8 planète 0123 Samedi 14 - Dimanche 15 - Lundi 16 juillet 2012 La pêche en eaux profondes divise l’Europe Le commissaire au marché intérieur, Michel Barnier, s’oppose à un projet d’interdiction d’ici à 2014 L a commissaire européenne à la pêche avait tout prévu. MariaDamanakiavaitannoncé les grandes lignes de son projet début juillet dans le Sunday Times etla séance photo avec le PewEnvironmentGroup et d’autres organisations non gouvernementales (ONG) était programmée pour se féliciter d’une grande avancée. Vendredi 13 juillet, dans le cadre de la révision décennale du règlement de gestion de la pêche, Mme Damanakidevaitrendrepublique sa proposition de règlement visant à suspendre, d’ici à deux ans, le chalutage profond dans l’Atlantique du nord-est. Une mesure réclamée de longuedatepar l’ensembledesscientifiques, qui voient dans cette pêche, la plus destructrice pour les écosystèmes marins, une aberration autant économique qu’écologique. Mais la proposition ne figure plus à l’agenda de la commission. Mercredi 11 juillet, lors de la présentationdu textedevantlecollège des commissaires européens, Michel Barnier, commissaire au marché intérieur et aux services, ainsi qu’ancien ministre français del’agricultureet de la pêche,a bloqué le texte, exigeant un « délai supplémentaire». Joint par téléphone, Michel Barnier, en déplacement aux EtatsUnis, a confirmé sa position. « Je ne me suis pas opposé au texte, j’ai demandé un délai supplémentaire compte tenu des répercussions économiques, sociales et humaines, que pourrait avoir une telle mesure. Je me suis exprimé dans le cadre normal du travail interne de la commission», explique-t-il. Les ONG accusent Michel Barnier d’être le « VRP » d’Intermarché, qui détient la principale flotte Etats-Unis Inquiétude sur la centrale nucléaire de San Onofre La Commission de régulation nucléaire américaine (NRC) a publié, jeudi 12 juillet, une mise à jour de l’état de la centrale nucléaire de San Onofre, près de San Diego (Californie), dont un réacteur a été fermé fin janvier à la suite de fuites radioactives. Elle montre que 3 400 tubes des générateurs de vapeur sont endommagés: une situation « bien plus grave» que ce qui avait été annoncé. – (AFP.) France De nouvelles règles pour les zones d’actions prioritaires pour l’air Le projet lancé par le gouvernement en 2011 va être assoupli car les sept agglomérations candidates pour expérimenter une ZAPA n’ont pas été en mesure de remettre leur proposition le 13 juillet. – (AFP.) soutenir qu’une pression de pêche basse sur des périodes longues, qui ne sont pas économiquement viables ». Cette forme de pêche, ajoutait le texte, « représente le plus haut risque de détruire des écosystèmesmarinsirremplaçablesetvulnérables ». Quant à « l’étendue des destructionsqui ont déjà été provoquées», elle est « inconnue ». Cette pêche se traduit par une destruction des fonds marins et des écosystèmes qu’ils abritent, raclés par les chaluts Le chalutier « Jean-Claude Coulon II », de la société de pêche Scapêche, détenue par Intermarché, au large de l’Ecosse. PIERRE GLEIZES/REA de pêche profonde en France, la Scapêche, basée à Lorient. Avec ses chalutiers, cette société capture 6 000 tonnes d’« espèces profondes » dans l’Atlantique du nord-est chaque année. Quant à l’argument économique soulevépar Michel Barnier, les associations le récusent. Elles rappellent que cette pêche qui s’est développée pour compenser la diminution des stocks de poissons en surface se traduit par une destruction des fonds marins et des écosystèmes qu’ils abritent, raclés par les chaluts. Pêchés entre 500 et 1 500 mètres de profondeur, la lingue bleue, le grenadier de roche et le sabre noir aux cycles de reproduction très lents, sont désormais menacés.Cette pêche ne fait vivre qu’un nombre limité de pêcheurs, notamment en France, où une dizaine de bateaux sont dévolus à cette activité. Enfin, le secteur bénéficie d’importantes subventions pour subsister. « Il s’agit pour la France d’une