118 CHAPITRE 10. ESPACES VECTORIELS
10.3.3. Noyau, Image.
D´enition 10.3.9. Soit fL(E, E). On appelle :
le noyau de f, not´e (7) ker(f), est {vE, f(v) = 0}.(QC)
l’image de f, not´ee im(f), est {vE,vE, f (v) = v}.
Proposition 10.3.10. — Le noyau de fest un sous-espace vectoriel de E,
l’image un sous-espace vectoriel de E.(QC)
D´emonstration. ¸Ca d´ecoule de la d´enition. Par exemple : si uet vsont
dans ker(f)et λK,f(u+λ·v)=f(u)+λ·f(v) = 0. Donc u+λ·vest
dans ker(f).
Le noyau permet de mesurer l’injectivit´e de f:
Proposition 10.3.11. — Une application lin´eaire fest injective si et seule-
ment si ker(f) = {
0}.(QC)
D´emonstration. — Si fest injective, comme f(
0) =
0,f(v)=
0pour tout
v=
0. Donc ker(f) = {0}.
R´eciproquement : soit v=vE. Alors vv=
0. Donc vv�∈ ker(f);
on en d´eduit
0=f(vv) = f(v)f(v). On conclut : f(v)=f(v).
Encore une fois, on peut faire un retour sur les syst`emes lin´eaires : soit
AX =bun syst`eme lin´eaire. D’abord, ce syst`eme a une solution si et seulement
si il existe un vecteur Xtel que AX =fA(X) = b. Autrement dit, ce syst`eme
a des solutions si et seulement si bim(fA).
De plus, l’ensemble des solutions du syst`eme homog`ene AX = 0 est exacte-
ment le noyau de l’application lin´eaire fAassoci´ee `a A. Cette remarque donne
le moyen de calculer le noyau d’une application lin´eaire fAassoci´ee `a une ma-
trice A: c’est l’ensemble des solutions du syst`eme lin´eaire AX = 0, qu’on sait
r´esoudre par pivot de Gauss.
10.4. Bases, dimensions
On consid`ere toujours Eun K-espace vectoriel.
10.4.1. Familles libres, bases.
D´enition 10.4.1. Soient (v1, . . . , vn)une famille (8) d’´el´ements de E.(QC)
7. De l’allemand kernel, qui veut dire noyau
8. C’est-`a-dire un ensemble num´erot´e d’´el´ements.
10.4. BASES, DIMENSIONS 119
1. On dit que la famille est en´eratrice si Vect(v1, . . . , vn) = E.
2. On dit que la famille est li´ee s’il existe des scalaires λ1,...,λnnon tous
nuls tels que n
1λi·vi= 0. Une telle relation est appel´ee relation de
liaison entre les vi.
3. On dit que la famille est libre si elle n’est pas li´ee.
Exemple 10.4.2. La famille de Rnsuivante est `a la fois libre et g´en´era-
trice.
v1=
1
0
0
.
.
.
0
;v2=
0
1
0
.
.
.
0
, . . . , vn=
0
.
.
.
0
0
1
.
Exercice : v´erier que c’est bien une base.
D´enition 10.4.3. Si une famille (v1, . . . vn)est `a la fois libre et g´en´era-
trice, on dit qu’elle est une base de E.
Remarques 10.4.4. — Si la famille (v1, . . . vn)est li´ee, toute famille plus
grande (v1, . . . , vp)avec p>nest li´ee : on prend les (λi)1indonn´e par
une relation de liaison (ils sont donc non tous nuls). On d´enit λi= 0 pour
n+ 1 ip. Alors p
1λi·vi= 0 est une relation de liaison pour (v1, . . . , vp).
Par contrapos´ee, toute sous-famille d’une famille libre est libre.
Une famille est libre ssi on a : n
1λi·vi= 0 tous les λisont nuls. Ou encore :
si deux combinaisons lin´eaires des visont ´egales, elles ont les mˆemes coecients.
En eet : si n
1λi·vi=n
1µi·vi, alors n
1(λiµi)·vi= 0, donc λi=µi
pour tout i.
Finalement, (v1, . . . , vn)est une base si et seulement si tout vecteur de Es’´ecrit
de mani`ere unique comme combinaison lin´eaire des vecteurs vi.
On peut construire une base en enlevant des ´el´ements redondants dans une
famille g´en´eratrice :
Proposition 10.4.5. — On peut extraire une base de Ede toute famille g´e-
n´eratrice nie (u1, . . . , up).
D´emonstration. On enl`eve les vecteurs redondants tant qu’on peut :
Si la famille est libre, on a bien une base.
Sinon, elle est li´ee : un des vecteurs est combinaison lin´eaire des autres : on
peut l’enlever. On obtient une sous-famille de cardinal p1qui est toujours
g´en´eratrice. Et on continue `a enlever les vecteurs inutiles jusqu’`a obtenir une
famille libre.
120 CHAPITRE 10. ESPACES VECTORIELS
On arrivera toujours `a une famille libre : sinon, ¸ca veut dire qu’on peut
enlever tous les vecteurs. Mais la famille vide n’est pas g´en´eratrice.
On aura besoin d’un lemme `a propos des familles libres :
Lemme 10.4.6 (Lemme d’extension des familles libres)
Soit (v1, . . . , vn)une famille libre de Eet vEun vecteur qui n’est pas
dans Vect(v1, . . . , vn).
Alors la famille (v1, . . . , vn, v)est encore libre.
D´emonstration. Consid´erons une combinaison lin´eaire nulle n
i=1 λi·vi+
λ·v= 0E. Il s’agit de montrer que tous les coecients λiet λsont nuls.
Tout d’abord, si λ= 0, alors on peut ´ecrire v=n
i=1 λi
λ·vicomme une
combinaison lin´eaire des vecteurs vi. Mais on a suppos´e que vn’est pas dans
l’espace vectoriel engendr´e par les vi. Donc λ= 0.
Ainsi, la combinaison lin´eaire s’´ecrit n
i=1 λi·vi= 0. Comme la famille des
viest libre, on obtient bien que tous les λisont nuls.
Enn, une application de l’injectivit´e des applications lin´eaires nous sera
utile :
Proposition 10.4.7. — Soit f:EEune application lin´eaire injective,
et v1,. . .,vnune famille de vecteurs de E.
Alors v1,. . . vnest li´ee si et seulement si f(v1),. . .,f(vn)est li´ee.
D´emonstration. L’implication directe : si λivi= 0 avec des λinon tous
nuls, alors on a f(λivi) = f(0) = 0. Or, f(λivi) = λif(vi)par lin´earit´e.
On a bien obtenu une relation de liaison entre les f(vi).
R´eciproquement : si λif(vi)=0, avec les λinon tous nuls, alors on peut
´ecrire par lin´earit´e f(λivi)=0. Or fest suppos´ee injective, donc on peut
en d´eduire que λivi= 0. Nous avons bien une relation de liaison.
10.4.2. Coordonn´ees dans une base. Soit Eun K-ev est B= (u1, . . . un)
une base de E.
D´enition 10.4.8. Pour vE, on appelle coordonn´ees de vdans la base
Ble vecteur
λ1
. . .
λn
tel que v=n
1λi·ui.
Remarque 10.4.9. — On a vu qu’un vecteur s’´ecrivait de mani`ere unique
comme combinaison lin´eaire des vecteurs d’une base. Donc les coordonn´ees
sont bien d´enies.
10.4. BASES, DIMENSIONS 121
Proposition 10.4.10. — L’application «coordonn´ees dans la base B», de
Edans Kn, qui envoie un vecteur vsur le vecteur de ses coordonn´ees, est un
isomorphisme d’espace vectoriel.
D´emonstration. Si uest de coordonn´ees
α1
.
.
.
αn
et vde coordonn´ees
β1
.
.
.
βn
,
alors u+λ·v=n
1(αi+λβi)·uiest de coordonn´ees
α1+λβ1
.
.
.
αn+λβn
=
α1
.
.
.
αn
+λ·
β1
.
.
.
βn
.
