Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques
18 avril au 2 mai 2014
Félix MÉLOU
Antoine MEULEMAN
Projet Build-Back-Better
15 février au 15 septembre 2014
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DEUXIEME ARTICLE,REDIGE APRES NOTRE SEJOUR A LIMA DU 18 AVRIL AU 2MAI 2014
LEPEROU ET SA CAPITALE FACE
AUX RISQUES TELLURIQUES
Suite à notre séjour au Chili et après un bref passage en Bolivie, nous avons rejoint le Pérou.
Le Pérou est un pays riche et varié sur de nombreux aspects. D'abord de par son histoire : le Pays est le
berceau historique des civilisations Nazca (-200 - 600 ap. J-C) et Inca (1200 - 1530 ap. J-C). Les premiers étaient de
formidables ingénieurs hydrauliques. Leur réseau d’irrigation formé de puits et d'aqueducs souterrains est encore
utilisé de nos jours et leurs mystérieux géoglyphes (les fameuses lignes Nazca) n’ont toujours pas révélés tous
leurs secrets. Les seconds étaient incontestablement un peuple de bâtisseurs. Les temples et palais qu'ils ont
construit en gros blocs de pierre encastrés ont résisté aux nombreux épisodes sismiques qui ont affecté le pays et
sont encore visibles sur les sites archéologiques de Saqsaywaman ou du célèbre Machu Pichu.
La multitude de paysages caractérise aussi le Pérou, me plus grand pays du sous-continent. On y distingue
trois grandes zones naturelles :
la « costa » (côte) bordée par l'océan Pacifique, 60 % de la population, 10 % de la superficie
la « sierra » (montagne), 30 % de population, 30 % de superficie
la « selva » (forêt d'Amazonie péruvienne), 10 % de population, 60 % de superficie
Enfin le pays possède aujourd'hui l'une des économies les plus vigoureuses d’Amérique latine avec une
croissance moyenne de 6,3% sur les 10 dernières années. Cette économie forte a permis de forts investissements
dans les infrastructures notamment d'eau potable, d’électricité, routières ou encore dans les domaines de
l'éducation et de la santé. Comme pour de nombreux pays émergents, cette croissance a aussi renforcé les
inégalités et provoqué un exode rural massif.
Au-delà de ces problématiques sociales et urbaines auxquelles le pays fait face, ce dernier est aussi fortement
exposé aux risques naturels. La récurrence des inondations et glissements de terrain (amplifiés par le phénomène
El Niño) ou encore l’activité volcanique et sismique rendent le pays particulièrement vulnérable.
C'est sur les risques telluriques et principalement sismique que nous avons décidé de focaliser notre étude.
Nous avons passé deux semaines à Lima afin d'interroger des chercheurs, architectes et ingénieurs civiles
travaillant dans des grandes universités ou pour le gouvernement afin de comprendre les défis que le pays doit
relever afin de mieux affronter la prochaine catastrophe sismique majeure. Notre travail s'est donc développé
selon 3 axes. Nous avons déjà voulu connaître la culture constructive et la mentalité du pays sur ce sujet afin
d'avoir une première idée du niveau de vulnérabilité du pays. Nous nous sommes ensuite intéressés aux
différentes recherches alisées dans le pays, à la fois dans le management des risques valuation et
préparation) mais aussi concernant l'aspect technique (renforcement et nouvelles méthodes constructives).
L'article suivant en donne plusieurs exemples et résume les idées qui nous ont été transmises lors de nos divers
entretiens.
Le Pérou et sa capitale face aux risques telluriques
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I) GENERALITES
Le Pérou, est situé sur une zone de subduction entre la plaque tectonique de Nazca et la plaque Sud-
Américaine, les secousses de magnitude 4 à 5, voire 6, y sont fréquentes. On dénombre même une dizaine de
séismes de magnitude supérieure à 6,5 depuis l’année 2000, notamment celui du 15 aout 2007 dans la ville de
Pisco, de magnitude 8 qui fit plus de 500 morts et détruisit une grande partie de la ville et celui du 23 juin 2001
près d'Arequipa (138 morts, de magnitude 8,4). Au XXème siècle, le séisme le plus meurtrier se produisit le 31 mai
1970 faisant 75 000 morts, 25 000 disparus et 200 000 blessés. Le séisme a affecté les régions d'Ancash et de
Libertad. La secousse créa des glissements de terrains (fréquent au Pérou) augmentant le nombre de victimes : il
s'agit de l'une des plus grandes catastrophes naturelles jamais enregistrée au Pérou.
