Partie 1 Les bases Qu’est-ce que la glande prostatique et à quoi sert-elle ? Quels sont les signes et les symptômes d’une prostate qui a grossi (qu’elle soit cancéreuse ou bénigne) ? Et plus encore… Les bases 1. Qu’est-ce que la glande prostatique et à quoi sert-elle ? La prostate est une glande présente uniquement chez l’homme faisant partie du système reproducteur masculin. On peut vivre sans, mais elle est indispensable à la fertilité. La prostate n’est pas en fait une glande unique, mais plutôt un assemblage de glandes entourées par une capsule, dont nous verrons toute l’importance. Le rôle de la prostate est de sécréter des substances entrant dans la composition du sperme appelé liquide séminal. Elle se situe sous la vessie, en avant du rectum, et encercle le canal de l’urètre. Sa situation en fait un organe stratégique dans le contrôle des urines. Pour cela, elle est étroitement associée à des muscles qui entourent l’urètre, que l’on appelle des sphincters, et qui en assurent la continence. Lorsque la prostate a augmentée de volume ou est indurée, il arrive que le canal de l’urètre qui la traverse soit comprimé et étiré. À l’arrière et en haut de la prostate se situent les vésicules séminales ainsi que les canaux déférents qui proviennent des testicules et amènent dans la prostate les spermatozoïdes, qui sont mélangés au liquide séminal pour former le sperme, lequel passe dans l’urètre au moment de l’éjaculation. Le bon fonctionnement de la prostate tient à la présence nécessaire d’hormones mâles, en particulier la testostérone. Parce qu’elle se situe juste en face du rectum, la face postérieure de la prostate est accessible à l’examen clinique par le toucher rectal. La taille normale est celle d’une châtaigne (Fig. 1 et 2). Elle mesure environ 3 à 4 cm de long et 3 à 5 cm de large, a un volume d’environ 25 centimètres cubes (cm3) et pèse, chez l’homme jeune, environ 20 g. La glande prostatique est divisée en plusieurs zones. On distingue la zone transitionnelle, la zone périphérique et la zone centrale (Fig. 3). Dans la plupart des cas, le cancer se développe dans la zone périphérique. Dans de plus rares cas, c’est la zone transitionnelle autour de l’urètre qui est atteinte. Souvent, le cancer est multifocal, c’est-à-dire qu’il se développe en même temps dans différents territoires de la glande prostatique. L’urètre est un canal qui conduit l’urine de la vessie à l’extrémité du pénis appelé méat urétral. L’urètre prostatique commence au col de la vessie et circule dans la glande prostatique. Il se poursuit par l’urètre membraneux qui est un segment de 1 cm de longueur qui traverse les muscles du plancher pelvien. La testostérone est l’hormone mâle responsable des caractères sexuels secondaires comme la pilosité ou les modifications de la voix. Les zones sont des territoires de localisations différentes. Un cancer multifocal signifie qu’il se développe dans plusieurs endroits à la fois. 17 100 questions-réponses Le cancer de la prostate Bénin signifie non cancéreux. Une autre façon de décrire la glande est de la diviser en lobes : deux lobes latéraux, un lobe médian, un lobe antérieur et un lobe postérieur. L’hypertrophie bénigne (ou adénome) de la prostate prend place typiquement dans les lobes latéraux, mais peut aussi affecter le lobe médian. La glande prostatique contient des quantités importantes de zinc ; la raison n’en est pas claire, mais il semble que cette caractéristique contribue à la lutte contre les infections. Figure 1 Anatomie de l’appareil génito-urinaire masculin in Prostate and Cancer par Sheldon H.F. Marks © 1995 par Sheldon Marks. Reproduit avec la permission de Perseus Books Publishers, member de Perseus Books, L.L.C. Figure 2 Anatomie de l’appareil génito-urinaire masculin Reproduit avec la permission de Stephen N. Rous, The prostate Book: Sound Advice on Symptoms and Treatment, Copyright © 1994, W.W. Norton and Co 18 Les bases Figure 3 Zones de la prostate Reproduit avec la permission de J.E. McNeal, Am J Surg Pathol 1988 ; 12 :619-633. 