14 | Mercredi 4 avril 2012 | Le Quotidien Jurassien
MAGAZINE santé } Cette page Magazine santé
est réalisée en collaboration
avec l’Hôpital du Jura et le
Service cantonal de la santé
publique.
Dépistage chez l’enfant
quent du développement
de l’enfant si elle n’est pas
traitée), développa un test
particulièrement simple et
bon marché, effectué au
quatrième jour de vie.
Depuis 2005, ce test
s’applique de routine sur
les nouveaux-nés du can-
ton. Centralisés auprès de
la clinique pédiatrique uni-
versitaire de Zurich, les ré-
sultats de ce diagnostic
précoce permettent une in-
tervention adéquate et ra-
pide en cas de détection
d’une maladie orpheline
couverte par ce dépistage.
MP
Depuis 40 ans, on dis-
pose en Suisse d’un dépis-
tage néonatal pour de
nombreuses maladies mé-
taboliques congénitales,
communément appelé
«test de Guthrie» d’après
le nom du médecin améri-
cain Robert Guthrie, père
des tests de masse chez les
nouveau-nés.
Test de routine
Guthrie, concerné per-
sonnellement par deux cas
de phénylcétonurie dans
sa famille (une maladie
rare bien connue qui en-
traîne un retard consé-
Les maladies rares
ne peuvent être négligées
V
ÉTAT DES LIEUX Les maladies orphelines ne sont pas faciles à diagnostiquer. Rencontre avec le Dr Jean-Claude
Minet, spécialiste en neurologie pédiatrique, médecin-chef du Service de pédiatrie de l’Hôpital du Jura
Chaque maladie rare entraîne son parcours du combattant, long et épuisant pour les patients, les parents et les médecins. DR
d’entre elles des traitements appro-
priés existent. Aujourd’hui, des mé-
dicaments spécifiques ou des régi-
mes alimentaires substitutifs per-
mettent d’avoir une plus longue es-
pérance de vie, voire même de
contrôler l’évolution de la maladie
pendant toute la vie du patient. «Afin
que ces traitements soient vraiment
efficaces, il faut idéalement diagnos-
tiquer la cause de la maladie le plus
tôt possible.»
Un travail d’équipe
Les patients atteints de maladies
rares demandent un effort d’équipe
et un travail de coordination considé-
rables au corps médical. Pédiatres,
médecins généralistes, spécialistes
de différents domaines ainsi que des
généticiens, sont indispensables
pour dénicher la cause des symptô-
mes de maladies rares. Le travail des
psychologues est aussi important
pour soutenir l’enfant et les parents
durant tout le suivi, souvent long.
A cela s’ajoute un travail bureau-
cratique considérable et parfois fasti-
dieux de la part du médecin spécia-
liste. Il doit justifier, auprès des assu-
rances, la coûteuse et lourde prise en
charge des examens et des traite-
ments pour chaque patient. «Bien
que je n’aie pas connu de refus jus-
qu’à présent, ce travail administratif
monopolise beaucoup de temps mé-
dical.»
Dans des situations particulières,
en raison de leur rareté, certains exa-
mens diagnostiques ou traitements
ne sont même pas disponibles en
Suisse, voire en Europe. La rareté a
aussi des répercussions sur les coûts
de prise en charge, qui peuvent s’éle-
ver à plusieurs dizaines de milliers
de francs par patient et par année.
«Derrière ces frais, se pose la problé-
matique d’un choix de société, un
acte de solidarité sociale en somme.
En tant que médecin, mon métier
consiste à soigner le patient avec
tous les moyens accessibles.» Il ne
faut jamais oublier que derrière cha-
cun des ces patients atteints d’une
maladie rare, il y a un enfant avec
son sourire, sa sérénité, sa possibili-
de jouer et de vivre harmonieuse-
ment avec les autres.
MARCO PRUNOTTO
pour l’enfant et aussi pour les pa-
rents. Leur rôle est cependant fonda-
mental. «Alors que tous les parents
acceptent un examen d’IRM ou un
prélèvement de liquide céphalora-
chidien quand leur enfant est hospi-
talisé en urgence en état de coma,
certains refusent les mêmes exa-
mens, voire une simple prise de
sang, lorsque leur enfant est encore
en bonne santé.» Ce refus n’a rien
d’étrange. Il est en effet difficile pour
des parents de concilier la lourdeur
des examens avec une manifestation
encore assez timide d’une maladie
qui peut progresser lentement mais
inexorablement.
«Si je demande tous ces efforts
aux parents, c’est uniquement pour
donner une meilleure chance de trai-
tement à leur enfant», explique le Dr
Minet. Si certaines maladies orpheli-
nes ne peuvent être traitées faute de
médicaments adaptés, il n’en de-
meure pas moins que pour plusieurs
symptômes peuvent se diluer sur un
temps relativement long. L’aggrava-
tion suivra plus tard, avec des réper-
cussions importantes sur le dévelop-
pement de l’enfant, qui subsisteront
à l’âge adulte. «Une fois les symptô-
mes reconnus, les pédiatres généra-
listes, en lien étroit avec les spécialis-
tes, nous envoient ces cas. C’est à ce
moment-là que nous pouvons agir,
en mettant en place des examens
spécifiques, visant à identifier la cau-
se des symptômes, puis en instau-
rant un traitement adéquat.» L’ob-
jectif est plutôt pragmatique: il s’agit
de détecter les maladies pour les-
quelles il existe un traitement.
