Synthèse Ann Biol Clin 2014 ; 72 (1) : 25-48 La médecine génomique, une réalité en pleine évolution Deuxième partie* Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Genomic medicine: the new way of thinking medicine Present and future – Part two** Jérôme Lamoril1 Marc Bogard2 Résumé. Les nouvelles techniques de séquençage constituent une révolution médicale dont les applications en médecine sont considérables. Nous sommes à une période technologique charnière majeure. En effet, le saut technologique réalisé par ces nouvelles machines permet désormais d’analyser notre génome de manière élargie, voire en totalité. Les applications sont considérables dans tous les domaines de la médecine d’autant plus qu’en parallèle de cette révolution, de nouvelles molécules ciblant les protéines codées par certains gènes permettent d’espérer des survies prolongées, voire des guérisons dans certains cancers ou de viser des traitements dans d’autres pathologies. La génétique alors réservée aux généticiens arrive progressivement dans la médecine quotidienne. Une nouvelle façon de penser la médecine est en train de germer. Cet article expose dans ses principales lignes les applications actuelles, mais aussi les défis et les problèmes portés par ces nouvelles technologies dans le monde médical tant pour les professionnels de la génétique que pour les médecins non généticiens qui seront de plus en plus confrontés à ces nouvelles analyses. 1 Département de génétique moléculaire, Hôpital Bichat, Hôpitaux Universitaires Paris Nord Val de Seine, Paris, France <[email protected]> 2 Laboratoire de biologie, Centre hospitalier d’Argenteuil, France Mots clés : génome humain, technique de Sanger, génomique, séquençage Abstract. New sequencing techniques are revolutionizing medical practice as its applications are numerous and considerable. We are living a technological turning point in molecular medicine. Indeed, thanks to these new machines, this technological leap allowed us to analyse the human genome with an elarged or even a total view. Genome analysis has applications in all medical fields from now on. Gene analysis in parallel with personalized therapy help in prolonged survival or even cures in some cancers or other diseases. Genetics is progressively arriving in every field of clinical practice. A new way of thinking clinics is born. This publication describes in its main lines these new applications, their problems and their challenges for geneticists as much as for other practitioners in the medical fields. doi:10.1684/abc.2013.0930 Key words: human genome, Sanger, genomics, sequencing L’année 2013 marque le dixième anniversaire de l’achèvement officiel du séquençage du premier génome humain (Human genome project). Cette date historique marque le début de la médecine génomique en permettant d’établir les fondations d’une nouvelle médecine à * Tirés à part : J. Lamoril l’échelle moléculaire (même si la génétique moléculaire existe depuis les années 1980) et en stimulant l’arrivée de nouvelles technologies d’analyse moléculaire (les séquenceurs de nouvelle génération, les nouveaux outils de bio-informatique, le développement de la biologie des La première partie de ce travail a été publiée dans Immunoanal Biol Spec 2013 ; 28 (2-3) : 93-108. First part has been published in Immunoanal Biol Spec 2013; 28(2-3): 93-108. ** Pour citer cet article : Lamoril J, Bogard M. La médecine génomique, une réalité en pleine évolution Deuxième partie. Ann Biol Clin 2014 ; 72(1) : 25-48 doi:10.1684/abc.2013.0930 25 Synthèse Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. systèmes, l’établissement de nouvelles bases de données, etc.). La médecine génomique prend progressivement pied dans les laboratoires et son apport dans le diagnostic, le traitement et le suivi du patient devient indispensable. Dans cette deuxième partie, nous allons présenter les aspects actuels de cette médecine génomique. Nous évoquerons aussi l’avenir dans ce domaine. Il est conseillé au lecteur de relire la première partie de cet article pour comprendre certaines notions reprises dans ce document [1]. Les succès de la médecine génomique en 2013 Les technologies de séquençage Les nouvelles techniques de séquençage appelées encore séquençage de nouvelle génération (NGS, next-generation sequencing) ont été décrites à la fin des années 1990. Leur utilisation dans les laboratoires de recherche a débuté dès l’année 2005. Grâce aux nouveaux séquenceurs, le coût du séquençage a considérablement diminué passant de 100 millions de dollars au début des années 2000 à environ 3 000 dollars actuellement pour un génome entier (et environ 700 D pour un exome, qui représente 1,5 % du génome entier) [2] (figure 1). À ce jour, un nombre croissant de laboratoires de génétique constitutionnelle (laboratoires étudiant les maladies héréditaires) analyse les pathologies par séquençage d’exome et/ou par séquençage de plusieurs zones géniques (analyse d’amplicons obtenues par PCR multiplex, appelée aussi séquençage ciblé). Le but de ces analyses est de rechercher des mutations sur un nombre potentiellement important de gènes candidats ou sur des gènes de grande taille (contenant de nombreux exons). Le séquençage d’exome (analyse des parties codantes des gènes, souvent associée à l’analyse de parties non codantes des exons, des jonctions exons/introns, et éventuellement des promoteurs) est une stratégie de plus en plus utilisée pour les maladies mendéliennes, maladies héréditaires rares. Les premières utilisations du séquençage d’exome réalisées avec succès pour des maladies mendéliennes ont été rapportées en 2009 pour le syndrome de Freeman-Sheldon, le syndrome de Miller, la diarrhée congénitale au chlore [3-6]. En parallèle de cette technologie, les études d’association tout génome (GWAS, Genome wide association studies) ont permis de trouver de nouveaux variants associés à de nombreuses pathologies et de découvrir de nouvelles voies métaboliques insoupçonnées et impliquées dans ces dernières (notamment dans les maladies inflammatoires, les cancers et les maladies infectieuses), ainsi que dans les maladies dites communes (comme les diabètes, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires). Le séquençage ciblé de pathologies : un tournant en médecine génomique Jusqu’à aujourd’hui, le séquençage selon la technique de Sanger décrite il y a 30 ans est considérée comme la technique de séquençage de référence (gold standard comme disent les Anglo-Saxons). Elle est encore utilisée dans l’analyse de nombreuses maladies héréditaires comme $100M $10M Moore’s Law $1M $100K $10K NIH National Human Genome Research In stitute genome.gov/sequencingcosts $1K 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Figure 1. Évolution du coût du séquençage du génome humain de 2001 à 2013. 26 Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. La médecine génomique, une réalité en pleine évolution par exemple la mucoviscidose (dont le gène muté est CFTR). Cependant, de nombreuses maladies présentent une grande hétérogénéité génétique. C’est le cas par exemple de la rétinite pigmentaire (dégénérescence de la rétine aboutissant à une perte progressive de la vue et la cécité) dans laquelle au moins 60 gènes sont impliqués. Dans ce dernier exemple, l’identification des mutations par la technique de Sanger est non seulement longue, fastidieuse et coûteuse mais aussi aléatoire, le phénotype clinique n’orientant pas vers un gène en particulier (absence de corrélation génotype/phénotype). A l’aide des nouveaux séquenceurs, l’analyse d’une telle pathologie est désormais possible avec un laps de temps d’analyse réduit, un coût bien moindre et une probabilité de découvrir le gène causal important. L’évolution des laboratoires cliniques de génétique moléculaire vers l’utilisation des séquenceurs de nouvelle génération Depuis environ 1 à 2 ans, on assiste à une transition des laboratoires vers ces nouvelles machines. Cette transition s’applique progressivement non seulement vers les laboratoires cliniques de génétique constitutionnelle, mais aussi vers ceux de génétique somatique et de microbiologie. On passe donc progressivement et schématiquement de l’analyse d’un gène (technique de Sanger) vers l’analyse multi-gènes (nouveaux séquenceurs) (tableau 1). Même les analyses par CGH (Comparative genomic hybridization ou puces génomiques d’hybridation comparative) dont l’objectif est la mise en évidence de réarrangements géniques (duplication ou délétion de régions génomiques par exemple) sont progressivement remplacées par ces technologies [7]. Néanmoins, à ce jour, la technique de Sanger reste d’actualité lorsque l’analyse concerne un petit gène ou quelques exons (par exemple, séquençage d’un exon dans le cadre d’une enquête familiale pour laquelle la mutation est connue) ou encore pour confirmer une mutation découverte par les nouveaux séquenceurs. À ce jour, le coût de ces séquenceurs (en 2013 entre 75 et 100 kD selon la machine) et des réactifs justifie leur utilisation dans le cadre de l’analyse de nombreux patients et de plusieurs cibles simultanément. Actuellement, ces séquenceurs sont utilisés tant en génétique constitutionnelle pour les maladies présentant une grande hétérogénéité génétique (comme la rétinite pigmentaire évoquée ci-dessus) que pour les gènes de grande taille (par exemple, analyse du gène de la fibrilline, FBN1 dans la maladie de Marfan qui contient 65 exons) qu’en génétique somatique (cancers, cf. infra). Avec la baisse des coûts, l’apprentissage et la familiarisation des nouveaux modes opératoires et d’analyse bio-informatique de ces séquenceurs, il est fort probable que dans les années à venir, la technique de Sanger disparaîtra complètement. Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 Non seulement l’identification des mutations peut-elle être faite, mais une intervention thérapeutique ciblée plus rapide peut être réalisée si le gène muté est rapidement identifié. Par exemple, le gène de l’alpha-galactosidase (GLA) dont les mutations sont responsables de la maladie de Fabry, peut dans certains cas être la cause d’une cardiomyopathie hypertrophique (CMH) isolée (elle représente 2 % des causes de CMH). Or, si ce gène est muté, une thérapie enzymatique spécifique permet de la traiter. Intégrée dans le panel d’analyse des nouveaux séquenceurs dans le cadre des recherches de mutations, l’identification de mutations dans ce gène est rapide et permet une intervention thérapeutique (qui n’existe pas si d’autres gènes dans cette maladie sont mutés). Cette technologie permet aussi d’aider le clinicien à établir un diagnostic. Si on reprend l’exemple des cardiomyopathies, bien qu’un cardiologue expert à l’aide de nombreux tests peut souvent établir le diagnostic précis, il existe parfois des difficultés à distinguer les différents phénotypes possibles (cardiomyopathie dilatée, hypertrophique et ventriculaire droite arythmogène par exemple). L’analyse simultanée de plusieurs gènes impliqués dans les cardiomyopathies permet alors d’identifier le gène causal et de le relier à la pathologie suspectée. On peut aussi citer l’analyse de la surdité chez un enfant. De nombreuses causes peuvent provoquer une hypoacousie/surdité et de nombreux tests sont entrepris pour trouver la cause (tests infectieux, imagerie de l’oreille interne, électrocardiogramme, échographie rénale, dosage des hormones thyroïdiennes par exemple). Actuellement, devant une perte d’audition d’un enfant sans explication évidente, une analyse génétique est d’emblée entreprise. Elle permet de retrouver 50 % des causes d’hypoacousie/surdité. Dans tous les cas, le délai moyen de rendu du résultat est d’environ 2 mois, bien plus rapide que les autres tests sans compter l’errance diagnostique de plusieurs années souvent observées avant d’arriver au diagnostic. Que détectent les séquenceurs nouvelles génération ? Les mutations ponctuelles Dans le cadre de l’oncogénétique somatique (génétique des cancers non héréditaires), ces mutations peuvent être activatrices (d’un oncogène) ou inactivatrices (d’un gène suppresseur de tumeur). Ainsi, les mutations du gène KIT observées dans les GIST (gastrointestinal stromal tumors, tumeurs stromales gastro-intestinales) sont activatrices et répondent au traitement par des inhibiteurs de tyrosine kinase tels que l’imatinib ou le nilotinib. Les patients ayant un mélanome et la mutation activatrice p.Val600Glu dans le gène BRAF répondent au traitement par le vémurafénib (anti-Braf). La détection de certaines mutations dans des gènes ciblés permet donc une action thérapeutique. 