"Les cahiers des RPS" n°24 - Santé et Sécurité au Travail en PACA

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Les cahiers
des
rps
risques
Psycho
Sociaux
Prévenir ensemble
Les risques d’atteinte psychologique au travail
Editorial
Management et régulation du travail
• Prévenir les RPS par le management du travail, P. Conjard,
• Ouvrir des espaces de discussion pour manager le travail, P. Conjard,
• La notion de régulation : un élément déterminant dans la compréhension des risques
psychosociaux, F. Martini
Dossier Colloque
• Retour sur le Colloque Prévention des RPS. Comment faire ? Retour d’expérience et Bonnes
pratiques, 17 juin 2014 - Parc CHANOT, S. Mocaer
- La politique de prévention au sein de la Fondation Patronage Saint-Pierre-Actes, S. Tavernier,
- La prévention des risques psychosociaux au sein de la Fondation PSP-Actes du point de vue
des élus CHSCT, C. Mazzoni,
- Dialogue social territorial et prévention : les Matinales RPS, C. Revest,
- Où en est-on de la loi de juillet 2011 réformant l’organisation de la médecine du travail en PACA ?,
N. Grolleau,
- Comment garantir la mise en oeuvre d’un plan d’action de prévention des RPS suite à un
diagnostic ? Comment pérenniser une culture de prévention des RPS après l’intervention d’un
consultant ?, T. Holz, C. Peytavin,
- La Qualité de Vie au Travail : une voie pour innover, J. Pelletier.
Pratiques
• Le collectif PACA-CORSE des psychologues en SST (CPCP-SST) Mutualiser pour mieux
accompagner, P. Bodin, M. Chevassu, C. Cypowyj, E. Rabillard-Delaurat, F. Mattei, J.P. Matz,
L.Soulie, D. Teste
• Risques pour la santé : à qui demander la suspension du PSE ?, carnet juridique www.cfdt.fr .
Conditions de travail
• Les effets pervers de la pression organisationnelle, M. Correia
• Des placardisés dans un état de droit : s'opposer à l'ostracisme, S. Roubaud
• Reprise de l’intensification du travail chez les salariés, Dares Analyses, www.travail-emploi.gouv.fr.
Publications
Revue
• Recueil des articles traitant des méthodes d’évaluation depuis le 1
er
fps/rps
Revue biannuelle
N°24
Décembre 2014
numéro des Cahiers des
Sommaire
Les cahiers des rps
Le Vérone
ZI Jeanne d’Arc
27 bd Charles Moretti
13014 Marseille
Tél. : 04 91 62 74 09
Fax : 04 91 62 72 45
Email : [email protected]
Décembre 2014
4 Editorial
Management et régulation du travail
Publication biannuelle
Directeur de la publication
Franck Martini
6
10
14
COMITE EDITORIAL
Muriel Gautier
Marc Souville
Sandrine Mocaer
CORRECTIONS
Valérie Aiguesparses
• Prévenir les RPS par le management du travail
• Ouvrir des espaces de discussion pour manager le travail
• La notion de régulation : un élément déterminant dans la compréhension
des risques psychosociaux
Dossier Colloque
19
• Retour sur le Colloque Prévention des RPS. Comment faire ? Retour
d’expérience et Bonnes pratiques, 17 juin 2014 - Parc CHANOT
n
n
MAQUETTE
Hania Djebbar / 06 76 01 00 42
n
EDITEUR
CATEIS
www.cateis.fr
EURL au capital de 24 000 euros
n
n
Siège social : Le Vérone
ZI Jeanne d’Arc
27 bd Charles Moretti
13014 Marseille
n
FINANCEUR
DIRECCTE PACA
23/25, rue Borde
13285 Marseille Cedex 08
04 86 67 33 96
IMPRIMEUR
SPI - Septèmes
Dépôt légal : février 2005
ISSN : 1772-7642
La politique de prévention au sein de la Fondation Patronage
Saint-Pierre-Actes
La prévention des risques psychosociaux au sein de la Fondation
PSP-Actes du point de vue des élus CHSCT
Dialogue social territorial et prévention : les Matinales RPS
Où en est-on de la loi de juillet 2011 réformant l’organisation de la
médecine du travail en PACA ?
Comment garantir la mise en œuvre d’un plan d’action de prévention
des RPS suite à un diagnostic ? Comment pérenniser une culture de
prévention des RPS après l’intervention d’un consultant ?
La Qualité de Vie au Travail : une voie pour innover
Pratiques
RCS Marseille B 419 867 551
Agréé expert CHSCT
Habilité IPRP
N°24
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• Le collectif PACA-CORSE des psychologues en SST (CPCP-SST) Mutualiser pour mieux accompagner
• Risques pour la santé : à qui demander la suspension du PSE ?
Conditions de travail
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• Les effets pervers de la pression organisationnelle
• Des placardisés dans un état de droit : s'opposer à l'ostracisme
• Reprise de l’intensification du travail chez les salariés
48 Publications
50 Revue
• Recueil des articles traitant des méthodes d’évaluation depuis le 1er
numéro des Cahiers des fps/rps
www.sante.securite-paca.org
édito
Ce nouveau numéro de la revue est construit autour de quatre grandes
rubriques. Dans l’ordre, et sans priorité, le compte-rendu du colloque sur la
prévention des RPS, co-organisé par la Direccte PACA, la Carsat Sud-Est, la
MSA et Act Méditerranée, un dossier consacré aux questions de la régulation du
travail, une rubrique « Pratiques » qui met au centre des éléments d’actualité et
enfin une rubrique « Conditions de travail » qui fait le lien entre cette
thématique et les risques psychosociaux.
Le colloque régional « Prévention des RPS - Comment faire ? Retours
d’expérience et bonnes pratiques » qui s’est tenu à Marseille en juin 2014 visait
d’abord à dégager des pistes communes de bonnes pratiques. Il marquait de ce
fait une avancée par rapport aux colloques précédents, puisque la perspective
était moins de sensibiliser que de commencer une réelle capitalisation à partir
des démarches existantes. Articulé autour de témoignages d’entreprises et
d’apports d’acteurs institutionnels, il a mis en avant différentes catégories de
bonnes pratiques : pérenniser la démarche, illustrer la culture de prévention,
développer la régulation sociale. On mesure l’évolution de la réflexion
également aux attentes du public. Une large place est donnée dans ce dossier aux
retours et attendus exprimés par les participants. Cette initiative a également mis
en relief la continuité de l’action publique dans la prévention des risques
psychosociaux. Sur des échelles de temps court (dix ans) on s’aperçoit d’une
réelle montée en compétence de nombreux acteurs et d’une avancée dans le
niveau de questionnement des entreprises et des préventeurs. Il est manifeste
que la dynamique régionale n’est pas un facteur neutre pour expliquer cet état
de fait.
Puisque l’on évoque les évolutions à l’œuvre du côté des préventeurs il convient
de mentionner le texte du collectif PACA-CORSE des psychologues en Services
de Santé au Travail (CPCP-SST) – « Mutualiser pour mieux accompagner ». Au
niveau national, se sont organisés des échanges interservices entre psychologues
exerçant en SST, regroupés aujourd’hui au sein de l’association « Reliance et
Travail ». « Sur la région PACA et la Corse, en 2010, l’initiative a été reproduite
par les services interentreprises avec comme objet la mutualisation des pratiques et le
soutien interprofessionnel au sein d’un réseau : « collectif PACA-Corse des psychologues
SST ». Ce réseau a pu bénéficier de l’appui de leurs directions respectives ». Là aussi
on peut mesurer le chemin parcouru. Il y a dix ans il n’existait pas en PACA de
psychologues au sein des SST. La diversité des thématiques d’échange au sein de
ce collectif reflète la variété de cette activité en SST (prévention des Risques
Psychosociaux (RPS), des conduites addictives en milieu de travail, promotion de la
Qualité de Vie au Travail (QVT), accompagnement aux changements, analyse des
comportements à risques, prévention de la désinsertion professionnelle, cellule
d’urgence et de crise…). Ce sont ce type de lieux qui vont aider à faire émerger la
professionnalité des préventeurs de demain.
Le dossier relatif à la régulation doit nous permettre de réfléchir à une notion
qui reste innovante et en tout cas peu familière de beaucoup d’acteurs. Elle
représente pourtant un tournant et il s’agit d’en tirer les conséquences. On a
souvent procédé à un inventaire des facteurs d’exposition aux risques
psychosociaux (intensification du travail, changements…).
Cette phase était essentielle et on ne pouvait en faire l’économie. Néanmoins elle
laisse dans l’ombre deux questions. La première est qu’elle ne saisit pas les
4
Les cahiers des rps
éditorial
dynamiques à l’œuvre au sein des situations de travail, la
seconde qu’elle ne permet pas d’approcher de manière
satisfaisante l’équilibre entre les contraintes et les
ressources dont dispose l’opérateur pour faire face à
l’exposition. Sur ces deux points l’approche de la
régulation, qu’elle soit abordée sous l’angle du
management du travail ou sous celui de la régulation des
situations de travail permet d’incontestables progrès. Elle a
aussi le mérite de mettre à jour de manière pratique et
concrète le rôle de l’activité managériale et de dégager un
mode d’analyse qui ne fait pas des managers les éternels
bouc émissaires des risques psychosociaux. Dans son texte
« Prévenir les RPS par le management du travail » Patrick
Conjard, chargé de mission à l’ANACT, pointe bien ce
problème : « Que ce soit au regard de questions liées à
l’amélioration de la performance, à des changements
d’organisation du travail ou à la prévention des risques
professionnels, les pratiques de management sont à la fois
pointées comme une source de dysfonctionnement et comme
un levier d’action ». Il poursuit en faisant le lien entre la
question du management et de l’activité, longtemps tenues
dans des champs cloisonnés :
« Pour nous, manager le travail, c’est prendre en compte le
travail, ses conditions de réalisation, les besoins de
reconnaissance et de régulation dans les processus et pratiques
de management afin d’améliorer la performance collective et
la Qualité de Vie au Travail ». De fait, et il faudrait plus de
place que cet éditorial pour en faire la démonstration, sans
une régulation managériale efficace (et dont il faut définir
les conditions) toute organisation dérive vers une
exposition forte aux risques psychosociaux. On ne pourra
que difficilement se passer de cette notion dès que l’on
voudra par ailleurs analyser toute situation de travail du
point de vue des risques psychosociaux. Il faudra dès lors
que les préventeurs se l’approprient et en fassent un objet
d’échange et de discussions.
Tout cela dans un contexte où les conditions de travail ne
semblent pas s’améliorer, en particulier du point de vue de
l’évolution des organisations et des rythmes de travail.
Dans le dernier numéro de DARES Analyses (N° 49, juillet
2014) il est noté : « Entre 2005 et 2013, pour les salariés de
France métropolitaine, les changements organisationnels ont
repris et les contraintes de rythme de travail se sont accrues,
après la relative stabilisation enregistrée entre 1998 et 2005.
Cette intensification a été plus marquée dans la fonction
publique que dans le secteur privé. L’usage de l’informatique
dans le travail poursuit sa progression à un rythme rapide.
D’ailleurs, le contrôle ou suivi informatisé du travail est la
contrainte de rythme qui s’est le plus diffusée ». Cette
perception de la réalité du travail aujourd’hui est à mettre
en contrepoint avec ce que nous dit Mario Correia dans sa
5
N°24 - Décembre 2014
contribution : « Les effets pervers de la pression
organisationnelle ». Son approche, très documentée, décrit
la nature et la forme des réorganisations qui ont eu cours
ces dernières années. « (…) entre 2002 et 2007, plus de
5 000 cas de restructuration ont eu lieu en Europe, ce qui
représente une perte annoncée d’un peu plus de 2,9 millions
d’emplois (CE, 2009) ». Le recul est important pour
prendre correctement la mesure des choses. Et pour
l’auteur elles ont des effets massifs sur le travail lui-même :
« Or, ces évolutions ont des effets relativement concordants : les
activités professionnelles comme la manière de les assurer sont
de moins en moins prévisibles. L’incertitude devient une
norme organisationnelle que les salariés sont obligés d’intégrer
et de gérer pour parvenir à réaliser le travail demandé ». Cela
induit, à son tour, des conséquences sur ceux qui
travaillent, en tout cas sur leurs modalités de gestion des
contraintes organisationnelles. Les postures de retrait, de
mise à distance du travail, de mécanisation de l'engagement
sont dévastatrices pour l'organisation car elles transforment
l'acteur en réceptacle passif des contraintes organisationnelles.
Or dans toute organisation, le respect strict des procédures,
c’est-à-dire l'absence de contournement des règles, ne peut que
conduire à la paralysie ou au déclin de celle-ci. Par une forme
de retournement la pression organisationnelle arrive à
produire certes de la souffrance, mais de manière plus large
du retrait, ce qui est exactement l’inverse du but recherché.
Ce constat ne peut que nous conforter à l’idée que les
activités qui font lien entre le travail et l’organisation, c’està-dire les activités de régulation managériales, sont le
fondement à la fois de la performance et de la Qualité de
Vie au Travail !
Pour conclure pointons que lorsque la régulation ne
fonctionne plus, les dérives peuvent être de divers ordres.
C’est au fond ce que nous rappelle Sara Roubaud dans son
texte « Des placardisés dans un état de droit : s’opposer à
l’ostracisme ». La placardisation qui est à la fois « une
éviction du travail et le maintien dans l'emploi » selon la
définition de Dominique Lhuillier n’est pas un
phénomène marginal. Il existe de manière forte dans de
nombreuses collectivités, administrations et grandes
entreprises. Se pencher sur cette réalité c’est aussi tenter de
comprendre les mécanismes qui aboutissent à la rupture et
au conflit. C’est (presque) déjà une autre thématique.
Nous souhaitons que ces lectures soient pour vous
enrichissantes, un appui à votre réflexion et à vos
pratiques. C’est là toute la mission des Cahiers !
;:
Franck Martini
Directeur de publication
Management du travail
Prévenir les RPS par le management du travail
Les cahiers des rps
Que ce soit au regard de questions liées à l’amélioration de la
performance, à des changements d’organisation du travail ou à la
prévention des risques professionnels, les pratiques de management
sont à la fois pointées comme une source de dysfonctionnement et
comme un levier d’action. L’attention grandissante portée à la
prévention des risques psychosociaux n’a fait que renforcer cette
tendance. Le management apparaît, ainsi, éloigné du travail et facteur
de contraintes plus que de soutien. On reproche aux managers des
pratiques managériales inadaptées (pression, stress, contrôle) tout en
regrettant son absence.
l’importance du travail de régulation opéré par les managers. Dans un
contexte incertain, il s’agit de reconnaître et de faciliter leur travail
d’organisation du travail (De Terssac, 2013) et de les aider à « préparer
le travail d’une façon qui favorise sa réalisation, dans les situations
réelles » (Daniellou, 2002). En insérant la fonction managériale dans
son environnement global, cette approche vise, de façon cohérente, à
faire évoluer l’ensemble des processus de management, de gestion des
ressources humaines et de dialogue social. Au-delà de l’évolution des
compétences managériales et d’un appel à plus de bienveillance des
managers, c’est un changement profond des modes de fonctionnement
de l’entreprise que nous défendons ici. Si l’appropriation de ce nouveau
cadre de réflexion par les acteurs de l’entreprise emprunte des voies
diverses, l’analyse de l’activité managériale et la conduite
d’expérimentations dans le cadre d’une démarche concertée sont,
comme l’illustre l’étude de cas présentée ci-dessous, des points de
passage nécessaires pour espérer de réelles transformations.
Plus globalement, les salariés dénoncent des modes d’organisation et
de gestion qui ont conduit à multiplier les objectifs de performances
(productivité, qualité, réactivité, flexibilité) et à accroître les
contraintes et les contradictions sur la scène du travail. Ce sentiment
de mal-être lié aux évolutions croisées entre le travail et le management
n’est pas sans effet sur la santé des salariés et la performance des
entreprises. Ces dernières sont confrontées à des problèmes
d’absentéisme ou de désengagement de leur personnel avec, au final,
des dysfonctionnements qui affectent la performance et engendrent
des coûts. Dans ce contexte, une contestation de fond du
management contemporain et de ses dérives émerge et les entreprises
sont invitées à agir. Si la plupart sont conscientes des liens entre le
management et les conditions de travail, les actions engagées sont
encore rares, limitées et peu efficaces. La crainte d’ouvrir une boîte de
Pandore, d’aborder des sujets sensibles et de ne pas disposer des
marges de manœuvre suffisantes pour agir sur l’ensemble du système
limite, sans aucun doute, l’ambition des entreprises. Cette frilosité
s’explique, aussi par la difficulté à appréhender ce sujet et à ouvrir, au
sein des entreprises, des discussions sur les tensions et paradoxes
inhérents à l’activité de travail. Les situations de mal-être sont souvent
perçues comme des fragilités individuelles, des difficultés
d’adaptation, les conséquences d’une défaillance du management de
proximité et non pas, comme les signes d’une crise plus générale du
travail et de ses modes d’organisation et de mobilisation. L’absence de
modèle alternatif, visant à réconcilier, en profondeur, le travail et le
management ne facilite pas l’émergence de nouvelles pratiques. Faute
de repères communs sur le travail et d’échanges sur les besoins de
soutien et de régulation à satisfaire, les acteurs de l’entreprise peinent
ainsi à ouvrir de nouvelles voies pour manager autrement.
Des initiatives pour amorcer un changement de paradigme
Afin de répondre à des demandes de ses Caisses Régionales le
traitement de la thématique des conditions de travail a été initié par
cette fédération nationale d’employeur d’un groupe bancaire. Cette
instance, qui joue le rôle de chambre professionnelle, est une instance
de réflexion, d’expression et de représentation des caisses, c’est à son
niveau que les accords groupe se négocient. Dans un contexte
marqué par le signalement de troubles psychosociaux avec des
attentes plus ou moins fortes des partenaires sociaux des caisses
régionales, Direction et représentants du personnel ont souhaité
sérier les problèmes et objectiver la situation en matière de conditions
de travail. Cette approche se distingue des approches classiques en
matière de stress ou de santé au travail, elle traduit la volonté de
traiter les véritables causes plutôt que les « symptômes » en menant
des analyses profondes de l’organisation sur le terrain et en écoutant
les salariés. Par ailleurs, un accord préalablement signé en novembre
2007 abordait des problématiques relatives à la conduite de projet, la
prévention du stress et du harcèlement, la préparation au
changement permanent (formation, mobilité, lisibilité des métiers) et
la gestion des incivilités.
L’objectif des partenaires sociaux au démarrage du projet est d’aboutir
à un nouvel accord centré sur l’organisation du travail avec l’ambition
de proposer des solutions répondant au triptyque, « relation et service
client, bonne marche de l’entreprise et bien-être au travail ».
Le cadre méthodologique de l’intervention proposée par les
intervenants de l’Anact, sollicités pour accompagner l’engagement de
ce projet, s’inscrit dans cette perspective d’objectivation des conditions
de réalisation du travail et de mise en débat dans des espaces d’échange
paritaire d’éléments à la fois quantitatifs (8400 questionnaires) et
qualitatifs (investigations de terrains et groupes de travail managers).
L’objectif est d’alimenter le dialogue social à partir de l’analyse des
conditions de réalisation du travail et d’impulser de nouvelles
pratiques tant sur le plan du dialogue social au niveau national que de
l’organisation du travail au sein des caisses régionales. Il ne s’agit pas
ici de restituer l’ensemble des dimensions, effets et résultats de cette
démarche. Nous ne reprenons donc que les matériaux susceptibles
d’illustrer et d’apporter des éléments de réponse à notre réflexion sur
l’élaboration d’un modèle alternatif de management.
Vers quels modèles, quelles pratiques de management devonsnous aller pour garantir une meilleure performance sociale et
économique des organisations ? Comment réconcilier le travail et
le management et accompagner les entreprises vers le
développement de processus de régulation collectif pertinents ?
A partir de travaux de capitalisation conduits au sein du réseau de
l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail
(ANACT), plusieurs pistes ont pu être avancées pour organiser
autrement les relations entre le travail et le management. En
complément d’une approche macro, militant pour une refonte du
modèle économique et d’une approche micro, misant sur une
évolution des compétences managériales, nous proposons une voie
alternative que nous désignons comme le modèle du management du
travail (Conjard, 2014). Fondé sur le principe d’un management en
soutien à la réalisation de l’activité, ce modèle remet en avant
6
Les cahiers des rps
Management du travail
Enfin, l’analyse du travail de management réalisée à la fois lors des
investigations de terrains et à l’occasion des groupes d’analyse de
pratique des managers nous permet de disposer d’éléments de
compréhension complémentaires et d’éviter l’écueil de la
stigmatisation sur les comportements managériaux. Des grilles
d’analyse spécifiques ont été mobilisées pour identifier les différentes
composantes de leur activité, les déséquilibres éventuels entre le
temps consacré à certaines tâches et leurs valeurs ajoutées sur la
performance et la santé, les interactions auxquelles ils sont soumis,
leur charge de travail, etc. (voir exemple ci-dessous).
Ce détour par le travail des managers a permis de sortir des
représentations, de mettre en évidence ce qu’ils font réellement (« le
travail réel »), ce qu’ils ne peuvent pas faire (« le travail empêché »),
rendre visible les régulations et arrangements opérés au quotidien
(« le travail d’organisation du travail ») et identifier les enjeux d’une
meilleure prise en compte du travail dans leur activité. La mise en
perspective de l’activité des Directeurs d’agences avec les résultats de
l’enquête quantitative et qualitative sur les conditions de travail
auprès de l’ensemble des partie prenantes (Direction, élus, managers)
a, dans ce cas, favorisé l’engagement d’une réflexion sur des actions
dépassant la seule formation managériale.
De l’analyse des 8 400 questionnaires, nous retenons que la planification de l’activité apparaît comme un axe d’amélioration, pour plus
de 49% des répondants. La charge de travail est aussi un point
d’attention, plus de 56% des répondants déclarent ne pas avoir
suffisamment de temps pour terminer leur travail et plus de 62% des
répondants ne pas pouvoir réaliser un travail en qualité et en délais.
Les déterminants de cette augmentation de la charge seraient liés à la
charge administrative et réglementaire, au versioning du système
d’information, aux incidences du déploiement des politiques
commerciales (objectifs, organisation des campagnes), à une
augmentation des exigences du client et à une rationalisation des
ressources au siège. Parmi les éléments modérateurs pour mieux vivre
la charge qui sont mentionnés on peut citer dans l’ordre, la
coopération dans l’équipe, l’ambiance de travail, le management direct
(rôle de temporisation pour la pression commerciale) et l’assistance ou
le soutien du siège (expertise et réactivité). En ce qui concerne les
objectifs individuels, 19,6% des répondants déclarent que le suivi de
leur activité par leur hiérarchie est réalisé quotidiennement, 42,6%
hebdomadairement, 26,6% mensuellement et 11,2% annuellement.
Enfin, la reconnaissance constitue également un point
d’insatisfaction : 32,5% des répondants déclarent ne pas être
reconnus par leur hiérarchie.
N°24 - Décembre 2014
7
Les cahiers des rps
Grille n°1 - Analyse de l’activité des Directeurs d’agences (DA)
Des investigations de terrain ont permis d’approfondir et de
caractériser les points mis en exergue par cette enquête d’opinion.
Les diagnostics ont ainsi confirmé les enjeux d’organisation de
l’activité et les enjeux de régulation et de soutien managérial. Lors
de la restitution de ces matériaux auprès du comité de pilotage
paritaire, nous avons mis en avant différents points illustrés par
quelques verbatim :
• L’incidence de la standardisation des process sur la prise
d’initiative et la relation client : « On devient des exécutants, on est
interchangeable », « C’est la machine qui décide à notre place », « Ils
veulent que l’on ait tous les mêmes normes de travail alors que la
vraie efficacité c’est de s’adapter au client ».
• Les dérives liées à un management individualisé par objectif :
« C’est pas réaliste », « Cela nous met en concurrence, empêche les
coopérations », « On est obligé de tricher », « A quoi cela sert de
contrôler quotidiennement la réalisation de nos objectifs, c’est une
pression pour rien ».
• La prégnance des outils informatiques qui conduit à un
déplacement de la centralité du travail : « Aujourd’hui, il s’agit
davantage d’être maître du système (être capable de retrouver
documents et informations dans le système d’information) que de
maîtriser les produits bancaires ou de connaître le client
personnellement ».
• L’évolution de la fonction de Directeur d’agence vers des activités
de gestion et de contrôle : « Le métier de manager devient de plus
en plus un métier de contrôle, de reporting », « On n’est plus un
référent technique pour l’équipe », « Nos marges de manœuvre sont
réduites, nous avons de moins en moins d’autonomie ».
• Des attentes et besoins exprimés vis à vis des managers : « Plus
d’écoute, de soutien et d’attention en cas de difficultés », « Il faut
communiquer, nous expliquer les raisons des changements en cours »,
« Ce qui est déterminant pour nos conditions de travail, c’est
l’ambiance de travail, les coopérations et tout cela dépend en grande
partie du manager, de sa façon d’animer l’équipe ».
Management du travail
Enfin, entre les deux, une large majorité de caisses régionales
hésitent, s’interrogent et engagent, avec prudence, des plans
d’action plus ou moins ambitieux. Cette catégorisation, très
empirique, révèle, ainsi, parfois en creux, les principes à mettre en
œuvre et conditions à réunir pour repenser le management.
L’évolution des pratiques managériales passe, pour les expériences
les plus abouties, par une approche simultanée de trois registres
d’actions complémentaires : le rôle et l’activité managériale,
l’organisation du travail, la gouvernance et le dialogue social. Les
enseignements issus de ce projet viennent étayer nos travaux de
capitalisation sur les modalités alternatives à envisager en matière de
management et les conditions favorables pour envisager un
véritable changement de paradigme et aller vers des pratiques de
management du travail.
Les cahiers des rps
Nos investigations nous ont, aussi, conduit à repérer et à analyser
des « bonnes pratiques » en matière d’organisation et de
management. A titre d’exemple, une caisse régionale a pris le parti
de sortir du pilotage par des objectifs quantitatifs et du principe de
rémunération variable individuelle.
Pour son Directeur commercial « Ces méthodes sont dépassées car nos
clients ont évolué, la concurrence a évolué et nos collaborateurs ont
d’autres attentes, au niveau du management on est donc plus attentif
au contenu qu’aux résultats ». Au niveau des pratiques de
management cela se traduit par une attention plus grande aux
difficultés rencontrées par les collaborateurs au quotidien, la mise
en place de réunion métier chaque semaine ou de séances de
coaching assurées par la Direction.
Dans une autre caisse régionale, il s’agit moins d’abandonner le
management par les objectifs que d’être attentif au processus
d’élaboration et de déclinaison de ces objectifs. Des espaces de
négociation au niveau des Directeurs de secteur (n+2) et des
Directeurs d’agences (n+1) permettent d’adapter les objectifs fixés
par la Direction commerciale aux forces et faiblesses de chaque
agence. Pour le DRH de cette structure, « Cela a contribué à
redonner du pouvoir aux managers de proximité, à sortir d’une logique
de concurrence pour aller vers une logique de solidarité entre caisses ».
L’analyse de ces pratiques, souvent qualifiées « d’expérimentations »
confirme nos hypothèses de départ sur la nécessité d’ouvrir des
espaces de traduction et de prendre en compte le travail et le point
de vue de ceux qui le réalisent. Des pratiques, qui favorisent, pour
l’ensemble des acteurs concernés, de bons résultats économiques et
de bonnes conditions de travail. Sur le registre du travail
d’organisation du travail opéré par certains Directeurs d’agence,
quelques pratiques ont été relevées.
Le modèle du management du travail
Pour nous, manager le travail, c’est prendre en compte le travail, ses
conditions de réalisation, les besoins de reconnaissance et de
régulation dans les processus et pratiques de management afin
d’améliorer la performance collective et la Qualité de Vie au Travail.
Il s’agit de faciliter la réalisation d’un « travail soutenable » ayant du
sens pour ceux qui le réalisent (Gollac, Guyot, Volkoff, 2008)1. Ce
modèle s’applique à traiter à la fois la dimension stratégique et
opérationnelle du management et s’attache à mieux les articuler via,
notamment, l’existence d’espaces de discussion sur le travail2. Il
interpelle, plus globalement, les modalités organisationnelles et les
modes de gouvernance en redonnant du pouvoir d’agir aux
individus.
Manager le travail, c'est ouvrir au débat de nouvelles dimensions du
travail pour favoriser la codécision dans la détermination du
contenu et de l'organisation du travail. Il s’agit de promouvoir une
organisation du travail conçue comme un environnement
dynamique favorable au développement des personnes et à la
performance collective. C’est, de fait, l’ensemble des relations entre
les différents acteurs de l’entreprise, y compris celles relevant du
dialogue social, qu’il s’agit de revisiter. L’enjeu central pour notre
approche, du point de vue du rôle et des missions du management,
consiste à positionner celui-ci comme un levier efficace
d’amélioration de la performance en permettant au travail d’être un
opérateur actif d’engagement dans l’action. D’emblée, cette
perspective commande impérativement de reconnaître à sa juste
valeur les dimensions constitutives du travail. Manager le travail,
c’est alors favoriser l’intégration effective du travail dans les modes
d’organisation et le fonctionnement des entreprises. Ce n’est plus
en faire un objet du management – qui est organisé, contrôlé, voire
sanctionné – mais un sujet capable d’autonomie et jouissant d’une
reconnaissance effective pour la contribution qu’il apporte à
l’action commune.
A partir de l’ensemble de ces matériaux, les enjeux d’évolution des
pratiques managériales ont été instruits par le comité de pilotage.
Au final, sept thématiques ont été retenues dans l’accord signé par
les partenaires sociaux. Celles-ci doivent être « déclinées et
prolongées par des plans d’action concrets, discutés avec les
instances représentatives du personnel » (en principe les CHSCT).
Si les intentions de repositionnement du management sur des
activités de soutien et d’organisation du travail, d’ouverture
d’espaces de négociation et de discussion sur les objectifs de
performance sont bien présentes, la déclinaison de ces
préconisations via l’engagement de plans d’action concrets au
niveau des différentes caisses régionales n’est pas garantie.
Trois grands cas de figures apparaissent. Quelques caisses, déjà
engagées dans des pratiques alternatives et convaincues du bienfondé de ces préconisations, s’inscrivent naturellement dans une
logique d’appropriation de l’accord. Renforcées et soutenues par la
démarche de la fédération, elles engagent à leur niveau des
transformations en profondeur dans la continuité de la dynamique
nationale. A l’autre extrémité, on trouve des caisses régionales
réticentes à s’aventurer sur des voies alternatives en matière de
management. Ces dernières se caractérisent par l’absence de
pratiques de concertation, un management très centralisé et plus
globalement une moindre attention aux questions relatives aux
conditions de travail.
