Sous la direction de
Claude Claude Jean-Pierre
L
ÉVY
-L
EBOYER
L
OUCHE
R
OLLAND
RH, les apports
de la psychologie du travail
1. MANAGEMENT
DES PERSONNES
MEP-Début-1-4 Page 3 Lundi, 19. décembre 2005 5:17 17
© Groupe Eyrolles, 2006
ISBN : 2-7081-3462-0
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© Groupe Eyrolles
Chapitre 9
Faut-il prendre en compte
la personnalité dans les décisions
de recrutement et de sélection ?
Le rôle particulier de la
dimension « Conscience »
FILIP DE FRUYT
Ce chapitre est articulé autour de quatre questions centrales auxquelles il
faut fournir des éléments de réponse lorsqu’on aborde la personnalité dans
les opérations de recrutement et de sélection. La première est : « Est-il
réellement important (ou non) de prendre en considération la personnalité
dans les décisions de recrutement et de sélection ? ». Si l’on répond à
cette question par l’affirmative, la seconde question est : « Quelles dimen-
sions de personnalité faut-il prendre en compte et comment ces dimen-
sions affectent-elles l’efficience (la performance) professionnelle ? ». Ce
chapitre est centré sur la dimension dénommée « Conscience » qui est un
prédicteur général de la performance professionnelle dans différents
emplois et pour différents critères d’efficience professionnelle. Si l’on est
convaincu que ces traits sont importants, il faut pouvoir disposer d’instru-
ments de mesure permettant d’évaluer les différences individuelles entre
candidats et entre employés. Ce troisième point sera donc également dis-
cuté. Nous discuterons enfin les questions relatives au développement de
la personnalité au cours du déroulement de la carrière professionnelle. Ces
quatre questions centrales sont précédées d’une courte introduction à la
psychologie des traits.
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RH, LES APPORTS DE LA PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL
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© Groupe Eyrolles
LA PERSONNALITÉ ET LES TRAITS
Les traits sont des dispositions durables, reflétant des différences
individuelles qui manifestent une relative stabilité temporelle et une
relative consistance trans-situationnelle. Compte tenu de leur carac-
tère dispositionnel, les traits affectent les manifestations comporte-
mentales en conjonction avec les exigences et les influences des
situations. Ils constituent le noyau central de l’individu, et doivent
être inférés à partir des comportements, des cognitions, des préfé-
rences et des émotions observés de préférence sur de longues
périodes temporelles et dans des situations différentes. Si l’on uti-
lise une métaphore, les traits renvoient au climat, un pattern spécifi-
que observable dans une région particulière sur une longue période,
plutôt qu’au temps qu’il fait, pour lequel on peut jour après jour
observer des variations. Néanmoins, l’observation du temps qu’il
fait sur de longues périodes fournit une estimation du climat et pro-
cure une meilleure base pour la décision et la prédiction. A titre
d’exemple, pour bénéficier du temps que l’on souhaite, il est préfé-
rable de fonder le choix d’une destination et de la période de vacan-
ces sur des données climatiques. Cette méthode n’exclut pas que
l’on trouve la pluie en arrivant en juillet dans un aéroport de Grèce,
mais deux heures plus tard vous pouvez également profiter du soleil
au balcon de votre hôtel et bénéficier des conditions climatiques
habituelles et attendues pour le reste de votre séjour.
Les psychologues qui étudient les traits ne contestent pas l’exis-
tence d’une variabilité des conduites attribuable à la situation, ils ne
nient pas non plus que la conduite résulte d’une interaction entre la
personne et l’environnement, mais ils estiment que l’environnement
ne peut exercer une influence sur l’individu que dans la mesure où il
existe chez l’individu un noyau central qui puisse être influencé.
Dans des conditions environnementales identiques, on peut obser-
ver que les comportements de personnes différentes sont très diffé-
rents. Ainsi, dans la même unité ou le même service, la performance
professionnelle des employés placés dans les mêmes conditions,
manifeste une très grande variabilité quantitative ou qualitative. De
la même manière, dans un entretien structuré qui tend à placer
l’ensemble des candidats postulant pour le même emploi dans les
mêmes conditions (plus ou moins standardisées), on peut constater
que ces candidats se conduisent néanmoins de manière très diffé-
rente. L’objectif spécifique de l’évaluation de la personnalité est
d’examiner ces patterns individuels de conduite relativement stables
(stabilité temporelle) et relativement consistants (consistance trans-
situationnelle).
