Applications lin´eaires
Nous avons vu plusieurs fois au cours de cette ann´ee l’argument de lin´earit´e : mais o`u exactement ?
lin´earit´e de la somme Σ
lin´earit´e de la d´erivation
lin´earit´e de l’int´egrale R
lin´earit´e de l’esp´erance E
En fait, derri`ere ce mot, se cache une et une seule notion ... d´efinie ci-dessous !
1 G´en´eralit´es
Soient Eet Fdeux Kespaces vectoriels.
1.1 D´efinition
D´
efinition
On dit qu’une application f:EFest lin´eaire si
1. (~x, ~y)E2,f(~x +~y) = f(~x) + f(~y).
2. ~x E, λK,f(λ~x) = λf(~x).
Autrement dit, fdoit pr´eserver la structure d’espace vectoriel.
Vocabulaire et Notations :
L’ensemble des applications lin´eaires de Edans Fest not´e L(E, F ).
Par ailleurs, on appelle :
endomorphisme de E, toute application lin´eaire de Edans E(cas particulier F=E).
On note L(E) au lieu de L(E, E) l’ensemble des endormorphismes de E.
forme lin´eaire sur E, toute application lin´eaire de Edans K(=Rou C).
isomorphisme de Esur Ftoute application lin´eaire bijective de Edans F.
automorphisme de E, tout endomorphisme bijectif de E.
L’ensemble des automorphismes de Eest not´e GL(E).
Exemples particuliers
L’application lin´eaire nulle not´ee 0L(E,F ):EF
~x 7→ ~
0F.
– L’endomorphisme identit´e IdE:EE, est lin´eaire et bijective, donc est un automorphisme de E.
~x 7→ ~x
Proposition Crit`ere pratique
Soit une application f:EF. Alors
fest lin´eaire ssi (~x, ~y)E2,λK,f(λ~x +~y) = λf (~x) + f(~y)
Exemples :
1. Soit f:R3Rfest une forme lin´eaire sur R3.
(x1, x2, x3)7→ −x1+ 2x2+ 5x3.
En effet, soit ~x = (x1, x2, x3)R3et ~y = (y1, y2, y3)R3. Alors ~x +~y = (x1+y1, x2+y2, x3+y3) et
f(~x +~y) = (x1+y1) + 2(x2+y2) + 5(x3+y3) = x1+ 2x2+ 5x3y1+ 2y2+ 5y3=f(~x) + f(~y). De mˆeme
si λR,λ~x = (λx1, λx2, λx3) d’o`u f(λ~x) = (λx1) + 2(λx2) + 5(λx3) = λ[x1+ 2x2+ 5x3] = λf(~x).
2. Soit S:KnK. Alors Sest une forme lin´eaire sur K.
(x1, ..., xn)7→
n
P
k=1
xk.
3. Soit D:R[X]R[X]. Alors Dest un endomorphisme de R[X].
P7→ P0
1
4. soit C([0,1]) l’ensemble des fonctions continues sur [0,1] `a valeurs r´eelles.
Alors I:C([0,1]) Rest une forme lin´eaire sur C([0,1]).
f7→ R1
0f(t)dt
Propri´et´es fondamentales des applications lin´eaires :
Proposition
Soit f:EFune application lin´eaire. Alors
1. f(~
0E) = ~
0F.
2. ~x E,f(~x) = f(~x), et (~x, ~y)E2,f(~x ~y) = f(~x)f(~y).
3. Plus g´en´eralement, l’image d’une combinaison lin´eaire de vecteurs de l’espace de d´epart est la combinaison
lin´eaire des images de ces vecteurs :
(λ1, . . . , λn)Kn,(~x1, . . . , ~xn)En,f(λ1~x1+λ2~x2+· · · +λn~xn) = λ1f(~x1) + λ2f(~x2) + · · · +λnf(~xn).
emonstration
1. En effet, ~
0E=~
0E+~
0Edonc f(~
0E) = f(~
0E+~
0E) = f(~
0E) + f(~
0E) = 2 f(~
0E).
Donc f(~
0E)=2f(~
0E) soit f(~
0E) = ~
0F.
2. c’est le cas particulier λ=1.
