Octobre 2016, volume 28, numéro 1 Spécial 50e anniversaire Octobre le mois international des TA MESSAGE DU MINISTRE Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport Ministre de la Famille Le 50e anniversaire de l’Institut des troubles d’apprentissage (Institut TA) signifie un demi-siècle passé à développer savoir-faire et engagement. Voilà qui en fait un partenaire incontournable de la réussite éducative des jeunes aux prises avec des difficultés. Quels que soient ses besoins et ses capacités, chaque enfant mérite qu’on le place au cœur de nos préoccupations, qu’on l’accompagne pour qu’il s’épanouisse et progresse. Et l’importance de cet engagement, votre association l’a bien comprise. Pour améliorer les perspectives d’avenir des personnes ayant des troubles d’apprentissage, votre organisme travaille à créer une synergie positive et à déployer des efforts qui rejoignent ceux des acteurs du milieu de l’éducation ainsi que ceux de mon gouvernement. Ensemble, nous mettons tout en œuvre pour pallier les retards et les difficultés qui risquent d’entraver le parcours scolaire des élèves du Québec. En partageant nos savoirs, nous permettons à davantage de jeunes d’acquérir une formation dont ils pourront être fiers et qui leur permettra de jouer un rôle significatif dans l’essor de notre société. En terminant, j’aimerais réitérer toute la gratitude que j’éprouve envers l’Institut TA, qui constitue un modèle dont nous pouvons certes nous inspirer. En favorisant l’intégration des personnes aux prises avec un trouble d’apprentissage dans tous les réseaux scolaires, professionnels et sociaux du Québec, il assure un soutien aux parents et aux intervenants pour leur permettre de poser les bons gestes auprès de ces personnes en vue de les aider à réaliser leur potentiel et ainsi accéder à la diplomation. Je vous remercie d’assumer pleinement ce rôle et de contribuer à accompagner les élèves en difficulté sur la voie de la confiance en soi, du goût d’apprendre et de la réussite. Vous êtes un allié précieux de notre système d’éducation. SÉBASTIEN PROULX Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport Ministre de la Famille Note de la rédaction : L’AQETA siège sur le Groupe de concertation en adaptation scolaire (GCAS) du Ministère de l’Éducation depuis 1998 et l’Institut TA poursuit son implication avec le même enthousiasme. 2 Message de la direction et de la présidence de l’Institut TA Lucille Doiron, administratrice déléguée Roger Casgrain, président du conseil d’administration L’équipe renouvelée de l’Institut des troubles d’apprentissage (anciennement AQETA) est à pied d’œuvre pour finaliser l’organisation de la soirée-bénéfice du 2 novembre, du 4e colloque pour les parents le 5 novembre, de même que la rédaction finale du programme du congrès 2017 qui aura lieu du 22 au 24 mars prochains. Toute cette effervescence dans l’organisation de ces activités nous garde bien alertes pour souligner aujourd’hui l’importance des 50 ans de cette association de parents, née en 1966 sous le nom d’« Association québécoise pour les enfants ayant des troubles d’apprentissage » et nommée plus tard « Association québécoise des troubles d’apprentissage ». Nous nous joignons donc à ces fougueux batailleurs et aux collaborateurs de ce numéro spécial afin de souligner tout le travail exceptionnel qui s’est fait au fil de ces 50 années ainsi que l’extraordinaire chemin parcouru par des parents depuis cette toute première « rencontre de cuisine ». Mais la route demeure sinueuse et encore extrêmement difficile pour obtenir des services adéquats. De plus, ce 50e anniversaire nous force à nous rappeler tout l’acharnement héroïque dont ont fait preuve ces parents pour obtenir un peu d’aide. Nous dédions ce numéro spécial à tous ceux et celles qui ont foi dans le potentiel de ces enfants et adultes qui vivent avec un trouble d’apprentissage et qui méritent tout autant leur place au soleil. 3 SOMMAIRE Coordonnatrice de la publication : Christine Couston Administrateurs M. Roger Casgrain, président M. Sébastien Côté, vice-président Mme Stéphanie Leblanc, trésorière M. Philippe Labelle, secrétaire M. Pierre Ladouceur M. Michel Leblanc M. Jean-Pierre Léger M. Alain Simard M. Mario Asselin M. François Labrie L’équipe Lucille Doiron, administratrice déléguée Aublet, Guy, directeur scientifique du congrès Couston, Christine, coordonnatrice au développement des services Desport, Jérémie, chargé de projets Desrochers,Alain, directeur scientifique du congrès Dunn, Benjamin, responsable des ressources financières Fauteux, Madeleine, personneressource Janvier, Danna, adjointe administrative Leblanc, Lyne, coordonnatrice des sections régionales Parenteau, Annie, personne-ressource Raymond, Odette, personne-ressource L’Institut des troubles d’apprentissage 740 rue Saint-Maurice, bureau 502 Montréal, Québec, H3C 1L5 Téléphone : 514-847-1324, 1-877-847-1324 [email protected] www.institutta.com Édition spéciale - 50e anniversaire 1966-2016 Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISSN 0834-1203 Dans la revue, le masculine est utilisé sans aucune discrimination et dans le but d’alléger le texte. Les opinions émises dans la revue n’engagent que les auteurs. La reproduction du présent document est autorisée à condition d’en mentionner la source et de ne pas l’utiliser à des fins commerciales. Merci d’en aviser l’Institut et d’en faire parvenir un exemplaire. 2 Message du Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport et Ministre de la Famille Sébastien Proulx 3 Message de la direction et de la présidence Lucille Doiron et Roger Casgrain 25 Quand le passé est garant de l’avenir ! Mario Godin, RNETSA 27 Un demi-siècle au service des élèves en difficulté Nathalie Bisaillon et Michel Lyons 29 Le potential silencieux… dont l’en5 De l’enfance inadaptée à l’adaptation seignante et l’enseignant doivent quoscolaire, 50 ans de développement tidiennement soutenir l’éclosion Michelle Comeau Jacques Tardif 9 L’AQETA : un demi-siècle de contribution à la réussite et à la persévérance des jeunes en difficuté Égide Royer 10 Une collaboration de longue date en faveur des droits des personnes ayant un trouble d’apprentissage Johanne Magloire, CDPDJ 11 Pour que les personnes vivant un trouble d’apprentissage aient aussi un avenir ! Laurent Matte, OCCOQ 12 Message du président de l’OOAQ Paul-André Gallant 30 Les neurosciences éducationnelles et les TA : faut-il s’intéresser au cerveau pour mieux intervenir ? Julien Mercier, Mélanie Bédard et Line Laplante 34 Un peu d’histoire… sur la dyslexie Brigitte Stanké 35 Le congrès de l’Institut des troubles d’apprentissage : un incontournable Michelle Comeau 37 Les aides technologiques d’hier à aujourd’hui, mais surtout vers demain Madeleine Fauteux et Jean Chouinard 14 L’Institut des troubles d’apprentissage, un acteur incontournable Alain Bibeau, OEQ 39 Pour tous les jeunes ayant un TDA/H, afin que l’avenir ne leur échappe pas Dre Christiane Laberge 15 L’Institut des troubles d’apprentissage : Un phare en éducation Isabelle Gadbois, L’ADOQ 41 La psychoéducation : un bref survol d’un profession Sylvie Moisan 17 Quand les difficultés scolaires mènent à la démotivation et au désengagement Roch Chouinard 45 Le syndrome de Gilles de la Tourette et ses troubles associés Martine Landry 19 Trouble d’apprentissage et estime de soi Germain Duclos 21 L’indispensable dépistage précoce ! Caroline Girard 47 Ligne du temps—TDAH, une évolution remarquable Dre Suzanne Pelletier 48 Bref historique de l’AQETA, depuis 2014, l’Institut TA 22 Institut des troubles d’apprentissage en éducation postsecondaire : plus de 35 ans de partenariat, de reconnaissance et d’intervention dans une approche collaborative et fédérée Odette Raymond 4 De l'enfance inadaptée à l'adaptation scolaire, 50 ans de développement Michelle Comeau, Ph. D. Les anniversaires constituent des évènements rêvés pour susciter la réflexion. En effet, avoir 30, 50 ou 70 ans fait réfléchir sur le chemin parcouru, sur l'avenir et, en même temps, sur sa propre identité. Il en est de même pour les institutions. Le 50e anniversaire de l'Institut des troubles d'apprentissage devient donc une occasion unique pour faire, à la fois, un bilan du passé et une projection vers l'avenir. C'est à un groupe de parents que l'on doit, en 1966, la fondation d'un regroupement qui deviendra l'Association québécoise des troubles d'apprentissage, Learning Disabilities Association of Quebec (AQETA-LDAQ). Ces parents fondateurs ont vu très tôt la nécessité de se regrouper afin d'aller chercher les ressources nécessaires à l'apprentissage chez leurs enfants présentant des troubles et des difficultés d'apprentissage. Il faut bien l'avouer, en 1966, ces ressources étaient peu nombreuses... D'ailleurs, cet état de choses les conduira à la création, dix ans plus tard, d'un évènement qui est maintenant devenu un incontournable du domaine : le congrès. Ces parents ainsi que plusieurs intervenants (enseignants, médecins, etc.) avaient vu très tôt l'importance de réunir les connaissances afin de leur permettre de se mobiliser, non seulement pour partager et développer ces connaissances mais également pour obtenir des services adaptés aux élèves ayant des troubles d'apprentissage. Comment l’AQETA, aujourd'hui l'Institut des troubles d'apprentissage (ITA), s'est-elle développée ? On peut dire que son cheminement a certainement suivi celui du développement du système éducatif du Québec. C'est donc en faisant un retour sur le développement des modèles de services et des interventions auprès des élèves ayant des troubles et des difficultés d'apprentissage qu'on comprendra mieux l'évolution qu'a connue l'AQETA et qui sera sans doute poursuivie par l'Institut des troubles d'apprentissage. AVANT 1960 Avant la parution du rapport Parent et la création du ministère de l'Éducation, l'éducation des enfants est confiée aux communautés religieuses, et le seul modèle de service qui est offert aux élèves « dépourvus de talent », comme on les appelait alors, est le redoublement. L'élève doit refaire son année échouée, en espérant qu'il comprenne enfin... À la lumière des connaissances actuelles sur l'inefficacité du redoublement, on comprendra pourquoi très peu de ces élèves ont obtenu leur certificat de 7e année : le primaire étant alors sanctionné par l'obtention d'un diplôme. Ceux-ci finissent par quitter l'école, qui n'est pas obligatoire, pour aider leurs parents. Il faut dire qu'à cette époque, il n'y a pas que ces élèves qui quittent l'école prématurément, mais aussi un grand nombre d’enfants, « plus talentueux », qui doivent seconder leurs parents. 5 La formation des maîtres est à peu près inexistante et, pourtant, malgré beaucoup d'embûches, il faut reconnaître le travail accompli par les religieux et les religieuses, les enseignantes et les enseignants laïcs. Ils ont aidé un bon nombre d'élèves en difficulté d'apprentissage tout en luttant contre un préjugé tenace, à savoir que l'éducation est un privilège réservé aux mieux nantis. LA COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR L'ÉDUCATION (RAPPORT PARENT) ET SES RÉPERCUSSIONS En 1960, le gouvernement nouvellement élu constate que l'éducation au Québec accuse un très grand retard par rapport aux autres sociétés occidentales. Avec la création d'un ministère de l'Éducation, il instaure une commission royale d'enquête sur l'éducation (1), qui reçoit le mandat de brosser un tableau de la situation et de formuler les recommandations qui s'imposent. Cette commission, sous la présidence de Mgr Parent, dépose la première partie de son rapport en 1963, puis la deuxième, l'année suivante. Un chapitre complet y est consacré à l'enfance exceptionnelle. Il est à noter ici que le terme « enfance exceptionnelle », utilisé dans le rapport, est celui alors en vigueur et désigne toutes les catégories de personnes présentant un déficit ou un problème. C'est la traduction littérale du terme « exceptional children ». Les recommandations de ce rapport s'adressent au gouvernement, aux commissions scolaires ainsi qu'aux universités. En voici quelques-unes : « que le ministère de l'Éducation ait une autorité pédagogique sur l'éducation de tous les enfants exceptionnels »; « qu'on assure à tout enfant handicapé possédant une intelligence normale ou supérieure une éducation complète, de même niveau que celle qu'on offre aux autres élèves, mais tenant compte du handicap dont souffre cet enfant »; que les commissions scolaires soient tenues « d'assurer le dépistage des enfants exceptionnels, de faciliter le traitement clinique de ceux qui en ont besoin, de favoriser le placement de ceux qui ont terminé leurs études ainsi que leur adaptation initiale au travail ». Les réponses à ces recommandations ne se font pas attendre. L'éducation étant devenue obligatoire, on assiste à l'arrivée massive à l’école de toutes les catégories d'élèves présentant un handicap ou des difficultés scolaires. Les commissions scolaires répondent à l'obligation d'offrir des services en créant des écoles et des classes spécialisées. Dans la même foulée, les universités, incitées par le ministère de l'Éducation, répondent à la demande qui leur est faite : celle de créer des programmes de formation à l'intention des enseignants et enseignantes qui assureront les services à ces élèves. On peut constater ici que, tout en créant de nouvelles classes ou écoles, on crée également une nouvelle catégorie d'enseignants. Par extension, on assiste au développement de deux systèmes parallèles : un pour les élèves ordinaires et un autre pour ceux qui présentent des difficultés. Pour l'AQETA, c'est le moment de sa création, le moment où les parents fondateurs s'unissent pour faire reconnaître, tel que recommandé par le rapport Parent, le droit « pour tout enfant handicapé d'intelligence normale ou supérieure à une éducation de même niveau, mais en tenant compte du handicap dont souffre cet enfant ». C'est l'âge d'or des écoles spécialisées, des classes spéciales, de l'exclusion de la classe ordinaire pour beaucoup d'élèves en difficulté. 6 À un tel point que le Ministère commence à s'inquiéter. En effet, depuis 1970 on enregistre annuellement une diminution de la population étudiante en même temps qu'une augmentation des élèves en difficulté, surtout ceux qui présentent des difficultés d'apprentissage scolaire et/ou de comportement. En 1974, un comité provincial de l'enfance inadaptée (COPEX) est constitué en vertu du décret tenant lieu de convention collective entre les enseignants, les commissions scolaire et le ministère de l'Éducation. Les constats du rapport publié en 1976 (2) sont éloquents. D'abord, le rapport constate que les objectifs poursuivis par l'éducation régulière et par l'éducation spécialisée se ressemblent beaucoup. En effet, le respect de l'individualité, le développement optimal ainsi que l'épanouissement de la personnalité de l'enfant demeurent une constante propre à chaque individu. De plus, ce rapport place l'élève au centre de son éducation et met en évidence que, s'il a des faiblesses, il a aussi des forces dont le milieu éducatif doit tenir compte. Copex se positionne franchement du côté de l'intégration en réitérant le droit à l'enfant en difficulté d'être scolarisé dans le milieu le plus normal possible qui est la classe ordinaire. Pourquoi l'intégration? Partout dans le monde occidental (UNESCO, USA), on devient conscient du fait que, si on veut que les élèves deviennent des citoyens à part entière dans la société, cela doit se concrétiser à l'école d'abord. C'est la signification première du « mainstreaming » américain. Les répercussions de ce rapport seront profondes et nombreuses. On assiste en premier à un changement d'appellation, passant de « l'enfance inadaptée » à « l'adaptation sco- 7 laire », soulignant bien ainsi que l'adaptation à l'école n'est pas que la responsabilité de l'élève, mais également celle du milieu qui le reçoit. La conception que l'on se fait de l'élève en difficulté se modifie également. On passe d'une conception clinique, où l'élève est considéré comme un « malade » à qui l'on va administrer un « traitement », à une conception plus globale, où il est considéré comme un membre à part entière de la société dans laquelle il évolue. Ces changements amèneront des modifications sur les plans du dépistage, de l'évaluation et des services aux élèves en trouble ou en difficulté d'apprentissage. L'adoption du système en cascades déterminant le lieu où l'élève reçoit les services requis et surtout l'instauration du Plan d'Intervention sont deux mesures qui contribueront à changer non seulement les modalités d'apprentissage mais aussi les perceptions et les mentalités. Ce dernier, nouveauté à l'époque, mais obligatoire aujourd'hui, place l'élève au centre de ses apprentissages avec le concours des parents, des enseignants, de la direction d'école et de tous les intervenants concernés. L'élève n'est donc plus seul, il demeure toujours un membre dynamique et à part entière certes, mais avec la participation de tous ceux qui contribuent à son développement et au succès de ses apprentissages. On assiste en même temps à un changement, un glissement de l'utilisation du terme « élève ». Ainsi, à partir des années 90 et surtout après 2000, on parle des « personnes » ayant des troubles d'apprentissage, faisant ainsi référence au fait que ces troubles ne sont plus une « maladie d'enfant », mais un état qui se poursuit à l'adolescence ainsi qu'à l'âge adulte. Depuis sa création, l'AQETA a stimulé, encouragé le développement des connaissances et des services aux personnes ayant des troubles d'apprentissage, elle a pris position afin de faire tomber les barrières de l'incompréhension ou de l'indifférence. Elle a suivi les progrès de la société en même temps qu'elle a les provoqués. Que réserve l'avenir ? Nul doute que le nouvel Institut des troubles d'apprentissage poursuivra cette mission ! Toutefois malgré les embûches qui se présenteront, il ne faudra jamais perdre de vue la réalité des enfants, des adolescents et des adultes qui vivent avec un trouble d'apprentissage et qui ont besoin de toutes les forces du milieu pour être des citoyens à part entière. Les portes-parole de l’AQETA et de l’Institut TA Patrick Roy 1980-1984 Martin Lajeunesse 1994-2006 Enrico Ciccone 2006-2010 1. La Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec (Rapport Parent), Québec, 1963-64. 