1
Selon les auteurs, un système de travail soutenable répond aux critères suivants :
- « Biocompatible », c’est-à-dire adapté aux propriétés fonctionnelles de l’organisme humain
et à leur évolution au fil de l’existence ;
- « Ergo-compatible », donc propice à l’élaboration de stratégies de travail efficientes ;
- « Socio-compatible », donc favorable à l’épanouissement dans les sphères familiale et
sociale, à la maîtrise d’un projet de vie.
2
Sur les « espaces de discussion », nous renvoyons le lecteur à notre article consacré
spécifiquement à cette question publié dans ce numéro des Cahiers des rps
8
Les cahiers des rps
Management du travail
large des managers. Le changement de paradigme visé et les
principes et valeurs véhiculés par le modèle requiert une approche
globale et intégrée. Enfin, le développement d’un management du
travail sera d’autant plus abouti et pérenne s’il s’insère dans le cadre
d’un dialogue social rénové. Il s’agit de faire correspondre
étroitement les modes de management et le dialogue social de
l’entreprise, de les appréhender comme des processus
complémentaires et non pas comme des processus parallèles et
concurrents. L’enjeu consiste à inventer de nouvelles modalités de
fonctionnement, de nouveaux espaces de discussions entre les
partenaires sociaux afin que le dialogue social porte sur le travail et
qu’il soit un véritable levier de performance.
Dans ce cadre d’action, le manager reconnaît le travail, le prépare,
l’organise, le met en discussion, l’interprète et le régule en
interaction avec les autres acteurs de l’organisation. En fonction de
ses marges de manœuvre, sa posture et sa compréhension du travail,
il facilite ou entrave les dynamiques d’engagement et de
coopération nécessaires à la réalisation du travail de son équipe.
Cela correspond à la régulation managériale, entendue ici comme «
la capacité de l’organisation, portée en particulier par les fonctions de
manager, de réguler l’activité de l’opérateur (et des opérateurs entre eux)
et de permettre le maintien d’un cadre de travail apte à favoriser la
réalisation du travail dans des conditions satisfaisantes du point de vue
de la production et n’excédant pas les ressources des opérateurs »
(Martini, 2014)3 Soit, l’ensemble des arrangements, ajustements et
régulation opérés au plus près de l’activité dans le cadre de la
relation managériale.
Si le manager de proximité est un acteur clef de notre modèle, il
n’est pas l’unique vecteur de soutien à la réalisation de l’activité de
travail. Certains modes d’organisation et systèmes de management
contribuent plus que d’autres à soutenir et à conforter le manager
de proximité dans son rôle de traduction. Le contexte
organisationnel reste, en effet, le principal déterminant de la qualité
des relations sociales au travail, et, en conséquence, de la
performance collective. Plusieurs principes organisationnels,
convergents avec un management du travail, peuvent être avancés.
Ils font échos, pour un certain nombre d’entre eux, aux modèles des
organisations « apprenantes » (Senge, 1990) ou au concept
« d’environnement capacitant » (Falzon, 2005). Des modèles qui
ont en commun de favoriser la réflexivité, les coopérations et
l’autonomie dans le travail. Il s’agit de miser sur une « autonomie
sécurisée et managée » favorisant la régulation conjointe et le travail
local de reconfiguration organisationnelle.
Au vu des pratiques actuelles et de l’ambition du modèle, ce
changement de paradigme ne va pas de soi. Les partenaires sociaux,
les managers, comme les équipes, ont besoin de faire l’apprentissage
de nouveaux modes de fonctionnement, d’expérimenter de
nouvelles façons de faire.
Bi b l i o g r a p h i e
• Conjard P., (2014), Le management du travail, Collection
ouvrage de référence, Anact, (à paraître)
L’intégration durable des principes d’un management du travail à
tous les niveaux de l’organisation réclame, comme en témoigne la
démarche exposée précédemment et les conditions favorables à
l’appropriation du projet de cette fédération bancaire, un
engagement politique fort et une cohérence des pratiques
managériales. A défaut, la persistance de pratiques gestionnaires ou
managériales en contradiction avec les ambitions affichées, des
incohérences d’approche selon les services et/ou les managers
limitent fortement le déploiement d’un management du travail et
condamnent, à plus ou moins long terme, toutes initiatives dans ce
sens. Le projet de refonte managériale doit ainsi être considéré
comme une composante à part entière du projet de performance
globale de l’entreprise. Sans cela, il risque de n’être qu’un vœu pieux
ou une injonction supplémentaire faite aux managers de proximité.
• Daniellou F., (2002), « Le travail de prescription », Conférence
inaugurale, 37ième congrès de la SELF, Aix-en-Provence
• De Terssac G., (2003). « Travail d’organisation et travail de
régulation » in De Terssac G., (Dir.), La théorie de la régulation
sociale de Jean-Daniel Reynaud. Débats et prolongements,
Editions La Découverte, p. 121-134
• Falzon P. (2005), « Ergonomics, knowledge development and
the design of enabling environments », Conférence,
Humanizing Work and Work Environments, Guwahati, India
• Gollac M., Guyot S., Volkoff S., (2008), A propos du travail
soutenable, les apports du séminaire interdisciplinaire, « emploi
soutenable, carrières individuelles et protections sociales », CEE,
juin 2008
Cet ancrage stratégique passe aussi par un lien direct entre
l’évolution des pratiques managériales et la qualité du travail au
quotidien. L’approche « classique » consistant à conduire en
parallèle une multitude de projets (industriels, commerciaux,
organisationnels, RH, management, QSE, etc.), faiblement
connectés les uns aux autres et insuffisamment ancrés sur le travail,
est à proscrire. Le management du travail ne peut pas être considéré
comme un projet supplémentaire noyé au milieu d’autres, comme
l’ajout d’un volet « condition de travail » au spectre d’activité déjà
N°24 - Décembre 2014
Patrick Conjard
Chargé de mission, Anact
• Senge P., (1990), The Fifth Discipline : The Art and Practice of
the Learning Organization, New York, Doubleday Currency.
3
Martini F., « La notion de régulation : un élément déterminant dans la compréhension des
risques psychosociaux », contribution au séminaire interne du cabinet CATEIS, 7 avril 2014.
9
Les cahiers des rps
;:
Management du travail
Les cahiers des rps
Ouvrir des espaces de discussion pour manager le travail
notre cadre de réflexion, comme « le medium à travers lequel se
réalise l’ensemble des arrangements, compromis et bricolages que
supposent l’incomplétude de la prescription et le caractère
irréductiblement erratique de l’activité concrète » (Detchessahar,
2013, p.59). C’est un cadre organisationnel privilégié pour opérer
un travail de régulation et « instituer de la controverse sur le travail
bien fait» (Clot, 2010). De manière rétrospective, la discussion sur
un événement indésirable ou un dysfonctionnement mais aussi sur
des réussites ou façons de surmonter des difficultés est, ainsi,
l’occasion de revenir sur ce qui s’est passé, de décrire les faits, de
confronter des points de vue, d’analyser, de tirer des enseignements
de ces situations de travail passées. De manière anticipatrice, la mise
en place d’une démarche de changement participative, fondée sur
l’échange entre les différents acteurs, parties prenantes du travail,
permet aussi de prendre en compte l’expression d’avis sur une
situation à venir (le futur probable) et de s’appuyer sur la situation
présente pour mieux préfigurer sa transformation. Le futur peut
être très rapproché, par exemple, lors du passage de relais entre deux
équipes. Les paroles sur le travail qui sont alors échangées, tous les
jours, même si elles apparaissent anodines peuvent dénouer des
problèmes importants et prévenir des risques pour la qualité de la
production, du service au client ou du soin au patient. Dans cette
optique, la discussion sur le travail n’est pas une fin en soi mais un
moyen pour trouver, avec les principaux intéressés, des réponses à
des problèmes concrets. C’est bien l’activité discursive qui améliore
l’efficacité organisationnelle et contribue à ce que chacun reprenne
la main sur son travail. En les autorisant à dire leur travail et ce
faisant à penser celui-ci, les salariés revisitent individuellement et
collectivement sa finalité. En s’appuyant sur ces espaces de
discussion, le manager est en prise avec le travail réel et peut remplir
sa fonction de management du travail.
Avec l’Accord National du 19 juin 2013 et l’émergence du concept
de « Qualité de Vie au Travail » ou bien encore les ambitions
affichées dans l’agenda social 2013-2014 dans la fonction publique,
l’instauration d’espaces de discussion sur le travail réapparaît, plus
de 30 ans après les lois Auroux et le droit d’expression des salariés1,
comme une réponse aux enjeux de performance sociale et
économique des entreprises. Pour les organisations syndicales
signataires de l’accord, ces espaces peuvent prendre « la forme de
groupes de travail entre salariés d’une entité homogène de production ou
de réalisation d’un service » et être animés par « un référent métier »
ou « un facilitateur ». Dans les entreprises, l’institutionnalisation
d’espaces spécifiquement dédiés à la discussion sur le travail reste
pourtant encore limitée. Si des lieux d’expression sur le travail sont
ouverts dans le cadre de démarches de prévention des RPS, ils ne
restent souvent en place que le temps de la mise en œuvre d’un
diagnostic ou d’un plan d’action spécifique. Lorsqu’ils existent, ils
peinent à dépasser le seul registre de la plainte et les attentes ou
propositions formulées dans ces espaces ne sont pas toujours prises
en compte. Au-delà des limites de leur impact, l’ouverture de ces
espaces de discussion soulève des questions d’ingénierie difficiles à
résoudre et reste délicat : qui les anime ? Comment ? Qui y
participe ? Quels liens par rapport aux espaces existants dédiés
d’une part au management (manager – collaborateurs) et d’autre
part au dialogue social (IRP – Direction) ?
Plutôt que de se mobiliser sur l’ouverture de nouveaux espaces de
discussion sur le travail, les entreprises ont, sans doute, besoin de
revoir le fonctionnement de leurs espaces de dialogue et de
régulation existants, de repenser globalement leurs modes de
management et processus de décision. Les différentes pratiques de
management qui appellent en principe à la discussion (suivi
d’activité, entretiens individuels, réunion d’équipe, comité de
direction,…) prennent pas ou peu en compte le travail, d’où de
nombreuses désillusions et un sentiment d’inutilité.
Cette invitation à mettre la discussion sur le travail au cœur de
l’activité managériale pour prévenir les risques psychosociaux et
développer la performance économique et sociale de l’entreprise
s’inscrit dans une réflexion plus globale sur la mise à place de
modalités de management alternatives. En écho au modèle du
management du travail2, développé par l’Anact, notre communication
vise essentiellement à expliciter, à partir d’expérimentations conduites
dans une structure publique, l’intérêt et les conditions pour
institutionnaliser des espaces de discussion sur le travail dans
l’organisation.
En pratique, deux grands niveaux d’espaces de régulation collective
sont à envisager pour ce « management par la discussion ». Un premier
niveau, qualifié de « conversation opérationnelle », est animé par
l’encadrement de proximité. Il vise à mettre en discussion au sein de
l’équipe, l’activité de travail, ses contraintes mais aussi ses ressources,
en lien avec les attentes des différents acteurs et les orientations
stratégiques de l’entreprise. A partir de ces échanges, le manager et
son équipe vont pouvoir trouver localement un certain nombre de
réponses aux tensions, problèmes ou événements à gérer. Ce qui ne
pourra être résolu ou élaboré au niveau de l’équipe, sera alors remonté
par l’encadrement et discuté avec la Direction et/ou ceux dont
dépend la mise en place des arrangements ou solutions envisagés.
Développer des espaces de discussion sur le travail
Ce second niveau, qualifié de « conversation stratégique », pourra,
dans le cadre de cette nouvelle discussion, prendre des décisions au
regard du travail réel. Cette conversation stratégique, mobilisée au
service d’enjeux de régulation et d’apports de solutions aux
problèmes de terrain (de l’opérationnel vers le stratégique) ou de
répartition des objectifs (du stratégique vers l’opérationnel), peut,
De nombreux dérèglements du travail d’organisation observés sur le
terrain renvoient à des dysfonctionnements des dynamiques
communicationnelles, à l’absence de marges de manœuvre locales
et à des processus de décision très centralisés. Si l’on souhaite que le
travail, dans toutes ses composantes, soit pris en compte dans les
orientations stratégiques et les choix de l’entreprise, il est nécessaire
que le niveau de prise de décision soit plus proche du terrain. Cette
ambition passe, en lien avec les différentes préconisations sur les
espaces de discussion, par la « mise en débat » du travail à différents
niveaux de l’organisation. L’espace de discussion apparaît, dans
1
Loi du 4 août 1982 qui précise que « les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe
et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Cette
expression a pour objet de définir les actions à mettre en œuvre pour améliorer leurs
conditions de travail, l’organisation de l’activité et la qualité de la production dans l’unité de
travail à laquelle ils appartiennent et dans l’entreprise (…). ».
2
Pour une présentation détaillée de cette approche, nous renvoyons le lecteur à notre article
consacré spécifiquement au management du travail publié dans ce numéro des Cahiers des rps
10
Les cahiers des rps
Management du travail
Evidemment, ce processus ne dispense pas l’entreprise de répondre
à ses obligations légales en matière d’information et de consultation
des instances représentatives du personnel (CE, CHSCT). Ces
dernières ont même tout intérêt, en complément de leur rôle
d’alerte et de leur mobilisation sur le registre de la négociation, à
être partie prenante de cette dynamique.
L’application du principe de subsidiarité passe donc par une refonte
de l’ensemble du système de gouvernance de l’entreprise. Un système
qui laisserait plus de place au débat sur le travail avec la pratique d’un
« régime démocratique et participatif qui permettrait la construction
d’un rapport politique collectif au travail » (Ferreras, 2007, p.214).
selon les caractéristiques de l’organisation, se situer au niveau d’un
comité de direction, d’instances intermédiaires ou encore d’un
conseil d’administration. En fonction de l’objet de la discussion, les
acteurs de terrain n’ont pas toujours les moyens et marges de
manœuvre nécessaire pour agir. Dans ce cas, l’efficacité du
processus discursif est étroitement liée à l’articulation et à la
circulation de l’information entre le niveau opérationnel et le
niveau stratégique. Le manager de proximité se trouve donc au
cœur d’une activité de traduction qui conjugue les résultats de la
« conversation opérationnelle » et de la « conversation stratégique ».
Plus globalement, ce management de la discussion nécessite la mise
en place de règles de fonctionnement précises et partagées. Il s’agit
notamment de déterminer, en fonction des spécificités de l’activité
et des contraintes organisationnelles, la durée et la fréquence, les
modalités d’animation qui facilitent l’expression sur le travail, ce
qu’il est nécessaire ou pas de faire remonter comme information, les
modalités d’échange entre les différents niveaux, le processus de
validation des décisions, le suivi des actions engagées et les liens
éventuels avec le CE ou le CHSCT.
Une voie prometteuse pour prévenir les RPS : l’exemple d’une
administration publique
Appliquer le principe de subsidiarité
La mise en œuvre de cette ingénierie de la discussion dépend, en
grande partie, de la latitude décisionnelle octroyée aux managers et
aux équipes de terrain. Il faut que ces acteurs soient autorisés à
parler du travail, à remettre en question les règles formelles fixées
par l’organisation, et de façon, plus générale à interagir à la fois sur
la stratégie et le fonctionnement quotidien de l’entreprise. Une
stratégie qui, dans ce schéma directeur, s’élabore de façon plus
itérative à tous niveaux de l’organisation en remettant le collectif de
travail au coeur des prises de décision. Cette approche s’apparente
au « principe de subsidiarité » (Crozier, 1989) qui vise à privilégier le
niveau inférieur d'un pouvoir de décision aussi longtemps que le
niveau supérieur ne peut pas agir de manière plus efficace. Il
appartient à l’équipe, et au manager en particulier, d’apprécier ce
qui nécessite d’être instruit au niveau supérieur. Dans ce cadre
managérial, « l’autorité ne doit s’exercer que pour pallier les
insuffisances d’une autorité plus petite » (Delsol, 2010, p. 6). La
subsidiarité représente un moyen pour reconnaître au travail « un
droit de décision », qui permet au management de se recentrer sur le
« management des ressources » de l’entreprise (Chevrier, PellissierTanon, 1999). Ce principe vient à contre-courant d’une conception
rationnelle du processus de décision largement dominante dans les
organisations en resituant la décision comme une activité
managériale située (Journé, Raulet-Croset, 2012). Dans cet idéal, la
décision s’appuie sur un processus collectif de discussion sur le
travail et ne relève pas d’une vision unilatérale du travail, souvent
déformée. Elle est fondée sur une logique de négociation entre
différents acteurs (le manager et son équipe) à la recherche de
compromis acceptables.
Parallèlement, la Direction et les organisations syndicales ont signé
un accord sur la prévention des risques psychosociaux. Cet accord
fixe des objectifs précis, associés à des indicateurs de résultats, dans
les domaines de l'organisation du travail, du management, de la
communication, de l'accompagnement des mobilités et du soutien
aux agents. L'accord préconise également de développer une
organisation apprenante. L'hypothèse retenue par les signataires est
que ce type d’organisation constitue une modalité majeure de
réduction et de prévention du stress professionnel, à plus forte
raison dans une période - souvent déstabilisante - de
repositionnement des missions.
Plus que l’application idéologique du principe de subsidiarité, il
convient sans doute de mettre en place des modes d’organisation qui
s’en inspirent afin de rapprocher le pouvoir de décision de celui de
la réalisation et de redonner de la valeur au travail. Une organisation
perçue, dans ce cadre d’action, comme « un espace à réguler » et non
comme « un espace à régler par le haut » (Detchessahar, 2013).
N°24 - Décembre 2014
Selon l’étude de Valeyre, en 2005, sur les formes d’organisation du travail en Europe,
l’organisation apprenante se caractérise par « une autonomie dans le travail », « un contenu
cognitif du travail » (apprentissage de choses nouvelles, résolution de problèmes imprévus,
complexité du travail), « l’autocontrôle de la qualité du travail », « un travail en équipe
autonome », « de faibles contraintes de rythme de travail », « une faible répétitivité et
monotonie ». Cette étude met en évidence que ce type d’organisation offre une meilleure
qualité de travail comparativement aux autres organisations du travail.
3
11
Les cahiers des rps
Confronté au regroupement de plusieurs directions ou services
déconcentrés, et donc à une réorganisation importante et rapide
imposée par son administration centrale, cette entité a souhaité
engager une réflexion sur son organisation et ses pratiques de
management.
L’objectif est de garantir un service de qualité aux entreprises du
territoire tout en préservant la santé des agents dans ce contexte de
changement. Inspirée par le modèle de l’organisation apprenante3
(Conjard, Devin, 2004) et convaincue de la nécessité d’ouvrir des
espaces de discussion sur le travail, la Direction a formalisé dans le
cadre d’un projet de service élaboré collectivement, ses perspectives
d’évolutions organisationnelles et managériales. Il s’agit de :
• limiter le nombre d’échelons hiérarchiques ;
• favoriser, autant que possible, le fonctionnement en binôme des
responsables (de pôle, de service) avec leur adjoint, dans le cadre
d’un partage des savoirs et des savoir-faire ;
• encourager, à chaque niveau, les coopérations entre les équipes de
travail ;
• concevoir un système d’information au service de l’organisation
apprenante ;
• s’appuyer sur un dialogue social de qualité avec la volonté
d’associer étroitement les représentants des salariés au projet.
Management du travail
mode de communication descendant. Le comité de direction, qui
représente ici le niveau de la « conversation stratégique », a choisi
les unités de travail volontaires pour les expérimentations sur la base
de critères précis (représentatives des métiers et population de la
structure, dysfonctionnements organisationnels et/ou initiatives
managériales en lien avec les axes de travail retenus).
Les cahiers des rps
Dans ce contexte, il nous est demandé d’apporter une aide à la mise
en place du projet, en particulier pour réaliser « les adaptations
nécessaires d’une organisation apprenante dans un cadre territorial
dispersé ». Un défi de taille dans une organisation complexe et
hiérarchisée.
C'est pourquoi l’objectif initial vise avant tout à réguler les tensions
organisationnelles et managériales en mettant en place des
dispositifs évolutifs afin de redonner des marges de manœuvre aux
agents et aux équipes de travail. Ouvrir des espaces qui permettent
de débattre et de gérer les tensions entre ce qui est demandé (le
travail prescrit) et ce qu’il est possible de faire (le travail réel),
accompagner l’encadrement dans le renforcement d'une posture
d’appui et de ressource, sont des options d’organisation qui
s'inscrivent dans cette optique d’efficacité et de bien-être au travail.
Plutôt que d’envisager dans la même temporalité le déploiement de
l’ensemble de ces principes et pratiques d’organisation retenus sur
l’ensemble des services, il est apparu préférable d'engager, dans un
premier temps, un travail d'accompagnement de quatre unités de
travail intéressées par cette approche (logique d’expérimentation).
Premiers enseignements et pistes de réflexion
Compte tenu de l’état d’avancement des expérimentations et des
modalités de suivi - évaluation qui ont été mises en place, les éléments
d’évaluation, rapportés ici sont essentiellement liés aux retours qui
nous ont été faits par les responsables de service concernés.
Idéalement, il aurait fallu réaliser de nouvelles investigations de terrain
afin de rencontrer ces collectifs de travail, d’observer et d’analyser les
changements opérés. Le renseignement de grilles de suivi –
évaluations, une réunion avec les responsables des unités de travail
concernées et des contacts téléphoniques réguliers ont toutefois permis
d’apprécier les premiers effets produits par l’engagement de ces actions
tant du point de vue de l’efficacité organisationnelle que des
conditions de travail des agents. Plus qu’une appréciation service par
service, l’évaluation se voulait transversale conformément aux
principes posés dans le cadre de ces expérimentations.
Pour chacune de ces unités de travail, des investigations ont été
préalablement réalisées dans une optique de diagnostic. Localement,
une dizaine d’entretiens individuels et collectifs ont été conduits
avec les agents afin d’appréhender leurs missions, d’identifier les
exigences et ressources inhérentes à leurs activités et d’explorer plus
spécifiquement quelques leviers d’action potentiels ou déjà effectifs
relatifs au développement d’une organisation apprenante4.
La restitution de ces éléments auprès de l’ensemble du collectif de
travail a permis l’identification d’axes de travail spécifiques. Des
axes de travail qui, après validation par le comité de pilotage, ont
donné lieu à des expérimentations pilotées par l’encadrement local
avec un appui méthodologique de notre part. 18 expérimentations
s’inscrivant dans une perspective de développement de modalités
organisationnelles et de pratiques managériales répondant aux
caractéristiques d’une organisation apprenante posées initialement
ont ainsi été engagées entre avril et novembre 2012. Elles renvoient
ainsi très largement, à des objectifs :
• d’évolution des pratiques de management vers plus de soutien et
de régulation,
• d’ouverture d’espaces de discussion sur le travail,
• d’amélioration des systèmes d’information.
Au-delà d’acquis relatifs aux évolutions des pratiques managériales
qui tendent à aller vers des démarches plus participatives,
l’installation de temps d’échanges de pratiques et globalement une
meilleure circulation de l’information, les responsables de services
mettent surtout en avant l’intérêt d’engager des expérimentations.
Les orientations et le cadre du projet leurs ont donné l’opportunité
d’instruire et d’avancer sur des préoccupations latentes, pas toujours
partagées. Le diagnostic réalisé au sein de leurs équipes et
l’engagement d’une dynamique collective, soutenue par la Direction
et accompagnée par les consultants de l’Anact a aussi contribué à
prendre des initiatives et à faire l’apprentissage des espaces de
discussion. A titre d’exemple, les réunions de service d’une des unités
de travail ont été recentrées sur l’analyse de situations-problèmes
identifiées et instruites en amont par certains agents. Ordre du jour
et comptes-rendus sont devenus systématiques. Certaines réunions
ont donné lieu à des prises de décisions immédiates de
l’encadrement ou ont provoqué l’ouverture de groupes de travail
spécifiques. Ces temps d’échanges sont ainsi jugés « moins
descendants », « plus en lien avec les préoccupations de l’équipe » et
« favorisant le partage de savoir-faire d‘expérience ». Ce travail de
capitalisation a débouché sur l’identification d’un certains nombre
de préconisations générales pour le développement d’une
organisation apprenante sur l’ensemble de la Direction régionale et
spécifiques sur l’animation des espaces de discussion.
Sur le registre de l’expérimentation des espaces de discussion, l’option
retenue, pour trois des quatre terrains d’investigation, a été
d’avancer avec l’encadrement de proximité sur l’ingénierie des
réunions d’équipe. Il s’est agi notamment, de s'accorder sur les
modalités et l'outillage de ces réunions à (ré)-orienter sur le travail.
Dans le cadre de notre suivi, nous nous sommes en particulier
attachés à ce que ces temps d’échanges soient opérationnels en
définissant notamment les circuits hiérarchiques de validation ou
d'enrichissement des propositions susceptibles d’émerger. Ces
réunions d’équipe représentent potentiellement le premier niveau
pertinent des espaces de discussion pour établir une « conversation
opérationnelle » autour du travail. Les premiers éléments récoltés
nous indiquaient que le format, les modes d’animation et la durée
de ces temps formels ne permettaient pas toujours d’aborder les
problèmes concrets de l’activité et l’on restait essentiellement sur un
Sur le plan des espaces de discussion nous retenons :
• La réalisation d’un état des lieux sur les espaces de discussion
existants, et plus largement sur l’organisation du travail et les
pratiques de management au niveau des services investigués.
Pour l’ensemble de ces terrains d’expérimentation, 35 entretiens ont été réalisés entre avril et
mai 2012.
4
12
Les cahiers des rps
Management du travail
de libertés ne s’improvise pas. Enfin, le fait que l’on se situe dans une
administration publique renforce ainsi l’influence des facteurs
externes sur les prises de décision du comité de direction. Un pouvoir
de décision qui reste, par ailleurs très centralisé et lié aux orientations
des politiques publiques, des décisions aujourd’hui fortement guidées
par la RGPP. Dans la fonction publique, la culture dominante reste
l’application de décisions prises par le Ministère de tutelle, sans
nécessairement avoir la possibilité ou même s’autoriser à la discuter.
On comprend mieux alors, les difficultés rencontrées dans la phase de
déploiement de ce projet en particulier (Conjard, Devin, 2013). Si
cette expérience met en évidence les difficultés et conditions de
déploiement d’un projet de cette envergure, elle nous conforte aussi
dans la nécessité d’ouvrir des espaces de discussion sur le travail pour
prévenir les risques psychosociaux et installer durablement de
nouvelles pratiques de management.
L’analyse de ces espaces permet d’apprécier dans quelles mesures ils
favorisent ou non un management du travail. Sur ce point, nous
avons pu identifier différents dispositifs de communication, de
coordination et de concertation répondant chacun à des
caractéristiques bien spécifiques (le comité de direction, les
réunions de service, des groupes de travail, des journées de
formation internes, externes…). Cet état des lieux a permis
localement d’envisager la création de nouveaux espaces de discussion
et/ou d’engager un travail d’optimisation d’espaces existants
(l’exemple des réunions de service évoqué rapidement ci-dessus).
• En amont du déploiement, l’installation d’une conversation
stratégique. Après une phase d’apprentissage, il semble que les
réunions hebdomadaires du comité de direction permettent, non
sans difficultés, de remplir cette fonction de conversation
stratégique évoquée précédemment. Les apports progressifs issus
des terrains investigués que nous avons fait ont été instruits par le
comité de direction. Les orientations prises localement ont été
validées et de nombreux échanges ont porté sur les ressources ou
le soutien à apporter pour assurer le déploiement de bonnes
pratiques sur l’ensemble des services. Toutefois la multitude de
problèmes à résoudre, d'injonctions et de priorités, parfois
contradictoires à gérer pour le comité de direction et son histoire
récente ont limité le rôle de cette instance et in fine le
déploiement du projet sur l’ensemble de la structure5.
;:
Bi b l i o g r a p h i e
• L’attention à apporter au manager de proximité et à son
accompagnement pour faciliter les changements envisagés. Cela
passe notamment par un travail au niveau de l’ensemble de la
ligne hiérarchique. Si le suivi d’expérimentation permet de
travailler de façon privilégiée avec certains d’entre eux, ces
expériences doivent être partagées et débattues avec l’ensemble de
l’encadrement intermédiaire dans le cadre de séminaires
spécifiques. Parallèlement un programme de formation ambitieux
a été engagé en direction de l’encadrement (animation d’équipe,
conduite du changement, gestion du stress…).
On l’aura compris, le déploiement de ce travail collectif ne va pas de
soi. Les dynamiques restent localisées et la généralisation du projet,
dans l’ensemble des services, se heurte à la résistance de nombreux
acteurs. Attachés à leur pouvoir ou inquiets par les exigences requises,
certains managers refusent ce type d’évolution. Certains, du côté des
organisations syndicales et du personnel sont également réticents.
Une telle évolution suppose de nombreux changements dans les
façons de faire. Des « zones d’inconfort » peuvent apparaître, surtout
lors du déploiement du projet. De plus, la remise en cause du prescrit
et du monopole managérial de définition de celui-ci, implique la
multiplication de « pratiques de bricolage » qui peuvent insécuriser
certains salariés. En tout état de cause, investir de nouveaux espaces
5
Les membres de ce comité de direction viennent des différentes administrations qui
préexistaient à la création de cette Direction régionale. Des administrations qui n’étaient pas
sur le même champ d’activité, dans la même culture de métier. Cette hétérogénéité n’a pas
facilité les coopérations et l’engagement dans un projet qui visait justement à favoriser l’unité
et la cohérence de l’ensemble de l’organisation. Au sein de cette instance, ils ont dû faire
l’apprentissage d’un mode de fonctionnement plus participatif, articuler des enjeux spécifiques
à leur service à des enjeux collectifs qui concernent l’ensemble de la structure.
13
Les cahiers des rps
• Chevrier S., Pellissier-Tanon A., (1999), « La subsidiarité, une
forme d’autonomie alternative à la décentralisation ? », Actes du
10ième congrès de l’AGRH, tome 1, pp.325-334
• Clot Y., (2010), Le travail à cœur : pour en finir avec les risques
psychosociaux, Editions La Découverte.
• Conjard P., (2014), Le management du travail, collection ouvrage
de référence, Anact, (à paraître)
• Conjard P., Devin B., (2004), Formation – organisation, une
démarche pour construire une organisation apprenante, Anact,
Etudes et documents.
• Conjard P., Devin B., (2013), « Résistance du réel et attitude
compréhensive », in Revue Education permanente, n°196, pp.
159-174.
• Crozier M., (1989), L’entreprise à l’écoute, Paris, Inter-édition.
• Delsol C., (2010), L’état subsidiaire, Paris, PUF.
• Detchessahar M., (2013), « Faire face aux risques psychosociaux
», in Revue Négociation, n°19, p. 7-80.