3. par r´ecurrence sur n.
1.2 Op´erations sur les applications lin´eaires
Proposition
Soit f,gL(E, F ) et λK. Alors f+gL(E, F ), et λf L(E, F ).
Autrement dit, L(E, F ) est un sous-espace vectoriel de FE(ensemble des applications de Edans F) donc est
un espace vectoriel.
Proposition Compos´ee
Soit E,Fet Gtrois Kev, et soit fL(E, F ) et gL(F, G).
Alors gfL(E, G).
Si de plus, fet gsont des isomorphismes sur leurs ensembles respectifs, alors gfest un isomorphisme de E
sur G.
En particulier, la compos´ee de deux automorphismes de Eest un automorphisme de E.
Proposition
La bijection r´eciproque d’un isomorphisme de Evers Fest un isomorphisme de Fvers E.
Quelques r`egles de calcul
Soit f, g, h L(E) Alors
(f+g)h=fh+ghet f(g+h) = fg+fh.
Si de plus λK,f(λg) = λf g.
emonstration
La premi`ere propri´et´e est vraie, mˆeme si f,get hne sont pas lin´eaires. En effet, pour tout xE,
(f+g)h(x)=(f+g)(h(x)) = f(h(x)) + g(h(x)) = fh(x) + gh(x).
En revanche, les deux propri´et´es suivantes demandent la lin´earit´e de f:
xE,f(g+h)(x) = f(g(x) + h(x)) = f(g(x)) + f(h(x)) [par lin´earit´e de f] = fg(x) + fh(x).
Et si λR,f(λg)(x) = f(λg(x)) = λf(g(x)) [par lin´earit´e de f] = λf g(x).
D´
efinition Puissance d’un endomorphisme
Soit fL(E), alors par convention, on pose f0=idE,
et pour tout nN, on d´efinit l’endomorphisme fnde Epar fn=ff · · · f
| {z }
nfois
.
2
Remarque c’est la proposition sur la compos´ee pr´ec´edente qui garantit que fnainsi d´efini, est un endormor-
phisme de E.
R`egles de calcul
(n, p)N2,fnfp=fn+p=fpfnet (fn)p=fnp = (fp)n.
Attention, en g´en´eral, (gf)n6=gnfn!
En revanche, si fet gcommutent, c`ad si gf=fg, alors cette propri´et´e est vraie ainsi que la formule du
binˆome version endomorphisme : pour tout nN, (f+g)n=
n
P
k=0n
kfkgnk.
Remarque
La composition fgdans L(E) ob´eit aux mˆemes r`egles de calcul que le produit matriciel AB dans Mn(R).
D´
efinition Polyn^ome d’endomorphisme
Soit P=
n
P
k=0
akXkK[X] et fL(E).
On d´efinit l’endomorphisme P(f)L(E) par P(f) =
n
P
k=0
akfk=a0idE+a1f+a2ff+... +anfn.
Pest un polynˆome annulateur de fsi P(f)=0L(E).
2 Etude des applications lin´eaires
2.1 Noyau
Soit fune application lin´eaire de Edans F.
D´
efinition
Le noyau de fL(E, F ), not´e Ker(f), est l’ensemble des anec´edents de ~
0 par f:
Ker (f)={~x E/ f(~x) = ~
0F}
Remarque : Comme fest lin´eaire on sait que f(~
0E) = ~
0Fdonc ~
0EKer(f) et Ker(f)6=.
Th´eor`eme
Ker(f) est un sous-espace vectoriel de E.
emonstration On sait d´ej`a que Ker(f)Eest non vide.
Soient (~x, ~y)Ker(f) et λR: donc f(~x) = ~
0 = f(~y).
Montrons que λ~x +~y Ker(f) c’est-`a-dire montrons que f(λ~x +~y) = ~
0.
Or f(λ~x +~y) = λf (~x) + f(~y) (par lin´earit´e de f) = λ~
0 + ~
0 = ~
0
Exemple 1 :
Soit la forme lin´eaire pr´ec´edente : f:R3Rd´efinie par f(x1, x2, x3) = x1+2x2+5x3. Alors le noyau de fest :
Ker(f) = {(x1, x2, x3)R3/x1+2x2+5x3= 0}={(2x2+5x3, x2, x3),(x2, x3)R2}=V ect((5,0,1),(2,1,0)).
