CHAPITRE II
NOTIONS DE PROBABILITES
II.1. Un exemple : le poker
Distribuer une main de poker (5 cartes sur 52) revient à tirer au hasard 5 cartes parmi 52. On
appelle expérience aléatoire une telle expérience dont l’issue est soumise au hasard. Une
main ainsi effectivement tirée au hasard est une réalisation de l’expérience, appelée une
épreuve ou expérience élémentaire.
Pour permettre l’analyse des mains distribuées on doit d’abord identifier l’ensemble des
mains possibles.
L’ensemble de tous les résultats possibles d’une expérience aléatoire est appelé ensemble
fondamental de l’expérience aléatoire ou univers des possibles, ou espace des épreuves,
(anglais : sample space), dénoté par ou E ou S. Pour le poker c’est l’ensemble de toutes les
mains possibles. Il s’agit bien entendu ici de l’ensemble de tous les sous-ensembles à 5
éléments d’un ensemble à 52 éléments. Le nombre d’épreuves possibles est alors donné par le
coefficient binomial C552 (voir Ch. I), i.e.
card E = C552 = 2 598 960.
Un événement aléatoire A est représenté par un sous-ensemble, également noté A, de
l’ensemble fondamental. Par exemple, l’événement aléatoire A = « la main est un brelan » est
décrit par l’ensemble de toutes les mains contenant trois cartes de même hauteur et deux
autres cartes de hauteurs différentes. Les opérations logiques sur les événements vont être des
opérations (booléennes) sur les parties d’un ensemble. Par exemple, l’événement aléatoire
Ac = « la main n’est pas un brelan » va être décrit par le complémentaire de A dans
l’ensemble fondamental. Ceci indique pourquoi les notions de théorie des ensembles sont
importantes.
Pour attribuer une probabilité à l’événement A = « la main est un brelan » on fait l’hypothèse
que chaque main à la même probabilité ! Ainsi pour chaque événement A, la probabilité de A
doit être naturellement donnée par la somme de probabilités des mains qui constituent A, ce
qui s’écrit :
Probabilité (A) = card A/card E = nombre de cas favorable/ nombre de cas possibles
Il y a 54912 mains qui sont un brelan. On peut ainsi calculer la probabilité d’avoir un brelan
Probabilité (A = « la main est un brelan ») = 54 912/2 598 960 0.0211.
Dans cette approche axiomatique on a attribué a priori une probabilité pour chaque main de
poker. Dans des expériences réelles avec des cartes ou des simulations numériques on observe
que la fréquence d’apparition de A dans une longue série d’expérience converge vers cette
probabilité.
Plus précisément, on répète l’expérience aléatoire (indépendamment) N fois. La fréquence
d’apparition d’un événement A est définie par :
νN(A) = nombre de fois où A est réalisé/nombre total d’expériences
Ici, on distribue, par exemple, 1 million de fois les cartes et on compte la fréquence des
brelans. Dans la loi des grands nombres nous démontrerons que
limN→∞νN(A) = Probabilité (A)
pour la probabilité définie ci-dessus. Ceci pourrait constituer une définition de « type
fréquentiste » de la probabilité de A.
II.2. La définition du modèle probabiliste
II.2.a. L’ensemble fondamental
Dans une expérience aléatoire, on commence par recenser l’ensemble de tous les résultats
possibles de l’expérience. Cet ensemble non vide noté E (ou quelquefois ou S) est
l’ensemble fondamental ou l’univers des possibles ; ses éléments ω sont appelés épreuves.
L’ensemble fondamental E peut-être fini, dénombrable ou infini non-dénombrable.
Exemples :
1. On jette un dé : E = {1,2,3,4,5,6}, card E = 6.
2. On jette une pièce : E = {P, F}, card E = 2.
3. On jette 3 dés : E = {(k1, k2, k3) : kj {1,2,3,4,5,6} pour j = 1,2,3} =
{1,2,3,4,5,6}3, card E = 63 = 216.
4. On jette 4 pièces : E = {P, F}4 = 24 = 16.
5. On tire 5 cartes parmi 52 (Poker) : E = ensemble de toutes les parties à 5
éléments d’un ensemble à 52 éléments = ensemble de toutes les mains
possibles, card E = C552 = 2 598 960.
6. On tire k boules (sans remise) dans une urne qui en contient n k boules
numérotées 1 à n. E = ensemble de toutes les parties à k éléments d’un
ensemble à n éléments, card E = Ckn .
7. On tire k boules (avec remise) dans une urne qui en contient n boules
numérotées 1 à n. E = ensemble de toutes les tuples à k éléments d’un ensemble
à n éléments, card E = nk.
II.2.b. La notion d’événement
Un événement aléatoire A est représenté par un sous-ensemble, également noté A, de
l’ensemble fondamental. Un ω A est un résultat possible. Si ω est une épreuve et ω A on
dit que l’ événement se réalise dans l’épreuve ω. L’ensemble vide est appelé événement
impossible et l’ensemble fondamental E est un événement appelé événement certain.