27 Synthèse Tableau 1. Exemples d’applications dans lesquelles de nombreux gènes sont impliqués et pour lesquelles l’utilisation de séquenceurs nouvelles génération est réalisée [16]. Type de pathologies Exemples de pathologies Cancers Cancers héréditaires (cancer du sein, syndrome de Lynch [HNPCC, hereditary non polyposis colorectal cancer] Cardiomyopathies Arrythmies (par exemple, syndrome du long QT) Aortopathies (par exemple, syndrome de Marfan) Déficits immunitaires combinés sévères Les fièvres périodiques Ataxies Troubles du métabolisme énergétique cellulaire Anomalies congénitales de la glycosylation Démences et maladies dégénératives (exemple : maladie d’Alzheimer) Autisme, retards intellectuels et du développement Epilepsies Neuropathies héréditaires Microcéphalies Maladies mitochondriales Dystrophies musculaires Maladies oculaires (par exemple, rétinite pigmentaire) Surdités et syndromes associés RASopathies (par exemple, syndrome de Noonan) Maladies avec atteinte pulmonaire (par exemple, mucoviscidose) Troubles de la croissance osseuse Maladies cardiaques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Les dysfonctionnements immunitaires Les maladies neurologiques, neuromusculaires et métaboliques Troubles sensoriels Divers Nombre de gènes analysables 2-50 50-70 10-30 2-10 18 7 40 656 23-28 32 30-150 53-130 14 11 37-450 12-45 66-140 23-72 10 12-40 12 Cependant, dans la majorité des cancers, de multiples mutations sur de nombreux gènes sont présentes. Il existe une grande hétérogénéité génétique des mutations. Une étude récente a ainsi identifié 750 mutations ponctuelles chez un patient atteint de leucémie aiguë myéloblastique (dont 64 dans les régions codantes ou régulatrices). Seulement 4 des 64 mutations identifiées étaient retrouvées chez d’autres patients atteints de la même pathologie [8]. Cependant, l’analyse des mutations permet d’observer que les voies métaboliques pour lesquelles des gènes sont mutés sont similaires dans un grand nombre de cas. Ainsi, une étude portant sur l’analyse de mutations dans des cancers de la tête et du cou a montré que 30 % des mutations se trouvaient dans des gènes impliqués dans la régulation de la différenciation épidermoïde (par exemple Notch1, IRF6 et TP63) [9]. Ces études permettent de rechercher des traitements visant non seulement des cibles spécifiques mais aussi des voies métaboliques impliquées directement ou non. régions est possible et permet une approche plus facile et nécessitant moins de matériel que l’utilisation de CGH (Comparative genomic hybridization ou puces génomiques d’hybridation comparative) ou de technique alternative équivalente, techniques actuellement utilisées. Les translocations chromosomiques peuvent également être étudiées telles que le transcrit ABL-BCR ou t(9 ;22)(q34 ;q11) dans la leucémie myéloïde chronique, le transcrit EML-ALK dans les cancers du poumon ou encore le transcrit TMPRSS2-ERG dans le cancer de la prostate. Les anomalies chromosomiques En continuant notre exemple avec l’oncogénétique somatique, de nombreuses régions du génome sont soit amplifiées soit délétées. C’est le cas par exemple, de la région du chromosome 17q12 contenant le gène HER2 amplifié dans certains cancers du sein. Cette amplification traduit un cancer du sein plus agressif. Ce dernier peut alors être traité par un anti-HER2, le trastuzumab (Herceptin®). À l’aide des nouveaux séquenceurs, l’analyse de telles L’analyse bio-informatique L’analyse des séquences obtenues par ces appareils est évaluée à l’aide d’outils informatiques puissants. Afin de s’assurer de la qualité des échantillons, quelques contrôles de base sont indispensables. Nous n’en citerons que quelques-uns. Le score de qualité de la séquence appelée Phred : à l’origine, ce score a été développé pour les séquenceurs capillaires (méthode de Sanger) et estimait la probabilité 28 Le transcriptome L’analyse du transcriptome (appelé aussi RNA-seq) permet d’analyser l’expression des ARN et leurs anomalies (par exemple transcrits anormaux comme ceux décrits dans le paragraphe ci-dessus). Certains tests comme MammaPrint® et Oncotype DX® ont été développés dans ces indications (voir infra). Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. La médecine génomique, une réalité en pleine évolution que la base lue par la machine soit la bonne [10, 11]. Ce score Phred est donné pour toutes les bases de la séquence lues par la machine. Par exemple, si le séquenceur lit la séquence 5’-ACGTGGA.... et que le A souligné a un score Phred de 20, cela signifie que la base allouée à la séquence présente 1/100 d’être fausse (99 % de chance d’être correcte). S’il est de 30, la probabilité d’être fausse est de 1/1 000 (99,9 % de chances d’être correcte). Le score minimum d’un Phred doit être de 20. Certains estiment qu’il est souhaitable d’obtenir un score de 30 au minimum. À noter que pour les séquenceurs capillaires (méthode de Sanger) les utilisateurs jugent qu’une séquence est bonne si le Phred est de 20 au minimum. Le taux de couverture : il représente le nombre de fois qu’une séquence est lue (par exemple, un taux de couverture de 10 fois se dit 10X). Ainsi, lorsqu’il s’agit d’un échantillon de sang, pour qu’une base d’une séquence ait une exactitude de 1/1 million, le taux de couverture doit être de 50X au minimum. Certains fixent ce taux à 100X [12]. Bien qu’aucun consensus officiel n’existe, il semble que dans le cas de la génétique constitutionnelle (génome diploïde), un taux moyen de couverture de 50X permette de génotyper correctement le génome avec 95 % d’exactitude. Dans le cas de la génétique somatique où le tissu cancéreux se trouve au sein de tissu normal, ce taux de couverture est largement insuffisant. La détection de mutations somatiques est ainsi plus ardue. Par ailleurs, pour complexifier un peu plus, on sait qu’il existe une hétérogénéité génétique des différents clones tumoraux dans un grand nombre de cancers. Il n’existe pas de consensus pour le taux de couverture. On estime qu’au minimum il faut 500X (et pour certains, 1 000X) pour éviter un taux d’erreurs important dans le séquençage des tumeurs. Le taux de détection : classiquement, la technique de Sanger permet de détecter des variants présents à un taux faible (par exemple, mélange d’un tissu muté et d’un tissu sain) avec un seuil de détection supérieur à 15-20 % alors que les séquenceurs nouvelles génération descendent à un seuil de 1-2 % [13]. Différencier un polymorphisme d’une mutation somatique (en oncogénétique) : chacun d’entre nous possédant 34 millions de SNP, il est nécessaire de les différencier des mutations somatiques. Ainsi, dans une analyse génome entier, il est nécessaire d’avoir du tissu normal (par exemple salive ou sang) pour comparer l’ADN normal de l’ADN tumoral. La complexité de l’analyse est encore accrue par la présence de variation du nombre de copies de gènes dont certaines sont normales. L’analyse des résultats : il n’existe pas un mais plusieurs logiciels d’analyse des résultats du séquençage. Ces nombreux logiciels ont été développés pour la recherche essentiellement. Cependant, un certain nombre d’entre eux ont été adaptés pour l’analyse clinique bien qu’aucun Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 à notre connaissance n’ait fait l’objet d’une évaluation. Il n’existe d’ailleurs pas à ce jour de consensus sur la méthodologie d’analyse dans le cadre du domaine clinique. La standardisation tant de l’analyse bio-informatique que dans l’interprétation est un manque majeur. Par ailleurs, il n’existe pas une base de données unique permettant l’interprétation des résultats (mutations, polymorphismes, variant du nombre de copies) (exemples : 1 000 génomes, Exome Variant Server, HGMD). Plusieurs bases de données doivent être interrogées afin de connaître la pathogénicité ou la bénignité d’un variant (exemples : Alamut, SIFT, PolyPhen2). Le problème du stockage des données : selon le type de séquençage (tout génome, exome, séquençage ciblé), la quantité de données par patient varie de quelques gigaoctets à plusieurs téraoctets de données informatiques. Les ressources informatiques non seulement d’analyse des données mais aussi de stockage vont rapidement devenir un réel problème. Le stockage « dans les nuages » (Cloud) est une solution. Mais, elle constitue un risque en cas de fermeture, de piratage ou de panne du site « dans les nuages ». Par ailleurs, les problèmes de l’archivage, de l’accession aux données, de la sécurité des données, de leur sauvegarde, de leur destruction éventuelle ne sont pas résolus (pas de loi tant nationale qu’internationale claires sur ce sujet). Enfin, l’analyse des données d’un patient tant pour le diagnostic que le pronostic, la surveillance thérapeutique (entre autres) doit pouvoir être interopérable d’un système informatique à l’autre et accessible pour le médecin. Le génome individuel doit donc être accessible (et compréhensible) pour le médecin soignant et le patient. De nombreux logiciels d’analyse et d’aide à l’interprétation sont disponibles. Dans la jungle des logiciels, comme il a été écrit ci-dessus, il est parfois difficile de s’y retrouver d’autant plus que les formations en bio-informatique pour les médecins sont quasi inexistantes. Une revue récente résume les principaux logiciels utilisables [14]. Considérations analytiques des séquenceurs de nouvelle génération [15] Outre les problèmes informatiques exposés ci-dessus, les problèmes d’ordre analytique ne doivent pas être oubliés. On peut en citer quelques exemples : – il n’existe pas de protocole consensuel de validation technique des appareils. Celui-ci doit porter entre autres sur l’exactitude, la précision, la sensibilité, la spécificité, les limites de détection, les régions analysées, la technique de référence actuelle étant toujours la méthode de Sanger ; – des contrôles de qualité sont actuellement mis en place tant sur le plan national qu’international. L’établissement d’un matériel ADN de référence est indispensable ; – la nécessité de guides de bonne pratique de ces machines, en cours de rédaction. 29 Synthèse Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. L’American college of medical genetics (ACMC) a publié récemment des recommandations pour la bonne pratique de laboratoire concernant les séquenceurs de nouvelle génération [16]. La technologie d’analyse : approche génomique, exomique globale ou ciblée Plusieurs options s’offrent aux cliniciens et aux biologistes pour l’analyse génétique actuellement (figure 2). Il peut s’agir de l’analyse génome entier, l’analyse d’exome (analyse de la partie codant des gènes, les exons incluant aussi les parties 3’ non codantes, les jonctions exon/intron et parfois la partie promotrice), l’analyse gène ciblée (analyse d’exons choisis après amplification par PCR multiplex ou après capture ciblée d’exons). Les choix stratégiques dépendent de plusieurs facteurs : – des raisons économiques : bien qu’approximatif et évoluant de mois en mois vers la baisse, un génome entier coûte environ 4 kD , un exome entier, environ 700 D . L’approche amplicons est fonction du nombre d’exons amplifiés. Le coût des appareils est important. Une machine pour réaliser un exome coûte environ 150 kD . Une machine pour analyser des cibles multiples (PCR multiplex) coûte entre 70 et 100 kD et une machine pour l’analyse d’un génome entier 600 kD (chiffres approximatifs). À noter que ces prix évoluent progressivement à la baisse, leur évolution technologique étant rapide. Par ailleurs, les réactifs nécessaires à l’utilisation de ces machines sont coûteux ainsi que le matériel informatique nécessaire tant au stockage du nombre important de données à conserver qu’à l’analyse bio-informatique par des logiciels eux-mêmes coûteux (les logiciels fournis par les fabricants de séquenceurs étant souvent insuffisant). Des évaluations économiques sont en cours pour évaluer dans la pratique clinique le coût réel du séquençage dans ces conditions ; – des problèmes d’analyse bio-informatique : beaucoup de généticiens moléculaires se posent la question de réaliser soit un exome d’emblée soit un génome complet. Passer de l’analyse d’un exome (1,5 % du génome environ) à l’analyse d’un génome est un défi énorme tant la quantité d’informations à analyser est considérable et les outils bioinformatiques difficiles à maîtriser [17]. Certains auteurs ont estimé que le séquençage tout génome était d’ores et déjà la technique de choix dans l’analyse de nombreux gènes en génétique constitutionnelle. Une stratégie d’analyse a été récemment rapportée : elle consiste dans les suspicions de pancréatite héréditaire, à réaliser un séquençage tout génome chez les patients suspects et à filtrer les résultats de manière à n’analyser que les gènes impliqués à savoir dans ce cas PRSS1, SPÏNK1, CFTR, CTRC et CASR. Les autres données de séquence sont alors utilisées à des fins de recherche. Avec l’évolution des connaissances, il ne devient alors plus nécessaire de préle30 ver les patients de nouveau. L’analyse peut être reprise à partir des données collectées [18]. Cependant actuellement, en dehors de raisons de coûts, le séquençage ciblé reste la technique retenue par la majorité des laboratoires cliniques de génétique moléculaire probablement pour au moins les 2-5 ans à venir et cela, pour plusieurs raisons. La couverture d’analyse : l’analyse d’exome est censée analyser tous les exons du génome. Malheureusement, quelle que soit la technique de capture d’exons actuellement utilisée, aucune ne les capture tous (en moyenne, 90-95 % des exons) et de ce fait, l’analyse d’exome n’est pas complète et présente « des trous ». Néanmoins, dans certains cas, si le ciblage d’exons à analyser est plus réduit (ce n’est plus alors un exome mais une analyse ciblée), la