Une méthode d`annonce diagnostic de la schizophrénie en psychiatrie

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Mémoire DU de pédagogie médicale, Paris V
Titre
Une méthode d’annonce diagnostic de la schizophrénie en psychiatrie:
évaluation et perspectives.
Auteur
Dr Dominique JANUEL, MD, PhD
Spécialité Psychiatre
URC, Pole G03, EPS Ville Evrard,
Neuilly-sur-Marne
2009-2010
Résumé
L’annonce diagnostic de la schizophrénie en psychiatrie a évolué rapidement ces 10
dernières années. Cependant, l’absence d’outil, ne facilité pas cette démarche
lorsque le patient est demandeur d’une information. Nous avons élaboré en équipe, il
y a 8 ans une procédure sous forme de cahier « d’annonce diagnostic « pour faciliter
cette annonce. Les « anciens » du service ont intégré se savoir faire dans leur
pratique, et sont à l’aise lorsqu’ils doivent faire cette annonce à un patient
demandeur et capable de la recevoir. Suite à des situations cliniques rencontrées, et
les difficultés des nouveaux médecins confrontés à cette situation, nous avons
décidé cette année, au sein du service, de proposer de faire découvrir cet outil
adapté à cette démarche aux collègues plus récemment arrivés dans notre service et
d’évaluer dans un deuxième temps cette méthode.
Mots clés
Annonce diagnostic, schizophrénie, psychoéducation.
PLAN
1/ INTRODUCTION
P3
2/ METHODOLOGIE
P4
L’annonce diagnostic
3/ EVALUATION DE LA PROECEDURE
P5
4/ RESULTATS
P6
5/ DISCUSSION
P7
6/ CONCLUSION
P8
7/ ANNEXE
P9
8/ REFERENCES
p 11
2
1/ INTRODUCTION
Un protocole d’annonce diagnostique a été mis en place dans le service de
psychiatrie adulte 93G03 (EPS Ville-Evrard) en 2002. Ce protocole est né de la
réflexion d’un groupe de médecins gênés devant les difficultés à apporter (et ce au
gré des consultations ou des hospitalisations des patients) une réponse plus ou
moins improvisée ou esquivée suite aux sollicitations et questionnements des
patients schizophrènes et quelquefois de leurs proches, sur leur diagnostic. Si près
de 8 ans plus tard, le débat au sein de notre service et de la plupart des services de
psychiatrique en France, n’est plus tabou, il en était rien alors lorsque que nous
avons commencé à aborder ce thème. Il a en effet suscité de nombreux débats, au
sein de notre équipe pluridisciplinaire. Il a révélé un clivage générationnel, mais
également idéologique. Les plus anciens étant le plus souvent peu enclin à travailler
cette question, argumentant le désir de ne pas stigmatiser le patient. Mais ces
débats ont permis aussi aux «progressistes» de murir leur réflexion et leurs
démarches. Très vite, il est apparu nécessaire que l’annonce de ce diagnostic
demandait de s’appuyer sur un outil, pour pallier à notre inexpérience et notre
manque de savoir faire. Oui, mais ceci une fois posé,nous n’avons malheureusement
pas trouvé d’outil disponible, pour nous aider à franchir cette étape. Car à l’époque
les seuls outils disponibles étaient des manuels, ou vidéos pour la psychoéducation
mais l’étape précédente à savoir l’annonce du diagnostic n’était pas abordée. Aussi,
avons nous construit notre propre outil que nous avons appelé « Cahier d’annonce
diagnostic », que nous avons mis au point sur une période de 6 mois. Ce cahier a
été remanié depuis et simplifié au fur à mesure de son utilisation les deux années
suivantes. Dans sa forme actuelle, ce document de 40 pages environ, se décompose
en 3 parties correspondant à 3 entretiens semi structurés répartis sur une période
d‘un mois (2). L’objectif de cette démarche est d’informer le patient schizophrène
stabilisé cliniquement, hospitalisé ou ambulatoire, demandeur ou apte à recevoir une
information sur la maladie. Cette information a pour finalité d’améliorer son
observance aux soins mais aussi la qualité de la relation médecin malade (2). Les
aspects cliniques, étiologiques et thérapeutiques de la maladie sont abordés lors des
entretiens cliniques avec comme point de départ ce que le patient rapporte de sa
propre observation et réflexion sur ses troubles. Ainsi, l’annonce diagnostique est
personnalisée et le patient est actif dans cette démarche d’annonce. Lors d’un
premier bilan sur une cohorte de 45 patients, l’évaluation à un mois ne montrait pas
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de majoration significative des items d’anxiété et de délire chez les patients.