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Méthodes d’évaluation
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Il y a – bien évidemment une large gamme de différences individuel-
lles et donc il est pratiquement impossible d’évaluer les personnes
sur l’ensemble des traits. Les adjectifs visant la description de carac-
téristiques de personnalité constituent une catégorie de mots particu-
lièrement bien adaptés à la description des différences entre
personnes. A titre d’exemple, supposons que « prendre le
leadership » « influencer les autres » et « imposer sa volonté » soient
des caractéristiques importantes pour un manager, il nous faut donc
un vocabulaire qui renvoie à ces conduites. On trouve, en effet, dans
le langage naturel des adjectifs tels que « assertif » et « dominant »
pour décrire ces conduites de manière plus abstraite et ces adjectifs
résument très bien différents patterns de conduite. Dans les derniè-
res années, les chercheurs étudiant les traits ont démontré de
manière convaincante que dans de très nombreuses langues les
listes d’adjectifs permettant la decription de caractéristiques de per-
sonnalité peuvent se résumer à cinq dimensions que l’on dénomme
les Big-Five ou les dimensions du Five Factor Model. Les Big-Five et le
FFM sont des perspectives de recherche différentes que nous ne
décrirons pas ici. Dans ce chapitre, nous utiliserons le label FFM pour
le Modèle en Cinq Facteurs. Une description de l’émergence des
dimensions du FFM est presentée par Rolland (1996). Ces dimen-
sions sont le Neuroticisme ou Névrosisme (vs. Stabilité Emotion-
nelle), l’Extraversion, l’Ouverture à l’expérience, l’Agréabilité-
Altruisme et la dimension dénommée « Conscience ». Ces cinq
dimensions sont des dimensions bipolaires (Neuroticisme-Stabilité
Emotionnelle, Extraversion-Introversion etc.) largement indépendan-
tes les unes des autres. L’indépendance des dimensions de ce
modèle signifie qu’une information sur le score en Extraversion d’une
personne ne fournit aucune information sur son score aux autres
dimensions du Big-Five, telle que la « Conscience » par exemple. Ces
dimensions fondamentales constituent la base des différences indivi-
duelles de la même manière que les combinaisons des trois couleurs
primaires permettent de définir l’ensemble du spectre des couleurs.
L’Extraversion renvoie à la sociabilité, l’assertivité, l’ascendance,
l’énergie et l’optimisme par opposition à la préférence pour le tra-
vail solitaire, la tendance à suivre les objectifs, les instructions et
les ordres des autres et l’introversion.
L’Agréabilité est une dimension qui décrit la qualité (la tonalité)
des interactions sociales. Cette tonalité peut varier d’une dispo-
sition à rechercher et entretenir des relations chaleureuses, ami-
cales, empathiques et altruistes, à une tendance à la froideur, la
distance, l’égocentrisme et l’antagonisme.
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© Groupe Eyrolles
La dimension Conscience décrit la tendance à la précision,
l’ordre et l’ambition mais également l’autodiscipline et le senti-
ment de compétence. Ce type de dispositions trouve naturelle-
ment son application dans les situations de travail et les
contextes professionnels.
Le Neuroticisme versus Stabilité Emotionnelle est une dimension
qui décrit des différences individuelles d’anxiété, d’hostilité, de
vulnérabilité et d’émotionalité négative.
Finalement, l’Ouverture renvoie à la créativité et l’ouverture
d’esprit versus le manque d’imagination, les intérêts terre-à-
terre et la préférence pour les méthodes et solutions connues et
établies.
Il est important de souligner que ces dimensions décrivent l’étendue
normale des différences individuelles et que les scores extrêmes (de
part et d’autre du continuum) n’impliquent pas nécessairement des
conduites psychopathologiques ou des problèmes d’ajustement.
LES TRAITS AFFECTENT LA PERFORMANCE
L’intelligence est un prédicteur de la performance (efficience) profession-
nelle dans les différents emplois et pour différents critères. Il y a dans la
communauté scientifique un consensus sur ce point (Salgado, dans ce
volume ; Schmidt et Hunter, 1998). Les coefficients de validité varient de .23
à .58, selon les exigences de la tâche, ce qui suggère que l’intelligence expli-
que de 5 % à 35 % de la variance des critères d’efficience professionelle. Les
valeurs inférieures sont obtenues pour les emplois d’exécution simple tels
que les caissiers(ères) dans les magasins et supermarchés, tandis que les
valeurs supérieures sont obtenues pour les fonctions de management. Ces
résultats, très solidement établis par la recherche et différentes synthèses,
contrastent avec les pratiques actuelles de sélection et d’évaluation dans
lesquelles la mesure de l’intelligence est souvent négligée ou simplement
réfutée sous le prétexte que cela serait « démodé, inapproprié, ou politiquement
incorrect ». Les praticiens de la sélection doivent toutefois affronter les faits :
l’intelligence prédit jusqu’à 35 % de la future performance au travail des can-
didats et par voie de conséquence la satisfaction des clients des cabinets de
conseil en recrutement. L’intelligence est donc un prédicteur incontournable
et il faut souligner que l’on trouve chez les éditeurs de tests des instruments
de mesure de l’intelligence valides et fidèles qui nécessitent moins de 30
minutes de passation. Les praticiens des ressources humaines doivent donc
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