2. Quels sont les symptômes d’une hypertrophie bénigne de la prostate ? La glande prostatique est d’un volume de 20 à 25 cm3 environ chez l’adulte normal. Au fil des ans, cette petite glande, cachée sous la vessie, a tendance à grossir. De la taille d’une châtaigne chez l’adulte jeune, elle prend la taille d’une clémentine à la cinquantaine. Après 50 ans, près de quatre hommes sur cinq présentent ce que l’on appelle une hypertrophie bénigne de la prostate (HBP). Elle n’a rien à voir avec le cancer. L’augmentation de taille de la prostate peut entraîner des signes urinaires, dont la sévérité n’est pas toujours corrélée avec la taille de la glande. En fait, une augmentation modérée (40 cm3 par exemple) peut être plus gênante chez certains hommes qu’une augmentation plus importante (> 100 cm3) de la glande prostatique. Les symptômes sont liés à la résistance de la prostate au flux urinaire : L’hypertrophie bénigne de la prostate est une augmentation bénigne, non cancéreuse, de la glande prostatique. 4Vous vous levez pour uriner plus d’une fois par nuit (nocturie) ; 4Vous urinez plus d’une fois toutes les deux heures pendant la journée ; 4Vous sentez que vous avez besoin d’uriner et, quand vous essayez, il faut un certain temps pour que le jet s’amorce (hésitation) ; 19 100 questions-réponses Le cancer de la prostate 4Vous devez pousser pour commencer à uriner ou pour maintenir votre jet ; 4Il y a encore quelques gouttes alors que vous avez l’im- pression d’avoir vidé votre vessie ; 4Le jet s’arrête et redémarre quand vous videz votre vessie (intermittence) ; 4Vous avez l’impression d’avoir encore besoin après la fin La miction est l’action d’uriner. Le PSA est l’antigène spécifique de la prostate. Le toucher rectal est un examen clinique, ressenti comme désagréable, mais totalement indolore ; le médecin, généraliste ou urologue, passe un doigt ganté dans l’anus pour palper le volume et la consistance de la glande. Le nanogramme (ng) correspond à la millionième partie du milligramme, ou encore à la milliardième partie du gramme ; le millilitre (ml) équivaut à la millième partie du litre. 20 de la miction. Quand vous présentez ces symptômes, toute la question est de savoir s’il s’agit bien d’une hypertrophie bénigne de votre prostate (HBP) et non d’un cancer. Les symptômes sont à peu près les mêmes dans les deux cas. Deux examens permettent de répondre à cette question : le dosage du PSA. et le toucher rectal. 3. Qu’est ce que le PSA ? Quelle est sa valeur normale ? Le terme PSA est l’abréviation de Prostatic Specific Antigene, « antigène spécifique de la prostate » en français. Il désigne une substance fabriquée par les cellules prostatiques et normalement présente dans le sang à un faible taux. Liée à une protéine, elle sert à fluidifier le sperme afin de faciliter le déplacement des spermatozoïdes. Son dosage, à partir d’une simple prise de sang, permet d’évaluer l’état de la prostate. Il n’est pas nécessaire d’être à jeun. Il n’y a pas d’autres cellules dans l’organisme qui la produisent en quantité significative. Toutefois, quand la prostate est irritée, enflammée, ou altérée par un processus quelconque, le PSA est plus facilement libéré dans l’organisme et son taux sanguin augmente. On considère que le taux normal est inférieur 4 ng/ml. Le taux sérique de PSA varie avec l’âge (voir tableau 1). Tableau 1 Taux de PSA en fonction de l’âge Age (années) Taux normaux 40-49 0-2,5 ng/ml 50-59 0-3,5 ng/ml 60-69 0-4,5 ng/ml 70-79 0-6,5 ng/ml Reproduit avec la permission de Oesterling et al. JAMA 1993 ; 270 : 860-864, © American Medical Association Non, les femmes n’ont pas de prostate. Toutefois, de très faibles quantités de PSA. , substance produite typiquement par la prostate chez l’homme, peuvent être retrouvées dans certains tissus ou fluides de l’organisme chez la femme, notamment le tissu mammaire, le cancer du sein ou d’autres cancers féminins. Les bases 4. Les femmes ont-elles une glande prostatique et un PSA ? Le PSA existe dans le sang sous deux formes : une forme liée à une protéine et une forme libre. 5. Que signifient PSA total et PSA libre ? Le PSA se présente sous deux formes dans le sang : une forme liée à une protéine, et une forme libre. Les deux formes sont dosées et le rapport entre la forme libre et la forme totale (incluant les deux formes) est calculé. Généralement, la valeur limite du rapport PSA libre/PSA total est fixée à 15 %. Ce rapport est particulièrement utile quand le PSA se situe entre 4 et 10 ng/ml, c’est-à-dire dans ce que l’on appelle la zone d’incertitude. Dans ce cas, si le rapport PSA libre/PSA total est supérieur 15 %, le diagnostic d’hypertrophie bénigne est le plus probable. Si le rapport est inférieur à 15 %, le diagnostic de cancer de la prostate est seulement suspecté et nécessite d’autres investigations. Autrement dit, plus le rapport est élevé, moins il y a de probabilité qu’il y ait un cancer de la prostate. Au-delà de 14-25% de PSA libre, la présence d’un cancer est peu probable. Les valeurs de PSA entre 4 et 10ng/ml définissent la zone d’incertitude ou zone « grisée » pour décider ou non de pratiquer des biopsies. 6. À quoi est due l’augmentation du PSA ? Tout ce qui irrite ou enflamme la prostate peut augmenter le taux sanguin de PSA, qu’il s’agisse d’une infection urinaire, de la pose d’un cathéter, ou de la pratique récente d’une cystoscopie. , d’une biopsie, d’un acte chirurgical sur la glande. La pratique du vélo, les rapports sexuels peuvent augmenter le PSA. Il en est de même d’un toucher rectal récent (il est plus prudent d’attendre 10 jours pour faire le dosage après un toucher rectal). Une hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) peut aussi augmenter le taux de PSA, le nombre de cellules prostatiques étant augmenté, la protéine est produite en plus grande quantité. Toutefois l’hypertrophie bénigne augmente moins le taux de PSA que le cancer, et le taux de PSA rapporté au volume prostatique est moindre. Une cystoscopie est un examen de l’intérieur de la vessie grâce à un appareil optique monté sur une sonde. 21 100 questions-réponses Le cancer de la prostate La vélocité ou cinétique mesure les variations du PSA avec le temps. Parce que la glande prostatique augmente de volume avec l’âge, le taux de PSA tend à s’accroître légèrement d’année en année – au plus de 0,7 ng/ml/an ou encore de 20 % depuis le dernier dosage. Si l’augmentation est plus importante, même si les valeurs restent dans la limite des valeurs considérées comme normales, il vous faudra poursuivre les investigations. L’amplitude de variation du taux de PSA dans une période de temps donnée est appelée vélocité ou cinétique du PSA. Au mieux, le taux de PSA doit être mesuré sur une période d’environ 2 ans au moins à trois reprises. Pour des valeurs comprises entre 4 à 10 ng/ml, correspondant à ce que l’on a appelé la zone d’incertitude, une augmentation du PSA supérieure à 0,7 ng/ml/an représente un risque de cancer de la prostate et conduit en général à la pratique de biopsies sous échographie transrectale (voir Question 35). Ce test a aussi de l’intérêt pour déterminer la nécessité de répéter les biopsies chez les personnes ayant un PSA entre 4 et 10 ng/ml et