Exemples :
1. On jette un dé. L’ événement «Le résultat est pair » est représenté par
l’ensemble A = {2,4,6}
2. Poker: L’ événement «La main est un full» est représenté par l’ensemble A
={{c1,c2,c3,c4,c5} E dont la main {c1,c2,c3,c4,c5} est un full}
On utilise parfois simultanément le langage de la théorie des ensembles et celui des
probabilités. Le dictionnaire suivant donne la correspondance entre les notions fréquemment
utilisées.
Théorie des ensembles Probabilités
A sous-ensemble A événement
A = ensemble vide A événement impossible
A = E ensemble fondamental E événement certain
A B A entraîne B
A B intersection A et B, conjonction de A et B
A B réunion A ou B, au moins un de A et B
Ac complémentaire de A Contraire de A
A \ B différence A et contraire de B
A B différence symétrique Exactement un événement de A ou B
A B = ensembles disjoints A et B sont des événements incompatibles
(Ai)iI partition de E (Ai)iI système complet d’événement
Remarque (à éviter en première lecture) :
Pour permettre l’analyse d’une expérience aléatoire on doit considérer a priori une classe A
d’événements. Dans les cas élémentaires comme dans l’exemple du poker, cette classe A est
la plupart du temps égale à l’ensemble de tous les sous-ensembles de E, notée (E), i.e. tout
sous-ensemble peut être considéré comme événement. En particulier, tout A à un élément, A =
{ω}, est appelé événement élémentaire. Dans le cas général, cette classe A d’événements doit
satisfaire les propriétés suivantes: Elle contient E et elle est stable par complémentation et par
réunion dénombrable. Un tel A est appelé tribu sur l’ensemble fondamental E. Dans le cours
présent nous ne discutons pas cette partie de la construction du modèle probabiliste.
II.2.c. La notion de probabilité
Cas discret (fini ou dénombrable)
Si E est fini, de cardinal N , i.e. E = {ω1, ω2,.., ωN}, toute probabilité sur E est déterminée par
la donnée de N nombres réels pi compris entre 0 et 1 et de somme 1 : p1 + p2 +…+pN = 1.
En effet, si on pose pi = probabilité que ωi soit réalisé, il est clair que ces deux propriétés sont
satisfaites et que l’on peut calculer la probabilité de tout événement A par la formule très
simple
:
()
i
i
iA
PA p
ω
=
On vérifie sur cette formule les propriétés fondamentales suivantes de P :
1. P(A) [0,1]
2. P(E) = 1
3. Si A et B sont des événements incompatibles, alors P(A B) = P(A) + P(B).
Ces trois propriétés vont servir d’axiomes dans le cas général où E n’est pas fini.
L’exemple fondateur de la théorie est le cas équiprobable (pour E fini) : tous les résultats
possibles (i.e. tous les ωi ) ont la même probabilité pi = 1/N = 1/card E. C’est le cas d’une
distribution uniforme discrète. Donc dans ce cas équiprobable la probabilité d’un événement
A est donnée par :
P(A) = card A/card E = nombre de cas favorable/ nombre de cas possible
Exemple 1 : On jette un dé honnête. Donc l’ensemble fondamental est E = {1,2,3,4,5,6} et
P({i}) = 1/6 pour i = 1,2,3,4,5,6. L’ événement «Le résultat est pair », donné par A = {2,4,6},
a pour probabilité P(A) = ½.
Exemple 2: (Galilée, 1564-1642)
On compte la somme des valeurs de trois dés jetés simultanément. Il y a six configurations
différentes qui permettent d'obtenir 9 ou 10:
pour 9 : (6,2,1), (5,3,1), (5,2,2), (4,4,1), (4,3,2) et (3,3,3),
pour 10 : (6,3,1), (6,2,2), (5,4,1), (5,3,2), (4,4,2) et (4,3,3).
Soit S la somme obtenue, peut-on en déduire que P(S=9) = P(S=10) ?
On ne peut pas en déduire que P(S=9)=P(S=10) car les configurations ne sont pas
équiprobables. Il faut tenir compte de l'ordre et donc des permutations possibles de chaque
configuration. Ainsi (3,3,3) ne "compte qu'une fois" alors que (5,2,2) "compte triple" et
(5,3,1) "compte six fois". On obtient ainsi: P(S=9) = 25/216 et P(S=10) = 27/216
Cas général
L’ensemble fondamental E n’est plus supposé fini ou dénombrable. On ne définit pas la
probabilité de chaque ω de E. On définit plutôt directement la probabilité de tous les
événements. Ceci demande en général la construction d’une tribu A (voir Ch. II.2.b.).
Définition : Une distribution de probabilité (une loi de probabilité, une mesure de
probabilité) est une application P qui associe à tout événement A un nombre P(A), appelé
probabilité de A. P doit satisfaire les axiomes suivants :
A1 : P(A) [0,1]
A2: P(E) = 1
A3: Si (Ai) sont des événements incompatibles deux à deux, i.e. Ai Aj = si i j, alors
1
1
() ()
ii
i
i
PA PA
=
==
Nous appelons espace probabilisé tout couple (E, P) ou E est un ensemble fondamental et P
est une distribution de probabilité sur E. Là aussi, si on veut être plus précis, il faut ajouter la
tribu A, donc un espace probabilisé est le triplet (E, A, P). Un événement de probabilité 1 est
dit presque sûr (en abrégé – p.s.).
1 / 20 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !