Gestion dPune crise dPasthme à la maison : le plan dPaction

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Dossier
Gestion d’une crise d’asthme
à la maison : le plan d’action
Emmanuelle Fleurence
Hôpital d’Enfants, 60, rue Bertin 97400 Saint-Denis, La Réunion
<[email protected]>
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L’apprentissage de la gestion d’une crise d’asthme à domicile est un des objectifs
essentiels de la démarche éducative chez l’enfant asthmatique. C’est l’objectif
des plans d’action, dont l’efficacité est désormais bien établie. Pour être parfaitement efficace, le plan doit être écrit, individualisé, accompagné d’un programme éducatif et s’intégrer dans un suivi régulier de l’enfant. Idéalement,
tout enfant doit avoir un plan d’action, quel que soit le niveau de sévérité de
son asthme. Le plan d’action doit clairement préciser les circonstances nécessitant un renforcement du traitement de fond, les symptômes justifiant la prise de
bronchodilatateurs ou de corticoïdes, les doses de chacun de ces médicaments,
et les signes imposant un recours médical urgent.
Mots clés : crise d’asthme, plan d’action, domicile
doi: 10.1684/mtp.2008.0194
L’
mtp
Tirés à part : E. Fleurence
enfant asthmatique est susceptible de développer des symptômes aigus, la crise d’asthme, ou subaigus, l’exacerbation. Il est indispensable
que l’enfant et ceux qui s’en occupent
aient des instructions claires pour faire
face à de tels évènements. C’est l’objectif des plans d’action. L’utilisation
de ces plans d’action fait désormais
partie des recommandations du programme de gestion de l’asthme du
National Institutes of Health (NIH) [1].
Les études réalisées pour démontrer
l’intérêt des plans d’action montrent
que pour être efficace, le plan doit
être écrit, personnalisé, accompagné
d’un programme éducatif et s’intégrer
dans un suivi régulier de l’enfant [2, 3].
Idéalement, tout enfant doit avoir un
plan d’action, que son asthme nécessite un traitement de fond ou pas.
La réalisation de ce plan ne se résume
pas à la rédaction d’une ordonnance.
Il doit être rédigé lors d’un temps particulier, en consultation, en hospitalisation ou à l’école de l’asthme, en présence de l’enfant et de sa famille et
avec leur participation active. C’est
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un temps d’éducation à part entière
qui fait partie de la prise en charge globale de l’enfant asthmatique [4-6].
À quoi ressemble un plan
d’action ?
C’est un document écrit, réalisé
lors d’un entretien entre le médecin
et l’enfant accompagné de sa famille.
Chaque plan d’action est différent et
dépend de l’aptitude du patient à
appréhender sa maladie : il est individualisé. Ce document doit être complet mais ne doit pas compter trop
d’items : la complexité le rendrait inutilisable par l’enfant et sa famille.
Un plan d’action écrit individualisé complet doit comporter les items
suivants [2] :
– Quand augmenter le traitement ?
– Comment augmenter le traitement ?
– Pour combien de temps ?
– Quand demander une aide
médicale ?
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Quand augmenter le traitement ?
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L’enfant et sa famille doivent savoir reconnaître les
symptômes annonciateurs de crise et les signes de crise.
Ces symptômes sont différents pour chaque enfant. Ils doivent donc être identifiés lors de la réalisation du plan et
clairement inscrits sur celui-ci. Dans un souci de clarté, il
vaut mieux se limiter aux deux ou trois signes les plus
caractéristiques de l’enfant, et les classer par ordre de gravité croissante.
La mesure du débit expiratoire de pointe (DEP) et sa
comparaison à des valeurs de référence font partie des
recommandations du NIH pour la gestion des crises
d’asthme au domicile [1]. Le DEP permet d’évaluer le
degré d’obstruction des bronches et peut être intéressant
en cas de mauvaise perception de cette obstruction par le
patient [7]. Mais chez l’enfant asthmatique, l’obstruction
concerne surtout les petites bronches alors que le DEP
reflète plutôt l’obstruction des grosses voies aériennes
[8]. La sensibilité de cette mesure chez l’enfant n’est
donc pas optimale et en cas d’utilisation pour le plan
d’action, il vaut mieux que la valeur de référence figurant
sur le plan soit la meilleure valeur individuelle réalisée en
période stable [7].