L’application est donc bien lin´eaire.
Elle est surjective : si
λ1
.
.
.
λn
est un vecteur de Kn, c’est l’image du vec-
teur n
1λi·ui. Elle est injective : son noyau est l’ensemble des vecteurs de
coordonn´ees nulles ; il est donc r´eduit `a
0
.
.
.
0
10.4.3. Dimension. —
D´enition 10.4.11. Un K-espace vectoriel est dit de dimension nie s’il
admet une famille g´en´eratrice nie (v1, . . . , vn).
Dans le cas du plan R2, on se convainc qu’une base est toujours compos´ee de
deux vecteurs non colin´eaires. On va montrer que c’est toujours vrai : toutes
les bases ont mˆeme cardinal. Rappelons que le cardinal d’une famille est le
nombre de vecteurs qui la composent. Le but de ce paragraphe est en eet de
montrer le th´eor`eme fondamental suivant :
Th´eor`eme 10.4.12. — Soit Eun espace vectoriel de dimension nie. Alors :
1. toutes les bases ont mˆeme cardinal. On appelle ce cardinal la dimension
de E, not´e dim(E);
2. de plus toute famille libre est de cardinal pdim(E)et, si elle est de
cardinal dim(E), c’est une base ; (QC)
3. enn toute famille g´en´eratrice est de cardinal pdim(E)et, si elle est
de cardinal dim(E), c’est une base.
122 CHAPITRE 10. ESPACES VECTORIELS
Exemple 10.4.13. — Les R-ev Rnsont de dimension n: on connaˆıt
la base canonique.
L’espace Cd[X]des polynˆomes de C[X]de degr´e inf´erieur ou ´egal `a dest
un sous-ev, de dimension d+ 1. Une base est 1, X, . . . , Xd.
Commen¸cons par un lemme disant que si une famille a plus de vecteurs
qu’une base, alors elle est li´ee :
Lemme 10.4.14. — Soit (u1, . . . , un)une base. Alors toute famille (v1, . . . , vp)
avec p>nest li´ee.
Une autre fa¸con de le dire (en contraposant l’implication) est que toute
famille libre est de cardinal inf´erieur ou ´egal `a n. Ce lemme est le cœur du
th´eor`eme pr´ec´edent.
D´emonstration. Consid´erons C1,. . .,Cples vecteurs de coordonn´ees des vi
dans la base des uj. Ce sont des vecteurs colonnes de Rn.
Remarquons que si nous montrons que les vecteurs C1,. . .,Cpsont li´es,
alors v1,. . .,vpsont eux-mˆemes li´es : c’est la proposition 10.4.7. De plus, on
a vu que montrer que ces vecteurs sont li´es revient `a trouver une solution non
nulle au syst`eme AX = 0, o`u Aest la matrice de taille n×pdont les colonnes
sont les Ci.
Mais on sait que n < p, donc ce syst`eme a plus d’inconnues que d’´equations :
il y a forc´ement des variables libres, donc forc´ement des solutions non nulles.
On peut se lancer dans la preuve du th´eor`eme :
D´emonstration. — 1. Soient B= (u1, . . . , un)et B= (v1, . . . , vp)deux
bases. On veut montrer que n=p. Pour ¸ca on utilise deux fois le lemme
pr´ec´edent : d’une part Best une base et Best libre, donc le lemme
pr´ec´edent donne que pn. D’autre part, Best une base et Best libre,
donc le lemme pr´ec´edent donne que np. Au nal toutes les bases ont
mˆeme cardinal n= dim(E).
2. Soit (v1, . . . , vp)une famille g´en´eratrice. On sait qu’on peut en extraire
une base, qui sera compos´ee de nvecteurs d’apr`es le premier point. Donc
d’une part pn, d’autre part si p=n, on n’a pas besoin d’extraire : la
famille est d´ej`a une base.
3. Une famille libre (u1, . . . , up)est de cardinal inf´erieur au cardinal de
n’importe quelle base comme le prouve le lemme pr´ec´edent. Or on a une
base de cardinal n. Ainsi pn.
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