une première série de biopsies négatives. Surtout il faut se souvenir de la variabilité du taux de PSA dans le temps qui peut atteindre jusqu’à 20 à 50 % pour des valeurs proches de la normale. Par exemple, un sujet peut avoir un taux de 4 ng/ml à un dosage et un taux de 2,5 ng/ml quelques mois plus tard. En outre, il ne faut pas s’affoler si le taux est supérieur à 4 ng/ml. Ce chiffre correspond à une norme statistique. Le taux de PSA doit être interprété en fonction de l’histoire personnelle de chacun d’entre vous. La répétition des taux s’impose pour des taux limites. Nous avons vu les importantes variations dues à l’âge. 7. Certains traitements peuvent-ils modifier le taux de PSA ? Le Proscar® ou finastéride est un médicament inhibant sélectivement la 5 alpha-réductase, enzyme catalysant la transformation de testostérone en dihydrotestostérone (DHT), prescrit dans l’HBP pour diminuer le volume de la prostate. 22 Oui, certains médicaments peuvent modifier le taux de PSA. Le finasteride (Proscar®), utilisé pour réduire le volume prostatique chez les hommes porteurs d’une hypertrophie bénigne, peut diminuer le taux de PSA jusqu’à 50 %. Ceci ne doit pas obligatoirement vous rassurer, mais, en revanche, une augmentation du taux de PSA alors que vous prenez du Proscar nécessite des investigations complémentaires. Le PSA libre n’est pas significativement affecté par le médicament et son taux reste stable au cours du traitement. Les drogues antagonistes des récepteurs Les bases alpha-adrénergiques comme l’alfuzosine (Xatral®), souvent prescrites pour les symptômes de l’HBP ne modifient pas la concentration sérique du PSA. 8. Un traitement par la testostérone peut-il augmenter le taux de PSA ? La testostérone est transformée dans le corps en dihydrotestostérone (DHT), qui stimule la croissance du tissu prostatique. Ainsi, l’administration de testostérone peut stimuler la croissance des cellules prostatiques cancéreuses comme celle des cellules normales. Certaines cellules de la glande prostatique sont sensibles à la testostérone, alors que d’autres ne le sont pas. Les cellules non hormonosensibles croissent indépendamment de la présence de l’hormone ou de ses produits de dégradation, alors que les cellules hormonosensibles sont dépendantes de la présence de l’hormone mâle pour se multiplier et croître. Ainsi, l’administration de testostérone peut affecter la croissance des cellules hormonosensibles. 9. Y a-t-il quelque chose à faire si je suis traité par la testostérone ? Parce qu’il existe un risque théorique qu’un traitement par la testostérone puisse stimuler le développement d’un foyer cancéreux non détecté, il est recommandé de vous faire régulièrement examiner (toucher rectal) et de pratiquer un dosage sanguin de PSA tous les six mois au lieu d’une fois par an. S’il s’avère que votre taux de PSA s’est significativement accru, ou s’il existe des éléments nouveaux au toucher rectal, alors que vous êtes traité par la testostérone, il peut être prudent d’arrêter votre traitement et d’avoir recours à une biopsie sous échographie transrectale. 10. Est-ce que je peux faire faire mon PSA n’importe où ? Il est préférable de faire faire votre dosage de PSA dans le même laboratoire, car les laboratoires peuvent utiliser des méthodes de dosage différentes. Certaines méthodes sont plus sensibles que d’autres, avec des seuils de détection pouvant varier de 0,1 à 0,01 ng/ml (rappelez-vous qu’un nanogramme est un millionième 23 100 questions-réponses Le cancer de la prostate de milligramme, soit un milliardième de gramme). Pour minimiser la variabilité d’un laboratoire à l’autre et éviter une anxiété inutile, il est donc recommandé de faire pratiquer ses tests, chaque année, dans le même laboratoire. 24