couverture d’analyse des exons peut être cependant inférieure à 90 %. Par exemple, dans le cadre de l’analyse de gènes impliqués dans les pertes d’acuité auditive non syndromique, certains services de séquençage annoncent une couverture de 92 % des 73 gènes analysés. Certains gènes tels que la stéréociline (STRC, responsable en cas de mutation d’une surdité non syndromique), le gène codant pour le récepteur type Q tyrosine phosphatase (PTPRQ), les gènes de miARN mir-138 et mir-96 ont une faible couverture de 0 à 44 %. Les raisons techniques peuvent être liées à la présence de nombreuses séquences répétées, à la présence de pseudogènes de séquence très similaire ou à la richesse en GC des séquences à analyser [16]. En cas d’impossibilité d’analyse par cette modalité technique, celle-ci peut être palliée par l’analyse classique des zones non étudiées par la technique de Sanger (et éventuellement d’autres techniques complémentaires). Par exemple, une longue PCR peut être réalisée pour l’analyse du gène STRC évoqué ci-dessus et qui possède un pseudogène de séquence très proche. De plus, un des grands problèmes posés par le séquençage ciblé est lié à l’évolution des connaissances et la nécessité régulière d’ajouter de nouveaux gènes imposant alors de nouvelles mises au point et de nouvelles validations. Il s’agit là d’un problème important justifiant pour certains l’abandon de cette approche stratégique et le passage au minimum à l’exome systématique. Par ailleurs, actuellement, les laboratoires analysant les mutations par l’approche ciblée recherchent également dans certains cas, la présence de réarrangements géniques (variants du nombre de copies de gènes) par des techniques complémentaires (MLPA ou la CGH), les nouveaux séquenceurs ne les détectant pas encore tous (bien qu’une évolution dans ce sens soit en développement et commence à être proposée sur les machines récentes). Ainsi, l’ACMG (American college of medical genetics and genomics) suggère-t-elle de réserver l’analyse par exome ou par tout génome aux cas où l’analyse ciblée à l’aide Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 La médecine génomique, une réalité en pleine évolution VERS 1985 Séquençage Sanger Analyse exon par exon Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. 2005 Exome Séguençage ciblé • (20-25,000 gènes codant) • 1,5 % du génome • 30,000-60,000 variants/sujet Plusieurs centaines d’exons et/ou nombreux gènes Exome Analyse ciblée de l’exome Transcriptome Analyse de tout l’exome Selon l’orientation : • Clinique • Biologique • d’imagerie (RNAseq) Analyse des ARN 2017 ? Méthylome Analyse des méthylatlons de I’ADN Génome entier • 3-4 millions de variants/sujet • Environ 400 mutations possiblement pathogène/individu • Environ 2 mutations responsables de maladie/individu Figure 2. Évolution des stratégies de séquençage. des nouveaux séquenceurs est négative ou ne permet pas d’obtenir un résultat positif dans un délai et pour un coût raisonnable [19]. Cette recommandation aux contours flous démontre bien les difficultés de prise de décision stratégique dans cette période charnière où l’évolution technologique est rapide (les machines actuelles seront dépassées d’ici 2 ans), les coûts en baisse régulière et l’évolution rapide des connaissances. Une étude récente a cependant démontré largement la supériorité de l’analyse d’exome sur le séquençage ciblé (et bien entendu le séquençage classique de Sanger) et considère que le séquençage d’exome dans le cadre des maladies génétiques hétérogènes doit être la technique de première intention [20]. L’analyse de génome entier constitue un défi majeur, la quantité d’information obtenue étant considérable. Par ailleurs, en sus de cela, son coût actuel ne permet pas de l’utiliser « en routine ». Néanmoins, inéluctablement nous arriverons à sa réalisation dans les années à venir. Dans le cas des cancers par exemple, l’analyse d’un génome entier permettrait d’établir de manière précise les voies métaboliques anormales en fonction des mutations observées et d’orienter un traitement ciblé pour le patient en fonction des voies anormalement activées ou inhibées. Par ailleurs, la recherche ciblée actuelle pour tel ou tel tissu atteint limite la recherche de certaines mutations dans d’autres cancers. Par exemple, le gène Braf dont la mutation activatrice p.Val600Glu répond à un traitement, n’est analysé que dans certains cancers (mélanome, côlon, pouAnn Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 mon, thyroïde). Une analyse tout génome permettrait de l’identifier à coup sûr dans tous les cancers quelle que soit sa nature. Exemples de problèmes liés à l’analyse d’exome L’analyse d’exome a permis d’identifier un certain nombre de maladies rares de transmission mendélienne [4]. Il s’agit donc à ce jour d’un puissant outil d’analyse. Néanmoins, de nombreux obstacles persistent du fait de notre connaissance encore insuffisante du génome humain, mais aussi pour des raisons analytiques. Sans être exhaustifs, nous pouvons citer quelques difficultés. L’analyse peut manquer un variant responsable de la maladie comme cela a déjà été évoqué ci-dessus. L’analyse d’exome n’a pas une couverture complète de tous les exons codants. En général, avec les techniques de capture d’exome actuelles, environ 5 % des parties codantes ne sont pas analysables (couverture insuffisante pour la détection d’une mutation). Par ailleurs, malgré une couverture suffisante, certaines mutations constituent encore un réel problème d’analyse pour les machines (par exemple, les inversions, les duplications). Certaines mutations peuvent se trouver dans des régions non explorées par l’exome. Par exemple, une étude dans une population finlandaise a montré que plus de la moitié des mutations d’un gène, C9orf72 (Omim 614260, responsable d’une forme de sclérose amyotrophique) était une expansion d’hexanucléotides dans un intron et non dans un exon. 31 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Synthèse L’hypothèse de départ pour une analyse d’exome peut être fausse. Par exemple, certaines maladies présentent plusieurs modes de transmission selon le gène en cause (une maladie, plusieurs gènes). Ainsi, dans les rétinites pigmentaires, pathologies dans lesquelles de nombreux gènes sont en cause, une étude a montré que 8,5 % des familles malades avaient été par erreur considérées comme atteintes avec un mode de transmission autosomique dominant alors qu’en réalité, il s’agissait de familles avec transmission liée à l’X [21]. Le nombre de variants connus a augmenté de manière considérable ces dernières années (exemple, dbSNP, base de données américaine de variants simple base, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/SNP). Un grand nombre de ces variants sont des polymorphismes (au moins 12,5 millions connus) et de plus en plus de ces variants sont rares. Ils peuvent être spécifiques d’une population ou d’une ethnie voire même spécifiques d’un sujet sans pour autant être pathologiques. Par ailleurs, certains de ces variants sont importés d’autres bases de données (comme Cosmic, base de données de mutations somatiques dans les cancers ou d’Omim, base de données de maladies de transmission mendélienne). Ainsi, lors d’une analyse d’exome, la qualité du filtre des données pour récupérer les candidats « mutation » est importante à considérer et difficile à établir pouvant amener soit à des faux positifs soit à des faux négatifs. L’analyse de néo-mutations : chaque individu possède environ 74 néo-mutations d’origine germinale [22]. Ces mutations sont potentiellement pathogènes car elles n’ont pas été sujettes à la sélection naturelle. Elles ont donc un impact important dans les maladies sporadiques. C’est le cas par exemple, dans le développement des maladies neurodégénératives et du développement ou dans certaines maladies psychiatriques (schizophrénie, par exemple). En effet, dans ces pathologies présentant par ailleurs une grande hétérogénéité génétique, on retrouve de nombreux cas de mutation de novo (néo-mutations). Une étude récente a démontré l’intérêt du séquençage d’exome dans les maladies héréditaires [23] ; 250 patients recrutés sur une année ont été étudiés au Baylor college of medicine à Houston (USA). Les patients ont été sélectionnés selon des critères cliniques stricts ; 80 % de ces patients (nouveau-nés ou enfants essentiellement) présentaient un phénotype de maladie neurologique d’origine indéterminée. Entre 200 000 et 400 000 variants ont été identifiés pour chaque patient (en les comparant au génome de référence). À l’aide d’outils bio-informatiques, des filtres ont permis d’éliminer les variants non pathologiques. Il ne restait plus que 400 à 700 variants potentiellement pathogènes à analyser chez chaque patient (86 % confirmés par la technique de Sanger, les 14 % restants étant des faux positifs). Après analyse de ces variants, 62 des 250 patients possédaient 85 allèles mutés responsables de maladies héréditaires, soit un 32 taux de détection moléculaire de 25 % (62/250) ; 33 avaient une maladie de transmission autosomique dominante, 16 autosomique récessive et 9 liée à l’X ; 4 patients avaient 2 maladies héréditaires différentes (associant une maladie autosomique dominante et récessive dans 3 cas et 1 autosomique récessive et liée à l’X dans un cas). Les 86 mutations incluaient tous les types de mutations (faux sens, non-sens, petites délétions ou insertions, mutation d’épissage) ; 29 mutations étaient des mutations de novo ; 30/250 patients avaient des mutations découvertes par hasard (incidental findings) dans 16 gènes, pour lesquelles une action médicale pouvait être décidée. Selon l’expérience de ces auteurs, le taux de résultats positifs (25 %) est supérieur à celui obtenu par analyse du caryotype (5-15 %), de puces CGH (15-20 %) et du séquençage de gènes ciblés par la technique de Sanger (3-15 %). Cette analyse a par ailleurs permis d’identifier des cas atypiques de pathologies étudiées dans leur laboratoire et qui n’avaient pas été initialement évoquées lors de la prescription d’analyse génétique. Et comme indiqué plus haut, elle a permis de détecter des patients ayant plusieurs maladies héréditaires, observation inattendue selon les auteurs. Ces derniers rapportent qu’après la clôture de leur analyse, 500 exomes de plus ont été étudiés avec un taux similaire de résultats positifs de 26 %. L’analyse financière a démontré que l’analyse d’exomes dans cette étude était 3 fois moins chère que l’analyse classique (caryotype, CGH, Sanger) selon les stratégies habituelles « non exomiques » du laboratoire. Comment expliquer la négativité des autres cas ? La mutation est peutêtre située dans une zone non analysée par le séquençage d’exome (zones de régulation du gène, introns). Il peut aussi s’agir de problèmes techniques. Comme déjà indiqué, certaines zones des exons sont non ou mal couvertes par le séquençage (environ 5 % des régions). Comment y remédier ? Le séquençage tout génome permettrait de résoudre la majorité de ces problèmes. Mais il a cependant aussi des limites. La profondeur d’analyse est moindre et le problème des séquences répétées ou des pseudogènes n’est pas complètement résolu. En conclusion, cette étude démontre la nécessité de passer rapidement à l’analyse d’exomes dans l’étude des maladies héréditaires en attendant la baisse des coûts pour l’analyse tout génome. Le séquençage tout génome Qu’en retenir à ce jour ? L’analyse tout génome quoi qu’encore prématurée est inéluctable à moyen terme (5-10 ans ?) [24]. Bien que les obstacles soient encore nombreux tant sur le plan technique que financier, éducationnel, éthique, juridique entre autres, son implantation se fera [24]. La communauté médicale est encore partagée sur son utilisation et la standardisation des moyens à utiliser. Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. La médecine génomique, une réalité en pleine évolution Le bénéfice : en cas de maladie présumée héréditaire et pour laquelle aucun diagnostic n’a pu être établi, le séquençage tout génome permet d’identifier la base moléculaire de la maladie. Le coût : à ce jour, le coût d’un séquençage tout génome est encore élevé (environ 4 500 D , figure 1). Il n’est pas possible à ce jour de l’utiliser dans un but diagnostique en laboratoire en routine. Ce type d’analyse est encore réservé à la recherche ou à titre exceptionnel dans des pathologies inexpliquées d’origine génétique. Il est fort probable que dans les 2-3 ans qui viennent, le coût du séquençage tout génome descende en dessous de la barre des 1 000 D et aura un coût semblable à celui d’une IRM (imagerie par résonance magnétique) d’ici quelques années. Les analyses bio-informatiques complexes ne sont pas standardisées. Les bases de données sont encore hétérogènes et trop nombreuses. L’expertise technique et médicale nécessite un personnel compétent. À ce jour, très peu de formations spécialisées dans ce domaine existent. La mise en place d’une standardisation des techniques et de contrôles de qualité est encore embryonnaire et largement insuffisante. La qualité des données obtenues par le séquençage tout génome n’est pas encore au niveau de celui des séquenceurs dits à moyen débit dans un grand nombre de cas. Les problèmes éthiques et juridiques sont encore peu discutés et ne font pas l’objet de consensus. Que dire à un patient dont on découvre un risque génétique découvert par hasard alors qu’il vient pour une autre raison ? Notre connaissance du génome croît, mais beaucoup d’inconnues demeurent. Le problème des variants de signification inconnue est exposé plus bas. Comment rendre des résultats au patient ? Sachant qu’en moyenne, on peut trouver 50 variants dans un génome dont les conséquences peuvent être potentiellement pathologiques pour le patient, en émettant l’hypothèse qu’il faut 10 minutes d’explication par variant, il faudrait plus de 8 heures pour les lui expliquer ! Une réflexion de la communauté des généticiens sur le conseil génomique est indispensable afin de voir comment informer un patient. La Société européenne de génétique humaine a établi en 2013 des recommandations que nous résumons ici [25] : – établir un ensemble de protocoles et de conduites à tenir pour l’analyse tant sur le plan national qu’international. Dans le cadre de l’analyse diagnostique, il est préférable de réaliser une analyse ciblée afin d’éviter de découvrir des variants de signification inconnue ou des variants à risques autres que ceux recherchés. Le filtrage des données au cours de l’analyse bio-informatique doit se limiter aux gènes à analyser ; Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 – une analyse tout génome doit être justifiée par la nécessité (problème clinique à résoudre) et la balance bénéfices/risques pour le patient. Lors d’une analyse tout génome, un protocole doit être rédigé afin de servir de guide pour le rendu de variants significatifs retrouvés mais non recherchés dans l’indication initiale. Dans l’hypothèse où ce(s) variant(s) constituent un réel risque de santé pour le patient ou pour sa famille et que cette découverte permet des actions préventives et/ou thérapeutiques, le professionnel de santé doit les rapporter et l’information transmise au patient et/ou à la famille ; – l’information du patient est fondamentale. Elle n’est pas simple. L’aide des associations de patients dans ce cas est primordiale afin de trouver le meilleur moyen d’information. La génétique est à l’intersection entre la clinique et la recherche. Il est encore une fois indispensable d’en informer le patient. Le prélèvement de celui-ci pourra être conservé pour d’autres analyses à venir (banque d’ADN ou DNAthèque). Dans le cas des mineurs, il est nécessaire de rédiger des guides de bonnes pratiques afin de déterminer quelles informations doivent être transmises aux parents (notamment celles découvertes par hasard) pour l’intérêt du mineur et de ses parents. Dans l’hypothèse où une explication scientifique est trouvée pour des variants considérés initialement de signification inconnue alors qu’une analyse génétique a déjà été rendue au patient, il serait indispensable de le contacter de nouveau. Un protocole devrait être rédigé afin de préciser les modalités de cette nouvelle prise de contact ; – afin de faciliter l’interprétation des analyses génétiques, une collaboration internationale est nécessaire pour unifier les bases de données génotypiques, phénotypiques et de variants. La formation et l’information continue des professionnels de santé doivent être refondues complètement. Elles doivent porter sur la génétique humaine, le conseil génétique, l’interprétation des analyses de génétique et leurs conséquences possibles. Plusieurs niveaux de formation/informations doivent être créés depuis les généralistes jusqu’aux généticiens. Un débat de société sur la génétique et les conséquences des évolutions technologiques actuelles et de leurs conséquences sur la connaissance du génome devrait être engagé rapidement. L’information grand public n’existe pas et devrait être initiée. Que devient le séquençage selon la technique de Sanger ? La technique de « Sanger » reste à ce jour encore la technique de référence. Les nombreuses comparaisons réalisées entre cette technique et les autres tendent à montrer que cette technique ne sera bientôt plus nécessaire. Actuellement, comme cela a été indiqué dans le paragraphe précédent, 33 Synthèse Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. le Sanger est encore utile pour étudier les zones non analysables par les autres techniques de séquençage. Par ailleurs, quelle que soit la technique d’analyse (génome entier, analyse d’exome ou analyse ciblée), les mutations découvertes sont encore confirmées par la technique de Sanger afin d’éliminer les faux positifs toujours possibles avec les autres techniques. Les développements en cours sur les nouveaux séquenceurs ont entre autres pour objectif d’éliminer les rares faux positifs observés (notamment en améliorant l’analyse bio-informatique). Comment interpréter les nombreux variants de signification inconnue ? Avec les nouveaux séquenceurs et selon l’étendue de l’analyse (tout génome ou exome), le nombre de variants mis en évidence varie de quelques milliers à plusieurs millions. Un grand nombre de ces variants sont filtrés à l’aide de puissants outils bio-informatiques qui comparent les variants observés à de gigantesques bases de données contenant les variants étudiés sur des milliers d’individus dans le monde ainsi que sur des bases de données de mutations (filtres éliminant les polymorphismes sans incidence pathologique, par exemple). Bien entendu, ces filtres ne sont pas parfaits et peuvent éliminer des variants pathologiques qu’ils considèrent comme bénins (faux négatifs). Dans le cadre des analyses ciblées, ce risque est moindre car le nombre de gènes analysés est moins important (d’un gène avec nombreux exons à plusieurs dizaines de gènes ou plus), par conséquent, le nombre de variants à analyser aussi (quelques centaines le plus souvent). À l’aide des bases de données de variants et de mutations mais aussi à l’aide de logiciels d’interprétation de mutations, il est possible de classer les variants en bénin (non responsable de la maladie), ou pathologique ou en variant de signification inconnue (VUS, variants of uncertain significance). Parmi les bases de données pouvant aider le généticien, on peut citer 1 000 Genomes Project, Exome Variant Server et HGMD (Human Gene Mutation Database). Cependant, malgré la richesse de ces bases de données, il arrive régulièrement que des variants ne soient pas répertoriés dans ces bases de données (variants rares) ou que la conséquence sur la maladie étudiée soit ininterprétable. Des logiciels d’aide à l’interprétation de la responsabilité d’un variant dans la pathogénicité d’une maladie peuvent alors aider à la prédiction de la pathogénicité d’une mutation (par exemple, PolyPhen, Sift, Alamut). Ces logiciels ne sont néanmoins pas fiables à 100 %. Des études ont montré que leur sensibilité et leur spécificité globales étaient de 85 % environ. L’interprétation des données d’analyse pose donc encore des problèmes. En parallèle, l’histoire familiale et l’analyse de ségrégation peuvent aussi aider à établir cette pathogénicité ainsi que la fréquence observée du variant et la comparaison de la séquence mutée chez l’être humain et 34 dans d’autres espèces. Le seul moyen d’établir définitivement la pathogénicité d’une mutation à ce jour est l’analyse fonctionnelle. Celle-ci est cependant lourde, coûteuse et longue à réaliser. À ce jour, cependant, la signification de nombreux variants reste un immense défi pour la communauté génétique. Beaucoup de variants sont rares (<1 %) ou ont un faible effet fonctionnel. Les conséquences pour la santé humaine sont encore loin d’être résolues [26]. L’expertise du généticien L’analyse génétique nécessite non seulement une formation spécifique longue en génétique (clinique, cytogénétique et moléculaire) mais aussi une expérience importante. Cette analyse ne peut être faite dans un laboratoire d’analyses médicales non spécialisé. En France, les maladies génétiques constitutionnelles sont étudiées dans les laboratoires agréés par l’ARS (Agence régionale de santé) dans lesquels travaillent des généticiens moléculaires agréés par l’Agence de BioMédecine. Il faut noter par ailleurs que le généticien a besoin d’informations complètes cliniques, biologiques voire d’imagerie (le phénotype) pour analyser un test génétique. Il est fondamental dans l’intérêt du patient, que le clinicien donne le maximum d’information au généticien qui fera l’analyse. À ce jour, hélas trop souvent, un temps précieux est perdu par manque d’informations de la part du clinicien. Afin d’optimiser l’analyse génétique, les informations phénotypiques sont primordiales pour orienter vers les gènes à analyser en priorité. Séquençage des tumeurs et pharmacogénomique Outre les cancers héréditaires rares (tableau 2), un des apports majeurs des séquenceurs nouvelle génération à la médecine génomique actuelle est la pharmacogénomique des cancers. Les cancers sont des maladies multifactorielles. Parmi leurs causes, on retrouve des mutations génétiques acquises (somatiques, c’est-à-dire non héréditaires) dont les origines sont multiples. Pour un grand nombre de cancers, la comparaison des profils génétiques (par séquençage d’ADN) de tissus normaux et de tissus tumoraux a permis de trouver des gènes mutés dont les produits (les protéines) peuvent être des cibles thérapeutiques potentielles, le reflet de résistance à de nouveaux traitements ou des indicateurs pronostiques. On assiste ainsi depuis 2005 à l’émergence de nouveaux traitements, les thérapies ciblées. Thérapies ciblées et cancer La notion d’analyse moléculaire ciblée dans un cancer date en fait du milieu des années 1980 avec la découverte Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 La médecine génomique, une réalité en pleine évolution Tableau 2. Exemples de cancers héréditaires [62]. Syndrome Cancer héréditaire du sein et des ovaires Syndrome de Li-Fraumeni Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Syndrome de Lynch Polypose adénomateuse familiale Gène BRCA1 BRCA2 TP53 MSH2 MLH1 MSH6 PMS2 EPCAM APC MUTYH STK11 Syndrome de Peutz-Jeghers Cancer héréditaire de l’estomac Mélanome familial CDH1 CDKN2A CDK4 MEN1 Tumeurs endocrines multiple de type 1 Tumeurs endocrines de type 2 Paragangliome familial MEN2A MEN2B RET SDHD SDHB SDHC VHL Maladie de Von Hippel-Lindau Syndrome de Birt-Hogg-Dubé Sclérose tubéreuse de Bourneville FLCN TSC1 TSC2 NF1 Neurofibromatose de type 1 NF2 Neurofibromatose de type 2 Syndrome de Gorlin Polypose juvénile PTCH1 BMPR1A Principales manifestations cliniques Cancers du sein et de l’ovaire d’apparition précoce Nombreux cancers (sarcomes, cancer du sein, du cerveau, de la surrénale) Cancer du côlon avec instabilité de microsatellites Cancer de l’endomètre Autres cancers Très nombreux polypes du côlon Cancer colorectal Cancer du duodénum Tumeurs desmoïdes Nombreux hamartomes Cancer du sein Cancer colorectal Cancer du pancréas Cancer de l’estomac Augmentation du risque de nombreux autres cancers Cancer de l’estomac et du sein Mélanome Cancer du pancréas Astrocytomes cérébraux Tumeurs neuroendocrines du pancréas Tumeurs de l’hypophyse Adénome de la surrénale Tumeurs neuroendocrines diverses (estomac, poumon, thymus) Cancer médullaire de la thyroïde Phéochromocytome Hyperparathyroïdie Paragangliomes Phéochromocytome Cancer du rein Hémangioblastome Phéochromocytome Cancer du rein chromophobe Angiofibromes Angiomyolipomes Astrocytomes à cellules géantes Gliome optique Neurofibromes avec risque de cancérisation secondaire Schwannome Méningiome Gliome Neurofibromes Tumeurs neuroectodermiques de l’enfant Cancers baso-cellulaires Nombreux polypes d’apparition précoce (jeune âge) SMAD4 de l’amplification du gène HER2 présent dans environ 30 % des cancers du sein et son association à un mauvais pronostic. Le typage HER2 pour les cancers du sein fut alors développé pour guider la chimiothérapie. En Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 1998, un nouveau médicament, le trastuzumab (herceptine), anticorps humanisé anti-HER2 fut alors développé pour le cancer du sein et fait désormais partie de la panoplie des molécules utilisées dans le traitement de cette 35 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Synthèse pathologie [27]. Dans les années 2000, de nouvelles thérapies ciblées ont été développées ainsi que des analyses moléculaires aidant au diagnostic et au pronostic de certains cancers (tableau 3). L’utilisation des séquenceurs de nouvelle génération permet une détermination rapide de nombreuses mutations dans différents gènes cibles. Elles permettent aussi de mettre en évidence la variation du nombre de copies de gènes (amplification ou délétion), ainsi que la présence d’aberrations chromosomiques (translocation par étude du transcriptome par exemple). Ces appareils sont en cours d’installation dans les laboratoires hospitaliers d’analyse moléculaire en France et progressivement passent de la recherche au diagnostic moléculaire clinique. La limitation de leur expansion est à ce jour essentiellement financière. En parallèle, la recherche sur la pathologie moléculaire des cancers (anomalies génomiques et épigénomiques) continue et