L’information retenue par les patients restait toutefois assez parcellaire et incomplète
(1). Nous avons très vite compris, la nécessité de mettre en place des groupes de
psychoéducation pour les patients, afin d’approfondir et poursuivre le travail sur la
connaissance de la maladie. Ces groupes ont démarré il y a maintenant 7 ans.
Nos outils jugés suffisamment performants et adaptés, nous avons décidé d’aider les
médecins nouveaux qui arrivent dans notre service à aborder cette démarche
clinique et thérapeutique. Nous avons ainsi, mis à la disposition ce document auprès
des internes et des médecins désireux de se former à l’annonce diagnostic au sein
de notre service.
2/ METHODOLOGIE
Lors d’un séminaire en décembre 2009, une explication sur la démarche d’annonce
diagnostic auprès d’un patient schizophrène et la présentation du cahier d’annonce,
ont été présentés.
Puis, il a été proposé aux médecins d’assister à des entretiens d’annonce diagnostic
en présence d’un médecin expérimenté par rapport à cette démarche. De plus, si
l’opportunité se présente, (pour les internes, qui restent un temps suffisamment long)
de faire eux mêmes cette annonce après accord du médecin responsable auprès
d’un patient demandeur.
L’annonce diagnostic
La procédure d’annonce est destinée à des patients suivis depuis au moins 6 mois et
désireux de connaître leur maladie ou, lorsque l’équipe considère le patient apte à
recevoir l’information adaptée. D’autre part l’annonce du diagnostic n’est en aucun
cas systématique mais réfléchie et décidée au cas par cas. Les patients hommes ou
femmes âgés de plus de 18 ans répondent aux critères cliniques de la schizophrénie
selon les classifications internationales de la CIM 10 et du DSMIV-R, maîtrisant
suffisamment la langue française.
Un premier RDV est programmé après que le patient ait manifesté le souhait de
connaître sa maladie. Ce RDV est fixé dans un délai minimum (le plus souvent d’une
semaine) pour permettre au patient à la fois de changer d’avis sur son désir de
connaître le diagnostic , mais également de réfléchir aux symptômes qu’il a lui même
repéré depuis le début de sa maladie. Cette introspection facilite ainsi le dialogue et
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permet déjà au patient d’entrer dans un processus d’acceptation de sa maladie et de
lutter ainsi contre le déni. Ce premier RDV, en absence de la famille est d’une durée
d’environ une heure. Le médecin utilise un langage simple, expliquant les termes
avec le souci d’être compris,
Ce premier entretien se découpe en 3 parties:
1/ L’anamnèse de la pathologie est répertoriée avec le patient,
2/ puis l’annonce du diagnostic et l’information sur la maladie, pendant lequel sont
repris plusieurs éléments : annonce du nom de la maladie la schizophrénie, liste des
symptômes décrits par le patient (complétée par le médecin), la fréquence de cette
maladie, le retentissement éventuel des symptômes sur la vie des patients, les
facteurs étiopathogéniques, les traitements, l’évolution de la maladie.
3/ La phase d’évaluation clinique de cette annonce diagnostique et la répercussion
sur le patient, à l’aide de différentes échelles:
- EVA (échelle visuelle analogique) remplie par le patient et une autre par l’infirmier
référent assistant à l’entretien.
- BPRS (Brief Psychiatry Rating Scale et CGI (Clinical Global Inventory) par le
médecin.
Lors des deux entretiens suivants, à une semaine (S1) puis un mois (M1), le patient
est revu par le médecin. Ces consultations programmées permettent d'évaluer
l’impact de l’annonce à plus long terme, les éléments retenus par le patient.
Un rappel d’information en fonction des réponses du patient est fait, complété par
des informations sur l’évolution de la maladie et le traitement (à S1) et les effets
secondaires (M1). Il n’est pas rare que le patient soit accompagné par un proche lors
du deuxième ou troisième entretien, le plus souvent à la demande du patient.
3/ EVALUATION DE LA METHODE
8 ans après la mise en place de ce cahier, et quelques mois, après la formation des
nouveaux médecins à cette procédure, nous avons voulu, évalué l’impact et l’utilité
de cette procédure sur l’ensemble des collègues du service à l’aide d’un bref
questionnaire anonyme, composé de 21 questions (questionnaire en annexe) en juin
2010.