Les études comparant les plans tenant compte de la
mesure du DEP et ceux basés uniquement sur les symptômes n’ont pas montré de différence significative en terme
d’efficacité [2, 3].
En conclusion, la mesure du DEP ne doit pas être systématiquement intégrée à un plan d’action. Elle peut
néanmoins s’avérer utile pour certaines familles. Dans
ce dernier cas, la valeur optimale personnelle doit être
utilisée comme référence.
Comment augmenter le traitement ?
Il faut différencier la situation d’exacerbation avec
signes annonciateurs de crise et la situation de crise. L’apparition de signes annonciateurs de crise nécessite un renforcement thérapeutique. L’attitude la plus répandue est
d’associer des bronchodilatateurs de courte durée d’action au traitement de fond.
En cas de signes d’exacerbation, certaines études
publiées proposent un premier palier d’augmentation
des doses du traitement de fond pendant la durée des
symptômes, avant même l’utilisation de bronchodilatateurs. L’utilité d’une telle mesure est controversée, un
doublement des doses quotidiennes de corticoïdes inhalés semblant notamment inefficace lorsque les signes
d’exacerbations sont déjà présents [9, 10]. Une augmentation plus précoce du traitement de fond, lors de situations associées à une augmentation de l’inflammation des
voies aériennes, serait par contre bénéfique [11].
C’est donc sûrement lors de l’apparition de signes
reconnus par la famille comme fréquemment annoncia-
teurs d’exacerbation – comme par exemple une rhinorrhée – qu’il faut préconiser cette augmentation du traitement de fond.
Dès l’apparition de signes de crise, l’utilisation de
bronchodilatateurs est indispensable. Les bêta2mimétiques de courte durée d’action sont le traitement
de première intention quels que soient l’âge de l’enfant
et le niveau de gravité [1]. La voie inhalée est la voie d’administration préférentielle. Les posologies utilisées dans
les études cliniques sont variables et non consensuelles
[12]. La revue Cochrane de 2003 montre des posologies
allant de 3-6 bouffées par prise jusqu’à 1-2 bouffées/ kilo
avec un maximum de 20 bouffées par prise [13].
Le Groupe de réflexion sur les avancées en pneumologie
pédiatrique (GRAPP) propose une posologie de 50 μg/kg
par prise avec un maximum de 1 000 à 1 500 μg par prise
(avis d’experts), soit un schéma thérapeutique de 4 à 15
bouffées équivalent salbutamol à renouveler toutes les
10-15 minutes [14]. L’acceptabilité étant un facteur déterminant de l’observance d’un traitement, il semble raisonnable d’inscrire sur le plan d’action une posologie plus
faible, à déterminer selon le poids de l’enfant, de l’ordre
d’une bouffée pour 4 kg avec un maximum de 10 bouffées, renouvelable toutes les 20 minutes. La persistance
des symptômes au-delà d’une heure soit trois prises de
bronchodilatateurs, doit conduire à la prise de corticoïdes
oraux et à l’information du médecin traitant pour la suite
de la prise en charge. En présence de signes de gravité dès
le début de la crise, l’attitude thérapeutique est la même
mais doit s’accompagner d’un avis médical urgent :
consultation dans l’heure auprès de son médecin ou aux
urgences hospitalières, appel d’un médecin au domicile
voire du SAMU. Ce recours à l’avis médical d’urgence est
aussi valable en cas de non-réponse aux corticoïdes oraux
4-6 heures après la prise.
Pour combien de temps ?
La durée d’augmentation du traitement de fond en cas
de présence de facteurs de risque, la durée de prise de
béta2-stimulants en cas d’exacerbation ou de crise, la
durée de la corticothérapie orale en cas de crise améliorée par la prise de corticoïdes oraux doivent figurer sur le
plan d’action.
En cas de présence de facteurs de risque (séjour à la
campagne chez un enfant allergique aux graminées par
exemple), l’augmentation du traitement de fond doit
durer tant que le facteur de risque est présent.
En cas de crise améliorée par le traitement initial, l’administration des BDCA doit être poursuivie au moins
7 jours avec une posologie proposée de 2 à 4 bouffées
ou 200 μg à 400 μg équivalent salbutamol × 3 à 4/jour
(avis d’experts du GRAPP).
Concernant la corticothérapie, la prednisone et la
prednisolone sont les seules molécules étudiées. Leur
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Figure 1. Proposition de plan d’action.
administration par voie orale à la posologie de 1 à
2 mg/kg/jour (maximum 60 mg), en une à deux prises
pour une durée de 5 jours est validée.
Quand demander une aide médicale ?
Toute modification du traitement de fond doit entraîner l’information du médecin traitant.
Celui-ci doit également être prévenu en cas de survenue d’une crise contrôlée par le traitement initial. Son rôle
est de recevoir rapidement l’enfant en consultation afin de
s’assurer de la bonne évolution de la crise et de renforcer
le traitement de fond si besoin.
L’aide médicale urgente est indispensable en cas de
crise non contrôlée après la prise de corticoïdes oraux.
Les numéros de téléphone d’aide médicale urgente doivent figurer sur le plan d’action (figure 1).
2. Gibson PG, Powell H. Written action plans for asthma: an
evidence-based review of the key components. Thorax 2004 ; 59 :
94-9.
3. Toelle BG, Ram FS. Written individualised management plans for
asthma in children and adults. Cochrane Database Syst Rev 2004
(CD002171).
4. Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé
(ANAES). Education thérapeutique de l’enfant asthmatique. Recommandations. 2002.
5. Wolf FM, Guevara JP, Grum CM, Clark NM, Cates CJ. Educational interventions for asthma in children. Cochrane Database Syst
Rev 2003 ; 2003 (CD000326).
6. Guevara JP, Wolf FM, Grum CM, Clark NM. Effects of educational interventions for self management of asthma in children and
adolescents: systematic review and meta-analysis. BMJ 2003 ; 326 :
1308-9.
7. Brand PL, Roorda RJ. Usefulness of monitoring lung function in
asthma. Arch Dis Child 2003 ; 88 : 1021-5.
Références
8. Sly PD, Cahill P, Willet K, Burton P. Accuracy of mini peak flow
meters in indicating changes in lung function in children with
asthma. BMJ 1994 ; 308 : 572-4.
1. National Institutes of Health, National Heart Lung and Blood Institute. 2006. Global initiative for asthma. NIH Publication No. 023659 (updated 2006). www.ginasthma.org.
9. FitzGerald JM, Becker A, Sears MR, Mink S, Chung K, Lee J. Doubling the dose of budesonide versus maintenance treatment in
asthma exacerbations. Thorax 2004 ; 59 : 550-6.
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10. Harrison TW, Oborne J, Newton S, Tattersfield AE. Doubling the
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11. Green RH, Brightling CE, McKenna S, et al. Asthma exacerbations and sputum eosinophil counts: a randomised controlled trial.
Lancet 2002 ; 360 : 1715-21.
13. Cates CC, Bara A, Crilly JA, Rowe BH. Holding chambers versus
nebulisers for beta-agonist treatment of acute asthma. Cochrane
Database Syst Rev 2003 (CD000052).
14. Marguet C. Management of acute asthma in infants and children: recommendations from the French Pediatric Society of Pneumology and Allergy. Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 427-39.
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12. Marguet C, Couderc L, Dubus JC, Bocquel N, Mallet E. Les
β2-mimétiques de courtes durées d’action et les anticholinergiques.
In : Les médicaments de l’asthme de l’enfant, Recherche clinique et
décision thérapeutique. Paris : Springer-Verlag, 2000 : 45-63.
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