Racine c. Mercedes-Benz Canada inc.
2008 QCCS 1897
COUR SUPÉRIEURE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
QUÉBEC
DATE :
13 MAI 2008
______________________________________________________________________
SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
NORMAND GOSSELIN, J.C.S.
______________________________________________________________________
Nos :
200-17-009277-088
PIERRE RACINE
Demandeur
c.
MERCEDES-BENZ CANADA INC.
Défenderesse
Nos : 200-17-009216-086
MERCEDES-BENZ CANADA INC.
Demanderesse
c.
PIERRE RACINE
Défendeur
et
Me JEAN GAUVIN, ARBITRE
Mis en cause
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
[1] Le Tribunal est saisi de deux requêtes. Dans la première, le demandeur Pierre
Racine recherche l'homologation de la sentence arbitrale rendue le 6 décembre 2007
JG 1702
200-17-009277-088 et 200-17-009216-086 2
par Me Jean Gauvin. Dans la deuxième, Mercedes-Benz Canada inc.1 demande
l'annulation de cette même sentence arbitrale.
LE CONTEXTE
[2] Le demandeur se porte acquéreur d'une automobile de marque Mercedes-Benz,
modèle SL65AMG 2005 en date du 28 mars 2005. Le prix de vente s'élève à
282 570,95 $ incluant la TPS.
[3] En août 2006, monsieur Racine commence à se plaindre auprès de son vendeur,
Châtel Automobiles, que son véhicule est affecté d'un probme de vibrations. Le
concessionnaire effectue plusieurs interventions en vue de donner satisfaction à son
client. On commence par le balancement des quatre roues (29 août 2006), puis on
passe au remplacement des quatre pneus et de la roue avant droite (18 octobre 2006).
En mai 2007, on balance à nouveau les quatre roues mais rien n'y fait. L'automobile est
alors transportée de Québec à Montréal sur une plateforme. On y restaure les quatre
roues et enfin, on remplace l'arbre de transmission (9 juillet au 19 juillet 2007).
[4] Selon Mercedes-Benz un dernier essai routier effectué le 24 septembre 2007 a
permis de constater que le problème de vibrations avait été rég. Elle soutient que, si
des vibrations ont été constatées plus tard par le client, elles sont attribuables à l'état de
la chaussée.
[5] Monsieur Racine n'est pas d'accord. Selon lui, les tentatives de réparation
effectuées par le concessionnaire et par le fabricant n'ont pas permis de corriger le
problème de vibrations. Il s'adresse donc au programme d'arbitrage pour les véhicules
automobiles du Canada (PAVAC), programme auquel adhérent bon nombre de
fabricants d'automobiles dont Mercedes-Benz. Dans son formulaire de réclamation du
12 octobre 2007 (D-2), monsieur Racine demande que Mercedes-Benz soit forcée de
racheter le véhicule.
[6] Le différend n'ayant pu être réglé à l'amiable, il est déféré à un arbitre choisi par
monsieur Racine sur la liste des arbitres du PAVAC en l'occurrence, Me Jean Gauvin.
LA SENTENCE ARBITRALE
[7] L'arbitre Gauvin entend les parties à Québec le 29 novembre 2007.
[8] Après avoir consigné certaines admissions relatives au véhicule, il entend les
témoins suivants appelés par le plaignant: Pierre Michaud, journaliste spécialisé dans le
domaine de l'automobile, Denis Giguère, président de Kia Sainte-Foy et enfin, monsieur
Racine lui-même. L'arbitre accepte également une déclaration solennelle souscrite par
1 Ci-après appelée Mercedes-Benz.
200-17-009277-088 et 200-17-009216-086 3
monsieur Richard Émond, directeur général de Qué-Bourg Autos, témoin absent à
l'audience.
[9] Pour sa part, Mercedes-Benz fait entendre monsieur Jacques Chabot, directeur
régional de service, monsieur Serge Cuillerier, contremaître d'ateliers, monsieur Denis
Lefrançois, directeur des ventes, monsieur Tony Barios, aviseur technique et monsieur
Yves Légaré, directeur du service.
[10] À la fin de l'audience, au stade de l'argumentation, monsieur Chabot,
représentant de Mercedes-Benz, demande à l'arbitre d'ordonner une inspection
technique du véhicule par un tiers indépendant. L'arbitre refuse et prend l'affaire en
délibéré.
[11] Dans sa décision du 6 décembre 2007, il accueille la plainte de monsieur Racine
et ordonne à Mercedes-Benz de racheter le véhicule pour un prix de 250 605,12 $. Ses
motifs sont exposés dans les deux paragraphes suivants:
«La preuve soumise au soutien de la véracité des prétentions du plaignant est
nettement prépondérante, voire clairement convaincante: son véhicule présente
des vibrations inquiétantes qui constituent un comportement totalement anormal
et absolument inacceptable; le problème perdure malgré les efforts tentés par
deux concessionnaires Mercedez-Benz et l'intimée pour en identifier la cause et
y remédier; il s'agit d'un problème relié à un vice caché, non encore identifié, qui
prive le plaignant de la jouissance paisible de son véhicule, qui est une source
d'inquiétudes sérieuses et justifiées lorsqu'il le conduit à haute vitesse et qui
affecte manifestement de façon très appréciable la possibilité de revendre ce
véhicule à la valeur normale d'un véhicule de cette marque, de ce modèle et de
cette classe.