activité résiduelle dontl’impactécologiqueest disproportionnépar rapport à son importance socio-économique», a ainsi déclaré, dans un communiqué du 12 juillet Claire Nouvian, fondatri- ce de l’association Bloom, qui ferraille contre cette pratique. Le « mémorandum explicatif » accompagnant la proposition de règlement qui devait être rendue publique le 13 juillet, dont Le Monde a obtenu copie, justifiait le bannissement programmé de la pêche profonde par « la haute vulnérabilité des stocks [exploités], plusieurs d’entre eux ne pouvant Outre la destruction des fonds marins, dont la biologie demeure toujours pour une grande part inconnue, le texte préparé par Mme Damanaki observait que la pêche des espèces profondes « implique un haut niveau de prises non intentionnelles, en moyenne 20 % à 40 % en poids, avec des pics à des taux bien plus élevés ». De son côté, la Scapêche relativise ce constat (Le Monde du 27décembre 2011), arguant de bonnespratiques.Maissadernièrecampagne de publicité, qui présentait son activité comme « responsable, raisonnée et maîtrisée, qui respecte durablement la nature et les hommes», a été épinglée fin juin par le Jury de déontologie publicitaire, après une plainte de l’association Bloom.Celui-cia demandéà l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) «de faire cesser cette publicité » et de s’assurer qu’elle «ne soit pas renouvelée». p Stéphane Foucart et Sophie Landrin Dansles maisonsfrançaises, En Australie, des vaccins destinés aux poulets se transforment en «virus tueurs» desenfants se trouvent Le taux de mortalité approche 20% dans certains élevages encoreexposésau plomb L e risque existait en théorie, mais c’est la première fois qu’il est avéré : des vaccins dirigéscontreune maladiedu poulet et contenant des virus de l’herpès se sont recombinés entre eux pour donner naissance, en Australie, à des virus plus virulents encore que les souches pathogènes d’origine. Publiée dans la revue Science (datée du 13 juillet) par une équipe de l’université de Melbourne, cette observation, selon ses conséquenceséconomiques,pourrait conduire à réviser la stratégie vaccinale adoptée contre la laryngotrachéite infectieuse aviaire : EMMANUEL KHÉRAD 18h10-Escale Estivale samedi et dimanche Retrouvez et ses choix culturels le samedi à 18h55 franceinter.fr une épizootie soumise à déclaration obligatoire due à un virus de l’herpès spécifiquede l’espèce,l’ILTV. Contre cette maladie, trois vaccins sont disponibles en Australie. Tous trois utilisent des souches virales ILTV vivantes mais « atténuées», c’est-à-diremoinsvirulentes que la normale mais encore capables de se répliquer et de déclencher une réponse immunitaire. C’est le principe du vaccin « classique », toujours largement utiliséen médecinecontrede nombreuses affections (poliomyélite par voie orale, rougeole, rubéole, oreillons, fièvre jaune). L’atténuation du pouvoir pathogène est obtenue par passage du microorganisme sur des cultures cellulaires successives ou par voie chimique. De longue date, des chercheurs s’étaient inquiétés qu’un virus de l’herpès atténué se recombine avec d’autres pour produire une nouvelle souche virulente, mais aucune épidémie due à un tel événement n’avait encore été rapportée. Jusqu’à ce que deux nouveaux virus ILTV, génétiquement distincts des souches connues jusqu’alors, commencent, en 2008, à frapper les volailles australiennes. Elles en ont depuis tué un grand nombre dans différentes régions du pays, avec des taux de mortalité pouvant s’élever à 17,6 %. A quel point le génome des deux nouveaux virus est-il proche de celui des trois souches vaccinales, dont deux sont d’origine australienne et l’une européenne ? C’est ce que l’équipe de Lee SangWon a voulu vérifier, en comparant, séquence par séquence, l’ADN de tous ces virus. Conclusion de leur analyse : les deux nouvelles souches virulentes présententune signaturegénétique comportant un peu de chaque souchevaccinale.