XI. Produits orientés Luc Illusie On fixe un univers U . Sauf mention

XI. Produits orientés
Luc Illusie
version du 2016-11-14 à 13h36 TU (19c1b56)
On fixe un univers U. Sauf mention du contraire, les sites (resp. topos) considérés seront des U-sites (resp.
topos), et « petit » signifiera U-petit.
1. Construction des produits orientés
La construction suivante est due à Deligne [Laumon, 1983] :
1.1. Soient f:XS,g:YSdes morphismes de topos. On suppose que X,Y,Sont des sites de définition
C1,C2,D, admettant des limites projectives finies, et que f?,g?prolongent des foncteurs continus entre sites,
et commutant aux limites projectives finies. Soit Cle site suivant :
(i) Cest la catégorie des couples de morphismes UVWau-dessus de XSY, où UV(resp.
VW) désigne un morphisme Uf?V(resp. g?VW) de C1(resp. C2) et Vest un objet de D.
(ii) Cest muni de la topologie engendrée (cf. [SGA 4 II 1.1.6]) par les familles couvrantes (UiViWi)
(UVW) (iI)du type suivant :
(a) Vi=V,Wi=Wpour tout i, et la famille (UiU)est couvrante ;
(b) Ui=U,Vi=Vpour tout i, et la famille (WiW)est couvrante ;
(c) (U0V0W0)(UVW), où U0=Uet W0West déduit par changement de base d’un
morphisme V0Vde D.
Remarquons que les limites projectives finies sont représentables dans C.
On note
e
Cle topos des faisceaux sur C.
Lemme 1.2. — Soit Fun préfaisceau sur C. Pour que Fsoit un faisceau il faut et il suffit que les deux conditions
suivantes soient vérifiées :
(i) pour toute famille couvrante (ZiZ)de Cdu type (a) ou (b), la suite F(Z)QiIF(Zi)Q(i,j)I×IF(Zi×Z
Zj)est exacte ;
(ii) pour toute famille couvrante (U0V0W0)(UVW)du type (c), l’application
F(UVW)F(U0V0W0)
est bijective.
En particulier, si l’on note (−)ale foncteur faisceau associé, pour toute famille couvrante (Z0Z)du type (c), le
morphisme de faisceaux associés Z0aZaest un isomorphisme.
La nécessité est triviale pour (i), et pour (ii), il suffit d’observer que le morphisme diagonal
(UV0W0)(UV0×VV0W0×WW0)
est un morphisme couvrant (du type (c)), qui égalise la double flèche
(UV0×VV0W0×WW0)(UV0W0).
Pour la suffisance, on note que les familles couvrantes (ZiZ)de type (a), (b), ou (c) sont stables par chan-
gement de base Z0Z, et on applique [SGA 4 II 2.3].
1.3. — Notons eX(resp. eY,eS) l’objet final de C1(resp. C2,D). On a des projections naturelles
p1:
e
CX, p2:
e
CY
données par
p?
1(U)=(UeSeY), p?
2(W)=(eXeSW).
On a par ailleurs un morphisme canonique
τ:gp2fp1
donné par le morphisme de foncteurs τ: (gp2)?(fp1)?défini de la façon suivante : pour un faisceau Fsur
C, et un objet Vde S,
τ: ((gp2)?F)(V)((fp1)?F)(V)
est le composé
F(eXeSg?V)F(f?VVg?V)F(f?VeSeY),
1
2
où la première flèche est induite par la localisation (f?VVg?V)(eXeSg?V), et la seconde
est l’inverse de l’isomorphisme donné par 1.2, relativement au morphisme de type (c) (f?VVg?V
(f?VeSeY).
Théorème 1.4. — Soit Tun topos muni de morphismes a:TX,b:TYet d’un morphisme t:gb fa. Il existe
alors un triplet (h:T
e
C, α :p1h
a, β :p2h
b), unique à isomorphisme unique près, tel que le composé
gb β1
//gp2hτ//fp1hα//fa
soit égal à t.
Nous aurons besoin, pour la démonstration, du lemme suivant :
Lemme 1.5. — Soit Z= (UVW)un objet de C. Avec la notation de 1.2, le carré suivant est cartésien :
(1.5.1) Za
//(p?
2W)a
v
(p?
1U)au//((gp?
2)V)a
.
Dans ce carré, vet les flèches issues de Zasont les flèches évidentes, et uest la flèche composée
(p?
1U)a//((fp1)?V)aτ//((gp2)?V)a,
τest le composé
(f?VeSeY)ar1//(f?VVg?V)a//(eXeSg?V)a,
rdésignant l’isomorphisme (f?VVg?V)a
(f?VeSeY)ade 1.2.
Soit z:ZZ0= (f?VVg?V)la projection canonique. Le composé Zp?
1U(fp1)?Vse factorise
à travers z. Par suite, et par définition de τ, le diagramme
Zaz//
Z0a
r
''
(p?
1U)a//((fp?