Exemple 2 : D´eterminer le noyau de l’endomorphisme Dde RR[X] d´efini par D:P7→ P0.
2.2 Image
D´
efinition (Rappel)
L’image de fnot´e Im(f) est l’ensemble des images par fdes vecteurs de E:
Im(f) = f(E) = {f(~x), ~x E}={~y F/ ~x Etel que f(~x) = ~y}.
Remarque : Comme f(~
0E) = ~
0Fon a ~
0FIm(f) et Im(f)6=.
Th´eor`eme
Im(f) est un sous-espace vectoriel de F.
3
emonstration
On sait d´ej`a Im(f)Fet Im(f)6=.
Soient (~x, ~y)Im(f)2, et montrons que ~x +~y Im(f).
~x Im(f)⇒ ∃~a E/ f(~a) = ~x. De mˆeme, ~
bE/ f(~
b) = ~y.
Montrons alors que ~a +~
best un anec´edent de ~x +~y par f:f(~a +~
b) = f(~a) + f(~
b) = ~x +~y. Donc ~x +~y Im(f).
Soit maintenant λR, et montrons que λ~x Im(f) : or f(λ~a) = λf(~a) = λ~x donc on a bien trouv´e un
anec´edent de λ~x et λ~x Im(f).
Exemple :
Reprenons la forme lin´eaire d´efinie sur R3par f(x1, x2, x3) = x1+ 2x2+ 5x3.
On sait d´ej`a par d´efinition que Im(f)F=R. Montrons ici que Im(f) = R.
Soit yR, on cherche ~x = (x1, x2, x3)R3tel que f(~x) = y. Mais f(~x) = y⇔ −x1+ 2x2+ 5x3=y
donc le triplet (y, 0,0) convient.
Conclusion : Im(f) = R.
Exemple : Soit l’endomorphisme f:R3R3D´eterminons son image Im(f)R3.
(x, y, z)7→ (xy, y z, z x)
(a, b, c)Im(f)⇔ ∃ (x, y, z)R3/(a, b, c) = f(x, y, z) = (xy, y z, z x).
le syst`eme S=
xy=a
yz=b
x+z=c
est compatible.
or S
xy=a
yz=b
y+z=c+a L3L3+L1
xy=a
yz=b
0 = c+a+b L3L3+L2
.
Donc le syst`eme Sest compatible ssi a+b+c= 0 donc Im(f) = {(a, b, c)R3/ a +b+c= 0}.
Im(f) est le plan vectoriel engendr´e par (1,0,1) et (1,1,0).
Exercice : Soit fL(E, F ) et gL(F, G). Montrer que gf= 0 Im(f)Ker(g).
Remarquer que gf= 0 ne donne pas n´ecessairement f= 0 ou g= 0.
Contreex avec fL(R2) d´efinie par f(x, y)=(x, x) et gL(R2,R) d´efinie par g(x, y) = xy.
2.3 Isomorphismes
Th´eor`eme
Soit fL(E, F ). Alors
1. fest injective sur EKer(f) = {~
0}
2. fest surjective de Esur FIm(f) = F
emonstration
1. ”” : supposons que fest injective et montrons que Ker(f) = {~
0}. On sait d´ej`a ~
0Ker(f) ; montrons que
~
0 est le seul ´el´ement. Soit ~x Ker(f). Alors f(~x) = ~
0. D’autre part, on sait f(~
0) = ~
0. D’o`u f(~x) = f(~
0) et
comme fest injective on obtient ~x =~
0.
” : Supposons que Ker(f)={~
0}, et montrons que fest injective.
Soient (~x, ~y)E2tels que f(~x) = f(~y). Montrons que ~x =~y.
Mais f(~x) = f(~y)f(~x)f(~y) = ~
0f(~x ~y) = ~
0(~x ~y)Ker(f) = {~
0} ⇔ ~x ~y =~
0~x =~y.
et fest injective.