Jouer contre la montre
Pour une grande partie des mala-
dies rares, des méthodes de diagnos-
tique existent et permettent de déter-
miner assez aisément la cause. Mais
ces tests, parfois même courants, re-
présentent souvent une épreuve
rait: il faut y penser.» En raison de la
rareté, le diagnostic n’est pas tou-
jours facile à poser.
Les médecins, avec la collabora-
tion des parents, jouent un rôle im-
portant dans la détection d’un cas.
Ce sont eux qui gardent un regard at-
tentif sur l’état de santé des enfants,
surveillent à la fois leur croissance,
leur poids, la qualité et la durée de
leur sommeil, ainsi que l’appétit et
leur état émotionnel. De même, le
pédiatre ou le médecin généraliste
doit être très vigilant face à des
symptômes inhabituels et apprécier
de façon critique une réponse non
prévue à un traitement, par rapport
aux résultats généralement attendus.
«Les maladies orphelines sont ca-
chées et, souvent, elles se dévoilent
en ne répondant pas aux traitements
habituels», précise le spécialiste.
Plusieurs de ces maladies orpheli-
nes n’invalident pas à 100% la fonc-
tion du gène touché, de sorte que les
Par le terme «maladies rares»,
on définit un groupe hétéro-
gène constitué d’innombra-
bles pathologies. Elles ne
concernent que très peu de personnes,
moins de 1 sur 2000. Ces maladies,
très diverses, sont aussi qualifiées d’or-
phelines, car dans plusieurs cas aucun
traitement spécifique n’existe.
Des pathologies souvent
pédiatriques
Ces pathologies se manifestent en
majorité au cours de la première en-
fance. «Mon intérêt pour le suivi médi-
cal des patients atteints de maladies ra-
res remonte à mes années de forma-
tion en médecine. Les maladies rares
font partie du cursus universitaire
d’un pédiatre et cet intérêt a grandi
pendant ma spécialisation en neurolo-
gie pédiatrique», explique le docteur
Jean-Claude Minet, spécialiste en neu-
rologie pédiatrique, médecin-chef du
Service de pédiatrie de l’Hôpital du
Jura. Au contraire des autres organes
qui, à la naissance, sont déjà formés, le
cerveau, en pleine évolution durant les
deux premières années de la vie, reste
extrêmement sensible et dépendant
d’une multitude de facteurs. «Le moin-
dre défaut génétique se traduit le plus
souvent par une manifestation neuro-
logique», note le spécialiste. Au-delà
du cerveau, ceci n’empêche pas la ma-
ladie d’évoluer vers d’autres organes
tels les reins, les poumons, voire les
yeux.
Certaines de ces pathologies se décè-
lent dès la petite enfance, d’autres ap-
paraissent plus tardivement. «Des étu-
des sur les adultes en état de coma dé-
montrent clairement que ces maladies
peuvent survenir bien au-delà de l’en-
fance et apparaître à l’âge adulte.»
C’est le cas, par exemple, d’un défaut
au niveau d’enzymes ou de mitochon-
dries. Un stress, une infection et bien
d’autres causes ou facteurs déclen-
chant peuvent induire une décompen-
sation chez des patients qui, jusque-là,
ne présentaient pas de symptômes.
Avoir le réflexe de penser
à la rareté
«En me basant sur la centaine de cas
que je traite actuellement, si je devais
résumer en une phrase la difficulté à
diagnostiquer une maladie rare, ce se-
Cette maladie rare, provoquée par le défaut d’un enzyme empêchant la
transformation normale de l’acide aminé essentiel phénylalanine, entraî-
ne une atteinte progressive du cerveau et des cellules nerveuses chez les
enfants non traités. La conséquence est un retard mental sévère. Un dys-
fonctionnement de l’enzyme peut survenir à l’âge adulte et provoquer
un manque de concentration, une baisse des performances, une nervosi-
té, voire de l’épilepsie. «Le traitement de la phénylcétonurie consiste es-
sentiellement à réduire au maximum l’apport de phénylalanine avec l’in-
gestion d’aliments spéciaux et des compléments alimentaires dédiés.
Quand la phénylcétonurie est traitée dès la naissance, l’enfant se déve-
loppe normalement», confirme le Dr Minet.
Autrefois, les enfants atteints de phénylcétonurie étaient condamnés.
Aujourd’hui, grâce à un diagnostic précoce, suivi d’un régime stricte et la
prise des compléments alimentaires, le malade peut grandir, poursuivre
des études et devenir un adulte comme les autres.
En Suisse, l’accès à la thérapie est assuré jusqu’à 20 ans par une prise en
charge par l’AI. Par la suite, les autres assurances doivent prendre le relais
et là, la situation se complique. MP
FLa phénylcétonurie
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