Zone de subduction entre la plaque de Nazca et la
plaque sud-américaine
Plus particulièrement la ville de Lima, poumon économique et financier du pays, représentant 47 % du PIB (en
2012), est particulièrement vulnérable face au risque sismique. Elle concentre près du tiers de la population
péruvienne dans un désert de sable et de sols meubles. Ces 50 dernières années, deux séismes d'une magnitude
supérieure à 7,5 se sont produits à Lima, respectivement en 1966 (200 morts) et 1974 (252 morts). On parle
toujours à Lima du séisme de 1746 qui marqua la fin de l’Age d’or de la ville de Lima. Ce séisme suivit d’un
tsunami détruisit complètement la ville de Lima : seules 25 maisons restèrent debout et on dénombra entre
15000 et 20000 morts.
A) Aspect général du bâtiment et de l'urbanisme au
Pérou face aux risques naturels
En tant qu’étudiants ingénieurs, notre regard s'est rapidement porté sur l’état et le type de constructions
présents au Pérou. Nous avons voulu en savoir plus sur la culture du bâtiment dans le pays ainsi que sur
le fonctionnement actuel de ce secteur.
Tous d'abord il existe deux formes de constructions :
Les constructions dites formelles; elles représentantes environs 30 % de l'ensemble des bâtiments. Ce
sont des constructions officielles et légales, qui ont été étudiées par des ingénieurs et mise en œuvre
par des entreprises de construction agrées. Celles-ci sont surtout présentes dans les grandes villes
comme Lima.
Les constructions informelles qui constituent la majorité des bâtiments (environ 70%). Ce sont des
habitations construites par les habitants eux-mêmes illégalement et qui ne sont soumises à aucun
contrôle.
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Les constructions formelles sont supposées sister à un grand séisme.
Ceci dépend néanmoins du respect des normes établies par le ministère de
l'habitat et de la construction (calcul de structure, résistance des
matériaux, procédés de construction). Concernant les auto-constructions, il
est très peu probable qu'elles résistent à un séisme de forte magnitude.
Au-delà du risque sismique, les risques liés à la nature du terrain sont
très important, notamment à Lima. La ville a connu un développement et
une croissance démographique très forte ces dernières années. Elle
représente aujourd'hui 30% de la population du pays. En 60 ans sa
population a été multipliée par 11 et sa taille par 15. Cette expansion
massive a entraîné un urbanisme anarchique et une mauvaise gestion des
sols et de l’aménagement urbain. Les habitants ont donc installé leur
maison ils le pouvaient sans aucune prise en compte du terrain. On
trouve donc de nombreuses habitations sur des terrains sableux, dans des
zones à risques d’éboulement et de glissement de terrains, encore en
bas des vallées au bord des rivières où l'accumulation des déchets entraîne
une liquéfaction des sols.
Lima n'est pas la seule ville affectée par l’inexistence d'une politique
d'urbanisme et d’aménagement du territoire cohérente. 60% des
communes ne posséderaient pas de plan de développement urbain. Cette
lacune pose un problème évident de gestion de la construction face aux
risques naturels. Elle entraîne aussi des problèmes lors de la reconstruction
post-catastrophe. Après le isme de Pisco en 2007, le bonus de 6000 N.S
(2000 $) donné par l’État, pour la reconstruction de chaque maison, n'a pas
réellement
bénéficié à la
population. En
effet, comme
beaucoup de
constructions
affectées
étaient
informelles, les
habitants ne
possédaient
aucun titre de
propriété et
n’étaient
inscrits sur
aucun registre
municipal.
Croissance Urbaine de Lima de 1940 à 2005
ZONA DE SECURIDAD
SISMICA
A l'intérieur de la plupart des
bâtiments, on peut observer des
affiches vertes marquées d'un S
correspondant à une "zone de
sécurité en cas de séisme". Celles-
ci sont déposées généralement au
niveau des poutres et des poteaux
par des représentants officiels de
la municipalité. Depuis 10 ans, les
nouveaux projets doivent
inclurent ces zones dans les
plans dès la conception du
bâtiment pour pouvoir obtenir
un permis de
construire. Pour
les constructions
antérieures
néanmoins des
doutes subsistent
quand à la
véritable sécurité
de ces zones.
En plus de ces "zones de
sécurité", on peut observer des
cercles jaunes peints sur le sol
dans la rue et les cours
de certains bâtiments. Ils
constituent des zones de
rassemblement en cas de isme.
Plusieurs exercices d'évacuation
sont réalisés chaque année par la
sécurité civile Péruvienne. Si ces
exercices permettent de rappeler
à la population qu'elle vit dans
une zone sismique, on peut
s’interroger sur leur réalisme
(annoncés un mois à l'avance, pas
d'obstacle et peu pris au sérieux).