1)V)aτ//((gp2)?V)a
est commutatif. Comme le composé Zp?
2W(gp2)?Vse factorise aussi à travers z, le carré 1.5.1 est
donc commutatif. Celui-ci est le pourtour du diagramme suivant, où les flèches autres que τsont les flèches
évidentes :
(UVW)a//
(f?VVW)a//
(eXeSW)a
(UVg?V)a//
(f?VVg?V)a//
r
(eXeSg?V)a
Id
(UeSeY)a//(f?VeSeY)aτ//(eXeSg?V)a
.
Chacun des carrés qui le composent est cartésien. Il en est donc de même de 1.5.1.
1.6. Prouvons 1.4. On peut supposer que aet bsont donnés par des morphismes de sites ([SGA 4 IV 4.9.4]).
Par 1.5 l’unicité est claire : pour Z= (UVW)dans C, on doit avoir
(1.6.1) h?Z=a?U×(gb)?Vb?W,
a?U(gb)?Vest le composé a?U//(fa)?Vt//(gb)?V. Les isomorphismes αet βsont alors tau-
tologiques, nous les négligerons dans le reste de la démonstration. Vérifions que le foncteur h?donné par
1.6.1 définit un morphisme de topos hvérifiant la propriété énoncée en 1.4. Comme h?commute aux limites
projectives finies, pour vérifier que h?induit un morphisme de topos, il suffit de vérifier que h?est continu
3
([SGA 4 IV 4.9.1, 4.9.2]). Il est trivial que h?transforme familles couvrantes du type (a) ou (b) en familles
couvrantes. Par ailleurs, si (U0V0W0)(UVW)est une famille couvrante du type (c), le carré
b?W0//
b?W
(gb)?V0//(gb)?V
est cartésien, et par suite
a?U×(gb)?V0b?W0a?U×(gb)?Vb?W
est un isomorphisme. Il reste à vérifier que τinduit t. Mais par définition, le morphisme de faisceaux défini
par h?(τ)appliqué à Vest le composé
((fa)?V)ar1//((fa)?V×(gb)?V(gb)?V)a//((gb)?V)a,
donc est égal à celui défini par tappliqué à (fa)?V, ce qui achève la démonstration.
Définition 1.7. Le topos
e
Cconstruit en 1.1 s’appelle le produit orienté (gauche) de Xet Yau-dessus de S,
et se note X
×SY. Les morphismes du diagramme
X
×SY
p1
}}
p2
!!
X
f
""
Y
g
||
S
sont reliés par la 2-flèche τ:gp2fp1. Il découle de 1.4 que le quadruplet (X
×SY, p1, p2, τ)est indépendant
(à isomorphisme unique près) du choix des sites de définition C1,C2,D.
Pour un objet Z= (UVW)de C, on notera parfois U
×VWl’objet Zade X
×SY.
On définit de même le produit orienté droit X
×SY, avec ses projections canoniques p1:X
×SYX,
p2:X
×SYYet la 2-flèche τ0:fp1gp2, qui possède la propriété universelle de 1.4, avec Xet Yéchangés.
1.8. — Désignons par pt un topos ponctuel (catégorie des faisceaux d’ensembles sur un espace réduit à un
point). Soient x:pt X,y:pt Ydes points de Xet Yrespectivement, et u:gy fx une 2-flèche. Par 1.4, le
triplet (x, y, u)définit un point z:pt X
×SYtel que p1z'x,p2z'y. Ce point sera noté (x, y, u)(ou parfois
(x, y)s’il n’y a pas de confusion à craindre). Tout point de X
×SYest de cette forme.
1.9. — Considérons un diagramme de 1-morphismes de topos
(1.9.1) X0f0
//
u
S0
h
Y0
g0
oo
v
Xf//S Y
g
oo
et des 2-flèches a:hf0fu,b:gv hg0. Notons T=X
×SY,T0=X0
×S0Y0,p1:TX,p2:TY,
p0
1:T0X0,p0
2:T0Y0les projections canoniques, τ:gp2fp1,τ0:g0p0
2f0p0
1les 2-flèches canoniques.
Considérons la 2-flèche composée
c:gvp0
2
b//hg0p0
2
τ0
//hf0p0
1
a//fup0
1.
4
D’après 1.4,cdéfinit un diagramme de 1-morphismes
(1.9.2) X0
u
T0
t
p0
1
oop0
2//Y0
v
X T
p1
oop2//Y
et des 2-isomorphismes α:p1t
up0
1,β:p2t
vp0
2rendant commutatif le carré
(1.9.3) gp2tτ//
β
fp1t
α
gvp0
2
0b//fup0
1
.
On dit que le triplet (t, α, β)(ou simplement t:T0T)de1.9.2 est déduit de 1.9.1 par fonctorialité. On notera
t=u
×hv.
On a une compatibilité évidente pour un composé de deux données 1.9.1.
1.10. — Voici quelques exemples.