progresse rapidement [28]. De nombreuses molécules visant de nouvelles cibles sont en développement. En effet, malgré la réelle efficacité des molécules ciblant les protéines mutées, des résistances au traitement apparaissent inéluctablement en moyenne en 6 mois-1 an. Une monothérapie se révélant insuffisante, des associations de molécules ainsi que l’utilisation de molécules alternatives sont en développement (par exemple, l’immunothérapie). L’analyse d’un grand nombre de gènes par les nouveaux séquenceurs participe à l’élaboration de nouveaux protocoles thérapeutiques pour surpasser ces résistances. Néanmoins, le séquençage des tumeurs par ces technologies n’est pas facile et présente de nombreuses limitations. Parmi ces dernières, outre l’aspect financier important déjà évoqué, on peut citer la qualité de l’échantillon tumoral, l’hétérogénéité moléculaire au sein du tissu (une mutation peut se retrouver dans la tumeur primitive et non dans la métastase par exemple), la présence d’une aneuploïdie (nombre anormal de chromosomes), la présence de tissu normal au sein du tissu tumoral. Il existe en effet toujours du tissu normal au sein du tissu tumoral d’où la nécessité de connaître le pourcentage de tissu tumoral au sein du tissu analysé afin de déterminer le seuil de sensibilité (« de détection») des anomalies moléculaires. L’anatomo-pathologiste peut aussi délimiter la zone où la richesse tumorale est maximale voire exclusive. Le choix des cibles moléculaires est fondamental. À ce jour, un consensus mondial sur un certain nombre d’anomalies moléculaires existe (tableau 3). En France, l’Institut national du cancer (Inca) établit les cibles validées pour une recherche des mutations selon la tumeur [29]. Parmi les groupes collaboratifs mondiaux rassemblant de nombreux laboratoires de recherche dans le monde, collectant l’ensemble des mutations possibles dans les cancers et cherchant des cibles thérapeutiques dans ces derniers, on peut citer l’International cancer genome consortium (www.icgc.org/icgc), le Cancer Genome Atlas (cancergenome.nih.gov). Ainsi, l’arrivée des nouveaux séquenceurs a-t-elle permis de réaliser un bond en avant extraordinaire dans la recherche en cancérologie [30]. Tableau 3. Exemples de tests génomiques utilisés dans les thérapies ciblées des cancers. Pathologies Cancer du sein Gènes cibles analysés (exemples de zones/mutations analysées) HER2 (amplification) EGFR’ (analyse exons 18 à 21) Cancer du poumon Cancer colorectal EML-ALK et autres translocations ALK KRAS (exons 2, 3 et 4) BRAF (exon 15/p.Val600Glu/Lys) Mélanome Cancer baso-cellulaire Leucémie myéloïde chronique Leucémie aiguë myéloblastique GIST (Gastrointestinal stroma tumor) Cancer de l’estomac 36 NRAS (exons 2 et 3) KIT (exons 8, 9, 11, 13 et 17) SMO Translocation ABL-BCR PDGFRA KIT (exons 8, 9, 11, 13 et 17) HER2 (amplification) Traitements ciblés Trastuzumab Lapatinib Erlotinib Gefitinib Afatinib Dacomitinib Crizotinib Cetuximab Panitumumab Vémurafénib Dabrafenib Trametinib Selumetinib Imatinib Vismodegib Imatinib Dasatinib Nilotinib Imatinib Trastuzumab Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 La médecine génomique, une réalité en pleine évolution Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Les marqueurs tumoraux circulants La détection dans le sang circulant d’ADN ou d’ARN d’origine tumorale a là aussi été un tournant dans l’utilisation des séquenceurs nouvelle génération. Déjà utilisée pour l’étude de l’ADN fœtal chez la femme enceinte, la mise en évidence de ces marqueurs non invasifs en cancérologie (simple prise de sang) est encore du domaine de la recherche et n’est pas encore utilisée dans les laboratoires hospitaliers. La preuve expérimentale de cette application a été décrite en 2010 lors de la mise en évidence de réarrangements chromosomiques dans des tumeurs à l’aide de cet outil [31]. En complément des réarrangements chromosomiques, celui-ci permet aussi la mise en évidence de cibles moléculaires mutées. Cette technique permet d’éviter des biopsies et de suivre l’évolution de la maladie sans être invasif puisqu’une simple prise de sang suffit (certains parlent de « biopsie liquide », terme aussi utilisé pour l’analyse des cellules tumorales circulantes dans le sang). Cette méthode permettrait un diagnostic précoce de la maladie, un suivi précoce des rechutes et de la dissémination cancéreuse (maladie résiduelle). La sensibilité et la spécificité de la technique, même si une faible proportion d’acides nucléiques tumoraux peut être différenciée des acides nucléiques non tumoraux, limitent encore son utilisation et nécessitent des développements. En effet, cette technique doit pouvoir détecter entre 1 et 10 % de l’ADN circulant. Bien que le séquençage ciblé de gènes puisse détecter dans une tumeur entre 1 et 5 % de mutations, obtenir une telle sensibilité dans le sang est encore difficile dans le cas des cancers. Des études ont cependant démontré sa faisabilité. Ainsi, une étude récente a montré qu’il était possible de détecter 2 % d’ADN muté dans le sang d’un patient atteint d’un cancer [32]. Des études sont en cours pour améliorer la sensibilité du séquençage d’ADN circulant pour le diagnostic, traitement et suivi des patients atteints de cancer et démontrer son intérêt évident. À noter qu’une technique alternative, la PCR digitale est aussi considérée par certains comme une technique prometteuse pour l’analyse des acides nucléiques d’origine tumorale dans le sang. Pistes pour la création d’une infrastructure hospitalière de médecine personnalisée en cancérologie Actuellement, peu de médicaments sont disponibles dans les thérapies ciblées des cancers (tableau 3). Cependant, ce nombre s’accroît et de nouvelles molécules sont en essai. À ce jour, pour permettre une thérapie ciblée élargie à de nombreux cancers, de nombreux obstacles existent : – la faible quantité de molécules reconnues actives contre les aberrations génomiques observées ; Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 – un nombre restreint de tests analysant les cibles thérapeutiques ; – l’hétérogénéité tumorale rendant difficile l’analyse moléculaire ; – les coûts liés aux différentes analyses ; – le financement de ces nouvelles analyses (et le problème de leur remboursement). Grâce à l’Inca, les tests moléculaires sont accessibles à tous en France et avec la même qualité grâce à la mise en place de réseaux, de contrôles de qualité et l’échange des connaissances et expériences des acteurs impliqués. Par ailleurs, il est important d’établir des programmes de recherche (incluant la découverte de biomarqueurs et leur validation) et le transfert des connaissances et découvertes de ces programmes vers les laboratoires (on parle de médecine translationnelle). La thérapie ciblée est une branche de la médecine individuelle. Dans le cas des cancers, cette dernière a pour objectif d’identifier les sujets à risque de cancer, de les détecter précocement et d’identifier des cibles potentielles afin de guérir le patient. Bien entendu, un grand nombre d’acteurs médicaux agit dans le traitement d’un patient. Outre l’oncologue, le radiologue, le chirurgien, le médecin traitant, le biologiste, le généticien moléculaire et l’anatomopathologiste jouent aussi un rôle déterminant. Dans ce paragraphe, nous nous focaliserons sur la partie biologie moléculaire de la médecine individualisée. Certaines cibles ont déjà été définies et reconnues (tableau 3). Cependant, un certain nombre de laboratoires utilisent encore des tests à l’échelle individuelle (une analyse à la fois). Néanmoins, le nombre de tests à réaliser pour les tumeurs est de plus en plus important (plusieurs gènes à étudier). Or, les échantillons à analyser sont des coupes en paraffine dans l’immense majorité des cas (sous forme de copeaux ou de lames), plus rarement sous forme de tissu frais, de biopsies ou de ponctions à l’aiguille. La faible quantité de matériel obtenue ne permet pas d’analyser un grand nombre de gènes à la fois. Par ailleurs, les tests réalisés un par un sont lourds et longs à techniquer. Des tests multiplex ont donc été développés (par exemple, technique d’extension d’amorce ou Snapshot®, spectrométrie de masse [Sequenom®]). Bien entendu, l’utilisation des nouveaux séquenceurs s’est vite imposée dans ce domaine, d’abord dans le domaine de la recherche et depuis 1-2 ans, progressivement dans les laboratoires de génétique moléculaires (séquenceurs dits de moyen débit, IonTorrent [Life Technologies] et Miseq [Illumina]). Des trousses spécifiques (cancer du côlon, cancer du poumon par exemple) ou à façon sont disponibles pour ces 2 machines. Des gènes, cibles moléculaires de médicaments commercialisés ou en cours d’évaluation, ont été sélectionnés et peuvent être analysés en parallèle en une seule expérience (analyse 37 Synthèse de dizaines à centaines d’exons en même temps). Cette approche est moins coûteuse, plus rapide et adaptée à l’analyse de tissus en faible quantité (par exemple, tissus en paraffine). Elle permet actuellement la détection de mutations avec une sensibilité moyenne de 1-5 % (ce qui signifie que 1-5 % de tissu tumoral muté peut être détecté au sein du tissu normal présent dans la tumeur). Comme pour la génétique constitutionnelle, la question des variants de signification indéterminée se pose aussi. De nombreux obstacles demeurent cependant à ce jour pour que cette approche passe de la recherche au diagnostic (cf. infra, paragraphe discussion). L’épigénétique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. L’approche exome et tout génome en cancérologie Cette approche est essentiellement utilisée par les laboratoires de recherche. Une réflexion est en cours pour une telle approche au niveau diagnostique. En effet, elle permet de détecter des mutations dans des gènes indifféremment du type de cancer, potentiellement cibles de molécules thérapeutiques. Outre les mutations ponctuelles, elle permet aussi de détecter des amplifications ou délétions de gènes ainsi que des réarrangements géniques autres (tels qu’une translocation par exemple). Les conséquences cliniques de ces analyses sont encore difficiles à établir. Dans une étude récente, l’analyse de 100 exomes de patientes atteintes d’un cancer du sein a révélé une grande hétérogénéité de mutations (73 % de diversité mutationnelle). Parmi 40 gènes dont les mutations soit ponctuelles soit à type de délétion/insertion étaient considérées comme directrices (driver mutation), chaque patiente possédait au maximum 6 gènes mutés considérés comme impliqués dans la tumorigenèse [33]. De nombreuses autres études ont pu identifier de la même façon de nombreux gènes mutés dans les cancers. Certains recommandent l’analyse exome et transcriptome (analyse des ARN codants, appelé aussi RNAseq). Les conséquences cliniques et thérapeutiques de ces études ne sont pas encore claires d’autant plus qu’elles ont été faites sur de petits effectifs. Il est nécessaire de poursuivre ces études exome, transcriptome, génome entier sur une grande échelle pour une meilleure analyse et interprétation. La grande hétérogénéité mutationnelle pose un réel défi d’autant plus que non seulement celle-ci existe entre les individus mais aussi chez un même patient entre la tumeur primitive et ses métastases. Il est donc indispensable dans un premier temps d’établir un répertoire des mutations à grande échelle, qu’elles soient ponctuelles ou à type de variation du nombre de copies ou de translocation. L’ensemble de ces données permet progressivement d’établir une relation génotype/phénotype et d’établir à l’aide d’un modèle polygénique, les multiples interactions entre les gènes permettant alors de comprendre le métabolisme de la cellule cancéreuse et d’établir des cibles thérapeutiques. Bien entendu, outre la thérapeutique, ces analyses cherchent aussi à trouver des marqueurs diagnostiques et pronostiques [34]. 