2. Éducation de l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage au Québec, (Rapport COPEX), 1976. RECONNAISSANCE La direction générale au fil des ans 1976 Joan Dougherty 1977 Karin David 1979 Thérèse Demers 1982-1984 Thérèse Costopoulos 1985 Francine Provost 1986-87 Gladys Provençal 1988-2005 Denise D. Marquez 2006-2009 Monique Chemarin 2010-2015 Lise Bibaud 2016 Lucille Doiron (adm. déléguée) Philippe Bond 2010-2011 Francis Reddy 2012 à ce jour 8 L’AQETA : un demi-siècle de contribution à la réussite et à la persévérance des jeunes en difficulté Égide Royer, Ph. D. Psychologue, professeur associé, Université Laval S’il est une chose certaine que les 50 dernières années nous ont appris en éducation c’est que l’enseignement, même très bien fait, n’est pas suffisant pour au moins 15 % de nos jeunes. Je parle ici de ceux qui présentent des besoins particuliers. La majorité d’entre eux éprouvent des difficultés ou des troubles d’apprentissage et plusieurs manifestent des problèmes d’adaptation et de comportement. J’ai rencontré de nombreux passionnés et passionnées de ces jeunes lors des congrès de l’AQETA auxquels j’ai participé depuis 1980. Ils ont maintes fois témoigné des manières d’intervenir pour favoriser leur réussite scolaire. En voici, et ce n’est pas exhaustif, quelques exemples : Ces éducateurs, ceux qui font une véritable différence dans la vie des jeunes en difficulté, considèrent la prévention et l’intervention précoce comme la base de leurs actions. Leurs activités de formation valorisent les pratiques exemplaires et donnent la priorité à l’enseignement de la lecture et à la gestion des comportements difficiles. Ils savent pertinemment que difficultés de lecture et problèmes de comportement sont très fréquemment concomitants. Ils accordent donc un suivi systématique à leurs lecteurs débutants. Ils reconnaissent qu’être en difficulté à l’école est une réalité beaucoup plus fréquente chez les garçons que chez les filles. Ils en tiennent compte dans leurs activités de prévention et d’intervention précoce. 9 C’est ainsi que les passionnés de réussite que j’ai croisés depuis plus de 40 ans, changent des vies, des histoires. Nous avons tous, en effet, un narratif personnel qui donne un sens à ce que nous avons vécu, entre autres à l’école. Nous ne racontons pas seulement ces histoires : ces histoires nous racontent. Elles façonnent nos pensées et nos souvenirs, changent même la manière dont nous gérons nos vies. Elles font partie de notre identité. « Cette orthopédagogue m’a donné confiance en moi. Elle a changé ma vie et fait une énorme différence dans ma réussite à l’école. » « Lorsque je fais des efforts, je sais que, la plupart du temps, j’atteins l’objectif que je me suis donné. » « Ce sera beaucoup de travail, mais cela ne me fait pas peur. Cette situation m’est fréquemment arrivée et je suis du genre à relever des défis. » Lorsque les éducateurs des meilleurs systèmes scolaires du XXIe siècle racontent l’histoire de leurs succès, ils affirment fièrement que l’éducation est, chez eux, un service public aussi important que les soins de santé, qu’intervenir très tôt pour éviter que les jeunes prennent du retard y est une absolue nécessité, que l’excellence en enseignement est valorisée par leur société et qu’enfin on s’attend des adultes qu’ils soient des modèles de persévérance, d’audace et de détermination. L’AQETA, maintenant devenu l’ITA, est au cœur de l’histoire de l’éducation du Québec. Cet organisme a ainsi permis à de nombreux jeunes de persévérer et de cultiver ce qu’il y a d’unique et de différent chez eux. Ces passionnés de réussite ont changé, et continueront à modifier, notre narratif collectif de l’éducation ainsi que l’histoire de plusieurs vies. Une collaboration de longue date en faveur des droits des personnes ayant un trouble d’apprentissage Johanne Magloire Agente d’éducation et de coopération, Direction de la recherche, de l’éducationcoopération et des communications C’est avec enthousiasme que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse souhaite souligner les 50 ans de l’AQETA, aujourd’hui l’Institut des troubles d’apprentissage, et du même souffle, saluer le travail et la persévérance exceptionnels de l’organisme dans sa lutte visant l’amélioration de la situation des personnes qui vivent avec un trouble d’apprentissage. Depuis plus de 30 ans, la Commission s’implique activement dans le dossier de l’accommodement des personnes en situation de handicap, notamment auprès des élèves ayant des troubles d’apprentissage, afin de s’assurer que leurs besoins éducatifs soient pris en compte, et ce, du préscolaire à l’université. Par ailleurs, la Commission a été un témoin privilégié de l’action de l’AQETA en faveur du respect des droits fondamentaux des personnes ayant un trouble d’apprentissage. Depuis sa création, l’organisme a su rapidement s’imposer comme acteur incontournable au Québec en jouant un rôle de premier plan pour informer et sensibiliser. Son action a permis de contrer plusieurs préjugés concernant la pleine participation des personnes ayant un trouble d’apprentissage au sein de la société. Dans le milieu de l’éducation, malgré des progrès remarquables au fil des ans, force est de constater qu’il reste beaucoup à faire en matière de respect des droits fondamentaux pour les élèves en situation de handicap et beaucoup de préjugés encore à déconstruire, et ce, à tous les ordres d’enseignement. Depuis 2000, la Commission a ouvert plus de 350 dossiers en intégration scolaire et a remarqué une forte hausse des plaintes au cours des cinq dernières années. Dans la majorité des cas, les plaintes sont déposées par des parents qui estiment que leur enfant est victime de discrimination parce qu’il ne reçoit pas les services adéquats pour assurer sa réussite. La Commission est particulièrement préoccupée par cette situation, elle a d’ailleurs ouvert une enquête de sa propre initiative portant sur la discrimination systémique à l’endroit des élèves en situation de handicap dans le système scolaire, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Les élèves en situation de handicap visés par l’enquête incluent notamment des élèves ayant des troubles d’apprentissage, des troubles de santé mentale, ou des troubles de déficit de l’attention. D’autres obstacles demeurent aussi dans le milieu du travail, alors que les employeurs sont également soumis à l’obligation d’accommoder. Manifestement, certains milieux de travail hésitent encore à embaucher et à fournir les accommodements nécessaires aux personnes en situation de handicap, notamment celles ayant un trouble d’apprentissage. (suite page …..) 10 Pour que les personnes vivant un trouble d’apprentissage aient aussi un avenir! Laurent Matte, M.Ed., c.o., Président L’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec, l’organisme chargé par l’État de protéger le public en encadrant la pratique des c.o., est un partenaire actif de l’Institut depuis plusieurs années, et est heureux d’appuyer celui-ci et de le féliciter à l’occasion de son 50e anniversaire. Les troubles d’apprentissage constituent souvent une entrave quotidienne aux élèves, aux étudiants et aux travailleurs. L’Ordre appuie les efforts de l’Institut pour le développement de la connaissance et du savoir-faire québécois pour les soutenir et pour faire en sorte de réduire, sinon d’éliminer, les situations de handicap que ces troubles causent. Pour témoigner de la solidarité de toute la société à celles et ceux qui vivent ces troubles. Pour amener cette société, les citoyens, les organisations publiques et privées à plus d’inclusion. Tous se trouvent gagnants de ces efforts : la collectivité qui bénéficie du plein potentiel de chacun, et les personnes qui y trouvent une dignité et une capacité à répondre de manière autonome à leurs propres besoins. Dans le développement de ce savoir, de cette solidarité, l’orientation apporte une contribution bien particulière, que la profession s’exerce dans le réseau scolaire, en employabilité ou en santé 11 et services sociaux. L’orientation donne un sens, soutient le développement de l’identité et regarde le trouble d’apprentissage dans une perspective temporelle. Notre travail vise à ce qu’audelà de la compréhension et de l’adaptation au quotidien ou à l’échelle de l’année scolaire, les personnes aient un avenir, qu’il soit à leur image et qu’il leur permette de réaliser le meilleur d’elles-mêmes. Notre partenariat nous permet d’apprendre des autres professions et des autres sciences, et d’y apporter notre contribution. L’État a confié aux c.o. des responsabilités particulières à l’égard des personnes vivant avec un trouble mental ou neuropsychologique. L’Ordre voit à ce que la profession consolide sa compétence à les assumer et développe la culture d’interdisciplinarité. Pour prévenir les préjudices, bien sûr, mais aussi pour s’assurer que les interventions de chacun restent centrées sur la personne, sur ses besoins, sur ses aspirations, son bien-être, son avenir. La vraie compétence, ici, ce n’est pas seulement d’exceller dans son domaine. C’est aussi, et surtout, de mettre son expertise à contribution dans l’ensemble des efforts auprès des personnes qui vivent avec des troubles d’apprentissage. Se rappeler que chacune est au cœur de sa propre expérience, de son propre devenir, et que toutes les expertises doivent s’articuler autour de cette seule conviction. Bon anniversaire à l’Institut, et soyez assurés de trouver en nous un partenaire convaincu! Message du président de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ) Paul-André Gallant, M.P.O., orthophoniste Président À l’occasion de son 50e anniversaire de fondation, je salue la contribution de l’Institut des troubles d'apprentissage à nos objectifs communs qui sont notamment de sensibiliser la population aux troubles de la communication et de l’audition pouvant mener aux difficultés d’apprentissage, de réaliser des activités d’information et de prévention et de prendre position dans les débats de société concernant l’éducation afin de favoriser et de défendre l’accès à des services de qualité. L’OOAQ a à cœur de répondre aux besoins de la population et, grâce à la collaboration de nos partenaires, dont l’Institut des troubles d'apprentissage, et de tous les intervenants du milieu de l’éducation, des orthophonistes et des audiologistes, de partout au Québec, aident à réduire les obstacles qui nuisent à l’aprentissage et à la réalisation des tâches quotidiennes des personnes souffrant de ces troubles afin qu’ils puissent développer leur plein potentiel et contribuer positivement à la société. L’OOAQ, tout comme l’Institut TA, a travaillé depuis plusieurs années en amont sur des projets porteurs et a accompli des réalisations innovantes. À titre d’exemple, notons le travail des orthophonistes et audiologistes sur : les projets de stimulation précoce chez les enfants de 0 à 5 ans qui ont un impact par la suite sur les apprentissages scolaires ; les travaux sur le dépistage précoce en maternelle et le travail sur la conscience phonologique; le dépistage néo-natal permettant d’appareiller plus rapidement les enfants présentant une déficience auditive, leur donnant ainsi accès à une stimulation adéquate du langage, tout en diminuant les risques de développer un trouble d’apprentissage. Les interventions des orthophonistes ont pour but de développer, restaurer ou maintenir la capacité de communiquer de l’individu tout en favorisant son autonomie et son intégration dans les activités familiales, scolaires, professionnelles et sociales. L’orthophoniste collabore étroitement avec la famille et les autres intervenants du réseau de l’éducation auxquels il procure de l’information et du soutien. Par exemple, nous savons que les enfants souffrant de DYS (dysphasie, dyscalculie, dysorthographie, dyspraxie et dyslexie), recevant l’aide d’un orthophoniste, peuvent pallier ces troubles pour éviter les situations d’échec scolaire. L’orthophoniste joue donc un rôle central et soutient les enfants vulnérables dans le domaine des habiletés communicationnelles. Les orthophonistes travaillent dans le même sens que l’Institut des troubles d'apprentissage en développant, entre autres, les connaissances du rôle des fonctions d'aide technologique pour l'apprentissage de la lecture et de l'orthographe, en soutenant les enseignants dans l'apprentissage de l'orthographe lexicale et en favorisant les compétences en compréhension de textes écrits des élèves. 12 Par leur travail, les orthophonistes rendent accessibles les outils technologiques et les adaptations nécessaires pour faciliter l’intégration des élèves ayant un trouble du langage oral ou écrit favorisant le droit à l’égalité des chances de réussite en dépit des difficultés d’apprentissage rencontrées. Enfin, ils jouent un rôle de premier ordre en favorisant les apprentissages dans des contextes multilingues tant sur le plan de la recherche et de l’innovation que sur le plan clinique. L’audiologiste évalue aussi les besoins de l’individu dans différentes situations (école, maison, travail, activités sociales) afin de lui fournir des services adaptés qui favoriseront sa capacité à communiquer, son autonomie et son intégration. En milieu scolaire, les audiologistes ont appuyé l’utilisation d’un système de modulation de fréquence (MF) individuel ou en champ libre afin d’éviter les situations de handicap touchant les élèves qui vivent avec un trouble d’apprentissage. De plus, par leur recherche et leurs interventions innovantes, les audiologistes ont permis des avancées importantes en lien avec les troubles de traitement auditif (TTA) ce qui a permis, notamment, le développement des services de réadaptation pour les enfants qui présentent un TTA. La contribution des audiologistes sur le plan de la prévention des troubles d’apprentissage est aussi importante. Le leadership manifesté par ceux-ci en ce qui à trait au dépistage des enfants à risque de présenter des difficultés d’audition dans des écoles de milieu allophone défavorisé, leur travail de sensibilisation dans les écoles pour qu’elles utilisent des stratégies afin de diminuer le bruit dans les classes et leurs recommandations d’adaptations pour faciliter l’intégration des élèves ayant une surdité ou un TTA du primaire à l’université n’en sont que 13 quelques exemples. L’OOAQ croit qu’une intervention précoce, ciblée, par la bonne personne et au bon moment, permet d’éviter des difficultés académiques, des rééducations longues et coûteuses ainsi que la spirale du décrochage scolaire. Je souhaite donc que l’Institut des troubles d'apprentissage continue, avec la même ardeur, à soutenir les personnes aux prises avec ces difficultés, ainsi que leur famille, afin que nous puissions agir ensemble pour favoriser leur intégration sociale, scolaire et professionnelle. Paul-André Gallant, M.P.O., orthophoniste Président de l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec Suite de la page 10 - CDPDJ La Commission est heureuse de compter l’Institut des troubles d’apprentissage parmi ses alliés dans la défense des droits des personnes en situation de handicap et souhaite qu’elle continue son travail pour lever les obstacles auxquels sont confrontées les personnes ayant des troubles d’apprentissage. La Commission offre des séances de formation dans le milieu de l’éducation, dans le milieu communautaire, aux associations de parents ainsi que dans le milieu du travail. Les informations concernant les séances de formation sont disponibles sur le site web de la Commission : www.cdpdj.qc.ca La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour mission d’assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne, la protection de l’intérêt de l’enfant, ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse . Elle veille également à l’application de la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics. L’Institut des troubles d’apprentissage, un acteur incontournable Alain Bibeau Président-directeur général L’Ordre des ergothérapeutes du Québec est heureux et fier de saluer les 50 années d’existence de l’Institut des troubles d’apprentissage (anciennement AQETA). Depuis toutes ces années, l’Institut exerce son leadership grâce à l’aide et au soutien qu’elle offre aux nombreuses personnes aux prises avec un trouble d’apprentissage et à leur famille, en plus de poursuivre un important travail d’information et d’éducation auprès de la population. L’Ordre est sensible à la cause des personnes, de tous les âges, qui doivent évoluer avec un trouble d’apprentissage. Elles en subissent les effets dans leurs activités quotidiennes, au travail, à l’école, et dans leurs loisirs. Leurs difficultés sont susceptibles de constituer des obstacles limitant la réalisation de leurs occupations et pouvant leur faire vivre des situations de handicap importantes. Aussi, le droit pour ces individus vulnérables à l’accessibilité à des ressources variées et à des services professionnels compétents est un enjeu que partagent nos deux organisations. De notre côté, l’Ordre s’assure que les ergothérapeutes du Québec, lorsqu’ils agissent auprès des gens présentant un trouble d’apprentissage, le font selon les normes les plus élevées d’intégrité, d’indépendance et de compétences. L’Ordre et l’Institut, un lien naturel… Lorsque les ergothérapeutes interviennent auprès de personnes avec un trouble d’apprentissage, ils procèdent à une évaluation fonctionnelle qui permet d’analyser les impacts de ce trouble sur le degré de réalisation des habitudes de vie de ces personnes. Cette évaluation se fait en tenant compte des aptitudes et de l’environnement dans lequel elles évoluent, ainsi que de leurs capacités sur les plans cognitif, moteur, perceptif, sensoriel, affectif et relationnel. Ensuite, les interventions visent à développer, à restaurer et à maintenir ces aptitudes en plus de donner aux personnes la possibilité d’accomplir avec la plus grande autonomie possible leurs occupations. Ainsi, l’Ordre et les ergothérapeutes partagent avec l’Institut cette conviction qu’il faut assurer l’égalité des chances de ceux et celles qui vivent avec un trouble d’apprentissage, en plus de leur permettre de développer pleinement leur potentiel tout en contribuant positivement à la société. La protection et la promotion de la santé et de la qualité de vie, notamment par la valorisation de l’occupation et de la pleine participation des personnes, sont des actions chères à la profession d’ergothérapeute et l’Ordre reconnait l’excellent travail de l’Institut dans ce domaine. Finalement, à l’instar de d’autres ordres professionnels et d’organisations, l’Ordre est fier d’être un collaborateur de l’Institut, notamment par sa contribution à différentes activités, dont son congrès annuel d’envergure. L’Ordre salue l’Institut pour l’ensemble de ses réalisations et pour ses actions dont particulièrement celles vouées au transfert des connaissances et à la formation des intervenants, des professionnels, des professeurs et du public. L’Ordre souhaite souligner ce 50e anniversaire et réitérer tout son appui à l’Institut des troubles d’apprentissage. Félicitations! 