêmement importants.
D’un autre côté, il semble que les choses qui ont fonctionné sont les plus simples, celles reposant sur la physique
; c’est-à-dire la gravité, l’élévation des courants chaud, etc. Sur certains sites, nous avons donc installé une
ventilation naturelle avec récupération de chaleur se basant exclusivement sur le fait qu’il y avait des cheminées,
suffisamment hautes pour utiliser le tirage thermique naturel. Nous lui avons ajouté un dispositif de récupération
de chaleur assez innovant et il n’y a eu aucune panne car aucun élément ne peut tomber en panne.
Bien sûr en plein été, il y a très peu d’air circulant dans le bâtiment, mais à ce moment-là les habitants peuvent
ouvrir les fenêtres. En hiver, le système fonctionne à merveille. Donc encore une fois, les projets que nous avons
réalisés en prenant des mesures simples ont une durée de vie similaire à celle de la structure et nous n’avons
pas eu à revenir pour de quelconques réparations. D’un autre côté, là où les systèmes installés étaient
complexes et mécaniques, ce fut plus compliqué.
Pour en dire un peu plus et peut-être poser quelques questions, car bien entendu si vous regardez ici les
brochures montrant le coût nous sommes à l’extrême, nous avons fait le maximum, essayé de rendre ces
logements aussi passifs que possible, et si vous prenez les immeubles actuels qui sont en murs de briques avec
simple vitrage, c´était difficile mais la question demeure si vous envisagez par exemple aujourd’hui d’isoler les
planchers, le coût nécessaire pour tout rénover, déplacer les habitants, déplacer les meubles, enlever les
moquettes, retirer les sols, isoler les combles puis recommencer avec l’ensemble du processus de réinstallation,
vous pouvez arriver à 10 000 euros tout ça pour économiser 200 euros par an.
Ces opérations ne sont pas rentables. Quand vous regardez les fenêtres des maisons passives, là non plus les
économies d’énergie obtenues n’amortissement pas le coût, idem pour l’isolation des murs extérieurs. Se pose
donc une autre question concernant nos processus et les technologies ou les méthodes d’application que nous
utilisons sur des bâtiments existants pour savoir s’il est possible ou non de vraiment installer de nouveaux modes
d’isolation ou de ventilation qui reviennent au bout du compte moins cher sans recourir à nouveau au processus
coûteux en main d’œuvre qui n’a pas changé depuis 300 ou 400 ans.
Pour en revenir à la ventilation, étant donné qu’il s’agit certainement d’un des points forts des réhabilitations des
futures programmes : si vous regardez l’énergie consommée et l’extraction de chaleur provenant de la
ventilation, la première question est de savoir si nous essayons de réduire l’utilisation d’énergie ou consommation
d’électricité ou nous nous dirigeons vers la récupération de chaleur, car il y a évidemment des possibilités peu
coûteuses qui peuvent être naturelles comme je l’ai dit tout à l’heure, ou alors vous ouvrez les fenêtres et cela
vous apporte de la ventilation en utilisant le minimum d’énergie mais bien entendu cela conserve très peu de
chaleur. Il est possible de se diriger vers des systèmes élaborés et complexes telles que la ventilation mécanique
avec récupération de chaleur, qui exige des niveaux d’étanchéité à l’air bien supérieurs, ce qui augmente donc
considérablement le coût du projet. Ou envisager certains des nouveaux systèmes tels que par exemple celui de
Ventive qui est l’un de ceux que j’ai utilisés et consiste essentiellement en une ventilation naturelle à récupération
de chaleur. Si vous avez des questions n’hésitez pas.
57 Animateur
Tom, merci pour cette présentation très claire.
Juste une question concernant la conception alternative du bâtiment. Avez-vous des problèmes avec l’urbanisme
de la ville, vous-autorisent-ils à faire ce que vous voulez concernant l’architecture des bâtiments.
Vous avez complètement modifié ces vieilles constructions ; en France nous avons les architectes des bâtiments
de France, c’est-à-dire les architectes qui peuvent autoriser la modification de l’aspect des bâtiments anciens.
Est-ce la même chose en Angleterre ?
Thomas LIPINSKI
Nous, nous appelons ça les autorités de planification, et vous devez soumettre votre projet au bureau local des
autorités de planification pour qu’elles étudient le projet ; dans certaines zones où nous avons procédé à des
rénovations, l’isolation devait absolument se faire de manière interne car le faire en extérieur n’était pas autorisé.
Dans d’autres zones, et c’est ce que vous avez pu voir sur ce projet, nous avons rencontré les planificateurs qui
nous ont dit que ça leur était égal, que nous pouvions faire ce que nous voulions. Cela dépend donc vraiment de
la zone où se font les travaux.
Animateur
Un architecte des Bâtiments de France m’a dit un jour : « la loi érige ma subjectivité en principe ». Y-a- t-il des
architectes des Bâtiments de France dans la salle qui voudraient confirmer ? Pace que là, c’est vraiment
étonnant. Sur une photo que nous avons vu tout à l’heure, une maison dans un quartier avec une homogénéité
de design, ils ont peu refaire complètement la façade. Je ne pense pas que dans certains quartiers, notamment
de Paris, puisque là on est quasiment en plein Londres, ce soit également possible.
Un architecte des Bâtiments de France m’a dit un jour : « la loi érige ma subjectivité en principe ». Partant de là il
interdisait tout ce qui était isolation par l’extérieur de façade, chauffe-eau solaire et on ne pouvait strictement rien
faire. On se retrouvait dans la situation de la boîte dans la boîte, seule possibilité. Mais dans une maison telle
qu’on a vu en photo, on joue énormément sur la surface et donc sur la surface intérieure ce n’est pas toujours
possible.
Thomas LIPINSKI
D’accord, mais vous avez deux côtés, vous pouvez le faire en extérieur comme nous l’avons fait sur certains
projets mais également de l’intérieur. Donc bien sûr vis-à-vis des habitants, et surtout dans les logements
sociaux, faire des travaux en intérieur est compliqué car vous voulez maintenir les gens dans leur logement, etc.
Mais ça dépend de ce que vous dit le responsable de planification, il faut le respecter mais il y a différentes
façons de répondre à ces problèmes.
François-Xavier Hermelin
Combien de projets ont été menés, combien de chantiers ? Vous avez rénové combien de maisons ? Parce que
là, le programme « Retrofit for the future » cela correspond à combien de maisons et est-ce qu’il y en a d’autres
qui sont prévues à long terme ? Sont-ils tous à un niveau passif ?
Thomas LIPINSKI
Pour le projet « Retrofit for the future », il y avait 90 bâtiments et nous avons fait 3 d’entre eux en 2009-2010 que
nous suivons actuellement. Actuellement les nouveaux projets concerneront le Green Deal et le programme
ECO, il y a une nouvelle législation qui arrive au Royaume-Uni et l’hypothèse générale est que ce qui a été appris
grâce aux 90 projets réalisés en 2009-2010 sera maintenant mis en œuvre dans le Green Deal qui démarre en
janvier prochain. L’idée est que l’ensemble du pays soit rénové à partir de l’an prochain.
Animateur
Pour la nouvelle réglementation ?
Thomas LIPINSKI
Oui, l’idée principale était que ces 2 années d’apprentissage soient intégrée à la nouvelle loi. Et le gouvernement
a observé d’assez près les mesures mises en œuvre dans les rénovations afin de décider lesquelles étaient
économiquement rentables et celles qui ne l’étaient pas pour le moment.
58 Le gouvernement a aussi créé 2 programmes différents : le Green Deal est un programme au Royaume-Uni
reposant sur des mesures qui sont rentables et qui permettent des économies sur les factures énergétiques qui
amortiront les travaux en 10 ans. Et il y a un autre programme intitulé ECO ou Energy Company Obligation qui
concerne les mesures qui ne sont pas rentables telles que l’isolation des murs en bois et celles-ci seront
financées par les entreprises fournisseurs d’énergie. Le gouvernement a donc beaucoup appris au cours des
deux dernières années en observant ce qui était rentable et ce qui ne l’était pas.
Animateur
Vous insistez sur la nécessité de faire les systèmes les plus simples possible, notamment en matière de
renouvellement d’air, de ventilation, etc. Est-ce-que cela vous dispense de faire un suivi précis de tous ces
travaux que vous avez engagés ? On a vu, par exemple que vos joints d’étanchéité sont réalisés en mousse de
polyuréthane. Vous considérez que l’on connaît parfaitement la durée de vie la mousse de polyuréthane ou
qu’une fois qu’elle va être protégée des UV, tout va aller très bien. Cela vous dispense-t-il de faire un suivi fin ?
précis ? que réalisez-vous a posteriori ?
Thomas LIPINSKI
Quand vous regardez le rendement, nous avons fait tester l’étanchéité à l’air des bâtiments avant la rénovation
puis après. Si nous procédions de nouveau à ces tests 2 ans plus tard, le résultat ne serait pas le même car les
bâtiments se tassent, ils sont construits sur de l’argile, ils bougent, donc je pense que tout se détériore peu à peu
et demande de l’attention. Il se passe la même chose avec les fenêtres et les portes par exemple, si vous les
ouvrez et les fermez pendant deux ans les joints se tassent, des espaces apparaissent, vous devenez revenir et
tout réparer. Donc de façon générale, l’ensemble des rénovations aujourd’hui se basent sur plusieurs hypothèses
selon lesquelles celles-ci sont les mesures que nous avons prises et nous pouvons les mesurer ou les évaluer à
l’aide d’une étude PHPP (Passive House Planning Package) ou d’un logiciel similaire ; c’est ce qui va se passer.
Nous ne sommes en fait pas retournés au bout de 10 ans pour voir à quel point cela s’était détérioré. Nous
pouvons seulement faire des suppositions, comme vous le savez le polyuréthane ne s’abîme pas tant qu’il n’est
pas exposé au rayons solaires. C’est donc ce que nous avons utilisé pour les enduits de couverture et de
revêtement pour s’assurer que c’était bien isolé.
Animateur
Merci beaucoup pour ce témoignage, nous verrons si le public a des questions.
Question de la salle
Il s’agit de rénovations en logements sociaux. Ce qui signifie que le retour sur investissement doit être absorbable
par les locataires au travers de leurs loyers. Or vous faites de la rénovation à un niveau passif. Est-ce que
l’investissement n’est pas trop élevé ?
Thomas LIPINSKI
Cela dépend des mesures que vous prenez. Si vous voulez rendre passifs des bâtiments existants cela ne va pas
valoir le coup, vous ne pourrez pas amortir en moins de 10 ans. Cela dépend aussi beaucoup de la valeur que
vous donnez à votre investissement car certains bailleurs sociaux cherchent un amortissement sur 30 ans étant
donné qu’ils possèdent ces bâtiments ; ils savent qu’ils seront là pour encore un siècle environ. Ils peuvent voir à
long terme donc la manière dont ils procèdent à l’évaluation est une autre question.
D’autre part quand vous voyez la nouvelle législation, cela change un peu les perspectives car les bailleurs
sociaux ne peuvent guère augmenter les loyers, qui sont réglementés, mais avec le Green Deal une loi est
passée au Royaume-Uni qui leur permet d’amortir une partie de ce coût par le biais des factures d’énergie que
paient les locataires. L’hypothèse est que les factures baisseront et qu’ils pourront alors y appliquer une
surcharge tout en les maintenant légèrement inférieures aux montants précédents, afin de récupérer ainsi une
partie des investissements. Cela peut donc permettre d’amortir en partie l’investissement.
59 Synthèse du Grand Témoin de l’après-midi
Animateur
Logement social, rénover le parc… cela tombe bien, nous avons à nos côtés Cédric Lefebvre, qui est directeur du
patrimoine du bailleur social public Habitat 76, basé à Rouen, en Seine-Maritime. Quelles sont les réactions du
grand témoin devant les trois projets qui viennent de nous être présentés, en termes de productibilité technique,
économique et financière, et en termes d’usage et de confort ?
Cédric LEFEBVRE, directeur du patrimoine, Habitat 76
Les trois projets que nous avons découverts s’avèrent particulièrement intéressants, car ils se situent aux
extrémités du spectre de la rénovation énergétique des logements : d’un côté, nous avons vu ce qui nous
apparaît comme relativement simple aujourd’hui, mais qui ne l’était pas il y a quelques années, au moment du
lancement de ces projets, à savoir les rénovations énergétiques de bâtiments en chauffage collectif (sur ce point
la performance peut être facilement garantie), et de l’autre côté, nous avons découvert les maisons individuelles
e
du XIX siècle, avec des modes de chauffage individuel.
Il y a des éléments à en tirer de manière générale, puisque nous avons là un spectre assez large, même en
partant de seulement trois exemples.
Les bâtiments d’habitations avec des modes de chauffage collectif, sont particulièrement intéressants car ils
valorisent le logement social ; ce sont de beaux projets, qui ont permis d’atteindre des résultats fort intéressants
(la baisse des charges de 47 % est une excellente chose pour les habitants de ces logements) et dont la grande
caractéristique est d’être totalement reproductibles. Même si l’on regrette aujourd’hui que l’isolation n’ait pas été
encore plus performante, vous avez sans doute été très innovants au moment du lancement de ces opérations.
Ces projets nous montrent que la rénovation des logements collectifs est une chose aujourd’hui complètement
« en ligne », constituée d’une somme d’opérations de travaux simples et maîtrisés par les maîtres d’ouvrage, les
bureaux d’études, les entreprises, et qui ne posent pas de problème majeur d’usage pour les locataires. Nous
avons vu que les opérations, bien qu’en site occupé, se sont bien déroulées en termes de relations avec les
habitants.
Entre 2009 et 2011, sur vingt-quatre mois, le logement social a lancé la réhabilitation énergétique de 100 000
logements. Il est bon de rappeler que la rénovation énergétique des bâtiments collectifs s’avère plutôt simple.
Par contraste, quelles sont les leçons à tirer de l’exemple londonien ? Tout d’abord, pour parler d’usage, vous
avez évoqué une notion qui me paraît fondamentale, à la lumière de votre propre expérience de réhabilitation de
ce type de logement, la notion de simplicité. Je pense que, en vue de la rénovation énergétique des logements,
en termes de travaux mais surtout demain en termes d’usage, nous éviterons les contre-références uniquement
si nous sommes capables de produire des opérations d’un usage très simple pour les occupants, qu’il s’agisse de
locataires ou de propriétaires – la différence de statut ne peut pas justifier d’une complexité plus importante dans
un cas ou dans l’autre. S’il y a une leçon générale à retenir de l’expérience britannique, c’est donc l’intérêt à aller
vers des choses simples, même si le gap énergétique à combler semble immense.
Animateur
Cautionnez-vous ce qui a été dit sur la ventilation mécanique contrôlée double-flux ?
Cédric LEFEBVRE
Oui. Il est possible qu’un jour, les choses se généralisant, nous adopterons des dispositifs de gestion plus simple,
mais pour le moment, dans les bureaux, les occupants ont du mal à s’approprier le système, et dans les
logements, il arrive aux centrales double-flux de se dérégler et d’engendrer des nuisances sonores. Cela ne
signifie pas que nous ne devons pas poursuivre dans ce sens, mais nous, bailleurs sociaux, comme tous les
acteurs du bâtiment, sommes dans la recherche de l’amélioration et dans l’innovation ; et si nous voulons aller
vers des bâtiments passifs, nous aurons besoin de ces évolutions. Sans parler des difficultés techniques pour
passer des ventilations double-gaine. Sur l’exemple britannique, les entreprises ont eu la chance de pouvoir
passer par les cheminées.
Animateur
Nous verrons l’exemple de la rénovation d’une maison du XVIIIe siècle, avec des morceaux du XIIe siècle, dans
laquelle les ouvriers sont effectivement passés par les conduits de cheminée pour pouvoir traverser les dalles.
Cédric Lefebvre, d’autres réactions ?
Cédric LEFEBVRE
60 Cette fois-ci j’ai des réactions étayées par la première table-ronde, puis relayées par la seconde. Quelles sont les
grandes leçons à tirer du travail dans des logements occupés ? Lorsque, à Habitat 76, nous annonçons aux
locataires que nous allons effectuer des travaux dans leur logement, nous leur adressons un courrier qui se
termine par cette phrase : « Le dérangement momentané provoqué par ces travaux sera plus que compensé par
les avantages que vous en retirerez ». Le tout, c’est d’aller « vendre notre sauce », ce qui suppose d’être à la fois
conscients des inconvénients de la réhabilitation en site occupé et capables s’en présenter les avantages, tout
ceci en passant par des processus déjà évoqués, à savoir :

La concertation avant-travaux, une préparation indispensable des occupants, afin qu’ils ne soient pas
surpris à l’arrivée des ouvriers ;

L’information et le suivi pendant et après les travaux.
Il y a donc une relation durable et apaisée à construire avec les locataires, ce qui constitue le cœur de métier des
bailleurs sociaux. S’il y avait une seule leçon à tirer de cet après-midi d’échanges sur les interventions en site
occupé, ce serait celle-ci. La relation qui s’établit entre les bailleurs et les maîtres d’œuvres, les entreprises et les
locataires se déroule généralement bien, comme nous l’avons vu au cours des exemples présentés, et cela sans
doute grâce aux règles qui ont été construites au fil du temps. L’ensemble des intervenants s’est peu à peu
approprié ces règles, même informelles.
Il existe dans certains bureaux d’ingénierie ou dans certaines entreprises du bâtiment des missions
« d’assistance locataire », c'est-à-dire des spécialistes de la relation avec le locataire. Elles permettent d’assurer
la relation quotidienne au moment des travaux et la bonne qualité des relations entre les intervenants des
entreprises et les locataires. Ce concept constitue une piste intéressante à développer pour le volet
« concertation avec les locataires au quotidien ».
Sur l’aspect des avantages et des inconvénients à présenter aux locataires, une opération de réhabilitation, a
fortiori de réhabilitation énergétique, connaît deux types d’inconvénients :

Les augmentations de loyer. Il est impossible de réaliser ce type d’opération ambitieuse sans
répercussions sur le loyer. Cependant, lorsque l’on évoque la réhabilitation énergétique, la notion de
loyer me paraît complètement dépassée. Le raisonnement tenu aux locataires doit porter sur la
quittance, seul élément pertinent. Si les locataires comprennent cela, la relation avec eux progresse
dans le bon sens : si le loyer augmente, les charges baissent, ce qui se traduit par une quittance stable
ou en très faible hausse (en cas d’augmentation de 2 % ou 3 %, personne ne s’en plaindra).

Les travaux, qui constituent incontestablement une gêne. Mais si les locataires ont été clairement
informés en amont et suffisamment préparés, les opérations se déroulent au mieux.
En ce qui concerne les avantages de la réhabilitation énergétique, nous en avons évoqué un certain nombre,
parmi lesquels :

Le traitement de l’obsolescence des bâtiments, avec des reconfigurations architecturales des bâtiments
et même des quartiers, dont l’image a été revalorisée par les travaux. L’opération de rénovation est un
acte à la fois architectural et urbain fort. Les maires sont d’ailleurs preneurs de ces rénovations.

L’amélioration du confort des logements ainsi que leur sécurité et leur acoustique. Ces opérations sont
l’occasion d’apporter des améliorations colossales à la qualité du cadre de vie de leurs occupants.

La lutte contre la précarité énergétique, ou a minima contre la facture énergétique, qui a explosé ces
dernières années. Les tarifs ont augmenté de 58 % entre 2005 et 2012. Pendant la même période, les
loyers de nos bâtiments n’ont gagné que 11 %, donc l’énergie augmente cinq fois plus vite que les
loyers. Lorsque vous savez que les charges de chauffage équivalent en moyenne à deux mois de loyer
sur l’année, vous imaginez à quel point la situation peut devenir tendue pour les locataires du logement
social, et par conséquent à quel point la rénovation constitue un enjeu majeur pour les bailleurs sociaux,
pour leurs occupants, et même pour la société française (puisque l’on évoque ici 4 M de logements).

D’un point de vue économique, la rénovation s’avère très intéressante, puisqu’elle correspond à la
transformation d’importation d’hydrocarbure en emploi local, et donc en pouvoir d’achat pour les
locataires. Il s’agit par conséquent d’un véritable projet, qui dépasse le cadre du bâtiment ou de la
réhabilitation d’un quartier.
François-Xavier HERMELIN
Vous avez rappelé que de 2009 à 2011, 100 000 logements ont été rénovés. Cécile Duflot annonce le chiffre de
150 000 logements sociaux rénovés par an. Les offices sont-ils aptes à relever le défi ?
61 Cédric LEFEBVRE
Oui, une négociation va s’engager, contractualisée par la ministre du Logement et la présidente de l’USH au
congrès de Rennes. Les offices vont s’y engager, mais l’augmentation de la construction et celle de la
réhabilitation énergétique supposent que trois ou quatre points soient réglés dans les mois qui viennent,
concernant les conditions financières des organismes de logement social. L’année 2012 va être fondamentale de
ce point de vue car se profile la troisième génération des certificats d’économie d’énergie. Les négociations sont
lancées avec les régions sur la mobilisation du Fonds européen de développement des régions (FEDER) pour la
rénovation énergétique. Cela va être un enjeu colossal pour le monde du logement social, tout comme le maintien
de l’outil fiscal que constitue le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Il y a donc un cadre financier à garantir pour les bailleurs, afin que ceux-ci soient en mesure de s’engager sur les
150 000 logements. Cette garantie vis-à-vis des bailleurs se traduira par une garantie des carnets de commande
aux entreprises, qui pourront sans doute s’engager dans de l’innovation en termes de technologie, de méthode,
de procédés, et tout simplement dans une économie d’échelle. Pour nous, l’enjeu est fondamental de ce point de
vue : nous exigeons du « donnant-donnant ».
Animateur
Une dernière question : nous allons largement évoquer les bâtiments à énergie positive demain. Comment les
bailleurs sociaux perçoivent-ils l’arrivée de ce type de bâtiment ?
Cédric LEFEBVRE
Nous les percevons comme la juste prolongation de tout ce qui s’est engagé depuis la RT 2005. Nous serons
allés plus vite en quinze ans que pendant les décennies précédentes. Le phénomène ne nous procure pas
d’inquiétudes particulières dans la mesure où il avance bien et où nous nous sentons capables de nous y insérer.
Il y a aujourd’hui quelque 700 logements PBOS en France.
Je ne formulerai que deux éléments de prudence quant à ces logements BEPOS :

En neuf, la RT 2012 couvre le risque, mais en tout état de cause, il faut que collectivement, l’on sache
faire des bâtiments BEPOS qui ne constituent pas un empilement de procédés technologiques (en
termes de ventilation, de chauffage) insupportables pour les occupants et qui risquent de générer des
charges de maintenance neutralisant à terme de manière trop importante les économies de chauffage.

En neuf et en réhabilitation, nous avons longuement évoqué les performances énergétiques de manière
théorique, c'est-à-dire avec le logiciel de calcul Th-CE. Il faut que nous arrivions à traduire – demain
pour le BEPOS et dès aujourd’hui en réhabilitation – ces réglementations en économies de chauffage
concrètes pour les locataires. Aujourd’hui, une étude thermique, même si elle parvient au PBOS ou au
BBC rénovation, n’est pas forcément la garante d’une baisse de charges proportionnelle à ce qu’elle
indique. Je ne remets pas en cause l’étude thermique en tant que telle, mais nous devons nous montrer
capables d’une double approche étude thermique / réalité de la charge chauffage et maintenance pour
les occupants des logements. Il faut parfois ne pas viser d’ambition trop forte d’un point de vue
théorique, pour obtenir des résultats pratiques assez modestes. Nous devons trouver un juste équilibre
entre l’objectif théorique qui a son sens et les résultats concrets pour les occupants des logements,
c'est-à-dire la baisse des charges globales d’énergie et de P3 (gros entretien et renouvellement).
Animateur
Nous obtiendrons sans doute des réponses à toutes ces interrogations demain après-midi, grâce à des retours
d’expériences qui seront décortiqués, en particulier sur un logement social. Nous détaillerons trois des 180
bâtiments à énergie positive qui existent aujourd’hui, après une table-ronde consacrée à l’évolution de la
réglementation et notamment à la place donnée au bâtiment à énergie positive dans notre réglementation.
Merci, Messieurs, d’avoir participé à cette table-ronde.
62 Ouverture journée du mercredi 10 octobre
Philippe ROCHER
La première journée nous a permis de traiter d’un certain nombre de sujets, dont certains assez délicats, comme
la garantie de performance énergétique.
Cette seconde journée nous permettra de rentrer dans le détail du sous-titre de ces rencontres, la première table
ronde portant sur les questions suivantes : Quels nouveaux outils techniques et financiers ? Quelles aides pour
les particuliers ? Comment s’y retrouvent-ils ? Jusqu'où peuvent-ils aller ?
La seconde table ronde, cet après-midi, sera consacrée à l’évolution de la réglementation, et notamment l’arrivée
du bâtiment à énergie positive dans cette réglementation RT 2020. Bien entendu, nous aurons deux séquences
de restitution, en fin de matinée et en fin d’après-midi, au cours desquelles deux projets seront détaillés. Ils seront
présentés soit par les maîtres d’ouvrage, pour l’un d’entre eux, soit par les bureaux d’études, soit par les
architectes. Nous irons assez loin dans le détail technique, dans le détail économique et financier du projet, dans
le bilan du projet.
Comme hier, je vous donnerai la parole. Traditionnellement, lors de la deuxième journée, les échanges avec la
salle sont beaucoup plus nombreux. Profitez-en, notez bien vos questions au fur et à mesure des présentations.
Je m’engage à vous donner la parole à la fin de chaque séquence, afin de pouvoir continuer, détailler,
décortiquer, et surtout vérifier à chaque fois la reproductibilité de ces opérations, qu’elle soit technique,
économique, financière, sociale quelquefois, en termes d’usage également. Ces échanges permettent également
de vérifier que ce que nous vous avons présenté, que les projets choisis par les organisateurs ne sont pas des
usines à gaz, des prototypes, des laboratoires, mais bien des projets concrets de ce grand chantier de la
rénovation énergétique du monde du bâtiment.
Particulier et rénovation
Table-ronde n°3
Comment aider les particuliers à améliorer la performance
énergétique de leur logement
Démarrons tout de suite avec une table ronde. Auparavant, je vous remercie de bien vouloir éteindre vos
téléphones portables jusqu'à la pause. Pour la première fois, cette année, des pauses auront lieu en milieu de
demi-journée. Nous aurons donc une pause après cette table ronde et une autre en milieu d’après-midi, ce qui
nous permettra d’aller sur les stands, de continuer l’échange avec les différents intervenants.
Comment aider les particuliers à améliorer la performance énergétique de leur logement ? S’y retrouvent-ils dans
toutes les aides qui leur sont proposées ? Sont-elles adaptées ? Sont-elles utilisées ? Les procédures sont-elles
simples, compréhensibles ? Ces aides mises en places, qu’elles soient financières ou techniques, sont-elles de
bons leviers ? Voilà les questions que je vais poser aux participants à cette première table ronde. Je vais
demander à Remi GÉRARD, Sylvaine LE GARREC, Michel GONORD, Mohammed AYADI, Pascal LEMONNIER,
Katy NARCY ainsi qu’à Julien BEIDELER de bien vouloir me rejoindre.
Julien BEIDELER sera, comme hier, mon complice du Moniteur. Il est rédacteur en chef délégué de la revue Le
Moniteur, et nous co-animerons ensemble cette demi-journée, comme nous l’avons fait hier avec ses collègues,
François-Xavier HERMELIN et Dominique ERRARD.
Je vais commencer par la présentation des participants à la table ronde :

Remi GÉRARD est directeur général de la Fédération nationale des centres PACT ARIM ;

Sylvaine LE GARREC est sociologue au sein de l’ARC (Association des responsables de copropriété) ;

Pascal LEMONNIER est secrétaire permanent adjoint du PUCA (Plan urbanisme construction architecture) ;

Mohamed AYADI est responsable du programme Habiter Mieux de l’ANAH (Agence nationale d’amélioration
de l’habitat) ;

Katy NARCY est sous-directrice qualité développement durable dans la construction au sein de la DGALN
(Direction générale aménagement, logement et nature) du MEDDE (Ministère de l’écologie, du
développement durable et de l’énergie ;

Michel GONORD est chef du département Solidarité d’EDF.
Je vais introduire cette table ronde en posant une question à Katy NARCY, puisque vous y représentez le
ministère. Au sein de ce grand Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, comment
63 voyez-vous se réaffirmer la volonté politique ? Quelle feuille de route vous est donnée ? Quelles sont
actuellement les grandes orientations ?
Katy NARCY, Sous-directrice Qualité et DD dans la Construction - DGALN - MEDDE
Bonjour à tous. Je souhaite rappeler les engagements politiques pris au plus haut niveau lors de la Conférence
environnementale, engagements qui seront ensuite déclinés par les deux ministres, puisque la ministre du
Logement et la ministre de l’Écologie sont concernées par ce chantier. Trois enjeux ont été rappelés :

un enjeu environnemental sur les gaz à effet de serre,

un enjeu social, qui a été très fortement affirmé lors des deux discours du président de la République et du
Premier ministre, notamment la précarité énergétique, qui sera un des sujets abordés aujourd’hui,

un enjeu économique, que nous oublions parfois mais qui est un enjeu de création d’emplois très prégnant
dans ce secteur en très fort développement depuis maintenant quelques années.





Cela se traduit par des objectifs très ambitieux de traiter énergétiquement 1 million de logements par an –
pour moitié neufs et pour moitié dans l’existant –, avec un zoom plus particulier sur les ménages en précarité
énergétique.
Les axes d’action sont assez complémentaires, avec des outils de financement, des outils traditionnels mais
aussi des outils plus innovants sur des sociétés de tiers investissement, par exemple :
un accompagnement des ménages au plus près du terrain, qui est un axe très fort, avec des systèmes de
guichet unique,
l’appui sur l’ensemble des acteurs locaux, dont le PACT, mais aussi et surtout les collectivités locales, qui
seront en première ligne sur ce chantier,
la mobilisation des professionnels, avec les systèmes de formation et d’accompagnement, qu’il faudra encore
accentuer, même si des choses ont déjà été faites.
Voilà les trois grands axes qui sont complémentaires et qui sont nécessaires pour atteindre cet objectif très
ambitieux.
Philippe ROCHER
Merci pour ce rappel de la volonté politique. Effectivement, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer hier certains
sujets, et d’autres seront abordés tout de suite :

l’accompagnement des ménages – vous venez d’en parler,

l’appui sur des acteurs locaux – vous venez de citer PACT ARIM.
Nous allons commencer par Remi GÉRARD, directeur général de la Fédération nationale des centres PACT
ARIM. Quand j’ai préparé ce colloque, je suis allé regarder sur Internet, car j’entendais depuis longtemps
l’acronyme PACT mais je ne connaissais pas sa signification. J’ai trouvé que cela signifiait Propagande et action
contre les taudis et qu’ARIM signifiait Association de restauration immobilière. Je dois dire que j’ai cherché
longtemps, car même sur votre site, ce n’est pas noté sur la page d’accueil, ni même sur les pages suivantes. Il
faut fouiller. Vous nous expliquerez pourquoi.
Aide de l’ANAH, Éco-PTZ, crédits d’impôt, subvention locale directe, parfois : est-ce que les particuliers s’y
retrouvent au milieu de toutes ces aides destinées à les aider, à leur permettre de passer à l’acte ? Quelle est la
vision du réseau PACT ARIM ?
Remi GÉRARD, Directeur Général - Fédération Nationale des Centres PACT ARIM
Bonjour. Je ne reviendrai pas sur l’histoire du nom, mais Propagande et action contre les taudis, c’est notre
histoire. Aujourd’hui, nous avons une autre signature, et le nom PACT est devenu un générique, et nous sommes
bâtisseur de solidarité pour l’habitat. Que pouvons-nous dire sur les programmes de rénovation thermique,
notamment auprès des particuliers ? Nous sommes complètement engagés dans le programme que porte
l’ANAH, Habiter Mieux.
En premier lieu, nous avons un problème, une vraie question sur le diagnostic. Nous ne pouvons pas lancer des
programmes et les financer si nous n’avons pas un bon diagnostic de la situation des personnes. Nous travaillons
notamment beaucoup vis-à-vis de populations en grande difficulté économique, qui sont souvent des personnes
âgées. Donc, il faut d’abord un bon diagnostic, un diagnostic indépendant, portant l’intérêt général. Ce diagnostic
doit pouvoir être compris par les ménages avant que soit engagées les questions sur la nature des travaux, sur
ce qui peut être fait. Nous serons toujours devant un arbitrage assez complexe entre ce qu’il faudrait faire, ce que
la personne souhaite faire et comment nous allons pouvoir boucler un financement de l’opération. Nous faisons
donc un diagnostic global, et nous ne pouvons pas nous permettre de ne faire qu’un diagnostic thermique. Nous
avons également, notamment chez beaucoup de personnes âgées, des problèmes d’adaptation du logement,
64 d’accès au logement ou de risques liés aux problèmes d’électricité ou d’autres éléments. Il s’agit donc d’examiner
l’ensemble de la question.
En second lieu, outre l’approche travaux, il y a également l’approche consistant à aider les ménages au bon
usage des équipements installés. Nous y attachons une importance particulière, car parfois, nous installons de
très bons équipements que les gens ne peuvent pas s’approprier du fait d’une utilisation technique difficile
(exemple : les régulateurs de chauffage, d’énergie).
En troisième lieu, des économies d’énergie peuvent être faites par un bon usage du logement, ou un meilleur
usage. Ainsi, les questions des travaux et de l’utilisation des équipements doivent toujours être à l’esprit.
S’agissant des financements, la difficulté actuelle dans le programme, notamment Habiter Mieux, est que le
montant des travaux à faire dans les logements est relativement conséquent par rapport aux capacités
financières des ménages. L’expérience nous montre qu’il faudrait adapter les financements ou les conditions de
ressources d’accès aux financements, l’articulation entre les différents financeurs, cette articulation devant être
stable dans le temps. Par exemple, nous a un très bon système d’accompagnement des aides de l’ANAH à
travers les aides des caisses de retraite, des Sacicap ou des crédits immobiliers. Les difficultés du Crédit
immobilier de France risquent de remettre en cause ces systèmes, nous ne pouvons pas faire du stop and go
dans les financements et dans les montages partenariaux que nous faisons. Il s’agit d’avoir de la durée et de la
lisibilité, et les financements doivent être bien adaptés aux situations des personnes. Selon les territoires et selon
la capacité des collectivités locales à s’investir dans le programme, il existe des différences de situation puisque,
dans certains territoires, il est plus difficile de monter les opérations que dans d’autres.
Philippe ROCHER
On croirait entendre un industriel. Lors des colloques que j’anime sur les énergies renouvelables, les différentes
filières participantes emploient quasiment les mêmes phrases que vous : « Nous voulons de la stabilité dans le
temps, nous voulons de la visibilité, nous ne voulons pas de stop and go. ». Vous avez dit que vous regardiez si
ces aides sont adaptées. Sont-elles utilisées ? Y a-t-il des particuliers qui, malgré tout, passent à l’acte, font des
travaux ou ont une autre forme d’aide, comme des aides techniques ?
Remi GÉRARD
Les travaux sont faits, mais pas suffisamment. Le dispositif a du mal à monter en régime, notamment dans le
cadre du programme Habiter Mieux - Monsieur AYADI est là pour en parler -, car nous avons des questions de
repérage des situations. Et comme le programme vise des populations en difficulté économique, nous devons les
rechercher, les trouver, et ensuite les inciter à engager les travaux. Même si nous réussissons à articuler les
financements, les personnages âgées ne sont pas toujours enclines à bousculer leurs habitudes ; elles disent
souvent qu’elles préfèrent moins se chauffer, vu l’augmentation des prix, plutôt que de passer à une opération de
travaux. Souvent, il faut y associer aussi les ascendants ou les descendants des personnes pour aider à la
décision, car les gens en difficulté sont inquiets quand il s’agit d’accueillir des entreprises et ne croient pas
toujours à la subvention. En effet, ils demandent parfois quand ils devront la rembourser, ne comprenant pas que
la subvention leur est acquise. Il est difficile d’expliciter l’ensemble du dispositif pour passer à la décision.
Philippe ROCHER
Nous verrons tout à l'heure où nous en sommes et comment faire monter en puissance ce programme Habiter
Mieux. Je voudrais auparavant donner la parole à Sylvaine LE GARREC. J’espère que vous avez remarqué la
présence de deux femmes à cette table ronde. Par rapport à hier, nous avons fait beaucoup mieux au niveau de
l’organisation. Sylvaine LE GARREC est sociologue à l’ARC (Association des responsables de copropriété).
Chaque copropriété est un microcosme, sa complexité étant à l’image du monde ; on se demande même parfois
comment peut fonctionner une copropriété. Pour autant, des verrous historiques sont en train de sauter, les
choses avancent. Est-ce que l’ARC voit le bout du tunnel de son action ? Est-ce que l’on commence à voir des
possibilités d’intervention ? Quelle est votre vision sur le sujet ?
Sylvaine LE GARREC, Sociologue - ARC
J’aimerais tout d'abord dire que, parmi les copropriétés adhérentes à l’ARC, nous assistons à une véritable
attente de rénovation, et ce malgré la difficulté de mise en place, due au fait que, dans la copropriété, le
décisionnaire n’est pas un maître d’ouvrage unique mais un ensemble de copropriétaires aux intérêts très
hétérogènes et aux profils variés.
Cependant, des moyens d’inciter et de favoriser cette prise de décision existent, mais les aides actuellement en
place ne sont pas forcément adaptées à la copropriété, notamment les aides financières incitant aux travaux de
65 rénovation énergétique. En effet, les attentes des copropriétés ne sont pas forcément centrées sur l’énergie,
même si cette question correspond à une attente importante, les attentes portant également sur l’amélioration du
confort. 38 % du parc de copropriétés ayant été construit entre 1948 et 1975, il y a des attentes de gros travaux
de rénovation plus générale. Là aussi, je rejoins Remi GÉRARD sur la nécessité d’une approche globale prenant
en compte à la fois la dimension énergétique et les différentes dimensions de la rénovation.
Je parlais de l’inadaptation des aides actuelles. Pour les copropriétaires, ces aides constituent un maquis
inextricable. De plus, les aides ayant davantage été pensées à l’échelle individuelle, nous avons besoin, à l’heure
actuelle, d’aides collectives attribuées aux syndicats des copropriétaires. Pour l’instant, par exemple, les C2E
constituent véritablement un levier pour les travaux de rénovation énergétique en copropriété, et nous espérons
qu’ils resteront attribuables aux copropriétés. Nous attendions avec beaucoup d’espoir le PTZ collectif. Pour
l’instant, le PTZ individuel est accessible aux copropriétés, mais concrètement, il est impossible à mettre en
œuvre car un dossier individuel doit être monté pour chaque lot. Une copropriété l’a fait au prix d’un
investissement du conseil syndical très conséquent. Les banques ne jouent pas toujours le jeu. Nous attendons
avec impatience le PTZ collectif, dont nous doutons pour l’instant qu’il soit mis en place d’ici peu.
Aussi, les aides ne sont pas adaptées non plus à la copropriété, car elles changent souvent. Pour la copropriété,
la mise en en place d’un projet de rénovation énergétique dure 3 ou 4 ans. Pour que les travaux soient votés, les
copropriétaires doivent connaître les aides à leur disposition, d’où la nécessité d’anticiper. Or, si les calculs sont
façon fait en amont de l’assemblée générale où seront votés les travaux, une fois l’assemblée générale passée,
le système d’aides peut changer ; il faut alors tout recalculer. Par conséquent, les copropriétés préfèrent parfois
se passer complètement d’aides, car il est plus aisé pour elles de mettre en place des travaux de rénovation
énergétique.
De ce fait, l’ARC a mis en place un plan propre de financement, appelé le « quatre quarts », composé de quatre
ingrédients, mis en place grâce à un partenariat avec la Caisse d’Épargne. C’est un plan de financement complet
et intégré pour la rénovation énergétique et la rénovation globale des copropriétés. L’un des ingrédients
fondamentaux est l’instauration d’un fonds travaux.
Philippe ROCHER
Donc, un fonds travaux bénévole, puisque nous ne sommes pas encore au fonds travaux obligatoire.
Sylvaine LE GARREC
Les fonds travaux n’étant pas encore obligatoires en copropriété, nous attendons avec impatience la mise en
place obligatoire de fonds travaux dans les copropriétés.
Philippe ROCHER
Quel est le principe du fonds travaux, que tout le monde ne connaît peut-être pas ?
Sylvaine LE GARREC
Le fonds travaux oblige les copropriétaires à provisionner chaque année une certaine somme en vue d’anticiper
les travaux à venir. C’est obligatoire dans plusieurs pays, notamment au Québec. À ce propos, le 17 octobre,
nous organisons un colloque franco-québécois sur la copropriété dans 25 ans, où les Québécois exposeront ce
système. L’obligation du fonds travaux est un des axes principaux du rapport Braye. Nous espérons que cela
pourra être mis en place, car nous constatons que quand un fonds travaux existe dans les copropriétés, la
question d’engager des travaux est facilitée grâce à cet argent disponible, ce qui change totalement dynamique.
Philippe ROCHER
Il est utile de préciser que l’on ne sait pas du tout quels travaux seront faits avec les provisions faites pour ce
fonds travaux, puisque c’est de l’argent mis de côté.
Ensuite, pour ces fonds travaux bénévoles actuellement mis en place, comment faites-vous si le copropriétaire
vend son lot ? Qu’avez-vous décidé ? Est-ce que cela reste acquis à la propriété, ou le copropriétaire doit-il être
remboursé ?
Sylvaine LE GARREC
66 Normalement, les fonds travaux mis en place sont remboursables au copropriétaire qui vend, c'est-à-dire que
quand il vend, le copropriétaire récupère sa mise. Cela est compliqué, parce que l’acquéreur doit reconstituer la
part du fonds travaux.
Philippe ROCHER
Cela n’est pas très logique. Le copropriétaire a utilisé son appartement pendant 10 ans, il n’a pas fait de travaux,
il a mis de l’argent de côté en vue de travaux à venir et il récupère sa mise. L’acquéreur n’a pas utilisé
l’appartement pendant 10 ans et il doit reconstituer.
Sylvaine LE GARREC
Il doit reconstituer en une seule fois. Il ne peut pas intégrer cette somme dans son crédit immobilier, ce qui fait
que c’est assez complexe. C’est pour cette raison que nous préconisons l’attachement du fonds travaux au lot,
comme le préconise également le rapport Braye, c'est-à-dire que le fonds de travaux reste à la copropriété et ne
soit pas remboursé au copropriétaire. Le paiement d’un droit d’usure de la copropriété est une mesure de
solidarité. En effet, il n’est pas juste qu’un nouveau copropriétaire paie entièrement le ravalement voté après son
achat et que l’ancien copropriétaire ne contribue pas du tout à l’usure de la copropriété alors qu’il resté pendant
20 ans dans son logement.
Philippe ROCHER
Quid de tous les autres outils non financiers, de procédure, qui permettraient d’avoir un effet levier sur les
travaux, comme les parties privatives qui deviennent d’intérêt collectif, et qui consisteraient, par exemple, à
obliger tous les copropriétaires à changer leurs fenêtres au même moment ?
Sylvaine LE GARREC
Nous sommes un peu perplexes, car plusieurs textes étaient prévus ou ont commencé à être publiés dans le
cadre de la loi Grenelle. Le premier texte porte sur l’audit énergétique obligatoire, devenu obligatoire depuis
janvier 2012 pour les copropriétés de plus de 50 lots en chauffage collectif, mais nous attendons toujours les
arrêtés d’application. Ce texte n’est donc pas applicable, les arrêtés n’étant pas publiés, alors que les
copropriétés, depuis le 1er janvier 2012, sont tenues de réaliser un audit énergétique d’ici 2015.
L’autre texte attendu avec impatience par les copropriétaires est le décret fenêtres, qui permet de considérer le
changement des fenêtres comme partie privative d’intérêt général, et donc d’intégrer le changement de fenêtres
dans une décision d’assemblée générale. Pour l’instant, les fenêtres sont des parties privatives, donc à discrétion
de chacun des copropriétaires. De la même manière, nous attendons le décret.
Philippe ROCHER
Katy NARCY, où est le papier qui attend une signature, et qui va apposer sa signature ? Le décret est déjà là, et
l’arrêté d’application est attendu. Cette superbe procédure doit finir, il manque deux signatures.
Katy NARCY
Quelques textes ont subi des vicissitudes administratives, car avec le changement de gouvernement,
malheureusement, les textes étant presque arrivés en fin de circuit doivent être remis au début.
Philippe ROCHER
Parlez-vous de la loi sur l’air de Corinne LEPAGE, qui a mis 10 ans à être signée ?
Katy NARCY
C’est dans les circuits de signature, mais nous avons perdu quelques mois puisque nous sommes revenus au
point de départ. C’est malheureusement inévitable, mais je ne désespère pas, cela devrait aboutir bientôt.
Philippe ROCHER
67 Savons-nous dans quel bureau ou dans quel ministère se trouve le document ?
Katy NARCY
Oui, nous le suivons de près. Nous sommes simplement repartis sur quelques mois de délais, avec des
procédures nécessaires pour une mise en signature.
Philippe ROCHER
Poursuivons avec Michel GONORD, chef du département Solidarité d’EDF. La question de détecter et d’aider la
précarité énergétique a été évoquée par Katy NARCY ce matin en ouverture. Ce sujet a déjà été évoqué hier,
c’est un véritable enjeu de société. La nécessité de traiter la précarité énergétique colle à l’évolution de la courbe
du prix des énergies. Comment voyez-vous cela chez EDF ? Comment traitez-vous le sujet de la précarité ?
Parmi vos 28 millions de clients, comment parvenez-vous à détecter ceux étant en précarité énergétique ?
Michel GONORD, Chef du Département Solidarité - EDF
Voilà beaucoup de questions ! Il faut d’abord se mettre d’accord sur une définition de la précarité énergétique. Il y
en a plusieurs. Nous avons deux grandes familles :