2. Cette ´equivalence n’est rien d’autre que la d´efinition de la surjectivit´e !
Exemple : Soit A=1 1
2 1et fl’endomorphisme de M2(R) d´efini par : M7→ AM.
V´erifier que Aest inversible puis montrer que fest injectif.
4
3 Applications lin´eaires et bases
Dans toute cette section, on suppose que Eadmet une base finie, que l’on notera (~e1, ~e2, ..., ~en).
3.1 D´etermination d’une application lin´eaire par l’image d’une base
Th´eor`eme
Soit Eun Kev admettant une base finie ( ~e1, ~e2, ..., ~en) et soit ~
f1, ..., ~
fnnvecteurs fix´es quelconques de F.
Alors, il existe une unique application lin´eaire f:EF, telle que k[[0, n]], f(~ek) = ~
fk.
C’est l’application fqui `a tout ~x =x1~e1+... +xn~enassocie f(~x) = x1~
f1+... +xn~
fn.
emonstration
Analyse : si une telle application existe, alors par lin´earit´e elle doit ˆetre d´efinie comme ci-dessus.
En effet, pour tout ~x =x1~e1+... +xn~enE,f(~x) = x1f(~e1) + ... +xnf(~en) = x1~
f1+... +xn~
fn.
Donc il en existe au plus une.
Synth`ese : il reste `a v´erifier que cette application convient bien.
Remarques :
1. pour d´efinir une application lin´eaire fL(E, F ) il suffit de donner les nimages : f(~e1), f(~e2), ..., f(~en).
2. pour montrer que deux applications lin´eaires fet gde Evers Fsont ´egales, il suffit de v´erifier qu’elles
co¨ıncident sur les vecteurs de la base cad : i[[1, n]], f(~ei) = g(~ei).
Exemples :
1. d´eterminer l’unique application lin´eaire fde R2dans R3telle que f((1,0)) = (1,0,1) et f((0,1)) = (1,1,2).
2. d´eterminer l’unique application lin´eaire f:R2[X]R3telle que f(1) = (1,1,1), f(X) = (1,0,1) et
f(X2)=(1,0,2).
3.2 Caract´erisation de l’image
Proposition
Soit Eun Kespace vectoriel admettant une base finie (~e1, ..., ~en).
Alors Im(f) = V ect(f(~e1), ..., f(~en)) .
emonstration
Montrons la double inclusion :
1. Montrons que Im(f)V ect(f(~e1), ..., f(~en)). Rappel : V ect(~u1, ..., ~un) = {λ1~u1+...+λn~un, λ1, ...λnK})
Soit ~y Im(f). Alors ~x Etel que f(~x) = ~y.
Or (~e1, ..., ~en) est une base de E, donc ~x E⇒ ∃(λ1, ..., λn)Kn|~x =λ1~e1+... +λn~en. Et par lin´earit´e,
~y =f(~x) = f(λ1~e1+... +λn~en) = λ1f(~e1) + ... +λnf(~en)V ect((f(~e1), ..., f(~en)).
2. Montrons que V ect(f(~e1), ..., f(~en)) Im(f).
R´edaction 1 :
Im(f) est un sev de Fqui contient les vecteurs f(e1), ...,f(en) (sont des images !) donc contient V ect(f(~e1), ..., f(~en)))
(plus petit sev contenant ces vecteurs). D’o`u V ect(f(~e1), ..., f(~en)) Im(f).
Ou r´edaction 2 : dans l’esprit de l’autre inclusion ...
soit ~y V ect(f(~e1), ..., f(~en)). Alors il existe (λ1, ..., λn)Kntels que ~y =λ1f(~e1) + ... +λnf(~en) et par
lin´earit´e, on obtient ~y =f(λ1~e1+... +λn~en)Im(f).)
Exemple : Soit f:R2R3d´efinie par f((x, y)) = (x+y, y, x + 2y). Donner une base de l’image.
Im(f) = V ect(f(1,0)), f (0,1)) = V ect((1,0,1),(1,1,2)). Or ces deux vecteurs sont libres (car non colin´eaires),
donc ils forment une base de Im(f).
crit`ere tr`es pratique lorsque fest d´efinie via l’image d’une base, ou lorsque fest surjective ...
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