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4/ RESULTATS
12 médecins composent notre équipe (7 Praticiens hospitaliers temps plein et
partiels, 3 assistants et 2 internes du service en 2010). 10 médecins sur les 12 ont
répondu au questionnaire: 3 hommes et 7 femmes, âgés de 39  12 ans, ayant une
file active en moyenne de 32  6 patients par semaine avec en moyenne une file
active composée de patients schizophrènes dans une proportion de 50 à 75 % de
patients schizophrènes dans 80 % des cas (8 médecins sur 10).
7 médecins sur 10 (70%) des médecins connaissent la procédure d’annonce
diagnostic mise en place dans le service depuis 2002 et parmi ceux qui la
connaissent 6 l’ont utilisés entre 2 à 30 fois (18  12,5). Un médecin dit ne l’avoir
jamais utilisé, mais a cependant annoncé le diagnostic 2 reprises depuis cette
époque, un cependant n’a jamais fait l’annonce. Les raisons pour lesquelles le cahier
est utilisé sont :son aspect synthétique et son style concis, considéré comme une
aide ou un soutien, surtout lors des premières annonces. En moyenne, le cahier a
été utilisé 3 mois après sa finalisation par les anciens en 2003 (la plupart ayant
participé à la rédaction du cahier) et 5 mois pour les jeunes collègues, après la
présentation du cahier en 2010.
Les médecins plus âgés et plus expérimentés en psychiatrie (>15 ans) et depuis au
moins 7 ans dans le service), ont annoncé le diagnostic avec ou sans procédure au
moins une fois dans 80 % des cas.
Parmi les 30 % qui ne connaissent pas la procédure (soit 3 médecins), 2 sur 3 ont
annoncé le diagnostic à au moins 15  2 patients de leur file active, selon leurs
propres moyens et un seul n’a jamais fait cette démarche.
Les psychiatres ayant une activité en majorité sur intra hospitalier, sont plus enclin à
faire la démarche d’annonce du diagnostic que les médecins travaillant uniquement
en ambulatoire. De plus, 90 % des médecins qui font l’annonce avec ou sans la
procédure, adressent leurs patients aux groupes de psychoéducation.
Les orientations thérapeutiques dans le service très diversifiées (chimiothérapie,
psychanalyse, thérapie familiale ,TCC, hypnose… ) ne semblent pas influencer le fait
d’annoncer ou non le diagnostic. Le
lieu principal de travail, la répartition des
patients de la file active des médecins semblent eux des facteurs plus déterminants.
Ainsi, un médecin sur le CMP (Centre Médico Psychologique) suivant principalement
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des patients déprimés, un autre travaillant à temps plein au sein de l’unité de
recherche n’ont pas été amenés à faire cette annonce.
Les médecins adressent leurs patients au groupe de psychoéducation dans le but
d’améliorer l’observance (30 %), l’insight dans 20%, 30 % pour approfondir la
connaissance de la maladie
La formation à l’annonce est reconnue utile dans 90% des cas par l’ensemble des
médecins.
5/ DISCUSSION
Dans cette petite enquête, l’annonce diagnostique est majoritairement pratiquée par
les médecins psychiatres de notre service (7 3 fois par an en moyenne par
médecin). Ce taux reste relativement faible au vu de la file active de 1200 par an de
patients de notre service. Mais un certain nombre de patients ou leur famille
interpellent leur médecin pour demander de confirmer ou d’infirmer le diagnostic de
schizophrénie, qu’ils évoquent de façon plus spontanée qu’auparavant.
Les médecins qui font l’annonce depuis plus de 5 ans se sentent plus à l’aise depuis
que la procédure a été mise en place, en 2002, ayant même tendance à abandonner
ce cahier pour faire l’annonce de façon plus « souple » tout en s’appuyant sur les
grandes bases de la procédure. Le fait que la démarche soit issue d’une réflexion
collective a facilité la pratique de cette annonce, lorsque celle-ci est demandée.
Les plus jeunes praticiens (N=4) âgés de 33  4 ans avec une expérience en
psychiatrie de 6  2 ans, et qui n’ont pas été présents à l’élaboration du cahier
d’annonce ont deux attitudes possibles, réparties de façon équivalente: l’annonce est
faite de façon spontanée (médecins de l’intra hospitalier) soit ils ne l’ont jamais faite.
Enfin, tous les médecins reconnaissent utiles et nécessaire une formation spécifique
sur l’annonce des diagnostics difficiles, pour être mieux préparé et plus performant
lors de ces entretiens.