celle qui est qualitative et issue du Grenelle de l’environnement, qui sert de chapeau, à habiter mieux et
qui repose sur le principe de gens éprouvant des difficultés à se chauffer dans leur condition quotidienne,

celle portant sur la notion d’avoir des dépenses d’énergie ne devant pas excéder 10 % des revenus.
Il est important que nous convergions tous aujourd’hui vers le fait que cela concerne énormément de foyers,
puisque nous sommes aujourd’hui à 4 millions – chiffre énorme –, si nous nous référons à l’enquête Insee
logement de 2006. Voilà un premier point.
Le deuxième point, qui nous préoccupe aujourd’hui et qui rend nos démarches complexes, est qu’il y a une
grande variété de situations :

le statut d’occupation,

la situation personnelle,

la géographie.
S’agissant du statut d’occupation, la moitié sont des propriétaires occupants – d’où de gros intérêts d’être partis
en priorité sur Habiter Mieux –, une autre partie vit dans le logement social, et une dernière grande partie de la
population vit chez des propriétaires privés. Nous étudions la situation individuelle des personnes :

50 % de retraités,

20 % de femmes seules avec enfant(s),

30 % de couples.
Les réponses-clients que nous ferons ne seront donc pas les mêmes.
Enfin, comme évoqué par vous et différents intervenants jusqu'à présent, beaucoup vivent dans le rural, donc
30 % de gens sont aujourd’hui moins faciles à repérer.
Je pense qu’il est important d’actualiser les chiffres, ceux dont nous disposons datant de 2006. Les pouvoirs
publics ont lancé, il y a un peu plus d’un an, un dispositif ayant tout son intérêt, qui est l’Observatoire national de
la précarité énergétique. Nous sommes beaucoup de partenaires autour de cet observatoire, et l’intérêt est bien
d’actualiser ces données, que nous contribuions tous à fournir des données actualisées et que nous disposions
du même référentiel pour avancer.
Philippe ROCHER
EDF a pris en main le problème, vous avez créé le département Solidarité d’EDF. Vous êtes monsieur précarité
énergétique. Comment prenez-vous les choses et que proposez-vous ?
Michel GONORD
Je suis effectivement chef du département Solidarité. Je m’intéresserai bien sûr au sujet de la réhabilitation, mais
il ne faut pas oublier que notre première action vise à traiter l’urgence. Des gens sont aujourd’hui en difficulté de
paiement de leurs factures. Les 5 000 conseillers client d’EDF ont en tête que lorsqu’un client rencontre des
68 difficultés de paiement et s’adresse à eux, ils doivent enclencher une relation particulière avec ce client, regarder
s’il a le bon tarif, si ses modes de paiement lui conviennent, lui donner des délais de paiement. Et s’ils ne
parviennent pas à trouver la solution, ce client est orienté vers des travailleurs sociaux.
Il s’agit donc de bien avoir à l’esprit que la réhabilitation ne se fait pas instantanément, les flux de logements
rénovés n’étant pas très conséquents. N’oublions donc pas de traiter l’urgence par des dispositifs
d’accompagnement des clients. Pour ce faire, nous agissons avec les CCAS, les associations humanitaires, les
structures de médiation sociale.
Concernant l’aspect plus spécifique de la réhabilitation, nous sommes complètement dans le programme Habiter
Mieux, mais nous pensons également que nous devons être à l’affût de toute initiative locale, comme par
exemple les initiatives de la Fondation Abbé Pierre, avec laquelle nous sommes en partenariat depuis maintenant
plus de 3 ans. L’idée est d’augmenter l’offre de logements. Aujourd’hui, des gens ont besoin de retrouver un
parcours résidentiel. La Fondation Abbé Pierre produit des pensions de famille, chose encore peu courante dans
le parcours résidentiel mais indispensable pour certaines personnes, afin qu’elles puissent ensuite retrouver un
logement plus standard.
Nous sommes également en soutien de programmes poussés par les collectivités locales, comme par exemple la
Ville de Bordeaux. En effet, aujourd’hui, des demandes d’élus peuvent sortir du cadre du programme Habiter
Mieux dans le cas où les gens ne sont pas, par exemple, des propriétaires occupants.
Philippe ROCHER
Vous nous avez donné une segmentation relativement précise : les femmes seules, les retraités, etc. Sur les
4 millions de foyers cités tout à l'heure, avez-vous une idée de la part de foyers en précarité énergétique à traiter
en priorité du fait de la passoire énergétique dans laquelle ils sont et du système de chauffage qu’ils ont choisi –
vraisemblablement électrique ?
Michel GONORD
La précarité énergétique n’est pas liée au chauffage électrique mais à un mauvais chauffage. Dans l’enquête
Insee, 24 % de gens en précarité énergétique ont du chauffage électrique. C’est pourquoi notre démarche vise à
encourager, au travers du programme Habiter Mieux, tout type de rénovation quelle que soit l’énergie. S’agissant
de la pondération que vous citez, je ne saurais pas vous dire exactement ce que vous avez lié au logement ou à
l’énergie, car c’est une combinaison des trois facteurs : le coût de l’énergie, les revenus de la personne et l’état
thermique du logement.
Philippe ROCHER
Nous avons entendu tout à l'heure que l’ARC avait mis quelque chose en place. Proposez-vous également des
solutions de financement ? Avez-vous un système de prêt ?
Michel GONORD
Dans le cadre d’Habiter Mieux, nous avons une contribution en amont du programme. Sur la première période
des 3 ans à venir, notre contribution à ce programme, à hauteur de 49 millions, représente un appui à la
rénovation d’environ 58 000 logements, le complément étant fourni par les autres énergéticiens partenaires que
sont Total et GDF Suez.
S’agissant des opérations en soutien des élus, nous accompagnons ces programmes, mais avec la liberté qui
nous est donnée de pouvoir faire une compensation par des certificats d’économie d’énergie., Les énergéticiens
étant obligés sur les certificats d’économie d’énergie depuis 2006, nous sommes tout à fait prêts à accompagner
toute opération pouvant donner droit à des certificats d’économie d’énergie.
Philippe ROCHER
Quelle est votre lettre au Père Noël pour la suite des certificats d’économie d’énergie ?
Michel GONORD
Il faudrait parvenir à un dispositif simple, car nous voyons bien aujourd’hui, sur Habiter Mieux, que les opérateurs
que vous représentez éprouvent une grande difficulté à fournir les documents administratifs. Par conséquent,
69 nous risquons une perte en ligne très forte, non pas parce que les logements n’auront pas été réellement
réhabilités mais parce que le traitement administratif sera long.
Philippe ROCHER
Merci, nous reviendrons vers vous tout à l'heure. Le programme Habiter Mieux a dû être cité au moins une
douzaine de fois depuis le début de cette table ronde. Mohamed AYADI, vous êtes responsable de ce
programme pour l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat ; il vise les propriétaires occupants. Ce
programme a presque un an. Où en sommes-nous ? Quel est le premier bilan ?
Mohamed AYADI, Responsable du programme Habiter Mieux - ANAH
Les pouvoirs publics traitent la question de la précarité énergétique depuis des années. Ont ensuite été
développés les « éco gestes ». Habiter Mieux s’inscrit plus dans la dynamique des « éco gestes » que dans la
dynamique sociale d’aides d’urgences aux impayés. Habiter Mieux est une approche nouvelle visant à lutter
contre la précarité énergétique, car nous essayons de nous attaquer aux causes du problème, à savoir la très
faible performance, voire la non-performance énergétique des logements. Dans l’enquête Insee qui avait faite, le
premier argument avancé par les personnes interrogées sur les 4 millions était l’état du bâti, la faible performance
énergétique du logement. Habiter Mieux est un programme des investissements d’avenir du gouvernement, piloté
par l’ANAH, ayant pour objectif d’aider financièrement les propriétaires occupants aux ressources modestes à
réaliser des travaux d’économie d’énergie grâce à l’accompagnement professionnel et neutre dans l’intérêt de la
personne, que présentait tout à l'heure Remi GÉRARD. Ces aides financières peuvent représenter de 40 à plus
de 80 % du montant du projet de travaux des personnes, selon le projet de travaux mis en place.
Telle est la présentation que je faisais du programme à son lancement, il y a environ 18 mois. Le programme a
été déployé sur 2012. 18 mois après, nous avons rénové 13 000 logements, pour environ 30 000 personnes. Sur
ces 13 000 logements, nous commençons à avoir une analyse qualitative nous permettant de dire qu’Habiter
Mieux est clairement un programme de résorption des passoires thermiques. Nous pouvons le dire aujourd’hui
car nous avons un gain énergétique moyen de 39 %, qui permet à 90 % des logements de sauter au moins une
étiquette voire deux ou trois, sachant que deux tiers des logements rénovés dans le cadre du programme Habiter
Mieux sont des étiquettes G et F – c’est la proportion nationale. Au niveau régional, en Auvergne et en FrancheComté, 86 % des logements traités sont d’étiquette G ou F. Nous nous attaquons donc vraiment aux passoires
thermiques des logements, et nous tentons d’apporter une solution plus durable aux personnes afin de les
amener à mieux économiser l’énergie.
Aujourd’hui, cela est permis grâce à l’accompagnement fait par les opérateurs tels que le PACT. Il est important
d’avoir une approche globale, comme le soulignait tout à l'heure Remi GÉRARD, dans la mesure où le public
ciblé par Habiter Mieux n’a pas acheté des logements récents et souffre de plusieurs pathologies. L’important est
d’avoir une approche globale pour traiter l’ensemble des pathologies du bâtiment et pas uniquement l’approche
thermique, sans quoi nous aurions fait simplement un plan isolation des combles ou changement de chaudière
sans alourdir avec une approche globale et des opérateurs.
Nous observons aujourd’hui un changement de comportement dans les ménages, induit par les exigences du
programme d’un gain minimal de 25 % et l’accompagnement. Auparavant, l’ANAH aidait les propriétaires
occupants à faire des travaux d’économie d’énergie. 90 % des travaux financés par l’ANAH portaient sur les
changements de menuiseries. Avec Habiter Mieux, nous constatons un changement de comportement des
ménages. Nous les orientons davantage vers le choix de travaux avec une rentabilité la plus rapide possible,
avec un retour sur investissement le plus rapide possible. Nous ciblons désormais les travaux portant beaucoup
plus sur les travaux d’isolation, les systèmes de chauffage que sur le changement des menuiseries. Ce point très
important.
Alors que les exigences de l’ANAH portent plutôt sur l’amélioration thermique des logements et non sur un souci
d’excellence énergétique consistant à amener tous les logements vers le BBC, l’enjeu à développer aujourd’hui
dans la poursuite du programme Habiter Mieux est de veiller à ce que tous les travaux préconisés dans le cadre
d’Habiter Mieux s’inscrivent bien dans un parcours d’excellence énergétique. Si, demain, des personnes
souhaitent aller au-delà des ambitions d’Habiter Mieux et vers du BBC rénovation, les travaux que nous
préconisons ne doivent pas être contreproductifs. Nous avons aujourd’hui un observatoire nous permettant
d’affirmer que les passoires thermiques sont en cours de résorption ; nous n’avons fait que 13 000 logements.
Philippe ROCHER
Vous insistez sur le côté qualitatif plus que quantitatif. Rencontrez-vous des difficultés ?
70 Mohamed AYADI
Nous avons des difficultés. Nous avons ciblé les propriétaires occupants. Sur les 4 millions de ménages qui,
selon l’Insee, seraient en précarité énergétique, 90 % habitent le parc privé et environ 62 % sont des propriétaires
occupants. Nous n’avions pas de réponse à apporter à ces ménages, d’où la volonté des pouvoirs publics de
cibler ce public en priorité, notamment le public aux ressources modestes. Il est vrai que la définition de la
précarité énergétique est très large. Les ménages consacrent 10 % du paiement des factures aux factures
d’énergie, mais le reste à vivre n’est pas le même selon que l’on est du premier ou du dernier décile. Sur les
4 millions de ménages, 70 % sont dans le premier quartile des revenus. Nous avons aujourd’hui du mal à repérer,
car tous les dispositifs publics existant en France sont très orientés vers les locataires. Les FSL ou les fonds
énergie aident majoritairement les locataires et très peu les propriétaires. Les dispositifs de lutte contre l’habitat
indigne sont très orientés vers les locataires et très peu vers les propriétaires occupants. Grâce aux partenariats
que nous réunissons, nous mettons actuellement en place un dispositif ad hoc de repérage de ces propriétaires
occupants, peu enclins à se manifester, qui sont plutôt dans des comportements privatifs. Lorsqu’ils ne peuvent
pas payer leur facture d’énergie, très peu demandent des aides et vivent plutôt de manière isolée, notamment en
secteur rural.
Nous rebâtissons donc tout un dispositif de repérage qui n’existait pour les propriétaires occupants, ce qui prend
du temps. Nous devons redévelopper une démarche de proximité pour recréer la confiance et rassurer les
personnes. C’est un changement d’approche pour l’ANAH, qui était beaucoup plus dans une logique de
« guichet », où nous répondions aux demandes. Nous devons développer une démarche de porte-à-porte et aller
vers les personnes pour les amener à faire leur choix de travaux.
Philippe ROCHER
Vous nous dites que les locataires sont très aidés et que les propriétaires occupants ne le sont pas assez. Est-ce
que cela milite dans le sens d’un budget un peu plus gonflé pour l’ANAH ? Quelle sera la suite ?
Mohamed AYADI
Je ne dis pas que les locataires sont très aidés mais qu’ils sont peut-être mieux repérés que les propriétaires.
Philippe ROCHER
De votre côté, l’enjeu est énorme ; il faudrait ajouter un zéro de plus au nombre de foyers aidés. Comment va
faire l’ANAH ?
Mohamed AYADI
Nous allons mobiliser davantage les collectivités locales. Je pense que notre maillage territorial, avec nos
36 000 communes, doit être un atout pour mobiliser davantage les élus et les collectivités sur le sujet. Vous avez
probablement lu dans la presse des propos de la directrice générale de vouloir ouvrir le programme aux
propriétaires bailleurs. Elle proposera à la ministre – mais rien n’est validé à ce stade – d’avoir une démarche
plus globale, d’intégrer les propriétaires occupants et les locataires. Nous réfléchissons actuellement au curseur.
Nous devons être suffisamment incitatifs pour encourager les propriétaires bailleurs à entreprendre des travaux
d’économie d’énergie tout en évitant l’effet d’aubaine. Il est important que les travaux d’économie d’énergie que
nous financerions pour les propriétaires bailleurs se traduisent réellement par une baisse de la facture d’énergie
des locataires. Nous proposerons donc une action afin de développer le parc social dans le privé, mais avec une
maîtrise des charges, notamment sur l’énergie. C’est une proposition, mais aujourd’hui, rien n’est arbitré. La
directrice sera force de propositions auprès du gouvernement ; le gouvernement arbitrera ensuite et retiendra ou
non l’axe d’intervention.
Philippe ROCHER
Nous attendons de voir ce que cela donnera. Pascal LEMONNIER est secrétaire permanent adjoint du PUCA
(Plan urbanisme construction architecture). C’est un service interministériel, créé en 1998 et rattaché à la DGALN
du MEDDE. Quels sont les objectifs, la méthode et les résultats attendus de ce programme Amélioration
énergétique en copropriété lancé avec l’ANAH ?
Pascal LEMONNIER, Secrétaire permanent adjoint - PUCA
71 Le programme a été lancé avec l’ANAH et avec la contribution de l’ADEME et de tous les partenaires du
PREBAT, puisque le PUCA abrite aussi le secrétariat permanent du PREBAT, partenaire des journées.
Nous sommes arrivés à ce programme pour une raison simple. Nous avons commencé par nous dire qu’il fallait
d’abord traiter les systèmes constructifs industriels présents en France, qui ont été plus ou moins bien entretenus
et qui se sont dégradés. Nous nous sommes demandé comment intervenir avec des systèmes technicoarchitecturaux respectueux du patrimoine et de l’architecture tout en baissant les coûts d’intervention. C’est le
programme REHA – hier a été évoqué le programme REHA 2. Nous avons traité les bâtiments et nous avons
constaté rapidement, notamment avec nos partenaires sociaux, que si nous voulions intervenir plus ou moins
définitivement et ne pas revenir tous les 10 ans pour des couches de travaux supplémentaires, il était nécessaire
d’investir. Le problème social a été traité par ailleurs – ce n’est pas l’objet de notre journée –, mais restait le
problème de la copropriété. Nous avons donc encore un problème de recherche à venir, et des programmes de
recherche sont en cours d’élaboration sur les systèmes de financements. Néanmoins, outre la question de
diminuer les coûts d’intervention par une industrialisation technico-architecturale, il fallait étudier la manière de
mettre en mouvement ces copropriétés.
Une douzaine de mandataires ont été retenus ; ce sont des AMO (assistance à maîtrise d’ouvrage) variées, qui
essaient de travailler avec une quarantaine de copropriétés pour les mettre en mouvement. Un certain nombre
sont en route ; j’ai quelques lauréats autour de moi, à la table ronde, et il y en a probablement d’autres dans la
salle. Nous pouvons retenir qu’il faut travailler sur le repérage des gens acteurs et mobilisateurs, qui savent
communiquer, travailler avec les gens, puisqu’il est nécessaire de travailler sur l’assemblée générale.
Quelques points de difficulté incontournables nécessiteront des programmes de recherche complémentaire,
comme dit par Sylvaine LE GARREC, qui est lauréate pour au moins trois recherches du document. Dans une
copropriété, les parties communes n’existent pas juridiquement, il n’y a pas de personne morale. De ce fait, il faut
emprunter à quelque chose qui n’existe pas, dont il n’est pas possible de saisir le bien. Le problème juridique est
donc complexe. Nous avons parlé des prêts. Faisons-nous un prêt collectivement, auquel cas comment
cautionnons-nous, alors que les cautions sont individuelles et non solidaires à ce jour, en France ? Ou faisonsnous un prêt pour les parties collectives, individuelles, avec les difficultés évoquées ? Voilà les pistes de
recherche à venir.
Pour le reste, nous avons beaucoup progressé. Les fonds travaux vous ont été présentés, il y en a d’autres.
Comment repérer les leaders énergétiques ? Comment travailler les communications ? Monsieur ALLUIN vous
parlera tout à l'heure de ce qu’il fait sur Meudon-la-Forêt, avec un logement showroom. Sur le site du PUCA et du
PREBAT, l’état d’avancement de cette réflexion est présenté par des vidéos, notamment par le président du
conseil syndical.
Les copropriétés n’étant pas que des immeubles collectifs mais aussi des copropriétés horizontales, nous
essaierons également de traiter ces sujets en termes de recherche.
J’ajouterai un point particulier. Pour l’instant, nous nous intéressons beaucoup, à travers les plans travaux, les
fonds travaux, aux propriétés ayant du chauffage collectif. Mais l’énorme majorité des copropriétés sont de petite
taille et ont des chauffages individuels. De ce fait, nous nous retrouvons de plus en plus en proximité avec ce que
nous faisons toujours, par exemple, avec l’ANAH et l’ADEME, sur la précarité énergétique, où il s’agit d’inciter
aux travaux d’enveloppe pour isoler. Mais nous travaillons également à l’intérieur des parties privatives s’agissant
des problèmes de chauffage individuel.
Philippe ROCHER
Nous sommes revenus encore une fois sur ce cas de figure : une copropriété n’est pas une personne morale. Le
gros morceau de la rénovation thermique du bâtiment est la copropriété. Il semble aujourd’hui plus facile pour une
banque de prêter à l’association des pêcheurs de grenouilles rouges qu’à une grosse copropriété ayant un
sérieux problème de rénovation thermique du bâtiment. Est-ce vraiment difficile de modifier les textes pour qu’une
copropriété puisse devenir une personne morale ? Peut-être faudrait-il la transformer en association à laquelle
chacun paierait sa cotisation. Sylvaine LE GARREC, Pascal LEMONNIER, que faut-il faire pour modifier cela ?
Sylvaine LE GARREC
J’aimerais faire une rectification : la copropriété est bien une personne morale. Le syndicat des copropriétés est
représenté par le syndic.
Philippe ROCHER
Par le syndic ou le président du conseil syndical ?
72 Sylvaine LE GARREC
Par le syndic, celui-ci étant le mandataire de la copropriété.
Philippe ROCHER
Donc, chaque année, elle renomme son syndic en assemblée.
Sylvaine LE GARREC
Ce sont des contrats de trois ans, en général. Le syndicat en soi est une personne morale. D’ailleurs, la loi
Warsmann, parue l’an dernier, permet désormais au syndicat de copropriété d’emprunter au nom du syndicat,
chose qui se faisait auparavant de manière informelle, notamment avec des prêts du Crédit Foncier. Il reste à
imaginer le produit financier qui sera intéressant et véritablement un levier pour que le prêt collectif favorise la
rénovation énergétique et la rénovation en général. C’est pour cela que nous attendions que le PTZ soit adapté et
devienne également un PTZ collectif attribué aux syndicats des copropriétaires.
Philippe ROCHER
Les banques vous réservent un bon accueil, maintenant.
Sylvaine LE GARREC
Le partenariat que nous avons tissé avec la Caisse d’épargne sera présenté lors d’une conférence de presse, le
24 octobre, au cours de notre Salon des copropriétaires, organisé à l’Espace Champerret. En effet, les banques
sont intéressées pour proposer des produits financiers adaptés aux copropriétés.
Philippe ROCHER
La seule question qui gêne la banque est de savoir ce qu’il se passe si un des copropriétaires ne paie pas. Ce
point précis est à régler.
Sylvaine LE GARREC
En effet, ce sont des prêts collectifs à cautionnement individuel, c'est-à-dire que les autres copropriétaires ne se
substitueront pas au copropriétaire défaillant.
Pascal LEMONNIER
Cette difficulté est à contourner, ce qui nécessitera certainement un peu de temps.
Philippe ROCHER
Que se passe-t-il aujourd’hui si un copropriétaire ne paie pas ses charges ? L’entreprise de nettoyage,
l’entreprise faisant les travaux, etc. continuent d’être payées. L’ensemble des copropriétaires se substituent
temporairement à un copropriétaire défaillant jusqu'à ce qu’une action soit menée.
Sylvaine LE GARREC
Les prêts collectifs sont garantis par des caisses de garantie. Ce système de garantie permet de cautionner le
prêt collectif.
Philippe ROCHER
Je pense que vous aurez quelques questions de la salle. Auparavant, j’aimerais redonner la parole à Katy
NARCY. Pendant et après la Conférence environnementale de mi-septembre, on a beaucoup parlé de la
73 rénovation énergétique du bâtiment. En ouverture de cette table ronde, vous avez réaffirmé la volonté du
gouvernement d’en faire un axe fort. Pour passer aux choses concrètes, quelle gouvernance va se mettre en
place ? Je sais que ce sujet est délicat. Comment cela va-t-il s’articuler entre le ministère du Logement et le
ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, qui sont tous deux concernés ? Nous voyons
que la signature d’un petit arrêté n’est pas simple. Qu’est-ce que cela va donner en termes de gouvernance ?
C’est une question délicate. Comment imaginez-vous les choses ?
Sylvaine LE GARREC
Il n’y a pas de difficultés. Les chantiers relatifs à la construction étant partagés par les deux ministères – et ce à
juste titre, puisque nous avons autant des enjeux sur le logement et sur l’environnement –, nous travaillons de
concert au niveau des deux ministères sur les textes et les chantiers pouvant être mis en place. Ce travail collectif
prend un peu plus de temps que si nous avions un seul ministère, mais il est également beaucoup plus riche. Et
nous sommes portés deux fois plus au sein du gouvernement, ce qui a ses avantages. Un travail collectif se tisse
donc tous les jours entre les deux ministres. Je travaille indifféremment avec les deux cabinets et sur tous les
chantiers touchant à la construction.
Philippe ROCHER
La mise en place d’un petit groupe interministériel sur la rénovation énergétique du bâtiment est-elle imaginable ?
Sylvaine LE GARREC
Nous avons régulièrement des réunions communes avec les deux cabinets.
Philippe ROCHER
Parmi tout ce que vous venez d’entendre concernant les outils financiers, lesquels vous sembleraient les plus
intéressants à suivre, les plus adaptés ? Est-ce que vous soutenez l’idée de l’éco-PTZ collectif et ce qui a été
proposé au cours de cette table ronde ?
Sylvaine LE GARREC
L’idée est d’avoir une palette la plus large possible d’outils financiers et technico-financiers. Parmi les aides
financières, un certain nombre d’outils existants sont à améliorer. Nous avons parlé de l’éco-PTZ. Si, sur le
principe, nous sommes d’accord, la déclinaison opérationnelle n’est pas simple juridiquement. Des dispositifs
nouveaux sont à inventer autour des prêts. Concernant la précarité énergétique, nous avons parlé tout à l'heure
des difficultés des prêts relais, avec les évolutions récentes. Il y a un vrai sujet sur ces questions de prêts,
notamment pour les publics les plus fragiles. Il faut donc trouver des solutions innovantes sur ce point.
Nous travaillons également beaucoup sur le développement d’un nouvel outil, le tiers investisseur. Par exemple,
l’Île-de-France a commencé à monter un outil de ce type, n’ayant pas pour vocation à se substituer aux autres
outils mais d’être un outil supplémentaire permettant d’avoir un service clé en main pour le particulier, notamment
pour des copropriétés pour qui les choses sont plus complexes techniquement et en termes de montage. L’idée
est donc d’élargir un peu la palette de ce qui peut s’ouvrir aux particuliers en fonction de ces difficultés, de ces
problématiques, avec un accompagnement qui correspondra à leurs attentes et à leurs besoins.
Aussi, nous ambitionnons de développer ce qui est guichet, afin que les particuliers aient une porte d’entrée où
aller chercher un conseil, un appui sur les dispositifs financiers, ce qui est important car même s’ils sont
simplifiés, il en restera plusieurs. De plus, il est important que nous puissions conseiller les particuliers sur la
bonne solution technique à apporter, y compris dans la gestion ultérieure. Je rejoins ce qui a été dit, à savoir que
si l’on investit dans des travaux mais que, derrière, la gestion et l’usage au quotidien ne sont pas bons, on perdra
ce que l’on a gagné dans certains cas avec les travaux. Il y a donc les deux piliers dans cet appui aux
particuliers : le pilier financier et le pilier technique.
Philippe ROCHER
Vous venez d’évoquer à nous le tiers investissement – nous en avons déjà parlé un peu hier. C’est une invention
française, qui avait donné lieu, il y a une quinzaine ou une vingtaine d’années, à la création des Sofergie.
Pratiquement toutes les grandes banques avaient leur Sofergie, et certaines existent encore aujourd’hui. Par
exemple, la Banque Populaire a Énergéco. C’est parti à l’étranger et c’est devenu ESCO (Energy Service
74 Company). Pour notre part, nous les réinventons, nous les réintroduisons, nous les faisons revenir. Philippe
PELLETIER nous a dit hier : « Pourquoi pas du tiers investissement avec du droit à construire ? Pourquoi ne pas
échanger l’investissement de départ contre du droit à construire, du droit à augmenter un peu la taille d’une
copropriété ? ». Ce serait intéressant. Plutôt que se rémunérer uniquement sur les économies d’énergie – dans
ce cas, il peut être difficile de convaincre les tiers investisseurs –, quand c’est possible, on pourrait ajouter un
étage, et la personne ayant financé le passage d’une passoire énergétique au BBC aurait un étage
supplémentaire.
Sylvaine LE GARREC
Cela fait partie des pistes sur lesquelles nous travaillons. Ces pistes « ne coûtent rien » aux puissances publiques
et permettent à tout le monde d’être gagnant sur tous les plans, puisque sur de la densification, outre le fait que
nous aidons à améliorer l’équilibre financier de l’opération, nous contribuons à produire du logement nouveau
dans des secteurs denses. C’est donc gagnant sur tous les plans pour la politique que peuvent porter les deux
ministères, tant sur la production que sur l’aspect de la densification. Cela existe déjà pour le neuf : il s’agit des
bonifications de COS.
Cela existe déjà en partie pour l’existant, mais c’est peu utilisé. Des communes peuvent déjà utiliser cet outil si
elles le souhaitent.
Philippe ROCHER
Jusqu'à +20 % si vous mettez des énergies renouvelables.
Sylvaine LE GARREC
Entre autres. Il existe plusieurs dispositifs et plusieurs taux suivant la cible environnementale, mais cela existe sur
le logement existant. La question se pose également pour le secteur tertiaire, où cela n’existe pas encore, mais
nous travaillons sur cette piste. Cet outil est à faire connaître afin qu’il soit utilisé par les collectivités.
Philippe ROCHER
Finalement, cet outil ne coûte rien à la collectivité, il est laissé à l’appréciation de chacun, puisque c’est voté en
conseil municipal, et il densifie.
Sylvaine LE GARREC
C’est un outil gagnant-gagnant pour tout le monde. Malheureusement, force est de constater qu’il n’est pas
encore suffisamment connu et utilisé.
Philippe ROCHER
Votre voisin de gauche s’inquiète de savoir si vous ferez monter en puissance les certificats d’économie
d’énergie, si vous les imposerez beaucoup plus largement, jusqu'au distributeur de carburants, dans les stationsservices. Qu’allez-vous faire ?
Sylvaine LE GARREC
Le chantier vient de s’ouvrir sur des discussions portant sur l’énergie en général et sur les C2E. Je ne sais donc
pas où nous mènera ce débat, puisqu’il est ouvert.
Philippe ROCHER
Donc, a priori, les certificats d’économie d’énergie continueront d’exister, la question étant de savoir dans quelle
mesure.
Sylvaine LE GARREC
Oui, et la manière peut peut-être évoluer.
75 Philippe ROCHER
Je vais donner la parole à Julien BEIDELER, qui est le journaliste technique à cette table ronde. Il apportera peutêtre un peu de contradiction. Quelle est la réaction de l’expert du Moniteur par rapport à ce que nous venons
d’entendre ?
Julien BEIDELER, Rédacteur en chef délégué - Le Moniteur
Expert est un bien grand mot. J’ai pris quelques notes au fur et à mesure des interventions des uns et des autres.
Monsieur GÉRARD et Madame LE GARREC, vous avez évoqué l’importance d’une approche globale, en nous
disant qu’il n’y avait pas que l’approche thermique. J’entends complètement la logique, bien évidemment.
Simplement, je me demande si, en appelant à une approche globale, on ne complexifie pas encore davantage
l’équation pour les copropriétaires. On va leur dire qu’il faut changer la porte palière pour l’acoustique, rénover
l’ascenseur et qu’il faudra envisager des travaux sur le plan thermique. Finalement, l’aspect thermique devient
peut-être un petit levier, alors qu’en termes de retour sur investissement, seul cet aspect a un impact sur les
charges. J’aimerais savoir de quelle manière il est possible d’avoir une approche globale sans trop délaisser la
question thermique, d’autant que j’ai cru comprendre que l’ANAH réfléchissait au conditionnement de ses offres
aux copropriétés avec des objectifs de garantie de performance énergétique.
Sylvaine LE GARREC
L’approche globale vise à garantir l’efficacité des travaux énergétiques. C'est-à-dire que si, par exemple, un
ravalement thermique est réalisé sans étude préalable de l’ensemble des pathologies du bâtiment, les
investissements faits risquent de ne pas être garantis dans l’avenir.
Julien BEIDELER
Vous parlez d’approche globale thermique.
Sylvaine LE GARREC
Je parle d’approche globale thermique et architecturale. L’idée est de ne pas imposer des packages standardisés
à toutes les copropriétés et de préconiser des solutions adaptées à la situation de chacune, à la fois d’un point de
vue technique, thermique mais aussi du point de vue des capacités contributives des copropriétaires. C’est
d’ailleurs pour cette raison que certaines aides posent des problèmes. Certaines copropriétés auront plutôt intérêt
à échelonner les travaux dans le temps. C’est pourquoi nous sommes favorables à un plan pluriannuel de travaux
associé à l’obligation de fonds travaux, afin de hiérarchiser les priorités et réaliser des travaux efficaces. En effet,
la dimension énergétique est un levier pour cette approche globale, car cela concerne directement le confort des
habitants.
Pour la mise en œuvre cette approche globale, nous avons mis en place un outil, le bilan initial de copropriété,
préparé par le conseil syndical et permettant de faire un bilan des besoins, le but étant de préparer l’audit
énergétique afin que celui-ci ne soit pas une étude standardisée que les copropriétaires ne pourraient pas
s’approprier et ne soit pas simplement un audit énergétique mais un audit global et partagé. Nous menons cette
démarche avec l’association Planète Copropriété, qui a émané du chantier copropriété du Plan Bâtiment
Grenelle, et avec le BIC. L’audit global partagé associe thermiciens et architectes. Le conseil syndical sera
également présenté à la conférence de presse du 24 octobre au Salon des copropriétaires.
Philippe ROCHER
Les documents évoqués, notamment le guide de mise en place de fonds travaux bénévole, sont-ils gratuits ?
Peuvent-ils être téléchargés sur le site de l’ARC ?
Sylvaine LE GARREC
Nous avons, en effet, édité un guide du fonds travaux, qui vise à aider les copropriétaires à mettre en place des
fonds travaux dans leur copropriété, en attendant que cette mesure devienne obligatoire. Il s’agit de lever tous les
obstacles techniques et financiers se posant aux copropriétaires. C’est un des éléments issus de la recherche