Par ailleurs, la preuve soumise par le représentant de l'intimée, malgré les efforts
louables que celui-ci a déployés, ne fait pas le poids. En effet, malgré les
opinions énoncées dans le cadre de la preuve de l'intimée, à l'effet que le
problème s'est trouvé réglé après les dernières interventions effectuées en juillet
2007, le fait est que des vibrations étaient encore ressenties lors de l'essai
routier fait par M. Cuillerier le 24 septembre 2007 et que la tentative
d'explications fournie par ce dernier, en soi déjà peu convaincantes, l'est encore
moins à la lumière de la publicité que fait l'intimée relativement au comportement
routier à toute épreuve de la Mercedes-Benz classe SL65AMG, produite par le
procureur du plaignant au soutien de son argumentation.»
200-17-009277-088 et 200-17-009216-086 4
PRÉTENTION DES PARTIES
[12] Dans sa requête en annulation de la sentence arbitrale signifiée le 4 janvier
2008, Mercedes-Benz adresse plusieurs reproches à l'arbitre. Elle prétend avoir été
empêchée de faire sa preuve et avoir été prise par surprise par une preuve d'opinion
illégale et non annoncée. Plus particulièrement, elle soulève les griefs suivants:
a) En refusant d'ordonner une inspection technique du véhicule, l'arbitre l'a
empêchée de faire valoir ses moyens.
b) ll a permis à certains témoins d'opiner sans qu'ils n'aient été préalablement
qualifiés d'expert et sans que leur opinion ne soit annoncée.
c) Il a permis illégalement le moignage de Richard Émond par voie de
déclaration solennelle écrite sans qu'on puisse le contre-interroger.
d) Il a permis au plaignant de déposer un extrait de la publicité Internet de
Mercedes-Benz portant sur un modèle 2008 alors que le litige portait sur un
modèle 2005.
[13] Pour sa part, le demandeur Racine prétend que les gles de justice naturelle et
d'équité procédurale ont été respectées. Il demande l'homologation de la sentence
arbitrale ainsi que les intérêts sur le montant alloué de 250 605,12 $ et l'indemnité
additionnelle de l'article 1619 C.c.Q. calculés depuis le dépôt de la requête en
homologation.
QUESTIONS EN LITIGE
[14] Les faits et les prétentions des parties commandent l'analyse des questions
suivantes:
I) L'arbitre a-t-il manqué aux règles de justice naturelle:
a) En refusant d'ordonner une expertise technique du véhicule par un tiers
indépendant?
b) En permettant aux témoins Michaud et Giguère de livrer un témoignage
d'opinion?
c) En recevant la déclaration solennelle du témoin Richard Émond non présent
à l'audience?
d) En permettant au plaignant de déposer un extrait de la publicité Internet
récente de Mercedes-Benz?
200-17-009277-088 et 200-17-009216-086 5
II) Dans la négative, le Tribunal peut-il accorder au demandeur Racine l'intérêt et
l'indemnité additionnelle qu'il réclame?
ANALYSE
[15] Avant d'aborder les questions en litige, il convient d'exposer brièvement les
principes applicables à une demande d'annulation d'une décision rendue en matière
d'arbitrage conventionnel. D'abord, les textes législatifs et contractuels:
Code civil du Québec
«2638. La convention d'arbitrage est le contrat par lequel les parties s'engagent
à soumettre un différend né ou éventuel à la décision d'un ou de plusieurs
arbitres, à l'exclusion des tribunaux.
2640. La convention d'arbitrage doit être constatée par écrit; elle est réputée
l'être si elle est consignée dans un échange de communications qui en atteste
l'existence ou dans un échange d'actes de procédure où son existence est
alléguée par une partie et non contestée par l'autre.
2643. Sous réserve des dispositions de la loi auxquelles on ne peut déroger, la
procédure d'arbitrage est réglée par le contrat ou, à défaut, par le Code de
procédure civile.»
Code de procédure civile
«940.3 Pour toutes les questions régies par le présent Titre, un juge ou le
tribunal ne peut intervenir que dans les cas où ce titre le prévoit.
944.1 Sous réserve des dispositions du présent Titre, les arbitres procèdent à
l'arbitrage suivant la procédure qu'ils déterminent. Ils ont tous les pouvoirs
nécessaires à l'exercice de leur compétence, y compris celui de nommer un
expert.
946.1 Une partie peut, par requête, demander au tribunal l'homologation de la
sentence arbitrale.
946.2 Le tribunal saisi d'une requête en homologation ne peut examiner le fond
du différend.
946.4 Le tribunal ne peut refuser l'homologation que s'il est établi:
1° qu'une partie n'avait pas la capacité pour conclure la convention d'arbitrage;
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