6/ CONCLUSION
L’annonce d’une maladie grave et chronique en médecine, autorisée dans un service
et dans la société nécessite un apprentissage des professionnels afin que ceux-ci se
7
sentent à l’aise pour donner cette information au patient et dans un second temps à
ses proches. Cette démarche de soins à part entière, nécessite des ajustements
réguliers, et se fait au cas par cas. Cette année, nous allons dans notre service
compléter l’approche théorique à l’annonce diagnostic par des mises en situation,
sous forme de jeux de rôle et mettre en place un groupe de travail afin de
réactualiser notre cahier d’annonce.
Enfin, cette annonce est complétée au sein de notre service, par des groupes de
psychoéducation spécifiques pour les patients volontaires mais également par des
groupes spécifiques pour les familles (3,4).
Ces nouvelles pratiques (annonce diagnostic, groupes de psychoéducation) sont des
temps d’échange et d’écoute, qui ont changé notre regard de soignant, sur le patient
et sa famille et sur la schizophrénie. Elles nous ont permis de mieux comprendre
l’impact de cette maladie dans la vie des sujets malades et de leurs proches et leur
souffrance. Se « savoir faire » doit faire partie également de l’enseignement a donner
à nos jeunes collègues.
8
7/ ANNEXE
Questionnaire sur l’annonce diagnostic et psychoéducation
1/ Sexe : H ou F (entourez la bonne réponse)
2/ âge:
3/ Année d’expérience en psychiatrie (depuis 1er année internat) :
4/ File active de patients par semaine :
5/ Répartition du temps de travail sur les structures: plusieurs réponses
possibles. Merci de préciser la répartition en demi-journée?
-
CMP
-
HDJ
-
INTRA
-
URC
-
Centre de psychothérapie
-
SAU
-
Autres
6/ Proportion de patients schizophrènes vus par mois est de :
-
0 à 25%,
-
5 à 50%
-
0 à 75 %
-
75 à 100
7/ Connaissez vous la procédure d’annonce diagnostic mis en place dans le
service :
- oui ou non (entourez la bonne réponse)
- si oui merci de préciser depuis quand? année:
8/ Avez vous déjà fait l’annonce diagnostic à un patient schizophrène :
oui ou non (entourez la bonne réponse)
9/ Si oui, l’avez vous faites avec le cahier d’annonce diagnostic mise en place
par le service:
oui ou non (entourez la bonne réponse)
10/ Si oui, combien de fois?
9
11/ Ce cahier d’annonce vous a aidé?
oui ou non (entourez la bonne réponse)
12/ Si oui, en quoi ?
13/ Quand l’avez vous utilisé pour la première fois et la dernière fois?
13-1: première fois : Mois: …. Année: …..
13-b : dernière fois : Mois::……. Année:……
14/ Connaissez vous les groupes de psychoéducation ?
oui ou non (entourez la bonne réponse)
15/ Si oui, pouvez vous les citer?
16/ Adressez vous des patients à un groupe de psychoéducation?
oui ou non (entourez la bonne réponse)
17/ Si oui citer la raison principale de l’indication?
18/ Avez vous participé en tant que thérapeute ou cothérapeute au groupe
psychoéducation?
oui ou non (entourez la bonne réponse)
19/ Quelles sont vos orientations thérapeutiques principales?(entourez la
bonne réponse)
- chimiothérapie
- psychanalyse
- thérapie familiale
- psychothérapie de soutien
- TCC
- autres
20/ Pensez vous utile la mise en place d’un groupe de formation pour
l’annonce diagnostic de la schizophrénie ?
Oui ou non
-si oui pourquoi
-si non pourquoi
21/ Remarques ou suggestions?
10
8/ REFERENCES
1/ Rocamora JF, Benadhira R, Saba G, Stamatadis L, Kalalaou K, Dumortier G,
Plaze M, Aubriot-Delmas B, Glikman J, Januel D. [Schizophrenia diagnostic
announcement in a French psychiatric unit]. Encephale. 2005 Jul-Aug;31(4):449-55.
2/ Gastal D, Januel D. [Long-term impact of the diagnostic announcement on the
insight of patients suffering from schizophrenic disorders]. Encephale. 2010
Jun;36(3):195-201.
3 / P a rizo t S . I nf o rm a t ion su r le d ia gn o st ic d u p a t ien t sch izo p h rè n e et
d e so n e nt o u ra ge . A n n a le s Me d ico -Psych o lo gi qu e s 1 9 98 , vo l 1 5 7 ; 7 :
479.
4/ Rocamora JF, Verdon CM, Benadhira R,. Saba G,. Braha S, Januel D.
Psychoéducation auprès des familles de patients schizophrènes. Perspectives Psy
Volume 43 N°3 Juillet-Septembre 2004
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