action que nous menons pour le PUCA. Ce guide sera publié dans les jours à venir et sera présenté lors du
Salon.
76 L’ensemble des autres documents et thématiques sont accessibles sur le site de l’ARC.
Philippe ROCHER
Quelle est l’adresse Internet ?
Sylvaine LE GARREC
L’adresse est : www.unarc.asso.fr. Le site, un peu touffu, est en train d’être refait et sera plus ergonomique.
Philippe ROCHER
Il est à l’image des copropriétés. Remi GÉRARD, pouvez-vous répondre à Julien BEIDELER ?
Remi GÉRARD
Les personnes individuelles étant souvent âgées, nous travaillons beaucoup avec l’ensemble des caisses de
retraite sur la question du maintien à domicile. Nous ne pouvons pas penser travailler sur la thermique en voyant
par ailleurs que la personne, ne pouvant plus accéder à l’étage et à sa chambre, devra aller en maison de
retraite, alors qu’elle ne le souhaite pas. Il faut donc trouver l’adéquation. La question du coup complexifie les
choses. Mohamed AYADI soulignait l’importance de la progression d’un programme. Tout n’est pas réglé dans
l’immédiat, mais nous nous engageons dans un programme qui croisera un morceau d’adaptation, un morceau
d’amélioration thermique. Et nous ferons également en sorte que l’amélioration thermique ne soit pas à démolir
parce que nous ferons plus après. Il faut donc que cela puisse s’inscrire dans un programme le plus intelligent
possible et le plus en adéquation avec les situations des personnes et leurs ressources.
Julien BEIDELER
Je me posais une autre question. Monsieur AYADI, vous avez dit que vous vouliez faire du porte-à-porte. J’ai vu
que dans le programme Habiter Mieux, le portrait-robot du propriétaire occupant est le retraité rural propriétaire
d’une maison bâtie avant 1975. Les artisans du bâtiment font déjà du porte-à-porte pour ce qui concerne ces
occupants. S’agissant des copropriétés, les bureaux d’études, les architectes sont souvent les premiers
conseilleurs en matière technique et se retrouvent, m’a-t-on dit, un peu démunis lorsqu’il s’agit d’aborder la
problématique des aides. Est-ce que, dans le cadre de cette réflexion du porte-à-porte, vous avez intégré ces
acteurs ?
Mohamed AYADI
Une des particularités est que nous avons réussi à réunir un très large partenariat sur la question de la précarité
énergétique. Nous avons un partenariat public-privé et très large, avec des cultures professionnelles très
différentes. Nous avons signé une convention avec la CAPEB et la FFB sur le programme Habiter Mieux pour
nous aider dans le repérage des ménages. Quand un artisan était appelé pour faire de la maintenance de
chaudière, par exemple, il peut préconiser le changement de celle-ci.
Julien BEIDELER
Cette démarche commence-t-elle à porter ses fruits ?
Mohamed AYADI
Il faut laisser le temps au temps. Nous sommes sur un programme dont le dénominateur est la question
énergétique, mais chacun a une culture professionnelle différente. L’artisan a une dimension plus économique et
technique. Pour ce qui est des acteurs sociaux, nous avons un partenariat avec l’UNCCAS, les caisses de retraite
et la MSA, qui font également des visites à domicile ; mais ces derniers ont plus une culture sociale. Nos
partenariats financiers, quant à eux, ont plus une culture financière. Nous faisons donc en sorte que les gens se
comprennent, notamment s’agissant du repérage, de l’identification. En effet, lorsque nous avons commencé à
travailler avec les acteurs sociaux afin qu’ils nous aident à faire du repérage, ceux-ci nous ont immédiatement
avertis qu’ils ne faisaient pas du signalement – avec les connotations qu’il peut y avoir. Il a fallu du temps pour
qu’ils proposent la solution Habiter Mieux quand ils sont confrontés à une personne en difficulté. Il est donc
77 nécessaire de faire travailler des gens ensemble. Nous avons des partenaires mais nous n’avons pas encore le
partenariat au niveau local, nous avons des acteurs qui travaillent mais nous n’avons pas d’acteurs qui travaillent
vraiment ensemble. Nous avons besoin de créer cette mise en réseau au niveau local, mais cela prend du temps.
Je n’ai pas la solution pour y parvenir demain.
Cependant, même si nous sommes très loin de l’objectif des 300 000 logements à faire d’ici 2017, nous sentons
une montée en puissance. L’an dernier, nous avons fait environ 6 500 logements au moment où nous déployions
le programme. Cette année, nous ferons au moins le double, et j’espère que l’an prochain, nous ferons le double
de cette année. Nous sommes donc dans une montée en puissance progressive, mais faire travailler les gens
prend du temps.
J’aimerais revenir à l’approche globale. Je suis très heureux que nous fassions 600 000 rénovations thermiques
de logements par an, car cela relativisera nos 300 000 logements sur 7 ans. Quand j’ai présenté le programme,
on m’a dit que j’étais irréaliste. Ces chiffres m’aideront à simplifier mes introductions lors de mes futures
interventions. L’ANAH, du fait de sa vocation sociale, participe à ce programme, mais plutôt sous l’angle de la
lutte contre la précarité énergétique. Cela explique également la montée en charge plus progressive, d’autant que
nous nous adressons à des personnes dont les ressources sont relativement limitées. Il faut développer, grâce à
l’accompagnement, une ingénierie financière pour solvabiliser au mieux les projets de travaux.
En France, il est difficile de savoir qui finance quoi, comment et dans quelles conditions. Nous avons souhaité
neutraliser cette complexité en rendant obligatoire l’accompagnement par des opérateurs, tels que les PACT, qui
ont en charge la gestion de cette complexité pour délivrer un message le plus simple possible aux propriétaires
occupants. La complexité administrative ne doit pas être de la responsabilité du propriétaire mais des institutions,
d’où la décision de rendre obligatoire l’accompagnement dans la démarche de simplification.
Le profil type est la maison individuelle d’avant 1975, souvent située dans le rural et dont les propriétaires sont
âgés. La maison étant souvent surdimensionnée par rapport au nombre de personnes vivant dans le logement, il
ne sert à rien de l’isoler entièrement si la personne n’habite que le rez-de-chaussée. Il est donc préférable d’avoir
une approche globale, qui consiste à projeter des travaux de rénovation thermique sur l’unité de vie de la
personne plutôt que des travaux d’autonomie. Quand la personne manifeste le désir de faire des travaux
d’autonomie alors qu’elle n’a que 60 ans et est assez autonome, l’urgence, lorsque ne faisons une approche
globale, est de considérer si elle doit changer sa baignoire ou plutôt faire des travaux de rénovation thermique.
L’accompagnement de la personne vise à lui faire comprendre que l’urgence n’est peut-être pas de changer la
baignoire dans l’immédiat mais plutôt de privilégier le confort thermique. Cela s’inscrit dans une progression de
travaux. L’approche globale est donc importante, d’autant plus que la mise aux normes électriques de certains
logements n’existe pas.
Nous avons fait une analyse des travaux que nous réalisons : passer du G au B, seulement sur le plan thermique,
coûte entre 60 et 70 000 euros. Les publics concernés sont majoritairement sous le seuil de pauvreté, ce qui
nous oblige à faire les travaux en fonction des moyens pouvant être mobilisés. Vu le public ciblé, grâce aux
partenariats qu’on a réussis à mettre en place, nous sommes à des coûts moyens de 15 000 euros, avec des
taux de solvabilisation pouvant s’élever à 12 000 euros et avec des restes à charge très minimes. Je pense que
ce que nous faisons est plutôt bien, même si nous pouvons toujours faire plus, mais je préfère voir le verre à
moitié plein.
Katy NARCY
J’aimerais compléter la réponse qui vient d’être faite. Nous avons beaucoup parlé de l’accompagnement des
précaires énergétiques. Effectivement, cette action, très bien détaillée, a été menée et monte progressivement en
puissance, nécessite des accompagnements très lourds, tant au niveau du repérage que de l’accompagnement
du projet, avec un volet social en plus du volet technique et économique. Ce volet social est presque
psychologique, dans certains cas. Il ne faut pas oublier le reste. Dans le cas le plus courant pour les
500 000 logements attendus par an, heureusement, un accompagnement aussi lourd n’est pas nécessaire, mais
paradoxalement, nous sommes peut-être moins avancés en termes d’accompagnement, car nous avons
commencé par les cas les plus urgents.
De plus, les acteurs sur le terrain doivent être mobilisés. Beaucoup de collectivités locales ont notamment lancé
des démarches très intéressantes, proactives, avec des dispositifs financiers pour certaines. Le but de cette
mobilisation est de repérer les gens, sensibiliser les gens, les accompagner techniquement et sur les aides. Pour
les collectivités ayant vraiment fait le package le plus complet, au-delà du conseil, certaines ont mis en place des
aides financières, et celles qui sont allées encore plus loin proposent également une mise en relations avec les
entreprises.
Nous souhaitons développer ce type de démarche, car nous ne pourrons atteindre ces objectifs qu’avec un travail
de terrain au plus près. Dans cette perspective, nous avons vraiment besoin de collectivités locales et des
acteurs. Nous allons donc favoriser ces démarches, les aider. Nous réfléchissons actuellement à un système
78 d’appel à projets afin de mettre ces acteurs en réseau, comme cela a pu être fait sur les éco-quartiers, par
exemple. Le but est de repérer tous les dispositifs nouveaux qui fonctionnent, a contrario, ceux qui ne
fonctionnent pas, afin de voir sur quelles pistes il ne faut pas s’engluer collectivement.
Michel GONNORD
Je porterai juste un témoignage pour abonder dans le sens des deux interventions précédentes. Sachez que pour
nous, Habiter Mieux a été un changement de fonctionnement complètement révolutionnaire à l'intérieur de nos
équipes. Nous avions l'expérience du logement social depuis 10 ans. Sachez qu'aujourd'hui, nous contribuons à
la rénovation d'environ 130 000 logements sociaux par an, ce qui est énorme. Mais cela se fait avec une offre
industrialisée, devant un partenaire qui est décideur unique, qui a son plan de stratégie patrimoniale. C'est donc
relativement rodé. Quand nous avons découvert Habiter Mieux, nous nous sommes dit que nous avions une
grande complexité, un enjeu énorme, beaucoup d'ambition. Il faut que nous soyons à la hauteur. Nous sommes
un des partenaires d'Habiter Mieux, et d'autres partenaires s'impliquent de façon forte. Mais je peux vous dire que
ce sont 100 personnes que nous avons formées pendant un an. Pourquoi les former ? Parce qu'elles devaient
comprendre la déclinaison locale dans les réunions ANAH. Ensuite, elles devaient être à même de signer les
protocoles thématiques, qui sont vraiment la machine permettant de mettre le dispositif en marche. Aussi, il fallait
être contributeur du repérage. Le repérage se fait quand un client en difficulté nous est amené par un travailleur
social, la question se pose de savoir s'il est éligible à Habiter Mieux. Si c'est le cas, avec son accord, nous
renvoyons vers l’ANAH. Nos structures de médiation sociale sont aussi un réservoir permettant de repérer des
clients que nous renvoyons vers l’ANAH. Je passe sur les associations humanitaires telles que SOS Familles,
etc. Il y a donc un gros travail de repérage, un gros travail avec les structures d'ingénierie, afin de voir comment
ce dispositif peut arriver au bout des C2E.
Le sujet évoqué au début par Remi GÉRARD, fondamental chez nous, est la présence au moment de la
rénovation des logements. Certes, ils sont rénovés, mais encore faut-il donner les bons conseils et, pourquoi pas,
des équipements performants. Nous proposons notamment de mettre des kits d’économie d'énergie, d’économie
d’eau, etc.
Cela passe par une implication très forte. Au bout du bout, si, aujourd'hui, Habiter Mieux ne donne pas de
résultats, je suis sûr qu'avec les dispositifs à venir, nous avons une structure en place qui saura aussi faire de
l'habiter mieux, plus et autrement, parce que la structure est en place.
Philippe ROCHER
Quand vous parlez de kits d’économie d'énergie et d'économie d'eau. Je suppose que l'économie d'électricité est
également concernée.
Michel GONNORD
Oui, bien sûr.
Philippe ROCHER
Vous changez toutes les ampoules pour consommer moins d'électricité.
Michel GONNORD
L'économie sur l'éclairage est aujourd'hui courante, car les ampoules basse consommation sont tout à fait
intéressantes. Mais on met des coupes-veille à l'intérieur, ces consommations sournoises qui font des sapins de
Noël la nuit, dans les logements.
Philippe ROCHER
Quelqu'un d'EDF qui dit que les veilles sont des consommations sournoises ! L'équivalent de deux tranches
nucléaires, 2 000 mégawatts de consommation en veille en France.
Michel GONNORD
Je n'ai pas fait le calcul.
79 Philippe ROCHER
Je peux vous l'affirmer, c'est l'équivalent de la puissance de la Tunisie.
Michel GONNORD
Avec le développement du multimédia, ce sont des équipements qu’il faut mettre en veille. Notre action consiste
bien sûr à fournir un coupe-veille, mais il faut ensuite faire de la pédagogie.
Philippe ROCHER
Merci à EDF d'avoir accepté de le dire. Je vais maintenant laisser la parole à la salle. J'aime beaucoup vous
donner la parole au moment de cette table ronde, puisque vous êtes tous concernés. Vous êtes tous des
professionnels en activité mais vous avez tous un toit également, pour certains peut-être en copropriété.
N'hésitez pas à leur poser des questions vous avez devant vous un panel de gens capables de répondre.
Delphine HÉDOUIN, Communauté de communes de la Côte d’Albâtre
Habiter Mieux, pour nous, est un programme venu après une OPAH. Par le biais de l’OPAH, la collectivité pour
laquelle je travaille avez énormément subventionné la rénovation d'habitats. Nous cherchions comment continuer,
et on nous a proposé Habiter Mieux. Nous avons signé ce programme il y a environ un an, avec peu d'espoir, je
dois dire, parce qu'une rénovation globale coûte en moyenne 15 000 euros. Les seuils qui concernent les
occupants, les propriétaires sont très bas. Quand le coût des travaux est subventionné à hauteur de 70 %, il reste
tout de même 3 000 euros à charge pour l'habitant. Ces personnes ne sont pas facilement repérables. Par
exemple, nous ne connaissons pas la personne âgée ayant une petite retraite, qui n'allume pas sa lumière, qui ne
fait pas sa cuisine à l'électricité, qui ne chauffe pas au gaz et qui va préférer manger des pommes de terre à l’eau
plutôt que de ne pas payer sa facture. Cette personne ne connaît pas le travailleur social et n'est pas repérable.
Nous avions donc beaucoup de mal à nous dire que nous allions repérer les gens, et nous nous disions que
même s’ils étaient repérés, un reste à charge de 3 000 euros est beaucoup trop conséquent pour des occupants
qui ne peuvent pas acheter de chaussures à leur enfant pour qu'il aille à l'école.
Malgré tout, en tant que collectivité, par ce biais, en plus de ce que proposait l’ANAH, nous avons pu
subventionner un dossier. Je pense que c'est catastrophique.
Philippe ROCHER
Que proposez-vous ? Avez-vous des idées ?
Delphine HÉDOUIN
Non. Je pense que c’est un problème de communication. Il faudrait une plus grande diffusion… Nous sommes un
territoire rural, nous avons 22 000 habitants sur 38 communes, ce qui ne fait pas beaucoup d'habitants par
communes. Je pense que les gens n'ont pas connaissance de l'existence de ce genre d'outil, ils ne savent pas
que nous sommes là pour les aider.
Philippe ROCHER
Mohamed AYADI, que répondez-vous à la Côte d’Albâtre ? Faut-il une campagne de communication plus
musclée de l’ANAH ?
Mohamed AYADI
Ce que je vais dire est peut-être dur, mais nous n'avons pas la prétention d'aider tout le monde. Ce programme
n'a pas vocation à solvabiliser 100 % des ménages. Nous le ferons lorsque c'est possible, en fonction des
montages financiers que nous avons au niveau local. Nous voulons surtout que ce programme ait un effet de
levier pour inciter les personnes à entreprendre leurs projets de travaux. Nous y parviendrons grosso modo. Sur
les 13 000 ménages que nous aidons, deux tiers sont des personnes aux ressources très modestes au niveau de
l’ANAH. Donc, des gens qui sont au seuil de pauvreté réussissent à faire des travaux coûtant de 12 000 à
80 18 000 euros grâce aux partenariats financiers. C'est plutôt bien. Bien sûr, certaines personnes ne pourront pas
bénéficier, ce qui veut dire qu'il faut peut-être revoir, compléter voire imaginer d'autres sources de financement.
Comme le disait tout à l'heure Remi GÉRARD, le réseau SACICAP fait des prêts sans intérêts. Quel que soit son
devenir, il nous faudra proposer des prêts bonifiés, si possible sans intérêts, afin que les personnes puissent en
bénéficier.
Sur certains projets, nous parvenons à solvabiliser des personnes avec des prêts sans intérêts. Ces prêts sans
intérêts ouvrant droit à l'allocation logement, le montant de l'allocation logement rembourse le montant du prêt.
C'est tout le travail de l'opérateur de faire de l'ingénierie financière et pas simplement de faire une addition de
subventions, mais de pouvoir proposer un produit permettant de solvabiliser au mieux la personne.
Par contre, sur votre OPAH, vous avez un opérateur – je pense que Remi GÉRARD interviendra. Peut-être
devrions-nous revisiter nos modes d'intervention. La communication est une bonne chose, et je pense que la
communication doit être locale plutôt que nationale, dans un environnement où l'information sur les économies
d'énergie est pléthorique.
Philippe ROCHER
Elle est pléthorique, mais il était expliqué que la communication n'arrive pas jusqu'à la personne.
Mohamed AYADI
L'an dernier, nous avons lancé une campagne de communication sur RTL et sur le réseau France Bleue. Or,
notre communication se trouvait entre Auchan et Leclerc qui proposaient des économies d'énergie, parfois entre
le réseau Bleu Ciel et Dolce Vita. Par conséquent, les gens percevaient probablement Habiter Mieux comme
étant un nouveau produit commercial. Cela ne marchera pas. Quoi il faut aller au-devant des personnes, car, de
plus, les personnes ne croient pas aux subventions, ne croient pas que nous pourrons les financer. Ce sera
pratiquement du porte-à-porte. Nous réfléchissons actuellement à la manière de mobiliser les emplois d'avenir
pour en faire des ambassadeurs d'efficacité énergétique qui iront au-devant des personnes et feront ce travail de
proximité.
Philippe ROCHER
Voilà une position concrète.
Mohamed AYADI
Nous retomberons sur des fondamentaux des politiques sociales : recréer de la proximité, recréer de la confiance
chez les gens, pour leur dire que c'est possible et apporter la solution.
Philippe ROCHER
Remi GÉRARD, qu'en pensez-vous ?
Remi GÉRARD
Je pense qu'il faut de la communication locale de proximité, et cela ne marche que si l'on va chez les gens.
Philippe ROCHER
Julien BEIDELER disait que beaucoup de gens vont déjà chez les personnes, à savoir les artisans, les vendeurs
de fenêtres.
Remi GÉRARD
Il y en a, mais je pense que dans certains endroits, quelques partenariats remarquables existent entre des
entreprises et des opérateurs comme nous. Un artisan qui vend des fenêtres se pose la question de savoir qui va
payer ses fenêtres et peut donc revoir un intérêt dans ce genre de partenariat. Quand nous venons, nous
81 pouvons juger que les fenêtres ne sont pas à changer, et nous pouvons alors nous retrouver avec quelques
difficultés, que nous assumerons car c'est notre responsabilité d'opérateur social.
S'agissant des prêts, ceux-ci doivent être possibles pour des personnes souvent âgées sans qu'il s'agisse de
prêts bancaires classiques, impossibles à obtenir pour des personnes âgées. Nous avons donc besoin de monter
des dispositifs de prêts à faible taux accessibles aux personnes concernées. Le partenariat avec SACICAP
fonctionne bien et a permis de réaliser beaucoup d'opérations de prêts de 5 ans à des personnes de 85 ans. En
cas de problème, les sociaux permettent de compenser. Je considère donc que nous avons besoin d'un microcrédit habitat accessible aux personnes à faibles ressources, qui permettrait de faire ce que faisaient les
SACICAP, mais de façon beaucoup plus large. Nous travaillons sur ce sujet car c'est indispensable.
Mohamed AYADI
Aujourd'hui, la montée en charge lente mais réelle du programme Habiter Mieux ne repose pas sur des questions
financières. Le problème est de repérer des ménages et de lever les freins psychologiques de ces personnes.
Nous sommes aujourd'hui entre nous, entre personnes initiées ayant conscience que nous vivons un changement
de société puisque le prix de l'énergie, qui a été relativement bas pendant des années, ne le sera plus à l'avenir.
Je pense que les personnes auxquelles nous nous adressons n'ont pas encore conscience que nous vivons un
changement de société et que l'énergie pèsera de plus en plus dans leur budget. Ces personnes ne considèrent
ces travaux comme étant prioritaires car elles ne parviennent pas encore à se projeter. Mais je pense qu'elles
seront rattrapées par la réalité dans les cinq ans à venir ; quand leur facture d'énergie augmentera, elles se
priveront et ne se chaufferont plus. Nous avons un travail de psychologie à faire sur ce plan, car la vérité
énergétique n'est pas seulement le problème de la personne mais un problème sociétal. C'est nous qui payons
les aides sociales, les tarifs sociaux. La précarité énergétique a des conséquences sanitaires. Selon une étude
de l'OMS, pour 1 euro investi dans le logement, on économise 0,40 euros sur les dépenses sanitaires. C'est
vraiment un problème sociétal dont les gens doivent prendre conscience, et il n'est pas considéré à sa juste
mesure par les personnes principalement concernées, quand bien même elles paient des factures importantes.
Un travail de pédagogie est donc à faire, en commençant par de l’information de proximité. Les revues
municipales des collectivités locales fonctionnent bien, car ces revues sont neutres, ne sont pas dans une
démarche commerciale et ont pour vocation à présenter le programme et à sensibiliser les personnes. Ce travail
de pédagogie est à faire auprès des propriétaires occupants, afin de leur faire comprendre que les travaux sont à
faire maintenant et pas dans 10 ans, car ce sera trop tard pour elles.
Jean-Marc COHEN
Je suis l’un des neuf présidents d’un syndic bénévole d’un grand ensemble de 1 500 appartements à Marly-leRoi. J’aimerais intervenir sur deux thèmes, et d’abord celui des fonds de travaux. Depuis plus de 50 ans, cet
ensemble a pris comme habitude de faire voter annuellement quelques 8-10 % du budget général consacrés à
des travaux. Il faut voir en partie le fonds de travaux comme un fonds que l’on abonde chaque année pendant
10 ans avant de lancer un programme. Il faut peut-être également le voir comme un fonds que l’on abonde et qui
permet de faire une partie des travaux. Je dirais que le pluriannuel est difficile et juridiquement peu assuré, car si
le ravalement d’un dixième du domaine a été fait, et si les copropriétaires s’abstiennent de voter le budget de
travaux l’année suivante, cela s’arrête. Il y a donc un problème juridique.
Le deuxième sujet, abordé à travers divers exemples, est la contradiction entre l’intérêt individuel et l’intérêt
collectif. Un grand nombre de cas ont été cités, par exemple sur le financement. Le changement des fenêtres,
parties privatives, a également été évoqué. De même, la construction d’un étage supplémentaire suppose non
pas la majorité mais l’unanimité des habitants du dernier étage. Ne faudrait-il pas modifier quelque peu le curseur
entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif ?
Philippe ROCHER
Votre fonds travaux rembourse-t-il si un propriétaire s’en va, ou est-ce que cela reste acquis à la copropriété ?
Jean-Marc COHEN
Nous disposons actuellement de deux outils :
 un fonds de réserve, classique, appartenant aux copropriétaires – le vendeur récupère donc sa quote-part,
 un budget annuel, dans lequel nous consommerons la part consacrée aux travaux pour faire le ravalement
de 10 % de l’ensemble.
82 Philippe ROCHER
Je vous invite à regarder la présentation à venir de la copropriété Aligre, dans laquelle vous vous retrouverez un
peu, notamment concernant le sujet du changement des fenêtres, puisque la transformation des parties privatives
en parties d’intérêt collectif n’est toujours pas signée, bien que des copropriétés aient pris les devants.
Aucun d’entre vous n’a parlé des conseillers INFO ENERGIE. Ce dispositif compte environ 500 conseillers
information-énergie répartis sur toute la France. Katy NARCY, ce dispositif, mis en place par l’ADEME avec l’aide
d’un certain nombre de partenaires, fonctionne bien.
Katy NARCY
J’ai parlé tout à l'heure des dispositifs de conseil sans parler explicitement des conseillers INFO ENERGIE, mais
cela fait partie des systèmes existants. Ce dispositif n’est pas le seul en place, puisqu’un certain nombre
d’acteurs ont développé des guichets de conseil aux particuliers, qui sont à démultiplier. Cela passera
certainement par une démultiplication des conseillers énergie de ces points. Il y a aussi une question de
gouvernance et de coordination des différents acteurs ; nous avons parlé de cloisonnement, tout à l'heure. En
matière de communication, il est important que nous ayons une bonne lisibilité pour les gens et pas quelque
chose de trop touffu, car les aides financières sont touffues, de même que les offres de conseil. Il s’agit donc
d’avoir un guichet unique lisible, avec peut-être un seul numéro commun qui réorienterait ensuite vers des
structures pouvant être différentes suivant la manière dont les territoires se sont saisis du sujet. Nous n’allons pas
imposer un modèle aux acteurs. Cependant, nous avons vraiment d’avoir une lisibilité de la communication. La
communication locale a été évoquée à juste titre, entre autres au niveau des communes. Je confirme que le
journal communal marche très bien en général. En revanche, nous avons également besoin d’une communication
de masse média, mais dans ce cas, cela ne fonctionne que si nous avons un dispositif clair, coordonné entre les
différents acteurs. Beaucoup d’initiatives ont été reprises, ce qui est une très bonne, mais nous avons également
besoin de structurer puis de passer à la vitesse supérieure en doublant voire en triplant le nombre de conseillers
dans les différents structures existantes.
Philippe ROCHER
Selon de nombreuses études, le bon chiffre est 1 pour 80 000 habitants. À partir de ce seuil, l’information circule
correctement. Mais nous n’en sommes pas du tout à ce stade en France.
Sylvaine LE GARREC
Nous travaillons beaucoup avec les agences locales de l’énergie et les espaces information-énergie, qui sont un
relais vraiment efficace auprès des copropriétés, notamment parce qu’ils apportent ce point de vue neutre et non
commercial que les copropriétaires attendent du fait qu’ils n’ont pas les compétences techniques pour assurer la
maîtrise d’ouvrage complète d’un projet de rénovation énergétique complexe. Justement, les conseillers
permettent de faire en sorte que la copropriété reste bien maîtrise d’ouvrage de son projet en lui apportant un
conseil. Nous partageons beaucoup nos outils avec les agences locales de l’énergie, les espaces informationénergie. Aussi, nous travaillons beaucoup avec les collectivités, que nous pensons être un relais réellement
efficaces pour les rénovations énergétiques des copropriétés et les rénovations globales.
Je souhaiterais répondre à l’intervention de la Côte d’Albâtre. Vous disiez que vous cherchiez comment intervenir
après une opération programmée de l’amélioration de l’habitat circonscrite dans le temps. Nous travaillons
également avec les collectivités locales en suivi postopératoire, afin que les collectivités locales parviennent à
mettre en place des mesures de prévention et de traitement de leurs copropriétés fragiles, qui ne nécessitent pas
forcément des opérations lourdes.
J’aimerais également répondre à la copropriété.
Philippe ROCHER
Vous vouliez savoir s’il est adhérent chez vous. Etes-vous adhérent à l’ARC ? Pas encore ?
Sylvaine LE GARREC
Je ne crois pas qu’il est adhérent à l’Arc.
83 Philippe ROCHER
Monsieur, vous avez dit être syndic bénévole. Vous devez adhérer à l’ARC pour avoir votre assurance.
Sylvaine LE GARREC
Le système de Marly-le-Roi particulier, car c’est une copropriété coopérative, la première créée en France dès
1963, avant même la création de la loi du 10 juillet 1965.
Philippe ROCHER
Je précise que les conseils INFO ENERGIE sont gratuits, neutres et donnés par des ingénieurs répondant aux
questions des particuliers des collectivités, des copropriétés mais pas des entreprises.
Je prendrai une dernière question de la salle.
Alexandre FLORENTIN
Je suis jeune diplômé de Supélec et de Sciences Po Paris. Je suis ingénieur, et j’ai fait des sciences politiques.
Monsieur AYADI, vous avez parlé d’une croissance exponentielle pour votre programme, ainsi que de la
nécessité d’avoir une approche globale sur ce genre de problème. Je me dis alors que vous aurez besoin de
monde avec de nouvelles compétences. Quelle est votre stratégie en termes de ressources humaines pour être
attractif par rapport à d’autres secteurs comme, pour le cas d’EDF, ce qui concerne la production d’énergie, mais
aussi par rapport au problème des formations initiales ? Chez mes camarades, je n’ai vu personne semblant être
prêt à travailler dans ce genre de domaine.
Philippe ROCHER
Merci pour cette question qui nous rappelle que d’autres étudiants sont présents dans la salle. J’ai discuté avec
certains d’entre eux tout à l'heure. Qui souhaite répondre ?
Mohamed AYADI
Étant donné que nous avons un très partenariat, je passe la parole à Remi GÉRARD, car il est plus recruteur que
moi.
Remi GÉRARD
Je dirai d’abord quelques mots sur les points INFO ENERGIE. Nous en gérons beaucoup avec l’ADEME sur le
territoire. Simplement, le public venant aux points INFO ENERGIE n’est pas le public de la précarité énergétique.
Ceci dit, ils sont très utiles et efficaces pour apporter des conseils.
Philippe ROCHER
Mais vous organisez quelquefois des demi-journées, des week-ends, des portes ouvertes, où il est peut-être plus
facile de rencontrer les gens, autrement dit, sur le terrain.
Remi GÉRARD
Tout à fait. Au départ du programme, avec l’ANAH, nous avions d’ailleurs lancé une grande réunion à l’intérieur
des communes, des opérations, etc., mais nous voyons que les demandeurs ne sont pas les mêmes et que, pour
aller où il y a de la précarité énergétique, il faut trouver d’autres vecteurs que ceux d’information publique.
Philippe ROCHER
Les jeunes aimeraient savoir si vous embauchez.
Remi GÉRARD
84 S’agissant des compétences techniques, nous trouvons des gens, avec la difficulté que les compétences sont
rarement spécialisées sur l’habitat existant. C'est-à-dire que beaucoup de choses se font sur les programmes
neufs, et la prise en compte de l’habitat existant, souvent de l’habitat occupé, est plus difficile à aborder, car cette
question étant rarement étudiée dans les formations diplômantes, ce qui constitue un grand manque. Aussi, dans
ces actions, nous avons de plus en plus besoin de gens ayant des compétences sociales. Je lance un appel.
Nous utilisons beaucoup de conseillères en économie sociale et familiale, leur formation étant bien adaptée, ceci
en partenariat avec des techniciens. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas avoir une personne unique ayant
l’ensemble des compétences pour traiter les sujets, parce que nous traitons de questions sociales, des questions
techniques et de questions financières. Par conséquent, nos équipes sont toujours pluridisciplinaires, car il faut
croiser les compétences. Il n’existe pas une omniscience qui saurait tout, pourrait tout faire. Dans les formations
(architecture, urbanisme, etc.), les gens ne sont pas suffisamment formés aux questions de l’habitat existant.
Philippe ROCHER
Merci. Je pense que c’est le parfait mot de la fin pour cette table ronde. Je propose à tous les étudiants présents
dans la salle de venir en discuter. Je vous propose d’aller prendre un café. Pour ce faire, nous disposons d’un
quart d’heure.
85 Retours d’expériences n°3
Rénovations exemplaires pour les particuliers
Je vous propose de reprendre place et de poursuivre avec la présentation des retours d’expérience. Regardons
maintenant quelques rénovations exemplaires pour les particuliers. Comment transforme-t-on une maison
individuelle passoire thermique en BBC (bâtiment basse consommation) ou en BEPOS (bâtiment à énergie
positive) ? Comment réussir une opération en copropriété, sujet déjà bien discuté au cours de la matinée ? Quels
sont les facteurs de succès ? Quelles sont les erreurs à éviter ? Nous décortiquerons tout cela avec les maîtres
d’ouvrage, les maîtres d’œuvre, les architectes, les bureaux d’études fluides, etc., qui s’exprimeront au cours de
cette table ronde. Je vais demander à Frédéric BUSQUET, Maxime BOUDOT, Lionel COMBET, Florian
VAUJANY et Julien MICHET de bien vouloir rejoindre sur scène Julien BEIDELER, qui revient m’aider à animer.
Vous avez maintenant sur scène, près de moi :

Frédéric BUSQUET, architecte, gérant du cabinet Busquet Architectes à Saint-Étienne (Loire),

Julien MICHET, ingénieur thermicien, gérant du bureau d’études Énéra Conseil, basé à Meudon (Hautsde-Seine),

Lionel COMBET, chargé de mission Bâtiment et Utilisation Rationnelle de l’Énergie à la délégation
régionale Bourgogne de l’ADEME – il est basé à Dijon,

Maxime BOUDOT, énergéticien au sein du cabinet d’ingénierie énergétique Dupaquier, basé à Châlonssur-Saône (Saône-et-Loire),

Florian VAUJANY, responsable de l'activité Copropriétés à l’Agence Parisienne du Climat, basée à
Paris, au cœur du magnifique Parc de Bercy,

