Mauvaise Nouvelle - Occam l’initiateur
Occam l’initiateur
Par Jean-Marie Keroas
Les racines philosophiques de la société libérale : Occam l’initiateur
Nous avons vu précédemment comment Thomas d’Aquin avait rejoint Aristote dans ses grands axes logiques qui
intègrent les trois opérations de l’esprit humain (définition, énonciation, raisonnement). La première opération,
obtenue par induction, est ainsi le fondement d’une philosophie de l’être objectif. Et pour les catholiques qui nous
lisent, c’est ici qu’il faut situer la raison de la « place toute particulière 1 » qu’il occupe dans l’authentique
catholicisme. Ses analyses rationnelles, en effet, se sont toujours maintenues « dans la perspective de la vérité
universelle, objective et transcendante2 », de sorte qu’ « il sut, dans son réalisme, en reconnaître l’objectivité3 ».
Dans notre exploration des racines philosophiques de la société libérale-libertaire que l’on impose à l’Occident
depuis 50 ans, il va de soi que le binôme Aristote-Thomas d’Aquin est une arme de résistance solide et sûre. Mais
peu après le travail d’Albert le Grand et de Thomas d’Aquin dans le sens d’une autonomie de la philosophie par
rapport à la théologie, et donc de la raison par rapport à la foi, on va assister à une progressive
« séparation néfaste4 » des deux savoirs. Cette césure sera à l’origine d’une « bonne partie de la philosophie
moderne5 » jusqu’à l’actuelle « mentalité positiviste6 » qui entretient ses fruits comme le nihilisme et l’utilitarisme.
Dans cette progression, Occam occupe une place majeure comme le grand-père des voies libérales-libertaires.
I. L’homme et son style
Guillaume d’Occam (1285-1347) est un moine franciscain qui naît 11 ans après la mort de Thomas d’Aquin. S’il a
été surnommé7 à l’époque « le docteur invincible », il faut préciser qu’il ne fait pas partie des docteurs8 de l’Eglise
catholique.
Brillant intellectuel lors de ses études scolastiques à Oxford et à Paris, son œuvre est celle d’un universitaire. On
peut même dire qu’il restera « scolaire » toute sa vie : Occam a assimilé toutes les arcanes de la scolastique de
son époque mais restera finalement enfermé dans ses bornes. Il est un universitaire scrupuleux et manifeste un
réel souci des définitions précises, même s’il invalide finalement toute définition universelle à la suite de ses revues
critiques des idées… De Lagarde dira de lui : « Occam est un professeur plus qu’un inventeur ou un chercheur 9».
Occam, cependant, reste un auteur sérieux, qui se prend au sérieux10, qui méprise la verve rhétorique pour louer
le travail patient, lent, laborieux. Mais ce travail se perdra dans les détails en renonçant à toute vue d’ensemble.
Occam morcelle le savoir : il refuse toute vision unifiée et ordonnée. On a l’impression que son but est seulement
de « donner à penser » sans aboutir à aucune conclusion rationnelle certaine : « une machine à penser » selon de
Lagarde.
Avertissons d’emblée nos lecteurs : les lignes qui vont suivre vont tenter de résumer les subtilités d’un intellectuel
scolastique d’une grande puissance déductive. Nous n’avons pas lu Occam dans le texte. Nous ferons confiance
ici à diverses sources reconnues fiables : Georges de Lagarde.
II. Un intellectuel qui prétend éclairer
À suivre…
1 Jean-Paul II, Fides et Ratio, n° 43.
2 Idem, n° 44.
3 Idem.