38 L’épigénétique définie comme les modifications héritables et réversibles non liées à une altération de la séquence de l’ADN, joue un rôle central avec la génétique dans le phénotype de chaque cellule, tissu, organe, organisme. L’épigénome est analysé par des techniques explorant la méthylation de l’ADN (essentiellement les ilôts CpG), les modifications des histones, la conformation de la chromatine et l’analyse des microARN. L’épigénétique est héritable mais réversible, ce qui la différencie de la génétique, héritable mais irréversible. L’épigénome est non seulement réversible mais aussi fluctuant selon les stades d’évolution d’une cellule/tissu (par exemple, différentiation, développement embryonnaire) et selon les interactions avec l’environnement. L’épigénétique est par ailleurs tissu-spécifique et elle participe à la régulation de l’expression des gènes. Il existe donc une interaction très étroite entre la génétique et l’épigénétique. De nombreuses maladies sont associées à des anomalies de l’épigénome (cancers, maladies auto-immunes par exemple). Les techniques de séquençage de nouvelle génération permettent l’analyse de l’épigénome [35]. Elles sont néanmoins réservées pour le moment essentiellement à des activités de recherche. L’analyse épigénétique pour le diagnostic est réservée à quelques cas particuliers (par exemple, analyse du promoteur du gène MGMT dans les gliomes). Un des problèmes qui se pose dans le cadre d’une analyse de méthylation par exemple, est d’établir le niveau de méthylation considéré comme significatif pour juger un changement d’expression significative d’un gène. De nombreuses études sont encore nécessaires pour intégrer l’analyse de l’épigénome à l’analyse du génome [36]. Le séquençage en milieu hospitalier et son interprétation À ce jour, 3 674 maladies de transmission mendélienne pour lesquelles la pathologie moléculaire est découverte, sont répertoriées dans la base de données Omim (Online mendelian inheritance in man) alors que 14 104 gènes sont à ce jour connus (séquence identifiée) (source : www.ncbi.nlm.nih.gov/Omim/mimstats.html). Par conséquent, un grand nombre de pathologies n’ont pas encore de mutation caractérisée. Il s’agit probablement de maladies Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. La médecine génomique, une réalité en pleine évolution rares inconnues ou non repérées. Certains consortium (aux USA par exemple avec les Centers for mendelian genomics de la University of Washington, Yale University, Center of Baylor college of medicine et la John Hopkins University [37]) et d’autres instituts proposent leurs services pour séquencer les ADN des patients susceptibles d’être atteints de maladies rares et dont le diagnostic n’est pas établi. Le cas décrit dans l’exemple 1 de notre article [première partie] en est un exemple typique [1]. La création de tels consortia devrait permettre selon certains auteurs et selon les premiers résultats obtenus d’identifier au moins 50 % des gènes responsables de maladies mendéliennes inconnues à ce jour [38, 39]. Bien que de nombreux obstacles existent encore, les séquenceurs de nouvelle génération s’installent dans les laboratoires cliniques spécialisés [7]. Dépistage néonatal, diagnostic prénatal et anténatal Le dépistage néonatal À ce jour en France, cinq pathologies sont systématiquement dépistées à la naissance : la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie, la mucoviscidose, la drépanocytose et l’hyperplasie congénitale des surrénales. En 2011, la Haute autorité de santé (HAS) a recommandé le dépistage du déficit acyl-CoA-déhydrogénase des acides gras à chaînes moyennes (MCAD) par spectrométrie de masse. À ce jour, aucun texte officiel n’a validé cette recommandation dans le dépistage néonatal systématique. Bien que dans le domaine des maladies métaboliques, la spectrométrie de masse soit utilisée, l’analyse génétique dans un but de dépistage néonatal ne peut être exclue. Ainsi, une liste de pathologies détectables à la naissance a été établie par le ministère américain de la santé. Parmi ces pathologies, un certain nombre bien qu’analysable par spectrométrie de masse, pourraient l’être aussi par analyse génétique (Réf : www.hrsa.gov/advisorycommittees/mchbadvisory/ heritabledisorders/recommendedpanel/index.html). Bien que non validé à ce jour, il est fort probable que le séquençage nouvelle génération sera applicable et qu’un simple recueil de sang du bébé sera suffisant. Le diagnostic prénatal Le diagnostic prénatal se fait actuellement par recueil de liquide amniotique par amniocentèse ou par analyse des villosités issues d’une biopsie du trophoblaste. En 1997, une alternative diagnostique révolutionnaire non invasive a été décrite (simple prise de sang chez la mère) : l’analyse possible de l’ADN fœtal dans le sang maternel [40]. En 2008, la faisabilité de l’utilisation d’un séquenceur de nouvelle génération pour rechercher une aneuploïdie chez un fœtus dans le sang maternel a été démontrée [41, 42]. La validation de cette nouvelle méthode a été rapide et dès 2011, des sociétés ont proposé l’analyse moléculaire du Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 sang fœtal chez la mère aux États-Unis et en Chine [2, 43]. C’est le cas par exemple de la société Sequenom qui a développé un test dénommé MaterniT21TM plus en 2012 détectant les trisomies 13, 18 et 21 ainsi que les chromosomes X et Y. En France, en avril 2013, le comité national d’éthique a donné un avis favorable aux développements d’analyses moléculaires du fœtus à partir du sang maternel (avis numéro 120 – Questions éthiques associées au développement des tests génétiques fœtaux sur sang maternel). Outre la détection d’aneuploïdie telle que la trisomie 21, il a pu être démontré que la recherche d’anomalies génétiques telles que des mutations ou des réarrangements géniques (par exemple, une grande délétion) présents dans le génome du fœtus pouvaient être détectés dans le sang maternel [44]. Bien qu’encore balbutiante, l’utilisation des séquenceurs nouvelle génération dans le diagnostic prénatal est en plein essor [45]. Encore du domaine des laboratoires de recherche, son utilisation dans cette indication existe déjà en routine et commercialisée dans certains pays (par exemple, les États Unis) et laisse penser que sa généralisation aux laboratoires diagnostiques est l’affaire de quelques années. Le diagnostic anténatal Actuellement, il est possible de réaliser l’analyse génétique chez des couples souhaitant un enfant et pour lesquels une maladie génétique récessive ou autosomique ou la présence d’une mutation est suspectée ou connue dans la famille à l’aide des techniques classiques de génétique moléculaire. Il est bien entendu possible d’utiliser les séquenceurs nouvelle génération dans le diagnostic anténatal même si cela ne se fait pas encore en milieu hospitalier en routine. Par exemple, des auteurs ont démontré la faisabilité de ce diagnostic par les nouveaux séquenceurs dans le cadre des maladies récessives [46]. Les maladies multigéniques, multifactorielles Elles sont représentées par la majorité des maladies telles que les cancers, les diabètes, les maladies cardiovasculaires et résultent d’interactions génétiques, épigénétiques et environnementales complexes. Les études d’association tout génome (GWAS, Genome wide association studies) ont détecté de nombreux variants communs associés à diverses pathologies (www.genome.gov/gwastudies). Les variants communs sont définis comme étant ceux observés chez plus de 1 % de la population. Les études actuelles cherchent désormais les variants rares dans ces différentes maladies. Ces études sont néanmoins coûteuses et difficiles à réaliser, car elles nécessitent l’analyse d’un grand nombre de sujets (plusieurs milliers) en prenant d’un côté des patients et de l’autre des sujets contrôles. Ces études bien que nécessaires sont cependant limitées par leur sensibilité faible et leur spécificité limitée. 39 Synthèse Les marqueurs pharmacogénomiques Un certain nombre de marqueurs d’efficacité, d’association à des effets indésirables ou de réponse selon la dose à certains traitements ont été mis en évidence lors d’études d’association tout génome (tableaux 4 et 5 – http://pharmgkb.org ; http://www.fda.gov/Drugs/Science Research/ResearchAreas/Pharmacogenetics/ucm083378. htm) [47, 48]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Les tests génomiques multiples Outre le séquençage d’ADN, d’autres tests ont été développés tels que la mesure de l’expression des gènes (ARN, protéines) ou l’analyse de l’épigénome (analyse de méthylation de gènes, recherche de microARN). Certains de ces tests sont encore du domaine de la recherche. Néanmoins, quelques-uns ont été commercialisés. Le test Oncotype DX® (société Genomic Health Inc. - www.oncotypedx. com) analyse l’expression de 21 gènes (expression des ARN) dans les cancers du sein positifs aux récepteurs aux œstrogènes, afin de déterminer la probabilité de récidive du cancer et identifier les patientes pouvant prendre du tamoxifène sans chimiothérapie adjuvante. Un test concurrent a également été développé, MammaPrint® (société Agendia Inc. - www.agendia.com). Ce dernier analyse l’expression de 70 gènes à l’aide d’une puce ADN. Ce test permet de prédire le risque de récidive post chirurgical, indépendamment du statut « récepteur aux œstrogènes » (probabilité annoncée par l’industriel de 98,5 %). Pour certains auteurs, bien que ces tests apportent des informations utiles, des études complémentaires seraient nécessaires pour affirmer leur réel intérêt en milieu hospitalier [49]. Le test Corus CAD® (Société CardioDx Inc – www.cardiodx.com) analyse l’expression de 23 gènes dans le sang total afin de prédire l’existence d’une insuffisance coronarienne [50]. Ce test non disponible et non validé en France est proposé aux États-Unis. Un autre test également non disponible en France a été développé afin de surveiller l’absence de rejet Tableau 4. Base de données sur la relation entre les gènes et la thérapie ciblée (génétique somatique) [61]. Base de données PharmGKB Adresse sur internet www.pharmgkb.org DrugBank STITCH (Chemical protein interactions) TTD (Therapeutic target database) www.drugbank.ca/ stitch.embl.de/ xin.cz3.nus.edu.sg/group/ ttd/ttd.asp Description générale Description des thérapies ciblées et des gènes impliqués Description des molécules et de leurs cibles Base de données des interactions entre les molécules et leurs cibles Base de données sur les cibles des médicaments, les voies métaboliques et les associations de médicaments Tableau 5. Exemples de marqueurs pharmacogénomiques (hors cancers). D’autres associations gène/médicaments peuvent être vues sur les sites http://pharmgkb.org/page/cpicGeneDrugPairs et http://pharmgkb.org/search/knownPairs.action. http://www.fda.gov/Drugs/ ScienceResearch/ResearchAreas/Pharmacogenetics/ucm083378.htm). Pathologie Ajustement de la dose de warfarine (anticoagulant non utilisé en France) et aux antivitamines K (AVK) Hypersensibilité à l’abacavir (anti-rétroviral VIH) Effets indésirables graves de la carbamazépine (anticonvulsivant) Efficacité thérapeutique du clopidogrel (anti-agrégant plaquettaire) – Ajustement de la dose Réponse à l’inteféron (infection par le virus de l’hépatite C) Effets indésirables de l’irinotécan (inhibiteur de la topoisomérase I) dans les cancers colorectaux Effets indésirables de la mercaptopurine (inhibiteur de la synthèse des purines) utilisés dans les leucémies aiguës lymphoblastiques de l’enfant – Ajustement de la dose Marqueurs de rejet dans la greffe cardiaque Marqueurs de la maladie coronarienne Statines (risque de myopathie) Antipsychotiques et antidépresseurs (risque de surdosage) Tamoxifène (risque de résistance) 40 Gènes CYP2D9/VKORC1 HLA-B*5701 HLA-B*1502 CYP2C19 IL28B/IFNL3 UGT1A1 TPMT AlloMap (analyse de l’expression de 11 ARN dans le sang total) - (www.allomap.com) Corus CAD (analyse de l’expression de 23 ARN dans le sang total) - www.cardiodx.com SLC01B1 CYP2D6 CYP2D6 Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 La médecine génomique, une réalité en pleine évolution après une greffe cardiaque. Ce test approuvé par la FDA en 2008, AlloMap® (Société Xdx Expression Diagnostics Inc – www.allomap.com) analyse l’expression de 11 gènes dans le sang total [51]. Ce test devrait être en essai en 2013 dans plusieurs laboratoires européens dont un en France (commercialisé en Europe en 2013 par la société Diaxonhit (www.diaxonhit.com). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Les analyses génomiques en infectiologie Le microbiome Grâce aux nouveaux séquenceurs, de nombreux microorganismes ont été séquencés ainsi que le microbiome humain (l’ensemble des bactéries commensales de l’organisme : tube digestif, muqueuses nasales, orales et urogénitales, peau) [52]. Le projet d’analyse du microbiome humain, Human Microbiome Project (www.hmpdacc.org) a publié en 2012 les premiers résultats de la population microbienne d’un organisme humain [53]. Cet article a permis d’établir des références pour les différents groupes de microorganismes présents chez un individu normal, mais aussi de différencier ces groupes selon l’âge, l’origine ethnique et l’index de masse corporelle (IMC). De nombreuses études démontrent le lien étroit entre le microbiome et de nombreuses maladies telles que l’asthme, l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, les cancers [54]. Des études actuelles tentent de modifier le microbiome intestinal, notamment dans les maladies inflammatoires du tube digestif, avec l’espoir de guérir ou au moins de soulager les patients [55]. Dans le cadre de la médecine personnalisée, la modification de la flore intestinale semble être prometteuse pour le traitement d’un grand nombre de pathologies [2]. Le diagnostic des maladies infectieuses De nombreux auteurs ont démontré l’intérêt des nouveaux séquenceurs dans le diagnostic des maladies infectieuses, mais aussi dans les études épidémiologiques et en cas d’épidémie ou de pandémie. Grâce à ces outils, la caractérisation des agents infectieux (bactéries, virus, parasites, champignons), la culture, l’antibiothérapie classique ainsi que l’analyse de toxines sont supplantés [56]. Non seulement l’analyse est plus exhaustive mais elle est aussi plus rapide et plus complète (www.genomesonline.org). Ainsi, le séquençage d’un coronavirus lors de l’épidémie récemment apparue en 2012 en Arabie Saoudite a permis non seulement de caractériser le virus mais