Julien BEIDELER, rédacteur en chef délégué de la revue Le Moniteur, qui sera mon complice pour
animer cette séquence.
Les différents transparents qui seront présentés pendant cette séquence seront téléchargeables sur le site dédié
du Moniteur. Vous recevrez, à l’adresse mail que vous indiquerez sur le questionnaire d’évaluation, les codes
vous permettant de télécharger tous ces transparents et les séquences vidéo qui seront présentées. Comme hier,
nous aurons trois retours d’expérience avec une séquence vidéo. Ensuite, nous aurons quelques détails
techniques par l’architecte ou le bureau d’études, ou les deux qui ont travaillé sur le projet. Nous aurons enfin
quelques échanges et la parole sera donnée à la salle.
Commençons par une vidéo d’une rénovation de 19 logements en copropriété. Nous allons dans le centre
historique de Grenoble, dans le quartier Saint-Laurent. La particularité du projet est que l’importance des travaux
ne permettait pas à la copropriété de mener à bien le programme. Nous écouterons le témoignage d’Hervé
TILLIER, président du groupe Créquy, qui a porté le projet. Nous sommes dans le cas de cette démarche de
tiers-financement, que nous remettons au goût du jour en ce moment, quand les copropriétés n’ont pas les
moyens de financer les travaux.
Projection de la vidéo :
« Au départ, le projet de Grenoble du quai Xavier Jouvin était un dossier en difficulté. Nous sommes sur un
secteur qui est une ZPPEP, avec des immeubles classés. Ce projet était en difficulté du fait que l’opérateur qui
avait pris ce dossier et qui n’était pas capable de le sortir pour diverses raisons, notamment financières.
L’immeuble allait être frappé d’un arrêté de péril. Une poutre maîtresse était en train de s’effondrer, et si
l’immeuble pliait, il risquait d’entraîner les immeubles voisins. Nous avons étudié ce dossier et nous avons
découvert que les moyens financiers pour le sortir n’étaient pas suffisants, d’où notre idée d’essayer d’obtenir des
aides publiques et de sortir cet immeuble par le haut pour en faire un modèle.
Ce projet a été financé par des aides de la Ville de Grenoble, de la Région, de l’ANAH, de la métropole et de
l’ADEME. Nous avions la double contrainte d’atteindre le BBC – qui était un exploit technique, pour avoir des
aides suffisantes – et de préserver le côté historique de l’immeuble.
Sur cet immeuble, il était impossible d’isoler par l’extérieur, les façades étant classées. Au niveau du travail sur
l’enveloppe, nous avons tout de suite pensé à la technique d’étanchéité à l’air. Grâce au système de frein-vapeur,
nous pouvons travailler sur ce genre de bâtiment, puisque nous nous ne touchons pas aux structures extérieures.
Toute la problématique était la mise en œuvre. Il a fallu procéder à des formations très poussées. Nous avons pu,
sur le toit, camoufler un chauffe-eau solaire collectif. Nous avons des ascenseurs à récupération d’énergie. Le
paradoxe du BBC, aujourd’hui, est que, les gens étant peu intéressés, tout simplement parce qu’ils n’ont pas
encore vu concrètement sur la facture, nous avons souvent des effets inverses. C'est-à-dire que les gens qui
viennent dans un logement neuf consomment plus alors qu’auparavant, ils faisaient attention au chauffage car
cela leur coûtait cher. Nous avons fait ce constat sur des parcs assez importants de locataires. Hélas, nous
sommes aujourd’hui très déçus par le mode de fonctionnement de ces logements. C’est une question de temps.
En effet, nous nous apercevons qu’avec le temps, avec les formations – l’ADEME nous aide beaucoup sur des
86 notices d’information, sur des formations directes que nous faisons auprès de chaque locataire entrant –, cela
s’améliore. Nous parvenons à faire quelque chose qui lie l’énergétique et le côté historique et architectural. »
Philippe ROCHER
Ce cas de figure est un peu particulier. L’objectif était de profiter du sauvetage in extremis d’un immeuble
historique avec façade classée pour en faire une opération BBC exemplaire. Je viens d’entendre les mots « effets
inverses », que je traduirais presque par « effets pervers » – nous reviendrons dessus tout à l'heure.
J’aimerais que nous ayons quelques explications de l’architecte sur ce projet, sur les choix techniques. Comment
avez-vous récupéré ce projet ? Quels ont été les critères de choix ?
Frédéric BUSQUET, architecte, gérant - Busquet Architectes
L’immeuble est situé sur le quai Xavier Jouvin à Grenoble, dans un site pittoresque, où les façades paraissent
assez belles. Mais, comme on le trouve souvent en France, ce n’est qu’un décor de théâtre, et derrière, nous
avons des copropriétés qui, le plus souvent, sont arrivées en fin de vie.
Sur la diapositive suivante, nous pouvons voir que c’est un ensemble de 5 immeubles dans un cœur de quartier,
comportant 2 cages d’escaliers, 19 logements, dont 13 imbriqués avec les mitoyens. La situation est donc très
complexe.
Voici quelques photos de l’état dans lequel nous avons trouvé l’ensemble : insalubre, prêt à s’effondrer. La
copropriété avait été lancée pour faire cette réhabilitation et se trouvait dans une situation où elle ne pouvait plus
avancer, sans financement. C’est là que le groupe Créquy et Monsieur TILLIER, son président, ont fait un énorme
travail, et c’est là où des partenaires tels que PREBAT nous ont permis de sortir le projet. L’idée d’avoir un maître
d’ouvrage ou un maître d’ouvrage délégué qui parvient à fédérer le système et à trouver les financements pour
faire est essentielle, car le coût global fait qu’aujourd’hui nous ne savons pas sortir ces immeubles dans une
logique classique.
Nous sommes sur des sites classés où les façades doivent aujourd’hui être préservées. Le travail est fait avec les
Monuments Historiques. Nous choisissons l’isolation par l’intérieur cellule par cellule. Nous avons parlé tout à
l'heure de rénovation logement ; nous pouvons également nous inscrire dans ce genre de sujet et dans une
rénovation appartement par appartement. Un travail a été fait en simulation thermique dynamique, aussi bien sur
le confort d’hiver que sur le confort d’été ; c’était un des points du cahier des charges du label PREBAT. Même si
la labellisation est faite par l’intérieur, cela nous a même permis, dans les logements, la production d’éléments
comme les murs en pierre, que nous avons utilisés pour l’inertie du bâtiment, et donc le confort d’été.
Les systèmes mis en œuvre sont assez simples. Nous avons installé des chaudières à gaz collectives. Notons
qu’ici la puissance globale est de 100 kilos, alors que nous mettions 24 kilos dans certains logements, c'est-à-dire
que pour 19 logements, nous utilisons la puissance habituelle de 4 logements. Nous avons installé un plancher
chauffant avec régulation individuelle par logement afin que chacun puisse utiliser le confort. Le système est
simple, avec un seul point de réglage, car nous nous sommes aperçus qu’il était difficile pour les gens d’utiliser
ces systèmes. Le système est adossé à un système de capteurs solaires (production d’eau chaude avec les
chaudières à gaz et le chauffage. Ensuite, l’accent est mis sur l’isolation.
Philippe ROCHER
Avez-vous mis une VMC simple flux pour un problème de passage de gaines ?
Frédéric BUSQUET
Oui, et nous avons toujours la problématique de la maintenance. Il faut faire des systèmes très simples pour qu’ils
puissent perdurer. C'est-à-dire que si nous produisons des choses très complexes, la maintenance devient
difficile, et nous retombons dans les travers du système inexploitable.
Philippe ROCHER
Je ne sais pas si vous étiez là hier, mais vous rejoignez complètement Thomas LIPINSKI, qui nous a dit
exactement la même chose sur son retour d’expérience de l’autre côté de la Manche.
Frédéric BUSQUET
87 Nous avons choisi des techniques que nous savons mettre en œuvre. Il y a de petites innovations, comme la
mise à niveau en mousse polyuréthanne, qui nous permet de traiter le logement sur toutes ses faces. Nous avons
vraiment une notion cellule par cellule sans pont thermique.
Le grand sujet, aujourd’hui, est la notion d’étanchéité à l’air, car, pour nous, la difficulté technique consiste à
obtenir cette étanchéité à l’air. Nous avons fait le choix de la mise en œuvre d’un frein-vapeur, ce qui nous a
obligés à la formation des gens, car nous avons aujourd’hui un déficit énorme de formation des entreprises qui ne
savent pas faire. Même les fournisseurs de matériaux ne sont pas informés. Toutes les équipes – chefs
d’entreprise mais également intervenants sur chantier – ont fait les formations avec nous sur l’étanchéité à l’air
(deux jours chacun), ce qui a permis également de fédérer l’équipe avant le démarrage du chantier afin que
chacun comprenne bien les enjeux et les interactions entre corps d’état (électricien, plaquiste ayant fait les freinsvapeur, plombier) et que chacun soit responsable du chantier.
Philippe ROCHER
Vous dites que les fournisseurs ne sont pas informés, c'est-à-dire que les distributeurs vous vendent des produits
dont ils ne connaissent pas la mise en œuvre.
Frédéric BUSQUET
Les distributeurs ont découvert les produits avec nous. Une recherche importante a été faite sur les produits à
mettre en œuvre. Nous savons que, du côté des Allemands, beaucoup de produits existent. Chez nous, nous
apprenions aux distributeurs à trouver les pièces pour traverses les freins-vapeur, à trouver les éléments, à leur
donner des adresses. C’est assez étonnant. C’était en 2009.
Philippe ROCHER
Est-ce un message aux industriels présents dans la salle ?
Frédéric BUSQUET
Par exemple. Mais j’ai confiance dans le système pour qu’aujourd’hui on trouve de nouveaux produits. Il faut
savoir que cette mise en œuvre est très complexe, et il est aujourd’hui difficile de la maintenir. Le locataire ne doit
pas percer les murs. Nous avons mis des écarteurs pour permettre de passer les réseaux et de mettre à distance
les freins-vapeur.
Philippe ROCHER
Mais le locataire veut mettre des tableaux, des placards de cuisine.
Frédéric BUSQUET
Il y a la place pour, mais il faut prendre certaines précautions. Nous voyons ici les difficultés. De plus, nous
sommes dans un bâtiment où certaines parties sont classées, comme un plafond remarquable. Nous avons
travaillé avec les ABF sur de nombreux sujets comme l’hygrométrie. Cela permet de voir la complexité de mise
en œuvre.
Philippe ROCHER
Est-ce que cela s’est bien passé avec les ABF ? Ont-ils été ouverts, sympathiques ?
Frédéric BUSQUET
Cela n’a pas toujours été simple. Une concertation a été nécessaire.
Philippe ROCHER
Ils ont tout de même accepté le chauffe-eau solaire.
88 Frédéric BUSQUET
Oui. Il existe deux mouvements chez eux. Aujourd’hui, ils comprennent bien qu’il faut avancer, que les bâtiments
se rénovent, faute de quoi ce bâtiment était voué à l’effondrement total.
Aujourd’hui, le résultat est que nous avons fait des tests d’étanchéité à l’air, tous positifs du premier coup. Le
résultat est plutôt bon ; le meilleur résultat est de 0,31 en étanchéité à l’air, sachant que le coefficient RT 2012 est
de 1.
Philippe ROCHER
Nous voyons un passage de gaines à droite. L’électricien était-il présent et s’inquiétait-il de savoir s’il allait y avoir
des passages de fumée, des pertes d’étanchéité à l’air ?
Frédéric BUSQUET
Bien sûr. Ils étaient convoqués aux tests d’étanchéité à l’air. Clairement, dans cette situation, le plâtrier était le fil
conducteur. Nous l’avons choisi, il y a avait vraiment une notion de casting. Il était un peu dur avec les autres, et
c’est peut-être lui qui a tenu le chantier. C'est-à-dire qu’à un moment donné, il voulait que son travail soit
respecté, ce qui fait qu’il était prêt à le défendre avec les autres intervenants.
Philippe ROCHER
C'est-à-dire qu’il était derrière tous les plombiers et les électriciens qui perçaient des trous dans ses plaques.
Frédéric BUSQUET
C’était difficile. Voilà les images de ce que c’était avant et de ce que cela donne après. Comme je vous le disais,
les systèmes sont simples, et la maintenance doit être assurée. Le groupe Créquy a, dans sa politique, la volonté
de faire le suivi, de devenir ensuite le syndic. Je trouve que le fait que l’opérateur soit capable d’être en
transversal et de suivre l’opération de A à Z est important. Aujourd’hui, le nombre de copropriétés n’est pas suivi.
Je ne pense qu’il y ait beaucoup d’immeubles où les VMC sont visités et où les choses sont faites correctement,
malheureusement.
Le coût des travaux purs s’élève à 2,8 millions, sans les honoraires, sans l’ingénierie, commerces compris. Si
nous ramenons uniquement aux logements, le coût est de 2 500 euros hors taxes par mètre carré. Par
conséquent, sans appui, c’est impossible. C’est quasiment le prix des produits anciens à la vente sur le marché à
Grenoble. Aujourd’hui, sans leviers, cela ne peut pas fonctionner.
Aujourd’hui, nous ne savons pas faire autre chose que cela. En effet, ce sont des lieux très contraints où le risque
d’effondrement lors des démolitions est élevé et où il n’est pas possible de créer des parkings, ce qui fait que
nous ne pouvons pas faire des immeubles neufs. Nous retrouvons également le cachet de l’ancien et de ce
patrimoine qu’il faut préserver. Tous ces facteurs font que nous sommes aujourd’hui obligés d’intervenir. Et,
croyez-moi, pour visiter de nombreux centres villes, aujourd’hui, il y a beaucoup d’immeubles fortement dégradés
et de situations de quasi-non-retour. Je suis allé à Grenoble, à Montpelliers, à Marseille. Nous travaillons dans
toute la France, ce qui m’amène à bien connaître le sujet. Derrière de belles façades, nous retrouvons très
souvent des situations incroyables. Il suffit parfois de franchir un porche. Des gens habitent encore dans ces
immeubles dégradés. Les derniers habitants sont partis de cet immeuble en 2008, ce qui est terrible.
Question de la salle
Pour réussir à faire ce que vous avez fait, de quelle manière vous y êtes-vous pris pour lancer les appels
d’offres ? Tout ce que j’entends est hyper exemplaire. Comment cela se traduit-il dans le lancement de l’appel
d’offres, dans l’établissement du CCTP, dans le DCE ? Comment fait-on pour que les entreprises prennent
l’information ? À un moment donné, cela leur coûte aussi. Comment avez-vous fait ce casting ? N’étiez-vous que
des marchés publics là-dessus ?
Frédéric BUSQUET
89 Pas du tout. Je suis architecte économiste, donc c’est moi qui ai fait le descriptif. De ce fait, il n’y a aucune perte
d’informations entre ce que nous dessinons et ce que nous décrivons. Et nous avons travaillé avec une notion
d’équipe, c'est-à-dire que nous avons fait un appel d’offres très restreint, que nous avons trié les entreprises sur
le volet, car l’objectif était de réussir. Peut-être que, dans le coût global, nous aurions pu être plus performants,
avec des entreprises peut-être moins bien sélectionnées ou un appel d’offres plus large.
Ce système est aujourd’hui duplicable ; nous avons fait 60 logements. Nous démarrons le projet de rénovation
d’un projet historique comportant 24 logements et 500 m² de bureaux, sur le même modèle technique. La
problématique est que dès que nous avons essayé de sortir de l’appel d’offres restreint, nous avons rencontré
beaucoup de difficultés. Sur un des immeubles, le plâtrier était un peu moins performant et a démonté de
nombreuses fois avant d’arriver à la performance finale. C’est pour cela que notre problème principal est la
formation des équipes, car aujourd’hui, la formation sur ces sujets, selon moi, n’existe pas, bien que quelques
entre se passionnent sur le sujet. Il y a très peu de très bons plaquistes qui mettront en œuvre les isolants. Nous
menons un combat permanent sur la mise en œuvre des isolants. Quand nous tournons le dos, ce n’est pas mis
comme il faut. Quand nous revenons, ne faisons démonter, remonter, et ceci en permanence. Nous sommes
contraints d’avoir une image de méchant pour que les gens comprennent ce que nous voulons faire, car
l’opérateur même ne sait pas ce qu’il fait. C’est terrible. L’enjeu est difficile sur cette formation des personnels
intervenant. Cela signifie que des progrès sont à faire. Mais tout ceci est nouveau, et les règlementations sont
allées vite, ce qui induit que les gens n’ont pas forcément pris le pli.
Philippe ROCHER
Reparlez-nous de ce groupe Créquy. Comment est-ce que cela s’est passé ? Le budget global est de 4,7 millions
d’euros, dont 1,7 millions d’euros de subventions. Vous avez dit que le groupe Créquy voulait ensuite reprendre
la gérance de cette copropriété. Qu’est-ce qui l’a motivé, comment y trouve-t-il son compte ? Vous nous avez dit
être architecte économiste. Comment avez-vous discuté argent avec eux ?
Frédéric BUSQUET
Ils s’inscrivent d’abord dans un concept global que je trouve intéressant, c'est-à-dire d’être dans un quartier
ancien, de travailler plusieurs immeubles. De plus, ils ont une vue transversale avec l’ingénierie financière, la
technique et la problématique de gestion et de commercialisation, c'est-à-dire qu’ils sont capables de faire une
œuvre globale. Nous parlions tout à l'heure des problèmes des copropriétés. Il y a sans doute un métier à
inventer pour aider les copropriétés à sortir ou à avancer sur le sujet thermique, qui doit être global, car, comme
ici, il y a également de la structure, de l’inertie ; et la thermique ne se limite pas à des fenêtres et au ravalement
d’un bout de façade. Ce sujet comporte de nombreux points où nous devons intervenir. Tant qu’à faire la
thermique, il faut que ce soit durable. Je veux dire par là que quand on fait une action, celle-ci ne doit pas être
démontée deux ou trois ans après pour faire autre chose. Il faut donc s’inscrire dans une logique de longue
durée, et seule une vue globale peut être faite.
Nous avons, depuis longtemps, le rapport au maître d’ouvrage, puisque nous en sommes à notre quarantième
opération avec eux. Nous avions plutôt bien abordé la question du coût global ; nous étions dans le budget initial.
Sur ce chantier, nous n’avons dépassé le budget que de 1 %.
Philippe ROCHER
Le groupe Créquy est-il prêt à renouveler l’opération ? Est-ce reproductible totalement pour eux ?
Frédéric BUSQUET
Oui, ils le font tous les jours.
Philippe ROCHER
Vous avez eu de nombreuses aides, dont la Ville de Grenoble, le Conseil régional, la métropole, l’ANAH,
l’ADEME.
Frédéric BUSQUET
Le dernier monument historique que j’ai montré et qui bénéficie de l’agrément MH, est dans le même cas. Notre
volonté est d’aller chercher les aides et de regrouper toutes les solutions. Ces aides sont très importantes.
90 Aujourd’hui, les règles sont complexes et évoluent tous les jours. Le groupe Créquy est donc en perpétuel
renouvellement et recherche de nouvelles solutions financières.
Philippe ROCHER
Vous nous avez parlé des problèmes de mise en œuvre et de qualification des entreprises. Y a-t-il d’autres freins
et barrières ?
Frédéric BUSQUET
La mise en œuvre en est un et le coût global en est un autre. Il faut que les industriels travaillent, il est nécessaire
de les contraindre à cela. L’inconscient collectif doit aussi venir petit à petit à l’idée que le thermique est un
passage obligé. Je pense qu’une bascule des mentalités est en train de se faire. Nous disions tout à l'heure que
la communication passe par de la proximité, mais il faut également que les gens soient contraints. En France, les
deux leviers fonctionnant bien sont le porte-monnaie et l’aide.
Philippe ROCHER
Quid de l’empilement de normes, de règles ?
Frédéric BUSQUET
J’ai vu que des moratoires étaient demandés. Nous avons une accumulation de normes (accessibilité aux
handicapés, sismiques, thermiques, lois sur l’eau, etc.) et nous avons tellement de choses à traiter dans les
nouveaux logements qu’à un moment donné, cette accumulation génère des surcoûts d’année en année. On dit
qu’entre 2000 et aujourd’hui, le prix des travaux a été multiplié par deux. Nous ne savons plus faire car à un
moment donné, le prix du foncier et de la vente d’ancien ne suivent pas le prix des travaux. Comme nous l’avons
vu ici, le coût des travaux secs vaut le prix du bâtiment sur le marché, donc ce n’est pas réalisable. Je pense qu’il
serait bien de faire une pause afin d’intégrer toutes ces choses, car chaque année, nous avons une succession
de normes à intégrer. Par exemple, l’accessibilité aux handicapés a coûté très cher. Je pense qu’il faut
aujourd’hui concentrer son énergie sur le sujet thermique, qui est le sujet numéro 1.
Philippe ROCHER
Vous avez eu de la chance, sur votre projet, ils ne vous ont pas obligés à récupérer les eaux de pluie.
Frédéric BUSQUET
Non, mais cette année, par exemple, la Ville de Saint-Étienne nous oblige, pour plus de 400 m² de toiture, à
3
récupérer les eaux de pluie en centre-ville. À Grenoble, s’il fallait trouver 50 m de stockage, je ne sais pas où je
les mettrais, et cela induirait un surcoût de 40 à 50 000 euros sur l’opération. Ce serait donc un frein
supplémentaire.
Julien BEIDELER
On parle beaucoup de l’empilement des normes, mais on entend parfois aussi qu’elles sont contradictoires. Vous
parliez de l’accessibilité, de la sécurité incendie, de la thermique. L’acoustique a un peu été mise de côté au profit
de la thermique, et de ce fait, des petits soucis apparaissent. Avez-vous pu constater cela ?
Ensuite, pouvez-vous nous rappeler le délai de l’opération ?
Frédéric BUSQUET
L’opération a été réalisée de 2009 à 2011. Nous avons effectué la première visite en 2008 et nous avons livré le
tout fin 2011.
S’agissant des normes, elles s’accumulent. Je ne suis pas sûr qu’il y ait des contradictions, mais aujourd’hui, il y
a un travail de dessin technique. Chaque fois qu’il y a une norme, il n’y a pas la solution en face. Pour la
thermique, nous avons trouvé les solutions au moment où nous avons produit. Nous avons cherché les produits,
comme la mousse de polyuréthanne, les ascenseurs à régénération d’énergie. Nous sommes obligés de faire
tout un travail de recherche.
91 Julien BEIDELER
Nous avons parlé du coût des travaux secs. J’ai l’impression que vous avez été également très présents dans
l’accompagnement des travaux, dans la maîtrise d’œuvre d’exécution, parce que vous étiez payés pour le faire
correctement. J’imagine que c’est important, même si vous ne me communiquez pas les honoraires que vous
avez perçus.
Philippe ROCHER
Je crois que les honoraires sont dans le RPE Mag – je parle sous le contrôle de François-Xavier.
Frédéric BUSQUET
Nous fonctionnons toujours en pourcentage sur ce genre d’opération.
Julien BEIDELER
Typiquement, qu’est-ce que cela fera ?
Frédéric BUSQUET
L’économie et l’architecture représentent entre 8 et 9 % sur une telle opération. Nous voyons bien que la difficulté
actuelle pour les copropriétés est de lancer des honoraires. Les copropriétés n’ont pas de vue sur
l’aboutissement, et une étude est coûteuse. Elles n’ont pas de concret face à elles, et cela est très difficile.
Malheureusement, nous ne sommes pas des associations à but non lucratif, nous sommes là pour faire vivre
notre quinzaine de salariés. Nous avons des charges, et c’est délicat. Je comprends que les copropriétés aient du
mal à s’engager dans ces choix et dans ces études. Il y a du temps de travail. Il faut savoir qu’un tel dossier
représente de 4 000 à 5 000 heures de travail. Pour nous, c’est du temps de production pur. Nous savons que le
travail est cher en France, et aujourd’hui, les gens ne comprennent pas que nous passions des milliers d’heures
sur ces sujets.
Philippe ROCHER
Vous avez entendu le témoignage d’un syndic bénévole. Que pensez-vous des leaders énergétiques, de cette
proposition d’action-recherche, leader énergétique dans la copropriété, qui sera un peu votre relais à l’intérieur de
la copropriété, qui va lui-même faire passer les messages ? Évidemment, c’est du bénévolat, c’est beaucoup de
temps, mais cela peut permettre d’aller beaucoup plus vite, et surtout, cela peut permettre de dégager la
discussion de la rénovation énergétique du temps de l’assemblée générale. C'est-à-dire que des réunions
spécifiques sont organisées. Qu’en pensez-vous ?
Frédéric BUSQUET
Malheureusement, pour qu’une copropriété fonctionne bien, il faut que des gens s’impliquent et donnent de leur
temps, et il s’agit souvent de bénévolat. Il est bien de n’avoir qu’un seul interlocuteur, car aujourd’hui, discuter
avec une assemblée est quasiment impossible. En effet, dans une assemblée, resurgissent souvent de vieilles
querelles n’ayant pas trait au sujet que nous traitons.
Philippe ROCHER
Je parlais tout à l'heure de la complexité du nombre.
Frédéric BUSQUET
Il est intéressant d’avoir un seul interlocuteur, de se fixer une feuille de route et de la présenter afin d’avoir une
vue cohérente. Cela induit que nous soyons mandatés et que la copropriété ait la volonté de faire.
92 La solution serait peut-être d’avoir une vue plus globale ou de réinventer le métier, avec des règles laissant plus
de souplesse à la copropriété pour agir, comme le nombre de votes, par exemple.
Philippe ROCHER
Avez-vous des questions à poser à Frédéric BUSQUET, architecte économiste à Saint-Étienne ? Sa présentation
a-t-elle été claire ? Voulez-vous quelques précisions ? Une question de l’ARC. La copropriété est-elle adhérente
à l’ARC ?
Frédéric BUSQUET
Je ne pense pas.
Philippe ROCHER
Ce n’est pas grave. François Xavier me demandera si, pour chaque adhésion, j’ai un pourcentage.
Cédric HUSSENOT, bureau d’études Logic Thermic
J’ai une question concernant le budget. Vous avez parlé de 2,8 millions de travaux pour les travaux. Le magazine
indique 4,5 millions, ce qui fait un écart de 1,7 millions qui, à mon avis, ne s’explique pas uniquement par les 8 à
9 % pour la prestation d’économiste architecte. J’aimerais savoir où est passé ce tarif.
Frédéric BUSQUET
Je parle des travaux que j’ai gérés, mais des travaux préparatoires ont été réalisés auparavant. Il faut voir que
c’est un budget global d’une copropriété qui, malheureusement, s’était lancée dans des premiers travaux n’ayant
pas abouti. Il y a donc une perte en ligne. Malheureusement, nous récupérons souvent des copropriétés en
situation d’échec. Les gens ont commencé à travailler en dépit du bon sens et ont dépensé de l’argent pour rien.
C’est une des raisons pour lesquelles le budget est si important.
Philippe ROCHER
Est-ce que le chauffe-eau solaire est dans les 4,7 millions d’euros ?
Frédéric BUSQUET
Oui, bien sûr. Ce n’est pas tout à fait un chauffe-eau solaire, ce sont des panneaux solaires.
Philippe ROCHER
Est-ce du photovoltaïque ?
Frédéric BUSQUET
Non, c’est bien du solaire, en plus de l’eau, le chauffage est également traité, puisque la chaufferie fait production
d’eau chaude et chauffage. C’est un problème de terminologie.
Cédric HUSSENOT
Vous êtes passé rapidement sur l’aspect hygrométrie. Je sais qu’en isolation par l’intérieur, en rénovation, c’est
une grosse problématique. Nous avons vu sur les autres projets, notamment Saint-Étienne, qu’une étude Wi-Fi
avait été faite, avec du chargement et déchargement d’humidité dans les murs. Cela avait été géré par une
ventilation avec une petite lame d’air. Comment avez-vous prévu cette solution, que vous appliquez sur
l’ensemble des bâtiments que vous nous montrez ensuite comme des monuments historiques ?
93 Frédéric BUSQUET
C’est un vaste sujet. Tout le monde n’a pas les réponses, ou nous ne les avons pas obtenues de tout le monde.
D’ailleurs, ce n’est pas sur ce programme mais sur un autre à Saint-Étienne que nous avons appareillé, afin de
vérifier l’hygrométrie et les transferts pouvant être faits. Aujourd’hui, nous avons en effet travaillé sur la
ventilation, notamment des planchers, ce sujet étant le plus sensible. Tous les planchers conservés sont donc
ventilés étage par étage. C’était une volonté, avec l’ABF, de trouver cette solution, d’utiliser des freins-vapeurs, et
non des pares-vapeurs, et la notion de ventilation. D’après les calculs faits par le bureau d’études thermiques, il
n’y avait pas de problématique, mais nous n’avons aucun retour à ce sujet.
Cédric HUSSENOT
Il y a donc eu un calcul Wi-Fi, mais il n’y a pas eu de lame d’air. Est-ce que c’est cela ?
Frédéric BUSQUET
Si, nous avons ventilé tous les planchers.
Cédric HUSSENOT
Les planchers l’ont été mais pas les murs. Je parle des murs extérieurs en contact avec la pluie.
Frédéric BUSQUET
Non, ceux- ci n’ont pas été ventilés.
Guillaume BOUTTE, président de l’IRFTS, ingénieur indépendant
Ma question porte sur les matériaux, concernant le bâtiment de Valence dont nous avons parlé hier. Nous voyons
que c’est un bâtiment historique. Nous avons mis en œuvre de matériaux avec, à l’intérieur, des murs en pierre
conservés, jointés à la chaux, ou je ne sais comment, ce qui, en termes d’hygrométrie, cela présente un intérêt
certain. Pour le reste des murs, nous avons vu une mise en œuvre des matériaux que vous jugez très complexe.
Pour ce cas de bâtiment ancien, pourquoi ne pas être partis sur des matériaux plus anciens mais peut-être aussi
faciles à mettre en œuvre dans ce type de bâtiment ?
Frédéric BUSQUET
Je parlais de choses simples. Nous ne pouvons pas traiter tous les sujets. Le HQE, avec des choix de matériaux,
va encore engendrer des surcoûts, des épaisseurs. Nous avons tout de même choisi des produits du commerce
relativement connus.
Guillaume BOUTTE
Ils sont, certes, connus mais difficiles à mettre en œuvre. Le discours d’hier était le même. Le problème est la
mise en œuvre et la durabilité de ces matériaux.
Frédéric BUSQUET
Je suis d’accord. Le problème principal est l’étanchéité à l’air, après quoi il faudrait traiter la question de la
maçonnerie. Aujourd’hui, nous avons des bâtiments très hétérogènes, et ré-enduire toutes les faces intérieures à
la chaux n’est pas si simple, du fait de la présence de colombages en bois, par exemple. Nous n’étions pas sûrs
du résultat. Là aussi, nous avons des risques de fissuration, et cela a été l’objet de nombreuses discussions.
Guillaume BOUTTE
Comme vous l’avez dit, vous n’êtes pas sûrs du résultat, puisque vous ne connaissez pas la durabilité des
matériaux et que, visiblement, les indications du fabricant ne sont pas très claires.
94 Frédéric BUSQUET
Non, même si les freins-vapeurs sont utilisés depuis très longtemps. Il y a également un problème de
maintenance sur site et d’attention des utilisateurs, ces derniers devant être formés.
Philippe ROCHER
Travaillez-vous avec des matériaux traditionnels et obtenez-vous des résultats identiques ?
Guillaume BOUTTE
Je travaille avec des matériaux traditionnels, mais je n’obtiens pas des résultats identiques sur tous types de
bâtiment. Sur certains types de bâtiments comme celui-ci, je pense qu’en termes d’étanchéité à l’air et de
régulation hygrométrique…
Philippe ROCHER
Et en termes de performance énergétique ?
Guillaume BOUTTE
En matière de performance énergétique également. Nous ne rentrons plus dans un problème de mise en œuvre
avec ce type de matériau, car ces mises en œuvre sont très connues. Cependant, il nous est également difficile
de trouver des personnes capables de le faire.
Philippe ROCHER
Merci pour ce témoignage.
Sylvaine LE GARREC
Pour moi, ce n’est pas vraiment un projet de rénovation de copropriété, puisque, si j’ai bien compris, il y a eu une
substitution de la copropriété par le groupe Créquy. Visiblement, les occupants ont été relogés ou délogés suite à
un processus d’acquisition des appartements. Est-ce intégré dans le coût présenté ? J’imagine que, de ce fait, les
copropriétaires ont dû renoncer à leur accession à la propriété. Cela pose également la question de la
reproductibilité, puisqu’il n’est pas possible de racheter toutes les copropriétés de France pour entreprendre des
travaux de cette ampleur.
Frédéric BUSQUET
Nous sommes dans une situation de renouvellement urbain. Contrairement à ce que l’on peut penser, beaucoup
se font. Quand les copropriétés n’ont malheureusement pas trouvé la solution, elles arrivent à un niveau amenant
à une déclaration d’utilité publique, faisant entrer dans le système Malraux. Aujourd’hui, les copropriétaires ont
racheté à but locatif. Nous sommes donc bien dans un système à but de défiscalisation. Hélas, leurs prévisions
pour le budget travaux étaient bien en deçà de la réalité, et leur opérateur était défaillant. Les copropriétaires se
sont retrouvés autour de la table avec un immeuble vétuste dont ils ne pouvaient à bien la rénovation. Faute de
budget, ils se sont retrouvés avec un bien dont la destination ne pouvait pas fonctionner. Ces copropriétaires
étaient tout de même présents, avaient leurs représentants, assistaient aux réunions de chantier, nous ont suivis,
mais il est vrai qu’ils ont fait confiance à un opérateur qui a pu les guider tout au long du trajet.
Philippe ROCHER
Les copropriétaires à l’arrivée étaient-ils les mêmes qu’au départ ?
Frédéric BUSQUET
Nous nous inscrivons dans une logique de renouvellement urbain, comprenant une politique de relogement. En
effet, cette problématique de relogement est intégrée dans le coût global de l’opération. Aujourd’hui, ce travail est
95 toujours fait en association avec les villes. Une ville ne va pas exproprier, elle va reloger. Nous sommes ici pour
mettre les personnes à la porte, mais pour leur retrouver un logement. Parfois, il s'agit de leur retrouver un
logement sur une période donnée, puis de les faire revenir. Par exemple, à Saint-Étienne, sur une copropriété
BBC, la moitié des habitants de l’immeuble est partie durant les travaux, puis elle est revenue.
Sylvaine LE GARREC
Cela ne peut fonctionner que pour des copropriétaires bailleurs uniquement, car s’il s'agit de propriétaires
occupants, le relogement va aussi avec l'appropriation de leur logement, soit une expropriation.
Frédéric BUSQUET
Oui. Dans certains cas, un rachat global du foncier est fait.
Philippe ROCHER
Une dernière question de la salle… Présentez-vous.
Question de la salle
Je suis en maîtrise d'œuvre. Ma question : qui a réalisé la formation des opérateurs qui ont effectué l'étanchéité
des logements ? Est-ce un fabricant ?
Frédéric BUSQUET
Nous avons travaillé avec une association locale appelée « La Terre », dont le rôle est de faire le lien et de
repérer les situations délicates et de travailler dessus. Cette association organise, très en amont, ces formations,
comme en 2009, où des entreprises ainsi que des bureaux d'études y participaient. L’amusant était que tout le
monde se remettait à la page. Cette association travaille aussi en corrélation avec la ville, l’ANAH… et le groupe
fonctionne très bien.
Philippe ROCHER
Merci pour ces réponses. Je vous propose de passer au projet suivant qui va changer un détail. Nous allons
étudier cette fois-ci une maison individuelle datant du XVIIIe siècle avec une partie qui date même du XIIe siècle à
e
Cluny en Saône-et-Loire. La particularité de ce projet est de franchir l'espace-temps pour passer du XII siècle
jusqu'à la RT 2020. Nous allons écouter le témoignage du maître d'ouvrage de cette opération en vidéo.
Il est rare au cours des rencontres de la performance énergétique de trouver sur scène le maître d'ouvrage, le
maître d’œuvre et l'entreprise qui a réalisé 90 % des travaux. Il est chargé de mission Bâtiment et Utilisation
rationnelle de l'énergie (URE) à la direction Bourgogne de l’ADEME. Première question : est-ce plus facile en
travaillant à l’ADEME d'obtenir une de ses subventions ?
Lionel COMBET
Non, pas du tout. Cette opération a été réalisée avant même que je travaille à l’ADEME. En l'occurrence, le fruit
de cette réhabilitation a été ma carte de visite pour être embauché à l’ADEME. La particularité du parcours de
terrain a en effet attiré l'attention, et cet élément me sert tous les jours dans mon activité professionnelle.
Philippe ROCHER
Avez-vous vous-même réalisé les travaux ?
Lionel COMBET
C'est vrai pour une grande partie. Cette expérience est aux antipodes des projets présentés, et malgré moi, j'ai un
peu toutes les casquettes, mais elle reste assez proche des autres opérations. En effet, cette opération a eu
quelques déconvenues liées au manque de compétences de certains intervenants. La période 2006-2007 était au
début de la basse énergie en France, et j’ai été confronté à des opérateurs qui n'étaient pas prêts à ce niveau
d'exigence. Mais les personnes ont joué le jeu, et les artisans que j'ai fait intervenir pour l'essentiel étaient très
motivés.
96 Philippe ROCHER
Sur le film vidéo, il est possible de voir la réalisation terminée, soit les 340 m² SHON. Nous allons regarder, plus
en détail et en vidéo avec vos commentaires, ce qui se cache derrière ces épaisseurs de peinture et d'enduit.
Lionel COMBET
Le premier élément par rapport à la situation urbaine dans la diapositive suivante est ce secteur urbain dense.
C'est une maison mitoyenne sur deux faces. Elle est constituée de deux blocs complètement indépendants. Elle
possède une cour intérieure complètement minérale et bétonnée qui n'était même pas à l'origine un espace vert.
Elle a servi à mon imaginaire pour constituer le cœur de cette maison. Au niveau de la volumétrie, comme il
n’était pas possible d’intervenir sur l'extérieur, l'essentiel a été de chercher à tourner la maison vers son cœur,
soit autour de cette cour pour diffuser la lumière à l'intérieur du bâtiment. La maison en elle-même n'est pas un
bâtiment sauvegardé. Elle n'est pas classée. Mais nous sommes dans le format du logis clunisien, soit un format
assez contraint dans lequel les pièces de 8 m x 4 m avec une toute petite fenêtre en bout demeurent assez
sombres. Pour tirer parti de toute cette volumétrie, il a fallu faire un grand travail d'ouverture en sous-œuvre et
surtout chercher à décloisonner ces fameux logis qui correspondaient à une habitation.
Philippe ROCHER
Ce périmètre clunisien entraîne le fait que votre maison est construite avec des pierres de l'abbaye de Cluny.
Lionel COMBET
Le quartier a été construit pour l'essentiel avec les pierres de démolition de l'abbaye de Cluny. Pour la petite
histoire, l'ordre clunisien était un ordre religieux tout puissant qui mettait à mal la papauté de l'époque, raison pour
laquelle Saint-Pierre de Rome a été construit en réplique de l'abbaye de Cluny et ne fait que 3 m de plus en
longueur que l'abbaye de Cluny à l’époque.
Philippe ROCHER
Ainsi, dans votre maison, beaucoup de parois froides ont dû être réduites.
Lionel COMBET
Le parti pris autour de cette cour centrale et la création de cette verrière ont permis de réduire une part
importante des parois froides et de pouvoir jouer sur la compacité du bâtiment au même titre que l'avantage
gagné concernant l'agrément pour la vie quotidienne. Au-delà de la volumétrie, un travail important a été fait, un
peu comme le cas précédent. La maison a été vidée du sol au plafond. Seule « la peau extérieure » de la maison
a été gardée. Tout a été pratiquement repris afin de s'affranchir de cette contrainte initiale, c'est-à-dire celle du
format des logis. Tous les planchers intermédiaires ont été repris afin de traiter la question des ponts thermiques.