Le le de ces zones de
rassemblement reste aussi flou:
que se passera-t-il une fois que
tout le monde sera dans les ronds
jaunes (si la population suit
vraiment les consignes) ?
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Pourtant, au Pérou, il y a énormément de normes. La réglementation concernant la construction est bonne et
prend en compte le risque d'un important séisme ou la nature du terrain. Mais le manque de contrôle de
l'application de ces normes (notamment concernant les auto-constructions) pose un sérieux problème de
vulnérabilité des habitations. Légalement, c'est aux municipalités et non à l’État de réaliser ces contrôles. L’État
n'a pas non plus le pouvoir de forcer les municipalités à les réaliser et celles-ci n'ont ni les moyens financiers ni les
moyens techniques pour les réaliser. Les normes de constructions ou les cartes de risques indiquant les zones
inconstructibles ne restent donc que du papier et les mauvaises pratiques continuent. Plusieurs exemples
peuvent être cités concernant les 2 principales méthodes de constructions au Pérou :
Les maisons en maçonnerie confinée :ce sont les habitations
que nous avons le plus observé. Quasiment la totalité des
bâtiments de moins de 5 étages situés dans les villes utilisent
cette technique de briques encadrées par une structure béton
poteaux/poutres classique. Mais le plus souvent, la qualité des
briques ne correspondent pas aux demandes du code de
maçonnerie confinée. La structure en béton armé peut
également être concernée par l'utilisation de mauvais
matériaux. Beaucoup de bâtiments de ce type sont aussi sujet au
problème architectural de poteau raccourci ("short column
effect"). C'est un poteau qui n'est pas entouré par la maçonnerie sur toute sa hauteur, créant un petit
poteau en partie haute très fragile, qui rompt facilement lors des déplacements imposés par un séisme
(cisaillement).
Rupture d'un poteau raccourci après un séisme
Illustrations du "short column effect" : Restriction du déplacement latéral et fissuration typique
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Les maisons en adobe : ce sont des constructions traditionnelles faites en briques d'argile séchées au
soleil et langés avec de la paille. Ce matériau peu coûteux et facile à mettre en œuvre jouit d'une très
grande popularité dans les zones rurales (et pauvres) du pays. On estime que 30% des habitations au
Pérou sont encore réalisées en adobe. Or si ces constructions ne sont pas renforcées, elles ne résistent
pas aux secousses telluriques. Lors d'un séisme, les murs des maisons d'adobe s'effondrent vers
l'extérieur et le plafond de boue séchée, pouvant peser jusqu'à 10 tonnes, s'écroule sur les occupants. La
gravité des dégâts et des pertes suite au séisme de 1970 (60 000 maisons détruites et plus de 50 000
morts) est largement attribuable à ce mode de construction des maisons
En plus des normes techniques (code de la construction), des normes administratives définissent les règles de
construction. Le principal problème de ces dernières est qu'elles entraînent une lenteur importante pour obtenir
un permis de construire. Le prix de ce permis est aussi élevé. Ces normes administratives poussent donc d'une
certaine manière les constructions informelles à se développer.
Il existe pourtant des solutions que le ministère du logement et de la construction (MVCS) envisage. L’État
pourrait par exemple proposer une assistance technique aux personnes dépourvues de moyen afin d’améliorer la
qualité des constructions. Les normes techniques et administratives peuvent aussi évoluer dans un sens plus
adapté au pays. Concernant l'adobe par exemple, le bureau de normalisation réfléchit à des méthodes de test de
résistance de la terre pouvant être réalisés sur place et facilement. En effet, il existe peu de laboratoires dans le
pays, de plus les constructions traditionnelles en adobe sont construites de façon artisanale et souvent situées
dans des zones reculées. Faciliter l’accès au permis de construire permettrait aussi une meilleure gestion de
l'urbanisme et faciliterait le contrôle sur les auto-constructions.
B) Mentalité et aspect culturel
Lors de nos différents entretiens nous avons essayé de connaître la mentalité des habitants face aux risques
naturels. La réponse a été unanime. Les citoyens ne sont pas préoccupés par ces questions. Malgré les nombreux
épisodes catastrophiques, la population préfère ignorer les problèmes. Plusieurs exemples peuvent être évoqués.
Après le séisme de 2007 dans la région d’Ica et Pisco, seulement 5 maisons d'adobe ont été reconstruites avec des
techniques de renforcement métallique pourtant peu coûteuses, alors même que ces techniques ont fait leurs
preuves. De même, chaque année, des habitations sont emportées par des glissements de terrain après les fortes
pluies saisonnières qui s'abattent sur les hauteurs de Lima. Pourtant les habitants reconstruisent aux mêmes
endroits. Ces pratiques peuvent s'expliquer par les préoccupations prioritaires de la population telles que se
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