• De Terssac G., (2003) « Travail d’organisation et travail de
régulation », La Théorie de la Régulation Sociale de Jean-Daniel
Reynaud : Débats et prolongements, Paris, La Découverte, p 121134
• Ferreras I., (2007), Critique politique du Travail. Travailler à
l'heure de la société des services, Paris, Les presses de sciences Po.
• Hubault F., (2009). « Le travail de management », in Du Tertre
C., Hubault F. et al. « Le travail », in Economie et Management,
n°130, p. 36-41.
• Journé B., Raulet-Croset N., (2012), « La décision comme
activité managériale située. Une approche pragmatiste », in
Revue Française de Gestion, vol 38, n° 225, pp. 109-128.
• Le passage par des expérimentations à partir d’un cadre de
référence. Ce point de passage permet un meilleur ancrage du projet
aux réalités de terrain et à ses particularités organisationnelles. Il
s’agit de construire avec les équipes concernées des solutions adaptées
aux contraintes rencontrées, d’optimiser des initiatives
organisationnelles et managériales – notamment les espaces de
discussion – en phase avec le modèle de l’organisation apprenante.
N°24 - Décembre 2014
Patrick Conjard
Chargé de mission, Anact
Management du travail
La notion de régulation : un élément déterminant
dans la compréhension des risques psychosociaux
Bien entendu la réalité peut mêler les deux dynamiques, et l’on
aurait du mal à observer cliniquement une séparation étanche des
deux processus. Quoiqu’il en soit nous pouvons dire de l’activité
qu’elle ne fait pas que tendre à résoudre une tâche, mais vise à
ramener une stase entre l’opérateur et la situation. Si l’activité
échoue à cela dans la durée c’est bien un équilibre psychologique
qui est rompu (les mécanismes psychosociaux visent justement à
pallier cette rupture, ils sont une tentative de résoudre sur le plan
de l’économie subjective ce qui ne l’a pas été sur le plan du
travail).
Ce texte a pour objet de définir rapidement les contours de la
régulation managériale et d’en poser les fonctions dans la gestion du
lien entre opérateur et situation de travail. Cette réflexion s’inscrit
ainsi dans la perspective de mieux comprendre les mécanismes
relatifs à l’exposition aux risques psychosociaux, les déterminants
du lien entre opérateur et travail, et l’articulation entre situation de
travail et organisation. Elle s’appuiera sur une perception des
situations de travail du point de vue de l’activité de l’opérateur,
c’est-à-dire en l’occurrence comme constituant un ensemble de
problèmes à résoudre. Nous pourrions d’ailleurs, à partir de cette
position liminaire, envisager plus globalement le travail comme
étant essentiellement une entreprise de résolution contextualisée de
problématiques. Mais là n’est pas notre propos.
Nous entendons par situation de travail le contexte, entendu dans
l’ensemble de ses dimensions, de travail de l’opérateur, contexte
situé dans le temps et dans l’espace.
La perspective qui fait envisager les situations de travail comme une
combinaison de tâches à résoudre amène à les appréhender
parallèlement (toujours du point de vue de l’activité) comme un
ensemble de contraintes et de ressources à disposition de l’opérateur
(en réalité à disposition potentiellement). D’une certaine façon l’un
découle de l’autre. Sans vouloir détailler cela, les ressources peuvent
se trouver dans le collectif, dans le matériel… Pour le dire
autrement des éléments constitutifs de la situation de travail
s’opposent ou rendent plus difficiles la résolution des tâches, tandis
que d’autres favorisent cette résolution. Bien entendu il n’est pas
possible de distinguer définitivement des facteurs de contraintes et
des facteurs de ressources car, selon les circonstances, ils peuvent
être l’un ou l’autre (parfois ils seront l’un ou l’autre en fonction de
l‘opérateur qui occupe la situation de travail). Pour autant les
ressources potentielles n’adviennent comme ressources concrètes
que si l’opérateur sait les appréhender comme telles. Cela renvoie,
mais c’est un autre sujet, au rôle majeur des compétences et de la
posture dans la possibilité de maintenir un équilibre entre
contraintes et ressources. Cela mériterait également des
développements importants.
Les cahiers des rps
Les situations de travail
Si la situation de travail s’offre au sujet comme une somme de
résolution de problèmes, il faut l’entendre sur deux plans : d’une
part la réalisation de la tâche qui va mobiliser ressources et
compétences dans le cadre de stratégies d’action, d’autre part la
mise en place de stratégies visant à maintenir un équilibre
psychologique sinon stable, du moins permettant de rester en santé.
Il faut bien prendre la mesure de ce point : on ne peut distinguer ce
qui relève de l’activité, disons externe, tournée vers l’action sur
l’environnement, de l’activité intrapsychique. Nous ne parlons pas
ici de ce qui relève de l’activité cognitive mais bien de l’activité
psychique. Ceci nous amène à mettre en lumière l’ensemble des
mécanismes psychosociaux à l’œuvre dans le rapport au travail,
mécanismes particulièrement visibles dans des situations où la santé
au travail est mise en danger. Ces mécanismes visent avant tout à
préserver la cohérence d’un sujet (par exemple phénomène de déni,
formes diverses de victimisation…) traversé par des contradictions
internes qu’il ne peut résoudre ou assumer. Ils ne sont pas
simplement des mécanismes psychologiques défensifs car ils
répondent aussi à un désir de « mettre en forme » l’environnement.
Il nous faut souligner le fait que l’on ne peut réduire les stratégies
d’adaptation et les mécanismes psychosociaux à des mécanismes de
défense. Cette dernière notion, très utile en psychologie clinique,
ne recouvre pas l’ensemble des fonctions que nous attribuons aux
stratégies d’adaptation et mécanismes psychosociaux.
Ces derniers portent une mise aux normes subjectives de
l’environnement (ce qui pour G. Canguilhem est un des
fondements de la santé), une intention informulée le plus souvent
de transformation de la situation que l’on ne peut ramener à
quelque chose de « défensif ». Au contraire pourrait-on dire, ils
visent à affirmer l’être de l’opérateur (on est bien sur le fond dans
un registre existentiel) ce qui ne s’appréhende que par sa capacité à
transformer sa situation de travail.
Si l’on en reste à ce niveau (la situation comme somme de
problèmes à résoudre) il apparaît manifeste que l’on ne peut
totalement séparer la situation de son contexte social et
organisationnel. Cela revêt pour le projet d’apprécier le caractère
exposant d’une situation de travail aux risques psychosociaux, un
aspect tout à fait déterminant. Il arrive nécessairement au travail
que les contraintes débordent les ressources, ne serait-ce que de
manière partielle ou temporaire (que ce soit une augmentation de
la charge de travail ou encore par le fait que se pose de manière
aiguë une question éthique, ou par l’apparition d’un incident que
l’on ne sait résoudre, ou encore dans une infinité de circonstances).
Il est inévitable que dans la durée les contraintes débordent les
ressources, soit de manière ponctuelle, soit de manière régulière.
Ceci est une pièce centrale de notre raisonnement : l’activité de
l’opérateur ne peut maintenir seule une stase dans les rapports
opérateur / situation de travail. L’apparition d’un déséquilibre
ponctuel, récurrent ou chronique, est inévitable. On ne prendra à
l’appui de cette affirmation qu’un seul argument : le sujet change
en permanence (il vieillit inexorablement, c’en est déjà une
illustration) mais le travail aussi. Les ergonomes savent cela mieux
que quiconque. S’en tenir à ne considérer que l’opérateur et sa
situation de travail est impossible, ou plutôt cela n’a pas de sens.
Dans l’absolu, le travail finit toujours par déborder l’opérateur, à un
moment la tâche est insoluble ou indépassable.
Ils sont à comprendre comme une tentative d’ajustement d’un sujet
« reformulant » les paramètres de l’environnement. Lorsque la
situation favorise la santé et ne rompt pas l’équilibre des rapports,
il en résulte développement subjectif et production d’expérience (là
aussi les deux vont de pair, il conviendrait d’expliciter ce point).
14
Les cahiers des rps
Management du travail
s’appuyer uniquement sur les dimensions constitutives du travail
réel. Délibérer sur une décision, apprécier une prise de risque, juger
de l’application d’une règle de métier, faire jouer une solidarité dans
la gestion de la charge de travail sont, dans le meilleur des cas, des
fonctions du collectif qui constituent une forme de régulation.
Mais cette dernière ne s’inscrit aucunement dans les attributs
propres de la régulation managériale telle que nous l’avons définie.
D’ailleurs si la régulation par le collectif était suffisante pour
maintenir l’équilibre entre opérateur et situation de travail, cela
signifierait que les fonctions d’encadrement ne seraient pas
vraiment nécessaires, tout du moins du point de vue opérationnel.
Or on peut constater, par une forme de démonstration ad
absurdum, que ce n’est pas le cas.
La place de la régulation
Dans ce cas le sujet va user dans un premier temps de ses ressources
propres (le burn out est la conséquence de l’épuisement de ces
ressources propres), éventuellement mobiliser ou s’appuyer sur les
ressources du collectif. Mais cela ne suffira pas. Il va devoir, vaille
que vaille, faire appel à la régulation managériale. Celle-ci, tout en
n’appartenant pas à la situation de travail à proprement parler, la
traverse de part en part. Elle nous est apparue si importante dans
notre expérience de l’intervention que l’on ne saurait décrire les
rapports entre les opérateurs et le travail, ou encore les rapports au
sein d’un collectif sans interroger finement les modes de régulation.
Nous pensons aujourd’hui qu’elle joue un rôle crucial dans la
dynamique des échanges entre l’opérateur et le travail, et de
manière indirecte dans la possibilité laissée à l’opérateur de
maintenir un équilibre psychologique au travail, par la qualité
maintenue du rapport au travail, et de poursuivre sa dynamique de
construction subjective. Pour résumer, la régulation est le moyen ou
la condition nécessaire pour maintenir l’équilibre entre contraintes
et ressources de la situation, ou envisagée de manière plus large,
pour maintenir l’équilibre entre le travail et l’opérateur.
Qu’entendons-nous par régulation managériale ? C’est la capacité
de l’organisation, portée en particulier par les fonctions de manager,
de réguler l’activité de l’opérateur (et des opérateurs entre eux) et de
permettre le maintien d’un cadre de travail apte à favoriser la
réalisation du travail dans des conditions satisfaisantes du point de
vue de la production et n’excédant pas les ressources des opérateurs.
Si l’un de ces deux points n’est pas respecté, la situation de travail
ne peut perdurer. Cette définition fait de la régulation à la fois une
activité et un rapport (en soi, elle n’est pas un objet puisqu’elle
implique, pour advenir, une interaction).
Elle nécessite donc des règles et un échange, ainsi qu’un acteur pour
créer et rendre possible cet échange. Ceci s’appuie, comme nous
l’avons vu, sur l’hypothèse que toute situation de travail ne
constitue pas un système stable. Au contraire elle réclame, pour
s’inscrire dans le temps, des interventions externes au complexe
travail / opérateur. Dans le cas contraire on assiste, soit à une
dégradation de la qualité de la production, soit à une dégradation
de sa viabilité économique, soit à des difficultés sociales,
relationnelles ou psychopathologiques.
Lorsqu’on envisage ainsi la régulation, on s’aperçoit qu’elle est le
point de liaison, si l’on peut dire, des enjeux du travail (au sens de
travail réel) porté par l’opérateur et des enjeux de gestion et de
production portés par l’organisation. On saisit bien, dès lors, qu’un
dysfonctionnement à ce niveau aura des conséquences significatives
à la fois sur les opérateurs, sur le travail et sur la production.
Les trois dimensions de la régulation
Comment se traduit concrètement la régulation ? Comme son nom
l’indique, elle est d’abord la garantie de la mise en œuvre d’un
certain nombre de règles (d’où la vigilance à voir pour ne pas la
confondre avec la prescription). De ce point de vue la régulation est
d’abord l’activité qui fait vivre la règle. Inutile d’argumenter que
dans la réalité parfois on tend à faire appliquer strictement la règle
ou la prescription et non à la faire vivre : cela revient à dire que
justement il n’y a pas de régulation. Faire vivre la règle n’est pas
strictement synonyme d’application aveugle ni non plus une forme
d’oubli de la règle au profit d’une gestion totalement soumise aux
variations des circonstances. La régulation est la garantie de la
validité de la règle dans une prise en compte contextualisée. On voit
que cela ne peut être circonscrit à des modes de fonctionnement,
un savoir-faire est requis. Il y a bien un art de la régulation, qui
renvoie probablement à une forme d’engagement de soi dans la
relation même si les modalités organisationnelles sont une
condition nécessaire pour qu’elle puisse se déployer. La règle est
ainsi un moyen essentiel pour maintenir le cadre de la situation de
travail, cadre susceptible de créer les conditions, non seulement de
la production, mais aussi de la santé : le cadre est protecteur (mais
il n’est pas que cela, c’est un appui permettant au sujet de produire
une expérience). On en trouvera les meilleurs exemples, non pas
dans le domaine de la résolution des problèmes liés à la tâche, mais
dans la régulation des relations ; l’absence de règle vivante est la
meilleure voie pour arriver à des difficultés psychosociales et
interindividuelles. On pourrait citer à foison des exemples de
problématiques lourdes du point de vue des troubles psychosociaux
où c’est l’absence de règles et de cadre qui a été le problème originel.
Là aussi le terme de règle est déterminant. Si on ne régule pas les
conflits ils persistent et perdurent et ne disparaissent pas par
Nous devons distinguer la régulation managériale, dont nous
parlons, de la régulation par le collectif, mise souvent en avant par
les ergonomes notamment. La régulation par le collectif reste dans
le champ unique du travail, tandis que la régulation managériale
doit prendre en compte bien d’autres paramètres. Ceux-ci ne
s’inscrivent pas dans le champ de rationalité des opérateurs (ou leur
restent parfois inconnus : on peut citer des process transverses, un
agencement organisationnel, l’appréciation des contraintes
externes, etc.). La régulation, pour s’exercer, ne peut par définition
N°24 - Décembre 2014
15
Les cahiers des rps
Il faut également distinguer la régulation de l’activité de
prescription. Nous le précisons car spontanément tout un ensemble
d’analystes du travail ne voient, dans l’action managériale, qu’une
fonction de rappel du prescrit (sous une forme ou sous une autre).
Ces analystes opèrent un découpage assez baroque ; le travail réel ce
sont les opérateurs, le travail prescrit ce sont les managers. Cette
identification sommaire fonctionne comme une grille de lecture a
priori et ne rend pas compte, bien entendu, de la complexité de la
réalité. Réguler ce n’est pas prescrire, tout du moins ce n’est pas
essentiellement prescrire, c’est ce que nous allons essayer d’illustrer.
Management du travail
enchantement. Le destin du conflit non résolu est bien souvent, à
échéances variables, la crise.
ou clore un débat, elle ne saurait recouvrir l’ensemble des formes
d’appui aux pratiques. Dans la régulation managériale est incluse
l’action visant à permettre à l’opérateur de résoudre lui-même un
certain nombre de questions portées par le travail. En effet, il ne
s’agit pas que d’arbitrer, il est nécessaire, et plus souvent encore, de
donner les éléments permettant à l’opérateur de dépasser lui-même
un obstacle ou un questionnement.
Les cahiers des rps
Il est très intéressant de constater que les lieux où se développent les
conflictualités interindividuelles les plus fortes, où les
problématiques de harcèlement sont les plus aiguës sont ceux où la
règle est absente (par exemple une entreprise qui a grandi trop vite)
ou ceux où l’on ne peut plus la mettre en place (situations
perverses) ou ceux où l’on refuse de le faire par pusillanimité ou
idéologie. Cela vaut aussi d’ailleurs sur des questions de conflits de
règles qui restent non résolus. La règle a également une valeur ou
une réalité technique.
Entendue au sens large, elle n’est pas circonscrite aux dimensions
sociales ou relationnelles.
Elle capitalise à sa façon un savoir ou un savoir-faire. L’appui de la
règle est dès lors un appui au faire. La régulation se présente de ce
fait comme un étayage, une ressource technique portée par
l’organisation par et grâce à des acteurs qui sont garants d’un mode
de travail et du respect d’un certain nombre de comportements.
La régulation garantit le cadre, fait vivre la règle, pose des arbitrages
et étaye les pratiques. Ce sont les quatre caractéristiques essentielles
qui permettent d’en dessiner les contours. Elle passe par une
fonction d’autorité qui « tient » l’organisation et lui permet de faire
vivre et travailler ensemble des salariés dans une pérennité sociale et
économique. Elle est constitutive du fonctionnement de toute
organisation productive. Une organisation dans laquelle le travail
n’est pas régulé (ce qui n’est pas synonyme de non-organisé) voit
apparaître frictions, blocages, incompréhensions et pratiques
clandestines. Autant dire que de la régulation dépendent également
efficacité et santé : elle permet la production tout en protégeant le
salarié (ou en permettant, si l’on veut que le salarié produise, les
conditions de sa santé). A considérer les choses ainsi elles paraissent
évidentes. Mais les activités de régulation sont éparses, diverses, et
on ne sait les voir spontanément, on voit surtout ces questions à
travers le prisme du concept de management, prisme qui semble
être un des plus mauvais qui soient pour distinguer le rôle exact de
la régulation.
Un autre niveau de la régulation relève du choix et de l’arbitrage. Il
est des occurrences, nombreuses et parfois quotidiennes, où la
situation de travail réclame de l’opérateur un choix qui ne relève ni
de ses compétences, ni de sa fonction, ni de son niveau de
responsabilité ou qui induit des prises de risque qu’il ne peut
assumer seul. Il est bien entendu peu évident de dégager ce qui d’un
côté relèverait d’un choix par l’opérateur, d’un choix par la
délibération avec le collectif ou les pairs et le choix par la hiérarchie.
C’est bien là la source de toute une série de malentendus et de
problématiques complexes. Il n’est jamais aisé de délimiter très
précisément les responsabilités, car on ne sait prévoir toutes les
occurrences, et l’expression spontanée des opérateurs lorsque des
difficultés de cet ordre apparaissent n’est pas la réalité courante.
Dans la plupart des cas, un malaise s’installe sans que l’on ait, carte
sur table, l’ensemble des éléments permettant de comprendre
exactement ce qui est en train de se nouer.
La régulation invisible ?
La véritable question que l’on peut se poser est pourquoi n’a-t-on
pas pris conscience plus tôt du rôle essentiel de la régulation dans la
dynamique des organisations et dans l’économie générale des
rapports du sujet au travail ? Une des réponses tient dans le
découpage méthodique dans lequel on s’obstine bien souvent : les
champs du travail, de l’organisation, du management conservent
des références, des approches et des perspectives souvent étanches.
Ils relèvent également de cultures et de formations éloignées. De ce
fait, ce qui est « entre » ou à la jonction, court le risque de passer
inaperçu. Une remarque absolument similaire peut être faite pour
les entrées disciplinaires. A trop segmenter on perd de vue que le
tout n’est pas la somme des parties. II faut reconnaître à l’ANACT
d’avoir mis en avant assez tôt, dans son modèle d’analyse des risques
psychosociaux, la notion de régulation (Prévenir les risques
psychosociaux – Outils et méthodes pour réguler le travail, Douillet P.,
ANACT, 2014). Mais cela sans aller jusqu’au bout de ses propres
raisonnements et sans aller jusqu’à une véritable conceptualisation
de la notion.
Il arrive également qu’au sein d’une équipe, d’un collectif ou d’un
service, des logiques de métiers s’affrontent, ou encore plus
simplement des points de vue, des formes d’interprétation, des
appréciations à la fois de la situation et de ce qu’il convient de faire.
Cela peut déboucher assez naturellement sur un rapport de force, et
d’autant plus quand personne n’est légitime pour imposer sa
perception et que la délibération n’a rien résolu. Il est facile
d’appréhender le fait que l’arbitrage est un élément constamment
requis dans la gestion des situations de travail. Laisser des
opérateurs produire seuls des arbitrages entre eux ou à un certain
niveau de l’activité revient très souvent à laisser libre cours à une
forme de loi de la jungle. La nature ayant horreur du vide si
l’organisation (au sens d’institution légitime) déserte le terrain et
refuse ou évite d’employer sa fonction d’autorité (et ce faisant refuse
ses responsabilités) alors toutes sortes de pratiques relationnelles et
laborieuses vont apparaître.
Il est une autre raison tout à fait intéressante à souligner car elle
relève de la manière actuelle d’analyser le travail. Tout un ensemble
de théories dans le domaine de l’analyse du travail et des risques
psychosociaux produisent implicitement ou explicitement une
vision négative de l’action de l’organisation et de la hiérarchie. Pour
la psychodynamique l’opérateur travaille « malgré » l’organisation
(le mot est de C. Dejours). Pour la clinique du travail, portée par Y.
Clot, la souffrance naît du travail « empêché ». L’opérateur y est saisi
comme celui qui crée la richesse (parce qu’il rend possible une
Lorsque la Loi est absente la violence et la transgression peuvent
apparaître très vite. Il y a enfin un dernier aspect dans la régulation
qu’il convient de souligner. Si la notion d’arbitrage vient trancher
16
Les cahiers des rps
Management du travail
production que ne saurait pas réaliser le respect strict de la
production, s’adaptant aux variations de la situation et usant de son
intelligence et habileté, il est seul à pouvoir gérer l’écart entre travail
prescrit et travail réel.) et le travail comme le lieu par excellence de
l’intelligence productive. Tout un pan de l’ergonomie française se
situe dans cette mouvance. Tant et si bien que quasiment
l’ensemble des acteurs se réclamant de l’analyse du travail
souscrivent à ce schéma un peu, beaucoup ou passionnément.
les facteurs organisationnels (toujours envisagés de manière
statique) et les tenants du prisme individuel est dépassée. Le
concept est sûrement impropre mais une forme d’interactionnisme
raisonné semble la meilleure voie pour avancer dans la
compréhension des phénomènes psychosociaux. Il n’existe guère
d’exposition statique des risques psychosociaux, elle est
probablement dynamique, c’est ce que permet de comprendre la
notion de régulation.
Cette vision n’est pas fausse, elle est partielle. Elle s’appuie sur une
vision de l’opérateur résolvant les problématiques du travail en
s’appuyant sur le collectif, le métier et ses ressources. Il gère et
dépasse l’écart entre le prescrit et le réel, fondées comme deux
dimensions intangibles de la réalité. A force de vouloir rendre le
travail réel « visible », ou bien en étant totalement centré sur
l’opérateur, ou encore tout au projet de dénoncer les malfaisances
du travail, on en oublie qu’on est dans un univers où ce qui prime
est souvent l’économie relationnelle fine et complexe des questions
productives, des questions liées à la résolution des problématiques
inhérentes au travail. Dans cette vision des choses, le travailleur est
en quelque sorte le « héros » du travail, en tout cas le personnage
héroïsé de la dramatique du travail, avant d’en être la « victime »
quand la souffrance apparaît, souffrance dont la cause est
forcément l’organisation et son aveuglement au réel. La
dramatique est alors tragédie. On n’est pas au théâtre mais on est,
sans avoir l’air d’y toucher et sous couvert de mise à jour du réel,
de plain-pied dans l’idéologie. A force d’être partielle, l’approche
devient ignorante.
L’ombre de la régulation
La régulation est, bien entendu, ce qui permet à l’opérateur de se
maintenir au travail lorsqu’apparaissent des contraintes
indépassables et ingérables pour lui. D’ailleurs, quand la régulation
est défaillante ou absente, on assiste à des pratiques clandestines, à
des problématiques conflictuelles, à des retraits du travail, à des
accidents du travail… Ce lien, complexe à gérer, voire à assumer, est
au cœur de la performance sociale et économique si l’on veut bien
avoir une appréciation micro des réalités productives et
économiques.
Or, la régulation vient relativiser tout cela. Elle ouvre un espace de
friction entre travail et organisation, permettant de les penser
ensemble, dans une approche économique et/ou systémique. Elle
glisse un acteur supplémentaire dans la réalisation du travail, un
acteur dont le rôle même est de faire lien entre organisation et
travail. L’idéologie ne veut pas de cela.
Elle préfère des oppositions marquées et des messages simples,
même s’il faut les emballer dans des sophistications théoriques qui
ne sont que des rationalisations. Cette vision donc, au-delà du
simple champ théorique est problématique, et institue, sans le dire,
expressément la conflictualité du travail comme indépassable, et elle
minore totalement la part de la régulation dans le fait que le travail
puisse se faire. Elle le fait, car pour elle, coûte que coûte, le travail
doit rester à la fois central et être distingué de l’organisation. Elle
arme des pratiques sociales d’expertise, d’intervention, et alimente
intellectuellement un conflit travail / organisation.
On pourrait, en miroir, créer une perception du fonctionnement
organisationnel où le travail se fait « malgré » les opérateurs et où
l’on démontrerait que c’est l’intelligence organisationnelle qui rend
le travailleur apte à réaliser sa tâche. Après tout, ce n’est souvent
qu’une question topographique, une question de point de vue. Ce
serait tout aussi contre-productif mais guère plus partiel que ce qui
nous est proposé quelquefois aujourd’hui. Il est temps de sortir
d’une forme de manichéisme conceptuel même adouci par les
discours. Il donne une vision erronée des choses. Pour ce qui est des
risques psychosociaux, on saisit combien l’opposition, féconde et
pratique à un moment donné, entre les tenants d’une approche par
N°24 - Décembre 2014
17
Les cahiers des rps
L’absence de régulation, avons-nous dit, est une façon pour
l’organisation de ne pas assumer ses responsabilités. Cela peut avoir
diverses raisons. Refus de positionner un cadre précis, volonté de
masquer les questions du travail (pour imposer des exigences
gestionnaires mais aussi parfois pour se débarrasser littéralement
des questions issues des pratiques), crainte de libérer une parole,
manque de compétence, vision totalement minorée des
problématiques issues du travail… Ce ne sont pas les causalités
potentielles qui manquent. Il est certain qu’il existe une forme
d’idéologie gestionnaire que nous avons décrite dans un texte
précédent (« « Le nouveau monde » ou le désajustement entre
logique gestionnaire et réalité laborieuse », Martini F., in Ergologia,
N°5, mars 2011) qui ne peut appréhender le rôle et l’importance de
la régulation, ou en tout cas qui veut en entendre parler le moins
possible. La conséquence est qu’elle est aujourd’hui un problème
majeur dans le management des organisations. Cela met en
perspective, en particulier, le rôle de l’encadrement de proximité.
Dans l’ensemble des débats autour de ce type de fonctions qui a un
rôle crucial dans le bon fonctionnement des organisations force est
de constater que l’on a très peu intégré la dimension relative à la
régulation. Il est vrai que cela sous-entend que l’encadrement de
proximité ait a minima des marges de manœuvres, et qu’il ait aussi
une culture technique apte à lui faire comprendre l’ensemble des
déterminants des problématiques du travail. D’autres conditions
existent bien entendu. Nous citerons la cohérence de la ligne
managériale, c’est-àdire le partage implicite des mêmes positions à
divers niveaux de la hiérarchie. Sans cela, il est très difficile d’aller
vraiment dans une régulation partagée car son exercice implique, ne
serait-ce que de manière implicite, l’engagement d’une forme de
responsabilité qui ne peut se faire que lorsqu’on est en cohérence
avec sa propre hiérarchie. Il faudrait développer cette thématique de
la responsabilité. Il est certain que, sans possibilité de prise de
responsabilité, la régulation sera plus difficile. En ce sens, un
conformisme perpétuel ou le souci permanent de se protéger, ne
peuvent créer des conditions à un fonctionnement par la régulation
du travail.
Management du travail
Mais inversement, les opérateurs eux-mêmes, ont parfois la
tentation de s’y soustraire et de faire de leurs pratiques et de leurs
perceptions leurs référents ultimes. C’est bien de deux côtés que
l’on évite la régulation.
contre, si elle ne fonctionne pas bien, elle sera forte. De ce point de
vue elle a un poids supérieur à celui d’autres facteurs (charge de
travail..) dans la mesure où elle concerne l’ensemble des
problématiques. Tout problème s’il ne peut être résolu, peut être
régulé. S’il n’est pas régulé, il ne va pas se résoudre seul. Il agira en
sourdine ou de manière spectaculaire.
Conclusion
Les cahiers des rps
Dans l’approche du caractère exposant aux risques psychosociaux
des situations de travail, il est déterminant de savoir si elles
s’inscrivent ou non dans un ensemble régulé. La régulation renvoie
à une caractéristique objectivable et à des activités concrètes et se
prête mieux à notre propos que, par exemple, le terme de
management. Celui-ci, de par son côté général, ne permet pas de
savoir si le lien entre travail et organisation est réellement géré.
Ensuite, beaucoup d’approches managériales reposent sur la gestion
des individus, la motivation, l’animation (ce qui est très loin de nos
préoccupations). Enfin, on a toujours du mal à distinguer le
management et le manager. Cela est contre-productif quand on
veut objectiver et sortir d’une vision individualisante.
Tout un ensemble de dimensions et de paramètres peuvent être
problématiques et il n’y a pas de situation de travail qui permette
que soit maintenu en permanence l’équilibre entre les contraintes et
les ressources, c’est-à-dire qui constitue un système autorégulé.
Qu’il existe ou pas un collectif fonctionnant, rien ne change à
l’affaire. Chaque occasion de déséquilibre se voit amplifiée par
l’absence de régulation ; c’est l’argument central qui fait que la
régulation est un facteur majeur dans la perception du système de
contraintes et de ressources en situation de travail. Si l’on prend la
mesure du rôle de la régulation on a une autre perception des
questions du lien travail / opérateur / organisation.
Il est donc essentiel dans l’approche des situations de travail comme
ensemble dynamique de contraintes et de ressources, d’appréhender
qu’il est aussi et nécessairement un ensemble régulé. En ce sens il
est évident que, si la régulation fonctionne bien, l’exposition réelle
et non théorique aux risques psychosociaux sera faible et, par
;:
Calcul du coût du stress professionnel
et des risques psychosociaux
Franck Martini
Contribution au Séminaire interne CATEIS
du 7 avril 2014
Risques psychosociaux (RPS)
et Qualité de Vie au Travail (QVT)
Atelier d’échanges public-privé du 17 juin 2014
L'EU-Osha a publié une synthèse d'études européennes sur le coût
des risques psychosociaux.
Le document, rédigé en anglais, propose un panorama des travaux
européens sur le sujet, complété d'approches extra-européennes
(Australie, Canada, Etats-Unis). Différents chapitres s'attachent à
montrer que les risques psychosociaux pèsent financièrement sur
l'entreprise, le secteur d'activité, et l'économie d'un pays.
Après une forte prise de conscience des « risques psychosociaux »
(RPS) et la mise en place de démarches spécifiques de prévention et de
traitement de ce type de situations, les entreprises s'engagent
aujourd'hui dans des approches plus globales, autour de la notion de
« Qualité de Vie au Travail » (QVT). Ces démarches, qui intègrent
notamment la gestion des RPS, s'inscrivent désormais dans le cadre de
l'accord national interprofessionnel de 2013.