(a) Dans la situation de 1.4, le triplet (a, b, t)définit un diagramme de type 1.9.1
T
a
Id //T
fa
T
Id
oo
b
Xf//S Y
g
oo
,
avec t:gb fa, d’où un morphisme
a
×fab:T
×TTX
×ST.
Par ailleurs, d’après 1.4, les flèches identiques de Tdéfinissent un morphisme canonique, dit diagonal
:TT
×TT.
La 1-flèche hde 1.4 est la composée
h= (a
×fab):TX
×SY.
En particulier, prenant pour Tun topos ponctuel, de sorte que est un isomorphisme, on a, avec les notations
de 1.8
(x, y, u) = x
×fxy:pt X
×SY.
(b) Dans la situation de 1.7, soient X0,S0,Y0des objets de X,S,Yrespectivement, et f0:X0S0, (resp.
g0:Y0S0) une flèche au-dessus de f(resp. g), i.e. une flèche f0:X0f?(S0), (resp. g0:Y0g?(S0)). Notons
X0
×S0Y0l’objet (X0S0Y0)a=p?
1(X0)×(gp2)?(S0)p?
2Y0de X
×SY, cf. 1.5. On en déduit un diagramme
2-commutatif de 1-flèches naturelles
(1.10.1) (X
×SY)/(X0
×S0Y0)
p0
1
xx
p0
2
&&
X/X0
f/S 0
//
S/S0
Y/Y 0
g/S 0
oo
X//S Y
oo
,
où la notation (−)/désigne un topos localisé, et la 2-flèche τ0:g/S 0p0
2f/S0p0
1est déduite par localisation
de la 2-flèche τ:gp2fp1. D’après 1.4,τ0définit donc un 1-morphisme
(1.10.2) m: (X
×SY)/(X0
×S0Y0)X/X0
×S/S 0Y/Y 0.
5
On montre (cf. ([Abbes & Gros, 2011b, 3.15]) que mest une équivalence, par laquelle, dans la suite, nous
identifierons les deux membres. D’autre part, les carrés 2-commutatifs de 1.10.1 définissent, d’après 1.9, une
flèche de fonctorialité
X/X0
×S/S 0Y/Y 0X
×SY,
Celle-ci, ou son composé avec m,
(1.10.3) (X
×SY)/(X0
×S0Y0)X
×SY
s’appelle flèche de localisation.
Proposition 1.11. — Supposons que X0soit l’objet final de Xet que g0soit cartésien au-dessus de g,i.e. g0:Y0
g?(S0). Alors la flèche 1.10.3 est une équivalence.
En effet, avec les notations de 1.10.1, il résulte de 1.2 que la flèche eX
×S0Y0eX
×eSeYde X
×SYest un
isomorphisme.
1.12. — Considérons en particulier le cas où S=Yest un schéma muni de la topologie étale, g=Id et
f:XS=Yest l’inclusion d’un sous-schéma fermé de Y. Le topos T=X
×YYjoue le rôle d’un voisinage
tubulaire étale de Xdans Y. Les points de Tsont les triplets (x, y, t), où x(resp. y) est un point géométrique de X
(resp. Y) et t:yxune flèche de spécialisation (cf. [SGA 4 VIII 7.9]). En d’autres termes, (x, y, t)est la donnée
d’un point géométrique xde X, d’une générisation y0du point fermé (noté encore par abus x) du localisé
strict X(x)de Xen xet d’un point géométrique de Y(x)localisé en y0, ou encore d’une extension séparablement
close yy0du point générique de {y0}. Par ailleurs, si v:Y0Yest un voisinage étale de Xdans Y,i.e. un
diagramme commutatif
Y0
v
X
??
//Y
,
vest étale, alors, d’après 1.11 le morphisme canonique
X
×Y0Y0X
×YY
est une équivalence. Ainsi, Tne dépend que du hensélisé de Yle long de X(lorsque celui-ci est défini, en
particulier, pour Yaffine, cf. [Raynaud, 1970]). Nous verrons au numéro suivant et dans l’exposé XIIAd’autres
propriétés de Tprécisant cette analogie avec un voisinage tubulaire.
1.13. — Voici un dernier exemple de fonctorialité de produits orientés, qui ne sera utilisé qu’en 2.7. Soit Iune
petite catégorie cofiltrante et soient
(Xi
fi
Si
gi
Yi)iI
des morphismes de topos fibrés au-dessus de I. On en déduit un diagramme de topos limites projectives
([SGA 4 VI 8.1.3])
Limproj (Xi
×SiYi)
p1
vv
p2
((
Limproj Xi
f
((
Limproj Yi
g
vv
Limproj Si
,
f=Limproj fi,g=Limproj gi, avec une 2-flèche τ:gp2fp1déduite des flèches τi:gip1fip2, et par
suite, un morphisme
(1.13.1) Limproj (Xi
×SiYi)Limproj Xi
×Limproj SiLimproj Yi.
Il résulte des définitions que 1.13.1 est une équivalence.
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