14 L’Institut des troubles d’apprentissage : un phare en éducation Isabelle Gadbois Présidente L’Association des Orthopédagogues du Québec (L’ADOQ) est fière de souligner le 50e anniversaire de l’Institut des troubles d’apprentissage, anciennement l’Association québécoise des troubles d’apprentissage (AQETA). Depuis 50 ans déjà, l’Institut représente l’espoir pour des centaines de milliers de personnes atteintes d’un trouble d’apprentissage. Par le soutien qu’il offre à ses membres et à leur famille, par l’information qu’il diffuse dans les milieux, par les formations de qualité qu’il offre auprès des intervenants, par les représentations qu’il conduit auprès des instances décisionnelles, par la sensibilisation qu’il fait auprès du grand public, l’Institut éclaire le domaine de l’Éducation de son expertise. « L’espoir est comme un phare ; il n’arrête pas la tourmente, mais il guide toujours dans la bonne direction.» (A.I.) Les centaines de milliers de personnes atteintes d’un trouble d’apprentissage ont besoin de cet espoir offert par l’Institut. Comme les troubles d’apprentissage sont d’origine neurologique, donc permanents, ils nuisent aux apprentissages des individus, font obstacle à leur développement et rendent difficile leur intégration sur le marché du travail. Cette tourmente dans leur vie affecte bien souvent leur estime d’eux-mêmes et leur sentiment de compétence. L’Institut est ce phare qui guide ces individus, tout au long de leur parcours, dans la bonne direction, afin de leur permettre de développer leur plein potentiel et de contribuer positivement à notre société. 15 « Plus les hommes sont éclairés, plus ils seront libres. » (Voltaire) Au-delà de sa mission, l’Institut contribue à l’éducation, à la liberté et à la prospérité de notre société par l’éclairage qu’il offre sur les mythes et les réalités des troubles d’apprentissage. Malheureusement, les étiquettes, les sobriquets et les mythes autour des troubles d’apprentissage sont encore trop nombreux. Les individus atteints de troubles d’apprentissage, souvent très brillants, se voient taxés injustement et, par voie de conséquence, affligés d’un sentiment d’incompétence injustifié. Aucune société ne peut se payer le luxe de ne pas bénéficier du plein potentiel de ses citoyens. Les individus atteints d’un trouble d’apprentissage ont droit à la liberté d’épanouissement et de contribution qui enrichissent notre société à tous les niveaux. Pour jouir de ce droit, ils ont besoin de se libérer du joug de la différence imposée par l’ignorance de la vérité. L’Institut est un phare qui éclaire, qui guide, qui libère. L’Association des Orthopédagogues du Québec (L’ADOQ) est heureuse de faire partie des partenaires de l’Institut depuis presque trente ans déjà. Représentant les spécialistes de l’évaluationintervention des difficultés d’apprentissage, incluant les troubles, que sont les orthopédagogues, L’ADOQ joint sa voix et unit ses efforts à ceux de l’Institut dans cette importante mission auprès des individus, de leur famille, des intervenants, des instances décisionnelles et du grand public. Partage d’expertise, collaboration à la formation, diffusion d’information, représentation, voilà autant de moyens mis en place et qui se poursuivront dans les prochaines années pour appuyer l’Institut et affirmer haut et fort l’importance de sa mission. « L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. » (Nelson Mandela). L’Institut des troubles d’apprentissage Merci à tous les bénévoles ! Le bénévole, en faisant le choix libre et volontaire d’aider autrui par un geste gratuit, de donner généreusement de son temps, de ses compétences et de son énergie, ainsi qu’en participant activement dans sa communauté, génère des impacts très positifs tant pour lui-même que pour l’ensemble de la collectivité. Ces gestes singuliers permettent de favoriser le développement personnel et le rayonnement collectif, tout en contribuant à l’émergence d’une conscience sociale pour la prise en charge du milieu par le milieu. Le bénévole décide de s’engager pour une cause en laquelle il croit parce qu’avant tout, celle-ci fait vibrer en lui une corde sensible et donne écho à ses valeurs, à ses attentes et à ses besoins. Chaque geste effectué par plus de 2 millions de bénévoles actifs au Québec constitue un mouvement dynamique produisant un effet en chaine d‘externalités, qui bénéficient à l’ensemble de la collectivité. est une arme puissante contre l’ignorance qui permet de libérer les individus du joug de la différence. Que les années à venir permettent à notre société et aux individus qui la composent de vivre une vie meilleure par la contribution de centaines de milliers d’individus brillants, atteints d’un trouble, qui auront enfin le droit de s’épanouir, parce que l’Institut aura su éclairer les esprits et guider les pas dans la bonne direction, telle qu’elle le fait depuis déjà 50 ans. L’Association des Orthopédagogues du Québec a collaboré, collabore et collaborera encore avec l’Institut, afin qu’ensemble, nous fassions une différence. Merci à l’Institut des troubles d’apprentissage. Comme des centaines d’organisations qui ont tenu à célébrer la précieuse implication de millions de bénévoles au fil des années, nous vous invitons à faire la promotion du bénévolat à votre tour et à reconnaitre l’impact des personnes engagées dans votre communauté! (CABM). Bénévoles au congrès 2016. Un très grand merci à tous les bénévoles qui nous donnent un sérieux coup de main que ce soit au congrès ou durant toute l’année. 16 Quand les difficultés scolaires mènent à la démotivation et au désengagement La motivation à apprendre origine de la perception que l’élève a de ses capacités et de ses chances de réussir ainsi que de la valeur que l’école et les tâches scolaires représentent à ses yeux (Wigfield et autres, 2006). Ces perceptions s’influencent réciproquement et agissent en tant que déterminants de l’engagement de l’élève, non seulement dans ses apprentissages, mais aussi dans son environnement social. Roch Chouinard, Ph. D. La motivation est reconnue comme étant une composante-clé de l’engagement, de l’apprentissage et du rendement scolaire (Bandura, 2012 ; Schunk, Meece et Pintrich, 2013 ; Shernoff, Csikszentmihalyi, Schneider et Shernoff, 2003). De manière générale, la motivation peut être définie comme l’ensemble des causes qui déterminent le choix et la mise en œuvre d’actions précises, ainsi que la persévérance des individus dans des circonstances particulières (Mook, 1996). En contexte scolaire, la motivation est un état psychologique qui prédispose l’élève à s’engager activement dans ses apprentissages, à adopter des comportements pour parvenir aux objectifs qu’il s’est fixé et à persévérer devant les difficultés. La motivation à apprendre est associée à la compréhension des concepts, à la réalisation de soi à l’école et à l’estime de soi en général. La motivation peut aussi affecter la manière dont l’élève aborde l’école, la qualité de ses relations avec ses camarades et avec ses enseignants ainsi que la quantité de temps et d’effort qu’il consacre à ses études (Usher et Kober, 2012). En fait, la motivation exerce une grande influence sur la plupart des aspects du vécu scolaire de l’élève. 17 Cela dit, la longue suite de difficultés scolaires des personnes présentant des troubles d’apprentissage contribue à créer chez nombre d’entre elles un ensemble d’idées négatives sur leurs capacités et leurs chances de réussir à l’école. Ces croyances englobent les causes qu’elles attribuent à leurs succès et à leurs difficultés, le sentiment d’incapacité qu’elles éprouvent lors de l’exécution des tâches scolaires, ainsi que la perception qu’elles ont de ne pas pouvoir modifier leur situation (Wong et Butler, 2012). La détérioration du concept de soi, due à une série d’échecs, a souvent un effet négatif sur la motivation à apprendre des personnes qui présentent des troubles d’apprentissage. Ce résultat vient du fait que les efforts accomplis par ces personnes par le passé se sont souvent soldés par un résultat en dessous de leurs attentes. Elles en viennent en conséquence à s’expliquer leur situation par un manque d’habileté ou d’intelligence. Ces réactions peuvent donner naissance à des comportements scolaires inadaptés, visant à réduire au minimum les conséquences affectives de l’échec plutôt qu’à réussir. Les personnes touchées finissent par accepter l’échec comme inéluctable et à diminuer leurs efforts, parce que ceux-ci conduisent, en cas d’insuccès, à des jugements encore plus négatifs sur leurs capacités et leur intelligence. Cet état d’impuissance se traduit souvent par l’évitement des tâches présentant un défi élevé, le découragement et le renoncement devant les difficultés (Harackiewicz, 2008). En conséquence, ces personnes cherchent principalement à protéger leur estime de soi, en accordant moins de valeur et d’importance à la réussite et aux apprentissages de nature scolaire (Oka et Paris, 1987). Elles poursuivent alors à l’école des buts d’apprentissage modestes (Midgley et autres, 2001) et cherchent constamment à se rassurer quant à leur intelligence en évitant notamment les tâches qui demandent des efforts et dont la réussite est incertaine (Meece et autres, 1988). Cependant, et contrairement aux idées reçues, les difficultés scolaires que rencontrent les personnes qui présentent des troubles d’apprentissage ne proviennent pas d’un manque de capacités ou d’intelligence global. En effet, ces personnes possèdent généralement un niveau d’intelligence qui les situe dans la moyenne, ou même, au-dessus de la moyenne. Leurs difficultés sont plutôt la conséquence d’un déficit neurologique spécifique touchant les régions du cerveau associées, entre autres, à la lecture, l’écriture et les mathématiques. Malheureusement, les idées reçues et les propres interprétations des personnes présentant des troubles d’apprentissage les portent fréquemment à adopter un état d’esprit défaitiste qui accroît davantage leurs chances de subir des échecs, renforce leur autoévaluation négative et provoque une détérioration progressive de leur estime de soi. À terme, il en découle une augmentation de leurs difficultés scolaires et une altération encore plus grande de leurs attentes de succès et de la valeur qu’elles accordent à l’école. C’est pourquoi l’œuvre de l’Institut des troubles d’apprentissage est si importante. En informant et en démystifiant les troubles d’apprentissage, l’Institut et l’AQETA avant lui contribuent depuis 50 ans à mieux faire connaître et comprendre l’origine des difficultés scolaires des personnes qui vivent avec un trouble d’apprentissage. Ce faisant, elle leur permet d’adopter une perspective plus juste de leur condition, perspective davantage propice à la motivation, à l’engagement, à la persévérance et à la réussite. Références Bandura, A. (2012). On the functional properties of perceived selfefficacy revisited. Journal of Management, 38(1), 9–44. Schunk, D. H., Meece, J. L., & Pintrich, P. R. (2013). Motivation in education: Theory, research, and applications. Boston, MA: Pearson. Shernoff, D. J., Csikszentmihalyi, M., Schneider, B., & Shernoff, E. S. (2003). Student engagement in high school classrooms from the perspective of flow theory. School Psychology Quarterly, 18(2), 158-176. Mook, D.G. (1996). Motivation: The organization of action (2e Ed.). New York, NY: Norton. Usher, A., & Kober, N. (2012). What Is Motivation and Why Does It Matter? Washington, DC: Center on Education Policy. Wigfield, A., Eccles, J. S., Schiefele, U., Roeser, R. W. et Davis-Kean, P. (2006). Development of achievement motivation. In N. Eisenberg, W. Damon et R.E. Lerner (dir.), Handbook of child development, vol. 3, Social, emotional, and personality development (6e Ed.), Hoboken, New Jersey, NJ: John Wiley & Sons Inc. Wong, B. Y. L., & et Butler, D. (2012). Learning about learning disabilities (4th. Ed.). New York, NY: Academic Press. Harackiewicz, J. M. (2008). The role of achievement goals in the development of interest : Reciprocal relations between achievement goals, interest, and performance. Journal of Educational Psychology, 100(1), 105-122. Harter, S. (2015). The construction of the self: Developmental and sociocultural foundations. New-York, NY: Guilford Publications. Midgley, C., Kaplan, A., & Middleton, M. (2001). Performance-approach goals : Good for what, for whom, under what circumstances, and at what cost ? Journal of Educational Psychology, 93(1), 77-86. Meece, J. L., Blumenfeld, P. C., & Hoyle, R. H. (1988). Students goal orientations and cognitive engagement in classroom activities. Journal of Educational Psychology, 80(4), 514-523. 18 Trouble d’apprentissage et estime de soi Germain Duclos Psychoéducateur et orthopédagogue Durant plus de 40 ans, j’ai fait un important travail d’évaluation et de rééducation auprès d’enfants et d’adolescents d’intelligence normale qui présentaient des troubles graves d’apprentissage à l’école. J’avais débuté ma carrière à la clinique des troubles d’apprentissage de département de pédopsychiatrie de l’Hôpital Sainte-Justine. À cette époque le phénomène des troubles d’apprentissage était peu connu. On se limitait à interpréter les causes des échecs scolaires à un manque de motivation ou d’attention et même à cause d’une limite intellectuelle. Les écoles étaient peu sensibilisées à cette problématique et l’une des rares partenaires avec laquelle j’avais tissé une complicité était l’AQETA que j’ai connue en 1970. Avec cette association de bénévoles, je partageais les mêmes valeurs et une vocation pour les jeunes « brûlés » par les échecs, dévalorisés, et qui étaient parfois même désespérés. La majorité d’entre eux provenaient de « bonnes familles », n’avaient pas de problèmes psychologiques particuliers et avaient fréquenté les mêmes écoles que la majorité des enfants. J’avais compris que la plupart de ces jeunes présentaient un trouble fonctionnel, soit un dysfonctionnement qui les amenait à vivre des difficultés persistantes dans les tâches scolaires qui leur étaient exigées. Ces jeunes éprouvaient des difficultés persistantes à bien recevoir l’information, à la traiter, à l’analyser et à la retenir. Pour la plupart, ce trouble se manifestait même s’ils possédaient les principaux outils pour apprendre, c’est-à-dire des capacités perceptives, intellectuelles et neuromotrices. Ils étaient 19 suffisamment intelligents pour faire des études normales mais ils éprouvaient des blocages face à des apprentissages de notions de base. Les enfants et les adolescents que j’ai rencontrés comprenaient bien ce phénomène lorsque je faisais appel à l’exemple suivant : « Ton intelligence, c’est un peu comme les muscles de ton bras. Tes muscles peuvent être aussi forts, peut-être même plus forts que ceux de tes compagnons, mais quelque chose les empêche de fonctionner comme ils le devraient ; une douleur par exemple ». Au cours des années, j’ai pris conscience que ces enfants et adolescents qui manifestaient un trouble spécifique d’apprentissage (difficultés persistantes en lecture, en écriture et en mathématique) et qui connaissaient régulièrement des échecs risquaient fort d’avoir des problèmes d’adaptation scolaire, de souffrir d’un sentiment d’infériorité et d’abandonner l’école s’ils ne recevaient pas de l’aide. Durant toute ma carrière, j’ai fait des recherches de stratégies pour les aider à mieux traiter les informations et à vivre des succès. Tout était dans la manière. Ces jeunes maitrisaient très peu de stratégies ou utilisaient des stratégies inefficaces pour eux. C’était le propre de la majorité de ceux et celles qui vivaient des difficultés persistantes et des échecs dans leurs apprentissages. Ils n’avaient pas appris à apprendre et plusieurs finissaient par démissionner, se jugeant peu intelligents. Pour eux, leurs échecs avaient un caractère public et dévalorisant, et cela leur faisait vivre souvent un sentiment d’impuissance et d’insignifiance, le sentiment de n’être rien. Ce sont les enfants et les adolescents qui m’ont amené à m’interroger et à approfondir la problématique de l’estime de soi. En effet, comme praticien, j’ai été confronté régulièrement à l’importance de l’estime de soi au cours de mes nombreuses années d’intervention auprès d’enfants et d’adolescents qui vivaient des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage scolaire. J’ai constaté que la grande majorité de ces jeunes en difficulté avaient une faible estime d’eux-mêmes. Je devais constamment me poser cette question par rapport à chacun d’eux : « Est-ce qu’il vit des difficultés à cause d’une pauvre estime de lui-même ou, au contraire, a-t-il une faible estime de lui-même à cause des difficultés ou des échecs qu’il a vécus? » C’est le paradoxe de l’œuf ou de la poule mais, dans la pratique, l’enfant ou l’adolescent parvenait beaucoup plus facilement à surmonter ses difficultés s’il développait une meilleure estime de lui-même. Au cours de mes consultations et des très nombreuses conférences que j’ai prononcées, j’ai pu constater que l’estime de soi était une préoccupation largement répandue dans le public. Chez ces enfants et adolescents, leur trouble d’apprentissage était souvent associé à un trouble affectif qui pouvait être primaire (ou la cause du trouble d’apprentissage), mais le plus souvent secondaire (c’est-à-dire consécutif à leur trouble d’apprentissage de leurs échecs). En effet, même si un jeune n’avait pas de problème psychologique particulier, il se décourageait à force de vivre des échecs et il se dévalorisait. D’autres échecs s’ensuivaient car il se sentait vaincu d’avance lorsqu’il se retrouvait devant une nouvelle tâche scolaire. À force de vivre des échecs, ses espoirs de reconnaitre des succès diminuaient ainsi que l’estime de soi. Les échecs publics combinés aux jugements négatifs des autres entamaient l’estime de soi chez le jeune, et cela à un point tel qu’il en ressentait un véritable mal-être, des difficultés d’adaptation et, parfois, un rejet social. Le sentiment d’infériorité qui en résultait constituait pour lui un facteur de risque pouvant le mener à des troubles psychologiques. Il ne se trouvait jamais à la hauteur et il en souffrait beaucoup. Sans préciser les stratégies d’aide spécifiques que j’utilisais pour tel jeune en particulier, voici les principaux principes auxquels je m’appuyais en rééducation et que je recommande encore pour ces jeunes. gence est une chose et que les résultats scolaires en sont une autre. 2. Reconnaître et souligner régulièrement leurs habiletés et leurs qualités, que ce soit à l’école, à la maison ou ailleurs. 3. Éviter, au sujet des apprentissages scolaires, de porter des jugements de valeur ou de prononcer des mots qui peuvent blesser leur fierté. 4. Respecter le rythme d’apprentissage de chacun. On doit éviter de brusquer un jeune, mais il faut le stimuler adéquatement (cette attitude n’est pas très répandue dans nos écoles). 5. Les encourager à attacher plus d’importance au processus d’apprentissage qu’aux résultats scolaires. 6. Les encourager régulièrement dans les efforts qu’ils fournissent. 7. Les amener à se comparer à eux-mêmes plutôt qu’aux autres. 8. Leur accorder le droit à l’erreur. 9. Les amener à comprendre que leurs résultats scolaires découlant de leurs attitudes et les stratégies qu’ils utilisent, et que celles-ci sont en leur pouvoir. 10. Éviter le plus possible de leur faire vivre le stress de la performance. 11. Éviter le plus possible les reprises d’année car, dans la majorité des cas, il ne s’agit pas d’une mesure susceptible de motiver de nouveau les jeunes et de diminuer leurs difficultés d’apprentissage. Enfin, il faut tisser avant tout une relation significative de respect et de valorisation avec chacun de ces jeunes. 