Plusieurs organisations et entreprises, pionnières sur ces sujets, ont
négocié avec leurs partenaires sociaux des accords-cadres sur la QVT.
Il s’agit cependant d’une pratique encore peu répandue ou peu
concluante qui laisse penser qu’il reste encore de grands chantiers à
mener sur ces sujets.
On dénote cependant dès à présent un réel intérêt, exprimé par les
entreprises et les organisations, pour la question de la QVT et les
moyens à mettre en oeuvre pour l’améliorer.
L’atelier du 17 juin a permis d’examiner ces différentes notions (RPS
et QVT) : ce à quoi elles renvoient et ce qu’elles impliquent pour les
salariés, le management et la fonction RH.
Mettre en place des démarches spécifiques relatives à la QVT et à la
prévention des RPS apparaît indispensable pour préserver le bien-être
des salariés ainsi que leur engagement et pour garantir l’attractivité
d’une organisation.
Cela nécessite néanmoins que soit réuni un certain nombre de
conditions de réussite, notamment : une forte implication de
l’encadrement, la mobilisation d’outils adaptés, une politique de
communication efficace et un investissement dans la durée.
Au-delà des travaux universitaires, le document propose conseils et
méthodes de calculs pour évaluer le coût des RPS au niveau de
l'entreprise. Les auteurs on également dédié un chapitre à
l'évaluation économique des démarche de prévention. Ils citent
notamment les travaux du projet européen "Matrix" qui, en suivant
plusieurs entreprises de pays différents sur un an, ont pu observer
que pour 1€ dépensé en prévention des RPS, 13,64€ de bénéfice
économique net étaient enregistrés.
Source : www.anact.fr
Si vous souhaitezrecevoir les cahiers des RPS,
merci d’en faire la demandeà la DIRECCTE auprès
de : [email protected]
Source : www.fonction-publique.gouv.fr
18
Les cahiers des rps
Dossier Colloque
Retour sur le Colloque Prévention des RPS
Comment faire ? Retour d’expérience et Bonnes pratiques
17 juin 2014 - Parc CHANOT
n
Partie 1
les enseignements tirés, tant du point de vue des avancées que des
échecs ainsi que le travail restant à mener.
Introduction
Les entreprises ayant accepté de témoigner à ce colloque ne
présentaient, a priori, que peu de similitude entre elles, tant par le
secteur d’activité qu’elles représentaient que par leur effectif ou le
contexte. Il s’agissait :
Ce colloque de 2014 intitulé « RPS - Comment faire ? Retour
d’expérience et bonnes pratiques » est en fait le prolongement
d’une dynamique interinstitutionnelle démarrée maintenant
depuis plus de 10 ans sur ce sujet.
Il vient, d’une certaine manière, clore un cycle de colloques
régionaux qui ont porté sur :
• de PSP-ACTES, structure associative devenue Fondation et
rattachée au secteur sanitaire et social ; elle comprend de
nombreux sites répartis sur le département des Alpes-Maritimes
et compte environ 300 salariés. Son action prioritaire est tournée
vers les enfants, les jeunes, les adultes et les familles en très grande
difficulté, et touche 3 secteurs différents :
n Accompagnement social et médico-social
n Insertion-logement-emploi
n Enfance-famille
n
RPS - Que met-on derrière ces mots ?
Quels indicateurs mettons-nous en place ?
n Comment évaluer le risque psychosocial ?
n Quels plans d’actions ?
n
Il s’inscrit également dans la continuité d’autres actions menées
régionalement, comme notamment :
• celles axées sur la sensibilisation des représentants du personnel,
notamment avec l’IRT (Institut Régional du Travail) ;
• De Thales Alenia Space, coentreprise franco-italienne du secteur
de l'industrie spatiale (67% Thales et 33% Finmeccanica) et dont
le siège social est basé à Cannes. Leader mondial dans le domaine
des télécommunications, de la navigation, de la météorologie,
de la gestion de l'environnement, de la défense et de la
sécurité, de l'observation et de la science, la structure compte
7 500 salariés en Europe, dont 4 350 salariés en France (2 350
salariés sur Toulouse et 2 000 salariés sur Cannes essentiellement
constitués d’ingénieurs et de cadres (75%)).
• celles orientées sur l’échange des savoirs, des savoir-faire et de
l’expérimentation entre les acteurs du milieu du travail, le monde
universitaire et les institutionnels par la programmation de
rencontres régulières (séminaire du LEST) ;
• celles destinées à accompagner les entreprises dans leurs
démarches de prévention soit individuellement (en offrant la
possibilité aux entreprises qui le souhaiteraient de recourir à un
consultant attestant de compétences sur le champ des RPS et
s’engageant à respecter un référentiel) soit collectivement (par la
mise en place d’actions de branches) ;
Alors même que chacune des démarches présentées apportaient des
éclairages singuliers découlant de situations de travail différentes
(liées aux éléments de contextes de la structure), il est apparu
important lors de ce colloque de s’interroger sur l’existence ou non de
déterminants communs (sorte d’incontournables) ayant contribués
à la réussite des actions mises en place sur la prévention des RPS.
•…/…
Partie 2
Il s’agissait, durant et à l’issue de ce colloque, de tirer des premiers
éléments de bilan et d’enseignements à partir :
Retour sur la perception du colloque par les participants
(exploitation des questionnaires d’évaluation)
• de l’éclairage de plusieurs institutionnels (DIRECCTE,
CARSAT, INRS, ANACT)
Eléments généraux de satisfaction recueillis
• de réalités de terrain souvent complexes et sur lesquelles 3
entreprises avaient accepté de témoigner ; pour chaque entreprise,
Représentants de la Direction et Secrétaires de CHSCT se sont
exprimés sur :
n les raisons, le contexte, l’histoire qui avaient conduit la Direction
et les Représentants du personnel à initier une telle démarche au
sein de la structure
n les moyens développés et mobilisés, la méthodologie de travail
retenue…
N°24 - Décembre 2014
Sur les 520 personnes inscrites initialement au colloque, 360
personnes ont participé au colloque parmi lesquelles 25
représentants des institutions (DIRECCTE / CARSAT-SE / MSA
/ ARACT-ANACT / INRS).
Sur les 335 personnes présentes et représentant le monde de
l’entreprise (incluant 66 nouveaux participants inscrits sur place),
149 personnes ont retourné un questionnaire de satisfaction (soit
19
Les cahiers des rps
• De la Brincks, entreprise à l’origine orientée vers le transport de
fonds, le traitement de valeurs et la gestion des automates
bancaires en France et depuis 1985 vers la sureté aéroportuaire ;
cette structure, dont le siège social se trouve à Paris, compte 5 800
salariés en France, dont 850 salariés rattachés à la Direction Régionale
Sud-Est de la filiale transport de fonds et répartis sur 17 agences
• celles développées dans le cadre d’un dialogue social territorial, au
sein de certains départements, comme : les matinales ou les petits
déjeuners dans les départements du 06 et du 83, les colloques
départementaux, l’animation de comités départementaux sur les
RPS dans les départements du 06, 83 et 84 ;
Dossier Colloque
n
44,5% de réponses) ce qui a conduit à la synthèse qualitative et
quantitative suivante.
n
Nous nous sommes, dans un premier temps, intéressés au profil
(c'est-à-dire à la fonction occupée au sein de la structure) des
participants présents à la rencontre que nous avons rapproché de
celui des répondants aux questionnaires.
Globalement nous avons pu constater que le profil des « répondants
aux questionnaires » était en adéquation avec la répartition socioprofessionnelle des présents et se répartissait comme indiqué sur le
graphique suivant :
l’animation (90%)
l’organisation de la manifestation (durée : 91%, logistique, accueil :
94%)
Certains semblent légèrement moins satisfaits de la qualité des
échanges avec la salle (85% de satisfaits voire très satisfaits) et des
documents remis (65% de satisfaits voire très satisfaits).
Eléments d’analyse sur les démarches RPS mises en place dans
les structures
64% de personnes ayant retourné leur questionnaire expriment le
fait d’avoir rencontré des difficultés pour construire une démarche
de prévention sur les RPS dans leur entreprise.
Les cahiers des rps
Aussi, afin d’apprécier ces démarches de prévention mises en œuvre
dans les différentes structures, plusieurs questions en termes de
Bonnes pratiques et de Retour d’expérience étaient posées aux
participants. Elles abordaient les aspects suivants :
n freins et clés de réussite
n modalités de mise en œuvre
n moyens mobilisés
D’un point de vue approche multisectorielle, les 5 principaux
freins ressortant de l’analyse des 149 questionnaires retournés sont :
n les difficultés d’aborder l’organisation du travail
n l’insuffisance de formation des personnels
n la question des relations hiérarchiques
n la qualité du climat social
n le manque de réunions collectives
Nous avons également souhaité connaître les secteurs d’activités des
personnes ayant répondu aux questionnaires, de manière à pouvoir
en dégager, si besoin, des spécificités d’analyse par secteurs.
S’agissant de la taille des principales structures représentées, nous
notons, tous secteurs confondus (sur la base de 62 répondants):
Entre 1 et 20 salariés
De 21 à 49 salariés
De 50 à 250 salariés
% exprimé au regard de l’ensemble
des répondants
11%
6%
82%
Il est à noter que même si cette question offrait la possibilité de
plusieurs réponses (choix multiple), plus d’1 personne sur 2 (voire 1
personne sur 3) classe ces 5 principales raisons comme des freins
possibles à la mise en place d’une démarche de prévention.
Enfin 93% des répondants se disent être globalement satisfaits
voire très satisfaits du colloque, tant sur :
n son contenu (91%)
n les interventions (95%)
20
Les cahiers des rps
Dossier Colloque
Ces premières tendances ont été affinées, pour les 3 principaux secteurs
représentés (Santé-Sanitaire et Social ; Services et Assurances ; Industries).
Du fait du trop petit nombre de questionnaires retournés pour le
secteur du commerce (13 questionnaires, soit 9% des questionnaires
rendus), il n’a pas été possible d’extraire des tendances sur ce secteur.
A noter que les premiers freins à la mise en place d'une démarche
RPS, pour chacun des 3 secteurs sont identiques :
• les difficultés d’aborder l’organisation du travail
• l’insuffisance de formation des personnels
Toutefois, il conviendrait d'approfondir certaines spécificités de
secteurs :
• S’agissant du secteur de la Santé, Sanitaire et Social, les relations
hiérarchiques ne semblent pas constituer un frein majeur à la mise
en place d’une démarche de prévention (frein arrivant en dernière
position contrairement aux 2 autres secteurs) alors que le manque
de temps d’échanges et de réunions collectives est pointé
comme une difficulté première (frein arrivant en 3ème position)
• S’agissant du secteur des Service et des Assurances, c’est la qualité
du climat social qui arrive en 3ème position des freins possibles à la
démarche, avant les relations hiérarchiques.
Compte tenu des différents freins soulevés par les personnes
interrogées sur la construction d’une démarche de prévention, il
paraissait important que la question suivante du questionnaire porte
sur les acteurs de l’entreprise qu’ils avaient identifiés eux-mêmes
comme personnes ressources en matière de RPS.
Là encore, nous avons souhaité affiner ces premières tendances par
une approche plus sectorielle afin d’en apprécier les différences et
similitudes :
N°24 - Décembre 2014
21
Les cahiers des rps
Les 4 acteurs principaux, cités par au moins 50% des répondants
au questionnaire, et identifiés comme des ressources à mobiliser
pour la mise en place d’une démarche de prévention, sont, tous
secteurs confondus :
• Les membres désignés du CHSCT (79% des répondants)
• Les Directions (77% des répondants)
• Les médecins du travail (66% des répondants)
• Les Directions des Ressources Humaines (65% des répondants)
Dossier Colloque
Les cahiers des rps
A présent, intéressons-nous à la manière dont les entreprises ayant
répondu au questionnaire formalisent la démarche de prévention
des RPS (tout comme précédemment plusieurs réponses étaient
possibles).
Hormis pour le secteur de l’industrie pour lequel des accords signés
ont permis, dans certaines entreprises, de travailler et de formaliser
la démarche de prévention RPS, l’ensemble des acteurs (tous
secteurs confondus) semble s’accorder sur le fait que le DUER mais
aussi les comptes-rendus de réunions demeurent les principaux
moyens communément utilisés pour retranscrire la démarche.
Eléments de perspectives et de suites
Du point de vue des participants, dans chaque secteur et dans les
structures en disposant, le CHSCT apparaît comme l’acteur
incontournable à mobiliser pour parvenir à construire une
démarche de prévention ; cela semble souligner le rôle important
accordé au CHSCT à la fois comme moteur, dans les dynamiques
de prévention à impulser, et facilitateur de par sa connaissance des
réalités de terrain et ses rapports à la Direction. Pour les secteurs en
étant dotés, notons aussi la place prégnante donnée aux Délégués
du personnel (par exemple, 93% de répondants du secteur de
l’industrie les citent comme des acteurs ressources), à la différence
des organisations syndicales qui n’apparaissent pas comme des
acteurs à mobiliser en première intention.
Afin de tenter de mesurer l’impact de cette rencontre sur les
pratiques des acteurs à leur retour dans l’entreprise, ou tout du moins
les pistes possibles de suites, une dernière question portait sur la
nature des actions possibles susceptibles d’être menées dans les
structures, par chacun des acteurs.
Sur les 149 personnes, ayant retourné un questionnaire de
satisfaction, indépendamment du secteur d’activité et de la
fonction occupée, à la question : « Quelles nouvelles actions en
matière de prévention pensez-vous initier ? », les réponses ont été
les suivantes :
La Direction (ainsi que les services de Ressources Humaines, pour
les secteurs en disposant) apparaissent bien comme des acteurs
incontournables, ne serait-ce que pour s’assurer de la volonté et de
l’engagement à agir. Le fait que le responsable sécurité ne soit
identifié que par 37% des répondants comme un acteur à mobiliser,
peut s’expliquer du fait que cette fonction ne soit pas mise en place
systématiquement dans toutes les structures de tous les secteurs.
S’agissant du médecin du travail, il semble bien avoir été identifié
comme une personne ressource pour l’accompagnement de la
démarche, du moins pour 2 secteurs (la santé, le sanitaire et social
et l’industrie) ; cette tendance, avec la mise en place progressive de
la pluridisciplinarité au sein des services de santé au travail, devrait
perdurer dans les années prochaines. Par contre, s’agissant du
secteur des Services et des Assurances, il semble que le médecin du
travail ne soit identifié que bien après la mobilisation d’autres
acteurs comme : les IRP (CHSCT/DP), Direction et RH et les
autres salariés.
22
Les cahiers des rps
Dossier Colloque
Il est intéressant de constater que les nouvelles actions, proposées
par les participants seront davantage axées sur l’amélioration des
démarches en cours ou projetées que sur l’initiation de nouvelles
démarches :
• 4 Bonnes Pratiques illustrant la culture de prévention
n
Les moyens alloués à la prévention et l’existence d’une fonction
santé-sécurité
n L’approche pluri-acteurs
n La mise en place d’instance de pilotage et de travail
n Le développement d’une dynamique globale au sein de
l’entreprise incluant la prévention
• 54% des répondants disent vouloir mieux communiquer autour
de leur démarche de prévention
• 47% des répondants disent vouloir mieux associer les salariés à la
démarche.
• 4 Bonnes Pratiques contribuant à pérenniser la démarche
Lorsque cette même question est cette fois analysée par typologie
d’acteurs (selon la fonction occupée par la personne dans la
structure mais indépendamment du secteur), on note certaines des
différences dans la typologie des actions projetées.
n
La désignation de personnes ressources légitimes
Le choix d’outils adaptés pour : actualiser l’évaluation des RPS
et suivre le plan d’actions
n La sensibilisation, la formation des différents acteurs de
l’entreprise
n Le travail sur les RPS plutôt a priori qu’a posteriori
n
• la volonté forte, exprimée par leur Direction, de travailler sur
la question des RPS et qui s’est traduite par la mise en place
d’actions concrètes :
n le dégagement de moyens humains et financiers, consacrés à la
démarche
n l’existence et le partage de lignes directrices à la fois fortes (ex :
cadre ou champ d’intervention, projet de service ou
d’établissement, …) et souples (de façon à pouvoir tenir compte de
la diversité des réalités de terrain, à autoriser l’expérimentation et
l’adaptation plutôt que d’imposer l’uniformité et la transposition)
n le travail permanent avec les élus du personnel et le CHSCT
(réalisation d’un diagnostic partagé, définition des modalités de
travail et de suites, choix partagé de la démarche à mettre en
place, co-construction entre acteurs concernés des actions de
prévention à mettre en place en associant et impliquant
l’encadrement (à tous les niveaux), définition des modalités de
participation des salariés, …)
Partie 3
Eléments de synthèse / bilan issus du colloque « Prévention des
RPS »
Au travers des expériences retracées par chacune des entreprises
participant au colloque (PSP-ACTES, BRINCKS et THALES), audelà des particularismes de chacune d’entre elles (implantation en
région mais siège social non nécessairement en PACA, taille et
effectif très variables, problématiques soulevées diverses, …), il est
apparu nécessaire aux institutionnels d’essayer de dégager des pistes
communes en terme de Bonnes Pratiques ; en effet, il s’est dégagé,
des différentes présentations, des formes « d’incontournables », qui,
d’une certaine manière, pouvaient contribuer à la réussite d’une
démarche de prévention en matière de RPS : il ne s’agit en aucun cas
de vouloir calquer à l’identique les actions concrètes mises en place
par chacune de ces entités (car fonction de l’histoire, du contexte, des
problématiques soulevées, des acteurs en place, …) ; il s’agit plutôt de
regrouper, ces formes d’« incontournables » ou de « déterminants »
selon 3 grands axes :
• la volonté de la Direction de pérenniser dans le temps les
bénéfices de l’instauration d’une telle démarche, et qui peut se
mesurer par :
n la mise en place d’une instance de suivi et/ou de pilotage
(même si d’une structure à l’autre, les contours de ces instances,
leurs modalités de fonctionnement ou d’animation peuvent
différer)
n l’intégration ou l’élargissement de la thématique des RPS à
de nouveaux sujets ou thèmes traités au sein de la structure ;
l’idée est ici de s’appuyer sur la dynamique existante, sur le
retour des expériences passées par exemple : sur les méthodes de
travail ayant porté leur fruit, sur l’importance du travail en
pluridisciplinarité, sur la montée en compétence de l’ensemble des
acteurs, …Ainsi, au travers du témoignage d’une des entreprises,
• 4 Bonnes Pratiques relevant de la régulation sociale
n
Le niveau d’implication de la Direction
La qualité de la communication, de l’écoute et de l’information
transmise par la Direction aux salariés et leurs représentants
n L’état des rapports sociaux
n La place donnée à l’analyse de l’activité réelle de travail
n
N°24 - Décembre 2014
23
Les cahiers des rps
Pour illustrer ces bonnes pratiques, il suffit de se remémorer les
démarches de prévention retracées par les entreprises participant au
colloque. Toutes, ont insisté, sur des points qui leur paraissaient
essentiels et qui, selon elles, ont facilité la mise en oeuvre de la
démarche au sein de leur structure :
Dossier Colloque
il est apparu que le fait d’aborder la question des RPS avec les
représentants du personnel, en amont d’un nouveau projet (projet
lié au changement, projet de réorganisation et/ou de service ou projet
de réaménagement des espaces de travail) permettait d’anticiper
d’éventuelles difficultés et plus largement d’aborder les effets du
projet en tenant compte des impacts possibles sur les conditions
de travail, la santé et la sécurité des salariés.
mettre à jour de gros dysfonctionnements trop complexes à gérer.
Ni les salariés, ni l’encadrement n’avaient une idée très précise de ce
dont il s’agissait. Tout le monde connaissait la notion nouvelle
d’obligation de prévention sans vraiment savoir comment s’y
prendre…
De même, la négociation d’accords sur des sujets aussi variés que
l’égalité Homme/Femme, le maintien des séniors dans les
structures, l’accueil des jeunes, la mise en place de la Qualité de
Vie au Travail (QVT) sont également de nouveaux angles
possibles d’approches des questions de santé au sein des
entreprises …
Phase 1
Un premier questionnaire passé auprès de 100 personnes de 2
secteurs d’activité. La restitution aux salariés de la synthèse a permis :
• une représentation du problème,
• de lever une alerte sur un service.
n
Avec le recul, plusieurs phases ont pu être identifiées :
Mais il ne concernait pas assez de salariés. Aussi la décision a été
prise d’approfondir les choses de manière différente ;
enfin, le souhait de maintenir une qualité dans l’échange, la
communication et le dialogue social entre Direction et
Représentants du personnel.
Phase 2
Un prédiagnostic a été posé par un consultant extérieur sur les 2
services avec des entretiens individuels, des entretiens collectifs et
une visite des sites de travail. Ce prédiagnostic n’a pas été accepté,
étant trop peu nuancé (généralités, plaintes diffuses plus sur la nature
du travail que sur les conditions de travail), et faisant apparaître un
certain parti pris. Il ne permettait pas de continuer la démarche. Il
dépeignait une situation dramatique avec le point de vue de certains
mais pas de l’ensemble. Il laissait la porte ouverte à une grande
interprétation. Il n’avait pas été « co-construit » avec l’ensemble des
salariés, l’encadrement et les représentants du personnel.
Les cahiers des rps
Illustration par le témoignage d’une des structures participant
au colloque
La politique de prévention au sein de la Fondation Patronage
Saint-Pierre-Actes
Pour appréhender au mieux le contexte de l’élaboration du plan de
prévention des Risques Psychosociaux au sein de notre institution, il est
nécessaire au préalable d’en présenter le contexte en quelques lignes.
La Fondation PSP-Actes, comptant 270 salariés environ, pour la
majorité travailleurs sociaux, est une fondation niçoise intervenant
dans 3 grands secteurs d’activité :
• une action axée sur l’insertion par le logement et l’emploi,
• une direction intervenant sur l’enfance et la famille,
• une activité relevant de l’accompagnement social et médicosocial.
Phase 3
Reprise du prédiagnostic avec le comité de pilotage et début d’un
véritable travail en commun sur le plan de la prévention. Ce travail
concerté a mis en exergue l’existence de problématiques différentes
selon les services.
Phase 4
Reprise en main de chaque problème soulevé en lien avec les RPS
dans chaque Direction de pôle. Des mesures concrètes ont été
imaginées par l’ensemble des salariés des services. Tous les acteurs
sont unanimes : les problèmes existants sont surtout liés à
l’organisation du travail.
En 2012 la Fondation a dû mettre en œuvre un PSE suite à des
suppressions et baisses significatives des financements des tutelles.
Le fonctionnement de cette « entreprise sociale » est en perpétuel
mouvement. Il lui faut s’adapter aux différents changements imposés, ce
qui nécessite une réelle dynamique de management et une professionnalisation de ses pratiques et Gestion des Ressources Humaines.
Plusieurs solutions très concrètes sont trouvées comme par exemple :
• ouvrir les réunions collectives de type réunions de service à
l’ensemble des personnels : depuis, les secrétaires participent aux
réunions de travail ;
• organiser des réunions informelles avec les cadres intermédiaires
pour préparer les réunions de services ;
• planifier les congés dans des délais « raisonnables » ;
• mettre à jour régulièrement le Document Unique en désignant et
responsabilisant des salariés référents par service.
Concernant le travail accompli sur la prévention des RPS, c’est dès
décembre 2009, que la médecine du travail, l’AMETRA propose de
réaliser une étude sur 2 pôles. Un comité de pilotage est constitué
et un questionnaire est proposé à la majorité des salariés.
En 2010, une formation de 2 jours est suivie par les membres de la
Direction et par les élus du personnel, membres du CHSCT,
souhaitant ardemment que ce projet, innovant à l’époque pour le
secteur d’activité de la Fondation, voit le jour.
Phase 5
Mise en oeuvre d’actions transversales afin d’obtenir d’autres
résultats en parallèle des actions concrètes : la plus significative est le
Il est honnête d’avouer qu’avant de commencer cette démarche, il y
avait une crainte de la Direction au sujet des RPS, avec la peur de
24
Les cahiers des rps
Dossier Colloque
travail de prévention effectué sur les situations de violence. Ainsi, la
Fondation a décidé de faire intervenir un formateur externe dont
l’intervention a permis aussi d’aboutir à la rédaction d’un guide
pratique de protection du personnel contre les situations de violence.
Phase 6
Depuis l’élaboration de ce premier plan de prévention, plusieurs
objectifs sont poursuivis par les partenaires sociaux :
• Reproduire cette démarche tout en l’adaptant à un autre secteur
de la Fondation, le secteur Enfance-Familles. A ce jour, un
diagnostic a pu être établi par un intervenant extérieur et a déjà
fait l’objet d’une restitution auprès de l’ensemble des personnels.
Ceux-ci ont été consultés par le comité de pilotage qui
aujourd’hui recense les diverses propositions émanant des
travailleurs eux-mêmes ;
• Relancer en permanence l’encadrement (directeurs et chefs de
service) pour que la dynamique de prévention des RPS ait
vraiment lieu dans les services et que l’organisation du travail
s’améliore. La base, pour les convaincre, c’est l’obligation de
prévention.
Enfin, l’ensemble des acteurs qui ont vécu cette expérimentation
estiment que son apport est multiple :
• Elle a donné un sens à la prévention des RPS ;
• Elle a prouvé l’importance de la résolution des problèmes
exprimés par les salariés pour une meilleure Qualité de Vie au
Travail ;
• Elle a démontré qu’une telle démarche doit être en perpétuelle
évolution : ainsi, il est obligatoire de pérenniser la dynamique, la
relancer, suivre les plans d’actions…
;:
N°24 - Décembre 2014
Même si l’on peut dire, qu’au sein de la Fondation PSP-Actes, le
dialogue social est correct, la mise en place du plan de prévention a
représenté un énorme travail. Il a fallu prioriser les actions de
prévention qui nous semblaient, à nous élus CHSCT, les plus
judicieuses à traiter pour le bien-être des salariés.
Par exemple : autour de l’absentéisme, la mise en place d’actions
concrètes en cas d’absence d’un collègue doit prendre en compte de
multiples questions : comment gérer le travail de ce dernier ?
Comment le repartir ? Comment ne pas surcharger les salariés
présents ? Et puis à son retour, si son arrêt dépasse 3 semaines,
comment l’informer de ce qui s’est passé pendant son absence, sans
le stigmatiser ? Comment faciliter au mieux son retour ?
Dans l’ensemble, le comité de pilotage s’est finalement accordé sur
les thèmes à aborder. Malheureusement, une fois ce plan d’actions
rédigé, nous n’avons pas pu en faire le suivi. Manque de temps,
autres priorités …
Les élus CHSCT ont souhaité élargir cette première démarche, qui
ne concernait que deux secteurs de la Fondation, à un troisième. Ils
ont dû insister longtemps afin de faire accepter à la Direction et plus
particulièrement au Conseil d’Administration l’idée qu’il ne fallait
pas s’arrêter à deux secteurs. L’aspect financier revenait sans cesse au
cœur des débats. Pourtant, nous n’avons plus besoin de prouver que
dans de bonnes conditions de travail, des salariés heureux sont plus
efficaces et efficients dans leur tache au quotidien. La nécessité
d’élargir à tous les salariés nous semblait indispensable au moins
d’un point de vue de l’équité.
Il a fallu attendre deux ans pour voir un consultant mettre en place
un diagnostic RPS sur le 3ème secteur.
A ce jour, nous sommes à la rédaction du deuxième plan de prévention.
L’avantage de cette deuxième démarche, est que nous savons de quoi
l’on parle. Nous pouvons mettre des mots sur des RPS repérés sans
tabou. Les actions à mettre en place sont plus faciles à repérer et le
premier plan d’action nous sert de support. De ce fait, nous allons
pouvoir l’améliorer, le mettre à jour et l’adapter à des situations
nouvelles pour, au final, n’en avoir qu’un seul. Même si nous repérons
certaines spécificités d’un secteur à l’autre, comme le travail en internat,
nous souhaitons qu’il n’y en ait qu’un seul. Cela nous permettra de faire
une évaluation régulière. Rappeler sans cesse que nous devons veiller à
l’équilibre entre les contraintes liées à l’organisation et les ressources des
salariés est notre priorité afin d’éviter et prévenir les RPS.
Après le PSE, les baisses de financement amènent, dans notre
entreprise, des restructurations importantes. Le secteur sanitaire,
santé-social et médico-social sont malmenés et vont obliger les
salariés à s’adapter à de nouvelles formes d’organisation du travail.
Les salariés de la Fondation Actes font partie des populations exposées.
Les élus resteront vigilants. Tout le travail réalisé au fil de ces dernières
années va être un atout pour mieux appréhender des situations à
risques, mais surtout maintenir une politique de prévention primaire.
;:
Stéphanie Tavernier
DRH de la Fondation PSP-Actes
25
Caroline Mazzoni
Elue CHSCT CFDT, Fondation PSP-Actes
Les cahiers des rps
Au regard de ce qui précède et en analysant la démarche après 4
années de mise en œuvre, le constat, partagé à la fois par les
dirigeants de la Fondation et les représentants du personnel est le
suivant :
• Une démarche de prévention des RPS est longue, elle n’est jamais
finalisée, de nouveaux thèmes à traiter apparaissant au fil du
temps et des évolutions internes et externes à l’institution ;
• Les actions à mettre en place doivent être co-construites et basées
sur des constats objectifs (rapports d’incidents, taux
d’absentéisme…) ;
• L’organisation d’un suivi régulier des actions correctives est
nécessaire ;
• Il faut passer par une phase d’expérimentation avant de valider
chaque action ;
• La diminution des RPS doit très souvent s’accompagner
d’aménagements de postes ;
• Une centralisation des démarches n’est pas compatible avec une
prévention des RPS efficace ;
• La place du management est centrale.
La prévention des risques psychosociaux su sein de la Fondation
PSP-Actes du point de vue des élus CHSCT
Dossier Colloque
Partie 4
la DIRECCTE, les partenaires sociaux, les organismes de
prévention ainsi que les universitaires parties prenantes de ces
politiques, un temps commun d’évaluation sera proposé en
décembre 2014 :
Eléments de perspectives
Pour clore ces éléments de bilan et de synthèse, il est important
pour les institutionnels, dans la perspective du prochain Plan
Régional Santé Travail (PRST) prévu d’être reconduit sur 20152019, de réfléchir, aux axes possibles de suites et de perspectives sur
le thème des RPS ; 2 Grands Axes de Travail pour les années futures,
semblent se dégager :
• Le maintien des dynamiques départementales déjà existantes
• La poursuite d’actions régionales en direction des entreprises
• Des bilans seront menés sur certaines typologies d’actions
terminées ou toujours en cours, de façon à en évaluer les impacts
et donc in fine leur reconduction (ou non) au sein du PRST.