aussi de déterminer l’origine de l’infection et son expansion dans le monde [57, 58]. En 2012, une étude a rapporté une épidémie à Klebsiella pneumoniae résistant au carbapenem dans un hôpital. En séquençant les bactéries des personnes infectées et en examinant les différences de séquence, l’origine de l’infection Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 a pu être rapidement déterminée. La chronologie du déroulement de cette infection nosocomiale, l’identification des porteurs sains, les réservoirs tels que des équipements hospitaliers ont pu être clairement identifiés. Il a même été possible de déterminer le moment de l’apparition de la résistance à l’imipenem [59]. Pour certains, dans un futur proche, les séquenceurs de nouvelle génération devraient remplacer un grand nombre des techniques de microbiologie actuelles [60]. Dans un premier temps, ces appareils pourraient être réservés par exemple aux agents infectieux non ou difficilement cultivables et dans les enquêtes épidémiologiques [56]. Les défis de la médecine génomique Le concept de maladie génomique évolue. Jusqu’à récemment, on parlait essentiellement de génomique constitutionnelle (l’ensemble du génome hérité de nos parents). Désormais, s’y ajoute la génomique somatique (l’ensemble des modifications de notre génome après la naissance, modifications non héritables) et l’épigénomique (tableau 6). Par ailleurs, après la caractérisation du génome présent dans le noyau de chaque cellule (appelé par convention, le génome humain) et le génome mitochondrial (génome hérité uniquement de la mère), un troisième génome a été identifié, le microbiome humain (constitué de bactéries, de virus et de champignons commensaux présents dans les muqueuses et la peau). Ce dernier comme les deux autres comporte une diversité incroyable d’un sujet à l’autre. Par ailleurs, les connaissances en continuelle évolution sur les génomes commencent à influencer sur les connaissances médicales et leurs implications tant dans le domaine diagnostique, pronostique que thérapeutique et préventif. La médecine génomique peut par ailleurs explorer un individu à tout âge de la période prénatale à la vieillesse. La médecine génomique est donc en pleine évolution et n’en est à ce jour qu’à des balbutiements. Intégrer la médecine génomique dans la pratique médicale est un défi majeur et parcouru d’obstacles. Le médecin d’aujourd’hui n’est absolument pas préparé ni formé à cette nouvelle médecine dont la place s’impose progressivement dans la médecine du présent et du futur. Quelles sont les principales difficultés à ce jour ? Il est impossible d’être exhaustif sur ce sujet. Nous donnerons quelques exemples illustrant les obstacles tant sur le plan génétique constitutionnelle que somatique. Comme cela a déjà été plusieurs fois souligné le coût des appareils et des réactifs sont des facteurs limitants, même si le coût nombre de tests/patient diminue régulièrement, il reste encore important. 41 Synthèse Tableau 6. Vue générale des plateformes génomiques actuelles [66]. Type d’analyse génomique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Genome Epigénome Le transcriptome Plateformes Séquenceurs moyen débit (analyse ciblée des gènes) Les régions d’intérêt sont sélectionnées (groupe d’exons (thérapie ciblée par exemple en cancérologie), ou de gènes (maladie héréditaire avec grand gène (par exemple, BRCA1) ou avec grande hétérogénéité génétique (nombreux gènes impliqués). Il est également possible d’analyser les variations du nombre de copies de gène (délétion ou amplification) et certains réarrangements. L’analyse de séquences répétées ou de petites insertions ou délétions sont encore difficiles L’analyse d’exome Elle permet l’analyse de tous les exons (et parfois aussi des parties non codantes voire du promoteur des gènes) soit environ l’analyse de 1,5 % du génome humain Cette analyse ne permet pas la mise en évidence de réarrangements géniques L’analyse tout génome Le problème actuel de l’analyse tout génome est la couverture de l’analyse parfois insuffisante Le séquençage tout génome après traitement par le bisulfite et le séquençage après immunoprécipitation de la chromatine sont les techniques de choix. Elles permettent d’analyser l’état de méthylation du génome et les modifications histones On parle encore de séquençage d’ARN. Cette technique permet d’analyser l’expression des gènes, l’épissage alternatif, les réarrangements chromosomiques, les transcrits de fusion, les mutations d’editing ainsi que les mutations dans les parties codantes des gènes. L’identification des mutations ponctuelles peut être difficile lorsque le gène est peu exprimé (ARNm peu exprimé) et que son taux de couverture d’analyse est insuffisant L’évolution technologique : ces appareils évoluent à grande vitesse. Une machine achetée aujourd’hui sera dépassée dans un à deux ans si elle n’est pas évolutive. Ces analyses doivent être bénéfiques pour le patient. Cela est évident mais doit être rappelé. Les tests analysés doivent démontrer leur sensibilité et leur spécificité. Des contrôles de qualité doivent être mis en place. Par exemple, la commission européenne de la santé a mis en place des contrôles de qualité de maladies génétiques à l’échelle européenne (EMQN, European molecular genetics quality network, www.emqn.org/emqn/Home). Elle vient de mettre en place un contrôle de qualité pour les séquenceurs de nouvelle génération. La mise en place de telles plateformes doit être réglementée tant du plan organisationnel dans le laboratoire que dans la mise en place d’outils bio-informatique, de formation du personnel médical et technique, de l’enseignement et du rendu des résultats [61]. L’analyse des résultats nécessite une nouvelle approche, la quantité d’information apportée étant considérable. Dans le cas d’une analyse d’exome ou tout génome, des bio-informaticiens sont indispensables afin de permettre « le tri » des informations et dénouer la pelote analytique brute pour obtenir des données analysables par les biologistes moléculaires. À ce jour, aucun logiciel simple et unique ne permet une analyse facile de ces données. Il n’existe par ailleurs aucun consensus sur l’ensemble des processus d’analyse depuis les données brutes jusqu’aux résultats finaux. Il n’existe aucun(s) logiciel(s) consensus et testé(s) à ce jour. Le choix des cibles : en cancérologie, de nombreux gènes sont potentiellement mutés. En attendant l’approche exome 42 ou tout génome, le choix des cibles est différent selon les laboratoires. En dehors de quelques gènes pour lesquels existe un consensus sur la nécessité de leur analyse (existence de thérapie ciblée caractérisée), pour d’autres cibles, aucun consensus n’existe encore. En France comme ailleurs, l’Inca a constitué des groupes de réflexion et d’analyse afin de trouver un accord à ce sujet. Dans le cas des cancers, il est nécessaire de comparer l’ADN normal de l’ADN de la tumeur afin de distinguer les mutations germinales (héréditaires) des mutations somatiques (acquises au cours de l’oncogenèse). Par ailleurs, les métastases et la tumeur primitive n’ont pas toujours les mêmes mutations. Il existe également une grande hétérogénéité génétique au sein de la tumeur tant primitive que secondaire (métastases) ajoutant à la complexité de l’analyse. Les tumeurs sont par ailleurs évolutives chez le patient en fonction du traitement et de l’évolution naturelle de la maladie (évolution clonale) posant le problème d’une analyse séquentielle de la tumeur pour adapter le traitement. L’analyse de l’ADN tumoral dans le sang est en cours d’étude afin d’évaluer son intérêt dans ce suivi (mais aussi dans un cadre de surveillance pronostique, diagnostique et thérapeutique). Il n’existe pas encore de base de données unique tant pour les mutations germinales (héréditaires) que somatiques (tableau 7). Outre l’analyse du génome, l’analyse de l’épigénome (analyse de méthylation d’ADN, étude des miARN, analyse des modifications d’histones) serait nécessaire pour permettre une approche globale des anomalies génomiques. L’épigénétique est une approche en plein développement (par exemple, projet Epigenome). Elle est complémentaire Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 La médecine génomique, une réalité en pleine évolution Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Tableau 7. Exemples de bases de données pour l’analyse de mutations somatiques (cancers) [61]. Base de données Cosmic (catalogue of somatic mutations in cancer) Genomics of drug sensitivity in cancer My cancer genome Adresse sur internet cancer.sanger.ac.uk/cancergenome/ projects/cosmic/ www.cancerrxgene.org/ Cancer genome atlas (TCGA) cancergenome.nih.gov/ Atlas genetic oncology www.atlasgeneticsoncology.org Cbio cancer genomics portal www.cbioportal.org/public-portal/ www.mycancergenome.org de l’approche génomique. Les séquenceurs de nouvelle génération permettent ce type d’analyse. La connaissance de l’épigénome humain est cependant encore insuffisante pour passer au stade diagnostique. L’analyse du transcriptome (appelée aussi RNAseq pour séquençage des ARN) : de la même manière que pour l’épigénome, cette analyse n’est pas encore passée en diagnostic dans le cadre d’une analyse globale. Les séquenceurs de moyen débit permettent cependant une analyse ciblée de transcrits (par exemple le transcrit ARN EML4ALK dans le cas du cancer du poumon). Le rendu du résultat au patient : la quantité d’analyses obtenues par ces nouvelles technologies rend difficile une explication simple au patient. Par ailleurs, la découverte accidentelle de risques génétiques non liés à l’indication du test pose la question de savoir si ces résultats doivent être ou non donnés au patient. Par exemple, une analyse génétique dans le cadre d’un cancer peut amener à découvrir des risques génétiques sans rapport avec ce dernier comme un risque génétique de développer une maladie de Parkinson ou une démence. Il existe une divergence de vue à ce sujet. Les deux extrêmes existent entre ceux qui veulent tout dire, ceux qui ne veulent rien dire et ceux qui veulent un consensus (qui n’existe pas encore) sur ce qu’on peut dire et taire [25, 62]. Lorsqu’un risque vital est découvert par hasard lors d’une analyse génétique pour une autre cause, il semble que ce risque justifie et dépasse le problème lié à l’analyse génétique initiale et nécessite de donner cette information au patient à condition de l’avoir prévenu de la possibilité d’une telle découverte avant le début de l’analyse génétique (rôle majeur de l’information avant la réalisation d’un test) et que ce dernier accepte d’avoir ce résultat [25]. D’autres problèmes peuvent se poser telle la découverte d’un problème de paternité. Dans ce rendu, il est également important mais difficile de tenir compte des différences culturelles de chacun, la notion d’hérédité et d’information Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 Description générale Base de données de mutations somatiques à partir des données de la littérature Informations sur la sensibilité de molécules ciblées dans des lignées cellulaires cancéreuses Signification clinique des mutations les plus fréquentes dans les cancers et leurs relations avec la pathologie et les traitements Portail sur certains cancers et leurs caractéristiques moléculaires Base de données de gènes, de cytogénétique et de données cliniques sur les gènes impliqués dans les cancers Portail sur les cancers : nombreuses données sur les analyses à grande échelle de cancers génétique pouvant être perçue de manière radicalement différente selon nos croyances et cultures. Que faire des résultats génétiques d’une personne décédée ? Si la famille demande ces analyses et que le patient ne s’est pas exprimé sur ce sujet, quelle attitude avoir ? Ces questions n’ont pour le moment que des réponses incomplètes dans notre arsenal juridique. L’importance de la médecine génomique L’intérêt de la médecine génomique est évident et ne pose plus de questionnement en soi. Des structures sont mises en place depuis quelques années pour répondre à ce défi du XXIe siècle. Pour la génétique somatique des cancers, on peut citer en France, l’Institut national du cancer créé en 2004 (Inca, www.e-cancer.fr) et dont le rôle moteur est primordial dans la recherche et sa transposition en cancérologie notamment en médecine génomique. Pour les maladies rares, la plateforme Maladies Rares créée en 2001 (http://plateforme-maladiesrares.org) joue aussi un rôle moteur majeur tant dans la recherche que dans l’organisation au niveau national entre autres du diagnostic et de la prise en charge des maladies rares. Elle intervient également dans la mise en place de la médecine génomique dans ce cadre. Le site Orphanet permet de connaître les laboratoires analysant les gènes d’intérêt pour telle ou telle maladie (www.orpha.net). Un site américain, GeneTests, donne des informations similaires en étant plutôt orienté sur les laboratoires américains et canadiens (www.genetests.org). Tant en Europe que dans de nombreux autres pays occidentaux ou non, des structures similaires sont également mises en place. Quelle que soit son indication, la médecine génomique nécessite de