1. Faire comprendre aux jeunes que l’intelli- 20 L’indispensable dépistage précoce! Caroline Girard Psychoéducatrice Le 26 octobre prochain, l’Institut des troubles d’apprentissage, autrefois Association québécoise des troubles d’apprentissage, célèbrera son 50e anniversaire de fondation. Que de chemin parcouru, depuis 1966, pour démystifier les troubles d’apprentissage et pour promouvoir les attitudes et les pratiques permettant le développement du plein potentiel des individus ayant un trouble d’apprentissage. En matière de dépistage précoce, l’Institut souhaite continuer à partager toute l’expertise développée avec ses collaborateurs au fil des ans, pour répondre aux besoins de soutien exprimés par les différents partenaires impliqués auprès des enfants. Depuis 1995, la section AQETA/Laval pilote un programme de dépistage précoce en soutien aux parents et services de garde de son secteur. À Montréal, grâce aux dons de fondations et du ministère de la Famille, un projet similaire a été offert, entre 2010 et 2013, aux services de garde à l’enfance des régions de Montréal et de la Montérégie dont Kathy Cabana et moimême avons été les intervenantes responsables. De tels projets visent, entre autres, à : supporter le personnel des CPE/garderies dans le dépistage de signes précurseurs de possibles troubles d’apprentissage chez les enfants âgés de 3 à 5 ans qui fréquentent leurs établissements ; supporter le personnel des CPE/garderies dans la communication aux parents des difficultés de certains enfants ; supporter le personnel des CPE/garderies dans la mise en place de stratégies visant à 21 supporter et à stimuler le développement d’habiletés préparatoires à la maternelle chez les enfants, dans le respect du programme éducatif des services de garde du Québec ; faire connaître les troubles d’apprentissage aux membres du personnel des milieux préscolaires et les sensibiliser à la condition des enfants et des adultes vivant avec ces troubles. De plus en plus d’études relèvent que la réussite scolaire d’un enfant au primaire est susceptible d’influencer son niveau d’études atteint comme jeune adulte et que certains signes précurseurs de difficultés scolaires peuvent être identifiés dès l’âge de 4 ans. L’Observatoire des tout-petits soulignait dernièrement qu’un enfant sur quatre présente des signes de vulnérabilité dans au moins un domaine de son développement lorsqu’il entre à l’école. Cela démontre la pertinence de démarrer le processus de dépistage et d’intervention le plus tôt possible. Le dépistage précoce comporte plusieurs avantages : Il permet de mettre en place, le plus rapidement possible, des stratégies d’intervention adaptées aux besoins de l’enfant qui contribueront à soutenir sa motivation et sa persévérance sur le plan scolaire. Il permet de comprendre, tôt dans le parcours de l’enfant, la nature des difficultés auxquelles il est confronté au quotidien et de contribuer ainsi à la prévention de l’apparition de préjugés susceptibles de porter atteinte à l’estime de soi de l’enfant: «C’est un paresseux...». Il permet d’amorcer la communication entre les parents et les autres adultes impliqués auprès de l’enfant. Il permet de favoriser la concertation des différentes personnes impliquées auprès de l’enfant en orientant la prise de décision quant aux démarches subséquentes à effectuer en matière d’intervention et d’évaluation. Les membres et collaborateurs de l’Institut des troubles d’apprentissage croient à l’efficacité du partenariat en ce qui a trait au dépistage précoce. Poursuivons donc, ensemble, notre engagement à contribuer à la mise en place de conditions qui favorisent l’égalité des chances, la réussite et l’épanouissement de tous les enfants qui formeront la société de demain. Institut des troubles d’apprentissage et éducation postsecondaire : plus de 35 ans de partenariat, de reconnaissance et d’intervention dans une approche collaborative et fédérée Odette Raymond, M.Éd., consultante et formatrice, diversité et inclusion, personne-ressource, Institut des troubles d’apprentissage et collaboratrice de recherche au réseau ADAPTECH Il était une fois… En 1982, alors que l’Association québécoise des troubles d’apprentissage est déjà bien établie, la Direction de l’enseignement collégial du ministère de l’Éducation mandate le cégep du VieuxMontréal pour accueillir et favoriser l’accessibilité aux études supérieures d’étudiants ayant des besoins particuliers. Ce mandat émane des pressions d’un petit groupe d’étudiants sourds de la polyvalente Lucien Pagé à Montréal qui revendiquent la possibilité de poursuivre leurs études avec le soutien d’interprètes en langue des signes. À la même époque, deux étudiantes sourdes, inscrites en orthopédagogie à l’Université de Montréal, reçoivent des budgets pour embaucher leurs propres interprètes. Progressivement, l’accueil s’étend à tous les établissements d’enseignement supérieur du Québec et des étudiants ayant des troubles ou vivant diverses situations de handicap (ÉSH) y ont recours. C’est au cours de la deuxième moitié des années 80 que les étudiants ayant un trouble d’apprentissage comme la dyslexie ou un trouble associé tel le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité commencent à se présenter aux Services d’accueil et de soutien aux étudiants en situation de handicap (SASESH), aux centres de services adaptés (CSA) et aux Services d’aide à l’intégration des élèves (SAIDE) des universités, des cégeps et des collèges québécois. Depuis ce temps, le nombre d’étudiants en bénéficiant ne cesse d’augmenter de même que la diversité de leurs situations. Ainsi, dans les universités il y a une augmentation de 1,75 % des TA et de 2,2 % des TDAH pour une moyenne de 1,9 % d’augmentation entre 2007 et 20121. 22 Puis, en 2012, il y a une très grosse augmentation du nombre d’étudiants ayant un TDAH de sorte qu’en 2015 on se retrouve avec 10 fois plus d’étudiants TDAH qu’en 2007. De tous les troubles (TA, TDAH, etc.) et situations de handicap physique et sensoriel ce sont les TDAH qui sont les plus nombreux1. Selon les données provenant de l’AQICESH1 et récupérées de son site en janvier 2016, en 20142015, il y a eu 3 254 étudiants ayant un TDAH et 1 435 ayant un TA connus dans l’ensemble des universités québécoises sur un total de 8 018 étudiants en situation de handicap. Si l’on se fie aux données antérieures, la courbe de croissance dans les cégeps est aussi importante que dans les universités. Pendant ce temps, les petits de l’AQETA grandissent, leurs parents continuent de leur venir en aide et ce bel organisme qui est aujourd’hui l’Institut des troubles d’apprentissage développe des services pour les adolescents, les jeunes adultes, puis les étudiants du postsecondaire ainsi que pour les adultes avec ou sans emploi. Rôle de premier plan de l’Institut des troubles d’apprentissage Le futur Institut des troubles d’apprentissage joue, depuis les années 80, un rôle très important de renseignement, de formation, de soutien auprès des différents conseillers des centres de soutien à l’inclusion. Le trouble d’apprentissage est l’une des nombreuses conditions desquelles ces conseillers des collèges, des cégeps et des universités doivent se préoccuper. En outre, l’augmentation des effectifs étudiants ayant un TA ou un trouble associé au postsecondaire, l’expression et la reconnaissance de leurs besoins variés, leur désir de prendre part à la société, soulèvent l’importance de l’interdisciplinarité entre les acteurs qui gravitent autour d’eux : aide pédagogique individuelle, attaché d’administration, conseiller d’orientation ou conseiller en formation scolaire, conseiller en adaptation scolaire, conseiller en services adaptés, conseiller pédagogique, orthopédagogue, psychologue, or- 23 thophoniste et travailleur social. La question du soutien à l’enseignant reste entière et cruciale. L’établissement d’enseignement doit en effet mettre en place des mesures pour soutenir l’enseignant qui pourrait se retrouver face à de multiples demandes d’aménagements ou d’accommodements. L’Institut des troubles d’apprentissage se révèle dès lors être un organisme rassembleur, un vecteur de l’évolution des connaissances issues de la recherche, une plateforme de partage d’expertises qui réussi à fédérer tous ces efforts mis, depuis plus de 35 ans, à l’inclusion des personnes ayant un TA dans les établissements d’enseignement supérieur. En plus de se concentrer sur la formation et sur l’attestation de l’atteinte des compétences visées par un programme d’études, certains acteurs du postsecondaire s’inquiètent des perspectives des étudiants diplômés sur le marché du travail. Dans un contexte social où l’on recherche une contribution de chaque citoyen, l’inclusion des personnes ayant un trouble d’apprentissage se doit d’être équivalente à celle de tout autre membre de notre société. Pour ce faire, les étudiants peuvent aujourd’hui compter sur une foule d’accommodements qui représentent des facilitateurs selon Nguyen et Fichten, 20075. Leurs études démontrent en effet que les étudiants en situation de handicap (ÉSH) qui reçoivent du soutien réussissent aussi bien que leurs pairs. Un autre facilitateur reconnu est la relation avec les enseignants qui sont intéressés à ce que tous leurs étudiants réussissent. À cet intérêt marqué, s’ajoute l’obligation de favoriser l’inclusion des étudiants ayant un trouble d’apprentissage. Cette obligation est liée à trois sources6, 7, 8 : les politiques éducatives qui soutiennent la Loi sur l’instruction publique, la Charte des droits et libertés de la personne et la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur inclusion scolaire, professionnelle et sociale. Effectifs ÉSH et des étudiants ayant un TA ou un TDAH dans les universités et cégeps du Québec1,2,3,4 2011 (ÉSH) Universités 5 180 Cégeps 5 708 2014-2015 (ÉSH) Automne 2014 (ÉSH) 8 018 Les responsabilités des établissements et des acteurs sont nombreuses puisqu’elles supposent de : collaborer aux mesures mises en place, ou à mettre en place; se renseigner au sujet des caractéristiques de l’étudiant et de l’intervention appropriée; agir sans discrimination, ni privilège; respecter la confidentialité, sur les caractéristiques et la situation de l’étudiant, dans les milieux qu’il fréquente. De leur côté, les étudiants doivent collaborer, avec les différents acteurs, à la recherche d’accommodements pouvant leur être utiles et ils doivent s’investir dans leur mise en œuvre en toute bonne foi9. L’Institut des troubles d’apprentissage est toujours aussi engagé dans ces efforts collectifs d’inclusion aux études supérieures et au marché du travail. Toutes ces personnes ayant un trouble d’apprentissage ou un trouble associé désirent ardemment s’investir dans ce climat d’ouverture qui caractérise la société québécoise. RÉFÉRENCES 1. Association québécoise interuniversitaires des conseillers aux étudiants en situation de handicap, (AQICESH). 2014. http://aqicesh.ca http://aqicesh.ca/docs/AQICESH-Stats.2011-2012.pdf 2. Centre collégial de soutien à l’intégration de l’est du Québec. (2015). Collège Sainte-Foy 3. Centre collégial de soutien à l’intégration de l’ouest du Québec. (2015). Cégep du Vieux Montréal 2014-2015 Automne 2014 (TDAH) 3 254 (TA) 1 435 7 512 (TDAH) 2 921 (TA) 2 354 4. Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche, de la science et de la technologie. (2013). Modèle d’organisation des services aux étudiantes et étudiants ayant un trouble d’apprentissage, un trouble mental ou un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, gouvernement du Québec, 10 pages. URL (09-01-2014) : http:// collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs2267749 http://www.mesrs.gouv.qc.ca/fileadmin/administration/ librairies/documents/Ministere/acces_info/Statistiques/ Statistiques_ES/ Statistiques_enseignement_superieur_2013.pdf 5. Nguyen, N., et Fichten, C. (2007). Les étudiants handicapés, leurs expériences dans les collèges et universités canadiens et le rôle des technologies informatiques dans leur réussite académique. Papier présenté dans le cadre du colloque Accessibilité, technologies et éducation 6. BONNELLI, H. et coll. (2010). Portrait des étudiantes et étudiants en situation de handicap et des besoins émergents à l’enseignement postsecondaire, Québec : MELS, Gouvernement du Québec. 7. Comité interordres nouvelles populations en situation de handicap. (2011). Stratégies pédagogiques favorisant la réussite des nouvelles populations étudiantes en situation de handicap et moyens susceptibles d’amener les professeurs à exprimer leurs besoins à l’endroit du soutien pédagogique de ces populations, Projet Interordres sur l’intégration à l’enseignement supérieur des nouvelles populations étudiantes en situation de handicap, Revue de littérature, décembre, 45 pages. URL (2014/08/21) : https://docs.google.com/file/d/0B2z2oz4ck - HW6Xy12ZUdnQTBNVEU/edit 8. Office des personnes handicapées du Québec. (Révision 2004, dernière mise à jour avril 2015). Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/ dynamicSearch/tele- charge.php?type=2&file=/E_20_1/ E20_1.html 9. ELLEFSEN, H. (2014). L’obligation d’accommodement des cégeps à l’égard des étudiants en situation de handicap. Fédération des cégeps : Communication présentée lors d’une Journée pédagogique, Cégep Édouard-Montpetit, le 13 mars. 24 Quand le passé est garant de l’avenir! Mario Godin Animateur et agent de recherche Réseau national d’expertise en trouble du spectre de l’autisme L’égalité des cances en éducation est une valeur fondamentale de la société québécoise. Pour les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) l’égalité des chances s’incarne dans une multitude d’actions menées par tous les professionnels du réseau. L’adaptation des services éducatifs, le développement d’une expertise propre à un domaine, le travail d’équipe ou des lectures personnelles ne sont que quelques exemples du travail afin de soutenir le développement du plein potentiel de l’élève. Cette vision est partagée tant par le Réseau national d’expertise en trouble du spectre de l’autisme - RNETSA - que par l’AQETA. Le RNETSA a un mandat intersectoriel et rejoint près de 800 membres qui ont développé une expertise dans le domaine de l’autisme au Québec. De ce nombre, le quart œuvre au sein du réseau scolaire : enseignants, orthopédagogues, psychoéducateurs. Une des missions du Réseau national est de créer des ponts, des liens entre tous ces experts afin de mettre en place des actions communes pour les jeunes ayant un trouble du spectre autistique. Les jeunes qui ont un TSA sont les plus nombreux parmi élèves identifiés EHDAA1. Le profil de l’enfant ayant un TSA fait en sorte qu’il peut avoir de la difficulté à établir des relations avec ses pairs, à s’intégrer au groupe ou à comprendre les nuances d’un discours écrit ou des 25 non-dits à l’oral. En outre, tout professionnel de l’éducation sait qu’il n’y a pas deux élèves identiques. Cela est d’autant plus vrai pour des jeunes ayant un TSA, en ce qui a trait à ses manifestations, au degré de sévérité ou à la présence de comorbidités. Bref, un jeune ayant un TSA peut très bien s’intégrer au cursus du Programme de Formation de l’École québécoise (PFEQ) tandis qu’un autre ayant le même diagnostic peut présenter des difficultés importantes nécessitant la mobilisation d’un ensemble de ressources et la mise en œuvre de pratiques reconnues. Nous ne saurions trop insister sur l’importance d’intervenir adéquatement auprès de ces jeunes. Pour ce faire, le personnel doit baser son action sur des données probantes. Celles-ci doivent être rendues accessibles aux acteurs du réseau afin de permettre l’amélioration des pratiques et favoriser le développement intégral du jeune TSA. Si ce n’est pas possible en raison du caractère novateur de l’intervention, il faut, à tout le moins, garder un œil critique sur l’approche en cours. Ces deux conceptions font partie du dialogue entre recherche et intervention, entre savoir expérientiel et théorique. Pour être riche, ce dialogue doit avoir un espace pour s’exprimer, pour se nourrir mutuellement de la théorie et de la pratique. À cet égard, la collaboration entre le RNETSA et l’AQETA a favorisé l’éclosion de ce dialogue, faisant évoluer tant la pratique que la recherche dans le domaine. Ce dialogue doit non seulement être maintenu, mais encore intensifié. Des efforts conjoints doivent être faits pour le soutenir et le développer. Ces dernières années, les collaborations ont été très fructueuses entre le Réseau national et l’AQETA. On a vu, lors du congrès de l’AQETA, une conférence sur l’autisme réunir plus de 240 personnes. Les participants ont pu également entendre parler de transition, d’apprentissage de la lecture, d’informatique, etc. Nous avons pu apprécier tant l’expertise développée à un niveau individuel que les recherches savantes qui ont été diffusées lors de ces activités. Le point culminant de ce partenariat s’est vécu en avril 2015, où une journée entière de formation a été consacrée à l’autisme. Les présentations qui y ont été faites sont le résultat d’une collaboration entre le Réseau national, l’AQETA, le ministère de l’Éducation et les services régionaux de soutien et d’expertise en autisme du Québec. Cela démontre, de manière éclatante, que la collaboration entre plusieurs acteurs fait partie de l’ADN de l’AQETA. L’AQETA a 50 ans et se fait une cure de jeunesse en devenant l’Institut des troubles d’apprentissage. Avec cette appellation viennent des responsabilités. Le soutien au développement de la recherche, le transfert des connaissances, et de certains modes d’intervention novateurs ne sont que quelques-uns des défis que l’Institut aura à relever. Mais, comme le passé est garant de l’avenir, pour le RNETSA, celui de l’A … pardon de l’Institut, ils s’annoncent des plus prometteurs ! Le RNETSA est un regroupement de personnes ayant développé une expertise en autisme et qui désirent partager leur savoir. Il relève du CIUSSS MCQ, Services en déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme Institut universitaire. 