• Une synthèse de l’analyse des questionnaires déployés par le
Laboratoire Universitaire d’Economie et de Sociologie du travail
(LEST), devrait également permettre à l’ensemble des acteurs
mobilisés de disposer d’éléments en termes de perspectives. Ce
questionnaire avait été lancé, suite au séminaire aujourd’hui
achevé (financé par la DIRECCTE et animé par le LEST), qui
portait sur des thèmes transversaux touchant aux RPS et qui avait
conduit à la mobilisation d’acteurs de tout horizon et profil.
Ces 2 axes seront, le moment venu, retravaillés de manière à tenir
compte des éléments issus d’un processus d’évaluation des actions
menées sur les RPS en région depuis plusieurs années. Souhaité par
Les cahiers des rps
Le LEST réalise un film sur les « Risques PsychoSociaux »
Ce film est un documentaire pédagogique, conçu, autour des
recherches en cours sur le thème des Risques PsychoSociaux
(RPS) au LEST (UMR 7317.CNRS/Aix-Marseille Université),
par Paul Bouffartigue avec l’appui de l’équipe santé et travail du
LEST, et réalisé par Jean-Christophe Besset.
Destiné autant aux professionnels et acteurs de la santé au travail
qu’à un public de non spécialistes, ce documentaire de 60
minutes se veut une introduction à la fois pédagogique et vivante
à la thématique des « RPS ».
Dans une première partie est reconstituée l’histoire de
l’émergence des enjeux de santé mentale au travail dans l’espace
public au cours des 20 dernières années. Du « stress » aux « RPS
» en passant par la « souffrance » et le « harcèlement », les mots
qui désignent les maux du travail ont une grande importance. Ils
sont en effet associés à des disciplines scientifiques et à des
orientations pratiques bien distinctes en matière de prévention
des atteintes à la santé.
Ce sont ces orientations pratiques et les acteurs qui les portent
qui sont au cœur des seconde et troisième parties. Les questions
du travail et de son organisation sont privilégiées en tant que
cibles d’une prévention qui vise principalement les sources des «
RPS », vus non pas comme ensemble de « facteurs de risques »
présents dans l’environnement du travailleur, mais comme
symptômes de difficultés générées au sein-même de
l’organisation du travail et de l’activité professionnelle.
Ce documentaire est nourri d’interventions de nombreux
spécialistes et témoins, et agrémenté de plusieurs séquences
extraites de films et de pièce de théâtre. L’idée en a germé suite
au succès du cycle de séminaires publics de recherche consacré à
ce thème, organisé de 2012 à 2014 par les LEST dans le cadre
du Pôle Régional Travail (Voir le blog http://rps.hypotheses.org/)
26
Avec des analyses, commentaires, points de vue de : Patrick AitAissa, syndicaliste ; Paul Bouffartigue, Sociologue ; Philippe
Bouvier, Syndicaliste ; Yves Clot, Psychologue ; Mario Correia,
Sociologue ; Armand Creus, Syndicaliste ; Sébastien Dathaux,
Datha Network ; Philippe Davezies, Psychologue ; Christophe
Dejours, Psychologue ; François Daniellou, Ergonome ; Henri
Forest, Syndicaliste ; Muriel Gautier, Direccte-Paca ; AnneMarie Gautier, Consultante ; Gérard Guieu, CHSCT CEA
Cadarache ; Olivier Journois, Directeur de magasin ; MarieFrance Hirigoyen ; Pr Henri Laborit, Médecin ; Henri
Lachmann, Schneider Electric ; Christian Larose, Syndicaliste ;
Pascal Marichalar, Sociologue ; Gérard Magalon, Médecin du
travail ; Pierre Moorkens, Institut de neurocognitivisme ; Julien
Pelletier, Anact ; Jean-François Perraud, Ergonome ; Jean-René
Pendariès, Sociologue ; Laurent Pina, Inspecteur du travail ;
Stephane Richard, DG France-Télécom ; Stephane Riot,
Syndicaliste ; Christian Revest, Consultant ; Isabelle Schockaert,
Juriste ; Franck Sillam, Epidémiologue ; Gilbert de Terssac,
Sociologue ; Alain Viau, Epidémiologue.
Plusieurs projections du film sont déjà prévues :
• Lundi 15 Décembre 2014 : lors de la journée d’étude et
d’échange autour des RPS organisée par la DIRECCTE, avec
le concours du Comité Régional sur la prévention des RPS
• Lundi 12 Janvier 2015 à partir de 10h00 : une présentation au
LEST suivie d’une intervention réalisée par l’équipe
Santé/Travail du LEST. Cette séance est ouverte à tous les
membres du LEST
• Début 2015 (date à définir) : présentation du film au sein du
Pôle Régional Travail.
• 28 et 29 mai 2015 : lors du Colloque RT 18 « Relations
professionnelles » co-organisé par l’Association Française de
Sociologie et le Lest à Aix-en-Provence
Source : http://www.lest.cnrs.fr/spip.php?article708
Les cahiers des rps
Dossier Colloque
Poursuite des dynamiques départementales initiées au niveau
des comités départementaux RPS. De quoi s’agit-il ?
Poursuite d’actions à destination des entreprises. De quoi
s’agit-il ?
Ces comités départementaux, composés de représentants des institutions
à l’échelon départemental (DIRECCTE/CARSAT/ARACT/MSA)
ainsi que de partenaires sociaux et représentants de services de santé
au travail, mènent des actions concrètes permettant à l’ensemble
des participants à ces comités de monter en compétence et
d’échanger sur ces thématiques. Ils permettent également la coconstruction d’actions en direction des entreprises, du type :
5 types d’actions sont ont été proposées lors du colloque par les
institutionnels :
• Maintien des actuels dispositifs d’accompagnement sur le sujet
des RPS (type FACT, fond d’aide destiné aux entreprises pour les
aider sur l’amélioration des conditions de travail ou autres …) mis à
disposition des entreprises, par le biais des branches
professionnelles et le développement d’actions collectives,
• Colloques ou matinales sur le sujet des RPS (comme dans le Var
ou les Alpes-Maritimes (Cf. Encadré 1 ci-après)… ;
• Offre de développement, en fonction de besoins identifiés,
d’outils pratiques à destination des acteurs de l’entreprise (type
guide CHSCT, revue Les Cahiers des RPS, …)
• Sensibilisations ou formations ; ces actions sont parfois orientées vers
les cadres d’entreprise comme cela a été mis le cas, en 2013-2014
dans le Vaucluse, parfois destinés aux salariés, comme celles montées
directement avec les structures collectant les contributions
financières des entreprises (OPCA), dans le cadre du financement de
la formation professionnelle continue des salariés des entreprises ;
• Offre d’actions de sensibilisations et de formation à destination de
ces mêmes acteurs de l’entreprise :
1. sensibilisations proposées dans le cadre de l’IRT à destination des
représentants du personnel (CHSCT/DP) sur les questions des RPS
2. formations de la CARSAT
3. formations universitaires et OPCA
• Proposition d’accompagnement, sur le thème des RPS, par les
équipes pluridisciplinaires de certains Services de Santé au Travail,
d’entreprises adhérentes (ou de certains secteurs d’activité) dans le
cadre de leurs projets de service (Cf. Encadré 2 ci-après)
• Elaboration d’un cadre local de négociation comme la signature
d’un accord interprofessionnel sur la prévention des RPS dans le Var
Encadré 1
• Poursuite du référencement et de l’animation d’un réseau de
consultants (I3R « Intervenants respectant le référentiel régional
sur la prévention des RPS en PACA »). Créé en 2009 pour
répondre aux besoins des entreprises sur l’accompagnement de la
démarche de prévention des RPS, il s’agit de consultants de droit
privé qui s’engagent à respecter un référentiel méthodologique et
déontologique (co-construit avec les institutionnels) dans leur
cadre de leurs interventions en entreprises. L’encadré 3 ci-après est
le fruit d’un travail de réflexion mené cette année par certains de
ces consultants et qui vient enrichir le débat et le sujet des Bonnes
Pratiques.
Le Dialogue social territorial et prévention : les Matinales RPS
L’Unité Territoriale de la DIRECCTE des Alpes-Maritimes est forte d’une
pratique ancienne de dialogue social, notamment avec le dispositif TOSCA
réunissant les représentants des employeurs et des unions départementales.
C’est dans ce cadre qu’un groupe de travail s’est spécialisé dés 2006 sur la
prévention du stress au travail. Fin 2009, ce groupe a décidé d’axer ses
travaux sur des actions à destination d’un public plus large.
Plusieurs voies d’action ont été adoptées, dont une information des
acteurs de la prévention en entreprise : les Matinales RPS. Ce sont des
temps d’échanges centrés sur un thème précis du champ de la
prévention des RPS (inaptitudes en lien avec les RPS, expertise
CHSCT,… par exemple). Leur organisation est le fruit du dialogue
social territorial, qui s’incarne dans 3 composantes :
• La décision par consensus : les thèmes sont adoptés par consensus à
l’issue d’un débat sur plusieurs réunions. Selon les partenaires, les thèmes
réfèrent à des problématiques connues dans une entreprise où ils
interviennent, à un axe de travail de leur organisation, à un événement
départemental, à une synergie avec une action de prévention autre,…
Aujourd’hui les entreprises, « Direction et Représentants du personnel »,
disposent d’outils, de méthodes, de supports, de réseaux identifiés et
développés tant au niveau national, régional que départemental,
accessibles depuis notamment les sites internet. Il s’agit à présent, de
dynamiser le déploiement de l’ensemble de ces ressources ; pour y
parvenir, les institutionnels proposent en région de maintenir leur
niveau d’accompagnement afin de poursuivre le travail déjà engagé
sur ce sujet depuis plusieurs années, tout en maintenant la
concertation avec les branches professionnelles, les partenaires
sociaux ainsi que les services de santé au travail.
• Le partage des connaissances : les temps de dialogue sont aussi des
moments de développement de connaissances sur le thème, au moyen des
explicitations que chacun développe pour promouvoir l’adoption d’un
thème. Une culture se construit ainsi sur les RPS, sur la situation des
entreprises départementales, sur les actions menées par les différentes
organisations, sur les connaissances produites dans l’environnement,…
• L’engagement dans l’organisation des matinales : cette autre synergie
commune est relative à la phase opérationnelle des matinales. Chacun
s’efforce d’apporter des témoignages d’entreprise, des cas pratiques de
préventeur, des personnes ressources issues de leur organisation (par
exemple : intervenant confédéral, personne de l’INRS, de l’ANACT, …).
;:
N°24 - Décembre 2014
Christian Revest
Animateur du Comité RPS 06
27
Les cahiers des rps
• Outils d’information et de communication à destination des
entreprises.
Dossier Colloque
Encadré 2
Tous les services interprofessionnels de santé au travail ont souhaité
s’inscrire dans deux actions communes transversales :
• l’une visant à améliorer le diagnostic des besoins en santé de la région
PACA,
• l’autre à une meilleure prise en compte du suivi en santé au travail des
travailleurs intérimaires par la mise en place d’un fichier partagé.
A ces deux actions communes se rajoutent les actions spécifiques
retenues par chaque SSTI à raison de une à deux actions par service.
Où en est-on de la loi de juillet 2011 réformant l'organisation de la
médecine du travail en PACA ?
La mission exclusive confiée aux SST consiste à « Eviter toute altération
de la santé des travailleurs du fait de leur travail » selon quatre
orientations :
n la conduite d’action de santé au travail,
n le conseil des employeurs, des travailleurs et de leurs représentants,
n la surveillance de l’état de santé des travailleurs,
n leur contribution à la traçabilité des expositions.
10 CPOM sont d'ores et déjà conclus ou sur le point de l’être
Sur les 15 Services de Santé au Travail Interentreprises que compte la
région PACA, 6 ont d’ores et déjà signé leur CPOM, quatre devraient
pouvoir le faire d’ici le 1er trimestre 2015.
Les 19 actions spécifiques retenues par ces 10 SSTI se répartissent sur 7
thématiques :
1. La Prévention de la Désinsertion Professionnelle et le Maintien dans
l’Emploi (7 services)
2. La Prévention des RPS (3 services)
3. La Prévention des TMS (6 services)
4. La Prévention du Risque Chimique (3 services)
5. La Prévention dans le BTP (1 service)
6. La Prévention du BRUIT (2 services)
7. L’Accompagnement des TPE – Actions de Prévention (1 service)
Les dispositions introduites visent à renforcer la prévention primaire
c'est-à-dire l’élimination ou la réduction des risques professionnels avant
l’apparition d’éventuelles conséquences néfastes sur la santé, à
développer une approche pluridisciplinaire réunissant des compétences
médicales, techniques et organisationnelle animée et coordonnée par le
médecin du travail et ainsi répondre aux besoins spécifiques des
entreprises en matière de prévention.
Les cahiers des rps
Trois ans après, la question se pose de savoir où en sont les services
de santé au travail dans la mise en œuvre de cette réforme
Le défi était d’importance. Pour accompagner l’appropriation de ces
nouvelles exigences réglementaires par les services de santé au travail. La
DIRECCTE PACA a impulsé une réflexion et mis en place une instance
originale et unique, le Comité de Suivi et d’accompagnement de la
réforme (COSAR) réunissant l’ensemble des acteurs concernés
(institutionnels, professionnels et partenaires sociaux). L’impact de cette
réforme sur les entreprises et notamment les TPE/PME a également été
pris en compte et une plaquette d’information réalisée en partenariat
avec l’ensemble des acteurs concernés pour les aider à en mesurer les
enjeux.
Concernant plus spécifiquement les RPS et les TMS, les SSTI se sont
engagés dans des actions ciblées sur certains secteurs :
• Prévention des TMS, des RPS et de la Désinsertion Professionnelle
dans les EHPAD (AISMT 04)
• TMS dans les EHPAD (AIST 83)
• TMS dans les EHPAD (Santé au Travail Durance Lubéron 84)
• Prévention des TMS et des CMR dans le SECTEUR
COSMÉTIQUE (dont ESAT et AP) (AISMT 04)
• RPS & Pénibilité - SECTEUR AIDE À DOMICILE (GEST 05)
• RPS dans les TPE & PME (- 50) (AISMT 13)
• Prévenir le risque TMS (EXPERTIS)
• Prévention des TMS dans les TPE DE MAÇONNERIE (- 20 salariés)
(ASTBTP 13)
L’ensemble de ces actions fera l’objet d’un suivi annuel par la CARSAT
et la DIRECCTE sur la base des indicateurs et objectifs fixés dans
chaque fiche action par les SSTI.
Une plateforme PRESANSE (site : www.presanse.org) a été créée
permettant l’échange d’outils et d’informations entre l’ensemble des
SSTI de PACA-CORSE.
Ce travail partenarial a permis l’élaboration d’un cadre régional
complété de fiches actions pour les Contrats Pluriannuels d’Objectifs et
de Moyens (CPOM) devant être conclus entre les SSTI, la CARSAT et
la DIRECCTE.
;:
28
Nicole Grolleau
Inspectrice du travail,
Pôle Travail à la DIRECCTE PACA
Les cahiers des rps
Dossier Colloque
Encadré 3
Comment garantir la mise en œuvre d’un plan d’action de
prévention des RPS suite à un diagnostic ? Comment pérenniser
une culture de prévention des RPS après l’intervention d’un
consultant ?
Cet article s’appuie sur les résultats d’un groupe de travail réunissant 4
consultants membres du réseau i3R PACA (intervenants s’engageant à
respecter le référentiel régional de prévention des RPS) : Anne Caroline
Kuder (Fraissinet & Associés), Corinne Bernard (Cojeme), Théo Holtz
(Apave), Carole Peytavin (Phosphore)
Forts de nos expériences d’accompagnement d’organisations de tous
types dans des démarches de prévention des RPS, nous établissons un
constat partagé : dans certains cas, malgré de fortes attentes, la bonne
volonté et la mobilisation des acteurs, la démarche de diagnostic ne se
concrétise pas par la mise en œuvre d’actions de prévention visibles sur
le terrain et se délite une fois le consultant parti.
Ceci génère d’autant plus de déceptions et de frustrations que les
attentes de départ étaient élevées. Cela peut également contribuer à
démobiliser les salariés et discréditer la capacité de la Direction et des
représentants du personnel à véritablement s’engager sur un plan
d’amélioration des conditions de travail.
Certaines organisations, au contraire, parviennent à instaurer une
démarche qui perdure dans le temps. L’entreprise a d’ailleurs tout
avantage à profiter de l’intervention du consultant pour initier et ancrer
une véritable culture de prévention des RPS au sein de l’organisation,
avec une intégration à long terme dans les pratiques.
Sur la base de nos retours d’expériences, nous proposons de partager ce
que nous considérons comme des conditions de réussite et dégager
quelques « bonnes pratiques » qui permettraient de favoriser la mise en
œuvre du plan d’action et la pérennisation de la démarche de
prévention des RPS au sein de l’organisation.
Bonne pratique n°1 : mobiliser au plus tôt les membres du comité
de pilotage projet
La tentation de s’en remettre entièrement aux mains d’un expert
externe pendant la phase d’évaluation peut, selon notre expérience,
générer des comportements passifs et attentistes des membres du
comité de pilotage. Ceci rend le changement de posture parfois difficile
après la restitution du diagnostic où on leur demande alors de se
mobiliser et de travailler de manière concertée pour construire un plan
d’action suite aux résultats (qui parfois ne font que mettre en lumière
ou objectiver des facteurs de risque déjà connus en interne). Ce constat
se révèle d’autant plus vrai que la phase de diagnostic est longue.
Afin d’éviter ce phénomène, nous avons pu identifier certaines bonnes
pratiques visant à mobiliser les membres du comité de pilotage dès le
début de la démarche :
• Communiquer en interne sur la composition du comité de pilotage,
N°24 - Décembre 2014
29
Bonne pratique n°2 : le pilotage du suivi de la démarche par une
ou plusieurs instances institutionnelles légitimes
Une fois le consultant parti, il est important qu’une ou plusieurs
instances institutionnelles en lien avec le CHSCT soient mises en place
afin de suivre les plans d’action et leurs effets, assurer une veille active
à partir d’un tableau de bord d’indicateurs et traiter les signalements.
Le CHSCT, de par sa mission et ses prérogatives, peut d’ailleurs être
l’instance toute désignée pour assurer cette fonction. Cependant, compte
tenu de l’étendue des tâches et de la complexité des sujets, certaines
entreprises mettent en place une instance à part, opérant en lien étroit avec
le CHSCT.
Ce groupe multidisciplinaire et paritaire est le prolongement complet
ou partiel du comité de pilotage mis en place pour l’évaluation initiale.
Il peut intégrer des représentants de la Direction, des représentants des
employés (membres des IRP, représentants des organisations
syndicales), des représentants des différents métiers, sites géographiques
et niveaux hiérarchiques, et selon la structure de l’entreprise des acteurs
médico-sociaux (médecin du travail, infirmier(ère), psychologue du
personnel, assistant(e) social(e)). Ce comité a pour vocation de capter
et d’analyser les évolutions touchant le personnel et vise à faire des
propositions d’intervention en prévention primaire. Il est également
relais d’information et de communication auprès des salariés et de la
Direction (actions mises en place, effets, etc.).
Par ailleurs, dans le cadre du dispositif d’alerte et de traitement des
plaintes ou signalements, des cellules d’écoute et/ou de traitement des
cas de souffrance au travail ont pu être mises en place. Elles sont
souvent constituées de manière ad hoc en fonction de la situation afin
de porter un diagnostic pluridisciplinaire et paritaire sur le cas du ou
des salariés et d’explorer un ensemble de solutions : médecin du travail,
psychologue du personnel, assistant social, responsable RH,
représentant du personnel, membre de l’encadrement. Ce dispositif
peut d’ailleurs concourir à alimenter le plan d’action de prévention par
la suite (revenir dans la boucle de la prévention primaire).
Bonne pratique n°3 : instaurer un référent Qualité de Vie et Santé
au Travail (QVST) dans l’entreprise
Pour faire fonctionner les instances citées ci-avant, il est nécessaire de
disposer de personnes ressources en capacité de les animer, d’en assurer
le suivi entre deux réunions et d’être repérées comme interlocuteurs
légitimes et de confiance par les salariés, la Direction et les IRP.
Les cahiers des rps
Dans certains cas, l’absence d’engagement sincère de la Direction dans
une véritable volonté d’amélioration de la Qualité de Vie au Travail
(QVT) peut à elle seule expliquer l’avortement prématuré de la
démarche après la restitution du diagnostic. Ceci s’accompagne parfois
aussi d’un manque de « ressources » mises à disposition à travers une
mobilisation et une disponibilité insuffisantes des acteurs du projet.
Contrairement à la phase d’évaluation, le passage à l’action peut
soulever de fortes résistances au changement car il remet en question
fondamentalement l’homéostasie du système.
son rôle (notamment en matière d’information et de décision), ainsi
que le rôle attendu de chacun de ses membres en tant qu’acteurs
ressources vers lesquels se tourner
• Les mettre en situation « active » dès le démarrage du projet : les
impliquer dans la coanimation de groupes de travail sur des
thématiques déjà identifiées, les mobiliser dans la communication et
la sensibilisation des collaborateurs, travailler à l’élaboration d’un
dispositif de traitement des cas individuels et des signalements, etc.
• Travailler en continu sur la qualité du dialogue social et clarifier les
interfaces avec le CE et le CHSCT, intervenant sur le champ des
conditions de travail, de l’égalité professionnelle…
• Instaurer ou conforter au plus tôt une culture de la mesure en matière
de santé au travail en partageant des indicateurs de veille (santé,
fonctionnement) ainsi que des indicateurs visant à mesurer l’efficacité
des plans d’action.
Les cahiers des rps
Dossier Colloque
Ils peuvent être selon les organisations, le référent Risques
professionnels, le préventeur en santé au travail, le référent éthique ou
RSE, le responsable qualité, le psychologue interne, le coach interne ou
encore les personnes dites « de confiance ». Ils doivent pouvoir
s’appuyer sur un cadre éthique et méthodologique, clair et partagé.
Il est important que le consultant pilote de la démarche soit dans une
logique de transfert des compétences en évaluation et en prévention
vers ces référents, et ce tout au long du projet.
Enfin, un accompagnement ponctuel par le consultant peut également
être maintenu à une fréquence à définir ou en fonction des besoins, afin
de bénéficier d’un regard extérieur et critique sur la mise en place des
plans d’action et des différents dispositifs de prévention, sur l’analyse
des indicateurs.
management de l’entreprise s’avère également être un formidable levier
de prévention. Dans ce sens, on peut également les amener les
managers à se prémunir de pratiques « pathogènes » (conscientes ou
non) en favorisant la justice organisationnelle, en tant que facteur de la
prévention.
Bonne pratique n°4 : une intégration des plans d’action dans la
politique globale de l’entreprise
Bonne pratique n°6 : profiter de chaque changement pour reparler
de la prévention des RPS
Même si le suivi est organisé au sein du CHSCT et tracé dans le
DUER, la pérennité des actions d’amélioration touchant l’organisation
du travail ou le fonctionnement managérial passe par leur parfaite
intégration dans la politique globale et le management des activités de
l’entreprise, au même titre que la stratégie commerciale ou industrielle.
Il est intéressant également pour un pilotage pérenne de concevoir la
gestion de la santé au travail comme un processus à part entière d’un
système de management certifié, d’un programme RSE, révisable ainsi
à périodicité définie.
Intégrer une culture de la prévention en matière de changement permet
également de susciter des occasions de mener des analyses d’impacts et
de réfléchir sur la manière de prévenir les risques psychosociaux
engendrés par des changements insuffisamment préparés et
accompagnés.
On peut également fournir aux managers des outils leur permettant de
réactualiser l’évaluation des risques et de garantir le suivi des plans
d’action dans une logique d’amélioration continue. Par exemple, des
baromètres de climat social diffusés à fréquence régulière, analysés et
commentés de manière participative, ou des questionnaires
d’évaluation des plans d’action sont des moyens de favoriser en équipe
le dialogue sur les situations de travail, et cela au plus près du terrain.
Les managers peuvent être formés et outillés pour conduire ces analyses
avec le support d’un groupe ad hoc. Des groupes miroirs peuvent
réunir des salariés en charge de faire remonter toutes questions et alertes
en lien avec le changement. Un plan d’accompagnement des managers
peut être constitué par un dispositif de groupes d’échange de pratiques.
L’ANI Qualité de Vie au Travail étendu en avril 2014, met d’ailleurs en
relief cette association entre Qualité de Vie au Travail et performance,
« (…) De ce fait, la question du travail fait partie intégrante des objectifs
stratégiques de l’entreprise et doit être prise en compte dans son
fonctionnement quotidien afin, notamment, d’anticiper les conséquences
des mutations économiques. ».
Bonne pratique n°7 : « tous acteurs de la QVT (Qualité de Vie au
Travail) »
Si la prévention des RPS relève de la responsabilité de l’employeur, si
dans les comités de pilotage des représentants des salariés sont associés,
elle doit d’une certaine manière devenir « l’affaire de tous ». Pour que
tous les salariés soient acteurs de cette prévention, des actions de
sensibilisation peuvent être proposées telles que des journées
thématiques sur le bien-être et la QVT, des animations de type Théâtreforum, ou encore l’intégration dans le plan de formation de modules
visant à aider au repérage de situations à risque.
Communiquer publiquement les engagements pris et portés par la
Direction aux salariés constitue un moyen de favoriser la réalité de leurs
mises en œuvre. Communiquer ensuite régulièrement lors des réunions
de l’ensemble des salariés sur les plans d’action et les résultats obtenus
témoigne également de l’engagement de la Direction dans la durée et
contribue à ancrer la QVT comme partie intégrante des processus de
gestion.
Et pour rappel d’une bonne pratique propre à tout projet
d’amélioration, le plan d’action doit répondre aux critères suivants :
• Rigueur : avec notamment l’utilisation de méthodes et outils de
conduite de projet
• Réalisme : tenir compte des contraintes, des moyens et des délais, afin
de garantir l’atteinte des résultats
• Participation : sollicitation de groupes de travail composés et animés
par des salariés volontaires dans l’élaboration des plans d’action
• Déclinaison sur des actions à court (principe des « petits pas »),
moyen et long terme
• Déclinaison sur les 3 leviers de prévention primaire, secondaire et
tertiaire
• Etablissement d’indicateurs et de modalités permettant d’évaluer
l’atteinte des résultats
• Intégration dans un cycle d’amélioration continue
Bonne pratique n°5 : doter les managers de compétences et d’outils
leur permettant de jouer leur rôle de préventeur des RPS
Mobiliser l’ensemble du corps managérial de l’entreprise est également
un levier fort pour la pérennisation d’une culture de prévention des
RPS et plus largement de promotion de la QVST. Conjuguer la
recherche de performance nécessaire à la pérennité et au
développement de l’entreprise, tout en préservant la santé de ses
collaborateurs fait en effet partie des prérogatives de la fonction
managériale.
Au démarrage, permettre à tous les managers de disposer d’un
référentiel commun est indispensable : langage commun sur les facteurs
de risques, les types de prévention, les acteurs et leurs rôles, etc.
On peut également sensibiliser les managers à leurs propres rôles et
responsabilités en la matière, mais aussi les former à détecter, écouter,
traiter des cas de situations individuelles se présentant dans l’équipe, et
orienter le cas échéant. Plus largement, la professionnalisation des
pratiques managériales et le développement de la culture de
;:
30
Théo Holtz, Apave
Carole Peytavin, Phosphore
Membres du Réseau I3R,
groupe de suivi des plans d’action
Les cahiers des rps
Dossier Colloque
Partie 5
émotionnel (contact avec des publics en détresse, incivilités).
Poursuite de la réflexion autour de la Qualité de Vie au
Travail autour de la dimension globale« santé au travail »
La Qualité de Vie au Travail : une voie pour
innover
Transformations, innovations organisationnelles et
intensification du travail : un lien complexe et non univoque.
Les défis qui se posent actuellement aux acteurs de l’entreprise
sont sur trois registres :
• Dans un contexte d’imprévisibilité au plan économique,
comment s’inscrire durablement sur des marchés instables et
porteurs d’exigences de plus en plus fortes ?
• Dans une situation où l’innovation sur tous les registres
(produit, process, organisation, dialogue social) apparaît
comme la principale voie de « sortie par le haut » de la crise,
comment maîtriser les risques économiques et sociaux du
changement « incessant » ?
Chacun de ces registres obéit à des temporalités et des règles
distinctes. L’articulation des trajectoires marchande,
organisationnelle et professionnelle apparaît ainsi comme une
difficulté majeure et constitue une des sources principales des
maux liés à l’engagement dans l’entreprise et le travail.
Selon la dernière enquête Conditions de travail de la Dares, entre
2005 et 2013, l’intensification du travail a repris. A tous le
moins, les changements organisationnels sont plus fréquents que
pour la période précédente : plus de 20% des salariés ont vécu un
changement d’organisation durant les 12 derniers mois ; 17%
ont vécu un changement de poste ou de fonction ; 14% un
changement de Direction ; autant ont vécu un déménagement
ou une restructuration. Cette refonte des organisations et des
processus de production se fait via la création et la recomposition
des chaînes de valeur, la modernisation technologique (ERP,
GED, intranet…), les transformations organisationnelles (flux
tendu, ISO, Lean…), la transformation des structures (réduction
de la hiérarchie, organisations matricielles, fusions entre back et
front office, centres de services partagés…), et l’innovation
gestionnaire et managériale (reporting, pilotage par les objectifs,
approche client…).
Les effets de ces transformations ne sont pas neutres : les
contraintes de rythme de travail se sont accrues et l’usage de
l’informatique dans le travail poursuit sa progression à un
rythme rapide, avec un contrôle accru puisque le suivi
informatisé du travail est la contrainte de rythme qui s’est le plus
diffusée. De même, les marges de manœuvre tendent à se réduire
pour toutes les catégories socioprofessionnelles, sauf pour les
ouvriers non qualifiés. Et les tensions sont plus fréquentes avec
les collègues ou les clients et usagers. Enfin, les salariés sont plus
nombreux à vivre au travail des situations exigeantes sur le plan
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Il apparaît ainsi que la relation entre innovations
organisationnelles et intensification du travail est complexe et
pas nécessairement univoque. En particulier si l’on fait entrer des
facteurs comme la participation des salariés et la qualité du
dialogue social dans cette relation comme nous y invite une
étude : les entreprises qui se caractérisent à la fois par une forte
prégnance des innovations organisationnelles et par la
participation sont celles qui enregistrent les meilleures
performances économiques et sociales avec une diminution des
problèmes de santé. La productivité et la qualité y sont
supérieures, mais aussi la qualification et l’autonomie. Si
l’intensification du travail s’est accrue dans toutes les usines
enquêtées, ce qui fait la différence en termes de conditions de
travail, c’est que cette intensification s’accompagne d’un
accroissement de la qualification et de l’autonomie dans les
usines les plus innovatrices, notamment en matière de
participation des travailleurs. Et, l’on sait que l’autonomie et la
qualification viennent atténuer l’impact de l’intensification du
travail sur la santé au travail.
C’est dire qu’il n’y a pas ici de déterminisme : selon les
conditions, le changement organisationnel peut être porteur
d’une meilleure qualité du travail et gage de pérennité pour
l’entreprise. Mais si l’intensification d’aujourd’hui annonce les
problèmes de santé de demain il importe d’agir dès que possible.
Pas en calquant a posteriori, sur un mode correctif, un énième
plan de prévention visant à réduire les effets indésirables
constatés. Pas en estampillant « Qualité de Vie au Travail (QVT)
» une démarche appliquée à une organisation non conçue pour
l’accueillir. Mais en pensant et surtout en conduisant la
transformation dans une démarche articulant simultanément
exigences de l’activité projetée et possibilité des salariés de
trouver leur place dans la conception et la mise en œuvre du
projet. Là réside l’innovation.
Un cadre pour l’action
Les fréquentes réorganisations et restructurations, portées par les
dispositifs de rationalisation flexible, exigent non seulement de
s’entendre sur le contenu du travail et les formes de prescription
à mettre en place, mais aussi sur la question du pilotage du
changement et de l’anticipation de ses effets multiples, au risque
sinon de sur-mobiliser le registre psychopathologique et les
réponses individualisées face aux enjeux de conditions de travail.
Les cahiers des rps
• Alors que la réactivité et la flexibilité sont les maîtres mots,
comment construire des projets professionnels porteurs de sens
et dans lesquels les salariés puissent se projeter dans l’avenir ?
Mais les effets de ces innovations ne sont pas systématiquement
négatifs : par exemple, les salariés signalent des possibilités de
coopération plus importantes avec leurs collègues ou leur
hiérarchie, ce qui est susceptible d’atténuer les effets de
l’intensification. De même, les travaux de chercheurs indiquent
que les entreprises qui innovent le plus, c’est-à-dire celles qui
adoptent, abandonnent, recyclent leur équipement technicoorganisationnel à un rythme plus rapide que les autres ou de
manière plus intense, sont aussi celles qui sont les plus pérennes.
Ce sont aussi ces entreprises plus pérennes qui décentralisent le
plus vers les opérateurs et qui réduisent la ligne hiérarchique plus
fortement que les autres entreprises. Ce qui laisse penser que
l’innovation porteuse d’autonomie et/ou de responsabilisation
est propice à l’apprentissage organisationnel.
Dossier Colloque
Prenant acte de la complexité des situations de travail dans les
entreprises, les négociateurs de l’accord national
interprofessionnel (ANI), relatif à la Qualité de Vie au Travail,
mettent l’accent sur l’approche « systémique » et concertée des
problèmes. De même que, prenant acte des incertitudes (sur
l’emploi, le carnet de commande de l’entreprise, l’évolution
technologique…) caractérisant ces situations, ces acteurs
valorisent « les expérimentations » locales.
l’ANI QVT (formation des managers, action collective,
diagnostic préalable, conception d’indicateurs, espaces de
discussion sur le travail, etc.) : il est donc nécessaire d’outiller les
acteurs et les projets pour qu’ils soient à même de porter
l’innovation socio-organisationnelle.
La démarche QVT apparaît d’ailleurs aujourd’hui relativement
bien équipée avec un ANI sur le sujet, une loi et des repères
méthodologiques sur lesquels peuvent s’appuyer les acteurs des
entreprises, des branches et des territoires. Elle se présente donc
comme une approche sécurisée sans être fondamentalement
d’essence juridique et procédurale : au plan de la santé c’est un
vecteur de prévention primaire ; au plan du dialogue social c’est
une voie de simplification ; au plan de l’organisation du travail
c’est l’innovation qui peut être au rendez-vous.
Les cahiers des rps
Dans le même sens, la loi du 5 mars 2014 autorise les
expérimentations et fait le choix d’une transposition législative
contribuant à renforcer la qualité des négociations dans
l’entreprise - en consacrant l’article 13 de l’ANI. Ce dernier
invite en effet au regroupement des négociations obligatoires
participant de la Qualité de Vie au Travail. Il y a en effet tout lieu
de penser que c’est en accompagnant les projets de
transformation dans un esprit et un cadre conformes à celui
proposé par l’ANI, c’est-à-dire en décloisonnant les catégories de
travailleurs érigées en publics prioritaires par les politiques
publiques, que les entreprises permettront simultanément un
égal bénéfice de leurs transformations aux femmes, aux jeunes,
aux séniors, etc. Elles répondront, ce faisant, à leurs propres
enjeux (attractivité, fidélisation, moindre absentéisme et turn
over, soutenabilité du travail, etc.), tout en satisfaisant leurs
obligations réglementaires.
Et au total c’est une démarche d’efficacité économique et
sociale… ce qui ouvre un chemin qui vaut pour le long cours…
;:
L’accent fort mis sur l’expérimentation plurielle, plutôt que sur
une norme réglementaire ou sur une application mécanique d’un
accord ou d’une loi, constitue un pari sur les capacités
d’apprentissage et de concertation des acteurs de terrains.
L’expérimentation locale, dans des contextes toujours plus ou
moins singuliers, peut être source d’innovation. On comprend
mieux ici la place importante accordée aux « méthodes » dans
;:
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Julien Pelletier
Responsable veille, prospective
et international à l'Anact
Sandrine MOCAER
Ingénieur de prévention,
Pôle Travail à la DIRECCTE PACA
Les cahiers des rps
Les cahiers des rps
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Pratiques
Le collectif PACA-CORSE des psychologues en SST
(CPCP-SST) - Mutualiser pour mieux accompagner
Les cahiers des rps
Pour comprendre les raisons qui ont motivé la création du collectif
de psychologues de Services de Santé au Travail (SST) en région
PACA et CORSE, il est nécessaire de prendre en compte les
évolutions du contexte législatif et organisationnel des services de
« médecine du travail ».
Depuis 1946, la médecine du travail a connu de nombreux
bouleversements qui ont transformé son approche et sa mission.
C’est en 2002, dans la loi de modernisation sociale, que les Services
de médecine du travail deviennent des Services de Santé au Travail
pluridisciplinaires, avec pour mission première « d’éviter toute
altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. Ils sont les
conseillers des employeurs, des salariés et de leurs représentants. »1
La dynamique du collectif est rendue possible par ses
caractéristiques (taille, proximité, champ de compétence) mais
surtout par l’encouragement des différentes directions des SST,
soucieuses de garantir l’efficacité des pratiques professionnelles et le
lien entre leurs différents services (lien concrétisé notamment par la
création du portail PRESANCE4).
Champs d’intervention
L’activité du psychologue en SST étant diversifiée, les thématiques
d’échange reflètent cette variété : prévention des Risques
Psychosociaux (RPS), des conduites addictives en milieu de travail,
promotion de la Qualité de Vie au Travail (QVT), accompagnement
aux changements, analyse des comportements à risques, prévention
de la désinsertion professionnelle, cellule d’urgence et de crise…
Pour accomplir ces différentes missions, les SST intègrent des
professionnels spécialistes de différents domaines tels que
l’ingénierie, l’ergonomie, la sociologie, la toxicologie et la
psychologie, qui apportent une approche complémentaire à celle du
médecin du travail qui les coordonnent.
Le psychologue intervient donc à la demande du médecin du travail
et avec l’accord de l’employeur, des représentants du personnel et des
salariés. Les psychologues en SST sont des professionnels dont le
titre est reconnu et protégé par la loi de 19852. Leur pratique prend
appui sur le Code de déontologie des psychologues3 dans le respect
de la réglementation du Code du travail et des missions du service.
Plus précisément, leur activité a pour objectif de prévenir l’altération
de la santé mentale au travail par des approches collectives (actions
en milieu de travail) et/ou individuelles (entretiens).
Outre la réactualisation régulière des connaissances théoriques et
méthodologiques, les réunions permettent un partage des pratiques
et des méthodes de travail sur les interventions collectives (outils
d’évaluation et d’accompagnement, présentation d’interventions et
retours d’expérience…) et sur les actions individuelles (organisation
des consultations, saisie des comptes-rendus, coordination avec le
médecin du travail, processus d’orientation…) ; des échanges sur les
modalités et les limites des interventions ; la création d’outils au
sein du collectif en sous-groupes de travail ; une veille
documentaire ; l’identification de ressources et des partenaires ; des
réflexions sur les formations, ou encore sur l’évolution de l’activité.
Cette mutualisation permet ainsi aux professionnels une
interrogation sur les évolutions du cadre d’intervention du
psychologue en SST : réglementations, ajustement aux demandes
des médecins du travail, coordination au sein de l’équipe
pluridisciplinaire et aux besoins des entreprises. De même, les
échanges peuvent se faire autour de l’organisation et des moyens
dédiés à l’activité : logiciels métiers, évaluation du travail, CPOM
(Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens), projet de service.
Naissance du collectif
Au niveau national, se sont organisés des échanges interservices entre
psychologues exerçant en SST, aujourd’hui organisés en association
« Reliance et Travail ». Sur la région PACA et la Corse, en 2010,
l’initiative a été reproduite par les services interentreprises avec comme
objet la mutualisation des pratiques et le soutien interprofessionnels
au sein d’un réseau : « collectif PACA-Corse des psychologues SST ».
Ce réseau a pu bénéficier de l’appui de leurs directions respectives.
Ainsi, la grande richesse de ce groupe réside dans la confrontation
des divers points de vue.
Il recense aujourd’hui 10 psychologues représentant 8 services de
santé au travail du territoire : le GIMS, l’AISMT13 et STP dans les
Bouches-du-Rhône, l’AIST 84 dans le Vaucluse, l’AIST83 dans le
Var, le GEST05 dans les Hautes-Alpes, le CMTI06 dans les AlpesMaritimes et enfin SST2A en Corse-du-Sud.
Au-delà des bénéfices internes, le collectif est animé par la volonté
d’améliorer la qualité des prestations proposées aux adhérents.
Comité rédactionnel :
Pauline Bodin, Magali Chevassu, AISMT13
Cathya Cypowyj, Elise Rabillard-Griffoni, GIMS
Corinne Dabezies, AIST83
Sandra Delaurat, GEST 05
Florence Mattei, SST2A
Jean-Philippe Matz, AIST84
Louise Soulie, CMTI
Dorothée Teste, STP
Le collectif a posé des règles de fonctionnement : participation
active aux travaux, engagement par rapport au groupe et à ses
objectifs, respect de la confidentialité et anonymat des données
utilisées. Il se réunit environ 4 fois par an et de manière itinérante
(en rotation sur les différents services) afin d’échanger sur les
pratiques professionnelles, les méthodologies, l’actualité du
domaine de compétence et capitaliser les savoir-faire.
Par conséquent, les objectifs du groupe sont de :
Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 « Un professionnel qui a des compétences techniques ou
organisationnelles. Il participe à la préservation de la santé et de la sécurité des salariés et à
l’amélioration des conditions de travail dans un objectif exclusif de prévention ».
2
Loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social. Chapitre V :
mesures relatives à la profession de psychologue.
3
Code de déontologie des psychologues France - Révision du Code de déontologie des
psychologues de mars 1996. Actualisation 2012
4
http://www.presanse.org/Prévention Santé Sud-Est
1
• Construire un cadre commun de travail : connaissances, outils,
méthodologies
• Penser l’identité professionnelle et la place des psychologues en SST.
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Les cahiers des rps
Pratiques
Risques pour la santé : à qui demander la suspension
du PSE ?
Le juge judiciaire est-il encore compétent pour suspendre une
réorganisation en raison du non-respect par l’employeur de son
obligation de sécurité de résultat ? Le Tribunal de Grande Instance
de Nanterre a décliné sa compétence, décidant par là-même que
seul le juge administratif pouvait être saisi, dans le cadre du
contentieux de l’homologation (TGI Nanterre, ordonnance de
référé du 10.09.14, n°14.02021).
On voit mal, dès lors, comment un autre juge pourrait être
concomitamment investi du pouvoir de dire le contraire, en
suspendant une réorganisation, sur un autre motif. Est-ce à dire
pour autant que tout moyen de faire respecter l’obligation de
sécurité de résultat lors d’une restructuration est annihilé ?
Comment veiller au respect de l’obligation de prévention en
matière de santé lors d’un PSE ?
Une vieille question sur un air nouveau : santé et suspension de
la réorganisation
Deux voies restent ouvertes : la procédure d’injonction et l’action
prud’homale pour les salariés.
Les réorganisations dans les entreprises ne génèrent pas seulement
des licenciements, mais aussi bien souvent des changements dans
les conditions de travail de ceux qui ont « la chance » de rester.
Changements qui peuvent être facteurs de stress. C’est pourquoi,
depuis quelques années, les juges judiciaires ont parfois décidé de
suspendre des réorganisations pour non-respect de l’obligation de
sécurité de résultat, qui incombe à l’employeur en vertu de l’article
L. 4121-1 du Code du travail. Ainsi en a-t-il été dans la célèbre
affaire Snecma en 20081.
Et ainsi en était-il, selon les syndicats demandeurs, dans cette affaire
les opposant au groupe Airbus. Les syndicats demandaient la
suspension du projet de réorganisation car l’employeur n’aurait pas
respecté son obligation de prévention des risques pour les salariés
restant dans l’entreprise, après la réorganisation.
Toutefois, certains employeurs sont réticents à communiquer les
informations pertinentes nécessaires. C’est pourquoi, dans ce cas, la
loi a prévu une procédure d’injonction. Les CHSCT peuvent ainsi
alerter la Direccte en cours de procédure d’informationconsultation des réticences de l’employeur et demander qu’il lui soit
enjoint de produire les documents. La Direccte doit se prononcer
sur leur demande dans les cinq jours (article R. 4616-10 du Code
du travail).
Or, selon eux, la loi sécurisation de l’emploi ne confie à la Direccte
(à travers l’homologation) que le contrôle des mesures du PSE et du
respect de la procédure d’information-consultation des instances
représentatives du personnel, mais pas celle du respect par
l’employeur de son obligation de prévention en matière de santé.
Tandis que pour l’employeur, le législateur a confié au seul juge
administratif la compétence pour suspendre un PSE (article
L. 1235-7-1 du Code du travail)2.
Si la Direccte n’a pas tenu compte de ces demandes et homologué
le document, les représentants des salariés pourront alors contester
sa décision sur ce motif devant les juridictions administratives…
Au final, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a décidé qu’il
n’était pas compétent.
Selon ces juges, dans le cadre d’un licenciement collectif pour motif
économique donnant lieu à l’élaboration d’un PSE, la question du
respect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat en
matière de santé relève du contentieux de l’homologation (ou de la
validation en cas d’accord collectif ). Aussi, ne peut-elle en aucun
cas être posée au juge judiciaire, dont la compétence sur ces
questions a été écartée par la loi de sécurisation de l’emploi, au
profit du juge administratif.
Une action prud’homale des salariés affectés par les nouveaux
risques
Enfin, tout salarié victime, à quelque titre que ce soit, du nonrespect par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat
consécutivement à une réorganisation conserve son droit de saisir le
juge prud’homal, qu’il soit, ou non, licencié.
Source : http://www.cfdt.fr/portail/le-carnet-juridique/fil-dactualites/risques-pour-la-sante-aqui-demander-la-suspensiondu-pse-srv2_225322
Pour la CFDT, cette décision renvoyant à la compétence unique du
juge administratif est tout à fait cohérente. En effet, la loi a bien
confié aux seules Direccte (conformément à l’intention des
signataires de l’ANI éponyme) le pouvoir d’autoriser l’employeur à
poursuivre la procédure de licenciements collectifs ou bien de l’en
empêcher : c’est bien là l’intérêt de la procédure d’homologation/
validation, que de donner un pouvoir d’intervention à
l’administration avant que les licenciements ne soient effectivement
prononcés, sous le contrôle du juge administratif.
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3
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Cass. soc.05.03.08, n° 06-45888
Sur les arguments respectifs des parties, Cf. Semaine sociale Lamy, 22 septembre 2014, n°1644
Ci-après CHSCT
Les cahiers des rps
La procédure d’injonction prévue par la loi sécurisation de
l’emploi
Lors de la procédure d’information-consultation, le comité
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail3 (CHSCT) - et
l’instance de coordination, le cas échéant - doit pouvoir faire entendre
son avis sur les conséquences en matière de conditions de travail
induites par la réorganisation. A cette fin, les instances représentatives
du personnel doivent être en mesure d’apporter une expertise et un
avis éclairé, grâce aux informations fournies par l’employeur.
Celui-ci doit identifier les risques induits en matière de santé et les
remèdes qu’il propose d’y apporter. Ces éléments sont
normalement présentés au CHSCT.
OSHwiki est en ligne
Une nouvelle plateforme sur
Internet pour connecter la
communauté de la sécurité
et de la santé au travail
OSHwiki est la première plateforme sur Internet qui permet aux
utilisateurs de créer du contenu, de collaborer et de partager des
connaissances dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail
(SST) dans toutes les langues. Il s'agit d'une nouvelle manière de créer
des réseaux en ligne avec la communauté SST, dans le but d'aider les
organisations gouvernementales, sectorielles et d'employés à garantir la
sécurité et la santé sur les lieux de travail. L'Agence européenne pour la
sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) lance aujourd'hui OSHwiki
lors du XXème Congrès mondial sur la sécurité et la santé au travail 2014
à Francfort en Allemagne.
Le Dr Christa Sedlatschek, Directrice de l'EU-OSHA, appelle les
professionnels de la SST à participer à OSHwiki et à alimenter les
connaissances en matière de SST déjà disponibles sur la plateforme.
Les cahiers des rps
À l'occasion du lancement d'OSHwiki, le Dr Sedlatschek a déclaré :
« Cette plateforme constitue une étape importante en faveur de l'amélioration
de la santé et de la sécurité sur les lieux de travail en Europe. Elle apporte une
valeur ajoutée aux personnes concernées tant au niveau professionnel que
personnel. OSHwiki permet aux experts de partager leur travail sur une
plateforme pratique et facile à utiliser, ils peuvent être reconnus par la
communauté mondiale de la SST pour leur expertise et bénéficier d'une
révision par les pairs de leur travail par un public plus large. ».
OSHwiki constitue une source fiable d'informations sur la SST, où des
auteurs accrédités peuvent créer et modifier du contenu rapidement en
toute simplicité. Les contributeurs incluent de nombreuses organisations
œuvrant dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, ainsi que
d'éminents instituts de recherche. Avec près de 300 articles déjà mis en
ligne par des experts de la SST, les thèmes abordés sur la plateforme
couvrent des domaines tels que la gestion et l'organisation de la SST, les
substances dangereuses, l'ergonomie, les problèmes psychosociaux et les
groupes à risque. En tant que guichet unique pour le contenu en matière
de SST, OSHwiki a pour objectif de devenir la ressource de référence en
matière de santé et de sécurité au travail pour la communauté de la SST,
mais aussi pour un public plus large.
Travail. Des traumatismes à l’espérance
« Ce qui manque à l’ouvrier, c’est la science de son
malheur » expliquait Fernand Pelloutier à la fin du
XIXème siècle. Alors que s’ouvre le XXIème siècle,
la condition ouvrière demeure marquée par une
souffrance si profonde qu’elle s’inscrit dans
l’inconscient des travailleurs : l’organisation
actuelle du travail ainsi que son intensification
sous la pression d’un système économique
spéculatif sont à la source de maux difficilement
supportables pour les salariés.
Découvrez le contenu et la communauté d'OSHwiki en visitant la
plateforme à l'adresse http://oshwiki.eu et suivez son évolution sur
Twitter @EU_OSHA.
Source :
https://osha.europa.eu/fr/press/press-releases/oshwiki-goes-live-a-newweb-platform-toconnect-the-occupational-safety-and-health-community
Face aux nombreux dangers d’un individualisme devenu forcené, les
travailleurs doivent prendre la voie de l’engagement. Si le combat est difficile,
le choix du silence ou de la passivité mène irrévocablement à l’abandon par le
salarié de ses propres intérêts : l’homme qui demeure immobile dans une
société en mouvement accéléré est un homme condamné.
Le progrès social ne peut se concevoir sans l’action humaine. Chômeur,
retraité ou actif, l’homme ne doit pas s’isoler. Il a pour mission de faire société.
De la servitude volontaire de la Boétie à la réaction salutaire du syndicalisme,
Denis Garnier présente sa vision sans concession du monde du travail.
Formateur et membre de plusieurs instances nationales traitant des conditions de
travail, des accidents du travail et des maladies professionnelles, Denis Garnier
organise, anime et participe à de nombreuses conférences sur la souffrance au
travail. Il est déjà l’auteur aux éditions Le Manuscrit, de Libérez-vous ! De
L’économie contre le travail, (2011) et de L’hôpital disloqué, (2011).
Une brochure pour désigner le
salarié compétent en prévention
des risques professionnels
Chargé de prévention, salarié désigné
compétent en prévention des risques, en
santé-sécurité, « préventeur »… Les
appellations peuvent varier mais depuis le
1er juillet 2012, tout employeur doit
désigner au moins un salarié « compétent
pour s’occuper des activités de protection
et de prévention des risques professionnels de l’entreprise » (L.4644-1 du
Code du travail).
Ce nouveau guide a pour objectif d’aider l’employeur à définir les
missions et compétences de ce nouvel acteur en prévention des risques
professionnels et à désigner la personne la plus adaptée.
Guide RPS à l’usage des CHSCT
Il est le résultat d’un travail entre la DIRECCTE, la Carsat, Aravis,
l’OPPBTP et Parsat (services de santé au travail).
Pour en obtenir un exemplaire « papier »,
en faire la demande par mail à
[email protected] ou
[email protected]
Source :
http://www.risques-pme.fr/actualites/brochure_salarie_competent_prev.
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Les cahiers des rps
Conditions de travail
Les effets pervers de la pression organisationnelle
Les effets pervers de la pression organisationnelle1
L’augmentation des contraintes organisationnelles est censée
produire plus d’efficacité productive et plus de compétitivité. Ce
postulat est à interroger compte tenu de ce que certains salariés
décrivent de leurs conditions de travail et des effets sur l’activité lors
des stages « RPS » que nous organisons à l’Institut du travail.
Pour analyser la manière dont la pression peut avoir des effets
négatifs, il faut, dans un premier temps, décrire la manière dont les
organisations productives ont évolué pour s’adapter à un contexte
économique plus difficile à partir de la fin des années 1970. Nous
verrons, dans un deuxième temps, comment cette adaptation a
percuté le travail proprement dit et quelles en ont été les
conséquences pour les salariés. Dans un troisième temps, nous
analyserons les réactions des salariés face à ces nouveaux contextes
professionnels. Nous conclurons sur les effets pour l’organisation.
Les organisations s’adaptent à un contexte plus difficile
Quatre évolutions générales (trois concernent les organisations et
une le marché du travail) nous permettront de dessiner le cadre
dans lequel les salariés développent des comportements
professionnels, car elles permettent de comprendre dans quelle
dynamique s’inscrivent les évolutions du travail actuelles.
La première évolution est la conséquence du durcissement de la
concurrence économique et de la généralisation d’un modèle
organisationnel dont les décideurs pensent qu’il est plus performant. A
la fin des années 1970, les entreprises françaises sont confrontées à des
concurrents venus du Japon et adoptent le modèle organisationnel que
ces derniers ont développé dans le secteur industriel et en premier dans
l'industrie automobile où l’ingénieur en chef de chez Toyota en
formalise les principes (Ohno, 1988) : déclenchement de la fabrication
à la commande, entreprise maigre, juste à temps… La diffusion de ce
modèle centré sur la recherche d'efficacité productive va dès lors
constituer le mot d'ordre des entreprises françaises. Le « ohnisme » vise
à mettre l’organisation sous tension, en éliminant tous les stocks, les
immobilisations, etc. Ce modèle va modifier profondément leur mode
d’organisation - et contamine actuellement le fonctionnement des
administrations publiques françaises. Partie prenante de ce modèle
organisationnel, mais influençant aussi des entreprises qui en semblaient
éloignées, la qualité est devenue une préoccupation majeure et a été
progressivement intégrée aux postes de travail (Coriat, 1991), dans une
logique préventive, au lieu d'être prise en charge en fin de production
dans une logique réparatrice, comme c'était le cas auparavant.
La deuxième évolution est la conséquence partielle de cette
augmentation de la concurrence et se traduit par un mouvement
continu de réorganisation des entreprises. Ce mouvement a eu
surtout lieu avant 2005, et depuis cette date a plutôt ralenti. Mais,
entre 2002 et 2007, plus de 5 000 cas de restructuration ont eu lieu
en Europe, ce qui représente une perte annoncée d’un peu plus de
2,9 millions d’emplois (CE, 2009). Ces réorganisations visent
toutes, peu ou prou, à réduire les moyens (matériels, espaces, mais
surtout temps de travail) utilisés pour la production de biens ou de
services au moyen de diverses procédures (le Lean par exemple).
S’y ajoute la troisième évolution qui organise le transfert massif de
l’activité salariée de la fabrication vers les services2. Mais tous les secteurs
professionnels sont aussi touchés par le développement de la centration
N°24 - Décembre 2014
1
Cet article constitue la version allégée de l’article « Les effets pervers de la pression
organisationnelle» paru dans Chroniques du Travail n°3 « Qualité du Travail, Emplois de
Qualité”, 2013
2
68% des salariés sont en 2005 en contact avec le public (Enquêtes 1984, 1991, 1998, 2005,
Conditions de travail, MES-DARES). Les résultats de la dernière enquête réalisée en 2012 ne
sont pas encore disponibles, mais rien ne permet de croire que ce pourcentage va baisser.
3
Sources : Insee, Enquêtes sur l'emploi, 2012.
4
En 2005, par exemple, 10% des salariés ont un CDI mais déclarent « craindre pour leur emploi
dans l’année à venir ». Ajoutons que ce sont les salariés les plus précaires qui subissent les
conditions de travail les plus difficiles : les salariés en contrats à durée limitée (CDD, saisonniers,
et apprentis) sont plus souvent exposés que les salariés en emploi stable à des horaires variables
(32% contre 27%), peu prévisibles ou inconnus d’un jour sur l’autre (22% contre 20%), à un
travail de nuit ou un travail qui les mobilise le samedi ou le dimanche (14% contre 9% - Rouxel,
2009).
5
L'inscription dans la loi d'une possibilité de rupture conventionnelle (Pujolar, 2011) s'inscrit
dans cette même logique de fragilisation des liens salariaux. Cette mesure remporte d'ailleurs
un « succès » certain
37
Les cahiers des rps
sur le client et du consumérisme qui oriente en profondeur le mode de
fonctionnement des entreprises en faisant du client un acteur majeur
capable d’intervenir à l’intérieur des organisations. Pour donner une
idée de l’ampleur de cette transformation, il suffit de constater qu'en
2003, près de trois salariés sur quatre travaillent en contact avec le
public, de vive voix ou par téléphone (Bué & Sandret, 2007).
Enfin dernière évolution, qui touche plus directement les salariés
que leurs entreprises, l’apparition du chômage de masse et sa
stabilisation modifie le rapport des salariés à leur situation
professionnelle. Le chômage touche maintenant environ un dixième
de la population active, et ces chiffres devraient être revus à la hausse
si on y intégrait tous les sans-emploi qui ne sont pas identifiés
comme chômeurs. Mais outre le chômage, les formes précaires
d'emploi connaissent en France un développement impressionnant :
l'intérim pèse aujourd'hui 3,2 fois plus qu'en 1982, avec 410 000
salariés, et les CDD trois fois plus avec 900 000 salariés3… et 50%
des nouveaux entrants sur le marché du travail ne sont pas recrutés
en CDI. Même si le CDI reste le type de contrat le plus courant, on
assiste à une précarisation croissante des contrats. La perte d'emploi,
qui dans les années 1970, ne se traduisait pour la plupart des salariés
que par une période de latence avant de retrouver un nouvel emploi,
peut avoir maintenant des conséquences dramatiques : elle a pour
effet, au mieux, d'allonger la période de chômage et, au pire, de
rendre impossible, notamment pour les salariés les plus âgés et les
plus faiblement qualifiés, tout retour vers un emploi standard. Au
total, en 2005, plus d’un quart des salariés étaient dans une situation
d’emploi précaire ou instable du fait de la nature de leur contrat de
travail (contrat à durée limitée, intérim) ou d’un sentiment des
craintes liées à cette précarisation4.
Or, ces évolutions ont des effets relativement concordants : les
activités professionnelles comme la manière de les assurer sont de
moins en moins prévisibles. L’incertitude devient une norme
organisationnelle que les salariés sont obligés d’intégrer et de gérer
pour parvenir à réaliser le travail demandé. Mais cette incertitude
s’inscrit aussi dans une fragilisation du lien entre entreprises
employeuses et salariés, qui se dit plus que par le passé dans le court
terme5, allant à l’encontre des raisons pour lesquelles le contrat de
travail est devenu la norme dominante de l’activité professionnelle :
il permettait à l’employeur, comme au salarié, de s’engager
réciproquement dans la durée et de diminuer durablement les coûts
liés à la recherche de travail (offre et demande) pour se consacrer à des
projets permis par la stabilisation de leur relation dans le long terme.
L’augmentation de l’incertitude produite par la restructuration est
donc problématique, et ce, particulièrement pour les salariés.
Conditions de travail
Ces transformations des comportements surviennent en parallèle
de modifications dans les organisations particulièrement visibles
lors d’opérations de réorganisation qui impactent fortement la
manière dont l’activité professionnelle est conçue et doit être
assurée. On citera ici trois tendances de fond :
• une recherche d’augmentation de la productivité ;
• une recherche de flexibilisation de l’organisation ;
• une tendance à la bureaucratisation et à l’augmentation du contrôle.
De manière diversifiée et plus progressive, ces modifications
irriguent peu ou prou la plupart des entreprises. La focale mise sur
les réorganisations permet de les rendre très visibles.
proprement dit : les impératifs de la production remplacent les
cadres temporels antérieurs.
La flexibilisation de l’organisation
On assiste en parallèle à un processus continu de reconfiguration
des organisations, au point que certains auteurs affirment que la
flexibilité de l’emploi et les licenciements collectifs, outre une
réduction des coûts, ont aussi pour objectif d’entretenir une
pression constante sur les salariés afin de les inciter à abandonner
leurs « routines » (habitudes de travail, statut, appartenance à un
métier, un atelier, etc. - Raveyre, 2005).
La flexibilisation de l’organisation, présentée comme un impératif
imposé par un environnement concurrentiel et par l’obligation de
résultats financiers imposés par les actionnaires, passe ainsi par une
transformation radicale de ce qui est demandé aux salariés :
transformation des organisations de travail, recherche de flexibilité,
de polyvalence des salariés…
De surcroît, la généralisation des rapports à la clientèle et
l’intervention de plus en plus fréquente des clients dans le processus
de travail obligent les organisations à laisser beaucoup d'autonomie
aux salariés, seule façon de répondre aux demandes diversifiées et
changeantes de la clientèle. Cette autonomie, l'incertitude créée par
des réorganisations continuelles et la diminution des possibilités de
prévision à long terme inhérentes au raccourcissement des délais (la
gestion de la dispersion) ont pour effet de reporter la pression
mentale normalement prise en charge par les normes
organisationnelles sur les salariés.
La figure du client - image emblématique de la pression
concurrentielle - sert de référence majeure à ces transformations.
L’adaptation aux besoins des consommateurs (par nature
spécifiques et changeants) et, ce qui va avec, l’amélioration de la
qualité de la production et des services pour attirer celui-ci et le
fidéliser, devient la ligne d’horizon de la gestion du personnel.
Ces changements se traduisent par une multiplication des exigences
pesant sur les salariés, mais aussi par une augmentation sensible de
l’autonomie qui leur est accordée dans l’exercice de leurs activités
pour qu’ils puissent s’adapter en continu aux demandes des clients,
tout comme à la fluctuation des ressources que l’organisation met à
leur disposition. Par exemple, ils disposent davantage de marges de
manoeuvre : ils règlent plus souvent les incidents euxmêmes et
peuvent plus facilement changer l’ordre de leurs tâches (Enquête
DARES, 2007).
Pour arriver à répondre de plus en plus rapidement à des demandes
changeantes, comme celles que peuvent formuler des clients ou le
public, il faut faire preuve d'une grande réactivité à ces demandes.
Dans ce cas, les normes organisationnelles ne sont pas toujours
Les cahiers des rps
L’augmentation de la productivité
Commençons par l’augmentation de la productivité. Les pratiques
managériales actuelles, et particulièrement lors de phases de
restructurations externes ou internes de l’entreprise, tendent à
considérer le travail comme une charge variable, et non comme une
ressource. Cela se traduit par une recherche de compression des coûts
salariaux, via la réduction des effectifs (Malet & Teyssier, 1992) mais
aussi par le gel des investissements et la réduction de toutes les
opérations jugées « non stratégiques », en externalisant par exemple
les fonctions supports et en réduisant les lignes hiérarchiques.
Toutefois, l'entreprise doit aussi continuer à fournir une activité de
qualité sans interruption. Il s’agit alors de « produire plus avec
moins », c’est-à-dire d’assurer au minimum la même quantité de
travail avec des effectifs plus restreints.
La charge de travail des salariés licenciés est donc transférée sur ceux
qui restent, ce qui se traduit par une intensification du travail6, qui
prend plusieurs formes.
D’abord, tout à fait logiquement, cela produit une augmentation de la
charge de travail de chacun. Ensuite cela se traduit par une diminution
et parfois une suppression de tous les temps non directement
productifs : temps de pause, mais aussi temps de régulation collective,
temps de transmission des informations (ces dernières opérations
continuent la plupart du temps à être prises en charge par les salariés,
mais ne sont pas décomptées du temps de travail).
Enfin, on constate une accélération de l’activité, visible par la
diminution de délais accordés pour réaliser les tâches7, mais aussi
par l’accélération de la transmission d’information par les biais de
nouvelles technologies (internet, téléphone portable…) qui créent
des attentes de réponses immédiates, ce qui oblige les salariés à
prendre à leur compte la gestion de la dispersion, selon l’expression
imagée utilisée par Caroline Datchary (2011). Cette intensification
touche toutes les catégories professionnelles et tous les secteurs.
6
Les chiffres cités dans cet article pour caractériser l'évolution des contraintes qui pèsent
maintenant sur le travail, sont tous issus des Enquêtes Conditions de travail 1984-2005 :
résultats détaillés, DARES. Ils concernent donc toutes les entreprises et pas uniquement les
entreprises confrontées à des réorganisations. Ces données permettent de donner une
indication générale des dynamiques en œuvre dans toutes les entreprises, mais aussi bien sûr
dans celles en réorganisation. On peut aussi faire l’hypothèse raisonnable que ces dynamiques
risquent d’être encore plus présentes dans les entreprises en réorganisation.
7
La proportion de salariés qui déclarent que « leur rythme de travail leur est imposé par des
normes ou des délais à respecter en une heure au plus » est passé de 5% à 25% entre 1984 et
2005, et la proportion de ceux qui déclarent que « leur rythme de travail leur est imposé par
une demande extérieure exigeant une réponse immédiate » est passée de 28% à 53% sur la
même période (Source : Enquêtes Conditions de travail 1984-2005 : résultats détaillés, DARES).
Il est à noter aussi que 12% des travailleurs indiquent n’avoir que rarement ou jamais le temps
de finir leur travail (Conditions de travail selon l’activité professionnelle dans l’enquête
décennale Santé 2003 de l’Insee - Institut de Veille Sanitaire, octobre 2007).
En outre, les modes d’organisation tayloriens reposant sur une
parcellisation des activités et un découpage des tâches à réaliser en
modes opératoires courts et répétitifs sont en développement. Cette
augmentation se développe même dans des secteurs où l'on ne les
attendait pas (restauration, hôtellerie, centres d’appel, travail de
bureau…), venant renforcer cette augmentation du rythme.
La pression temporelle est donc devenue une composante majeure
du travail salarié qui dépasse parfois le cadre du temps de travail
38
Les cahiers des rps
Conditions de travail
L’augmentation des règles et du contrôle
Cette flexibilisation de l’organisation ne va pourtant pas de soi, non
parce que les salariés la refusent, mais parce qu’elle s’accompagne de
modes de fonctionnement qui vont à l’encontre de cette recherche.
En effet, la délégation de l’autonomie n’est pas sans risque pour
l’organisation. Si tout le monde fait ce qu’il croit nécessaire,
comment peut-on être sûr que tous participent bien à l’orientation
choisie par l’organisation ? C’est pour Mintzberg (1982) une des
questions centrales que toute organisation doit prendre en compte.
Pour se prémunir contre ce risque, les entreprises insistent sur deux
modalités :
• en premier lieu, elles formalisent et rigidifient le fonctionnement :
on assiste ainsi à la mise en place d’organisations du travail
insistant sur le travail prescrit, plus strictes et non transgressables.
On assiste aussi à une bureaucratisation de l’ensemble des procédures ;
• en second lieu, elles augmentent les procédures de contrôle, le
plus souvent par une formalisation et une explicitation du travail
des équipes à travers les contraintes de reporting et l’augmentation
des tâches administratives (Gollac & Volkoff, 1996).
Les salariés sont confrontés à des injonctions paradoxales qui
les poussent au désinvestissement
Les salariés sont donc beaucoup plus qu'avant soumis à une pression
constante de la part de leurs entreprises. Mais ces mesures prises par
les organisations, notamment dans les phases de réorganisation,
adressent aussi aux salariés des exigences en partie contradictoires,
des injonctions paradoxales, dont deux nous semblent centrales pour
comprendre le développement des risques psychosociaux.
Tout d’abord, la réduction de la « voilure » imposée par les
diminutions d’effectifs et la diminution des investissements se
marie assez mal avec l’augmentation de la productivité recherchée à
tout prix. L’atteinte des objectifs dépend bien sûr des efforts de
chacun, mais aussi des moyens mobilisés pour cela. Or, les
organisations du travail actuelles ne parviennent plus à mettre au
service des salariés toutes les ressources nécessaires pour réaliser
leurs objectifs, particulièrement quand les directions délèguent à
l’encadrement une partie des tâches ou des responsabilités que les
services centraux n’exercent plus.
En outre, on constate une tendance à l’augmentation constante de
la productivité dans les organisations. On est sommé dans les
nouveaux modèles de management d’en faire toujours plus : la
réussite d’une année sert uniquement de base pour une nouvelle
augmentation des objectifs. Dans certaines entreprises même, les
primes liées aux performances ont pu être refusées à des salariés qui
avaient « seulement » atteint les objectifs, alors que d’autres salariés
avaient dépassé les objectifs qui leur avaient été fixés.
Cette disjonction objectifs-moyens place les salariés en position de
déséquilibre permanent en leur faisant supporter l’injonction
paradoxale qui consiste à « faire toujours plus avec toujours
moins ». On ne sera pas étonné qu'un pourcentage important de
N°24 - Décembre 2014
La manière dont la sortie des organisations est devenue problématique comme l’impossibilité
pour les salariés en poste de parvenir à modifier le fonctionnement sont développées dans
l’article de Chroniques du Travail.
8
39
Les cahiers des rps
salariés déclare travailler au-delà de l'horaire prévu sans qu'il n’y ait
de compensation en salaire ou en repos en 2005 (24% parfois, 12%
souvent et presque 7% tous les jours).
La pression organisationnelle ne se traduit pas uniquement sur les
objectifs, mais aussi sur la manière de les atteindre. Alors que les
discours insistent sur la responsabilisation des salariés, que la
complexité des tâches suppose le développement de leur autonomie,
des procédures organisationnelles tentent de restreindre et contrôler
leur liberté. Pour être sûres que les salariés vont faire ce qu'on attend
d'eux et de la manière la plus « efficace », les entreprises créent sans
cesse de nouvelles règles qui dictent la manière dont le travail doit
être fait. Mais comme cela n'offre pas suffisamment de garanties,
elles augmentent aussi les procédures de contrôle. Auparavant
dévolues à la hiérarchie, celle-ci, compte tenu de l'écrasement des
échelons intermédiaires, ne peut plus les assurer. Il est alors demandé
aux salariés de s'autocontrôler (autoreporting), ces comptes rendus
s'ajoutant aux tâches qu’ils n'ont pas déjà le temps de faire. Ils font
alors face à une nouvelle injonction paradoxale : être de plus en plus
autonomes en étant de plus en plus contraints.
Pour arriver à réaliser ce qui leur est demandé, les salariés sont alors
conduits à contourner les règles, voire à les ignorer. En outre, ils
sont souvent obligés de gauchir les comptes-rendus qu’on leur
demande sur leur activité, le plus souvent avec l’accord implicite de
leur hiérarchie. Ce sont des initiatives à haut risque qui exposent les
salariés à des sanctions en cas de problème. Mais si la plupart
d’entre eux veulent arriver à faire leur travail, ils n’ont d’autre choix
que de transgresser les règles.
Ces injonctions paradoxales, qui sont maintenant bien connues sous
des appellations diverses « coopération contrainte » (Courpasson,
2000) ou « autonomie contrôlée » (Coutrot, 1999), ont bien sûr des
effets sur les conditions de travail des salariés : elles placent les salariés
dans des situations difficilement tenables sur le moyen et long terme.
Elles leur imposent une tension permanente, mais aussi les mettent
dans des situations d'impuissance, ce qui affaiblit progressivement le
lien de confiance implicite entre eux et l’employeur.
Comme la sortie de l’organisation est très coûteuse, que la
protestation n’est pas efficace et en outre expose à des sanctions8,
comment font les salariés pour travailler dans des situations parfois
insupportables ?
On constate que de plus en plus de salariés développent des formes
de retrait ou de mise à distance du travail. Nous avons signalé
l'absentéisme, mais on peut aussi parler du développement de
relations duales pour reprendre l’expression utilisée par François
Dubet lors de sa contribution au GDR cadres en 2011.
Ce dédoublement (robot au travail/individu réel en dehors : le
salarié se cantonne à faire ce qu’on attend de lui sans y prêter
beaucoup d’attention) constitue la réponse défensive de l’individu
aux contraintes imposées par l’organisation qui sont parfois
contradictoires ou qui sont perçues comme telles. Pour tenir en tant
que personne, alors l’individu se dédouble : il n’engage que le strict
minimum de sa personnalité dans le travail. Remarquons en passant
que cette réaction est particulièrement fréquente chez les jeunes
salariés et notamment ceux qui pensent détenir une qualification
plus élevée que celle reconnue par l'entreprise.
d'une grande efficacité et la responsabilisation des salariés permet
de leur faire résoudre les difficultés dues à ces contradictions. Le
salarié supporte alors une charge mentale supplémentaire, qui
s'ajoute à celle qui est imposée par l'intensification du rythme de
travail (Hamon-Cholet & Rougerie, 2000).
Conditions de travail
Enfin, signalons aussi que sur la dernière période, on a vu fleurir des
formes ultimes et pathologiques de retrait que peuvent être les
phénomènes de burn out ou les suicides sur les lieux du travail.
Bi b l i o g r a p h i e
• Beck U., (2003), La Société du risque. Sur la voie d'une autre
modernité, Paris, Flammarion, Coll. Champs, 522p.
Les cahiers des rps
Conclusion : le désinvestissement des salariés a des effets
négatifs sur l’efficacité organisationnelle
• Bué J., Sandret N., (2007), « Contact avec le public : près d’un
salarié sur quatre subit des agressions verbales », DARES, Premières
Synthèses,
n°15-1,
avril
(http://travail-emploi.gouv.fr/
IMG/pdf/2007.04-15.1.pdf )
Le retrait, le détachement des situations, le désinvestissement au
travail sont contradictoires avec les exigences imposées par les
nouvelles formes de production qui imposent au contraire un
investissement important pour que la production soit réalisée.
Par exemple, l'introduction des méthodes de « juste à temps »
provoquent une intensification de la production due au
raccourcissement des délais dans lesquels se réalise le travail. Cette
intensification rend le processus productif très fragile et n'est
possible que grâce à la réactivité des salariés pour pallier tous les
problèmes rencontrés. Ajoutons que la pression temporelle dépasse
parfois le strict cadre du travail pour envahir des temps
extraprofessionnels.
On peut ajouter aussi que depuis la fin des années 1970, l'accent a
été mis sur la qualité de la production exigeant une vigilance accrue
de l'ensemble des salariés qui participent à la production ou aux
services vendus ou distribués par leur organisation. L’importance
accordée à la qualité s’est d’abord traduite par des contrôles de qualité
a posteriori, et progressivement a été prise en charge directement sur
chaque poste de travail devenant ainsi l’affaire de tous.
Or, la qualité ne peut se résumer au strict respect des règles
organisationnelles.
Enfin, citons le fait que de plus en plus de salariés sont en contact
direct avec le public. Pour arriver à répondre de plus en plus
rapidement à des demandes changeantes, comme celles que peuvent
formuler des clients ou le public, il faut faire preuve d'une grande
réactivité. Dans ce cas, les normes organisationnelles ne sont pas
toujours d'une grande efficacité, et elles font place à des contraintes
intériorisées par les individus. Certains auteurs décrivent ce
mouvement comme une déstandardisation du travail (Beck, 2003)
avec une individualisation des tâches qui impose la mobilité,
l’adaptabilité, la disponibilité, en un mot la flexibilité des travailleurs.
Les postures de retrait, de mise à distance du travail, de mécanisation
de l'engagement sont dévastatrices pour l'organisation car elles
transforment l'acteur en réceptacle passif des contraintes
organisationnelles. Or dans toute organisation, le respect strict des
procédures, c’est-à-dire l'absence de contournement des règles, ne
peut que conduire à la paralysie ou au déclin de celle-ci.
C'est seulement en reconnaissant aux salariés un réel droit à la
parole que l'entreprise :
• peut, d’une part, lutter contre une partie des motifs d'insatisfaction
et parvenir à rétablir le lien entre le salarié et son travail ;
• peut, d’autre part, adapter le fonctionnement organisationnel aux
contraintes réelles du travail pour réduire les problèmes de qualité
ou de fiabilité des objets ou des services qu’elle produit.
;:
• Commission européenne (2009), « La restructuration en Europe
en 2008 - Bilan de l’action de l’Union européenne pour anticiper
et accompagner le changement de l’emploi », in Office des
publications de l’Union européenne (http://ec.europa.eu/social/
main.jsp?catId=738&langId=fr&pubId=243&furtherPubs=yes)
• Coriat B., (1991), Penser à l'envers, Paris, Christian Bourgois
• Correia M., (2012), « Restructuration et gestion des contraintes :
l’augmentation des injonctions paradoxales », in Le droit ouvrier,
n°767, juin
• Correia M., Maggi-Germain N., (2006), « Les licenciements de
Salariés Protégés : Processus et Enjeux », DARES, Document
d'études,
n°108,
février
(http://travail-emploi.gouv.fr/
IMG/pdf/DE108_LicSalProt_030206.pdf )
• Correia M., (2007), De l'usage de la formation continue sur
l'initiative individuelle des cadres, IRES-CGC, décembre
• Courpasson D., (2000), L’action contrainte. Organisations libérales et
domination, Paris, PUF, Coll. Sciences sociales et sociétés, 320p.
• Coutrot T., (1999), Critique de l’organisation du travail, Paris, La
Découverte, Coll. Repères, 129p.
• Datchary C., (2011), La dispersion au travail, Toulouse, Octarès
Editions, Coll. Travail & activité humaine, 192 p.
• Gollac M., Volkoff S., (1996), « Citius, altius, fortius : l'intensification
du travail », in Actes de la recherche en sciences sociales, n°114, septembre,
pp.54-67 (Extraits : http://millenaire3-v2.com.gdlyonfront.accelance.net/contenus/ouvrages/cahier6/gollac.pdf)
• Hamon-Cholet S., Rougerie C., (2000), « La charge mentale, des
enjeux complexes pour les salariés », INSEE, Economie et
Statistique, 9/10, 339 (http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/
es339j.pdf )
• Malet L., Teyssier F., (1992), « Sureffectif et licenciements
économiques », in Droit social, n°4, avril
• Mintzberg H., (1982), Structure et dynamique des organisations,
Paris, Les Editions d'Organisation, Coll. Références, 434p.
• ohno T., (1988), « Toyota Production System: beyond large-scale
production » in Productivity Press
• Pujolar O., (2011), « La fragilisation du lien social », in
Chroniques du Travail, n°1, décembre, pp.35 & s.
• Raveyre M., (2005), « Restructurations, grands groupes et
territoires, de l’utilité de la construction d’espaces de coordination
localisés », in Géographie, Economie et Société, numéro spécial :
« Mondialisation, restructurations et gouvernance territoriale »,
n°4, décembre, pp. 333-346
• Rouxel C., (2009), « Conditions de travail et précarité de
l’emploi », in Premières Synthèses, DARES, n°28.2, juillet
(http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2009.07-28.2.pdf )
Mario Correia
Maître de conférences en sociologie du travail,
Directeur de l'Institut Régional du Travail
(IRT) d'Aix-en-Provence
40
Les cahiers des rps
Conditions de travail
Des placardisés dans un état de droit : s'opposer à
l'ostracisme
Cet article aborde un nouveau phénomène, appelé « placardisation ».
Il s'agit d'une nouvelle violence psychologique au travail qui
infeste, depuis quelques décennies, nos entreprises et nos
administrations.
Malgré les textes de loi condamnant la mise au placard, reconnue
comme une forme de harcèlement moral au travail, les personnes
victimes d'agressions dans l'exercice de leur profession représentent
un salarié sur six selon l'enquête SUMER 2003. D'après l'enquête
EU-OSCHA 2011, en fonction du pays, du secteur et de la
méthode utilisée, la violence sur le lieu de travail affecte de 5 à 10%
des travailleurs européens. La violence dans les organisations se
révèle comme étant l'une des réalités associées à plusieurs problèmes
de santé psychique au travail. Les effets néfastes sur la santé sont
constatés : symptômes de stress.
Le présent écrit tente d'apporter quelques éléments de réponse aux
questions suivantes : qui sont les personnes frappées d'ostracisme,
isolées socialement, rejetées par le collectif ou l'équipe de
professionnels auquel ils appartiennent ? Existe-t-il un profil type
du harcelé ? Hirigoyen (1999), écrit à ce propos : « les harcelés sont
généralement des grandes gueules ou pour le moins des fortes
personnalités... La victime, c'est en fait bien souvent celui qui résiste,
notamment à ses collègues... mais aussi à son supérieur hiérarchique, ou
encore à la pression de ses subordonnés. ». Quel est l’intérêt pour
l'entreprise de garder un individu rendu non productif ? Comment
le salarié placardisé lutte-il contre cette forme d'exclusion délibérée
mise en place par l'entreprise ? Face à cette violence, quel est le rôle
du soutien social ? Quelles mesures préventives existent pour
contrer ce phénomène ?
Dans le cas de l'isolement psychologique, le rejet ne contraint pas
la personne à changer obligatoirement de lieu de travail. Elle
conserve son bureau voire ses outils de travail. En revanche, ce sont
ses tâches qui lui sont peu à peu supprimées ou modifiées. Elle ne
reçoit plus d'information de sa hiérarchie ou de ses collègues. Elle
n'est plus conviée aux réunions d'équipe ou de service, aux repas
organisés entre collègues de travail qui ne s’adressent plus à elle. Le
but de son agresseur est de l'isoler psychologiquement, la séparer
des autres, la priver du soutien de ses collègues, voire de ne
bénéficier d’aucun témoignage en cas de besoin.
Nous allons voir, dans un premier temps, que nonobstant les
mesures législatives visant à protéger la santé et la sécurité des
salariés, le placard subsiste dans les entreprises ainsi que dans les
administrations. Dans quelle intention ? Dans un second temps,
nous tenterons d'identifier et de mettre en exergue d'éventuelles
caractéristiques humaines communes aux personnes exclues mais
également à celles qui se rendent coupables ou complices du rejet
social. Enfin, après avoir exposé les effets néfastes de la stratégie de
l'exclusion, nous parachèverons l'écrit par la présentation de pistes
de solutions à explorer par les salariés victimes ou spectateurs d'une
situation qualifiée de placardisation.
De nombreuses histoires professionnelles relatant des situations de
bannissement en témoignent : un journaliste interdit d'antenne et
nommé chargé de mission… en attente de mission, un chef de
service responsable aujourd'hui de l'optimisation d'un logiciel
informatique, une secrétaire de mairie confinée dans son bureau
sans ordinateur ni téléphone, un bibliothécaire renvoyé à la
« gestion » d'une étagère d'archives, un CRS détaché de sa brigade
et affecté au balayage de la cour du cantonnement, un préfet hors
cadre dans l'attente d'une prochaine alternance politique, un aidecomptable déplacé dans le local de la photocopieuse pour
« superviser son usage », etc. (Lhuilier, 2002).
Le placard en entreprise
L'isolement géographique et/ou psychologique
Depuis quelques années, au sein de l'entreprise, le placard
caractérise le lieu du bannissement. Après avoir exercé certaines
responsabilités, le salarié est mis au ban, en quarantaine,
notamment à la suite d’un changement de Direction. Le placard
dans ce contexte s'apparente à une forme de rejet social, d'exclusion
délibérée d'un individu, d'une relation interpersonnelle ou d'une
relation sociale.
La dimension juridique de la placardisation
Un abus de pouvoir et une forme de harcèlement moral
La notion de harcèlement psychologique sur son lieu d’activité est
assez récente, elle a été introduite en France il y a un peu plus de
dix ans par Leymann (1996) dans son ouvrage intitulé Le Mobbing
(Harcèlement collectif ), la persécution au travail. Zapf (1999) amène
la notion de « Bullying » qu'il définit comme étant une situation
où : « une personne est harcelée, outragée, socialement exclue ou amenée
à réaliser des tâches humiliantes, et si la personne concernée est dans
L'isolement physique est un bannissement qui contraint le salarié à
quitter son bureau et à intégrer un autre lieu suffisamment éloigné
N°24 - Décembre 2014
41
Les cahiers des rps
de ses collègues et de sa hiérarchie, suffisamment petit et dans
certains cas, sans téléphone, sans ordinateur, comme si celui-ci
n’existait pas dans l’organigramme. Le salarié se voit confier des
tâches sans intérêt, dévalorisantes, sans rapport avec son échelon et
son expérience.
Le cas de Valérie illustre une hypothèse de placardisation. Suite à
une réorganisation dans un service bancaire, Valérie conseillère
clientèle depuis 18 ans, âgée de 43 ans s'est vue, en l'espace de trois
mois, sans emploi et sans outil de travail : « Au début de mon
isolement, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. J'étais plutôt
désorientée. J'observais impuissante au retrait de mes outils de travail ;
ma liste de clients a été dans un premier temps diminuée de moitié.
Puis, deux mois plus tard, mon supérieur m'a changé de bureau. Je
n'avais plus ma place ici, disait-il, car je devais être polyvalente, c'està-dire, poursuivre mon activité de conseillère clientèle et apporter une
aide aux conseillers d‘accueil (l'aide en question ne m'a jamais été
clairement définie). Mon nouveau bureau était une petite table et une
chaise dans un recoin près de la porte d'entrée de l'agence bancaire.
Bizarrement, cette nouvelle disposition « provisoire », comme me
l'avait affirmé mon supérieur, ne prévoyait ni téléphone ni ordinateur.
Aujourd'hui, ma situation a empiré, je n'ai plus de clients en charge et
les conseillers d‘accueil ne sont plus en mesure de me donner une part
de leurs tâches depuis l'arrivée de deux stagiaires. ».
Introduction
Conditions de travail
Les cahiers des rps
une position hiérarchique inférieure ». Si l’on considère la loi du 17
janvier 2002, le placard s’apparente bel et bien à une forme de
harcèlement moral (Loi de Modernisation Sociale, n° 2002-73 du
17 janvier 2002). La « mise au placard » constitue un abus de
pouvoir de la part de l’employeur. Ce dernier à l’obligation de
fournir les matériels nécessaires à l'accomplissement des tâches
professionnelles. L’article du Code pénal 222-33-2 définit le
harcèlement moral au travail : « des agissements répétés ayant pour
objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible
de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique
ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». La « mise
au placard » est une sanction illégale, condamnable et punie d’un
an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
même si le salarié est considéré comme non efficace, même s'il ne
plait plus, l’entreprise ne rompt pas son contrat de travail, car elle a
une obligation de bonne conduite. Cet argument peut être entendu
pour les professionnels proches de la retraite, mais ne l’est sans
doute pas pour les autres.
Le placard comme outil de gestion peut aussi renvoyer à un constat
d'échec de la Gestion des Ressources Humaines. L’affaire de
L. Scoarnec, 52 ans en est une illustration. Salarié d'un
établissement financier depuis vingt-huit ans, il travaille en
moyenne deux heures par semaine, depuis 1997. Ce salarié déclare :
« J'ai été affecté dans une Direction du marketing qui venait d'émerger
suite à une réorganisation interne. Je me suis entendu dire par le
responsable de cette Direction : « Je ne sais pas pourquoi vous êtes ici,
je n'ai pas besoin de vous ». Depuis, je suis obligé de mendier quelques
tâches à des collègues travaillant dans d'autres services. Je suis devenu
un « chômeur d'entreprise ». Au fur et à mesure des nouvelles versions
de l'organigramme, mon poste factice se rapproche du massicot. Il est
difficile de parler de sa situation avec des collègues. On a l'impression
d'être un nuisible. ».
Il est vrai que le harcèlement moral suppose un acharnement, alors
que la « mise au placard » semble être le résultat d’une seule décision
d'affectation de la victime. En réalité, la « mise au placard » peut
être le résultat de plusieurs mesures successives qui finalement
aboutissent à l’isolement, et au déclassement de la victime. La
personne exclue subit dans le temps les effets de ces mesures,
lesquelles peuvent être accompagnées de brimades et de vexations
répétées. La « mise au placard » est une agression insidieuse non
extériorisée, elle blesse la personne dans sa fierté, elle la place dans
une position d’infériorité.
Dans la fonction publique
Le phénomène d’exclusion est presque inhérent à la fonction
publique où le licenciement n’existe pas, à moins que le
fonctionnaire n’ait commis une faute grave. Ce type d’organisation
favorise donc les mises au placard. Il n’est pas toujours aisé de
prouver qu’une mutation est effectuée dans un but autre que celui
de servir le service. Si le changement s’effectue dans l'intérêt du
service, si les nouvelles fonctions confiées correspondent à l’échelon
de l'agent concerné et sont de même nature que celles qu'il
remplissait précédemment, si sa rémunération reste identique, alors
on peut conclure qu’il s’agit là d’une simple mesure d'organisation
interne (notons par ailleurs, que dans la fonction publique, un
agent peut être affecté à tout moment à de nouvelles missions,
aucun règlement n’interdit cette affectation).
Inversement, si ce changement d’affectation entraîne une
modification de la situation personnelle de cet agent, s’il conduit à
une réduction de ses attributions, ou à une expulsion de fait, la
mesure peut être sanctionnée pénalement : il y a « mise au placard ».
Une atteinte au droit à la dignité
La notion de dignité constitue la première partie de la Charte
européenne des droits fondamentaux.
« Sortir de soi, c’est s’occuper de l’autre, et de sa souffrance » affirme
Lévinas (1995). C’est reconnaître complètement l’humanité de
l’autre. Autrefois, la notion de dignité renvoyait à une qualité
intimement liée à l’être humain, à l’idée que « quelque chose est due
à l’être humain du seul fait qu’il est humain » (Ricœur, 1988). Tout
homme mérite donc un respect inconditionnel, quel que soit son
âge, son sexe, sa santé physique ou mentale, sa religion, sa condition
sociale ou son origine ethnique, lorsqu’il est mis en question.
Le rejet social comme outil managérial
Malgré toutes les mesures juridiques visant à protéger les salariés
contre l'ostracisme, et prévenir les situations de harcèlement au
travail, ce phénomène sociétal est de plus en plus répandu dans les
entreprises privées comme dans les établissements publics.
Comment justifier une telle pratique alors même que toute
entreprise a pour souci premier l’économie et le profit ? Quel est
l’intérêt pour l’Entreprise ou l’Administration de garder un
individu non productif, inactif ?
Existe-t-il des caractéristiques humaines communes ?...
Au niveau des placardisés ?
Contrairement à des idées reçues, les victimes d'un harcèlement
moral ne sont pas obligatoirement des personnes faibles ou
paranoïaques. Le vrai harcelé est quelqu’un qui aime son travail, est
compétent et a l’esprit d’équipe. Il ne guette pas les faux pas de ses
collègues, il ne note et ne surveille pas celui avec qui il collabore : il
n’a pas cette vision paranoïaque du monde. Il peut s’agir d’un
homme ou d’une femme, d’un nouvel embauché ou d’un salarié
plus ancien proche de la retraite, d’un cadre ou d’un employé,
brillant ou incompétent. Personne n'est à l'abri d’un rejet social dans
son entreprise. Le profil type du placardisé n’existe pas, il s’agit d'une
personne frappée de disgrâce, considérée contagieuse par les
collègues, et qui par peur des représailles, ne parlent plus eux-mêmes
à la victime. Le paradoxe de la placardisation est que la personne est
frappée d’ostracisme tout en étant maintenue dans son emploi.
Dans le secteur privé
Depuis quelques décennies, les entreprises fonctionnent sur un
mode collectif, le placard est considéré comme une manière de
manager presque « altruiste ». En cas de difficultés, l’entreprise ne
met pas ses employés à la porte, plutôt que de licencier les
« surnuméraires », elle préfère les stocker : cela permet d'éviter le
chômage. Certains Responsables des Ressources Humaines pensent
que le placard a une fonction rassurante auprès des autres salariés :
42
Les cahiers des rps
Conditions de travail
Au niveau des collègues : silencieux complices ?