«La recombinaisonentre vaccins à base de virus de l’herpès atténués et la restauration de la virulence que cela est susceptibled’entraînerconstituepeutêtre un phénomène rare, mais cela peut conférer à la souche résultante une sorte de “remise en forme” aux conséquences non négligeables », commentent les auteurs de la publication. Le risque qu’un vaccin redevienne virulent par réversion ou par croisement entre souches ne peut pas être exclu « Les virus de l’herpès étant des agents pathogènes qui recombinent beaucoup, on pouvait s’attendre à ce genre d’événement », confirme Jean-Claude Manuguerra, vétérinaire et virologiste à l’Institut Pasteur de Paris. « Du moment qu’un vaccin reste vivant – ce qui augmente son pouvoir de stimulation immunitaire –, le risque qu’il redevienne virulent par réversion ou par croisement entre souches ne peut pas être exclu. » Lecass’estd’ailleursproduitplusieurs fois en médecine humaine. En 2000-2001, une épidémie de polio avait ainsi touché treize personnes en République dominicaine, et huit (dont deux en sont mortes)enHaïtiàlasuited’unevaccination à l’OPV (oral polio vaccine). p Catherine Vincent 36000 familles vivent dans des logements où le taux du métal toxique dépasse les normes nationales U n pour cent des foyers français où vit un enfant de moins de sept ans présente un taux de plomb dans l’eau du robinetsupérieuràlanormeactuelle,etprèsde3%dépassentlanorme européenne qui entrera en vigueur le1er janvier2013.Uneétude,conduite par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l’Ecole des hautes études en santé publique (EHSEP) et publiée dans le numéro de juillet de la revue EnvironmentalResearch, «décrit pour la première fois la contamination par le plomb à laquelle sont exposés les enfants dans l’habitat français». Autrefoisutilisé dans les peintures et dans les canalisations, le plomb est un métal toxique. « Depuis longtemps, les pouvoirs publicscherchentà réduireles expositions des enfants au plomb. Elles ont effectivement diminué, notamment après son interdiction dans l’essence, mais du coup, nous avons constaté des effets toxiques même pour des valeurs plus basses de plombdanslesang»,remarquePhilippe Glorennec (EHESP, Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail, Rennes), l’un des auteurs de l’étude. Ces effets sont essentiellement neurocomportementaux: problèmes de développement intellectuel avec un quotient intellectuel abaissé, troubles de l’audition… La France ne dispose pas d’une base de données nationale sur la contamination par le plomb. Les pouvoirs publics ont donc financé la mise sur pied de cette étude qui s’est intéressée aux expositions liées au logement. Les auteurs ont travaillé sur un échantillon représentatif de près de 500 foyers, parmi les 3,6 millions abritant un enfant de moins de 7 ans en France, âge où il est le plus exposé et le plus sensible aux effets toxiques. Les mesures faites dans l’eau du robinet montrent que, dans 1 % des foyers, ce qui représente 36 000 logements à l’échelle du pays, la concentration en plomb dépasse25µg/L, la valeur maximale en vigueur en Europe depuis 2003. Mais, dans 2,9 % des habitations, soit 105 000 nationalement, elle excède les 10 µg/L, norme qui entrera en vigueur en 2013. Pas de valeur-guide Dans 0,21 % des foyers (7 500 logements), la teneur en plomb des poussières du sol est supérieure à la valeur maximale de 430 µg/m² recommandé par les autorités américaines. Il n’existe pas de valeur-guide pour les poussières en France si ce n’est lorsque des travaux doivent être effectués. Leplombdanslespoussièresprovient notamment des peintures au plomb, théoriquement interdites depuis 1949. « Nous nous attendions à ne plus trouver beaucoup de plomb dans les peintures d’après 1949, confie Philippe Glorennec. En fait, cela n’est devenu vrai qu’à partir des années 1970. » Cette étude montreletravaildeluttecontrel’intoxication par le plomb qui reste à achever. Philippe Glorennec se dit optimiste sur la traduction en action par les pouvoirs publics. p Paul Benkimoun