1 Statistiques de l’éducation, Éducation préscolaire, enseignement primaire et secondaire, MEESR, 2014 26 Un demi-siècle au service des élèves en difficulté Nathalie Bisaillon Doctorante à l’Université de Montréal et chargée de cours Michel Lyons Conseiller pédagogique pour EDL Inc. et chargé de cours L’AQETA célèbre cette année ses 50 ans. Pour une association œuvrant dans le monde de l’éducation, cela représente déjà une performance remarquable. Mais, pour un organisme voué à l’accompagnement des élèves les plus vulnérables, c’est un exploit qui mérite toute notre admiration ! Née à l’époque où la normalité était plus qu’envahissante, l’AQETA a ouvert les esprits grâce à d’innombrables artisans qui ont dû abattre des préjugés, défricher des terres hostiles et créer de toutes pièces des outils et des ressources devenus indispensables pour les élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage, pour leurs parents, pour les enseignantes et les enseignants en adaptation scolaire ou pour les orthopédagogues. Durant les premières décennies d’existence de l’AQETA – comme cela a généralement été le cas dans le domaine de la recherche en éducation –, de nombreux efforts ont été investis pour venir en aide aux élèves en lecture ou en écriture. Pendant cette période, les difficultés en mathématiques ont souvent été reléguées dans l’ombre, soit par manque de ressources, soit à 27 cause de pernicieuses croyances voulant que les troubles d’apprentissage en mathématiques découlent des lacunes en langue maternelle : « Bon en français, alors bon en maths ! » Pourtant, la réalité de la classe est tout autre. Il est vrai que plusieurs enfants peinent autant en français qu’en mathématiques à l’école, mais l’équation s’arrête avec les nombreux élèves faibles en lecture n’affichant pas la moindre difficulté en mathématiques. Malheureusement, il faut reconnaître que les négligés de cet amalgame réducteur demeurent les élèves éprouvant de graves difficultés en mathématiques, tout en affichant des performances adéquates en langue maternelle. Les mathématiques posséderaient-elles leur propre développement conceptuel ? Un continuum sur le nombre et le calcul Durant l’année scolaire 2007-2008, nous avons eu le privilège de publier un documentressource à l’intention des élèves éprouvant des difficultés en mathématiques. Ce projet est né de l’initiative et du leadership de Mme Lise Bibaud, alors présidente de l’Association des orthopédagogues du Québec (l'ADOQ) et personne-ressource à l’AQETA. Mme Bibaud, qui allait devenir directrice générale de l’AQETA, avait identifié un besoin criant du côté de l’adaptation scolaire et de l’orthopédagogie, celui d’un continuum de référence sur le développement du nombre et du calcul, accompagné d’activités permettant des interventions de rééducation ciblées. Lors du congrès de l’AQETA de l’année 2008, nous avons procédé au lancement du dossier Les incontournables du nombre, fruit de cette coopération, sous la forme d’un numéro spécial de la revue de l’ADOQ (volume 19, n° 2). En 2011, une réédition prolongeant ce continuum jusqu’aux tout-petits de 3 ou 4 ans a été mise en ligne, rendant ce document et ses ressources gratuitement accessibles à tous, incluant les parents (voir TinyUrl.com/ Incontournables2. Près d’un millier d’orthopédagogues et d’enseignants ont depuis été formés pour mettre en application le continuum des Incontournables, un projet toujours en développement puisqu’il s’enrichit des rétroactions provenant de multiples intervenants scolaires de première ligne. À ce sujet, nous avons également eu le plaisir de présenter quelques ateliers offerts aux parents par l’AQETA, démontrant ainsi l’intérêt de réunir un maximum de partenaires pour favoriser la réussite des élèves. Une nouvelle définition des difficultés d’apprentissage Au cours de l’année scolaire 2013-2014, une nouvelle initiative de l’AQETA nous a emballés. Le projet se voulait aussi ambitieux que nécessaire, soit rien de moins qu’une redéfinition des troubles d’apprentissage ! Cette quête d’un En mars 2014, lors d’un symposium de l’AQETA spécifiquement consacré à cette redéfinition, nous avons soumis un modèle de classification des difficultés en mathématiques basé sur différentes recherches théoriques ou empiriques. De façon prioritaire, nous avons proposé de définir le plus clairement possible les processus cognitifs ou cérébraux qui contribuent normalement à la réussite en mathématiques. Dotés d’un tel modèle de compétences, nous serions en mesure d’identifier lequel ou lesquels de ces processus sont faibles ou défaillants chez l’élève en difficulté. En guise de mise au jeu, nous avons suggéré un modèle comprenant quatre processus, tous essentiels à la réussite en mathématiques. Notre proposition visait surtout à départager l’abstraction et l’efficacité, dans la structure suivante : Processus cérébraux contribuant à la réussite en mathématiques meilleur cadre de référence et d’intervention est d’ailleurs engagée, depuis au moins une décennie, dans le monde de la psychiatrie1 en général. Elle résulte d’un besoin de plus en plus ressenti d’une classification scientifique des troubles mentaux par causes plutôt qu’une approche pathologique fondée sur des symptômes ou des manifestations indirectes2. La définition des difficultés et des troubles d’apprentissage en mathématiques nécessite la même opération de renouvellement, puisque plusieurs diagnostics actuels reposent sur des bases non scientifiques qui ne donnent généralement pas lieu à des plans d’intervention féconds. La nuance entre abstraction et efficacité nous semble absolument fondamentale. Les troubles associés aux processus d’abstraction peuvent dépendre de dysfonctionnements relativement sévères, tandis que les difficultés relatives aux processus d’efficacité sont généralement mineures. Par-dessus tout, il faut s’assurer que les difficultés de l’élève ne soient pas dues à un manque d’opportunité d’apprendre. Cela revient donc d’abord à s’interroger sur l’enseignement reçu. Au moment où l’AQETA devenue l’Institut des Troubles d’apprentissage amorce sa seconde 28 Le potentiel silencieux… dont l’enseignante et l’enseignant doivent quotidiennement soutenir l’éclosion Jacques Tardif, Ph. D. Président congrès 2002 En mars 2002, lors du 27e congrès annuel de l’AQETA, devenue par la suite Institut des troubles d’apprentissage, le temps habituellement dévolu à une conférence d’ouverture a donné la parole à quatre jeunes adultes ayant des troubles d’apprentissage : Désirée, Gabrielle, Alexandre et Marc-André. À l’époque, Désirée était chargée de projets, Gabrielle artiste peintre, Alexandre étudiant et Marc-André avocat. Dans une rencontre sous la forme d’un entretien, j’ai eu l’immense plaisir d’offrir à ces jeunes de partager leurs expériences scolaires, notamment les obstacles et les embûches ayant dû être franchis et « refranchis » dans leur parcours au primaire et au secondaire. Ils ont également explicité des bases de leur réussite personnelle. Je me rappelle encore l’intensité émotionnelle qui a marqué ces 90 minutes inoubliables, les silences professionnels « fortement audibles » des congressistes, les larmes discrètes devant tant de détermination personnelle, de luttes, de doutes et de réussites, voire de victoires. Dans le même esprit, 14 années plus tard, je laisserai à nouveau la parole à ces jeunes adultes en citant nominalement des phrases de leur dernière intervention qui visait à mettre en exergue un message crucial pour les congressistes. « Il faut que les derniers dans le cœur des professeurs soient les premiers. » (Gabrielle) « Cherchez l’intelligence, vous ne la trouverez pas au hasard d’un examen, d’une dictée ou d’un bon résultat, mais sous toutes les formes qu’elle peut prendre. » (Alexandre) « Malgré leurs troubles d’apprentissage, leur déficit d’attention, les enfants peuvent avoir les mêmes ambitions et les mêmes rêves que les autres. » (Marc-André) « Ne jugez pas un livre à sa couverture, ouvrez-le, mais ne le lisez pas, regardez plutôt entre les mots. » (Désirée) Suite de la page 28 moitié de siècle d’existence, nous espérons poursuivre cette importante réflexion avec tous les intervenants du milieu et nous souhaitons que l’Institut TA exerce le leadership dynamique de cette remise en question devenue incontournable pour la réussite et le bien-être des élèves en difficulté. 29 Longue vie à l’Institut TA! 1 Voir https://www.nimh.nih.gov/researchpriorities/rdoc/index.shtml 2 Voir Sciences & Vie, n° 1148, mai 2013, aux pages 100 à 109. Pendant l’entretien, ils ont aussi spontanément exprimé les points de vue suivants : « Tout ce que l’on me demandait, c’était de travailler sur mon français, de travailler sur ma difficulté. J’étais vouée à me concentrer sur mon incapacité. Mon énergie était totalement sur mon problème. Je ne pouvais pas réaliser mes rêves parce que je consacrais toutes mes énergies à mes difficultés. Je n’avais pas de loisirs, pas de passions. Dans une société qui en fait de moins en moins et qui, paradoxalement, considère la rareté comme une richesse, on se prive et on s’appauvrit collectivement en excluant des enfants et en ne mettant pas les énergies qu’il faut pour adapter l’enseignement à leurs difficultés. Si on est ici aujourd’hui pour témoigner, c’est qu’on a pu s’organiser avec des gens pour pallier nos difficultés. » Mon cheminement professionnel a fait en sorte que j’investisse dans d’autres dossiers éducatifs que les troubles d’apprentissage et, par conséquent, je ne peux pas porter aujourd’hui un jugement documenté, ni très nuancé, sur l’évolution des services offerts dans les murs de l’école aux élèves ayant des troubles d’apprentissage. Toutefois, ce que j’entends et ce que je lis dans les médias m’incitent à penser que les interventions mises en oeuvre pour ces élèves sont nettement insuffisantes. En considérant le dernier extrait de l’entretien et les écrits sur la réussite éducative, je suis profondément convaincu que le politique néglige sans cesse le principe que les personnes, les enseignants tout particulièrement, sont l’une des clefs de la réussite. Les neurosciences éducationnelles et les TA : faut-il s’intéresser au cerveau pour mieux intervenir? Julien Mercier, directeur, NeuroLab Mélanie Bédard, étudiante au doctorat Line Laplante, professeure, Département de didactique des langues Université du Québec à Montréal Par définition, les troubles d’apprentissage (TA) ont une origine neurologique. De ce fait, des études sur la dyslexie par exemple, s’intéressent aux particularités du cerveau depuis longtemps déjà (dès la fin des années 1800, surtout des médecins et neurologues). Mais qu’en est-il d’un champ de recherche qu’on appelle les neurosciences éducationnelles, qui est souvent présenté comme nouveau et dont les retombées peuvent orienter les pratiques d’enseignement, notamment auprès des élèves en difficulté d’apprentissage? Ce texte propose un historique du champ et des pistes de réflexion pour que les intervenants puissent considérer de manière plus rigoureuse les applications potentielles et éventuelles des neurosciences éducationnelles dans l’intervention auprès des TA. 30 Les neurosciences éducationnelles, c’est nouveau? Les premiers travaux liant les neurosciences et l’éducation ont été publiés à la fin du 19ième siècle. Donaldson1, un neurologue, publie en 1895 les retombées d’interventions éducatives ayant permis à une femme sourde, muette et aveugle de développer des « habiletés mentales inattendues ». L’année suivante, Halleck2, un directeur d’école, vulgarise les applications pédagogiques de la « psychologie physiologique ». Il faudra attendre plusieurs décennies pour que Gaddes (1968)3 propose que la neuropsychologie puisse influencer les interventions relatives aux troubles d’apprentissage. Plus tard, Fuller et Glendening (1985)4 soulignent le fossé entre neurosciences et éducation, qu’une expertise interdisciplinaire devrait permettre de combler. Jusqu’à maintenant, cette expertise n’a toujours pas vu le jour mais se développe actuellement au Québec et à l’international. L’utilisation courante du terme neurosciences éducationnelles date des années 2000 et s’accompagne de la création de laboratoires de recherche, de groupes et de programmes universitaires destinés à faire avancer la recherche et à diffuser les connaissances de pointe aux publics pertinents. Malgré un historique de ce champ qui montre un développement de longue haleine et qui va actuellement en s’intensifiant, les neurosciences éducationnelles en sont encore véritablement à leurs premiers balbutiements. C’est un domaine de recherche fascinant, mais produire des retombées pour l’enseignement auprès des TA aussi solides que celles issues d’autres domaines (par exemple : de la didactique cognitive de la lecture-écriture) nécessitera encore du temps. Des contributions compatibles avec les meilleures données probantes en éducation? D’un point de vue scientifique, la nécessaire intégration entre les différentes disciplines impliquées dans les neurosciences éducationnelles est loin d’être achevée. Il faut considérer 31 d’abord que les neurosciences éducationnelles s’intéressent à comprendre les mécanismes cognitifs et affectifs impliqués dans l’apprentissage et ses difficultés en intégrant notamment des méthodes de neuro-imagerie. Plusieurs disciplines sont ainsi nécessaires à cette entreprise : psychologie cognitive, neurosciences cognitives et affectives, et de manière incontournable, des disciplines issues de l’éducation telles que la pédagogie et la didactique. C’est en effet le domaine de l’éducation qui fournit le cadre qui permet de formuler les problématiques éducatives pertinentes et d’orienter les théories et méthodes qui permettent d’apporter des solutions valides à l’éducation par des études montrant comment les interventions de nature pédagogique ou didactique agissent sur les TA. Ainsi, même si on atteste une origine neurologique aux TA, les très nombreuses recherches sur le cerveau des personnes qui présentent une dyslexie, produites depuis plus de cent ans, ne peuvent pas à elles seules représenter le champ des neurosciences éducationnelles. En effet, celles-ci ont été surtout produites dans le champ des neurosciences ou de la neuropsychologie sans faire appel aux connaissances scientifiques propres aux sciences de l’éducation. Or, certaines de ces connaissances montrent l’impact d’interventions pédagogiques ou didactiques sur la performance des personnes qui présentent un TA. 1 Donaldson, H. H. (1895). The Growth of the Brain: A Study of the Nervous System in Relation to Education. London: Walter Scott Ltd. 2 Halleck, R. P. (1896). The Education of the Central Nervous System: A Study of Foundations, Especially of Sensory and Motor Training. London: Macmillan & co., Ltd. 3 Gaddes, W. (1968). A neuropsychological approach to learning disorders. Journal of Learning Disabilities 1, 523–34. 4 Fuller J, et Glendening J. (1985). The neuroeducator: professional of the future. Theory into Practice 24, 135–7. Bref, à l’heure actuelle, les concepts, méthodes, et critères de scientificité des différentes disciplines concernées demeurent encore bien difficiles à (ré)concilier pour atteindre la nécessaire interdisciplinarité des neurosciences éducationnelles. Le manque d’intégration de la recherche au plan scientifique se traduit nécessairement par un manque d’intégration de ses retombées dans le répertoire des pratiques pédagogiques et didactiques éprouvées. Bien que les neurosciences éducationnelles puissent, à plus ou moins longue échéance, contribuer à orienter l’intervention à mettre en œuvre auprès des TA, il ne s’agit pas d’une panacée. En effet, dans certains cas relativement peu fréquents dans l’ensemble, il est nécessaire d’interpeller les neurosciences là où les autres disciplines s’avèrent insuffisantes pour bien comprendre une difficulté donnée et l’effet d’une intervention. Ainsi, ces défis, propres à la recherche en neurosciences éducationnelles, expliquent pourquoi les interventions que l’on tente présentement de « mettre en marché » auprès des intervenants et qui interpellent certaines « connaissances » sur le cerveau ne sont pas souvent accompagnées des justifications scientifiques nécessaires à leur intégration au bassin des pratiques probantes à mettre en œuvre auprès des TA. C’est pourquoi toute recommandation d’intervention formulée à partir de recherches ne montrant pas quel est l’effet de cette intervention sur les TA ne peut être considérée d’emblée en tant que pratique probante. De plus, les pratiques dont l’efficacité a été démontrée dans le domaine des sciences de l’éducation sont très précieuses, et ne doivent pas être rejetées sur des bases inappropriées. L’engouement actuel en éducation pour la recherche sur le cerveau présente également des défis additionnels à cet égard. Une fausse impression de scientificité Les enseignants sont enclins à adhérer à des pratiques pédagogiques appuyées sur des idées neuroscientifiques fausses ou interprétées abusivement (Dekker, Lee, Howard-Jones & Jolles, 20125; Howard-Jones, 20146). Devant cette constatation, Byrnes (2012, p. 569, traduction libre)7 fait appel à l’intégrité des chercheurs : « les scientifiques intègres ne devraient pas utiliser la tactique de référer à des données neuroscientifiques afin de persuader le milieu scolaire s’ils croient que ces données neuroscientifiques n’ont pas d’implication pour les interventions ». Chez les enseignants, le grand public, voire chez des personnes possédant une formation en psychologie, les neurosciences sont perçues comme plus sérieuses. Toutefois, cela en va autrement selon l’état actuel des connaissances sur l’apprentissage. Il convient en effet d’affirmer que la recherche basée sur les mesure du comportement (ex. les erreurs en lecture) est beaucoup plus avancée et perfectionnée que la recherche basée sur l’imagerie cérébrale pour orienter les pratiques pédagogiques destinées aux TA, car elle permet mieux actuellement d’envisager l’activité cognitive de l’apprenant dans toute sa complexité. Du côté des neurosciences, pour respecter les contraintes techniques liées aux méthodes les plus utilisées en neuro-imagerie (imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf), et électroencéphalographie (EEG)), il est nécessaire de décomposer l’activité cognitive dans ses plus petites unités. Pris isolément, on produit ainsi une compréhension partielle, voire simpliste et faussée de l’apprentissage tel qu’il a lieu en contexte authentique. D’une part, ces méthodes négligent le fonctionnement cognitif dans le temps, parce que l’apprentissage nécessite véritablement du temps. 32 D’autre part, on fait abstraction du fait que n’importe quelle activité d’apprentissage fait intervenir l’interaction de multiples fonctions cognitives de haut niveau sur des périodes de temps prolongées, qu’il est impossible d’appréhender complètement avec les méthodologies typiques des neurosciences. Pour les meilleures pratiques et pour la meilleure recherche À l’instar d’Ansari, Coch, et De Smedt (2011)8, nous espérons susciter des attentes réalistes relativement aux neurosciences éducationnelles, afin d’une part que les meilleures pratiques soient mises en place et d’autre part que la meilleure recherche puisse être réalisée. À cet égard, la rigueur de tous, praticiens et chercheurs, est nécessaire. Au-delà des modes et des apparences, il y a les élèves qui ont un trouble d’apprentissage qui méritent à chaque instant des interventions les plus efficaces possible, tel que démontré par les meilleures méthodes scientifiques. Ces meilleures méthodes sont, dans la plupart des cas à l’heure actuelle, issues d’autres types de données que la neuroimagerie. Il faudra donc attendre encore quelques années avant de voir apparaitre de meilleures pratiques qui incluent des données Les logos au fil des ans ! 33 issues des neurosciences éducationnelles. Les personnes qui ont un TA, parmi les plus vulnérables sur le plan des apprentissages, ne doivent pas payer le prix de la fascination des enseignants pour le cerveau. Il est donc essentiel de continuer à implanter les meilleures pratiques, celles dont l’efficacité a été démontrée par les recherches ayant un haut standard de validité, de les adapter et les bonifier à mesure que l’évolution des connaissances scientifiques pertinentes le permet, intégrant éventuellement – seulement quand elles auront fait leurs preuves – des connaissances issues des neurosciences éducationnelles. 5 Dekker, S., Lee, N.C., Howard-Jones, P., et Jolles, J., (2012). Neuromyths in education: Prevalence and predictors of misconceptions among teachers. Frontiers in psychology, 3, 1-8. 6 Howard-Jones, P. A. (2014). Neuroscience and education: myths and messages. Nature Reviews Neuroscience, 15, 817–824. 7 Byrnes, J.P. (2012). How neuroscience contributes to our understanding of learning and development in typically developing and special-needs students. In K. R. Harris, S. Graham, T. Urdan, C.B. McCormick, G. M. Sinatra, J. Sweller, (Eds). (2012). APA educational psychology handbook, Vol 1: Theories, constructs, and critical issues. (pp. 561-595). Washington, DC, US: American Psychological Association. 8 Ansari, D., Coch, D., et De Smedt, B. (2011). Connecting Education and Cognitive Neuroscience: Where will the journey take us? Educational Philosophy and Theory, 43, (1), 37-42. Un peu d’histoire… sur la dyslexie Brigitte Stanké, Ph. D. Orthophoniste Professeure École d'orthophonie et d'audiologie Université de Montréal Le terme « dyslexie » a été utilisé pour la première fois en 1872 par un physicien, Rudolf Berlin, pour décrire de façon scientifique le cas d’un adulte ayant perdu la capacité de lire à la suite d’une lésion cérébrale. Un peu plus tard, dans un article publié dans The British Medical Journal en 1896, Pringle Morgan, médecin scolaire britannique, a décrit le cas d’un adolescent de 14 ans présentant une difficulté d’apprentissage de la lecture, et ce, bien qu’il présente une intelligence tout à fait dans la norme. Il explique ces difficultés par des problèmes neurologiques de perception. Cet article marque le début de l’identification de cas de personnes présentant une dyslexie d’origine développementale, appelée à cette époque Congenital Word Blindness, soit la « cécité congénitale des mots ». En 1917, James Hinshelwood, un confrère de Morgan, publie un traité sur ce trouble développemental dans lequel il émet une autre hypothèse quant à l’origine de cette « cécité ». Ainsi, selon Hinshelwood, le trouble résulterait d’une incapacité à stocker en mémoire visuelle l’information relative aux lettres et aux mots. Ce chercheur est également le premier à décrire trois types de dys-lexies développementales, soit: 1) alexia (alexie), désignant les personnes ayant une déficience intellectuelle et montrant une difficulté d’apprentissage de la lecture, 2) dyslexia (dyslexie) désignant les personnes ayant un retard d’apprentissage de la lecture, 3) Congenital Word Blindness, désignant les personnes montrant un trouble sévère d’apprentissage de la lecture et de l’orthographe. Cette classification est basée sur le degré de sévérité de la difficulté de lecture et non sur les causes possibles de son origine. Ce n’est que dans les années 30, que le terme « dyslexie » apparaît en français grâce à un psychologue qui rapporta les travaux de ses collègues anglais. Au même moment, le psychiatre américain Samuel Orton explique la dyslexie comme étant un manque de dominance hémisphérique gauche engendrant une « strephosymbolie », soit des difficultés de lecture et des confusions de lettres (p/m; m/n, etc.). Ce fut le premier à décrire certaines des manifestations des difficultés de lecture. Vers les années 60, Jenny Aubry-Roudinesco est le premier à postuler que la dyslexie résulterait d’une disposition constitutionnelle héréditaire. Ces vers les années 70 que le concept unitaire de la dyslexie est remis en question. En se basant sur des modèles théoriques de lecture d’adultes experts, plusieurs types de dyslexie sont mis en évidence, la dyslexie phonologique, la dyslexie de surface et la dyslexie mixte. Encore aujourd’hui, les tests permettant d’évaluer les compétences en lecture et en orthographe sont élaborés à partir de ces modèles. Bien que les nouvelles techniques d’imagerie cérébrale ont permis de mieux comprendre et de cerner ce trouble développemental, plus d’un siècle plus tard, les facteurs cognitifs donnant lieu à son origine sont toujours sujets à débat. 34 Le congrès de l’Institut des troubles d’apprentissage : un incontournable Michelle Comeau, Ph. D. Professeure retraitée de l’Université de Montréal Directrice de la programmation du congrès de 2002 à 2015 Le thème du 42e congrès annuel de l'Institut des troubles d'apprentissage : Troubles d'apprentissage et défis dans le monde d'aujourd'hui est particulièrement évocateur au moment où nous célébrons les 50 ans de l'Institut, auparavant l'Association québécoise des troubles d'apprentissage (AQETA). Le thème fait allusion bien entendu aux défis à relever par les personnes ayant des troubles d'apprentissage quant à l'éducation, à la santé, au monde du travail et à la société en général. Toutefois, il n'en demeure pas moins que la préparation d'un congrès annuel pouvant intéresser les parents et les différents intervenants relève aussi du défi. Pourquoi les parents fondateurs de l'AQETA ont-ils donné le mandat à Denise DestrempesMarquez, alors directrice générale, d'organiser un congrès? Certainement parce qu'ils sentaient le besoin de réunir les connaissances de manière plus organisée pour aider les intervenants dans la poursuite de leur action éducative. Ceux-ci ne sont-ils pas les meilleurs alliés des parents? Après le premier congrès qui s'est tenu en avril 1976, on a constaté la nécessité de poursuivre, l'année suivante et toutes les autres par la suite. Pourquoi le congrès de l'AQETA est-il devenu un INCONTOURNABLE? En quoi répond-il encore aux questions que se posent parents et intervenants? Probablement parce qu'il poursuit aujourd'hui comme hier les mêmes objectifs: -défendre les droits des enfants, des adolescents et des adultes ayant des troubles d'apprentissage à une éducation, à des services, à une vie de qualité ; 35 Michelle Comeau et Jean-Pierre Proulx, Ph. D., professeur retraité de l’Université de Montréal, au congrès de 2012 -partager les connaissances les plus récentes dans le domaine ; -guider les intervenants dans leur action en tenant compte des moyens appuyés par la recherche. Le congrès a aussi acquis la notoriété qu'on lui connaît autant grâce à la qualité des conférenciers américains, européens, canadiens et québécois qui s’y sont succédé qu’à la diversité des thèmes abordés. Qui ne se souvient de la conférence publique du Dr Hallowell (congrès 2003) sur le TDAH et ses conséquences sur la vie quotidienne où l'assistance était complètement médusée. Il faut savoir qu'à ce moment-là, la controverse concernant l'utilisation de la médication dans le traitement du TDA était très forte! Qui ne se souvient également des formations données par Antoine de la Garanderie sur la gestion mentale qui a eu des retombées importantes au Québec. Dr Edward Hallowell et Antoine de la Garanderie Le congrès a su aussi émouvoir ! À titre d'exemple, la conférence d'ouverture animée par le président du congrès Jacques Tardif (2002) où il recevait les témoignages de jeunes adultes ayant des troubles d'apprentissage, évoquant les difficultés, les incompréhensions rencontrées, mais aussi le soutien de leurs parents et de certains de leurs enseignants. Il faut se souvenir de cette parole mémorable de l'un d'eux: « Donnez-nous la présomption d'intelligence ». L'enregistrement de cette conférence est encore demandé et son contenu semble toujours d'actualité!!! Finalement le congrès est devenu une occasion de rassemblement incontournable parce qu'il a su s'adapter à l'évolution des connaissances. Aux problèmes d'apprentissage liés à la dyslexie, à la dysorthographie, à la dyscalculie se sont ajoutés ceux reliés aux fonctions cognitives, à l'adaptation sociale et professionnelle. D'autres catégories s'y sont aussi greffées: le trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), la dysphasie, les troubles du spectre de l'autisme (TSA), le trouble de dysfonctionnement non verbal.... pour ne citer que ceux-là. Quels sont les défis qui attendent le congrès dans le futur? Pour ma part, je crois que ce sont toujours les mêmes, c'est à dire rester fidèle aux objectifs qu'il s'est fixés tout en respectant les besoins des intervenants et ceux des parents. Il en est toutefois un qui émerge et qui demeure toujours constant après autant de congrès: celui de clamer haut et fort, malgré les embûches de toutes sortes, que les personnes ayant des troubles d'apprentissage sont et demeurent des citoyens et des citoyennes à part entière. Des remerciements d'imposent: Aux directrices générales: Denise DestrempesMarquez, Monique Chemarin, Lise Bibaud qui ont soutenu le congrès ainsi qu'à Lucille Doiron. Denise DestrempesMarquez Gail Desnoyers À Gail Desnoyers qui a été à la tête de 14 congrès...... Merci et Bravo! Aux chargés de projet: Jocelyne Gamache, Jérôme Emery et Jérémie Desport, des organisateurs exceptionnels ! Aux directeurs actuels de la programmation : Alain Desrochers et Guy Aublet, dévoués et attentifs aux besoins des congressistes. Les derniers présidents du congrès : Nadia Rousseau, Monique Brodeur, Jacques Tardif, Michelle Comeau, Marie-France Morin, Sylvie C. Cartier et Roch Chouinard Brigitte Stanké présidente des congrès de 2017-2018 36 Les aides technologiques d’hier à aujourd’hui, mais surtout vers demain sait l’utilisation des aides technologiques à la lecture pour les élèves ayant des besoins particuliers (avec ou sans un trouble). Madeleine Fauteux, orthopédagogue et personne-ressource Institut TA Jean Chouinard, Service national du RÉCIT en adaptation scolaire Bien que les technologies fassent partie de nos vies depuis de nombreuses années, l’autorisation de leur utilisation pour les jeunes ayant des besoins particuliers est relativement récente. Le droit d’utiliser des outils compensatoires est le fruit de longues batailles qu’ont menées des intervenants croyant à la réussite éducative de tous les élèves. En effet, c’est en janvier 2008 que la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec annonçait par le biais de l’info/Sanction 554 que la Direction de la sanction des études autorisait, sur demande de l’école, les élèves ayant des troubles d’apprentissage à utiliser les aides à l’écriture y compris les correcteurs orthographiques pour la passation des épreuves ministérielles en écriture. Cette décision fut en vigueur pour les examens de juin 2008. Par la suite, en novembre 2009, des modifications à l’Info/sanction étaient apportées. Il n’était plus nécessaire d’adresser directement une demande d’autorisation à la Direction de la sanction des études. Le directeur ou la directrice de l’établissement fréquenté par l’élève ou l’étudiant était dorénavant « autorisé à permettre l’utilisation d’aide à l’écriture lorsque le lien entre l’outil et le besoin reconnu de l’élève est établi dans un plan d’intervention ou dans le cas de l’adulte consigné au dossier de l’élève. » Cependant, ce n’est qu’en octobre 2010 que, pour la première fois, la Direction de la sanction des études autori- 37 Typologie des aides à la lecture et à l’écriture Une aide à la lecture est par exemple, une assistance qui vient supporter l’apprenant au moyen d’une synthèse vocale, c’est-à-dire une fonction où le texte est lu par l’ordinateur tel qu’il est écrit. Une aide à l’écriture quant à elle, permet de réaliser une tâche d’écriture que le scripteur pourrait difficilement réaliser ou développer sans le soutien de cette aide technologique. Le modèle des fonctions d’aide Dans un premier temps, il convient de distinguer le produit de la fonction d’aide. Un produit est une marque de commerce. À ce titre, WordQ, Lexibar, Antidote, Médialexie, Adobe sont tous des produits. Or, chaque produit peut contenir une, deux ou voir de très nombreuses fonctions d’aide. Ce modèle permet donc de comprendre l’utilité de la fonction d’aide et ainsi de faire l’adéquation entre le besoin et la fonction utilisée. Il faut préciser que ce ne sont pas les « produits » qui sont autorisés mais plutôt les fonctions d’aide. Le choix du matériel doit être adapté à chaque apprenant en tenant compte de ses difficultés. Un tableau comparatif des fonctions d’aide en lien avec les produits a été publié dans la revue Rendez-vous de l’AQETA, édition spéciale TIC (mars 2012). Une mise à jour sera diffusée en 2017 sur le site de l’Institut TA. Historique du modèle des fonctions d’aide Plus précisément, le modèle des fonctions d’aide est issu d’une première typologie des aides technologiques élaborée par le Service national du RÉCIT en adaptation scolaire, Jean Chouinard et Colette Paquin (janvier 2006). Cette typologie fut par la suite peaufinée par Chouinard, Stanké et Fauteux (2009) puis présentée officiellement au réseau scolaire pour la première fois lors du colloque de l’AQETA (mars 2009) sous le titre de « L’utilisation des aides à l’écriture avec les élèves en troubles d’apprentissage ». Par la suite, elle fut bonifiée et présentée au colloque de l’ADOQ. (novembre 2009) sous la désignation « Un besoin pédagogique, une fonction d’aide, une valeur ajoutée ». Cette typologie comptait alors 12 fonctions d’aide. Dès 2010, Marc Tremblay s’est inspiré de la typologie pour la diffuser largement et poursuivre la réflexion au niveau collégial. Avec Jean Chouinard et à l’aide de précieux collaborateurs, le document « Modèle des fonctions d’aide : un pont entre la théorie et la pratique » voit le jour en mai 2013. On y retrouvera alors de façon plus exhaustive 19 fonctions. Conditions d’utilisation des aides technologiques Pour utiliser les aides technologiques, certaines conditions doivent être respectées. Le Guide de la sanction des études et épreuves ministérielles (édition 2015) précise dans le chapitre 5 que la nécessité de l’utilisation d’un outil d’aide pour répondre aux besoins particuliers de l’élève doit être inscrite au plan d’intervention. De plus, l’outil doit être régulièrement utilisé en cours d’apprentissage et d’évaluation. En aucun temps, celui-ci ne doit accomplir la tâche à la place de l’élève. L’outil doit à cet égard solliciter chez lui une réflexion et une prise de décision. De l’importance des lunettes bien ajustées Sous la plume d’André Lavoie, journaliste, était publié dans le Devoir, cahier spécial sur les troubles d’apprentissage (octobre 2015) l’article mentionné en rubrique. L’utilisation des aides technologiques se veut une adaptation, c’est-àdire qu’en aucun temps les exigences de la tâche ne sont diminuées. Faut-il pour autant choisir les bonnes lunettes ou bons outils. Il faut également insister sur la nécessité de fournir l’accompagnement approprié afin que le jeune puisse en faire bon usage. Les aides technologiques à la lecture et à l’écriture ne font pas à la place de l’élève et ne remplacent pas non plus l’enseignement. Les outils ne suppléent pas la pédagogie tout comme la plume ne fait pas l’écrivain. Conclusion Le droit d’utiliser des outils compensatoires est le fruit de longues réflexions et batailles qu’ont menées des intervenants croyant à la réussite éducative de tous les élèves. Enseignants, directions d’école, parents, intervenants et élèves doivent constamment travailler en étroite collaboration afin de redonner un sens au monde de l’éducation et lui conférer son rôle primordial à l’intérieur de la société : permettre aux jeunes et moins jeunes de réaliser leurs rêves en s’insérant dans la vie active du citoyen de demain. Gabriel Vézina est l’un des premiers élèves au Québec à s’être vu autoriser par la Direction de la sanction des études, l’utilisation des outils d’aide à l’écriture pour la passation des épreuves ministérielles. La présidence des congrès 1976-78 Hal Grosner 1979 Jacques Yvan Morin 1980 Karin David 1981 Catherine Smith 1982-83 Hal Grosner 1984-85 Maurice Galley 1986-87 Rosemary O’Shaughnessy 1988 Ken Prokosh 1989-90 Ann Kerby 1991-92 Maureen J. Ryan 1993-94 Marie-France Legentil 1995-97 Louise Lafleur 1998-2001 Mario Laforest 2002-03 Jacques Tardif 2004-06 Roch Chouinard 2007 Égide Royer 2008-10 Sylvie Cartier 2011-12 Monique Brodeur 2013-14 Nadia Rousseau 2015-2016 Marie-France Morin 38 Pour tous les jeunes ayant un TDA/H, afin que l’avenir ne leur échappe pas… lait bien, avec des évaluations dont nous avions ensemble rédigé les formulaires, suivant les lignes directrices du Collège des médecins et des ordres professionnels impliqués, et tout roulait, avec des participations autour de la table afin de trouver des solutions dans tous les milieux pour les enfants et leur famille. Dre Christiane Laberge Quand on m’a demandé d’écrire un mot sur le projet de Lachine et les troubles d’apprentissage, je vous avoue que j’ai dû me souvenir de toute cette période actuellement tellement révolue. En effet en 2000, les écoles du réseau Lachine criaient au secours au CLSC, car le pédiatre qui prenait soin de la clientèle atteinte de TDAH prenait sa retraite. Mon chef de médecine m’a demandé de changer du CLSC LaSalle au CLSC Lachine pour assurer ce remplacement, car 60 % du temps des professionnels non enseignants (PNE) des écoles en question, passait dans la « gestion » des comportements des enfants non médicamentés, ou ayant cessé leur traitement. Grâce à notre gestionnaire, Victoire Giguère, anciennement de Shawinigan où les services communautaires en traitement concerté du TDAH, avec l’aide du Dr Pierre Poulin servaient de modèle. Nous avons mis sur pied une Clinique TDAH. Le personnel psycho social, le nursing scolaire, le médecin avaient choisi comme motivation que tous les enfants avaient besoin de vivre une enfance normale en tenant compte de leurs difficultés et de leurs besoins particuliers. On a ainsi commencé la collaboration plus intime entre le milieu éducation (les cinq écoles du réseau Lachine), HLM de la Duff Court et le CLSC. Tout al- 39 Avec le temps cependant, les directions d’école ont changé, les coupures auprès des intervenants scolaires, les retraites un peu partout ont brisé la continuité. Et lors des transferts des institutions pédopsychiatriques de la 3e ligne à la première, du personnel frustré d’être déménagé ainsi, mal formé pour cette clientèle et mal préparé à ce grand écart de vision et de méthodes, doublé d’autres réformes (encore une aussi en éducation) ont mis un terme à cette belle collaboration et à cette approche communautaire. Le travail en silo, comme si on faisait du privé au public, des gestionnaires qui géraient une réforme administrative, des agences de santé, les CSSS et pour finir les CIUSSS ont accaparé la grosse part du temps et de l’énergie, laissant le communautaire, devenu une notion carrément obsolète et appauvrie, à lui-même. Par ailleurs, on a noté que l’augmentation énorme de la détresse psychologique des enfants, envahis par l’anxiété, affublés de multiples diagnostics, mais en même temps le manque de ressources pour évaluer les troubles d’apprentissage où les déficiences des transferts de connaissances ont accentué le sentiment de ne jamais avoir tous les éléments du tableau complet afin de les aider adéquatement. De plus, les grands ayant découvert à travers leurs enfants, ou au cours de leur éducation secondaire, cégépienne ou universitaire, quelques problèmes de TDAH, des troubles d’apprentissage, peinent à venir à bout de leur formation. Des décrocheurs qu’on pourrait éviter, des chômeurs découragés, des assistés sociaux pleins de potentiel, mais qu’on abandonne faute de pouvoir déterminer plus spécifiquement leurs besoins. Notre société actuelle valorise à outrance le JE via le temps passé sur les réseaux sociaux qui sont souvent source d’intimidation et de harcèlement, si nos ressources servaient des équipes de personnes en difficulté s’entraidant avec une personne compétente qui, plutôt que de les laisser partir en forêt en survie avec deux silex, leur fournirait un Zippo ! On perdrait moins de temps à toujours répéter, donner des références et au moins on travaillerait à avancer tous ensemble. Les groupes seraient l’avenir puisqu’en brisant l’isolement on favoriserait les amitiés, les relations authentiques et les habiletés sociales. L’échange d'informations, les recherches, l’entraide, de tout cela renaîtra enfin la collaboration, la coopération et un jour nous verrons, peut être ensemble, une population éduquée comme il se doit, lettrée, capable de penser avec des mots essentiels pour exprimer les émotions, lire toutes les informations, évaluer l’art sous toutes ses formes, les sciences par des gens qui penseront « en dehors de la boîte » et qui en seront fiers, enfin le Québec retrouvera ses patenteux, ses parlures et ses échanges d’idées avec des solutions concrètes pour l’Avenir qu’on mérite ! 