Pour certains collègues, « il n’y a pas de fumée sans feu… un tel
châtiment ne peut être infligé sans raison ... D’ailleurs, de quoi se
plaint-il, puisse qu’il est payé à ne rien faire ». En oubliant toutefois
que la victime est tenue de faire acte de présence et que cette
présence obligatoire constitue une véritable torture psychologique
pour cette dernière. Quelle que soit sa place dans l’organisation, son
grade, sa position dans l’organigramme, le placardisé a toujours
cette fâcheuse impression de n’être plus bon à rien. Il doute, remet
ses capacités en question, tourne en rond. Ce placard qui semble
pour certains doré n'est en définitif qu’un lieu de souffrance pour
la victime.
Si le profil type du placardisé n'existe pas, il existe, néanmoins, des
personnes prédisposées à ce type de traitement.
• Les inaptes ou les inutiles
Dans l’entreprise, les personnes d’âge mûr ne sont plus considérées
comme des personnes disposant d’une richesse à transmettre, elles
sont plutôt perçues comme des « rétro », dépassées par les
évolutions. Dans cette catégorie, figurent aussi ceux que l’on
nomme, les « bras cassés » : les handicapés, les malades. Ces maladies
sont souvent des maladies professionnelles ou un handicap survenu
à la suite d’un accident de travail. Et enfin, les surnuméraires qui
sont ceux dont le poste a été supprimé. Aujourd’hui, on assiste à un
nombre considérable de fusions d’entreprises, ces fusions
contribuent à multiplier la création des placards. Certaines fonctions
se voient réduites de moitié, d’autres, à causes des doublons, sont
soit supprimées, soit conservées dans un placard.
• Les nuisibles
Le placard peut résulter d’un conflit personnel entre l’employeur et
le salarié. C’est le « placard mitard », le « cul-de-basse-fosse » où l’on
jette les syndicalistes, les contestataires, les fortes têtes ceux qui
osent bousculer l’ordre établi. « Les grandes banques en regorgent, et
on y trouve souvent les mêmes pensionnaires : des jeunes issues d’un
milieu modeste, entrées comme sténodactylos à 16 ans et passées cadres
à 40 ans grâce aux cours du soir. A ce niveau de responsabilité, elles
découvrent que les jeunes diplômés, fraîchement embauchés sont
beaucoup mieux payés qu’elles. Elles commencent à râler, à demander
des comptes. Et la Direction qui n’a que faire de ces « enquiquineuses »
les met au trou » (Saada, 2002).
Parmi les nuisibles sont classés également des salariés qui ont des
convictions, qui tentent de faire reconnaître leur façon de travailler,
qui critiquent les nouvelles orientations, qui refusent
l’instrumentalisation, qui soulignent le décalage entre le discours
tenu par la Direction et les pratiques quotidiennes des managers.
Mais, le haut niveau de la hiérarchie n’est pas épargné. Ce
phénomène frappe tant les dirigeants déchus des entreprises privées,
qui ont dirigé des équipes et qui se sont vu remplacés par d’autres,
que des hauts fonctionnaires d’Etat mis sur la touche après
l’élection d’un nouveau dirigeant politique.
L’étendue psychique de la relégation
Le contrecoup de la relégation pour le placardisé
L’isolement d’un individu est vécu comme un châtiment.
L'expérience d'une telle condition peut conduire à des effets
psychiques tels que le sentiment de solitude, la perte ou la faible
estime de soi, le sentiment d'insécurité, l'agressivité exprimée à
l'égard d'autrui ou manifestée contre des objets voire retournée
contre soi (auto-agressivité), ressort inconscient de certains suicides.
Pascual (2004), Responsable de la consultation « Souffrance au
Travail » connaît bien les effets néfastes sur la santé d’un long
passage au placard. Elle prouve, par la déclaration qui suit, que le
placard démolit bel et bien mentalement et physiquement : « la
non-reconnaissance du travail, la dévalorisation systématique, le
persiflage des collègues entraînent chez le salarié une vraie souffrance
psychique, qui se manifeste sous différentes formes : insomnies, anxiété,
troubles du comportement, dépression, voire tentatives de suicide ». Le
harcèlement moral peut provoquer dans un premier temps des
symptômes de stress. Au bout de quelques mois, les symptômes
Au niveau des harceleurs ?
Dans seulement 10% des cas, c’est un subordonné qui harcèle son
patron. Une fois sur deux, le harcèlement émane du supérieur
hiérarchique, une fois sur quatre d’un collègue et dans 17% des cas,
du chef et de collègues réunis. Les recherches qui ont été faites sur
ce sujet montrent qu’il existe des éléments communs dans la façon
d’agir des agresseurs. Ce sont des personnes qui cherchent à « casser »
quelqu’un sans laisser de traces compromettantes. Les agresseurs
entretiennent généralement d’excellentes relations de séduction
avec les autres salariés pour mieux s’attaquer à l’estime de soi de leur
victime afin d’augmenter leur propre valeur. Ils utilisent souvent les
sous-entendus, les non-dits destinés à créer un malentendu pour
ensuite l’exploiter à leur avantage. Lorsqu’ils se trouvent au cœur
d’un conflit apparemment ouvert, là encore ils font planer le doute
dans l’esprit des autres, le sujet réel du conflit n’est jamais évoqué.
L’important pour eux est de réussir à déstabiliser la victime.
N°24 - Décembre 2014
43
Les cahiers des rps
La maltraitance psychologique est rendue possible grâce au silence
des collègues qui deviennent alors des complices de l’agresseur, par
conséquent, passibles de sanctions. « Quelle valeur attribuer au
silence, à la dissimulation, source même de l’indignité, quand c’est
précisément la force d’une indignation publique qui paraît en
dernier recours susceptible d’influer sur des tortionnaires bien
souvent soutenus dans leurs exactions par une indifférence
complice ? » (Hirsch, 2006). La lecture de ce texte, nous amène à
nous interroger à propos de la capacité que possède la société à
banaliser des conduites injustes. Maltraitance qui se caractérise
principalement par une néantisation sociale (je n’existe pas pour les
autres, alors que je suis au milieu des autres, je regarde les collègues
travailler mais je ne peux pas participer aux projets (Lhuilier,
2002) ; par une négation des droits ; par une culpabilisation (« je
suis payé à ne rien faire ») ; par une intimidation et une
disqualification. Ce questionnement place l’humain au centre de la
problématique de ce que Hannah Arendt appelait la banalité du
mal des « dérives quotidiennes » renfermées dans les capacités de ce
qu’à l’homme de « faire à l’homme ». La banalisation du mal, passe
par plusieurs chaînons intermédiaires, chacun d’eux appartenant à
une élaboration humaine. Il ne s’agit pas ici d’une logique que l’on
ne peut réprimer ou contenir, mais d’un enchaînement, processus
qui peut être interrompu, contrôlé par des décisions humaines
(Dejours, 1998).
Conditions de travail
peuvent se transformer en troubles psychiques manifestes. Une
absence de soutien ou de reconnaissance, de la part de la hiérarchie
ou des collègues, est un des facteurs aggravants des effets du
harcèlement moral au travail.
Le soutien social comme ressource
Quel peut être le rôle des collègues face à une situation de
placardisation au travail ? Face à une placardisation, le pire serait de
faire l’autruche. Dans la préface de son ouvrage « Travail, usure
mentale », Dejours (2006) déclare que si le harcèlement conduit
aujourd'hui plus souvent que naguère à des troubles
psychopathologiques graves chez les victimes, ce n'est
vraisemblablement pas parce que la technique du harcèlement se
serait perfectionnée (...). Ce qui a changé, semble-t-il, c'est plutôt
la passivité et l'absence de solidarité de la part des collègues de la
victime du harcèlement (…).
Le contrecoup de la relégation pour la société
Un salarié harcelé, stressé, démotivé ayant perdu toute confiance en
lui, aura des difficultés à prendre des initiatives ou des décisions. La
qualité de son travail s'en ressentira. Même s'il met toute son
énergie à résister à la pression, à « tenir », un jour ou l'autre, il devra
s'arrêter de travailler pour se soigner. L'absentéisme qui en découle
ainsi que la détérioration du climat de travail ont des conséquences
négatives pour l'entreprise ainsi que pour les organismes sociaux.
D'après Duriez (2007), la première cause d’absentéisme est due aux
maladies de courte durée : « le régime général a servi 200 millions
d’euros d’indemnités journalières de maladie en 2002 et plus de
320 millions de journées ont été indemnisées en 2003, ce qui
correspond à une dépense de 2,7 milliards d’euros en 1997, à
5,13 milliards en 2002 et, 6 milliards en 2004. ».
Le soutien social comme ressource a un effet direct et positif sur la
santé de l'individu (Cohen et Wills, 1985, Leiter, 1991). Il existe de
nombreux travaux faisant le lien entre le soutien social et une
meilleure santé du salarié en souffrance. Selon l'approche
évolutionniste, chez l'homme comme chez beaucoup d'autres
espèces sociales, il y a la nécessité d'accéder aux ressources socioaffectives de son écosystème pour préserver son intégrité biologique
(Caron et Guay, 2005). Les ressources sociales et matérielles au
travail sont donc un besoin primaire qui permet l'équilibre biopsycho-social de l'individu. Le soutien social crée chez la personne
exclue le sentiment d'être reconnu par ses collègues de travail ce qui
contribue à renforcer l'estime de soi. Le soutien devient alors une
ressource : pour faire face à l'exclusion, le salarié puise dans ses
ressources internes et sollicite du soutien externe.
Les cahiers des rps
S’opposer à l’ostracisme
Agir pour en sortir
Le relégué observe les signes d’une mise à l’isolement sans que celleci ne soit accompagnée d’une explication. S’agit-il d’une sanction ou
d’autres choses ? Commence alors un long questionnement sur les
intentions de l’organisation, sur les motifs de cette mise à l'écart.
C’est l’épreuve traumatique du non-sens. Mais, pense-t-il, cette
situation ne pourra pas durer, il s'agit d'un malentendu. Néanmoins,
le temps passe, et la situation reste inchangée. Alors la confiance
disparaît, et les relations aux autres se font de plus en plus rares.
Contrer le phénomène de placardisation, c'est aussi sortir du nondit, en parler à son médecin du travail dont le rôle est de préserver
la santé des salariés et de conseiller l'employeur dans le cadre la
prévention des Risques Psychosociaux. En parler à un médiateur s’il
en existe un. A défaut, à son syndicat, à une association de victimes.
Se mobiliser dans l'action (trouver des alliés, dénoncer le harceleur,
se documenter sur le sujet), se solidariser : sortir de l'isolement
grâce au programme d'aide aux employés, groupes d'entraide...
Il est toujours possible de vivre au placard. Certains y voient là, le
moyen de préserver emploi et revenus. Tactique d'ajustement mise
en place par le placardisé lorsque le départ de l'entreprise n'est pas
envisageable. Il s’agit dans ce cas de se soumettre aux attentes de
l’Organisation, c’est-à-dire, de ne pas faire de vagues, d’éviter les
questions des collègues, de jouer la comédie en faisant semblant de
croire à l’importance des tâches confiées par sa hiérarchie.
Cependant, l’inverse, c’est-à-dire la révolte, est aussi une stratégie
adoptée pour en sortir. La révolte suppose de sortir du déni, de
reconnaître sa propre mort sociale afin de surmonter l'ostracisme.
Les formes de résistance qui s'offrent au relégué sont multiples ;
elles passent par l’affranchissement des épreuves imposées, par la
rébellion et l’affrontement. Pour se défendre, pour reconquérir une
image valorisée, retrouver l'estime de soi, le placardisé effectue un
véritable travail au cours duquel il mobilise une importante
quantité d’énergie.
Conclusion
La placardisation qui est à la fois « une éviction du travail et le
maintien dans l'emploi » (Lhuilier, 2002), est condamnée par la loi
et considérée, soit comme une sanction trompeuse et déguisée dont
l’intention punitive n’est pas toujours extériorisée, soit comme un
harcèlement moral de fait. Le placard est synonyme d’exclusion et
a pour but de fragiliser, d'ébranler, de déboussoler voire pousser à la
faute professionnelle et/ou au départ par démission. Dans la
majorité des cas, il s'agit de personnes déclarées inaptes, nuisibles,
par leur hiérarchie. Singulièrement, ces exclus sont des personnes
frappées de disgrâce tout en étant maintenues à leur poste. Notons
que cette maltraitance est rendue possible grâce au silence complice
des collègues qui eux-mêmes ont peur d’être placardisé à leur tour.
Soula (2002), médecin inspecteur du travail déclare : « le placard
altère la santé mentale du salarié, entraîne une dégradation de ses
conditions de travail et compromet son avenir professionnel ». La
relégation porte atteinte à la personnalité, dégrade la santé créant
ainsi une pathologie de la solitude et de l’isolement qui renforce la
souffrance et engendre un sentiment de dépersonnalisation. Face à
Dès lors qu’il décide de se dégager du placard, un certain nombre
d’obstacles viennent s’opposer à lui, rendant sa sortie difficilement
réalisable. Quitter l’entreprise, mais à quel prix ? Partir de
l'entreprise est synonyme de fuite, l'adversaire devient alors le
vainqueur. Rester, c’est entrer en résistance, option qui possède une
double face : la personne reste fidèle à ses valeurs tout en s'opposant
publiquement à la banalité du mal, à cette forme d'abus de pouvoir.
44
Les cahiers des rps
Conditions de travail
ce phénomène de plus en plus répandu, résister c’est, rester fidèle à
ses valeurs, s’opposer à la « banalité du mal » et aux différentes
formes d’abus de pouvoir. Le soutien social peut être une ressource
permettant à la personne exclue de mieux gérer la violence
psychologique qu'elle subit et ainsi réduire son impact sur sa santé.
;:
Les résultats du sondage Anact-TNS Sofres
« Concilier sa vie professionnelle et sa vie privée »
Dans le cadre de la 11ème édition de la Semaine pour la Qualité de Vie au
Travail, le Réseau Anact-Aract a réalisé avec l’institut TNS Sofres, un sondage
sur la conciliation des temps.
1 026 travailleurs ont été interrogés du 9 au 16 avril 2014.
Sara Roubaud
Doctorante /
Psychologue du travail à l'ASTE
(Service de Santé au Travail de l’Essonne)
Quelle importance les Français accordent-ils à l’équilibre entre vie
professionnelle et vie personnelle ? Comment évaluent-ils cet équilibre ? Quels
bénéfices les salariés anticipent-ils ?
Pour qui ? Dévoilés en introduction du colloque national de la Semaine pour la
Qualité de Vie au Travail 2014, les résultats de ce sondage permettent d’établir
un état des lieux de la situation et des attentes. Au-delà, ils permettent de susciter
le débat et de nourrir la réflexion du réseau Anact-Aract.
Concilier vie privée-vie professionnelle : un enjeu-clé de la satisfaction au
travail
• Caron J., & Guay S., (2005), « Soutien social et santé
mentale ; concept, mesures, recherches récentes et
implications pour les cliniciens », in Santé mentale au Québec,
30, n°2, p. 15-41.
76% des salariés interrogés disent arriver assez facilement à concilier vie privée
et vie professionnelle, mais interrogés dans le détail, ils y arrivent plus
difficilement :
• 55% des parents estiment qu’ils ne peuvent pas s’occuper de leurs enfants
comme ils le souhaiteraient ;
• 49% des salariés éprouvent des difficultés à passer suffisamment de temps
avec leur conjoint ;
• 57% ont du mal à accomplir des formalités administratives.
Lorsqu’ils y arrivent, c’est grâce à des arrangements individuels avec le
management de proximité.
• Cohen S., & Wills T.A., (1985), « Stress, social support, and
the buffering hypothesis », in Psychological Bulleting, 98,
p.310-357.
• Dejours C., (2000), Travail, usure mentale : Essai de
psychopathologie du travail, Paris, Bayard, 270 p.17
51 % des salariés qui s’expriment reconnaissant que leur supérieur hiérarchique
fait des efforts. Il y a peu de prise en charge collective par l’entreprise.
• Dejours C., (1998), Souffrance en France, la banalisation de
l’injustice sociale, Seuil, p. 24
38 % estiment que la direction de l’entreprise s’est emparée du sujet.
Or, les salariés pensent que si cette prise en charge existait en faveur
d’aménagement du temps de travail et d’organisation du travail, les salariés et
l’entreprise seraient gagnants.
• Duriez A., (2007), Alerte à la souffrance, le mal-être au travail,
Balland
Près des trois quarts des salariés en sont convaincus, un bon équilibre profite aussi
bien aux salariés qu’aux entreprises (71% des salariés le pensent).
• Hirigoyen M-F., (1999), Le harcèlement moral. La violence
perverse au quotidien, Syros, p. 192
Les bénéfices envisagés sont doubles et concernent salariés comme entreprises
• Hirsch E., (2006), L’éthique au coeur des soins, Un itinéraire
philosophique, Espace éthique, Vuibert, p.80
Pour les salariés
Une meilleure santé avec un stress diminué (53%, 1er rang des bénéfices pour
les salariés), ce qui contribue à baisser le taux d’absentéisme (46%, 1er rang des
bénéfices pour les entreprises).
• Lhuilier D., (2002), Les Placardisés, des exclus dans l’entreprise,
Paris, Seuil, p. 7
Pour les entreprises
Une efficacité renforcée, ce qui assure pour l’entreprise un gain en productivité
et en qualité et, pour le salarié, la satisfaction de réaliser son travail vite et bien
(respectivement 40% et 37%, 2ème rang des bénéfices pour les salariés et les
entreprises).
• Levinas E., (1995), Altérité et transcendance, Fata Morgana,
Montpellier, Essais
• Leymann H., (1996), Mobbing. La persécution au travail,
Seuil, p. 231
Assouplir l’organisation du travail, la clé pour un meilleur équilibre vie
professionnelle-vie privée
• Pascual M., Aguerre J-C., Clancy S., Michel A., (2004),
« Salarié en détresse : Quelles réponses ? », in Travail et
Emploi, n° 97, p.77
Les pistes préférées des salariés français pour une meilleure conciliation vie
privée-vie professionnelle portent sur les aménagements des horaires et des
modalités de travail.
• Ricoeur P., De Raymond J-F., (1988), « Pour l’être humain
du seul fait qu’il est humain », Les enjeux des droits de l’homme,
Paris, Larousse, p.236
Pour les salariés, le mot d’ordre est l’aménagement du temps et des modalités
de travail. Ils estiment que cela les aide ou les aiderait de pouvoir quitter leur
lieu de travail en cas d’impératif (74%), de voir leur charge de travail ou leur
rythme aménagé en cas de souci personnel (69%) ou encore de bénéficier
d’horaires personnalisés (65%). La prise en compte de l’ensemble des équipes
dans l’organisation des horaires de travail est également avancée par 58% des
salariés.
• Saada R., (2002, 24 juin), « Travail : le Harcèlement moral :
voyage chez les placardisés », in L’Express
• Soula M-C., (2002), « Approche pluridisciplinaire du
harcèlement moral », Document pour la Médecine du Travail
– Etudes et Enquêtes, n° 90, 2ème semestre
N°24 - Décembre 2014
Source :
http://www.anact.fr/web/actualite/essentiel?p_thingIdToShow=38243638
45
Les cahiers des rps
Bi b l i o g r a p h i e
Conditions de travail
Les cahiers des rps
Reprise de l'intensification du travail chez les salariés
Lire l'intégralité de l'étude sur
http://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/Hors_collection/dares-analyses049.pdf
46
Les cahiers des rps
Conditions de travail
Les cahiers des rps
N°24 - Décembre 2014
47
Publications
Liste non exhaustive
n Accords
• Aide à domicile/
• Une
nouvelle plateforme sur Internet pour connecter la
communauté de la sécurité et de la santé au travail : OSHwiki,
https://osha.europa.eu/fr/press/press-releases/oshwiki-goes-livea-new-web-platform-toconnect-the-occupational-safety-andhealth-community
agrément des accords sur les risques
psychosociaux et sur les garanties frais de santé : Deux avenants à
la convention collective de branche de l'aide, de
l'accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD)
sont agréés par un arrêté publié jeudi 6 novembre au Journal
officiel : l'avenant n°13/2013 du 25 juin 2013 relatif à la
prévention des risques psychosociaux, d'une part, et l'avenant
n°16/2013 du 7 avril 2014 relatif aux garanties frais de santé,
d'autre part, www.ash.tm.fr
• Guide SECAFI : Agir contre les troubles musculo-squelettiques, juin
2014, www.secafi.com
• Guide préV'Up Prévenir l'usure professionnelle, ARAVIS, octobre
2014, http://www.aravis.aract.fr/?document=guide-prevupprevenir-lusure-professionnelle
n Rapports / Etudes
• « Conditions de travail.
n Revue
Reprise de l’intensification du travail
chez les salariés », DARES Analyses, n°049, juillet 2014,
www.travail-emploi.gouv
• La conciliation des temps, une question à plusieurs dimensions,
Travail & Changement, N°55, mai-juin 2014
• Travail
• Présentéisme
• Bilan
• La Revue des conditions de travail, ANACT, 1er numéro, octobre
• Mécanismes organisationnels de formation des violences au travail.
n Ouvrages
Les cahiers des rps
indépendant : santé et conditions de travail, actes du
colloque du 18 septembre 2013 à Paris, Rapport de recherche du
Centre d’Etudes de l’Emploi (CEE)
: une autre face de l’épuisement professionnel,
Travail & changement, N°354, mars-avril 2014
2013 de la DGAFP (Direction Générale de
l’Administration et de la Fonction Publique) : Bonnes pratiques
GRH, www.fonction-publique.gouv
2014, http://www.anact.fr/web/publications/revue-conditionstravail
Proposition d’un modèle-cadre pour comprendre et intervenir, Note
scientifique et technique de l’INRS (NS320), février 2014,
www.inrs.fr
• Garnier
D., (2014), Les « Pacific’acteurs ». Voyage conflictuel à
Saint-Pierre-et-Miquelon Violences au travail, Les éditions
Chapitre.com
• Les
résultats du sondage Anact-TNS Sofres « Concilier sa vie
professionnelle et sa vie privée », juin 2014, www.anact.fr
• Garnier D., (2014), Travail. Des traumatismes à l’espérance, Essai,
• Observatoire national des conditions de travail du Crédit Agricole :
Coll. Le Manuscrit
un nouvel espace d’innovations sociales, www.anact.fr
• Montreuil E., (2014), Prévenir les risques psychosociaux. Des outils
n Guides / outils
• Le Guide TPE-PME : vos salariés sont-ils exposés à des facteurs de
pour agir sur la pénibilité et préserver la santé au travail, Ed.
Dunod, 2ème édition
n Articles
pénibilité ?, réalisé par les Services de Santé au Travail et les
organismes de prévention de Basse-Normandie, www.carsatnormandie.fr
• « Le travail peut-il devenir supportable ? », entretien avec Y. Clot
et M. Gollac, www.anact.fr
• Guide Harcèlement moral : le guide des bonne pratiques de la SMACL
(Mutuelle d’assurances s’adressant notamment au secteur des
collectivités territoriales), www.smacl.fr
• « Prévention des RPS : indicateurs à disposition des employeurs
publics », M.T. Giorgio, www.atousante.com,
• La CARSAT Aquitaine a publié 2 nouveaux guides :
• « Grande distribution, dans l’enfer des « drives » », www.cfdt.fr
- La souffrance au travail – Guide pratique Salariés et représentants du
personnel, février 2014
- La souffrance au travail – Guide pratique Employeurs, février 2014
http://entreprises.carsat-aquitaine.fr/331-actualite/1140-risquespsychosociaux-en-entreprise-2-nouveauxguides.html
•
« CHSCT : le renouvellement possible avant l’expiration des
mandats, service juridique CFDT, www.cfdt.fr
n Divers
• Un
nouvel acteur dans l’entreprise : le salarié compétent en santésécurité au travail, mai 2014, http://www.risquespme.fr/actualites/brochure_salarie_competent_prev.
• Film
sur les « Risques PsychoSociaux » réalisé par le LEST,
http://www.lest.cnrs.fr/spip.php?article708
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Les cahiers des rps
Publications
Les articles traitant des méthodes d’évaluation depuis
le 1er numéro des Cahiers des rps / fps
n Les Cahiers des fps, n°1, février 2005
n Les Cahiers des fps, n°10, août 2008
• « Que faire dans une entreprise sur risque de stress ? », A.M.
• « Les facteurs psychosociaux au travail. Une évaluation par le
•
Gautier, consultante, Cabinet DDC, Aix-en-Provence
« Evaluation des risques et facteurs psychosociaux dans une
association d’aide à domicile, Dr M. Peyron, Médecin du travail
au GIMS Marseille, P. Gillardo, Consultanyte, Cabinet DDC,
Aix-en-Provence
questionnaire Karasek dans l’enquête SUMER 2003. Dares,
premières synthèses, n°28.1 » N. Guignon, Dares,
I. Niedhammer, Inserm, N. Sandret, MIRTMO, DRTEFP Ilede-France
n Les Cahiers des rps, n°14, décembre 2009
n Les Cahiers des fps, n°2, septembre 2005
•«
• « Risques psychosociaux – Stress, mal-être, souffrance… Guide
•
•
pour une démarche de prévention pluridisciplinaire. Un enjeu
collectif de la santé et de la Qualité de Vie au Travail », C. Brun,
Chargée de mission Aract Aquitaine
« Le WOCCQ : une méthode de diagnostic du stress
professionnel. Présentation de l’outil et mise à disposition des
utilisateurs de terrain », I. Hansez, auteur du WOCCQ, S.
Peters, coordinatrice projet WOCCQ, Université de Liège
•
Guide pour une démarche stratégique de prévention des
problèmes de santé psychologique au travail », Les Cahiers des rps
« La démarche ELVIE. Une démarche structurée de prévention et
de réduction des risques psychosociaux », J.M. Faucheux, Chargé
de mission Aract Martinique, D. Laport, Directrice Aract
Martinique et Déléguée régionale Anact
« Un modèle d’analyse du risque psychosocial dans le secteur
sanitaire et social », A.M. Gautier, Ergonome, Sociologue, DDC,
F. Martini, Psychosociologue, CATEIS
n Les Cahiers des fps, n°5, décembre 2006
n Les Cahiers des rps, n°16, décembre 2010
• « Une étude sur le stress dans le secteur de la métallurgie », Dr B.
•«
•
n Les Cahiers des rps, n°17, juin 2011
• « Action collective dans le secteur médico-social : conditions de
réussite, points de vigilance et enjeux », L. Courtin, Conseillère
technique Droit social/ RH URIOPS Languedoc Roussillon
n Les Cahiers des fps, n°6, mars 2007
n Les Cahiers des rps, n°19, juin 2012
• Etude-action sur l’intervention des médecins du travail au sein
des TPE dans le cadre de la prévention des facteurs
psychosociaux », E. Montreuil, Sociologue du travail
•«
Du syndrome au modèle France Télécom. La structuration
d’une démarche globale de prévention primaire autour de
l’activité de travail », C. Carmignani, Responsable Organisation
du travail et Prévention des risques psychosociaux, France
Télécom-Orange
n Les Cahiers des fps, n°7, août 2007
•«
Les facteurs psychosociaux, l’évaluation des risques, la fiche
d’entreprise et le service de santé au travail », Dr Magallon,
Service interentreprises des Hautes-Alpes
n Les Cahiers des rps, n°20, novembre 2012
n Les Cahiers des fps, n°8, décembre 2007
•
•
•
• « Présentation de l’outil INRS « Faire le point », l’intégration des
RPS au Document Unique d’Evaluation des Risques
professionnels », Les Cahiers des rps
« Réaliser une cartographie des risques psychosociaux », E.
Montreuil, Sociologue du travail
« Evaluation du vécu du travail des salariés – GEST 05 », Les
Cahiers des fps
Nature des actions à mettre en oeuvre », Présentation EDFDPIH, Groupe de confiance
n Les Cahiers des rps, n°22, décembre 2013
•«
Retour d’expérience d’une approche de diagnostic, puis de
prévention des contraintes psychologiques et organisationnelles
et musculo-squelettiques en unité de soins (ORSOSA) », A.
Askri et J. Pavillet, Psychologues du travail, CHU de Grenoble,
V. Josselin, Ergonome, CHU de Grenoble, S. Caroly,
Enseignant-Chercheur, Maître de conférences en ergonomie,
université de Grenoble, R. De Gaudemaris, Professeur de
médecine et santé au travail, CHU de Grenoble
n Les Cahiers des fps, n°9, avril 2008
•«
•
•
Une intervention dans un théâtre : aborder les risques
psychosociaux à partir d’une approche clinique de l’activité », C.
Briec, Ergonome doctorante en psychologie du travail clinique
de l’activité, CRTD CNAM, Paris, Y. Clot, Chaire de
psychologie du travail, CNAM, Paris, Directeur du CRTD
« Dépister les risques psychosociaux : présentation d’un guide
d’indicateurs édité par l’Institut National de Recherche et de
Sécurité (INRS) », V. Langevin, INRS
« Les RPS : comment faire ? », A.M. Gautier, Cabinet DDC,
membre régional des facteurs psychosociaux
N°24 - Décembre 2014
Le dispositif SOLUPSY », P. Lemaire, Service Prévention
Hygiène et Sécurité, Union Patronale du Var
Une lecture du Guide « Prévention des risques psychosociaux : et
si vous faisiez appel à un consultant ? », Les Cahiers des rps
n Les Cahiers des rps, n°23, juin 2014
• « Méthode d’analyse et d’évaluation des risques psychosociaux
•
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basée sur le « retour d’expérience » », Dr H. Hadj-Mabrouk,
Chercheur à IFSTTAR, B. Harguem, Assistante en Sciences de
gestion, université de Kairouan, Tunisie
« Evaluer les impacts humains du changement. Cas
d’entreprise », Aract Ile-de-France
Les cahiers des rps
•
Lanusse-Cazalé, en collaboration avec le Dr Y.Note et les
médecins du service interentreprises de Santé au Travail Expertis
« Critères actuellement retenus dans la recherche pour établir un
diagnostic de harcèlement moral au travail », C. Bonafons,
Conseiller en entreprise sur les problèmes de harcèlement moral,
L. Jehel, Médecin psychiatre, Hôpital Teunon, Paris, A. CorolierBequet, Avocat spécialisé en droit des affaires, Quimper
Revue
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etc.), ainsi que leur fonction au poste
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3 Numéroter et intituler les tableaux et figures
n
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4 Le texte doit faire 4 à 6 pages,
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en police Times new roman, taille de police 12, interligne simple.
Il doit être fourni au format Word
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Les sources de provenance des tableaux, graphiques, schémas ou questionnaires utilisés doivent être clairement mentionnées dans
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