nombreuses étapes de validation pour pouvoir être utilisée en « routine ». Elle nécessite en effet schématiquement d’être validée analytiquement (mesure de l’exactitude et 43 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Synthèse de la fiabilité d’un test génétique), validée cliniquement (l’exactitude et la fiabilité pour déterminer l’issue d’une maladie), de démontrer son utilité (le test améliore-t-il l’histoire du patient). Ces différentes étapes de validation de tests nécessitent de nombreux travaux de recherche et d’essais cliniques. Il faut par ailleurs résoudre les problèmes d’ordre éthique, social, légal des analyses génomiques. La charge financière est par ailleurs lourde et pose de réels problèmes pour la mise en œuvre de la médecine génomique. Certains partenariats public/privé ont ainsi été développés pour la découverte et le développement de nouveaux marqueurs biologiques (Biomarker consortium aux États-Unis – biomarkersconsortium.org). Les tests génétiques et la loi Les règlements encadrant les analyses de génétique sont variables d’un pays à l’autre (y compris au sein de l’Union européenne). Il s’agit d’un réel problème de santé publique. À l’échelle européenne, le projet EuroGentest fondé par la Commission européenne est en train d’harmoniser les tests au sein de l’Union européenne (www.eurogentest.org). En France, la loi encadre strictement les tests génétiques. Cet article n’ayant pas pour objet de décrire les textes en vigueur, nous ne les décrirons pas. Le code de la santé publique dans le chapitre « Examen des caractéristiques génétiques, identification par empreintes génétiques et profession de conseiller en génétique » (Partie III – Protection générale de la Santé) détaille les conditions de recueil, d’analyse et de rendu des résultats et précise les conditions d’exercice tant pour le laboratoire spécialisé (ou l’institution) que pour le praticien. Ces textes sont accessibles gratuitement sur le site Legifrance (www.legifrance.gouv.fr). Les problèmes éthiques, sociaux et légaux La priorité de toute analyse est l’intérêt du patient et bien évidemment de sa santé. Comme cela a déjà été évoqué plus haut, toute analyse génétique nécessite un consentement tant pour l’analyse génétique dans un but diagnostique mais aussi dans le cadre de la recherche et le stockage de l’ADN du patient (banque d’ADN). Le problème du brevetage des gènes a déjà été soulevé avec l’affaire du gène BRCA1 et BRCA2, initialement breveté aux États-Unis par la société Myriad à la fin des années 1990 et contesté en Europe et notamment en France. Après une longue bataille juridique entamée non seulement en Europe mais aussi aux États-Unis, la Cour suprême américaine a reconnu en 2013 la non brevetabilité des génomes (www.supremecourt.gov – Décision numéro 12-398 Association for Molecular Pathology vs. Myriad Genetics, Inc. du 13 juin 2013). La commission européenne avait déjà déclaré la non-brevetabilité du génome dès 1995 (directive 44 98-44-CE – Journal officiel des communautés européennes, L213/13 du 30/07/98). La confidentialité des données est également un problème majeur. Non seulement l’identification d’un sujet à l’aide de ses données génétiques peut avoir de graves implications pour lui-même mais aussi pour sa famille, voire la communauté dans laquelle il vit. La loi protège l’individu des assureurs et des employeurs pour la protection de leurs données génétiques (loi décrite aux Etats-Unis sous le nom de Genetic Information Non Discrimination Act signée en 2008 et en France, Code des Assurances – Article L133-1, L1141-1). Pour rappel, dès 1997, cette protection fondamentale a été rappelée dans la déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme. Cette loi fondamentale n’a été ratifiée par la France qu’en 2011 avec la loi sur la bioéthique (loi n◦ 2011-14 du 7 juillet 2011 – Journal officiel du 8 juillet 2011). L’utilisation des séquenceurs nouvelle génération notamment pour l’analyse de l’ADN fœtal dans le sang maternel a posé de nouvelles interrogations. Par exemple, que se passe-t-il si des anomalies génétiques sont découvertes fortuitement chez le fœtus et que la mère pour cette raison souhaite avorter ? Cette question soulève le problème de l’indication des avortements dans de tels cas. À partir de quels critères un avortement pourra-t-il être justifié ? Par ailleurs, les nouveaux séquenceurs permettent de détecter de nombreux variants dans le génome, ces derniers n’ayant rien à voir avec l’indication initiale de l’étude génétique chez le sujet (ce qu’on appelle les découvertes « accidentelles » ou fortuites, incidental findings chez les Anglo-Saxons). Chacun d’entre nous a de nombreux variants dont la signification à ce jour n’est pas connue (ce que les Anglo-Saxons dénomment VUS : Variants of uncertain clinical significance). Bien que la règle actuelle est de ne pas révéler au sujet la présence de ces variants de signification inconnue, un débat existe dans la communauté internationale des généticiens à ce sujet [62]. Lors de découverte fortuite, lorsque le variant n’est pas interprétable, il n’est pas révélé comme indiqué ci-dessus. Néanmoins, si un variant pathologique est mis en évidence fortuitement lors du séquençage, variant dont on connaît l’issue pathologique pour le patient, il est alors important d’en informer le sujet. L’American college of medical genetics l’a rappelé récemment dans ses recommandations [63]. Par ailleurs, pour certains, la nécessité d’obtenir un consentement en génétique somatique (étude des cancers) comme cela existe déjà en génétique constitutionnelle (analyse du génome) se pose. Le débat continue cependant sans être encore résolu (tableau 8) [64]. Une discussion avec les associations de patients est indispensable. Que faire par ailleurs du stockage des données génomiques d’un patient (contenues dans un disque dur, une clé USB ou « dans le nuage » par exemple) ? Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 La médecine génomique, une réalité en pleine évolution Tableau 8. Débat sur l’information génétique à retourner en cancérologie [62]. Bénéfice Evident Discutable Discuté Rendu du résulat Thérapie ciblée Facteur de risque génétique ayant un intérêt clinique (de prévention, pronostique ou thérapeutique, par exemple) Pas d’intérêt évident ou prouvé Variants de signification inconnue En pratique Rendre le résultat Ne pas le rendre Ne pas les rendre Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. La discussion du consentement en cancérologie (génétique somatique) se pose. Enseignement et éducation Il est évident qu’à ce jour, la transmission des connaissances dans le domaine de la médecine génomique est largement insuffisante. Les professionnels de santé ne sont pas ou très peu informés. Les universités médicales consacrent peu de temps à l’enseignement de la génétique humaine et plus largement, à la médecine génomique alors que le rôle du généraliste à juste titre est de plus en plus important. Ce dernier comme les autres spécialistes, sera de plus en plus amené à recevoir le résultat d’un test génétique et à répondre aux questions de ces patients à ce sujet. Ils devront donc savoir quels tests sont praticables, pour quelles maladies, les règles de prescription de tels tests, leurs indications dans le suivi de la maladie chez leur patient et comment l’informer. Il devra savoir répondre au patient sur des sujets complexes tels que la génomique à la demande et les questions sur les sociétés qui fournissent de tels services (même s’ils sont interdits à ce jour, en France). Un diplôme de médecine génomique devrait être créé et considéré comme une nouvelle spécialité médicale. L’ordre des médecins, les sociétés dites savantes et les différentes associations médicales devraient initier la création de cette nouvelle spécialité et participer à sa mise en place. Ce dernier devrait être associé à un enseignement plus approfondi de la génétique humaine à l’université pour tous les professionnels médicaux et paramédicaux (y compris dans le domaine de la pharmacie et de la dentisterie). Une formation continue et un journal général de formation en français accessible à tous les médecins et non uniquement aux généticiens devraient être créés dans ce domaine. Dans l’enseignement secondaire, une formation générale de génomique devrait aussi être intégré dans les sciences de la vie non seulement en fin de scolarité pour les élèves des domaines scientifiques mais aussi pour les autres filières. L’économie de la santé Cette nouvelle technologie n’est pas encore intégrée dans l’économie de la santé de notre pays puisqu’elle est toute récente et encore en cours d’évaluation. Néanmoins, elle est Ann Biol Clin, vol. 72, n◦ 1, janvier-février 2014 déjà présente dans les laboratoires hospitaliers spécialisés. L’évolution technologique rapide, l’expansion des découvertes et le développement de nouveaux médicaments ciblés coûteux posent le problème tant du financement que du paiement de ces nouveaux actes biologiques devenus incontournables. Les pouvoirs publics et notamment le ministère de la Santé devraient accélérer leurs réflexions et prendre des décisions concrètes sur les problèmes de dépenses liées à cette évolution technologique. Le problème commercial Certaines sociétés commerciales proposent des services d’analyse tout génome ou analyse génétique ciblée. Interdite actuellement en France, cette pratique est autorisée dans un certain nombre de pays occidentaux. Largement critiquée par la communauté scientifique, cette pratique est cependant non/peu encadrée par la loi dans ces pays et réalisée sans intervention médicale. Il est légitime qu’un individu veuille connaître son génome. Mais, pour que cela se fasse, le législateur doit intervenir pour cadrer ce droit et éviter toute dérive. Le droit est en retard par rapport à la science. Progrès technologiques Le séquençage à l’échelle hospitalière bien qu’utilisant encore pour quelques années au moins le séquençage selon la technique trentenaire de Sanger, passe actuellement en routine aux séquenceurs dits de moyen débit permettant du séquençage ciblé de plusieurs gènes ou fragments de gène et plus lentement mais inéluctablement vers les séquenceurs d’exomes. Le séquençage tout génome est encore réservé à des plateaux techniques de recherche, même si dans certaines pathologies, ce type d’analyse est réalisé que ce soit en génétique somatique ou constitutionnelle. Une analyse ciblée ou d’exome coûte désormais moins de 1 000 D (environ 750 D pour un exome). Le séquençage tout génome est encore cher (environ 3 à 5 000 D ) mais diminue progressivement avec l’évolution technologique. Les technologies actuelles utilisent toujours la PCR pour le séquençage (PCR clonale soit de type émulsion soit dite 45 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 04/06/2017. Synthèse en pont). La dernière génération de séquenceurs n’utilise plus la PCR (nanoséquenceurs). Les nouvelles plateformes encore en développement (même si elles sont disponibles sur le marché), séquencent directement l’ADN en temps réel sans effectuer une étape d’amplification. Ces machines sont plus rapides, permettent l’analyse d’haplotypes et de longues séquences d’ADN. Elles ne nécessitent pas par ailleurs de matériel en grande quantité. Ces nanoséquenceurs comme on les nomme encore, présentent néanmoins un taux d’erreur encore trop important pour pouvoir être utilisés en diagnostic. Le transfert de cette technologie est une question d’années. Ces différents bonds technologiques démontrent que la médecine personnalisée est en marche et qu’une nouvelle façon de diagnostiquer, traiter, prévenir et suivre les patients est en route dans les 10 ans qui viennent [65]. Une nouvelle manière de penser la génétique humaine est en train de naître. Sites internet utiles • Omim : Maladies mendéliennes. Omim.org • Sites des maladies rares Orphanet (informations sur les maladies, les centres spécialisés, les associations de patients, les médicaments pour les maladies rares, la recherche en maladies rares) : www.orpha.net • Catalogue de variants associés à des risques pathologiques : www.ebi.ac.uk/fgpt/gwas/ • Catalogue de variants du site 1000 genomes : http://www.1000genomes.org/ • Catalogue de variants de bases (polymorphismes en majorité), dbSNP : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/ projects/SNP/ • Catalogue de variants dans l’exome : Exome Variant Server : http://evs.gs.washington.edu/EVS/ • Catalogue de variants génomiques (duplication ou délétions de régions génomiques) : www.ncbi. nlm.nih.gov/dbvar/ ; dgv.tcag.ca/dgv/app/home • Catalogue de mutations des maladies monogéniques HGMD (Human genome mutation database) : http://www.hgmd.org/ • Catalogue de mutations des maladies monogéniques LOVD (Leiden Open Variation Database) : http://www.lovd.nl/2.0/ • Catalogue des mutations somatiques dans les cancers, COSMIC : http://cancer.sanger.ac.uk/cancergenome/ projects/cosmic/ • Institut national du cancer (Inca) - site français d’information sur les cancers tant pour le public que pour les professionnels de santé : http://www.e-cancer.fr/ Liens d’intérêts : 46 aucun. 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