40 La psychoéducation : un bref survol d’une profession Sylvie Moisan Professeure en psychoéducation Université Laval qui les accompagnent au quotidien et sur l’importance d’adapter le milieu aux besoins de la personne. L’équipe de Boscoville n’est pas la seule à l’époque à souhaiter réformer les pratiques Faire le portrait d’une d’intervention. L’Institut Val-du-Lac, qui accueillait profession aussi polyva- à ce moment des jeunes dits « déficients men- lente que la psychoéducation n’est pas chose fa- taux », visait des objectifs similaires. Les deux cile, surtout dans un texte court. Il est nécessaire équipes collaboreront par la suite dans le déve- de faire des choix et il n’est pas possible d’appor- loppement de la nouvelle profession. ter toutes les nuances requises. J’ai néanmoins accepté l’invitation que m’a fait l’ITA. Quelques dates marquantes permettent de Les débuts rendre compte du développement de la profes- La psychoéducation est une profession typique- sion (OPPQ, 2016) ment québécoise dont on s’entend habituelle- 1954 : Un premier lieu de formation officielle est ment pour situer les débuts vers la fin des années créé. Il est le fruit de trois institutions : le 1940. Elle nait du désir de rompre avec l’ap- Centre d’Orientation et de Réadaptation de proche traditionnelle de l’internement et la philo- Montréal, Boscoville et l’Institut Val-du-Lac sophie de la punition afin d’offrir une intervention 1965 : Un premier diplôme universitaire dans le différente à des enfants présentant des troubles domaine est mis sur pied à l’Université de affectifs graves et à des jeunes référés par la Cour Montréal. Aujourd’hui, la profession est en- des jeunes délinquants. L’idée d’accueillir ces seignée dans six (6) universités québécoises. jeunes dans une institution aux pratiques nou- 1969 : L’Association des psychoéducateurs du velles prend racine et Boscoville, une institution Québec (APEQ) est créée. Son appellation phare pour la profession, ouvre ses portes en consacre le terme « psychoéducateurs » pour 1948 à Rivière-des-Prairies. Boscoville se dé- désigner ce groupe d’intervenants. Jus- marque par son approche et par son organisation qu’alors, les termes psychoéducateurs et édu- qui est adaptée à sa mission ; celle-ci prend peu à cateurs spécialisés étaient utilisés. Doréna- peu la forme d’une ville de jeunes où ceux-ci dé- vant, ils réfèrent à deux groupes d’interve- veloppent leur sens des responsabilités et plu- nants qui ont chacun leur identité. sieurs habiletés en assumant des rôles tels que 41 La professionnalisation 2000 : Les psychoéducateurs sont officiellement maire, échevin, pompier…. L’organisation jouera reconnus à titre de professionnels. Comme le un rôle majeur pour la profession, en contribuant gouvernement d’alors ne souhaite pas créer au développement d’une approche axée sur le de nouvel ordre professionnel, ils se joignent « vécu partagé » entre les jeunes et les adultes aux conseillers en orientation au sein de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orien- est exposée. Par la planification, l’organisation, tation et des psychoéducateurs et psychoé- l’animation et l’utilisation d’activités et des situa- ducatrices du Québec (OCCOPPQ). Doréna- tions, le psychoéducateur favorise la mise en vant, la maitrise est exigée comme critère place de contextes qui vont aider le développe- d’admission à l’ordre professionnel. ment et les apprentissages de la personne. 2010 : L’Ordre des psychoéducateurs et psychoé- L’action psychoéducative suppose autant d’iden- ducatrices du Québec (OPPQ) est officielle- tifier les difficultés de la personne à faire face ment reconnu. Il devient un ordre profession- aux demandes de l’environnement que les diffi- nel distinct. cultés du milieu à répondre adéquatement aux 2012 : la Loi modifiant le Code des professions et besoins de cette personne. d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines (PL 21) reconnaît que des activités à risque de préjudice doivent être réservées à certaines professions, dont celle des psychoéducateurs. La pratique aujourd’hui Le propre de la psychoéducation est l’intervention auprès des personnes qui rencontrent ou qui sont susceptibles de rencontrer des difficultés adaptatives. Plus spécifiquement, le champs d’exercice de la psychoéducation consiste à : « évaluer les difficultés d’adaptation et les capacités adaptatives, déterminer un plan d’intervention et en assurer la mise en œuvre, rétablir et développer les capacités adaptatives de la personne ainsi que contribuer au développement des conditions du milieu dans le but de favoriser l’adaptation optimale de l’être humain en interaction avec son environnement. » (Gouvernement du Québec, 2013, p. 18) Les milieux d’intervention des psychoéducateurs À l’origine, la psychoéducation centrait ses interventions auprès des jeunes en difficultés de comportement, mais son champ d’action s’est nettement élargi depuis. Les 4 447 psychoéducateurs viennent en appui à des personnes de tout âge aux prises avec des difficultés qui se manifestent sur le plan comportemental dans différents milieux de vie (famille, école, garderie, emploi). Plus du tiers intervient dans le secteur scolaire. Ces professionnels exercent auprès d’élèves du primaire et du secondaire, d’adultes effectuant un retour aux études ou auprès d’étudiants des cégeps. Les psychoéducateurs sont reconnus comme les spécialistes de l’intervention auprès des élèves présentant des difficultés de comportement ou susceptibles d’en développer. Pour la psychoéducation, les comportements difficiles peuvent Pour la psychoéducation, l’interaction entre la être vus comme la cause d’autres difficultés (par personne et son environnement est un concept exemple, les difficultés d’apprentissage), comme clé. L’adaptation est conçue comme un état leur conséquence ou les deux types de difficultés d’équilibre entre les caractéristiques et les peuvent découler d’une troisième source. potentialités de la personne et celles de son environnement et des situations auxquelles elle 42 L’intervention visera à tenter de comprendre les présentent des indices de retard de développement liens entre les deux pour déterminer quelle inter- dans le but de déterminer les services de réadapta- vention est la plus susceptible de répondre aux be- tion et d’adaptation répondant à leurs besoins. soins. Le spécifique de la psychoéducation Les psychoéducateurs interviennent aussi auprès La psychoéducation privilégie l’action sur le ter- d’élèves vivant avec un trouble du spectre de l’au- rain, dans le quotidien des personnes accompa- tisme, avec une déficience intellectuelle ou phy- gnées. L’intervention est axée sur l’interaction entre sique et auprès d’élèves qui ont des difficultés la personne et son milieu et vise à faciliter les rap- d’attention, d’agitation ou d’organisation et ceux ports entre la personne et ce dernier. Elle peut vi- qui adoptent des attitudes peu favorables à l’ap- ser à soutenir les compétences de l’individu pour prentissage. Ils s’impliquent dans la prévention de que celui-ci puisse prendre sa place et participer l’abandon scolaire, de la violence et de l’intimida- dans son milieu selon son potentiel ou à adapter tion, dans le développement des habiletés sociales l’environnement pour prendre davantage compte et dans le soutien aux personnes qui retournent aux des besoins de la personne. La finalité de l’action études, pour favoriser le bien-être et le sentiment est d’aider la personne à atteindre son niveau de sécurité que requiert l’apprentissage. d’adaptation optimal compte tenu de son âge, de son développement et des ressources disponibles. Depuis 2012, la PL 21 reconnaît officiellement, parmi les activités qui peuvent être réalisés par les psy- Outre l’action directe auprès de la personne, les choéducateurs, l’évaluation des élèves handicapés psychoéducateurs offrent des services-conseils au- ou en difficulté d’adaptation en vue du plan d’inter- près des intervenants des milieux dans lesquels ils vention en application de la Loi sur l’instruction pu- œuvrent. Ainsi, ils peuvent aider un enseignant à blique et l’évaluation des enfants qui ne sont pas réfléchir aux changements à l’organisation de la encore admissibles à l’éducation préscolaire et qui classe qui pourraient apporter les changements souhaités au sein de son groupe-classe. Un élève peut manquer d’attention à la tâche, manifester beaucoup d’impatience face aux difficultés, éprouver des problèmes de concentration ; des difficultés de comportement qui sont toutes susceptibles de nuire à ses apprentissages. Mais, ces difficultés de comportements peuvent aussi être la conséquence de difficultés d’apprentissage. Face à des notions qui lui apparaissent incompréhensibles, il peut se décourager, perdre sa concentration, rechercher l’attention par ses comportements, adopter des comportements pour se faire exclure du cours et ainsi éviter d’être confronté à la matière, chercher à être reconnu par ses frasques à défaut de l’être par ses résultats. Finalement, il n’est pas exclu que les difficultés de comportement et d’apprentissage trouvent toutes deux leur source dans une cause commune, comme le retard de maturation de certaines zones du cerveau impliquées dans les apprentissages et les comportements. Selon la source, l’intervention gagnera à être modulée. Par son expertise, le psychoéducateur cherchera à contribuer à une compréhension interdisciplinaire des besoins de l’élève qui manifestent des difficultés d’apprentissage et de comportement. 43 Conclusion La psychoéducation est une profession typiquement québécoise qui gagne en importance et en reconnaissance. La petite équipe qui a jeté ses bases à la fin des années 1940 a mené à la création d’un groupe professionnel qui compte aujourd’hui plus de 4 000 membres. Profession en évolution, ses champs d’intervention et les personnes à qui elle s’adresse évoluent, ce qui rend difficile d’en résumer les contours en quelques lignes. Toutefois, peu importe le contexte, ces professionnels partagent une conception de l’adaptation et des conditions qui y mènent et leur expertise contribue au soutien qui peut être apporté aux personnes qui vivent des difficultés d’apprentissage. Quelques suggestions pour approfondir le sujet : Archives du Canada.ca (n/d). Institut Val du Lac. Repéré à https:// archivescanada.accesstomemory.ca/institutval-du-lac-3 Bienvenue, L. (2016). Une enquête d’histoire orale auprès des anciens de Boscoville 19421997. Repéré à http://boscoville.uqam.ca/ historique Gouvernement du Québec (2013). Guide explicatif de la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines repéré à http:// www.opq.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/ Systeme_professionnel/ Guide_explicatif_decembre_2013.pdf Grégoire, J.C. (2012). À propos de la psychoéducation, un bref aperçu historique. Revue canadienne de psychoéducation, 41(2), 121-136. OPPQ (2011). La pratique en mouvement, no 1, OPPQ (2016). Historique. Repéré à http:// www.ordrepsed.qc.ca/fr/lordre/historique/ OPPQ (2016). Rapport annuel 2015-2016 Puska, D., Caouette, M., Dessureault, D. et Mailloux. C. (2012). L’accompagnement psychoéducatif. Vécu partagé et partage du vécu. Longueuil : Béliveau Éditeur Renou, M. (2014). L'identité professionnelle des psychoéducateurs. Longueuil : Béliveau Éditeur Renou, M. (2014). Psychoéducation: une conception, une méthode. Montréal : Éditions Sciences et Culture 44 Le syndrome de Gilles de la Tourette et ses troubles associés Martine Landry Orthopédagogue ou une brûlure. Il est remarqué que, dans certains cas, le mouvement effectué ne peut être considéré ni comme un TIC, ni comme un TOC, parce qu’il ne génère pas de pensée anxiogène ou de sensation prémonitoire. J’appelle ces gestes des «TICTOC» comme le fait de se sentir les doigts. Certains jeunes atteints du SGT peuvent avoir également un trouble d’opposition-provocation. Ils vont constamment argumenter et avoir une humeur agressive. Ils ne veulent pas suivre les consignes. De nos jours, ce syndrome est mieux dépisté. Selon les statistiques, seulement une personne atteinte sur trois seulement souffrira de coprolalie (dire des obscénités). La caractéristique principale du syndrome Gilles de la Tourette est la variation des tics. Il peut également y avoir des périodes de rémissions. Les tics peuvent être simples ou complexes. Certains tics sont à peine visibles et ressemblent à un mouvement fluide, mais répétitif. Il existe des tics que je surnomme les tics bandes dessinées. Par exemple : l’enfant imitera concrètement les images mentales qu’il a en tête. S’il dessine un chien, il fera le chien en jappant ou en imitant les comportements de l’animal. Il n’est pas rare de voir un enfant atteint du SGT qui désire faire tout ce qui est interdit. Tout règlement ou consigne qui est expliqué à l’enfant va presque provoquer un comportement contraire à ce qu’on lui demande. L’enfant SGT peut manquer d’inhibition. Il peut couper la parole régulièrement. Il parlera beaucoup et parfois, sans arrêt. Certains SGT ont un trouble obsessif-compulsif. Ils doivent poser des gestes répétitifs qui soulageront leurs pensées. Chez les gens atteints du SGT, les tics amènent une sensation prémonitoire sur le corps. Ils ressentent un picotement, une douleur, un inconfort 45 L’anxiété pourrait être une conséquence de bien des troubles associés du SGT ou, encore, elle peut exister en elle-même, dès le jeune âge de l’enfant. Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité est très fréquent chez les SGT. Les SGT ont généralement une humeur très changeante et ce, dans une seule et même journée. Ils peuvent parfois être considérés comme d’éternels insatisfaits. La compréhension de ce trouble et de ses multiples facettes permet à l’intervenant d’adapter les moyens qu’il utilise pour atteindre certains objectifs avec l’élève. Plusieurs Tourette auront un très bel avenir et, s’ils ont été compris, encouragés et non jugés, ils pourront poursuivre leurs études et atteindre leurs rêves, comme tous les autres jeunes. Bibliographie Association Québécoise du syndrome Gilles de La Tourette (AQST), textes fournis par Docteur Francine Lussier, neuropsychologue Baron, Chantal, pédopsychiatre « Les troubles anxieux expliqués aux parents», Edition Ste-Justine, 2001, 88 pages Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV-TR), Fourth Edition (Text Revision), American Psychiatric Association, 2006 Falardeau, Guy Dr « Les enfants hyperactifs et lunatiques, Comment les aider » , Éd. Le Jour, 1998, 156 pages Fondation canadienne du syndrome Tourette « Comprendre le syndrome Tourette, Manuel pour les éducateurs», deuxième édition, 2001-2005, 95 pages Jolicoeur, Claude, m.d. pédopsychiatre, voir : www.deficitattention.info Lavigueur, Suzanne, Ph.D « Ces parents à bout de souffle », Editions Quebecor, 1998, 416 pages Leckman, James F. et Cohen, Donald J. « Tourette’s Syndrome, Tics, Obsessions, Compulsion » , Developmental psychopathology and clinical care, 1999, 584 p. Lynn, Georges T. M.A., C.M.H.C., « Survival Strategies for parenting your ADD child, Dealing with obesessions, compulsions, depressions, explosive behavior and rage», Underwood Books, Inc. Grass Valley, California, 1996, 263 pages A. Fallu, M.D., FRCPC, C,. Richard, M.Ps., et A. Vincent, M.D., FRCPC : « Le trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité chez l’adulte », le Clinicien, juin 2002 Gordon, Thomas Dr « Enseignants Efficaces, Enseigner et être soi-même», Éditions du Jour, 2005, 250 pages Destrempes-Marquez, Lafleur, Louise : « Les troubles d’apprentissage : comprendre et intervenir », Éditions Hôpital Ste-Justine, 1999 Sauvé, Colette « Apprivoiser l’hyperactivité et le déficit de l’attention», Édition SteJustine, Centre hospitalier régional du Suroît. http://www.psp.ucl.ac.be/cps/cpsenfant/ fonctions%20executives.html Sylvie Breton, France Léger : « Mon cerveau ne m'écoute pas! » : comprendre et aider l'enfant dyspraxique, Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine, 2007 Francine Lussier, Janine Flessas : « Neuropsychologie de l'enfant; troubles développementaux et de l'apprentissage », Paris, 2001, Edition Dunod Ce soleil représente le syndrome de Gilles de la Tourette dans toute sa complexité. Le centre du soleil présente les deux symptômes permettant d'obtenir un diagnostic. (Pour détails, voir DSMV). Il arrive fréquemment qu'à ces tics s'ajoutent des troubles associés représentés par les rayons du soleil. 46 Ligne du temps – TDAH, une évolution remarquable Dre Suzanne Pelletier Pédiatre 460-370 AC –Observation par Hippocrate de patients ayant une incapacité à se concentrer avec une réaction rapide lors d’expériences sensorielles ; 1775 -Première publication médicale par Melchior Adam Weikard. Description du roi Henry VIII par Shakespeare ; Depuis ce temps, 10 000 publications médicales ont été écrites. Le TDAH a souvent changé de nom selon les connaissances de l’époque. 1817 -« Touche à tout » et « The story of Fidgety Phillip » (1844), deux (2) livres pour enfants qui décrivent les symptômes du TDAH chez les jeunes personnages principaux ; 1902 -Problème de contrôle moral selon Still, les conséquences futures de gestes posés ; 1917 -1918 - Plusieurs cas de TDAH sont décrits chez les survivants d’une épidémie mondiale d’encéphalite, causée par l’influenza. Ce trouble serait donc causé par une atteinte neurologique acquises et non l’hérédité ; 1925 -L’enfant turbulent serait un problème anatomique, psychologique et environnemental selon Wallon ; 1937 -Utilisation d’amphétamine pour traiter les céphalées, amène une nette amélioration de l’hyperactivité motrice et des performances scolaires (Dr Charles Bradley) ; 1940 -Nommé « Lésions cérébrales minimes » ; 1952 -Première édition du DSM et aucune mention d’un trouble qui ressemble au TDAH ; 1957 -Le nom change pour « Syndrôme hyperkinétique ». Action motrice exagérée et dispersion de l’attention. Début du Ritalin® USA ; 1960-1970 -Reconnaissance de l’hérédité ; 1960 -Devient « Dysfonctionnement Cérébral Minime » (DCM) ; 1963 -Conners publie une étude sur les effets positifs du Ritalin pour traiter le Dysfonctionnement Cérébral Minime ; 47 47 1969- Le questionnaire de Conners pour les parents et les professeurs devient la référence pour faire le diagnostique et évaluer l’efficacité du traitement. Plusieurs modifications ont été faites depuis, cette échelle est toujours utilisée par plusieurs spécialistes ; 1970-1980- Deux mille publications scientifiques : -Décrit comme un problème d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité motrice, verbale ou cognitive ; -Début du traitement multimodal: Psychostimulants, comportemental et alimentation ; 1980-1990- Explosion des recherches et devient la pathologie pédopsychiatrique ou neurodéveloppementale la plus étudiée ; 1987- DSM-III : « Trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité » ; 1990-2000 -Études sur la neuro-imagerie, la génétique et l’hérédité ; -Reconnaissance de sa persistance à l’âge adulte chez 66% des cas ; 1994-DSM-IV : « Trouble du Déficit de l’Attention/ Hyperactivité » avec trois (3) sous-types : Inattention prédominante, hyperactivité-impulsivité ou mixte ; 2000-2016 -Reconnaissance internationale du trouble : -Raffinement des échelles diagnostiques ; -Défini comme un trouble des fonctions exécutives d’autocontrôle et de l’importance de la motivation ; -Neuro-imagerie: délai de maturation cérébrale, zones spécifiques atteintes ; -Naissance de multiples associations (CADDRA, CHADD, ASPSARD, CADDAC et autres) ; -Disponibilité de nouvelles molécules et nouveaux types de libération ; -Décrit comme un problème chronique qui affecte toutes les sphères de la vie ; -Reconnaissance de ses comorbidités associées ; -L’approche reconnue la plus efficace est multimodale : combinaison de traitement psychosocial, accommodation et médication selon l’atteinte fonctionnelle et sévérité de l’enfance à l’âge adulte. DSM :Diagnostic and statistic manual of mental disorder, publié par l’Association Américaine de Psychiatrie. (Sources : Attention-Deficit Hyperactivity Disorder Fourth édition Russell Barkley 2015) Bref historique de l’Association québécoise des troubles d’apprentissage, depuis 2014, l’Institut des troubles d’apprentissage Colette Charest Casgrain intéressé par la coordination main-œil chez les enfants. C’est le Dr David Cruickshank de l’Université North Western de Chicago qui a inventé l’expression « Learning Disabilities ». Ce dernier fut l’un des premiers conférenciers au congrès annuel de l’AQETA. Il a aussi découvert qu’un déficit social peut se développer chez les jeunes qui se font traiter de paresseux, de non motivés, d’antisociaux, etc. C’était un immense pas. Christine Couston Institut TA Ellen Sabin et Dr Morris Sabin Dans les années 60, des parents s’inquiètent pour leurs enfants ayant des difficultés scolaires et initient un groupe de rencontre. Il y a 50 ans, on connaissait très peu de choses sur ces enfants « déconcertants » qui, en dépit de leurs habiletés intellectuelles, avaient de la difficulté à apprendre à lire, écrire, calculer, socialiser, communiquer, etc. Ellen Sabin ayant lu un article sur l’Association des troubles d’apprentissage de l’Ontario (Ontario Association of Learning Disabilities), un groupe créé deux ans auparavant, se rend à Toronto pour voir ce qui s’y offre. Elle et son mari, le Dr Morris Sabin, invitent par la suite à quelques reprises à leur domicile un groupe de 14 parents, principalement anglophones, afin de partager leurs expériences et d’essayer de trouver des personnes compétentes qui pourraient comprendre les difficultés de leurs enfants et leur enseigner des stratégies de réussite. Leurs recherches les amènent au Dr Sam Rabinovitch et à Margie Golick, psychologues à l'Hôpital de Montréal pour enfants, au Dr Howard Stutt, directeur en « Special Education » pour la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, et au Dr Abe Kirshner, un optométriste Encouragés par ces professionnels et convaincus de la nécessité de se rassembler, ces parents fondent avec Colette Trent la Quebec Association for Children with Learning Disabilities, en octobre 1966. Ainsi, les gens peuvent trouver l’Association dans le bottin téléphonique. Les premiers efforts visent à faire reconnaître l’existence des troubles d’apprentissage et à organiser des services adéquats pour les enfants aux prises avec ce handicap invisible. Les parents deviennent sans conteste les catalyseurs du changement. Margie Golick Colette Trent 48 Esther Benezra, Ph. D. neuropsychologue C’est avec Esther Benezra, Ph. D., neuropsychologue et collaboratrice du Dr Samuel Rabinovitch du Centre d'apprentissage de l'Université McGill et de l'Hôpital de Montréal pour enfants, que les parents découvrent que leurs jeunes en difficulté scolaire présentent un Q.I. normal et parfois au-dessus de la moyenne. Malheureusement, faute de fonds, le Centre a fermé ses portes au début des années 90. Dr Sam Rabinovitch psychologue Devant l'absence à Montréal de services d'éducation adaptés, M. Paul Zimmerman envoie son fils étudier dans une école Vanguard aux États-Unis. En 1973, M. Zimmerman, en collaboration avec le Dr Samuel Rabinovitch, élabore le projet d'École Vanguard à Montréal. L'école fournit toujours des services adaptés aux élèves québécois présentant des difficultés graves d'apprentissage en milieu scolaire français et anglais. Dès 1970, l’Association loue un petit local et le remplit rapidement de documents d’information, que les parents désespérés s’arrachent. Il faut se rappeler qu’à cette époque, les troubles d'apprentissage n’étaient pas encore bien identifiés et encore moins bien connus. Dès que le nom et le numéro de téléphone de l'Association ont été répertoriés, les appels ont afflué et n’ont 49 49 jamais cessé. Le nombre de membres a augmenté. De nombreuses activités ont été organisées dans le but de rassembler les parents et de fournir une assistance aux enfants. En 1973, la Fondation Molson et McConnell accorde une subvention à l’Association afin qu'Eddy Polack, un professionnel en « Special Education » puisse être embauché pour l’appuyer dans son développement. Pour prendre la relève de M. Polack, Colette Trent, alors présidente du C.A., embauche Gail Desnoyers en tant que coordonnatrice des conférences et lui donne le mandat d’augmenter les conférences en français. C’est alors que Denise Destrempes Marquez est embauchée comme directrice générale. Elle sera en poste durant 18 années. L’Association canadienne des troubles d’apprentissage a son siège social à Ottawa; nos déléguées québécoises étaient Catherine Smith, Colette Trent et Elizabeth Gayda. Celles-ci furent également présidentes de l’Association canadienne des troubles d’apprentissage (ACTA). Après plusieurs rencontres avec des enseignants, des conseils scolaires et des universités, le premier congrès s’organise en 1975, sous le thème Réussir, c’est possible! Avec environ mille personnes présentes, ce congrès connaît un véritable succès. Depuis, l’Association/Institut tient un congrès d’envergure tous les ans et en sera en 2017 à sa 42e édition. Offrant une excellente occasion d'échanger, il permet aussi de stimuler la recherche dans le domaine des troubles d’apprentissage. Dès 1984, des groupes d’entraide pour adultes sont mis sur pied le soir avec Jeannette Côté, une agente d’information qui fait aussi de la relation d’aide. Par la suite, grâce à une subvention fédérale gérée à partir du bureau national, Désirée Chaker s’ajoutera comme coach pour les 18 ans et plus et ce, tant aussi longtemps que l’organisme a pu recevoir cette subvention, de 1998 à 2007 Jeannette Côté Désirée Chaker Après plusieurs rencontres avec des enseignants, des conseils scolaires et des universités, le premier congrès s’organise en 1975, sous le thème Réussir, c’est possible! Avec environ mille personnes présentes, ce congrès connaît un véritable succès. Depuis, l’Association/Institut tient un congrès d’envergure tous les ans et en sera en 2017 à sa 42e édition. Offrant une excellente occasion d'échanger, il permet aussi de stimuler la recherche dans le domaine des troubles d’apprentissage. Dès 1984, des groupes d’entraide pour adultes sont mis sur pied le soir avec Jeannette Côté, une agente d’information qui fait aussi de la relation d’aide. Par la suite, grâce à une subvention fédérale gérée à partir du bureau national, Désirée Chaker s’ajoutera comme coach pour les 18 ans et plus et ce, tant aussi longtemps que l’organisme a pu recevoir cette subvention durant presque quatre ans. C’est aussi en 1975 qu’une première section francophone ouvre ses portes à Montréal. Au fil des ans, plusieurs sections se sont développées dans les différentes régions du Québec dans le but de faire rayonner l’Association à l’échelle provinciale. Ces sections, organismes incorporés à part entière et gérés par des bénévoles, ont le mandat de diffuser des informations sur les troubles d’apprentissage et d’offrir des conférences, des cafés-rencontres et des groupes d’entraide dans leur région respective. Durant les années 90, près d’une quinzaine de sections couvrent le Québec (Laval, Outaouais, Bedford, Lanaudière, Gaspésie, Québec, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Chaudière-Appalaches, Estrie, Abitibi-Témiscamingue, Argenteuil, Châteauguay, St-Léonard, Montréal anglophone). Présentement, il existe quatre sections actives : Laval, Outaouais, Mauricie/Centre-du-Québec et Est de Montréal. Le volume et la nature des activités et services ont évolué et varié selon la disponibilité du financement, qu’il provienne de sources privées telles des fondations, de donateurs privés ou de la part des gouvernements provincial et fédéral. Voici une liste des principaux projets que l’Association a pu réaliser grâce au financement reçu : *Avec l'aide des bénévoles de ses comités et de ses sections locales, l’AQETA répond aux besoins des familles en fournissant un service d'écoute téléphonique et de références. *En collaboration avec les CLSC et les conseils scolaires, l’AQETA met en place des groupes d'entraide pour les parents et développe des programmes permettant de dépister les enfants à risque dans les garderies. *Des conférenciers sont invités dans le but de renseigner les parents sur les troubles d’apprentissage et des fiches de renseignements sont rédigées et imprimées à l’intention des écoles et des hôpitaux. *Margie Golick publie la brochure A parent Guide to Learning Disabilities dont les droits d’auteur sont octroyés à l’Association. *Des services sont développés à travers la province, des agents d’information sont embauchés et des représentations sont faites auprès des commissions parlementaires, rappelant l’existence d’une « enfance exceptionnelle ». 50 *Des services sont développés à travers la province, des agents d’information sont embauchés et des représentations sont faites auprès des commissions parlementaires, rappelant l’existence d’une « enfance exceptionnelle ». *En 1980, des séminaires Bell sont organisés pour le bénéfice des commissions scolaires de la province. *En 1982, l’AQETA s’oriente vers les jeunes adultes et des groupes se développent en dehors de Montréal grâce à notre participation à un sommet socio-économique sur l’intégration des personnes handicapées. *En 1986, à l’occasion du 20e anniversaire de l’Association, une campagne est menée auprès des CLSC et des professionnels de la santé. Une nouvelle revue d’information prend forme : c’est le Rendez-vous. Aujourd’hui, la revue est remplacée par notre infolettre électronique. *L’Association planifie des représentations auprès du ministère de l’Éducation lors de différents projets de loi, dont la loi 107 sur le régime pédagogique du Conseil supérieur de l’éducation, etc. *Au cours de ces mêmes années, le groupe AquaKids est mis sur pied afin d’aider les jeunes de 6 à 16 ans ayant des déficiences motrices à développer leurs habiletés physiques par la nage, la gymnastique, le jeu, les arts et l’artisanat. D’ailleurs, ce programme est toujours offert par le Montreal Centre for Learning Disabilities (ancienne section Montreal Chapter One). *De 1998 à 2012, les ministres de l’Éducation ont été les invités d’honneur aux congrès annuels et se sont adressés aux congressistes. *Durant les années 90, suite au travail du Comité d’éducation de l’AQETA, un projet politique sur la sanction des études englobant les élèves handicapés visuels et auditifs ainsi que les élèves ayant un trouble spécifique d’apprentissage a été présenté au congrès de l’AQETA par la Direction de la Sanction des études, afin d’offrir aux élèves concernés la possibilité d’adapter les examens à leurs besoins. Malheureusement, ce projet n’a pas été réalisé. Ces adaptations se feraient au cas par cas et, afin de se prévaloir des mesures spéciales, il faudra 51 s’adresser au responsable de l’adaptation de la région. *En 1998, dans le but de contribuer à la complémentarité de toutes les interventions en adaptation scolaire, le ministère de l’Éducation propose, dans le cadre de la mise à jour de sa politique, la constitution d’un groupe de concertation en adaptation scolaire (GCAS) formé de représentant(e)s des grandes entités qui contribuent au développement des jeunes handicapés ou de jeunes en difficulté. L’AQETA, identifiée comme l’une des partenaires à la démarche, est invitée à siéger au sein du comité. C’est Denise Destrempes Marquez, alors directrice générale, qui a hérité de ce mandat, elle avait été embauchée par Gail Desnoyers alors présidente du C.A. De plus, un programme de sensibilisation a été développé et Christine Couston a été embauchée en tant que coordonnatrice des communications. Denise D. Marquez Gail Desnoyers *En 2004 et 2005, Dépister pour le succès, un projet de l’Association canadienne des troubles d’apprentissage, se tient dans toutes les provinces du Canada et deviendra par la suite au Québec Dépister pour alphabétiser. *En 2007-2008, le projet Carnet de route à l’intention des employeurs, subventionné par le Secrétariat national à l’alphabétisation, vise à sensibiliser les employeurs *En 2013, l’AQETA organise un premier colloque pour parents, Le grand défi de l’apprentissage, qui en est maintenant à sa 4e édition. *La même année, l’AQETA présente au Conseil supérieur de l’éducation un mémoire intitulé Les réformes du curriculum et des programmes : quinze ans après les états généraux sur l’Éducation. *De 2010 à 2013, l’AQETA reçoit des dons de fondations ainsi qu’une subvention du ministère de la Famille pour faire progresser le projet Dépistage précoce : Un bon départ ! dans les centres de la petite enfance. Ce projet existe à la section AQETA-Laval depuis 25 ans. *En mars 2013, lors du congrès annuel, Micheline-Joanne Durand, Roch Chouinard et Al ont offert la ristourne de leur livre L’évaluation des apprentissages à l’AQETA. Merci encore ! Depuis 2014, l’AQETA est devenue l’Institut des troubles d’apprentissage et continue à encourager un partenariat avec tous les intervenants, qu’ils proviennent du milieu de l’éducation, de la santé ou de l’emploi. Il souhaite continuer à jouer un rôle non seulement par l’intermédiaire de ses activités auprès du public, mais aussi en représentant les personnes vivant avec des troubles d’apprentissage face à divers projets du ministère de l’Éducation, de la santé et des services sociaux, du travail et tout autre ministère jugé à toucher plus ou moins directement ces personnes. Il continue d’offrir un leadership pour les parents et pour les praticiens travaillant avec des élèves en difficulté. Avec l’appui de la communauté (affaires, fondations, particuliers et gouvernements), nous pourrons continuer à faire progresser la réalité de personnes vivant avec des troubles d’apprentissage ! Il va presque sans dire que l’Institut a de quoi s’occuper un autre 50 ans… et même plus ! L’évolution de notre appellation reflète l’évolution de la science et des besoins de la population touchée par les troubles d’apprentissage. Toutes ces années ont été marquées par des activités et des luttes, de même que par de petites et grandes réalisations. Aujourd’hui, on Notre futur dépend de l’appui de la commureconnaît la nécessité d’un plan d’intervention nauté ! et le dépistage précoce pour tous. Même si ça demeure loin de la réalité pour tous. Depuis 50 ans et grâce au travail de notre organisme, l’évolution de la connaissance des troubles d’apprentissage de même que l’évaluation des difficultés des élèves en milieu scolaire ont fait des bonds énormes. Il reste cependant un long chemin à parcourir puisque la société québécoise a encore besoin d’être sensibilisée aux troubles d’apprentissage. La pénurie de ressources et le manque d’accès à celles qui existent demeurent l’obstacle le plus important au succès des élèves et des adultes ayant des troubles d’apprentissage. 52 Reconnaissance LES PRÉSIDENT(E)S DU C.A. 1966-76* Colette Trent Élizabeth Gayda 1976-80 Denyse Labelle-Cenerelli 1980-81 Gilles Dubé 1981-82 Catherine Smith 1982-83 Gladys Provençal 1983-85 John Penhale 1985-86 Jean-Louis Benoit 1986-88 Gail Desnoyers 1988-90 Colette Trent 1990-98 Francyne Nault-Guraslan 1998-2004 Louise Bastien-Lafleur 2004-06 Lise Bastien 2007-10 Michel Ménard 2010-11 Line Laplante 2011-14 Jean-Louis Tousignant 2014-16 Roger Casgrain *Certaines données et détails, que ce soit par la durée des mandats ou par les personnes qui ont été président(e)s du conseil d’administration, sont manquants pour cette période. Nos repères au fil des ans ! 1966 1987 2005 2014 53 1966 – 1980 Avenue Victoria, Westmount, QC 1980 – 1991 1155, rue de la Montagne, Montréal, 1991 – 2010 284, rue Notre-Dame, Montréal, 2010 – 2016 740, rue Saint-Maurice, Montréal, Quebec Association for Children with Learning Disabilities / Association québécoise pour les enfants ayant des troubles d’apprentissage Association québécoise pour les troubles d’apprentissage / Learning Disabilities Association of Quebec Association québécoise des troubles d’apprentissage / Learning Disabilities Association of Quebec Institut des troubles d’apprentissage / Learning Disabilities Institute 53