Les quelques planchers qui ont été refaits en béton, la deuxième photo le montre très bien, ont été réalisés de
telle sorte que les dalles ne sont pas connectées au mur extérieur pour éviter les ponts thermiques. Et chaque
mur de refend a été traité pour le désolidariser des parois froides sans compromettre la stabilité du bâtiment.
Ainsi, un gros travail a été fait sur ce point.
Philippe ROCHER
Alors lame d’air ou pas lame d’air ? pour répondre à la question de tout à l'heure.
Lionel COMBET
97 En effet, nous sommes ici sur de la pierre maçonnée avec des murs qui font 50 cm d'épaisseur avec comme
particularité que les fondations sont dans la nappe phréatique. Ainsi, la prise en compte de l'humidité reste un
facteur très important de la réhabilitation. Je ne peux pas dire que les choix constructifs qui ont été faits
aujourd'hui sont totalement efficaces, car il s'agit d'un pari fait sur une démarche un peu empirique. J’ai été
cherché des conseils en Allemagne. Je n’étais pas à l’ADEME et je ne connaissais pas non plus tous les réseaux.
Je me suis beaucoup appuyé sur les exemples de réhabilitations allemandes qui, pour certains produits utilisés,
mettent en place des freins vapeurs hygrovariables qui permettent de traiter ce problème résiduel d’humidité dans
les murs, en particulier sur les parties mitoyennes. En effet, quand ce choix est fait, il n’est pas possible de savoir
ce qui se passe derrière le mur. On ne sait pas si on peut compter sur notre voisin pour « apurer » l’humidité dans
les murs. Il faut être capable de gérer par soi-même.
Philippe ROCHER
Ventilez-vous ?
Lionel COMBET
Oui, avec une ventilation double flux.
Philippe ROCHER
Et concernant la lame d’air, la ventilation haute et basse ?
Lionel COMBET
La lame d’air n’est pas ventilée. On s’est désolidarisé du mur pour éviter un engorgement de l’isolant, d’une part,
et puis nous avions de faux aplombs très importants, de plus de 20 cm, sur l’équivalent de deux étages. Cette
contrainte était plus technique qu’hygrométrique.
Philippe ROCHER
L’échelle n’est pas respectée, car 50 cm d’épaisseur de mur ici signifient 30 cm d’isolant.
Lionel COMBET
Nous avons 20 cm d’isolant en ouate de cellulose, soit l’épaisseur intrinsèque de l’isolant auquel sont rajoutés les
vides techniques de part et d’autre. Cela, répété deux fois sur la largeur d’une pièce, enlève bien 50 cm.
Philippe ROCHER
Combien de mètres carrés ont été perdus ? Il reste quand même 330 mètres carrés.
Lionel COMBET
Je n’ai pas fait le calcul. L’ouverture faite en sous-œuvre pour faciliter les communications entre les pièces a
apporté une telle respiration au bâtiment que j’ai vu cela plus comme une plus-value qu’un manque à gagner.
L’ossature bois a été construite en intégralité, en double peau. Elle a permis de traiter la question de l’étanchéité
à l’air, avec un réglage de l’ensemble des détails comme il se doit. L’isolation n’a pas été traitée de façon
uniforme sur toutes les parois. Si nous avions souhaité le faire, comparativement à une maison d’habitation isolée
neuve, cela aurait été une gabegie financière. La situation des murs et des volumes auxquels étaient adossées
les différentes pièces a été prise en compte, selon le schéma en haut de l’écran. Sur les murs adossés à des
volumes chauffés, l’isolation réalisée a été bien moins importante, soit 10 cm. Il s’agit d’un pari, car nous avons
considéré qu’il n’y a pas de raison que ces habitations soient remises en cause à terme. Il est vrai que si ces
appartements devaient être vacants un jour, il existe un risque d’avoir un peu plus de consommation. En
revanche, l’isolation a été renforcée sur les murs froids, ceux exposés aux aléas extérieurs.
Philippe ROCHER
98 Concernant la maison brickstone présentée hier au cœur de Londres par Thomas LIPINSKI, la ventilation doit
être le plus simple possible. Or, vous êtes parti sur une ventilation double flux.
Lionel COMBET
Oui, car elle est liée en partie à cette nécessité de traiter cette question de l’hygrométrie en apportant une
réponse performante. Pour les murs mitoyens, il fallait s’assurer qu’il n’y ait pas une saturation à terme des murs
et qu’en belle saison, une bonne extraction soit possible. Les films micro variables qui servent de freins vapeur
sont ouverts à la diffusion de la vapeur d’eau vers l’intérieur du bâtiment. En belle saison, avec les changements
de la pression atmosphérique et de la température, nous avons théoriquement un assainissement de l’isolant
pour le préparer à l’hiver suivant.
Philippe ROCHER
Et pour votre double flux, où avez-vous passé les gaines ?
Lionel COMBET
Concernant la ventilation double flux, nous nous sommes servi des communications existantes entre les
différents niveaux, soit les anciens conduits de cheminées qui ne sont plus en fonction aujourd’hui. Pour le reste,
le parti pris a été de réaliser cette ventilation de façon apparente, dans cette idée du loft. Ainsi, elle n’est pas
contradictoire avec l’esprit des lieux. Voici un petit aperçu entre l’avant et l’après. Un grand travail de fond très
important et d’imagination au départ a été fourni.
Philippe ROCHER
Qu’aperçoit-on au centre sur la vidéo ? Est-ce un ancien puits ?
Lionel COMBET
C’est typiquement un puits. Historiquement, il en existait un dans cette cour. Quand la dalle a été cassée, nous
avons aussi découvert des fragments de pierres de l’abbaye qui ont été restitués au stock lapidaire de la
commune. Cela fait partie des joyeuses surprises motivantes.
Philippe ROCHER
Avez-vous eu l’idée de mettre en place une pompe à chaleur sur nappe ?
Lionel COMBET
Nous y avons réfléchi, mais le débit de nappe était tellement faible que nous n’avions pas la certitude de
répondre à nos propres besoins de chauffage. Et puis, cette nappe est partagée avec nos voisins immédiats. Or,
je me suis dit : « S’ils avaient un jour la même idée, nous serions tous très mal ». C’est pourquoi cette idée a été
tout de suite écartée.
Philippe ROCHER
Regardons en détail l’intérieur du système. Vous avez eu un contrat de suivi de cette installation par l’ADEME.
99 Maxime BOUDOT
Tout à fait, l’ADEME nous a missionné pour instrumenter 42 sites qui entraient dans le cadre d’appels à projets
lancés par la région Bourgogne. La maison de M. COMBET était un des sites qui a été instrumenté de façon
lourde, c’est-à-dire à tous les niveaux de consommation, soit le chauffage, l’eau chaude sanitaire, la ventilation,
tous les postes de consommation d’électricité, nous permettant ainsi d’avoir une vision globale.
Philippe ROCHER
Combien de points de mesure au total ?
Maxime BOUDOT
Au moins 30 – 35 mesures. Des petites pinces ampère métriques sur les départs électriques au niveau des
armoires électriques alimentant chaque équipement de la maison ont été posées ainsi que des compteurs
d’énergie thermique et des petites prises qui permettent de compter ce que consomment les ordinateurs, le
réfrigérateur, etc. Toutes ces données sont télé relevées puis post-traitées. Pour l’instant, cette instrumentation
n’a que six mois de recul. Elle a été commencée seulement au 13 janvier 2012. L’enregistrement continue à
l’heure actuelle. Et ces données ont été récupérées le 15 juin. Par extrapolation, ces chiffres fournis ont été
comparés à ce qui avait été prévu dans les calculs en phase étude. Concernant les consommations tous usages,
il avait été prévu en consommation prévisionnelle 85 kWh d’énergie primaire par mètre carré SHON par an. En
extrapolation de nos résultats sur six mois et en suivant la tendance actuelle de cette maison, elle serait de
50 kWh d’énergie primaire, soit nettement en dessous de nos prévisions. C’est un point positif. Une part de
comportemental reste très importante dans les bâtiments basse consommation, et ceci est bien vu en niveau de
l’eau chaude sanitaire.
Concernant la répartition des consommations électrique par usage, tous les postes ont été instrumentés. Il est
intéressant de remarquer que les plus grandes parts des consommations électriques sont dues aux auxiliaires de
chauffage (c’est-à-dire la pompe de circulation qui marche en permanence au niveau du bouclage d’eau chaude
sanitaire) suivis du réfrigérateur. Tous deux sont les deux gros postes de consommation électrique dans la
maison. Puis, on retrouve le lave-vaisselle. Et le lave-linge est branché sur le chauffe-eau solaire ce qui
augmente les performances de l’installation solaire.
Sur ce graphique, il est possible de voir la couverture solaire sur les six mois instrumentés. Elle apparaît en rouge
et l’appoint en bleu. L’installation n’est pas optimale en termes d’implantation de capteurs. Leur inclinaison est de
15 degrés avec une orientation ouest. Malgré tout, les performances sont assez bonnes avec une productivité
solaire sur les six mois de 234 kWh par mètre carré et une couverture solaire de 64 % jusqu’à présent. L’objectif
sur l’installation solaire en termes de productivité était basé sur 450 kWh par mètre carré de capteurs. Ces
données étant arrêtés au 15 juin et l’été qui n’a pas encore été exploité, cet objectif devrait être atteint sans
difficulté.
Les pièces ont aussi été instrumentées afin d’enregistrer les températures et leur hygrométrie. Ici, sur le
graphique, il est décrit le comportement de la maison la semaine la plus froide. En bleu, il s’agit de la température
extérieure avec son échelle à droite, en rouge le salon et en vert la chambre. Il est intéressant de constater qu’au
niveau du salon, la température est régulée de manière quasi instantanée par rapport à la température extérieure,
malgré la présence d’un plancher chauffant dans cette pièce, sachant que la température de consigne est de
21 °C. À la mi-journée, il est enregistré 20,5 °C, montrant une bonne régulation. En revanche, au niveau des
chambres, cela est moins flagrant, moins régulier. On distingue moins bien les réduits. Les chambres sont
équipées de radiateurs avec des têtes thermostatiques classiques. Il ne s’agit pas de têtes électrothermiques qui
sont plus pointues au niveau de la régulation. Ceci est un choix financier du maître d’œuvre, car l’amortissement
de ces têtes thermostatiques électrothermiques n’était pas justifié pour ce cas-là. Sur la gauche, il s’agit des
températures intérieures et sur la droite, celles de l’extérieur. Et ici, il est noté les heures de la semaine la plus
froide, soit du 3 au 10 février 2012.
Philippe ROCHER
Comment ressentez-vous le fait d’être fliqué ainsi tout au long de la journée, de la semaine et dans toutes les
pièces ?
Lionel COMBET
100 Je n’en souffre pas. Je n’ai pas la crainte de Big Brother. J’apprécie cette expérience, car il s’agit d’une approche
par la pratique, au sens où j’ai de la chaux sur les mains, et cela est très bon enseignement. Il me sert au
quotidien dans mon activité professionnelle d’aujourd’hui. Et puis, j’ai les retours concrets des imperfections du
bâtiment qui est loin d’être parfait et des limites de l’ensemble du système. Je me livre très volontiers et avec joie
à ce suivi, car je suis le premier à penser qu’il est riche d’enseignements. Nous n’avons pas encore fait le tour de
tout ce qui peut être appris de ce genre de situation.
Philippe ROCHER
Êtes-vous déclaré à la CNIL, car vous gérez des informations à caractère confidentiel et commercialement
sensibles ?
Comment faites-vous ? Presque sans rire, l’avez-vous déclaré à la CNIL ?
Maxime BOUDOT
Non, ce fichier n’est pas déclaré à la CNIL.
Philippe ROCHER
Mais le jour où vous allez avoir la ville entière en suivi ou en télé-suivi et en enregistrement de données, il faudra
faire quelque chose.
Maxime BOUDOT
Pour l’instant, ces données ne sont pas diffusées. Elles restent entre nous.
Philippe ROCHER
Une dernière question sur les énergies renouvelables. Vous avez un chauffe-eau solaire, or vous êtes en zone
classée. L’ABF vous a-t-il mené la vie dure ?
Lionel COMBET
Non, j’ai de bonnes relations avec cette personne qui a été associée au bon moment au projet en particulier lors
de la validation du permis. Nous ne l’avons pas mis devant le fait accompli, et de fait, tout s’est toujours très bien
passé. Un antécédent historique au niveau de Cluny existe. À l’époque, des Allemands qui avaient une résidence
secondaire sur le Clunysois avaient intenté un procès contre l’ABF, car il leur avait été interdit de poser des
capteurs solaires thermiques, leur maison étant dans un périmètre de moins de 300 mètres par rapport à l’église
du village. Or, l’ABF a perdu, et cette décision a fait jurisprudence. C’est pourquoi maintenant, l’ABF n’a plus pour
marge de manœuvre que de finir avec les propriétaires comment l’intégration dans la toiture peut se faire au
mieux. Ainsi, pour nous, ce fut assez facile.
Philippe ROCHER
A-t-il ses têtes ? A-t-il ses marques ou ses modèles ?
Lionel COMBET
Pas du tout. Il n’est pas opposé au contemporain, même en extérieur, car il a conduit un projet très contemporain
de réhabilitation dans le périmètre sauvegardé qui visait à créer un restaurant scolaire pour l’école d’ingénieurs
de l’INSAM. Il est possible aujourd’hui de se permettre avec cette personne un certain nombre d’audaces à
condition de lui donner la parole au moment opportun et de vouloir l’entendre aussi.
Philippe ROCHER
101 Il n’a pas vraiment le choix, car de nombreux jeunes ingénieurs diplômés de l’INSAM sont très pro-énergies
renouvelables dans les entreprises et dans les bureaux d’études. Votre réaction à tout ce qui a été dit.
Julien MICHET
Je n’ai pas beaucoup de réactions dans les choix techniques qui ont été faits. Ma première question serait sur le
choix de la ouate de cellulose et la laine de bois. Est-ce bien une volonté de faire appel à des isolants biosourcés ? Puis, ce qui m’intéresse reste l’aspect des tous usages. Il est souvent question des cinq usages
réglementaires. Or, l’électrodomestique casse ce modèle. Quel est votre sentiment au niveau du suivi ? De quelle
manière avez-vous établi l’état initial ? Avez-vous fait la liste de votre électroménager avec leur étiquette
respective, comprenant les veilles laissées en place, etc. afin d’observer comment il se comportait ? Même si le
suivi n’est que de six mois, quel est votre regard sur la part des cinq usages réglementaires et du reste ?
Lionel COMBET
L’état des lieux initial a été fait sur un plan totalement théorique, car le bâtiment n’était plus occupé depuis plus de
trois ans. Il a été fait avec des valeurs moyennes choisies par le bureau d’études qui nous promettait d’être dans
les rails. Notre projet étant le plus ambitieux possible et dans une étape post étudiante avec très peu
d’électroménagers, nous avons fait le choix d’investir dans des appareils qui nous laissaient présager de bons
résultats. Ainsi le lave-vaisselle et le lave-linge sont équipés d’un matériel qui nous a permis de les brancher sur
l’eau chaude. Mais a priori, notre position n’est pas bonne pour espérer de très bons résultats, car les conditions
de panneaux solaires n’ont rien à voir avec les prescriptions aujourd’hui des qualifications Qualisol, ce qui a valu
à l’entreprise qui a fait l’installation de perdre sa qualification. Elle n’était pas conforme, car elle n’était pas plein
sud à 45 degrés, mais plein ouest à 15 degrés par rapport à l’horizontale. Aujourd’hui on tarde à prendre en
compte l’existant et d’autres réalités. Nous sommes toujours sur des données et des approches macro, et il serait
temps d’entrer dans des considérations plus fines. Utilisant ma casquette ADEME et ayant un peu de recul, je
vois que beaucoup de choses restent à faire dans l’ancien, et je suis très surpris des résultats. Les objectifs fixés,
soit le BBC réhabilitation, sont atteints, et nous sommes même sur un standard qui est celui du passif avec une
enveloppe ayant ses imperfections que je vois au quotidien, sans faire de détails. C’est pourquoi je ne pensais
pas parvenir à ce résultat.
Philippe ROCHER
Avez-vous en des conditions météo ou d’ensoleillement particulièrement favorables ?
Lionel COMBET
Sur le plan du confort, nous avons eu un été avec une période caniculaire, et sur le plan hivernal, quinze jours ont
été très froids. Je ne sais pas si cela correspond à des conditions normales sur une période de trois années, par
exemple, si l’on prend les données journalières. Mais ces conditions extrêmes ont montré un très bon
comportement du bâtiment en général.
Maxime BOUDOT
Concernant le confort dans le bâtiment, nous avons analysé la semaine la plus froide, et au sujet de la semaine la
plus chaude, la température dans la maison ne dépasse pas 28 °C, sachant que la verrière de cette maison n’est
pas favorable pour ces surchauffes, mais elle permet a contrario de réaliser une sur ventilation nocturne.
Concernant les consommations tous usages dans le cadre des appels à projets, une opération poussée est faite
pour calculer le niveau de consommation atteignable prévisionnelle. Tout ce qui sera mis en place dans la maison
est pris en compte. Nous n’avons pas réalisé cette étude-ci, mais je sais comment cela se passe. Autour d’une
table avec le maître d’œuvre, nous listons ensemble tous les appareils afin de coller au plus près du
comportement futur du bâtiment et de ses installations.
Julien MICHET
Dernière question, la sensibilisation des occupants s’est-elle bien passée ?
Philippe ROCHER
102 Excellent, je voulais lui demander s’il allait se faire un Contrat de performance énergétique (CPE) à lui-même.
Lionel COMBET
Cette question est loin d’être idiote, car j’ai deux enfants et c’est un travail de tous les jours.
Philippe ROCHER
Très bonne réponse. Avez-vous des questions pour nos invités ? Est-ce suffisamment clair, détaillé, précis ?
Bien, nous allons passer à la troisième présentation de cette matinée. Nous allons regarder en vidéo la
e
rénovation d’une copropriété située en plein cœur de Paris dans le XII arrondissement, pas très loin de la gare
de Lyon, juste à côté du marché d’Aligre ouvert six jours sur sept. Le responsable de cette copropriété va nous
expliquer les motivations de ces travaux. Comment ont-ils été organisés ? Puis, nous reviendrons sur des sujets
évoqués lors de la première table ronde.
Philippe ROCHER
Nous avons pour parler de ce projet Florian VAUJANY, responsable de l'activité Copropriétés à l’Agence
parisienne du climat (APC) et Julien MICHET, ingénieur thermicien, gérant du bureau d’études ENERA
CONSEIL, évoqué dans le film et basé à Meudon dans les Hauts-de-Seine. Nous allons commencer avec Florian
VAUJANY. M. ANDRIEU, président de conseil syndical, précise que l’APC les a suivis depuis le début. Pourquoi
sont-ils venus vous voir ? Comment tout ceci a-t-il commencé ? Comment travaillez-vous avec les copropriétés ?
Florian VAUJANY
Je fais faire un premier lieu le bilan de la copropriété avant de décrire étape par étape cet accompagnement, car
ils ont sollicité la première fois en fin 2009-début 2010. Cette copropriété compte 110 lots bâtis en 1971 en
chauffage collectif et en eau chaude sanitaire gaz, dont 75 % de propriétaires occupants qui se sont approprié
leur logement dans les années 70-80 au moment de la construction. Cette copropriété fait partie des 47 000
copropriétés parisiennes. Mais nous n’avons pas la chance d’accompagner toutes. Ce bâti n’est pas typique
parisien qui est composé de petites copropriétés anciennement fin XIXe-début XXe siècle avec 25 à 30 lots. En
revanche, ce type de copropriétés nous sollicite c’est-à-dire une copropriété ayant un chauffage collectif, 80 à 150
lots et faisant partie des 10 % du bâti parisien construit pendant les Trente Glorieuses. L’accompagnement dont a
bénéficié cette copropriété s’intégrait dans un dispositif appelé « Copropriétés Objectif Climat ». Il existe depuis
2008 et sera poursuivi l’an prochain. Il compte d’une part une subvention à l’audit énergétique de 70 % du
montant HT pour la réalisation d’un audit énergétique avec un bureau d’études thermique, soit ENERA CONSEIL
pour cette copropriété. En effet, ce financement montre une implication des politiques publiques importantes, car
il vient de la ville de Paris, de l’ADEME et de la région Île-de-France. À cette subvention s’ajoute
l’accompagnement par l’APC, et par des conseils INFO ÉNERGIE, car cette agence est porteuse du dispositif
Espace INFO ÉNERGIE pour la commune de Paris.
Voici les trois grandes étapes d’accompagnement des copropriétés, notamment celle de la Place d’Aligre. Ils
nous ont sollicités en 2009-2010 par la réalisation d’un bilan énergétique simplifié. Cette copropriété est
adhérente à l’ARC – j’anticipe la question – et ce bilan énergétique simplifié permet de réaliser un bilan des
consommations d’énergie. C’est un excellent outil de pédagogie utilisé au quotidien dans l’accompagnement des
copropriétés. On y intègre les consommations d’énergies des trois, quatre, cinq dernières années corrélées au
degré jour unifié ce qui permet de niveler les hivers à rigueur équivalente. Cet outil montre ainsi aux
copropriétaires si la copropriété est dans une dérive énergétique. Ceci est assez flagrant quand une hausse des
consommations hiver par hiver est démontrée. La copropriété a voté lors de l’AG de mai 2010 une enveloppe
budgétaire pour solliciter des bureaux d’études dans le cadre de ce dispositif, ce qui a permis de choisir ENERA
CONSEIL qui était en concurrence avec d’autres bureaux d’études sur la base d’un cahier des charges fourni par
l’APC et rédigé par les conseillers INFO ÉNERGIE, l’ADEME, la Région et la ville de Paris.
Philippe ROCHER
Est-ce vous ou les aidez-vous à dépouiller ? Puis, ils vous envoient une grille de notation. S’ils le font tout seuls,
le critère est-ce juste celui du montant ? Aidez-vous la copropriété à retenir le bureau d’études ?
Florian VAUJANY
103 Nous sommes en relation directe avec le conseil syndical et le syndicat, qui joue un rôle important, car il est
souvent lui-même le bénéficiaire de la subvention. Le cahier des charges et la liste des bureaux d’études sont
fournis. Puis la copropriété nous resollicite avec des devis. Notre rôle est d’accompagner la copropriété dans le
choix d’un devis sans l’orienter vers un professionnel en particulier. Nous essayons d’identifier avec la copropriété
des critères de qualité que ce soit des labels comme l’OPQIBI, ou l’utilisation des logiciels. Souvent les
copropriétés nous questionnent sur les logiciels de simulation utilisés. Est-ce un logiciel réglementaire ? Est-ce un
logiciel statique ? Peut-il être libre ou être ajusté ? A-t-on besoin d’une simulation thermique dynamique (STD) ?
Toutes ces questions sont posées ensemble avec la copropriété pour pouvoir choisir un bureau d’études qui sera
adapté au contexte de la copropriété.
Philippe ROCHER
Avant de rentrer dans le résultat de l’audit énergétique, sur le transparent précédent il était noté :
« Accompagnement des copropriétés par des conseillers de l’agence parisienne du climat », j’ai traduit par des
CIE, conseillers INFO ÉNERGIE, dont nous avons déjà parlé ce matin. Combien de temps vos conseillers
passent-ils avec une copropriété comme celle-ci ? Sur quelle échelle de temps ? Comme cela se déroule-t-il ?
Florian VAUJANY
Ici, c’est spécifique. Deux cents copropriétés nous sollicitent chaque année. Cela va de la simple question – doisje faire une isolation thermique par l’extérieur avec mon ravalement ? – à une copropriété comme cet exemple qui
a une approche globale et collective importante. Ainsi, nous pouvons passer par an entre cinq, six, sept jours sur
ce type de copropriétés.
Philippe ROCHER
Est-ce gratuit pour elle ?
Florian VAUJANY
Oui, car cela entre dans le cadre du dispositif Espace INFO ÉNERGIE. De plus, la ville de Paris et l’ADEME
subventionnent un accompagnement de copropriétés. Il est neutre et gratuit au même titre que lorsque vous
entrez dans un Espace INFO ÉNERGIE. Rien n’est à débourser pour la copropriété.
Philippe ROCHER
Afin de continuer à exister et d’embaucher plus de conseillers, quelques Espaces INFO ÉNERGIE, tout en restant
complètement neutres – ce qui reste un peu délicat –, font la même chose que vous, puis proposent des
prestations plus précises contre rémunération qui n’ont rien à voir avec l’offre de service d’un bureau d’études.
Faites-vous cela ?
Florian VAUJANY
L’APC ne le fait pas. Notre politique est d’inciter à se faire accompagner par un professionnel de la rénovation
énergétique en sollicitant des bureaux d’études, des architectes formés sur ces questions énergétiques. L’agence
n’a pas vocation de se substituer à une assistance à maîtrise d’ouvrage, à une maîtrise d’œuvre sur les phases
d’audit.
Philippe ROCHER
Vous avez donné le nombre de copropriétés que l’APC accueille par an, de la simple question à un suivi plus
complet. Quel est le pourcentage ou le nombre de suivis poussés ?
Florian VAUJANY
Sur les deux cents copropriétés qui nous sollicitent, nous pouvons identifier 60 à 90 copropriétés comme étant
pilotes, c’est-à-dire une typologie de bâti qui nous intéresse tout particulièrement, la présence de leaders
énergétiques. Dans cet exemple, M. ANDRIEU, président du conseil syndical, est un personnage. Il a porté le
projet et il incarne l’image du leader énergétique.
104 Philippe ROCHER
Organisait-il des réunions parallèles en dehors des assemblées générales ?
Florian VAUJANY
M. MICHET en parlera un peu plus de sa présence lors des assemblées générales. M. ANDRIEU n’a pas sa
langue dans sa poche, alors que les copropriétaires occupants sont plutôt des personnes âgées et peuvent avoir
des difficultés à engager ce type de fonds.
Philippe ROCHER
Est-ce lui qui avait réalisé ces affichettes « Chauffer la place », « Plus jamais ça » ?
Florian VAUJANY
Oui, lors des résultats de l’audit énergétique, il a beaucoup utilisé les thermographies de façade. Il avait même
loué un café après l’audit énergétique avec le bureau d’études afin de présenter les images de la thermographie
de façade.
Julien MICHET
Tout à fait, la grande force de cette copropriété a été d’organiser des réunions pour communiquer et associer
tous les résidents aux résultats d’études et aux travaux qui allaient être présentés en assemblée. Ainsi, les
débats pouvaient être dépassionnés et toutes les questions techniques ont été traitées en dehors d’une
assemblée où l’on vote les aspects financiers. Le gros point fort de ce programme a été une très grande
communication, ce qui a permis de réaliser un programme global de remplacement des menuiseries qui restent
des parties privatives.
Philippe ROCHER
Pouvez-vous nous présenter les résultats de l’audit, puis nous montrer cette thermographie ?
Florian VAUJANY
Sur la phase travaux, il est difficile d’aller plus vite. La copropriété a démarré sa démarche en janvier 2010 et finit
les travaux en novembre 2012. M. ANDRIEU précisait les deux concours auxquels ils avaient bénéficié. Nous
avons monté deux dossiers avec la copropriété dont un pour le projet Réhab 2 qui permet de bénéficier quand on
est lauréat de subventions pour atteindre des niveaux BBC. Or, le niveau n’était pas assez ambitieux pour en
bénéficier. Mais cela a permis de bénéficier d’une autre subvention régionale, appelée lutte contre la précarité
énergétique et sociale. Elle a été très importante, car sur les 800 000 €, ils ont pu bénéficier de 200 000 € d’aide.
L’idée est d’améliorer de deux étiquettes énergie la performance du bâti et d’avoir la présence de personnes en
situation de précarité énergétique. Ceci a permis de débloquer très facilement en mai 2011 le vote du maître
d’œuvre et le programme des travaux.
Julien MICHET
Je vais vous présenter plus précisément les résultats de l’audit. Nous avons commencé à intervenir sur cette
résidence à partir de janvier 2011 où il nous a été confié l’audit énergétique de ce bâtiment. Cette résidence du
style des années 70 que l’on retrouve beaucoup dans les villes plus récentes, et non pas à Paris compte de
grands ensembles comme une chaufferie collective (eau chaude et chauffage collectif), une absence d’isolation
sur les façades, des menuiseries simple vitrage bois, des problèmes de régulation de chauffage avec des
appartements surchauffés et d’autres sous-chauffés. Tous ces aspects peuvent être retrouvés dans de
nombreuses résidences. Voici des thermographies de la résidence. Elles sont un outil extrêmement important
dans le cadre des audits énergétiques, car ces thermographies permettent une communication très avancée avec
les résidents. Un audit énergétique représente un tiers de pédagogie, soit associer les résidents dès les relevés
ou les visites dans les appartements. Après ils se sentent beaucoup plus concernés, et sont plus aptes à engager
des travaux qui ont des impacts financiers importants. À la fin de ce travail, des réunions spécifiques et
105 pédagogiques sont organisées pour présenter les résultats de l’audit. Le conseil syndical a montré un grand
investissement en faisant des affichages. L’objectif est d’aboutir à des solutions listées par l’audit énergétique qui
allaient de la plus simple à la plus compliquée. Les travaux acceptés par le conseil syndical s’étalent en trois
phases. La première, directement engagée après l’audit, concerne les mesures les plus simples à mettre en
œuvre qui ont un temps de retour sur investissement rapide. Elle traitait la régulation. Si le système de régulation
de l’émission est inexistant dans ces grands ensembles qui ont une chaufferie collective, cela entraîne des
pertes. Ainsi pour chauffer les appartements les plus loin de la chaufferie, il faut surchauffer les plus proches. Le
résultat a été une amélioration de la régulation des chaudières, des vannes d’équilibrages sur les pieds de
colonne et d’autres modifications. Une réduction de plus de 10 % sur les consommations de chauffage a été
mesurée dès la première année.
La deuxième phase envisageait des travaux beaucoup plus lourds afin d’aboutir à un niveau de performance
avancée pour le bâtiment, soit reprendre la toiture qui n’avait qu’une très faible isolation thermique (4 cm
d’isolant), de la renforcer fortement en réglant les problèmes d’infiltration et ainsi de repartir sur une toiture neuve.
Cette phase comprenait aussi le remplacement de toutes les menuiseries. Grâce au conseil syndical couplé avec
l’accompagnement de l’APC, il a été voté en AG ce remplacement sachant que 90 % étaient des menuiseries
simple vitrage d’origine.
Philippe ROCHER
Tout le monde était-il d’accord ? Personne ne sait opposer ?
Julien MICHET
Les discussions avaient eu lieu en amont lors des réunions que nous avions organisées, et le conseil syndical
avait pris le temps de calculer la côte part pour chaque copropriétaire, car chacun paye ses menuiseries. Ainsi,
tout le monde a été d’accord.
Philippe ROCHER
Avec des éco-PTZ pour certains d’entre eux… gérés par M. ANDRIEU.
Julien MICHET
En effet, une des difficultés a été le calcul des subventions individu par individu.
Florian VAUJANY
De plus, dans le règlement intérieur, les fenêtres étaient considérées comme partie collective et non privative.
Philippe ROCHER
Dans le règlement intérieur de la copropriété lors de la construction, celui d’origine ?
Florian VAUJANY
Oui, à la fin, il restait vingt logements récalcitrants. Le travail pédagogique très important du conseil syndical a
permis de réduire le nombre de personnes qui ne souhaitaient pas changer leurs fenêtres. Et en dernier recours,
il existait cet effet du règlement qui n’était pas un détail.
Philippe ROCHER
Les travaux sont-ils achevés ?
Julien MICHET
Les travaux concernant les fenêtres seront achevés fin novembre 2012. La toiture est réalisée. Concernant la
réfection des pignons avec l’ajout de 15 cm d’isolants sur les pignons, il faut attendre que les fenêtres soient
toutes changées. Ces travaux vont commencer d’ici quinze jours et seront terminés en fin d’année 2012. Puis le
dernier point qui n’a pas été voté sur la première AG, mais qui est envisagé par les copropriétaires pour y être
présenté est d’améliorer la ventilation. Pour l’instant, il s’agit de ventilation naturelle. Nous avons fortement insisté
106 sur le fait qu’il faille l’améliorer, bien que le bâtiment ne souffre pas de grosses pathologies observées sur
d’autres bâtiments. Néanmoins, certains appartements sont sous-ventilés. Il est compliqué de venir tout retuber et
d’installer des caissons de VMC, c’est pourquoi il est envisagé ici une ventilation stato-mécanique, soit installer
des groupes de ventilation sur les sorties en toiture qui apportent une aide à la ventilation naturelle. Tout ceci est
prévu pour 2013.
Par rapport au budget annoncé par M. VAUJANY, la partie ventilation ainsi que nos prestations y seront ajoutées,
soit sur un budget global maîtrise d’œuvre de 900 000 €. Il est inclus dans les subventions les parties des
certificats d’économie d’énergie qui seront récupérés, sans oublier les subventions du concours Réhabilitation
durable. Grâce à tous ces travaux, le bâtiment sera labélisé BBC rénovation sur le climat de la région Île-deFrance avec un temps de retour de 15 ans, plus probablement de 13 ans selon l’évolution des énergies, si l’on
déduit les subventions et que l’on se base sur le prix de l’énergie actuel sans considérer une actualisation du prix.
Philippe ROCHER
Cela ne pose pas de problèmes pour les éco-PTZ faits pour certains particuliers ?
Julien MICHET
Le succès de cette opération est lié à un gros investissement du conseil syndical et des résidents. Au pied du
bâtiment se trouve une banque. Le conseil syndical est allé en force négocier des conditions générales à titre
individuel pour chacun comme des facilités de prêts pour l’ensemble de la résidence.
Philippe ROCHER
Quelle est la réussite du projet ? Une banque au rez-de-chaussée, un leader énergétique à l’intérieur…
Florian VAUJANY
Cela résume ce que l’on dit. Le conseil syndical est un moteur évident de cette réussite avec le président de ce
conseil qui a eu une approche étape par étape. Il s’agit ici d’un cas d’école. Ce projet a été très rapide, seulement
trois ans entre le moment où nous avons été sollicités et la réalisation des travaux en fin d’année. Il comprend
l’accompagnement de l’APC à chaque étape dans le cadre du dispositif Copropriétés Objectif Climat, ainsi qu’un
bureau d’études informé et sensibilisé. Il est important d’avoir à ce niveau des professionnels qui vont s’impliquer
sur toute cette dimension pédagogique. Le cahier des charges proposé est technique. Cependant, dans la
mesure du possible, nous forçons les bureaux d’études à avoir un rapport présentable. En effet, nous perdons
beaucoup de copropriétés au moment du rendu de leur rapport, car il manque cette dynamique pour solliciter un
maître d’œuvre, des artisans, etc. Mais si le document est pédagogique avec une personne qui va faire la liaison,
soit les conseillers INFO ÉNERGIE de l’APC, ou solliciter un bureau d’études pour faire une mission d’AMO ?
3.12.43, cela fonctionne très bien. Même s’il a un coût sans la subvention, l’audit est important, car il enclenche la
démarche.
Philippe ROCHER
Bien entendu, tout ceci a été donné par ordre d’importance : le leader énergétique dans la copropriété, l’agence
parisienne du climat. Merci d’avoir rappelé le rôle et l’effet levier des conseils INFO ÉNERGIE. Merci beaucoup.
L’ADEME va être contente. L’aide est en troisième position et enfin le bureau d’études. Quelles ont été les
difficultés dans ce projet ?
Julien MICHET
La majorité des choses ont très bien marché. Les éléments un peu bloquants dans l’avancée de ce projet ont été
la partie financement pour certaines personnes, car il s’agit de budgets relativement importants. Nous sommes à
plus de 7 000 € par appartement. La subvention reste non négligeable, mais elle ne représente que 25 % du
budget, soit un reste à charge important. Ce bâtiment comprend une grande partie de l’arc de cercle de la place
d’Aligre en face des Halles qui sont classées. Tout s’est bien passé avec les architectes des bâtiments de
France. En revanche, quelques complexités sont apparues comme lors de l’installation des échafaudages, car le
marché est ouvert en permanence. Il était difficile de prendre un peu de place sur le trottoir.
Philippe ROCHER
107 Vous n’épinglez pas les architectes, mais la ville de Paris.
Julien BEIDELER
J’ai cru comprendre que cette copropriété comptait 75 % de propriétaires occupants, soit des personnes qui vont
directement bénéficier des baisses de charges. Pour autant, vous annoncez un retour sur investissement de 15
ans ou 13 ans dans le meilleur des cas. Comment ces personnes le prennent-elles ? Arrivent-elles à se projeter à
13 ans ?
Julien MICHET
Les personnes d’un certain âge nous disent de manière ironique : « Monsieur, je ne serais plus là dans 15 ans. »
C’est pourquoi nous essayons par la pédagogie de montrer l’évolution sur les dernières années du coût de
l’énergie dans leur budget. Dans des résidences similaires chauffées au gaz avec parfois des gaspillages, ce
poids est important. M. ANDRIEU annonçait 35 %. Également, le fait de revaloriser le bien est mis en valeur, car
ajouter de l’isolant toiture signifie refaire la toiture, et le bâtiment repart avec dix ans de décennale. Cela est peu
pris en compte en raison du prix de l’immobilier dans l’achat, surtout à Paris. Mais les acheteurs vont de plus en
plus valoriser des biens qui seront plus performants. Or, ici, il est possible d’annoncer une performance BBC
rénovation dans l’existant, soit dans un bâtiment comme celui-là. On retrouve ainsi une partie de l’argent dépensé
dans la vente de l’appartement. Tout ceci fait partie de l’entretien nécessaire du bâtiment, et il faut toujours mieux
agir en amont que dans l’urgence, car remplacer une chaudière au pied levé en plein hiver coûte le double.
Florian VAUJANY
Un des principaux arguments donnés par le conseil syndical fut, en « semi-bluff », celui de rappeler aux
copropriétaires l’histoire des obligations d’ascenseurs, et qu’ils ne sont pas à l’abri que cela soit pareil pour l’audit
et pour les travaux. À l’heure actuelle, le marché des professionnels est disponible. Nous ne sommes pas dans
l’urgence, autant le faire maintenant, cela coûtera moins cher. De plus, il existe des subventions potentiellement
sollicitables.
108 Synthèse du Grand Témoin de la matinée
Philippe ROCHER
Pour réagir face à ces trois projets qui viennent d’être présentés, nous allons demander au grand témoin de la
matinée Philippe ALLUIN de nous rejoindre sur scène. Vous êtes architecte et ingénieur, gérant du Cabinet
ALLUIN et MAUDUIT et gérant de la société REEZOME. Quelle est votre réaction par rapport aux trois projets
présentés en détail (les parties économiques, financières, gestion du projet et relation entre les acteurs),
notamment à leur reproductibilité ?
Philippe ALLUIN
Ces trois opérations sont formidables en tant que telles. Les deux premières sont représentatives des niches
dans lesquelles elles sont, soit la loi Malraux, pour la première qui est plutôt une opération patrimoniale
d’investissement. Concernant la deuxième, tout propriétaire de maison individuelle rêverait d’être à la place de
Lionel COMBET. La troisième est plus représentative du parc de logements qui nous préoccupe, c’est-à-dire celui
construit entre les années 50 et 80. De plus, étant à Paris, cela en fait une opération d’exception, car l’APC est
très active, et peu de communes ont la chance d’avoir toutes ces structures et surtout ce leader énergétique.
Il y a plus de trois ans, la loi de programmation a fixé comme économie d’énergie 38 % à l’horizon 2020. Nous
sommes bien loin d’y parvenir. Nous sommes déjà dans le mur. Le problème est-il technique ? Je ne crois pas.
Les techniques les professionnels en ont l’usage aujourd’hui et maintenant la maîtrise existe. Dans le réseau
d’ingénierie REEZOME, nous avons une quantité de copropriétés pour lesquelles les projets sont dans les
cartons. Ils sont opérationnels, pourtant, ils ne sortent pas.
Le problème est-il financier ? Je n’en suis pas persuadé. Prenons ce dernier exemple, il fonctionne très bien. Le
temps de retour est de 15 ans, mais on dispose d’un éco-PTZ à 15 ans. Tout ceci marche tout seul. Où est le
problème ? À Meudon, l’expérience que nous conduisons compte 2635 logements. 40 % des propriétaires
occupants sont éligibles aux aides. Le projet de rénovation énergétique est financé par la conjonction des
économies d’énergie et des aides. Le contexte français est extrêmement favorable, pourtant cela ne marche pas.
Pourquoi ? En France, on n’aime pas trop la rénovation. La France n’a pas la culture de l’entretien. On est un
pays de maçons, la pierre est faite pour durer. Ainsi spontanément par rapport à d’autres cultures, on n’est pas
très en avance. Puis, 50 % des logements collectifs ont été construits entre les années 50 et 80 en Île-de-France.
C’est gigantesque. Or, cette tranche de bâtiments n’est pas aimée. La France est fâchée avec l’architecture
moderne. Elle commence seulement et maintenant à revenir au-devant de la scène, tout doucement. Ce parc est
composé d’une partie de bailleurs, pour l’essentiel de bailleurs sociaux qui font leur chemin. Tout commence à
fonctionner petit à petit. En revanche, en copropriété, c’est le vide complet.
La deuxième raison en dehors de cette question de rénovation est qu’en copropriété, il n’est pas compris que le
propriétaire décide et raisonne en fonction son propre intérêt. Or, le copropriétaire, ce n’est ni le syndicat ni le
président du conseil syndical. Le copropriétaire est tout un chacun qui va voter ou pas en fonction de son propre
problème, de son âge, de son statut (s’il est pauvre, s’il est riche, s’il est propriétaire bailleur, s’il est propriétaire
occupant), en fonction de sa fiscalité personnelle, en fonction de la fiscalité immobilière, puisqu’il est propriétaire.
Tout ceci a été oublié. Le copropriétaire n’est pas au centre de la réflexion.
Afin de faire avancer le problème, je vous propose quatre pistes. Premièrement, la loi 1965 qui encadre les
copropriétés reste au centre du dispositif. Elle est très dure. L’ARC conduit la barque pour la faire évoluer. Elle
est fondamentale. Mais c’est un leurre de penser qu’il faut attendre qu’elle évolue pour réaliser des rénovations
énergétiques. On n’arrivera jamais à l’objectif en 2020, donc on ne peut pas attendre. En revanche, l’État a une
très lourde responsabilité dans cette affaire de publications des décrets des travaux d’intérêt général sur les
parties privatives. L’État se tire une balle dans le pied, car il donne un objectif et il a publié la loi il y a maintenant
deux ans et demi. La deuxième difficulté est qu’il faut travailler avant que le projet soit engagé. Or, les
professionnels ne sont pas habitués à cela. Nous avons une culture de la commande publique, des contrats, etc.,
et nous n’avons pas l’habitude de prendre des risques, et de dire : « Je travaille pour avoir ce projet. Si je l’ai, j’ai
gagné. Si je ne l’ai pas, j’ai perdu, soit un risque d’entreprise ». Nous avons tous à mesurer et à prévoir ce risque.
Mais dans l’état actuel des choses, il est incontournable de travailler avant, et le vote signifie la fin, la décision. La
culture de la copropriété est de voter un devis et de commencer les travaux le lendemain. Imaginez un
programme de rénovation énergétique ou patrimonial avec ce système-là. Cela est impossible. C’est pourquoi les
professionnels doivent s’adapter. La troisième piste concerne une approche pluridisciplinaire. Ce matin, nous
avons vu une rénovation énergétique stricto sensu. Étant trop réducteur, je ne suis pas sûr que cela soit la
meilleure manière d’emporter la décision des copropriétaires. Par exemple, à Meudon, nous entraînons un grand
nombre de copropriétaires par la rénovation des halls, des cages d’escaliers et le changement des boîtes aux
lettres. Ils vont voter cette résolution et ainsi s’engager dans l’ensemble du programme de rénovation
patrimoniale et énergétique, car pour eux, cela était le plus important.
Philippe ROCHER
109 À Meudon, il s’agit d’un vieil immeuble classé aux monuments historiques, un immeuble Pouillon qui n’a pas été
retouché depuis 1960.
Philippe ALLUIN
2635 logements, une consommation de 250 kWh par an, ce qui est moins que ce que l’on imaginait, car cet
ensemble est extrêmement vitré.
L’objectif du plan programme est d’être autour de 120 KWH, soit 50 % d’économie, représentant 16 GWH sur les
32 GWH consommés par an. Sur l’Île-de-France, cela est énorme. Tout ceci est autofinancé avec les économies
d’énergie conjointes aux aides qui sont extrêmement importantes.
Pour résoudre le problème de la copropriété par le copropriétaire, il faut se souvenir que le propriétaire
s’intéresse à son patrimoine. Il s’agit de l’énergie, mais pas uniquement, de l’entretien, sa valorisation, la remise à
niveau, etc.
De nombreuses opérations pourront sortir avec une démarche globale et conjointe d’architectes et d’ingénierie
qui travaillent main dans la main, tous étant des acteurs de terrain, et qu’ils ne veulent pas vendre des solutions
toutes faites, car elles ne marchent pas dans la rénovation. Il faut adapter à chaque contexte humain, technique
et financier. Tout ceci est d’autant plus difficile qu’il faut le faire avant le vote. L’approche financière reste la
question la plus centrale pour le copropriétaire, car l’argent compte. Si elle est cohérente avec la technique et
avec l’humain, elle fonctionne. La dimension humaine est fondamentale. On ne peut pas résumer le problème à
un manque d’argent, de subventions ou d’aides publiques. Je vais vous donner deux exemples. Certaines
copropriétés sont très aisées. Elles ne sont pas les plus avancées. D’autres sont très sociales et très aidées avec
80 % des personnes éligibles aux aides dont certaines sont même éligibles à 100 %, soit le coût total des travaux
de rénovation patrimoniale et de remise à niveau énergétique est pris en charge. Or, ces copropriétés n’avancent
pas plus. Il s’agirait d’un dysfonctionnement dans l’ingénierie financière ou le système de financement global qui
marche mal.
Il est possible de faire concourir les CEE ?? 3.28.31, le crédit du développement durable ??, habitez mieux,
rénovation ANAH, les PTZ, les différentes aides du département, de la région, maintenant de la Caisse nationale
d’assurance vieillesse, à Paris le plan climat, et le système local de chaque région. Chacun des dispositifs cités a
sa propre cible énergétique. Chacun a son propre volet financier, ses propres règles de calcul qui crée des effets
de seuil, des occasions d’optimisation. Pour chacun de ces financeurs, tout est très clair. Or, le copropriétaire n’y
comprend rien, et quand on l’aide à monter cette ingénierie financière, on trouve des effets de ciseaux, des
incompatibilités, des effets pervers. Cet imbroglio mis en place est d’autant plus regrettable, car quand on
l’additionne et on le fait fonctionner correctement, il arrive à faire financer les opérations. Je profite pour signaler
encore un autre dysfonctionnement : le calcul conventionnel.
Le copropriétaire se moque du BBC. Cela ne lui apporte rien. Le BBC est utile comme label pour les
professionnels, les bureaucrates, les technocrates. Or, en copropriété, le BBC ne sert à rien. L’important est de
savoir combien le copropriétaire va pouvoir économiser. Quel est le temps de retour ? Combien faut-il investir ?
Suis-je financé ? Combien me coûte le portage financier ? Il faut arrêter de prendre le copropriétaire pour un
imbécile en lui disant on va s’occuper de vous, vous trouver une solution toute faite, vous faire signer un chèque
en blanc. Il ne marche pas. Pourquoi ? Il a peur. On n’est pas en train de lui vendre un crédit à la consommation
ou une machine à laver. Il s’agit de son patrimoine. Il veut du sonnant et du trébuchant. Il veut des professionnels
impliqués qui aient compris son cas personnel, son immeuble et pas des solutions toutes faites. Ainsi, nous n’y
arriverons pas si nous continuons à vouloir trouver la solution miracle pour traiter les dizaines de milliers de
copropriétés. C’est un travail de terrain, avec des professionnels sur le terrain qui ont compris que l’approche doit
être pluridisciplinaire et parfaitement ciblée à chaque copropriété.
Philippe ROCHER
Merci pour ce témoignage précis qui va clôturer cette dernière journée.
110 Bilan des BBC et BEPOS neufs et réhabilités
BEPOS : Les pionniers
Philippe ROCHER
Frédérique VERGNE est rédactrice en chef adjointe du Moniteur.fr. Elle sera ma complice pour animer tout cet
après-midi et Pierre HERAND est chef du Département Bâtiment et Urbanisme de l’ADEME et directeur de la
fondation Énergie Bâtiment.
Lors des dernières RPE en 2011, nous étions à 117 bâtiments à énergie positive construits. Un an plus tard, où
en est-on concernant les BBC, les BBC neufs ou rénovés et les bâtiments à énergie positive ? Quel est le bilan ?
Pierre HERAND
Dans le cadre des appels à projets régionaux du Prébat, sur les bâtiments exemplaires du Prébat, je voudrais
revenir sur les objectifs du Prébat. Il a été lancé en 2004 (le Prébat 2 a débuté en 2010). Le Prébat 1 compte trois
aspects. En 2005, avant le Grenelle du bâtiment, ce programme de recherche et d'expérimentation dans le
bâtiment appelé Prébat 1 avait prévu trois objectifs principaux : la rénovation banalisée des bâtiments existants
avec une performance énergétique aussi proche que possible de celle des bâtiments neufs (80 kWh/m2/an) ; la
construction banalisée de bâtiments neufs à basse consommation (50 kWh/m2/an) ; pour la première fois, on citait
à l’époque les termes de bâtiments à énergie positive qui devaient être issus de cette recherche. Sur la base de
ces objectifs, les conseils régionaux assistés des directions régionales de l’ADEME ont lancé des appels à projets
afin de pouvoir rechercher des opérations qui tiendraient ces objectifs. Le cahier des charges a évolué sur toute
la période, car évidemment les discussions et les technologies ont progressé. Chaque région a lancé des appels
à projets sur la base de cahiers des charges évolutifs. Les premières régions sont parties à la recherche de
bâtiments exemplaires dès 2006, puis progressivement l'ensemble des régions a lancé leur appel à projets. Nous
résumons ici les caractéristiques de ces bâtiments qui ont été lauréats Prébat, d'une part pour la construction
neuve en secteur résidentiel, un niveau qui correspondait au label BBC EFI Énergies compris entre 40 et
2
2
2
75 kWh/m /an soit la valeur moyenne de 50 kWh/m /an. Grâce aux habitations, la valeur de 80 kWh/m /an est
devenue depuis la valeur du label BBC rénovation. Il s'agit d'un des objectifs du Prébat qui s'est concrétisé par
cette valeur citée dans ce label. Dans le secteur tertiaire, en constructions neuves, le label BBC EFI Énergies,
soit le coefficient de référence de -50 % est retenu. Et puis, pour la réhabilitation, au niveau du label BBC EFI
Énergies, le coefficient de référence est celui de la réglementation thermique de l'existant, soit -40 %. En se
basant sur les technologies disponibles à l'époque, ces valeurs sont très performantes. Des bâtiments BEPOS,
principalement des constructions neuves étaient aussi très recherchées. Toutes ces valeurs sont calculées sur
les cinq usages réglementés.
Entre 2006 et 2011, le nombre de bâtiments lauréats s'est amplifié, avec une constante sur les premières années
c'est-à-dire que les opérations de bâtiments neufs étaient plus faciles à identifier, soit 80 à 85 % des bâtiments
identifiés étaient neufs. La démonstration a été faite qu'il était possible de se baser sur une réglementation de
50 kWh/m2/an. Or, une seule partie de l'objectif était remplie. En effet, à travers ces opérations exemplaires du
Prébat, nous cherchions à démontrer que des réhabilitations performantes pouvaient être faites. Cela a entraîné
une réorientation sur les dernières années afin d'inverser les tendances pour parvenir à deux tiers de bâtiments
existants lauréats Prébat contre un tiers de bâtiments neufs. Cette tendance en cours s’est amorcée à partir de
2010 et s'est amplifiée en 2011. La recherche se basant en priorité sur des bâtiments existants, nous sommes
quasiment, en 2012, à un tiers, deux tiers. En conséquence, le nombre de dossiers retenus est plus faible, car
monter des opérations en réhabilitation reste plus complexe et le nombre de dossiers en réhabilitation diminue.
Voici une carte des régions de France arrêtée en fin 2010 qui donnent le nombre de bâtiments lauréats Prébat
pour chacune des régions. L'objectif d'avoir des vitrines de bâtiments exemplaires visitables permettant de faire
des fiches de présentation est atteint, car toutes les régions sont dotées d'appels à projets. La région Limousin a
été la dernière région à se lancer. En 2010, aucun projet n’était retenu, mais ce n'est plus le cas maintenant. Cinq
bâtiments lauréats Prébat sont situés sur l'île de la Réunion. À l'époque, nous pensions qu'il serait plus facile de
faire des bâtiments à très haute performance énergétique dans les régions les plus chaudes de France. Or, la
réalité est tout autre. 50 % des bâtiments lauréats Prébat sont situés en zone H1, et 15 % en zone H3. Cela
inverse les croyances de l’époque. La recherche sur des technologies performantes permettant de diminuer les
consommations en chauffage reste très importante.
Quelques chiffres clés :
 1 360 opérations lauréates représentant plus de 2 600 bâtiments, ce qui constitue un nombre important de
bâtiments à la hauteur de ce que l'on pouvait envier chez nos voisins suisses, allemands ou autrichiens,
 65 % de bâtiments en neuf,
 35 % en réhabilitation.
111 Sur l'ensemble des années cumulées, le tertiaire et le résidentiel sont en équilibre avec toutefois un peu plus de
résidentiels. Au total, 2,4 millions de mètres carrés SHON sont maintenant des bâtiments de type BBC. La
question tournait autour de leur visite et de leur évaluation. Aujourd'hui, plus de 1 000 bâtiments sont livrés, et les
vitrines sont inévitables. L'autre engagement pris dans le cadre du Prébat est celui de suivre ces opérations dans
la durée. C'est pourquoi l’ADEME a lancé tout un programme de campagne de mesures sur ces bâtiments,
réalisé par les CT. Actuellement, 270 campagnes de mesures sont en cours pour des durées de deux ans au
minimum, et les premiers résultats seront communiqués en fin d'année. Il sera ainsi possible d’exploiter et de
vérifier l'adéquation de ces résultats aux calculs. Plusieurs centaines d'opérations sont décrites sur le site de
l'observatoire BBC (www.observatoirebbc.org). Une grande partie des opérations, surtout des opérations en
bâtiment neuf, y est présentée. Puis, le site s'enrichira progressivement d'opérations sur l'existant.
Des bilans ont été faits. Pour les bâtiments réhabilités, une enveloppe très performante est une évidence. Et
l'analyse faite sur 300 bâtiments parmi ces réhabilitations montre que l’Ubât est en moyenne à 0,61. Certains sont
beaucoup plus faibles et d'autres plus forts. L’isolation par l'extérieur a été réalisée sur 70 % des bâtiments. Ce
chiffre significatif montre le décollage de l'isolation par l'extérieur attendu depuis très longtemps et qui se justifie
par la nécessité d'obtenir de très fortes performances. La question se posait autour du triple vitrage. Seuls 8 %
des bâtiments analysés ont un triple vitrage. Puis l'analyse a montré un taux très haut de matériaux bio-sourcés,
soit plus de 20 % des bâtiments sont bio-sourcés. Cela peut jouer sur les coûts, car ces matériaux ont un surcoût
par rapport aux autres et sont de plus en plus employés. En effet, tous les bâtiments ont une très bonne
étanchéité à l'air. Concernant les modes de chauffage, les interrogations portaient sur les parts de marché qui
pouvaient orienter vers telle ou telle technologie. Tous ces chiffres n'ont aucune valeur statistique. Il s'agit
seulement d'analyses faites sur une partie du parc. Il est clair que les deux technologies (la chaudière à
condensation et la PAC) prennent une ampleur importante dans ces opérations. 33 % des bâtiments de bureaux
réhabilités sont équipés de panneaux photovoltaïques. Plus de 80 % des maisons individuelles sont équipées en
eau chaude sanitaire solaire ainsi que pour plus de 50 % du résidentiel collectif. Sans oublier le poêle à bois qui
est une solution largement utilisée dans les maisons individuelles ainsi que les chaudières bois dans les
bâtiments tertiaires. Pour 340 bâtiments, la ventilation est améliorée avec souvent la mise en place d'une
ventilation double flux sur 80 % des bâtiments tertiaires, et une ventilation Hydro B pour 60 % du résidentiel
collectif.
Les caractéristiques des bâtiments neufs sur une moyenne de 1 000 bâtiments analysés donnent un Ubât plus
faible avec une moyenne à 0,41. L’isolation par l'extérieur a un taux plus faible que dans les bâtiments réhabilités,
car le neuf propose plus de possibilités pour réaliser une isolation répartie, notamment avec des ossatures bois,
avec une ossature métallique ou de la brique mono mur. D'autres technologies permettent d'éviter l'isolation
extérieure. Le triple vitrage est plus fréquent qu’en réhabilitation (22 % des bâtiments), soit en totalité, soit sur la
seule face nord en traitement différencié. Le taux est le même pour les matériaux bio-sourcés, soit cette tendance
à coupler la haute performance énergétique avec des matériaux ayant un impact environnemental plus réduit.
Une des caractéristiques des appels à projets lancés est d'orienter vers ces types de matériaux. L'étanchéité à
l'air est aussi très bonne. Concernant les modes de chauffage, les parts d’utilisation des chaudières à
condensation ou des PAC sont assez similaires aux bâtiments réhabilités. 60 % des bâtiments de bureaux sont
équipés de panneaux photovoltaïques. 90 % du résidentiel ont de l’eau chaude sanitaire solaire, et la chaudière
bois reste très présente dans les bâtiments tertiaires. La ventilation est améliorée. L'ensemble des bâtiments
analysés fait l'objet d'un soin très particulier concernant la ventilation pour tenir les performances.
Combien tout cela coûte-t-il ? Ces analyses sont basées sur les déclarations des coûts des travaux. De plus, ils
ne sont pas forcément liés à la performance énergétique. Sur 2013, un travail sera lancé pour détailler le surcoût
de ces opérations.
Pour les bâtiments réhabilités, les coûts moyens sont très différents d'une opération à l'autre. Il n'existe pas de
valeur moyenne. Les coûts dépendent du type de bâtiment et surtout de sa performance initiale. Une corrélation
existe-t-elle entre le prix et la consommation du bâtiment après sa réhabilitation ? En fonction du niveau de
performance atteint est-ce que cela coûte plus cher ? La réponse est que cette corrélation n'est pas évidente.
Cela reste très variable d'une opération à l'autre. Concernant les bâtiments réhabilités, c’est très varié.
Concernant les bâtiments neufs, il est possible d'observer un regroupement plus important pour les logements
2
collectifs. Beaucoup de bâtiments sont réalisés pour un coût inférieur à 1 700 € HT/m . Dans le cadre des
bâtiments tertiaires, il existe une large différenciation des coûts. Il peut s'agir des bâtiments vitrines, de sièges
sociaux sur lesquels l'opération avait d'autres fonctions que la seule performance énergétique. Même si nous
avons maintenant des chiffres, les coûts sont à analyser avec précaution, et le premier enseignement est cette
grande disparité.
Parmi tous ces bâtiments lauréats, nous avons extrait les bâtiments BEPOS sur les cinq usages réglementés.
Des bâtiments BEPOS existent déjà en réhabilitation Quatre bâtiments ont été identifiés. Beaucoup plus de
bâtiments sont identifiés en neuf, 62 exactement comme étant des bâtiments lauréats BEPOS, car leur dossier a
été retenu avec des consommations énergétiques précisées ici, en tertiaire, en collectif et en maison individuelle.
Par exemple sur le tertiaire, il est possible d'arriver à une grande récupération solaire et un équilibre existe entre
le collectif et la maison individuelle grâce aux surfaces captantes. Les taux vont jusqu’à -41 % ou -44 % pour les
meilleures opérations en collectif ou en maison individuelle.
Les prévisions du Prébat en 2005 ont fait l'objet de décisions du Grenelle pour fixer à l'horizon 2020 l'arrivée de
ces bâtiments BEPOS. Bien qu'elles aient été anticipées dans le cadre de ces opérations exemplaires, elles
112 restent insuffisantes. C'est pourquoi, une veille plus complète a été mise en place, car l'ensemble des bâtiments
lauréats Prébat ne suffisent pas à reconstituer la totalité de ce qui se fait en France.
Voici les résultats d'une veille réalisée depuis deux ans sur les bâtiments qui se déclarent BEPOS en France. Ils
ne sont pas comme les précédents lauréats Prébat expertisés par un bureau d'études tiers. En général, ces
opérations font l'objet de reportages ou d’études techniques. Nous arrivons au chiffre impressionnant de 180
BEPOS identifiés actuellement, avec un rythme de 20 à 30 nouveaux bâtiments à énergie positive chaque année
et 90 bâtiments à énergie positive livrés. La liste s'accroît avec des opérations très diverses dans le tertiaire, dans
le résidentiel moyen, dans le secteur public et privé. Les BEPOS sont en majorité des constructions neuves, et
parvenir à un BEPOS en réhabilitation reste exceptionnel. Peu d'opérations sont certifiées actuellement. Peut-être
est-ce lié au coût de la certification qui vient s’ajouter à celui des études ? Afin d’avoir plus d’information sur ces
bâtiments, il est possible de consulter le site : www.ewatchservices.com. Il donne une vision des BEPOS en
France à travers une carte qui les indique tous. Des précisions sont données sur l’opération, sachant qu’elles ne
sont pas toutes analysées. À ce jour, seule une analyse très précise de 25 BEPOS a été faite.
113 Table-ronde n°4
Où en sont les réflexions sur la future réglementation BEPOS ?
Philippe ROCHER
Merci Pierre HERAND pour cette jonction entre les trois demi-journées rénovation et l’après-midi bâtiments et
énergie positive.
Pour notre table ronde, nous allons définir qu’est-ce qu’un BEPOS. Quel type de réglementation a-t-il besoin pour
exister ? Le BEPOS est-il une fin en soi ? Et nous finirons sur l’arrivée des énergies renouvelables. Et j’invite à
rejoindre Frédérique VERGNES sur scène :
 Bernard BOYER, président et fondateur du Groupe IOSIS,
 Jean-Louis BAL, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER),
 Carole LE GALL, directrice du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB),
 Marie-Christine ROGER, chef du bureau Qualité et Réglementation technique de la construction à la Direction
de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP-DGALN).
Bernard BOYER est le président et le fondateur du Groupe IOSIS. Vous êtes la chenille ouvrière de la
réglementation au sein du Plan bâtiment et vous pilotez un groupe de travail sur la future réglementation 2020.
Bernard BOYER, président et fondateur du Groupe IOSIS
Le groupe de travail RBR 2020 n’établit pas des réglementations. Il prédéfinit et assiste les futures personnes en
charge de la réglementation afin de mieux comprendre nos idées. Ce groupe pense à l'avenir. Étant coprésident
du RBR 2020, je pense que le BEPOS est bien, mais ce n’est pas une fin en soi. En revanche, le territoire à
énergie positive l’est. Le territoire à énergie positive, il faut des bâtiments à énergie positive, c’est pourquoi je ne
suis pas contre le BEPOS. Les expériences qui se réalisent et leurs retours nous aident à avancer et tout ceci
nourrit les prochaines réflexions en matière de réglementation. Le fait que les bâtiments à énergie positive soient
aussi nombreux et présentables nous permet de prouver que cela est faisable. Un bâtiment à énergie positive a
un prix. L'objectif n'est pas uniquement de se faire plaisir sur un bâtiment en tant que tel, mais notre idée dans ce
groupe de travail est de conduire notre nation à avoir un comportement le plus efficace en matière de carbone et
de sobriété thermique. Par exemple, un mètre carré de photovoltaïque aura le même coût à Lille qu'à Marseille,
pourtant son rendement ne sera pas identique. Ainsi nous intégrons tout cela dans nos prises de position.
Aujourd'hui, nous pouvons considérer qu'un bâtiment à énergie positive est parfaitement faisable. J'ai l'exemple
2
2
d'une expérience sur un bâtiment à Meudon qui a consommé 70 kWh/m /an et a produit 77 kWh/m /an. D’un
point de vue économique, le surcoût de loyer est absorbé par la diminution de charges. Nous sommes dans un
monde où tout ce que nous faisons produit des économies de charges. Nous ne sommes pas dans une marche
forcée de travaux qui resteraient uniquement un investissement sans être reconnus sur le plan du retour. Ce
bâtiment fonctionne depuis deux ans. Il est extrêmement outillé, et travaillé. Il est très intéressant pour nous et je
me permets de vous passer deux messages. Ce bâtiment à énergie positive est construit selon deux axes
importants. En premier lieu, sa conception est optimale, économe et sobre hormis le problème de récupération ou
de production. La suppression de la climatisation à Meudon compensée par la mise en place de dalles activent,
plus des brasseurs d’air marche correctement. Ils ont passé la petite canicule de cet été sans jamais dépasser
26 °C, une température ressentie acceptable dans des bureaux. Les énergies positives ne doivent pas se
substituer à un raisonnement de conception sobre du bâti et de son intelligence. Deuxièmement, sur ce bâtiment
dépassant 20 000 m2 deux types de production ont été mis en place.
Le photovoltaïque représente le tiers de la production et le second tiers est une cogénération à l’humus végétal
qui apporte deux productions, l’une thermique, l'autre électrique. Lors de la première année, le bâtiment s'est très
bien comporté sauf dans les parties communes où a eu lieu un dépassement de l'énergie thermique de
2
consommation de près de 10 kWh/m /an qui a été compensé par un apport complémentaire produit en
cogénération. Tous ces bâtiments doivent apporter une sécurité aux utilisateurs. Ce bâtiment est l'exemple même
qu'une petite dérive qui a été mesurée, contrôlée, identifiée, et qui a été compensé par cette cogénération. En
effet, si nous étions restés uniquement au photovoltaïque, nous n'aurions pas eu cette compensation. Je parle de
bâtiments importants, bien évidemment. Sur ce bâtiment en engagement sur le plan des charges, a été mise une
sorte de boîte noire. Son rôle est d'informer en permanence cet ouvrage de tout ce qui s'y passe. Cette boîte
noire n'est pas à disposition de l'exploitant. Dès qu’elle est utilisée en termes de gestion, elle est transportée chez
un tiers extérieur. En cas de problème, il sera possible d'avoir accès à des données et de savoir qui se passait
mal. Pensez à cette boîte noire, car lorsque des engagements énergétiques seront pris, nous pourrons ainsi
mesurer les points de dysfonctionnement. « La France ne doit consommer que 50 kWh/m2/an » : cela ne signifie
2
pas 100 kWh/m /an. Ainsi, quand on annonce qu’on est en énergie positive, il faut l'être. Sinon s'opère un retour
considérable d'image. Je ne suis pas contre le BEPOS. Il nous faut du BEPOS. Mais revenons à cette matrice
qui est devant vous. Voici une photographie de nos travaux. Les données verticales sont des données techniques
114 et scientifiques comme les énergies renouvelables, la climatisation, le coût global, etc. Elles vont être croisées
avec d'autres données philosophiques. Où est l'homme ? Qui est l'homme ? L'homme acteur ? L'homme
sachant ? Celui qui recherche et trouve ? L'homme des comportements ? Où est le territoire ? Plus d’énergie
positive existe dans certaines régions que dans d’autres. Le Sud et la Bretagne connaissent de problèmes de
réseaux électriques. Ainsi, le territoire reste important et il faut aller vers une décentralisation, vers une
démocratie énergétique à l'exemple des Suisses, sur l'énergie à 2000 W qui se fait canton par canton. Ici,
l'homme en tant que citoyen prend son énergie en main. Il faudra bien évidemment lui livrer des opérations
compatibles, c'est-à-dire des BEPOS.
Le troisième point est le temps. Cela est fondamental. Je dis souvent qu'une entreprise qui n'est pas dans son
temps, c'est une entreprise qui meurt. Il faudrait dans son temps ni en avance ni en retard. Prenons l'exemple des
capteurs solaires. Aujourd'hui, il vaut X. Dans dix ans, il vaudra Y. Il sera certainement moins cher et son
rendement va s'améliorer. Si aujourd'hui, les concepteurs minent le bâtiment de toutes ses capacités futures avec
des capteurs d’aujourd'hui, le bâtiment ne pourra pas rattraper la courbe future, car nous ne nous arrêterons pas
à la RT 2012. Grâce aux territoires, nos bâtiments vont débuter un dialogue entre eux. Le Président de la
République parlait du dialogue des cultures. Il est plus facile de faire du BEPOS dans des bâtiments neufs que
dans certains bâtiments existants. Peut-être qu'un jour des quartiers seront entièrement en énergie positive ? Ils
permettront ainsi d'accueillir des bâtiments qui seront un peu plus en énergie positive et d'autres un peu moins,
selon des raisons économiques et de partage. Ceci est un problème national et de citoyens. On ne réglera pas
son bâtiment tout seul.
Philippe ROCHER
Va-t-il avoir une réglementation du BEPOS ou va-t-il avoir une réglementation globale thermique contenant le
BEPOS ?
Bernard BOYER
Nous n'écrivons pas les réglementations. En tant que concepteurs, nous demandons la liberté. Toute
réglementation qui nous enferme tue la créativité. Mais la réglementation est nécessaire, car elle nous crée des
impulsions. Sans elle, on n'avance pas. On entend beaucoup de choses négatives sur la RT 2012. Or, elle
marque un virage. Il est de plusieurs natures. Dans cette réglementation, il est inscrit des obligations de
comptage sur des choses très pratiques comme des interrupteurs qui éclairent tous les X mètres carrés, etc. Une
réglementation pratique reste compréhensible. Elle se base aussi sur des modèles de calcul et elle nous amène à
admettre l'homme au centre de la préoccupation. Elle est la première réglementation à dépasser le sachant. Elle
est portée par eux pour la réaliser, mais elle s'adresse aux occupants. 50 kWh/m2/an reste un chiffre
compréhensible. Par rapport aux anciennes réglementations, la RT 2012 est un vrai bonheur, car elle nous fait
déplacer le curseur des réglementations qui n'étaient que des réglementations techniques. Pourquoi cette
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réglementation nous amène-t-elle à 50 kWh/m /an ? Car ce 50 kWh/m /an est compatible avec l’énergie positive.
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Nous sommes capables en moyenne de produire 50 kWh/m /an en énergie positive. Pourquoi faire
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30 kWh/m /an ? Ce n’est pas peine. Faisons 50 kWh/m /an par le passif et peut-être un jour 40 kWh/m /an, et
injectons de l'énergie positive dans les bâtiments. Je souhaite qu’elle ne soit pas d’une seule nature pour des
questions de sécurité. Il semblerait qu'il y eût pour les précédents porteurs de cette réglementation une analyse
de valeurs. Il aurait été possible d'imposer 20 kWh/m2/an. La réglementation peut avancer. Ces 50 kWh/m2/an ne
sont pas toujours compris. Il vient de la capacité de production moyenne d'un bâtiment classique. Le BEPOS
n'est pas réglementé en tant que tel. La réglementation doit porter sur l'objectif. Et les futures réglementations
toucheront l'urbanisme et le bâtiment au niveau de sa santé.
Philippe ROCHER
Merci. Je crois que la table ronde terminée, car tous les sujets ont été abordés. Marie-Christine ROGER ne peut
qu’acquiescer. Merci d'avoir reparlé de la conception et de l'utilisation sobres. Et Jean de La Fontaine aurait
terminé sa fable : « Rien ne sert de produire, il faut consommer à point. »
Jean-Louis BAL est président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Il est là pour produire sur ces
bâtiments et les rendre à énergie positive. Mais doit-on mettre un bâtiment très intelligent à énergie positive au
milieu d'un réseau qui ne le serait pas ? Entre ce réseau intelligent et les énergies renouvelables, est-ce un
mariage de raison ou une union sacrée ?
Jean-Louis BAL, président du SER,
Sur 30 millions de logements, 180 sont BEPOS dont 90 ont été livrés. Avant de répondre à la question, je
voudrais préciser que la réglementation bâtiment énergie positive est prévue pour 2020. Grâce au
photovoltaïque, il est possible de faire du bâtiment à énergie positive. Bien sûr, il ne faut pas mettre du
photovoltaïque sur des passoires thermiques, ce qui demande des garde-fous sur la consommation des
bâtiments. Le photovoltaïque va venir ainsi en complément pour rendre le bâtiment à énergie positive. 2020 a été
annoncé pour cela, car le photovoltaïque coûte cher. En effet, une véritable révolution dans le photovoltaïque est
en cours. Le photovoltaïque coûte de moins en moins cher. Les prix des systèmes installés ont connu une
115 diminution tout à fait impressionnante depuis deux ans. Aujourd'hui, nous allons pouvoir récolter les effets de la
politique de promotion de l’intégration du bâti dans le photovoltaïque. Il existe des produits qui peuvent être
installés sur une maison individuelle à trois euros le Watt pic. Et cela devient des coûts de production de
l'électricité comparable à l’électricité de réseau. Pourquoi attendre 2020 ? Le bâtiment à énergie positive est tout
à fait faisable. On devrait aller beaucoup plus rapidement sur le bâtiment à énergie positive. Les bâtiments qui
seront construits simplement en BBC. En 2020, quand le BEPOS deviendra la norme, ces bâtiments BBC se
déprécieront. Les DPE sur les bâtiments existants ont tendance à faire baisser la valeur patrimoniale du bâtiment.
Il n’est pas utile d'avancer la réglementation, mais j'inciterai les maîtres d'ouvrage à anticiper fortement cette
réglementation.
Si tous les bâtiments deviennent producteurs en même temps, que devient l'électricité. Je me permets de faire la
publicité pour le colloque du syndicat des énergies renouvelables qui aura lieu le 7 février à l'Unesco. Jeremy
RIFKIN appelle à la troisième révolution industrielle qui repose sur plusieurs piliers. Premièrement, les bâtiments
deviennent à la fois consommateurs et producteurs. Le deuxième pilier est le développement du stockage de
l’énergie qui doit devenir compétitif. Cette vision existe aussi dans l'esprit des décideurs de la politique
énergétique allemande. Les différents types de stockage envisagés peuvent être par exemple des batteries au
lithium. Jeremy RIFKIN pense plutôt à l'hydrogène.
Philippe ROCHER
A-t-il écrit son livre avant les gaz de schiste ?
Jean-Louis BAL
Oui. Ce livre a déjà un an. Le troisième pilier concerne les technologies de l'information qui permettent aux
producteurs et aux consommateurs de devenir intelligents et de s’échanger de l'électricité en fonction des besoins
et de la disponibilité de chacun. Ainsi, le problème de la mobilité va pouvoir s’y greffer, car il sera possible
d'utiliser cette production d'électricité pour alimenter les véhicules électriques. Dans cette vision, les rôles des
opérateurs de réseaux et les producteurs d'électricité centralisée vont devoir évoluer vers plus de services et vers
une production de base et de cohérence, car elle sera toujours nécessaire. L'objectif n'est pas l'autonomie des
territoires. Ainsi, les opérateurs de réseaux vont devoir complètement revoir leur rôle dans la production et la
distribution de l'électricité. Dans un avenir plus ou moins proche, nous allons vers une véritable révolution entre
les producteurs et les consommateurs. Peut-être le quartier ou le territoire seront en énergie positive ? Il est
possible d'imaginer que les bâtiments neufs vont être beaucoup plus positifs que les bâtiments rénovés existants,
et un bâtiment vendra de l'énergie à un autre. Ainsi, ce que Jeremy RIFKIN nomme le pouvoir latéral, va
s'additionner au pouvoir vertical.
Philippe ROCHER
Vendre de l'énergie d'un bâtiment à l'autre demandera quelques modifications réglementaires.
Jean-Louis BAL
Cela demandera une évolution très forte de notre cadre réglementaire du système électrique.
Philippe ROCHER
Mettre beaucoup d'énergies renouvelables sur ces bâtiments signifie des installations sûres, des avis techniques,
des pass innovation et la validation que tous ces composants soient bien conformes et que la construction soit
correctement réalisée. Carole LE GALL, directrice du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) est en
charge de valider tous ces composants installés sur ces bâtiments à énergie positive. Quelle est votre vision sur
l'arrivée de ces bâtiments ?
Carole LE GALL, directrice du CSTB
Les bâtiments à énergie positive sont déjà une réalité. De quelle manière va-t-on pouvoir imaginer, diffuser à
grande échelle ces bâtiments ? Aujourd'hui, il s'agit de pionniers qui défrichent des champs ? Pendant longtemps,
il s'agissait d'un rêve. Maintenant, c'est possible. Quels sont les axes de réflexion que le CSTB mène sur cette
grande question ?
Nous avons deux champs de réflexion. Le premier est d'aller plus loin sur la métrologie de la performance
2
énergétique. Il est clair qu'une vertu se crée en instillant ce 50 kWh/m /an. Tout ce qui se mesure, s'améliore à
partir du moment où un objectif quantitatif est mis et peut se mesurer. Un certain nombre de pionniers ont réussi
à l’atteindre. L'effet bénéfique de la mesure est cette envie d'aller plus loin. Beaucoup de pistes existent, mais
une étape énorme vient d'être franchie avec cette RT 2012. Le même langage est utilisé concernant la
performance énergétique. Le changement de paradigme est en marche. Parmi tous ceux qui visent la
performance énergétique, nous avons vraiment envie de faire évoluer l’indicateur. Aujourd'hui, nous travaillons
116 sur une performance conventionnelle à usage réglementé. Nous avons envie d'ajouter beaucoup d'autres usages
pour nous rapprocher de la consommation réelle. Nous avons envie d'y intégrer les notions nouvelles, comme la
mobilité ou penser le bâtiment dans la ville. Pourquoi ne pas y intégrer des éléments d'énergie grise pour se
rapprocher de l'impact énergétique réel du citoyen dans son mode de vie ? Toute une série de réflexions est en
cours sur l'évolution de l'indicateur, et nous y participons.
À côté de cette question, il existe celle de la cible. La vertu de la RT 2012 est d'avoir un indicateur soit
2
50 kWh/m /an, et cette cible des 50 a aussi un sens. C’est la vertu du chiffre magique et rond. La notion qui fait
rêver est celle de passer de l'autre côté du miroir, soit de quitter le statut de consommateur pour celui de
producteur et passer ainsi à une cible vertueuse. Comment peut-on atteindre cette cible pour devenir producteur
net ? Cela dépendra de l'indicateur choisi. Allons-nous restreindre à cinq usages ? Souhaitons-nous avoir un
impact plus global et aller vers la consommation réelle ? En même temps, il faut tenir compte des contraintes
énergétiques. Elles ne sont pas les mêmes entre le Nord et Sud, entre une maison individuelle et un collectif,
dans un milieu urbain ou dans un milieu rural. C'est pourquoi il va falloir être intelligent et trouver un objectif cible
pouvant être modulé afin que tout le monde puisse construire un bâtiment à énergie positive et faire partie de
cette Champions League. Même s’il est clair que la performance mesurée entre un BEPOS des champs et un
BEPOS des villes ne sera pas la même. Atteindre le niveau du BEPOS est déjà une très grande performance.
Cette réflexion a sous-tendu la RT 2012, car il existe une modulation autour de ce fameux chiffre de
50 kWh/m2/an. La difficulté est de faire progresser l'ensemble des acteurs en intégrant les consommations dans
la prise en compte de l'impact énergétique d'un bâtiment tout en préservant l'envie ainsi qu'un objectif réalisable ?
L'objectif est que l'ensemble des acteurs participe à cette émulation pour innover et transformer la façon de
construire. Dès qu'il existe une mesure, l'esprit de compétition apparaît, créant une émulation qui fait naître une
transformation. La façon de construire peut changer grâce à cette performance objectivée.
De plus, toute recherche de performances ne doit jamais faire oublier l'essentiel : « Nous ne faisons pas des
bâtiments pour des bâtiments. Un bâtiment est avant tout un lieu de vie ». Un BEPOS doit être en premier lieu un
bâtiment construit pour les personnes. Il ne faut jamais perdre cela de vue. La mesure a un véritable intérêt, car
elle permet de s’améliorer. Mais, elle peut aussi signifier une approche large. Comme le dit Sénèque, toute vertu
est fondée sur la mesure. Or, celle-ci sait largement intégrer les enjeux. L'une des missions du CSTB est de
rappeler qu’un bâtiment a besoin de performances énergétiques ainsi que de performances de sécurité, de
stabilité mécanique, de sécurité feu, de confort acoustique, d'une qualité sanitaire, etc. soit un ensemble de
performances globales. Parfois, ces qualités vont ensemble, par exemple la qualité thermique est associée à la
qualité acoustique lors de la rénovation de fenêtres. Or, des fois, des points de divergence apparaissent. Par
exemple, une importante isolation thermique de parois opaques peut dégrader l’isolation acoustique. L'objectif est
de travailler ensemble pour ne pas courir après une simple performance uni critère comme la performance
énergétique, mais d’atteindre une performance multicritères. L’enjeu global de l'optimisation multicritères est
d'être capable d’améliorer d’un côté et de ne pas perdre de l’autre. Cette optimisation demande de nouveaux
outils, de travailler ensemble en s’écoutant et en tenant compte des contraintes et des opportunités des uns et
des autres. Des outils existent et fonctionnent comme l’avis technique pour examiner dans une collégialité une
innovation. Cela permet de progresser sans rien lâcher. Nous sommes convaincus que dans les années à venir,
de nouveaux outils vont apparaître. De plus, nous rentrons dans une nouvelle société, celle de la connaissance
qui va demain impacter massivement le secteur de la construction, notamment à travers des outils comme la
maquette numérique qui va permettre de partager et de faire des simulations de multi métiers. Sur un même
objet, il sera possible de faire une simulation thermique, acoustique, etc. Ces outils haut de gamme existent déjà,
mais ils ne sont pas encore démocratisés. L'objectif est que l'ensemble des acteurs de la construction puisse
partager cet outil. Un autre exemple reste celui de grandes bases de données afin de permettre d’échanger des
retours d'expérience ou des retours de succès. Partager la connaissance sur ce qui marche ou sur les difficultés
rencontrées permettra de faire collectivement de l'optimisation des critères.
Philippe ROCHER
Des outils de communication également comme Solar Decathlon Europe 2014.
Carole LE GALL
Je profite de ce moment privilégié pour vous en parler. On le fera sur ces bâtiments à énergie positive
uniquement si l'on a envie. Il va falloir créer de l'envie. Rien de tel que de s’appuyer sur la jeunesse. Solar
Decathlon Europe 2014 aura lieu à Versailles. Cette compétition universitaire internationale a été inventée par les
Américains. Elle s'est déroulée deux fois en Europe à Madrid en 2010 et en 2012. Il s'agit de réaliser des maisons
solaires qui sont conçues pendant un an à un an et demi par des équipes universitaires mixtes qui allient des
architectes, des ingénieurs, des gestionnaires, des économistes, des communicants, soit toutes les compétences
dont on a besoin pour faire de beaux bâtiments. Je voulais partager avec vous le coup de chapeau à donner à
l'équipe française Rhône-Alpes qui a remporté le Solar Decathlon 2012 à Madrid. Leur concept était une
formidable maison CANOPEA qui est un étage d'un concept de tour qui peut ne plus être une maison individuelle
solaire, mais bien un immeuble solaire. Ils ont su anticiper la demande de cette compétition. Les maisons solaires
doivent apporter du confort avec une qualité architecturale marquée. Dans ces dix épreuves, la qualité
architecturale est renforcée dans ces projets en y intégrant encore plus la dimension urbaine avec comme
117 challenge celui d’être adapté au lieu d’implantation d’origine des équipes compétitrices. Ces épreuves demandent
une approche large des équipes sur le confort, l’architecture ainsi qu’une analyse environnementale globale en
prenant en compte le cycle de vie du bâtiment. Tous les étudiants du monde entier peuvent déposer leur
candidature. Après avoir été sélectionnés, ils seront suivis pendant 18 mois, et un site sera ouvert en juin 2014
pour qu’ils puissent en quelques semaines construire leur maison. Le jury pourra objectivement mesurer et
évaluer ces maisons. Cette compétition pourra continuer à donner envie à tous de partager leurs expériences,
leurs idées et leurs créativités sur ces maisons de demain. Cette initiative est portée par le ministère de l’Égalité
des Territoires et du Logement et sera une magnifique vitrine des savoir-faire français. Le site est
www.solardecathlon2014.fr. Cette année, cette compétition a lieu en France. Ceci est le fruit de nombreuses
collaborations entre les Américains, les Français et les Espagnols. Cet accueil est aussi le résultat d’une initiative
diplomatique entre deux ministères français avec leurs homologues américains et espagnols. Notre équipe
Rhône Alpes lauréate va pouvoir nous apporter toute son expérience sur la bonne façon d’accompagner les
équipes qui vont concourir.
Philippe ROCHER
Considérez-vous que nous sommes allés jusqu'au bout de la démarche concernant les cinq usages ? Les
50 kWh/m2/an satisfont tout le monde. Que fait-on maintenant ? Quelle est la prochaine marche de l’escalier ?
Marie-Christine ROGER, chef du bureau Qualité et Réglementation technique de la construction (DHUPDGALN)
Beaucoup de choses ont été dites. Mettre l’occupant au cœur de cette réglementation et aider à construire des
bâtiments où l'occupant se sent bien sont nos principales préoccupations. C’est pourquoi un indicateur appelé
besoin bioclimatique (le Bbio) que les maîtres d’ouvrage et les architectes connaissent bien a été mis en place.
L’idée est d’aller au bout de la démarche de conception, soit le plus loin possible dans la limitation des besoins,
2
avant de faire appel à des équipements très performants pour être au niveau des 50 kWh/m /an. Après, que
faisons-nous ?
La RT 2012 est entrée dans les mœurs grâce à la mise en place des labels BBC. Nous allons préparer de la
même manière l’échéance de 2020. Dans une première étape, nous regarderons au-delà des 50 kWh/m2/an.
Peut-être que 45 kWh/m2/an ou 40 kWh/m2/an peuvent avoir du sens dans certaines situations. Nous serions
ainsi dans la lignée des labels HPE et THPE, soit -10 %, -20 % par rapport aux niveaux réglementaires. De plus,
vouloir gagner quelques kilowatts-heure sur ces cinq usages reviendrait trop cher. Nous avons maintenant intérêt
et envie de regarder vers l’étape de l’énergie positive. Quelle énergie peut être utilisée pour construire les
bâtiments ? La question se pose pour les matériaux ou dans d’autres usages comme les usages mobiliers. C’est
pourquoi de nouveaux outils réglementaires seront nécessaires pour travailler sur ces usages. Sur notre feuille de
route vers les bâtiments à énergie positive, vont intervenir les énergies renouvelables, mais aussi la cogénération
et tout ce qui nous permettra de produire. Cela est bien précisé dans la loi Grenelle 1 du 3 août 2009. Or,
comment faire pour avoir des bâtiments qui produisent plus qu’ils ne consomment ? Pour y répondre, la filière des
énergies renouvelables devra être au rendez-vous afin de ne pas créer de contre-performances. Pour finir, nous
allons mettre en place une réglementation basée sur un indicateur en CO2, inscrit lui aussi dans la Loi Grenelle 1.
La mise au point de cet indicateur sera réalisée avec le CSTB, car nous aurons besoin de données fiables en
matière de contenu en CO2 des énergies afin de savoir quelle équation peut être faite dans une future
réglementation.
Philippe ROCHER
L’analyse du cycle de vie des composants a été évoquée plusieurs fois dans les retours d’expérience.
Marie-Christine ROGER
Le fameux 50 kWh/m2/an se double d’un montant plus au moins comparable quand l’énergie utilisée à la fois au
moment de la construction et en fin de vie du bâtiment est calculée. La prochaine étape est de bâtir l’indicateur dit
« énergie grise » afin d’avoir une analyse de tout le cycle de vie du bâtiment.
Philippe ROCHER
Que pensez-vous des îlots, des quartiers et des territoires à énergie positive évoqués plus tôt ?
Marie-Christine ROGER
L’échelle du bâtiment n’est plus suffisante, et nous avons aussi envie de profiter de l’échelle du quartier pour
mutualiser toutes les énergies renouvelables et aller au-delà du solaire photovoltaïque. Il est possible d’avoir la
même démarche vis-à-vis de l’éolien et de travailler au niveau d’un quartier. Nous attendons avec impatience
tous les travaux réalisés sur les îlots à énergie positive.
118 Philippe ROCHER
Voulez-vous mettre de l’éolien dans un quartier ?
Marie-Christine ROGER
Pourquoi pas.
Philippe ROCHER
De l’éolien urbain !
Jean-Louis BAL
Non, pas d’éolien urbain, mais l’agglomération de Perpignan a un projet de territoire à énergie positive.
Philippe ROCHER
Nous n’avons pas parlé d’une énergie ayant une certaine couleur.
Frédérique VERGNES, rédactrice en chef adjoint, le moniteur.fr
Oui, l’énergie grise. Justement, où en sont les réflexions sur les énergies grises ?
Marie-Christine ROGER
Les réflexions ont débuté sur cette thématique avec en ligne de mire, on l’espère, la production des labels avant
2020 qui pourront évaluer le contenu en énergie grise d’un bâtiment réalisé. Des bases de données se mettent en
place. De plus en plus de matériaux y sont répertoriés. Pour l’instant, nous avons peu d’information sur les
équipements qui seront installés dans les bâtiments. Il faut enrichir ces bases de données. De la même manière
que l’on modélise les bâtiments afin d’évaluer la consommation correspondant à l’utilisation du bâtiment, il faut
être capable d’évaluer cette énergie grise du bâtiment.
Frédérique VERGNES
N’est-ce pas gênant pour la base de données INES d’avoir des fiches de déclaration environnementales et
sanitaires qui sont des auto-déclarations rédigés par les industriels ?
Marie-Christine ROGER
Nous avons du temps devant nous pour réfléchir à la manière de fiabiliser cette base de données et de travailler
afin de rendre les choses réglementaires un jour. Nous commençons toujours nos démarches par une première
phase qui fait appel au volontariat. Après, il est vrai, nous avons besoin de consolidation.
Philippe ROCHER
N’est-ce pas le rôle du CSTB de vérifier ces fiches ?
Carole LE GALL
Nous sommes dans une phase de construction de toutes ces démarches et notre société devient une société de
la connaissance. Nous avons en premier lieu besoin de partager les informations. La base INES joue ce rôle, car
elle fait partie des bases les plus riches au niveau européen. Progressivement, nous devrons nous articuler avec
nos partenaires européens dans cette démarche, car cette réflexion qui débute en France devra être partagée
avec tous, par exemple la notion de métrologie. Dès qu’il s’agit de mesure, nous avons besoin de définir un
système métrique dans lequel avec nos homologues européens, voire internationaux, nous nous comprenons. Il
n’est pas utile qu’il soit tout de suite universel. Concernant cette question de l’énergie grise, nous devons partager
la connaissance, définir des protocoles au niveau européen et international, donner progressivement de la
confiance à toutes ces mesures à travers divers mécanismes, soit avec une tierce partie ou des déclarations
dans un système qualité, etc. La France est plutôt en avance et même moteur sur cette question, mais nous ne
sommes pas le seul pays à avancer. Nous devons rester constamment à l’écoute. Les industriels concernés l’ont
bien compris. Le but est de coordonner nos efforts pour que ce foisonnement de vues et d’idées converge. Ainsi,
les informations que nous récupérerons pour calculer cette énergie grise seront de plus en plus fiables. Les
objectifs à ne pas perdre de vue concernent pour certains directement le consommateur et pour d’autres l’impact
collectif sur la planète. À la fin, une molécule de CO2, qu’elle soit émise en Chine ou chez nous, reste la même.
Ces travaux prennent un peu de temps, car ces notions scientifiques ne sont pas évidentes. De plus, certaines
informations peuvent être confidentielles ou coûteuses à acquérir. Ainsi, l’approche de mise en place de labels
119 permet de se mobiliser, de se donner envie, de se reconnaître entre acteurs et de permettre à l’ensemble de la
construction de progresser.
Frédérique VERGNEs
Pour l'instant, le BEPOS est un bâtiment passif recouvert de photovoltaïque. L’utilisation du photovoltaïque estelle la seule voie ? Sinon, la réglementation prendra-t-elle en compte les différentes sources d'énergies
renouvelables qui seront produites ?
Jean-Louis BAL
Le photovoltaïque est la royale pour produire de l’énergie sur un bâtiment. On peut imaginer des éoliennes
intégrer un bâtiment ou de la micro-cogénération à partir de la biomasse. Je ne crois pas que cela va connaître
un grand développement. Le photovoltaïque restera l’immense majorité de l'énergie positive des bâtiments
concernant la production de l'électricité. Il est possible aussi d'imaginer de produire de l'énergie positive
thermique avec des bâtiments reliés à des réseaux de chaleur et crée ainsi un réseau de chaleur intelligent et
renvoyer cette chaleur sur le réseau. Il ne faut pas brider son imagination.
Marie-Christine ROGER
Carole Le Gall citait les BEPOS des villes et les BEPOS des champs. Des solutions conviennent mieux dans un
cas que dans un autre. Le bois, par exemple, est une solution qui répond bien aux problèmes et aux attentes des
maisons individuelles. Ainsi, il est important d'utiliser l'énergie renouvelable de façon intelligente et nous nous
efforcerons d'intégrer toutes les possibilités d'utiliser les énergies renouvelables y compris les réseaux de
chaleur, etc.
Frédérique VERGNES
Comment imposer d’être BEPOS à des bâtiments défavorisés d'un point de vue de la production de l'énergie, par
exemple ils sont à l’ombre ou en environnement dense ? Est-ce que la production décentralisée du
photovoltaïque et de l'eau chaude sanitaire est une solution efficace pour d'autres bâtiments, c'est-à-dire que ces
bâtiments se brancheraient sur d'autres qui reproduisent cette énergie ? Je pense au bâtiment appelé Woopa en
banlieue lyonnaise. Puis, concernant ces bâtiments défavorisés y aura-t-il des dérogations dans la
réglementation ?
Marie-Christine ROGER
Je n'aime pas le mot dérogation, car cela donne l'impression que ces bâtiments bénéficient d'un régime de faveur
ou qu'ils n'appliqueraient pas la réglementation. À une époque, des chauffe-eau solaires étaient installés plein
Nord, car cela est obligatoire. Nous ne souhaitons pas retomber dans les mêmes travers, ni faire de
l'acharnement thérapeutique sur les bâtiments. L'idée est de concevoir une réglementation intelligente pour que
les bâtiments soient en moyenne à zéro et pouvoir ainsi comptabiliser tout ceci à des échelles plus grandes, soit
réfléchir à la mutualisation au niveau d'un quartier. Pour l'instant, nous n'avons pas encore trouvé la clé, car la
réglementation s’impose au niveau du permis de construire à l'échelle du bâtiment. Or, des procédures autour de
projets d'aménagement, de quartiers existent déjà et nous avons l'intention de réfléchir à l'échelle de l'urbanisme.
Bernard BOYER
Comme complément de réponse, il faut mettre en face de l’énergie positive, les charges plus basses. La précarité
n'existe pas dans le bâtiment. Elle est d'ailleurs. Un quartier a toujours besoin d'une réglementation opposable,
de permis de construire, grâce à un coefficient d'adaptation, le quartier sera vertueux. Mais il ne faut pas oublier
que ces obligations de travaux conduisent à des charges plus basses. Dans l'exemple de Meudon, loyer plus
charge est égal à une stricte vérité sans BEPOS. Il faut parler : « argent d'énergie ». Ces familles ont besoin en
premier de payer moins de charges. Réussir le BEPOS ne signifie pas uniquement produire des kilowatts-heure,
mais aussi participer à l’augmentation du pouvoir d’achat.
Carole LE GALL
Dans le BEPOS, on ne pense qu'au solaire pour produire de l'énergie. Or, il n'y a pas que ça. Toute la réflexion
sur les réseaux de chaleur et de froid est très importante. De nouveaux champs sont véritablement à explorer. Le
principe de cet élargissement de la réflexion du bâtiment est son inscription dans son territoire. Grâce à
l'intelligence collective, il est possible de regarder s'il n'existe pas à portée de main d'autres sources d'énergie
utilisables, comme la géothermie, les réseaux de chaleur, etc. Par exemple, certains bâtiments ont besoin de
froid en raison de leur trop grande production de chaud liée à leurs ordinateurs comme le Data Center. Mais en
même temps, une piscine interne a besoin de chauffer son eau. Or, sur l'échelle d'un quartier, la question de
l'optimisation territoriale des flux d'énergie a-t-elle été regardée ? Puis viendra la question très concrète des
solutions techniques et économiques à apporter pour que tout cela coûte moins cher.
120 Frédérique VERGNES
Sur Moniteur.fr, un sondage a été réalisé il y a quelques mois. La question était : « Va-t-on trop loin avec le
BEPOS ? » Beaucoup de professionnels ont répondu que le bâtiment n'est pas une centrale électrique qui n'a
pas vocation à produire de l'énergie.
Carole LE GALL
Je suis entièrement d'accord si l'on ne fait que ça. Or, un bâtiment est avant tout un lieu de vie, un usage.
Philippe ROCHER
Je vous propose de passer aux questions de salle.
Germain GOURANTON, entreprise TCE Solar
Nous animons un petit groupement de PME qui travaillent sur le bâtiment énergie positif. Vous avez beaucoup
raisonné en termes de flux en précisant que les surcoûts se repayaient assez facilement ou sur la durée du
bâtiment. Votre approche est positive. Or, vous n'avez pas raisonné en termes de stocks. Un bâtiment qui
aujourd'hui ne serait pas envisagé à énergie positive va enjamber les différentes réglementations et être déprécié
dans un temps très court. Or, la dépréciation du bâtiment non vertueux entraîne des conséquences économiques.
Il est annoncé une dépréciation de l'ordre de 20 % s'agissant d’actifs immobiliers représentant 6 000 milliards
d'euros sur le territoire. Pensez-vous que dans ce grand élan de liberté qui est le BEPOS, avec cette
réappropriation de la ressource de production, des barrières administratives, fiscales, techniques à l'entrée
puissent être mises en place dès maintenant, alors que le client final a envie d'être son propre producteur et de
se départir d'un coût d'énergie anthropique ? Est-ce que, comme nous, vous le craignez ?
Philippe ROCHER
Une étude menée en Suisse donne environ 15 % de valeur ajoutée supplémentaire à un bâtiment qui aurait été
labellisé. En effet, l'inertie du parc est de cent ans. Nos objectifs sont très optimistes. Mais quelle sera la
dépréciation des bâtiments qui n'arriveront pas à suivre ?
Marie-Christine ROGER
Alors que la RT 2012 n’est pas encore en vigueur, une proportion considérable de bâtiments, soit la moitié des
bâtiments qui se construisent, est à ce niveau d'exigence. Il aurait été plus astucieux de penser énergies
renouvelables lors de la réalisation de ces bâtiments. Mais certains sont déjà dans cette perspective. J'ai
l'impression que ce parc est aussi transformable que possible. On est allée très vite entre la RT 2005 et la RT
2012. En termes d'arguments commerciaux, ces bâtiments se positionnent très bien sur le marché.
Philippe ROCHER
Vous êtes en train de dire qu'il est plus facile de passer d'un BBC à une BEPOS, que d’une passoire thermique à
un BBC.
Bernard BOYER
C'est une question très intéressante. Je vais vous citer une opération qui s'appelle Ballard du ministère de la
Défense. La totalité des capteurs solaires possibles n’est pas installée, pourtant le projet reste dans la
réglementation. Pourquoi ? Ces capteurs solaires ont un prix aujourd'hui, et dans vingt ans, ils en ont un autre. La
responsabilité des concepteurs est de suivre le Bbio qui est fondamental, car cette énergie positive ou cette
grande technicité ne doit pas compenser un mauvais comportement du bâti. Les bâtiments doivent être construits
en trois grandes séquences qui ne sont pas liées et supprimer les interdépendances. La façade et le clos couvert
ont une centaine d'années de vie, les équipements techniques, une trentaine et les équipements de
parachèvement dans lesquels on vit ont une durée de cinq ans. Tout concepteur doit faire coller son bâtiment la
future courbe de 2020 et de 2050. Ainsi, le bâti doit être le plus optimum possible pour ensuite intégrer les futures
technologies. Les capteurs solaires dans cinq ans auront rendement différent. Si le côté passif de l'immeuble est
traité avec une performance fondamentalement, la technologie pourra nous faire avancer. Le comportement de
l'habitant représente 30 % de la consommation. Les concepteurs doivent avoir une obligation de réaliser des
bâtiments qui puissent coller à la future courbe. Le travail du concepteur est de ne pas intégrer les techniques et
les technologies dans les mégastructures afin de pouvoir transformer le parc comme un jeu de tiroirs que l'on
change.
Emmanuel RAOUL, Plan Urbanisme Construction Architecture
121 Au-delà des 15 opérations de logements collectifs construites en BEPOS, nous avons lancé un appel de
manifestations d'intérêt. Dix maîtres d'ouvrage volontaires essaient de construire du BEPOS avec nous. Un
BEPOS est un bâtiment extraordinairement efficace en matière de consommation d'énergie. En termes
d'étanchéité et de circulation de l’air, il est très exigeant. En contrepartie, le problème de la qualité de l'air doit être
regardé d'une manière particulièrement fine, lors de la conception, de la réalisation et dans la gestion du
bâtiment. Par exemple quels sont les meubles que les locataires mettront dans les appartements ? Il est évident
que la qualité d'usage de ces bâtiments ne doit pas être altérée. Elle doit être meilleure que celle des bâtiments
d'hier, et insérée dans la ville, en termes de mobilité, de quartier. La difficulté pour nous n’est pas de réaliser un
BEPOS dans une prairie, mais en ville dans des zones denses où poser des panneaux photovoltaïques ou utiliser
du bois n'est pas si simple. Les réseaux de chauffage font partie des solutions intéressantes, par exemple des
réseaux d’eau à basse température, soit 14 °C-15 °C, incluant même des pompes à chaleurs individuelles. Il
existe de nombreuses solutions mixtes qui ont l'avantage d'être évolutives. Nous avons ici une diversité de
problématiques et nous ne sommes pas uniquement en train de parler d'énergie.
Carole LE GALL
Le point à ne pas oublier reste l'acoustique. Pour construire en ville, n'oublions pas l'acoustique, car c'est la
première nuisance ressentie par nos concitoyens. Si nous souhaitons vivre dans des espaces urbains de qualité
qui représente une certaine densité, la qualité acoustique devra être excessivement travaillée. Or, tel n'est pas
toujours compatible avec les enjeux énergétiques. La densité est un atout pour l’énergie, mais plus difficile à
traiter d'un point de vue acoustique. Qualité de l'air acoustique stabilité mécanique feu, etc. tous ces sujets
traditionnels sont renouvelés par la performance énergétique. J'insiste sur l'acoustique, car dans ce domaine
aussi il existe une réglementation « performancielle » avec des mesures qui permettent de savoir si les objectifs
sont atteints. Dans cette optimisation multicritères, deux critères très importants seront à anticiper puis à vérifier
lors de la conception, soit l’énergie et l’acoustique du bâtiment.
Thierry BIEVRE, PDG d’ELITHIS, créateur de bâtiments à énergie positive
Excusez-moi de ce caractère un peu malicieux de cette question que je me pose tous les jours. Aborder des
bâtiments à énergie positive avec cette idée de produire plus d'énergie qu'on n'en consomme. N'est-on pas dans
l’incitation au gaspillage ?
Philippe ROCHER
Qui souhaite nous parler du comportemental ? Comment communique-t-on auprès des occupants de bâtiment ?
Bernard BOYER
Quand une personne voyant son capteur solaire sur son toit entre chez elle, elle éteint plus vite la lumière. Le
comportement n'est pas quelque chose qui s'impose, mais il se ressent. Comme le goût, il s'éduque.
Premièrement, on ne peut pas tenir les propos suivants : « Comme l'énergie va être excédentaire, les gens vont
surconsommer ». Deuxièmement, la quantité d'énergie demandée par les cinq usages ne doit pas entraîner une
situation de trop-plein d'énergie positive d'où le besoin d'échange dans le quartier. Demain, Madame untel vendra
son énergie à son voisin. Le BEPOS ne peut pas être freiné par peur du gaspillage. Regardez le comportement
des personnes. Quand un lieu est donné propre, ils le gardent ainsi. Quand un capteur solaire est installé, ils le
respectent. Autre idée : permettre aux personnes d'étudier dans un niveau scolaire à haute performance. Ainsi, ils
pourront être conscients du décalage existant leur quotidien dans ce bâtiment et leur maison.
Philippe ROCHER
Dernière question de la salle, puis nous passons à la présentation des projets. Présentez-vous bien.
SERGE FERRETTI, responsable du service énergie de la ville de Montreuil.
Nous avons actuellement une école BEPOS en construction, murs paille, cogénérations et panneaux
photovoltaïques qui devra émettre en production électrique zéro carbone et zéro déchet nucléaire. Dans le
BEPOS, la question de la récupération et de la gestion de l'eau est souvent oubliée. Qu'en est-il sur l'avancement
de la réglementation et sur les préconisations ?
Carole LE GALL
La question de l'eau reste une question délicate. Ces nombreux dispositifs permettent d'optimiser la gestion de
l'eau dans le bâtiment, et notre rêve serait d'avoir des bâtiments à eau positive. En effet, le bâtiment est
complètement passif. Il récupère l'eau et l'envoie dans des réseaux qui parfois sont complètement saturés lors de
gros orages. Il existe une vraie réflexion sur le petit cycle de l'eau, c'est-à-dire celui à l'échelle du bâtiment, alors
que jusqu'à maintenant beaucoup de choses sont gérées au niveau du bassin-versant, soit en macrocycles. En
France, nous avons la chance d'avoir une qualité d'eau sanitaire exceptionnelle. C'est pourquoi dans tous les
122 projets innovants de recyclage de l’eau, le ministère de la Santé est excessivement vigilant sur le fait que l'eau
potable ne soit pas polluée par de l’eau non ou mal traitée, d'où des dispositifs anti-retours, etc. Des marges de
manœuvre existent sur ces questions. Mais la difficulté est d'avancer sur ce sujet sans rendre malades les
utilisateurs de l’eau potable.
Philippe ROCHER
Merci à tous de votre participation à cette table ronde.
123 Retours d’expériences n°4
Constructions à énergie positive
Comment un véritable bâtiment à énergie positive est-il construit ? Combien coûte-t-il réellement ? Comment
vérifie-t-on qu'il reste en énergie positive ? Et qu'impose-t-on à l'utilisateur ?
Et j’invite à rejoindre Frédérique VERNE sur scène :
 François LAUSECKER, architecte, gérant de l’agence LAUSECKER Architecte,
 Emmanuelle PATTE, architecte DPLG, gérante de l’Atelier MÉANDRE,
 Géraldine DAVIET, architecte, gérante d’Architectures et Territoires.
Nous allons regarder le film sur Résidence « Les Héliades » construite en 2010 par Le Toit Vosgien à Saint-Diédes-Vosges. Cet ensemble compte 30 logements sociaux, du T2 au T5. Nous allons écouter à la fois, le
témoignage de Jean-Marc Gremmel, directeur du Toit Vosgien, de Jean-Luc Charrier, son directeur technique et
de Christelle BERNARD, une des locataires.
Philippe ROCHER
L'objectif affiché par le maître d'ouvrage est d'avoir un BEPOS de cinq niveaux à ossature bois afin de
standardiser et de reproduire ce bâtiment. Quels ont été les choix techniques et les critères ?
François LAUSECKER, architecte, agence LAUSECKER Architecte
Pour un architecte, cette expérience est entièrement nouvelle. Le projet a été initié en 2006. Travailler sur un
bâtiment dont l'enveloppe devait être passive est une première pour nous. Avant de parler de positivité, il faut
parler de passivité. Tout le travail a été fait avec le bureau d'études Gest'Énergie. Très tôt, ces ingénieurs nous
ont permis de travailler avec des systèmes de simulation thermique dynamique en l'occurrence Pléïades-Comfie,
sans lequel cette enveloppe n'aurait pas pu être tant optimisée. Le premier travail a été sur l'orientation du
bâtiment, sachant qu'il ne pouvait pas être mis plein sud pour des questions de topographie et d'urbanisme. Une
inflexion sud-ouest était assez importante, mais par les calculs de thermique dynamique, la passivité du bâtiment
a été validée. Nous sommes en moyenne à 12 ou 13 kWh/m2/an en besoins en énergie primaire pour le
chauffage. Concernant le concept de la passivité à la positivité, l'enveloppe étant passive, le maître d'ouvrage
nous a demandé ce qui pouvait être amélioré dans les systèmes pour parvenir à la positivité. Des capteurs
solaires ont été intégrés sur les deux voitures disponibles, soit 1 000 m² de panneaux voltaïques. Le bureau
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d'études a pu nous valider un prévisionnel de 38 kWh/m /an. Mais cela n'était pas la finalité. L'objectif de départ
était uniquement de réaliser un bâtiment passif. Le projet étant lauréat Prébat, a été instrumenté pendant deux
ans. Concernant le chauffage, une innovation nous a posé des problèmes d'un point de vue de la réglementation
thermique 2005. L'idée était de mettre en place un système solaire individuel collectivisé, c'est-à-dire que les
capteurs étaient collectifs, mais chaque appartement avait son propre ballon. Nous avons eu des échanges avec
le ministère et nous sommes passés en commission Titre V afin de réaliser ce système. L'intérêt est de réchauffer
les ballons par train de chaleur et de ne pas avoir un bouclage anti-légionelle permanent, avec par exemple un
ballon au niveau de la chaufferie. Cette économie concernant la production de l'eau chaude sanitaire est
importante, car ce poste est le plus important en dépenses d'énergie dans ce type de bâtiment. Ce n'est plus le
chauffage qui pose problème, mais les autres énergies.
L'objectif est d'arriver à une positivité de 48 kWh/m2/an. L’apport voltaïque est important. Cependant, avant de
prétendre mettre du voltaïque, l'enveloppe doit être passive. Au sens des cinq énergies avec une base de 19 °C,
le bâtiment est en énergie positive. Dans les trois appartements suivis, les locataires ne se chauffaient pas à
19 °C. C'est pourquoi même si vous livrez une enveloppe performante à des locataires, un accompagnement est
toujours nécessaire. Sur ce bâtiment, nous avons vu des écarts d'éclairage allant de 1 à 6. Les effets de levier
pour réduire la consommation d'énergie passent beaucoup par l'information des locataires.
Philippe ROCHER
Vous construisez un bâtiment en énergie positive, et six mois, après les locataires mettent un halogène au milieu
du salon.
François LAUSECKER
Les locataires sont globalement respectueux. Il s'agissait de personnes âgées qui souhaitaient avoir des
températures un peu plus élevées. Certaines personnes ouvrent plus les fenêtres que d'autres. Certains
comportements restent imprévisibles.
Philippe ROCHER
124 Concernant le bilan financier de cette opération, le coût total est de 7 m€ pour 30 logements.
François LAUSECKER
2
Le coût des travaux est un petit peu en dessous de 1 700 € HT/m habitable. Les subventions de l’ADEME et de
la Région Lorraine pour le Prébat étaient à hauteur de 220 000 €.
Philippe ROCHER
Quels sont les suivis prévus de performances de ce bâtiment et des consommations ?
François LAUSECKER
Une instrumentation et une métrologie ont été installées par le CT de l’Est et suivies par le CRIT associé à Épinal
en plus de la station extérieure, du relevé de l’hygrométrie, de la température intérieure et extérieure, des
températures doubles flux, soit l’air rentrant l'air sortant. La stratification des températures à l'intérieur des
logements a aussi été mesurée, soit une instrumentation très complète. À l'intérieur des murs, des sondes ont été
installées, afin d'étudier le comportement des murs de cette ossature bois, notamment durant l'été.
Philippe ROCHER
La locataire décrit son confort d'hiver grâce à la chaleur très agréable du poêle à bois, vous a-t-elle décrit ses
ressentis l’été ?
François LAUSECKER
La question du confort d'été rejoint la conception bioclimatique de l'immeuble, soit un travail qui représente
l'essentiel du projet. Les profondeurs des logeurs ont été testées sur Pléïades-Comfie afin d'atteindre un
optimum, soit récupérer les calories et aussi pouvoir se protéger d'une sur insolation en été. Les stores aussi ont
été testés. Traversants, ils permettent une sur ventilation nocturne en plus de la sur ventilation de VMC double
flux. Ce bâtiment bois a un peu d'inertie, on parle plus de déphasage. L'inertie donnée par la chape de béton sur
un plancher bois suffit avec le déphasage à maintenir une température toujours inférieure à 27 °C.
Philippe ROCHER
Avez-vous utilisé les résultats de ce projet pour le dupliquer ? Quel est le caractère de reproductibilité de cette
opération ?
François LAUSECKER
L'intérêt est de ne pas répéter certaines erreurs. Au sujet de l'étanchéité à l'air, notre résultat est très bon, soit 06
en N50. Nous sommes sur les bases du Pasivao allemand. L'indice français, le Q4, n'est pas aussi explicite que
l'indice allemand, le N50. Pour les prochains bâtiments, nous avons pu bénéficier de l'expérience du suivi de tous
les tests d’étanchéité à l'air réalisés avec l'école du bois à Épinal. Nos erreurs de conception, de jonctions de mur
ou de plancher pour parvenir à une solution simple n'ont pas été répétées, et nous avons pu atteindre avant
même de l'isoler ou de mettre une membrane d'avoir un N50 proche de 06, soit proche du passif. Nous aurions
souhaité changer quelques systèmes, et ainsi avoir moins de problèmes avec la réglementation autour de
l'utilisation du double flux. La RT 2005 nous pénalisait énormément sur les doubles flux, car elle annonçait de
meilleurs résultats avec un simple flux Hydro B. En tant que concepteur, nous étions divisés entre la
réglementation et notre volonté de nous rapprocher des réalisations de nos amis européens, allemands et
suisses, qui depuis vingt ans ont déjà passé ce cap.
Frédérique VERGNES
La ventilation double flux est-elle obligatoire ?
François LAUSECKER
Non, mais il est difficile de réaliser un bâtiment passif sans une ventilation double flux. Au niveau de la qualité de
l'air, elle permet d'avoir une sur ventilation très intéressante, et les rendements de certaines installations sont de
90 %. En revanche, plus l’air est sec, moins l’Hydro B ventile. Des problèmes concernant la qualité de l'air ont
déjà été observés dans certains appartements équipés de cette ventilation. Il est vrai que les produits employés
dans le bâtiment jouent aussi un rôle dans ce domaine.
Frédérique VERGNES
125 Avez-vous eu des surprises vis-à-vis des comportements des habitants après la livraison ? Les avez-vous
informés sur le comportement à tenir dans ce type de logements ?
François LAUSECKER
Le Toit Vosgien étant une petite structure reste proche des locataires, et une information a été donnée. Mais les
locataires n'ont pas tout le même comportement. Concernant l'électricité domestique, il existe des écarts entre 1
et 6. Un locataire qui utilise un sèche-linge consommera davantage et perturbera ainsi le résultat du bâtiment.
Dans les futures BEPOS, il sera intéressant d'y intégrer la totalité des énergies comme le font les Allemands, soit
120 kWh/m2/an en énergie primaire.
Philippe ROCHER
Donnons la parole à la salle.
Question de la salle
Concernant la sur ventilation de la VMC, les usagers se plaignent-ils d'une hygrométrie insuffisante en hiver ?
François LAUSECKER
Je n'ai pas eu de retour sur ce sujet. Les systèmes de chauffage sont faits par une batterie de 800 W sur la VMC
double flux.
Question de la salle
Concernant le financement des BEPOS, qui avait financé l'installation photovoltaïque ? Est-ce le maître
d'ouvrage ?
Cela est-il répercuté sur la facture de locataires ? Une entreprise extérieure a-t-elle investi pour cette installation ?
François LAUSECKER
L'installation photovoltaïque a été financée par Le Toit Vosgien en partie par des fonds propres et des aides qu'ils
ont pu avoir. Le tarif d'achat est à plus de 0,60 € le kilowatt. Le maître d'ouvrage a calculé un temps de retour de
douze ou treize ans avec un changement d'onduleurs. De plus, nous avons eu la surprise d'avoir une production
10 % supérieure à nos prévisions. Nous avons eu quelques soucis avec les bureaux de contrôle et la
réglementation, c'est pourquoi nous n'avons pas souhaité installer une toiture photovoltaïque intégrée. Mais nous
avons mis un système de rails pour l'installer sur une toiture inox qui assure l’étanchéité. Ainsi, si dans dix ans,
les capteurs solaires valent trois fois moins cher et produisent deux fois plus, le maître d'ouvrage pourra les
changer sans toucher à sa toiture.
Philippe ROCHER
Même dans une toiture intégrée, il est possible de changer les capteurs.
François LAUSECKER
La durée de vie des capteurs prévue est de vingt-cinq ans. C’est pourquoi la crainte du maître d'ouvrage
concerne les pannes possibles des capteurs ou que l'usine fabriquant n'existe plus. En effet, deux problèmes
apparaîtront ensemble soit la production de l’énergie photovoltaïque et l'étanchéité du bâtiment.
François-Xavier HERMELIN
Je voulais juste faire une remarque par rapport aux propos de Tom LIPINSKI hier au sujet de la rénovation
Pasivaos réalisée à Brighton. Il a précisé qu'il avait supprimé le double flux à cause de problèmes d'usage des
locataires, et trouve beaucoup plus simple d'utiliser une VMC classique, car elle ne l'empêche pas d'atteindre le
niveau du Pasivaos.
François LAUSECKER
Je ne suis pas un spécialiste. Il existe peut-être des ventilations mécaniques différentes, comme des ventilations
statiques ou naturelles assistées qui permettront d'atteindre ces objectifs. Cependant, dans notre région et
contenu du climat, les apports d’un double flux sont tels que la passivité est difficile à obtenir sans ce système de
ventilation.
François-Xavier HERMELIN
126 J'apporte une petite précision par rapport à hier. Il s'agit bien d'une ventilation double flux. L'extraction est
naturelle, mais l'insufflation est mécanique, c'est pourquoi le système est excellent.
François LAUSECKER
En tant que concepteur-architecte, j'attends que les systèmes évoluent et surtout se simplifient.
Question de la salle
Concernant le photovoltaïque, il est tout à fait possible d'être en toiture intégrée et avoir une flexibilité du système
suffisante pour pouvoir changer un panneau d'une marque lambda à une marque bêta sans problème.
François LAUSECKER
Je ne porte pas un jugement de valeur sur les systèmes. Je précise juste que le bailleur social se projetait sur
cinquante ou cent ans et souhaitait dans une région qui connaît la neige une toiture inox. Ce système de rails est
un système allemand qui permet de très bien ventiler la surface des panneaux semi-cristallins et d'avoir un
rendement un peu meilleur. Ces panneaux sont intégrés à haut niveau architectural du bâtiment, car ils suivent
complètement la pente.
Philippe ROCHER
Nous allons passer au BEPOS suivant, soit l’école Saint-Exupéry de Pantin. Cette école zéro énergie est
construite en 2010 pour la Direction des bâtiments de la ville de Pantin, à proximité du canal de l’Ourcq en SeineSaint-Denis. Nous allons écouter le témoignage de Gilbert Métais ingénieur et conducteur de travaux à la ville de
Pantin.
Philippe ROCHER
L'objectif du maître d'ouvrage était simple : les enfants étant inscrits pour la rentrée, il fallait une école
supplémentaire. Ce projet est un acte fort, et il veut un bâtiment développement durable sur toute sa vie. Détails
des précisions techniques par l'architecte du projet.
Emmanuelle PATTE, Atelier Méandre
Cela fait plaisir de voir le maître d'ouvrage s'approprier le bâtiment et expliquer sa conception bioclimatique.
M. Métais a suivi le chantier en tant que maîtrise d'ouvrage, et maintenant il s'occupe de la gestion du bâtiment.
Pendant le chantier, il était mon interlocuteur direct et quotidien. Ce ne fut pas toujours facile, car nous avions un
délit très serré : la rentrée scolaire. Pour réaliser un projet BEPOS, le maître d'ouvrage doit avoir du courage, de
la volonté et il doit faire confiance à l'équipe de maîtrise d'œuvre, car il n'est pas possible de se reposer dans un
tel projet sur des savoir-faire habituels. Il faut faire aussi attention à ne pas fabriquer des objets technologiques.
Bien sûr, un BEPOS contient de la technologie, mais ceci ne doit rester qu'un aspect de l'ensemble. Le point de
départ de cet ensemble est son environnement c’est pourquoi il faut regarder le paysage, les lignes de force, la
topographie, les pentes, l'écoulement des eaux, le canal, les accès. Comment les futurs occupants vont-ils
accéder à ce bâtiment afin de privilégier les circulations douces ? Dans ce cas-là, une rue franchissait le canal et
est très bruyante. Ces détails importants doivent être pris en compte pour réaliser la ventilation naturelle.
L'observation aussi de la terre et des ressources locales est importante. Que va-t-on pouvoir planter ? Peut-on
infiltrer de l'eau ? Peut-on puiser de la chaleur ? Sans oublier bien sûr l'orientation. Tout ceci n'est pas
quantifiable, mais la justesse de l'implantation va permettre de résoudre beaucoup de problèmes dès le départ
sans surcoût. Nous travaillons systématiquement dans tous nos projets avec des paysagistes qui nous aident à
faire une lecture de ce paysage pour implanter le bâtiment de manière juste dans la ville. Construire un BEPOS
ressemble aux arts martiaux. Il faut prendre la force de l'adversaire et ne pas aller contre. Dès l'esquisse, nous
avons travaillé avec tous nos bureaux d'études soit le thermicien, l’énergéticien, l'acousticien, etc. pour qu'ils
réagissent à ce positionnement. Le deuxième point important est d'usage. Il faut être en accord avec les besoins
des personnes pour être heureux, sinon cela ne marche pas. Dans ce cas présent, cet ensemble de trois
bâtiments est construit pour des enfants. Le plus haut est un R+3, et les maternelles sont au premier étage avec
une cour de récréation sur le toit du restaurant. Le bâtiment compte un seul ascenseur et deux escaliers
intérieurs ainsi que des passerelles qui vont relier les trois bâtiments. Tout ceci permet le mouvement et donne
une fluidité dans les relations dedans dehors. Certains espaces comme le hall d'accueil sont conçus différemment
de ce qu'on faisait habituellement. Le hall est un grand sas isolé en plafond par rapport aux salles de classe
situées dessus, isolé sur les côtés par rapport à la salle polyvalente et aux bureaux, car les portes sont ouvertes
plusieurs fois par jour, du côté canal et du côté de la cour de récréation. Ainsi, ce hall est échauffé par le soleil et
par les déperditions des locaux voisins. C'est pourquoi il faut expliquer aux usagers que s'il fait plus froid dans le
hall, ce n'est pas une panne. Tout ceci est tout à fait normal. Étant un lieu de mouvement où les personnes en
général portent leurs manteaux, la température attendue était de 15 °C. Or, c'est rarement le cas. On se rend
compte ainsi que dans un bâtiment aussi performant, on a pratiquement plus besoin de chauffage. Le troisième
point étudié reste le confort et la santé. Notre approche est passive et nous travaillons sur la qualité intrinsèque
127 des matériaux. Concernant le confort hygrothermique, l’isolation est renforcée. Cette enveloppe très isolante est
réalisée pour le confort d’hiver. Or, la difficulté concerne celui de l’été. La masse thermique des murs en béton à
l'intérieur donne cette fraîcheur.
Philippe ROCHER
Commentaires concernant le chantier.
Emmanuelle PATTE
Voici la construction mixte béton de bois. Les isolants arrivent dans la structure bois croisée. Tout est préfabriqué
et le montage va très vite. Pendant que le béton se construit, le charpentier préfabrique toute la structure et
l'enveloppe. Ici est présenté le travail très fin réalisé avec le bureau d'études ALTO. Nous avons varié les
paramètres un par un sur une simulation thermique dynamique afin de savoir quelles économies ou quels
surcoûts ces choix ont entraîné. Ce tableau vous donne les consommations en kWh/m2/an pour le chauffage, la
ventilation, l'eau chaude sanitaire, etc. Ce bâtiment est zéro énergie pour tous les usages dans le bâtiment et non
pas seulement pour les usages réglementaires. Tous les usages de bureau et la cuisine ont été pris en compte.
Le bâtiment C dans lequel se trouve la restauration est le plus consommateur avec les chambres froides, le four
de chauffage, etc. pour finir sur la technique thermique. Voici une petite anecdote. Le chantier a été terminé en
été avant la rentrée de septembre. Un ouvrier entre dans le bâtiment et me dit : « Mais la climatisation a déjà été
posée. » En effet, il faisait extrêmement frais grâce aux murs en béton. Je lui ai expliqué que cela était dû
uniquement au déphasage des murs en béton. La ventilation naturelle a été très travaillée avec des panneaux
opaques dans les classes et la mise en place d'une cheminée solaire expérimentale installée sous les capteurs. Il
a aussi été mis en place une ventilation double flux pour arriver au bilan zéro. Ce double flux permet de récupérer
la chaleur produite par les enfants. Ainsi, les enfants par la présence chauffent le bâtiment. Le chauffage est
éteint dès que les enfants sont là. Mais ce double flux suppose un entretien bien plus fin que ce qu'on faisait
autrefois. Dans le double flux, le fait de ne pas entretenir les filtres entraîne directement un problème dans le
bâtiment. Ce double flux suppose de grosses gaines. Dans le cadre du renforcement de la qualité de l'air
intérieur, nous avons décidé de passer à un renouvellement d’air de 25 m3/h plutôt que 18 m3/h pour que les
enfants aient un air de meilleure qualité. C'est pourquoi nous avons limité au maximum les produits de finition
comme les colles, les peintures, etc. afin d'éviter les émanations de composés organiques volatils (COV).
Concernant la vue, nous avons réalisé des simulations comme cette simulation de facteurs lumière jour qui a
entraîné la pose d’édicules dans la salle à manger. Et ses petits édicules ont été le prétexte pour l'installation de
jeux pour les enfants dans la cour de récréation des maternelles. La lumière du jour reste la meilleure lumière.
Cette école a été pensée avec des vues ouvertes sur son environnement, sur la ville. On voit même les péniches
passer. Lors de sa visite, l'inspecteur de l'Éducation nationale a commenté l'école en précisant qu'elle était
ouverte sur le monde alors qu'en général les écoles sont des clôtures ou clôtures scolaires. L'école est
entièrement protégée d'un point de vue acoustique. Tout ceci a été travaillé avec un acousticien pointilleux qui au
début a refusé les cheminées scolaires dans les classes, mais le résultat est là. Aucun son dans l’école ne
provient de l’extérieur. On n’entend rien entre les classes alors que la structure est en ossature bois apparente,
ce qui n'est pas une mince affaire concernant le feu. Autres détails. Les triples vitrages sont moins bons à cause
d'un effet de résonance d'un point de vue acoustique que le double vitrage. Ces triples vitrages sont les premiers
à avoir été testés d'un point de vue acoustique en France pour atteindre ces performances. Nous avons aussi des
panneaux de fibres acoustiques au plafond pour l'absorption afin de descendre les temps de réverbération dans
les classes et avoir des ambiances calmes.
Philippe ROCHER
Parlons un peu des deux PAC sur sonde, soit deux PAC sur 12 sondes à 70 m de profondeur.
Emmanuelle PATTE
Les forages des sondes géothermiques sont faits en même temps que la construction du bâtiment. Ce ne sont
pas les sondes eau-eau, car l'échange de chaleur se fait avec la roche du sol non sur de l’eau.
Philippe ROCHER
Ce ne sont pas des PAC sur nappe, mais des PAC sur sondes eau-eau qui contiennent un liquide caloporteur.
Emmanuelle PATTE
Non, ce sont des PAC eau-sol. Ce projet compte 16 sondes, dont une pour la sécurité.
Philippe ROCHER
Exemple typique, les sondes s’arrêtent à 70 m.
128 Emmanuelle PATTE
Elles devaient aller jusqu'à 100 m, mais la roche étant ce qu'elle est, le forage s’est arrêté à 70 m. De plus, le
bâtiment n'a pas besoin de chauffage. Le liquide caloporteur part du local PAC à une certaine température, va
alimenter les radiateurs basse température dans les classes du bâtiment, puis revient avec un seul degré d’écart
en moins. Ma prochaine étape sera un projet sans chauffage. Du moment que tout le passif de l'enveloppe est
bien fait, des systèmes peuvent y être ajoutés comme la double flux, la géothermie ou des luminaires basse
consommation gérées par un héliomètre qui mesure la luminosité ambiante et éteint la lumière dès la détection
d'une luminosité trop forte. Et puis, nous avons installé la gestion technique centralisée du bâtiment (GTB),
indispensable pour suivre le fonctionnement du bâtiment et détecter les anomalies. Voici ici posés sur les trois
toitures totalisant un peu plus de 1 000 m2, les panneaux photovoltaïques pour compenser les dépenses. Puis, le
coût travaux n'est pas de 5,5 m€, mais bien de 9,5 m€.
Philippe ROCHER
2
2
9,5 m€ pour 3 570 m SHON et 2 600 m utiles, les chiffres de surface sont-ils bons ?
Emmanuelle PATTE
C’est 3 750 m2 SHON et 2 725 m2 d’espace extérieur.
Philippe ROCHER
Comment allez-vous suivre cette opération dans le temps ?
Emmanuelle PATTE
Malheureusement, nous n'avons pas de mission de suivi. Ceci est un problème. Et je pense qu'il faudrait dire aux
maîtres d'ouvrage publics qu’il est important que l'équipe de maîtrise d'œuvre ait une mission de suivi pendant les
deux ou trois premières années sur des bâtiments d’un tel niveau de performances afin d'affiner les réglages, en
particulier avec les usagers. Au lieu de faire venir, après, des inspecteurs pour voir si tout marche bien, il serait
plus utile que les équipes de maîtrise d'œuvre aient un complément de mission décidé dès le départ, car un
maître d'ouvrage public ne peut pas faire un avenant. Il est obligé de relancer une consultation. Il faut que les
personnes qui ont réalisé le bâtiment le suivent au moins les premières années.
Philippe ROCHER
Pas trop longtemps quand même, sinon vous allez devenir juge et partie.
Emmanuelle PATTE
Tout à fait. Comme nous connaissons la maison, il nous est possible plus vite de régler les problèmes. Pour cette
opération, nous avons eu la certification HQE, CERTIVEA bâtiment tertiaire. Le maître d'ouvrage a souhaité faire
une certification HQE bâtiment tertiaire et non BBC, contre l’avis de l’AMO HQE, soit le bureau d’études Tribu
Énergie.
Philippe ROCHER
La parole est donnée à la salle.
Question de la salle
On voit l’importance de la cuisine en termes de consommation. Qu'est-ce qui vous a fait éliminer le solaire
thermique pour alimenter la cuisine ?
Emmanuelle PATTE
Le solaire thermique alimente la cuisine. Il est intégré dans les toitures, juste au-dessus de la cuisine. Mais il
n’alimente pas les sanitaires des trois bâtiments, car la distance était trop grande entre les points de puisage et le
solaire thermique. Les eaux pluviales sont aussi récupérées pour les toilettes de la cour de récréation, l'arrosage
et le nettoyage de la cour de récréation. Le maître d'ouvrage a été courageux, car il l’a fait avant que cela soit
autorisé. L'autorisation a été donnée au moment de la livraison.
Philippe ROCHER
2
12 m de capteurs solaires thermiques pour 50 % de couverture des besoins, est-ce exact ?
129 Emmanuelle PATTE
Oui, tout à fait.
Emmanuel RAOUL Plan Urbanisme Construction Architecture
Afin de renforcer vos propos sur le fait que le maître d'ouvrage devrait intégrer une mission de suivi avec les
équipes de maîtrise d’œuvre, j'ajouterai que deux ans devraient suffire. Lors de la première année, le bâtiment
s'assèche et des premiers réglages sont à faire. Et puis, une seconde année où il est possible véritablement
d’observer ce qui s’y passe. Dans nos expériences Prébat, nous incitons les maîtres d'ouvrage à aller dans ce
sens. Il me semble que cela semble bien parti pour les maîtres d'ouvrage sensibles à cette problématique, les
maîtrises d'œuvre ainsi que les entreprises de conception-réalisation.
Philippe ROCHER
Et puis, au bout de deux ans, quelle est la marche à suivre ? Un bureau d'études extérieur prend-il la relève ?
Emmanuel RAOUL
Non, il s’agit soit de la maîtrise d'œuvre si l'on est en approche classique, soit de l'entreprise de conceptionréalisation, c'est-à-dire le mandataire, qui vous assure une garantie de performances. Cela n'empêchera pas le
maître d'ouvrage de missionner un bureau de contrôle indépendant pour vérifier ce qui lui est dit. Mais il est
important que l’entreprise ou le maître d'ouvrage qui a travaillé avec elle qui connaît le bâtiment assure les
derniers réglages. Nous ne sommes pas véritablement dans la gestion, il s'agit plutôt de la fin de la réalisation. La
gestion arrivera après.
Emmanuelle PATTE
Je voulais ajouter aussi l'importance du travail des entreprises et de la mise en œuvre. Pour parvenir à un tel
niveau de performance, le travail intellectuel (la gouvernance, le dessin, etc.) et le travail manuel doivent
communiquer ensemble. Ce chantier a été formidable d'un point de vue du travail d’équipe réalisé avec les
ouvriers sur place. Une formation sur l'étanchéité de l’air a été donnée, et tous les corps de métiers étaient
concernés, l’électricien, le plaquiste, etc. Je plaide pour que le métier d’étancheur soit intégré aux autres métiers
et que les tests d'étanchéité à l'air soient réalisés par les entreprises comme un outil d'autocontrôle. À la fin, un
dernier test peut être réalisé par un bureau de contrôle extérieur. Sur le chantier, le test d'étanchéité à l'air a été
un événement. Tout le bâtiment est fermé, puis il est mis en pression. On fait sortir de la fumée, et tout le monde
doit regarder le défaut de son ouvrage et l’améliorer. Lors de ce test, ce n'est pas un expert qui pointe les défauts,
mais la fumée qui les dévoile en s'échappant. Du fait du challenge, un vrai plaisir à travailler ensemble existait sur
ce chantier.
Philippe ROCHER
Ce sera le mot de la fin. Maintenant, nous allons regarder le dernier film sur la maison éco-performante du Pays
des Herbiers construite par la communauté de communes du Pays des Herbiers en Vendée. Cette maison
2
individuelle de 155 m SHON a été achevée en 2009. Et nous allons écouter le témoignage de Marcel ALBERT,
maire des Herbiers et Mireille MORAND, une des locataires.
Philippe ROCHER
Cette réalisation décidée par une communauté de communes n'est pas banale. Cette communauté de communes
éprouve le besoin d'avoir un démonstrateur. Comment tout cela s'est-il passé ? Quelques réalisations en Vendée
ont déjà été lieu. Quels ont été les critères de choix ?
Géraldine DAVIET, Architectures et territoires
L'idée est partie d’une discussion entre Marie-Eugène HÉRAUD, mon ex-associé qui vient de prendre sa retraite
et Marcel ALBERT, maire des Herbiers sur le fait pouvoir réaliser une maison expérimentale de 150 m2 sur une
parcelle de 500 m2.
Philippe ROCHER
Commentaires sur les quelques dessins d'architectes et les vues du chantier.
Géraldine DAVIET
J'ai appris aujourd'hui que j'étais un architecte Bbio des champs.
130 Philippe ROCHER
Vous avez pu en effet positionner la maison n'importe où sur la parcelle et sous n’importe quelle orientation. Cela
n'a pas été le cas pour tout le monde ici.
Géraldine DAVIET
Ce n'est pas tout à fait vrai. Je devais suivre la réglementation du lotissement qui imposait une orientation
parallèle à la rue ainsi qu'une écriture architecturale qui se voulait « contemporaine », c'est-à-dire qu'il fallait une
toiture-terrasse. Le sud n'était pas optimum par rapport à la parcelle c'est pourquoi les volumes ont été réorientés
pour être plein sud. De plus, la maison avait besoin d’une toiture qui accueille les cellules photovoltaïques. Dans
les critères du programme, la notion de bâtiments reproductibles était demandée. Or, en Vendée la majorité du
logement individuel a sa toiture en tuiles. Nous étions en pourparlers avec la mairie et nous devions en
permanence trouver des compromis entre les besoins techniques pour arriver un bâtiment passif et la règle
urbanistique. La réponse a été de réaliser un volume assez traditionnel couvert en tuiles. Nous avons dû céder, et
un des deux volumes possède une toiture-terrasse. Ce bâtiment se voulait passif, voire après positif, et il est écoconçu. La notion de matériaux « bio » était très importante. Un bureau d'études extérieur a étudié l'énergie grise
de tous les matériaux choisis. Le choix s'est porté sur des matériaux que les entreprises locales pouvaient mettre
en œuvre afin d'assurer la reproductibilité et baisser les coûts de transport. Le double mur est composé à
l'extérieur de briques bio Bouyer Leroux, à l'intérieur de laine de bois, puis d’une double peau en parpaing. La
structure porteuse est ainsi positionnée à l'intérieur. Nous aussi avons eu une formation commune avec tous les
intervenants du chantier sur l'étanchéité à l'air ce qui a fédéré l'équipe, car en 2008 nous avons un peu essuyé
les plâtres. À l'époque, les bons scotchs n'étaient pas simples à trouver. Le plafond devait être réalisé en briques
plâtrières avec un enduit. Cependant, nous avions mal anticipé la fixation de ces briques qui obligeait à percer la
membrane de plafond. En cours de chantier, elles ont été remplacées par des plaques de plâtre. Et depuis ce
jour, la brique en plafond a même été bannie de tous les chantiers afin de pouvoir être performant sur l'étanchéité
à l'air. Le test nous a permis de nous rendre compte des problèmes d'étanchéité autour des canalisations par
exemple. Les panneaux solaires thermiques ont été installés en façade en brise-soleil, car toute la surface du toit
au sud est occupée par les cellules photovoltaïques. La communauté de communes a mis en place une charte
pour choisir le locataire de cette maison qui a été instrumentée pendant deux ans. L'Espace INFO ÉNERGIE
venait de relever toutes les trois semaines la consommation de chaque acteur. Les locataires devaient ainsi
accepter ces contraintes et jouer le jeu. Cette maison a énormément servi pour la formation et les locataires
devaient accepter de garder « la porte ouverte » aux artisans, aux établissements scolaires, etc. Il s'est avéré que
le ballon d'eau chaude solaire et thermodynamique était mal réglé. Nous avons tout de suite pu rappeler
l'entreprise pour réajuster le chauffe-eau d’où l'intérêt de réaliser le suivi.
Philippe ROCHER
Ainsi, vous êtes d’accord avec les propos de nos intervenants précédents. Combien de temps vous faut-il pour ce
suivi ?
Géraldine DAVIET
L'année de parfait achèvement est toujours importante pour le bâtiment. Il est aussi difficile de quitter un tel
projet. On se doit de faire une visite de chantier par semaine. Lors de cette réalisation, les visites étaient de deux
par semaine et nous avons même organisé des journées portes ouvertes certains week-ends. Nous nous
sommes énormément investis dans ce projet. Le suivi est nécessaire, mais l’important est de passer la gestion
des contraintes techniques à l'utilisateur. La mise au point d'un cahier de vie de ce logement reste essentielle.
Philippe ROCHER
Ce détail est intéressant. Vous avez remis un guide d'utilisation de la maison aux occupants.
Géraldine DAVIET
Cette maison étant expérimentale, nous souhaitions que les occupants écrivent dans un cahier leur ressenti. Les
premiers six mois ont été un peu difficiles, car le locataire était surchargé par les demandes. Puis il s'est
approprié ce cahier. La maison a été livrée en 2009, et je sais qu'il continue à le tenir à jour. J'ai peu de liens avec
eux, mais la communauté de communes les accompagne toujours. Je suis actuellement en train d'établir des
cahiers de vie pour mes clients afin d’avoir leur retour de leurs consommations et leurs remarques.
Philippe ROCHER
Ce projet n'est pas complètement exemplaire concernant le coût. Le bilan économique de l'opération est de
388 000 € pour 155 m2 SHON et 100 m2 habitables. Pourquoi ? Quelle est votre analyse ?
Géraldine DAVIET
131 La maîtrise d'œuvre a été très importante. L'impact financier de l’étude de l'éco-conception a été très important.
Et puis, la maison est aussi suréquipée. Mais la communauté de communes voulait investir dans un tel projet
pour informer et expliquer à travers une maison exemplaire.
Philippe ROCHER
À combien estimez-vous le surcoût du passage au BEPOS en pourcentage par rapport à une maison BBC nonénergie positive ?
François LAUSECKER
Pour nous, le surcoût était de 17 %.
Emmanuelle PATTE
Le maître d'ouvrage annonce un surcoût de 20 %. Mais faut-il y ajouter la géothermie, le solaire
thermodynamique, etc. à un bâtiment déjà performant par sa construction ? Cette question peut se poser.
Économiquement, nous sommes encore dans l'âge de bâtiments démonstratifs où tout est fait.
Philippe ROCHER
Combien auriez-vous économisé si le projet ne contenait pas de pompe à chaleur ? Aurait-on pu trouver quelque
chose de plus simple ?
Emmanuelle PATTE
Ce bâtiment reste pionnier, exemplaire. Mais il est vrai qu'il faudra poser la question de l'économie de
technologies aussi coûteuses y compris de l’énergie grise. Je travaille actuellement sur cette question avec
l'institut pour la conception environnementale du bâti (ICEB) et grâce à l’Agence régionale de l'énergie et de
l'environnement (Arene), une publication sur l'énergie grise sera diffusée sur leur site. Par exemple, l’énergie
grise de ce bâtiment a été calculée en nous basant sur une base de données suisse. Il s'agit d'un calcul
approximatif. Sur une durée de vie estimée à quatre-vingts ans, l'énergie grise, soit l'énergie qu'il a fallu pour
2
construire le bâtiment ajoutée à celle qu'il a fallu pour l'entretenir, est chiffrée à 40 kWh/m /an. L'énergie
d'exploitation ne peut plus être l'unique sujet de réflexion. De plus, cette énergie a été diminuée d'une manière
drastique. Mais il ne faut pas opposer la réhabilitation au neuf. Au contraire, il faut tirer vers le haut des
techniques qui serviront en réhabilitation.
Géraldine DAVIET
Ce projet était du neuf et la communauté de communes nous a confié la réhabilitation de cinq logements dans la
même démarche sur la commune voisine.
Frédérique VERGNES
Mais cette fois-ci avec des coûts maîtrisés, car cette réalisation est un contre-exemple, car on fait BEPOS à coût
non maîtrisés. Même si ce logement est un démonstrateur, cela est un peu dommage.
Géraldine DAVIET
De plus, tous les matériaux bio-sourcés nous ont fait aussi augmenter le coût.
Philippe ROCHER
Pas de question. Bien, nous allons demander à Thierry BIEVRE de nous rejoindre sur scène. Vous l'avez
découvert tout à l'heure. Il est PDG d’ELITHIS et il a la particularité de travailler dans une tour à énergie positive
située à Dijon. Quelle est votre réaction par rapport aux trois projets qui viennent d'être présentés ?
132 Synthèse du Grand Témoin de l’après-midi
Thierry BIEVRE, directeur général Elithis
Puis-je donner une note ? Je mettrais 25 sur 20 pour ces trois projets, car ils dépassent largement la question de
l'énergie positive. Ces témoignages ne portent pas uniquement sur les kilowatts-heure ou l’aboutissement
énergétique. J’ai entendu les mots : « confort », « être heureux », « pédagogie », « exemplarité », « génération
future », « courage », « volonté ».
Philippe ROCHER
Et « des enfants calmes dans les classes ».
Thierry BIEVRE
L'exemplarité de ces projets permet aux usagers de se projeter dans leur imaginaire, car en fin de compte, cette
forme d’acceptabilité reste beaucoup plus importante que le simple résultat énergétique de la réalisation.
Philippe ROCHER
Ils ont tous les trois un triple A.
Thierry BIEVRE
Tout à fait.
Philippe ROCHER
Concernant la reproductibilité technique et économique de ces trois réalisations, donneriez-vous aussi un triple
A?
Thierry BIEVRE
Ces trois projets ont des problématiques économiques différentes. En tant que pionniers, ils ont dû faire des
essais sur la partie du montage des opérations et sur des choix technologiques et conceptuels. Ces
expérimentations coûtent toujours plus cher, surtout si l'on est tributaire d'un cahier des charges ou d'une vision
unitaire. L'énergie positive embrasse tellement de champs d'investigation. Aujourd'hui, les maîtres d'ouvrage
peuvent s’intéresser « aux loyers de leurs futurs locataires », « à la réalisation d’un projet pilote », « au fait que
les enfants vivent dans un lieu exemplaire et puissent s’évader dans leur imaginaire ». La France montre de
réelles capacités dans la façon de concevoir et d’écrire l'architecture afin aussi d’effacer les habituels problèmes
de clichés. Un bâtiment à énergie positive n'est pas toujours sympathique à voir. Nous avons ici trois exemples
parfaits d'intégration architecturale où l'énergie positive répond un vocabulaire architectural sympathique.
Philippe ROCHER
Le suivi des performances dans le temps a été évoqué plusieurs fois. Emmanuel RAOUL nous propose deux ans
par exemple. Parlons de la tour ELITHIS à énergie positive à Dijon. Reste-t-elle positive ou pas ? Vous êtes bien
placé pour savoir qu’entre la conception d'un côté, et la réalité au quotidien d'une tour de l’autre, rien n’est simple.
Thierry BIEVRE
Ultra-positive. Les résultats aujourd'hui sur les cinq usages varient entre -1,5 et +17 kilowatts-heure d’énergie
primaire sur trois ans. Cette dérive est expliquée par le fait que notre quête d'efficacité énergétique a été associée
à celle très importante de l'amélioration du confort et de la qualité de vie. Depuis 2003, je nourris le débat sur le
sens que l'on doit donner un bâtiment à énergie positive. Est-ce simplement la conquête de l'économie
d'énergie ou un nouveau modèle de société ? Avec les trois sociologues engagés dans l'entreprise, nous avons
travaillé avec l'ensemble des acteurs du bâtiment et les utilisateurs afin de définir l'économie d'énergie. À qui
s'adresse-t-on quand on décide de construire un bâtiment à énergie positive ? Posons-nous cette question au lieu
de nous toujours demander « Comment ? » Aujourd'hui, les concepteurs, les architectes, les acteurs du bâtiment,
les industriels, les maîtres d'ouvrage regorgent d'idées pour construire des bâtiments à énergie positive. Or, ces
bâtiments ne doivent pas être uniformes ni standards pour que chaque usager puisse s’approprier un bâtiment
qui lui correspond. Dans notre quête d'économie d'énergie, nous avons interrogé les usagers qui ont ainsi fait un
peu évoluer le fonctionnement du bâtiment se situant au nearly zero energy. Le retour de satisfaction des usagers
est d’environ 75 % des usagers.
Philippe ROCHER
133 Vous suivez le fonctionnement du bâtiment. Au bout d'un certain temps, tout le monde a pris l'habitude de vivre
dans un bâtiment à énergie positive et la vie quotidienne reprend ses droits. Quels sont les postes les plus
difficiles à tenir ? Qu’est-ce qui est le plus difficile à maîtriser ?
Thierry BIEVRE
Le poste comptant le plus d’essais-erreurs reste le chauffage. La base réglementaire de la température des
locaux est à 19 °C. Or, si vous demandez à une équipe de production dans le tertiaire ou dans l'industrie de venir
travailler dans un lieu qui va passer de 23 °C à 19 °C, elle risque de ne pas être d'accord. Ce dogme
réglementaire n’entre pas dans les habitudes de vie et de confort moderne. Une personne aime avoir un niveau
de confort faisant partie de ses représentations, soit une température dans son lieu de travail supérieure à 19 °C.
Nous avons fait ainsi évoluer notre vision dans ce domaine et décidé de consommer un peu plus en chauffage.
Nous utilisons la biomasse, soit des pellets comme ressource pour alimenter le chauffage de ce bâtiment.
Comme cette ressource ne provient pas d'une énergie fossile, nous avons préféré lâcher un peu de lest dans ce
domaine, et aujourd'hui, il fonctionne très bien. Au final, nous n'avons pas beaucoup augmenté notre
consommation générale, car nous avons pu économiser sur d’autres postes.
Philippe ROCHER
La tour ELITHIS est une tour de bureaux qui accueillent entre autres la Direction régionale de l’ADEME
Bourgogne. Quid du poste informatique ?
Thierry BIEVRE
Le poste informatique reste le plus gros consommateur d'énergie d’un bâtiment tertiaire. Sur les neuf étages de
bureaux de la tour avec des occupations différentes, il est mesuré entre 45 et 55 kWh/m2/an. Il a légèrement
évolué à la baisse dans le bâtiment suite à la gestion des éco-comportements. Cet accompagnement réalisé par
les sociologues dans le cadre d'une recherche & développement lancée avec l’ADEME et le BUCA a amené de
manière matricielle à changer les comportements des usagers en les incitant dans leur pratique professionnelle à
avoir un comportement adéquat avec le bâtiment qui les reçoit. Par exemple, au moment où ils quittent leur
bureau, à midi ou le soir, ils débranchent leur ordinateur.
Frédérique VERGNE
Si mes souvenirs sont bons, vous militiez pour que les personnes aient des ordinateurs portables. Est-ce que
tous les occupants, même l’ADEME, ont des ordinateurs qui consomment moins ?
Thierry BIEVRE
Je n'ai pas fait d'enquête, mais a priori le message était bien passé. En trois ans, la plupart des usagers de la tour
ont renouvelé leur parc informatique. Ils ne l'avaient pas fait à leur arrivée dans les lieux, car ils avaient
simplement déménagé leur matériel. Mais, petit à petit, ils ont mis en adéquation leur fonctionnement de process
et d'activité professionnelle avec les représentations proposées par le bâtiment.
Frédérique VERGNE
Concernant ce poste très énergivore, vous souhaitiez arrêter les serveurs la nuit, les jours fériés et pendant les
vacances. Tout ceci est-il fait ?
Thierry BIEVRE
Non, pas encore. Nous l’étudions. Aujourd'hui, l'énergie produite par les bâtiments est de plus en plus transférée
vers l'énergie du savoir ou de la connaissance. Par exemple, le « cloud » est l'un des plus gros consommateurs
d'énergie. Or, juste pour se dire demain : « J'ai bien travaillé. Mon bâtiment donne de bons résultats », il serait
dommage de projeter cette énergie à l'extérieur du bâtiment. Ainsi, est-il vraiment d’avoir un bâtiment qui produit
plus d'énergie qu’il n'en consomme ? De mon point de vue, il est plus intéressant de chercher l'équilibre en
permettant à l'usager de l’accompagner. L'idée est de se positionner légèrement au-dessus de la capacité du
bâtiment, c'est-à-dire qu'il peut être à 20 kWh/m2/an et que l'on propose aux autres usagers d'avoir un effet levier
dans leur comportement sur ces 20 derniers kilowatts-heure. Ce mécanisme contribue au changement et peut
apporter un message différent à la société.
Emmanuelle PATTE
Je souhaitais préciser ces chiffres. Ce bâtiment consomme 50 kWh/m2/an, par exemple, et notre
école 20 kWh/m2/an. Ces chiffres sont à comprendre avec l'emploi du temps d'occupation du bâtiment. Si,
demain, le maître d'ouvrage de l'école de Pantin décide d'utiliser les locaux, pendant les vacances scolaires, pour
organiser une formation permanente ou d’autres activités – une très bonne nouvelle en soi, car les bâtiments
134 seraient mutualisés –, la consommation va obligatoirement augmenter. Ainsi, faisons attention à cet affichage de
la consommation énergétique d’un bâtiment, car elle dépend toujours de l'occupation. Et puis, concernant
l'énergie grise, il est intéressant de changer la vision de la société française en faisant des bâtiments qui peuvent
avoir plusieurs usages sur des périodes différentes, soit pendant les vacances scolaires ou le soir pour une école.
Philippe ROCHER
Surtout pour un bâtiment tertiaire, car un bâtiment d'habitation est supposé être habité de la même façon quel
que soit l’occupant. Pas tout à fait d'accord ?
Géraldine DAVIET
Nous avions aussi fait cette remarque concernant l'occupation des bâtiments d'habitation. Or, aujourd'hui avec les
familles recomposées, les variations de consommation d’un foyer, par exemple sur une semaine, peuvent être
impressionnantes.
Philippe ROCHER
Il paraît que les familles recomposées sont les casse-tête des architectes.
Géraldine DAVIET
Ce fut le cas pour nos locataires. Au début, nous ne comprenons pas pourquoi la consommation était si différente
d'une semaine à l'autre. Ils nous l’ont expliqué.
Philippe ROCHER
Dernière question : Le bâtiment à énergie positive signifie-t-il une réduction ?
Thierry BIEVRE
Pas du tout. L'expression « énergie positive » ne s’associe pas seulement au mot « kilowatt-heure », mais
regroupe de nombreux facteurs très intéressants, comme la création de valeur ou l'économie au sens propre.
Quand un pays décide de s'emparer de cette question, tout ceci devient un outil de croissance économique. Je
pense à l'amélioration du confort tout en renvoyant une certaine responsabilité à l'usager afin qu’il ait conscience
lui-même de son rôle. Il peut y participer, écrire sa propre histoire en matière d'écologie et pouvoir ainsi la
transmettre aux générations futures. Concernant l'amélioration de la santé, aujourd'hui, nous faisons des
bâtiments très confinés avec des qualités d'air pouvant devenir demain préoccupante, c’est pourquoi il est très
intéressant d’étudier cette question. Il faut être vigilant, car il s’agit d’une opportunité au changement grâce à
l'écologie. Au sujet de l'énergie positive, j'aime dire : « De la matière grise, oui, celle des concepteurs, des
usagers, mais aussi celle des industriels. L'énergie grise n’est ni fossile ni renouvelable, mais c’est l'énergie de
demain. » La société doit pouvoir avec ses propres capacités et facultés intellectuelles opérer un mouvement qui
la modernise sans décroissance en allant vers l'environnement et l'économie.
Philippe ROCHER
De l'intelligence de conception à l'intelligence d'utilisation, la boucle est ainsi bouclée par rapport à la toute
première table ronde traitant de la garantie de la performance énergétique. En effet, la quatrième garantie ne
serait-elle pas l'utilisateur lui-même en se conformant à l’objectif et au cahier des charges fixées de ces bâtiments
à énergie positive ? Thierry BIEVRE. Merci beaucoup. Ceci clôture cette table ronde.
e
Je vais vous demander de patienter quelques secondes afin de clôturer ces 6 Rencontres de la Performance
Énergétique. Merci à l’ADEME et au Moniteur.
Merci à deux architectes de cette 6e édition : François-Xavier HERMELIN qui a co-animé avec moi hier et Patrice
GROUZARD.
Merci aux deux équipes : Patrice GROUZARD avec Véronique DALMASSO, Cédric Fray avec Julie LEBRETON
à l’accueil.
Merci également à Cécile FOISSAT qui a géré tous les supports avec quelques problèmes de télécommande qui
ne marchait plus.
Merci à toute l'équipe technique. Vous ne vous rendez pas compte du nombre de personnes qu'il faut pour
organiser ces rencontres. Ils sont au moins six ou huit derrière moi, plus deux ou trois en haut, plus toutes les
hôtesses.
Merci à tous ceux qui ont travaillé à ces rencontres.
e
Et je vous donne rendez-vous pour les 7 Rencontres de la Performance Énergétique en octobre 2013 sur le
thème du financement de la réhabilitation énergétique des bâtiments.
Merci Mesdames, merci Messieurs, merci à vous tous d’être restés jusqu'à la dernière minute et à l’année
prochaine.
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