Le chalutier «Jean-Claude Coulon II », de la société de pêche Scapêche, détenue par Intermarché, au large de l’Ecosse.
PIERRE GLEIZES/REA
L
erisque existait en théorie,
mais c’est la première fois
qu’il est avéré :des vaccins
dirigéscontreunemaladiedu pou-
let et contenant des virus de l’her-
pès se sont recombinés entre eux
pour donner naissance, en Austra-
lie, àdes virus plus virulents enco-
re que les souches pathogènes
d’origine. Publiée dans la revue
Science (datée du 13 juillet) par une
équipe de l’université de Melbour-
ne, cette observation, selon ses
conséquenceséconomiques,pour-
rait conduire àréviser la stratégie
vaccinale adoptéecontre la laryn-
gotrachéite infectieuse aviaire :
une épizootie soumise àdéclara-
tion obligatoire due àunvirus de
l’herpès spécifiquede l’espèce, l’IL-
TV.
Contre cette maladie, trois vac-
cins sont disponibles en Australie.
Tous trois utilisent des souches
virales ILTV vivantes mais «atté-
nuées», c’est-à-diremoinsvirulen-
tes que la normale mais encore
capables de se répliquer et de
déclencher une réponse immuni-
taire. C’est le principe du vaccin
«classique», toujours largement
utiliséen médecinecontrede nom-
breuses affections (poliomyélite
par voie orale, rougeole, rubéole,
oreillons, fièvre jaune). L’atténua-
tion du pouvoir pathogène est
obtenue par passage du micro-
organisme sur des cultures cellu-
laires successives ou par voie
chimique.
De longue date, des chercheurs
s’étaientinquiétés qu’un virus de
l’herpès atténué se recombine
avec d’autres pour produire une
nouvelle souche virulente,mais
aucune épidémie due àuntel évé-
nement n’avait encore été rappor-
tée. Jusqu’à ce que deux nouveaux
virus ILTV, génétiquement dis-
tincts des souches connues jus-
qu’alors, commencent, en 2008, à
frapper les volailles australiennes.
Elles en ont depuis tué un grand
nombre dans différentes régions
du pays, avec des taux de mortali-
té pouvants’élever à17,6%.
Aquel point le génome des
deux nouveaux virus est-il proche
de celui des trois souches vaccina-
les, dont deux sont d’origine aus-
tralienne et l’une européenne?
C’est ce que l’équipe de Lee Sang-
Won avoulu vérifier, en compa-
rant, séquence par séquence,
l’ADN de tous ces virus.
Conclusion de leur analyse :les
deux nouvelles souches virulen-
tesprésententunesignaturegéné-
tique comportant un peu de cha-
quesouchevaccinale.«Larecombi-
naisonentre vaccinsàbase de virus
de l’herpès atténués et la restaura-
tion de la virulence que cela est sus-
ceptibled’entraîner constituepeut-
être un phénomène rare, mais cela
peut conférer àlasouche résultan-
te une sorte de “remise en forme”
aux conséquences non négligea-
bles»,commentent les auteurs de
la publication.
«Les virus de l’herpès étant des
agents pathogènes qui recombi-
nent beaucoup, on pouvait s’atten-
dre àcegenre d’événement »,
confirme Jean-Claude Manuguer-
ra, vétérinaire et virologiste àl’Ins-
titut Pasteur de Paris. «Du
moment qu’un vaccin reste vivant
–cequi augmente son pouvoir de
stimulationimmunitaire –, le ris-
que qu’il redevienne virulent par
réversion ou par croisement entre
souches ne peut pas être exclu. »
Lecass’estd’ailleurs produitplu-
sieurs fois en médecine humaine.
En 2000-2001, une épidémie de
polio avait ainsi touché treize per-
sonnes en République dominicai-
ne, et huit (dont deux en sont mor-
tes)enHaïtiàlasuite d’unevaccina-
tion àl’OPV (oral polio vaccine).
p
Catherine Vincent
En Australie, des vaccins destinés aux
poulets se transforment en «virus tueurs »
Le taux de mortalité approche 20 %dans certains élevages
L
acommissaire européenne à
la pêche avait tout prévu.
MariaDamanaki avaitannon-
cé les grandes lignes de son projet
début juillet dans le Sunday Times
etla séancephotoavec lePewEnvi-
ronmentGroup etd’autresorgani-
sations non gouvernementales
(ONG) était programmée pour se
féliciter d’une grande avancée.
Vendredi 13 juillet, dans le cadre
de la révision décennale du règle-
ment de gestion de la pêche,
Mme Damanakidevait rendrepubli-
que sa proposition de règlement
visant àsuspendre, d’ici à
deux ans, le chalutage profond
dans l’Atlantique du nord-est.
Une mesure réclamée de lon-
guedatepar l’ensembledes scienti-
fiques, qui voient dans cette
pêche, la plus destructrice pour les
écosystèmes marins, une aberra-
tion autant économique qu’écolo-
gique. Mais la proposition ne figu-
re plus àl’agenda de la commis-
sion. Mercredi 11 juillet, lors de la
présentationdu textedevantlecol-
lège des commissaires européens,
Michel Barnier, commissaire au
marché intérieur et aux services,
ainsiqu’ancien ministre français
de l’agricultureet de la pêche, ablo-
qué le texte, exigeant un «délai
supplémentaire».
Joint par téléphone, Michel Bar-
nier, en déplacement aux Etats-
Unis,aconfirmésaposition. «Jene
me suis pas opposé au texte, j’ai
demandé un délai supplémentaire
compte tenu desrépercussions éco-
nomiques, sociales et humaines,
que pourrait avoir une telle mesu-
re. Je me suis exprimé dans le cadre
normal du travail interne de la
commission»,explique-t-il.
Les ONG accusent Michel Bar-
nier d’être le «VRP»d’Intermar-
ché, qui détient la principale flotte
de pêche profonde en France, la
Scapêche, basée àLorient. Avec ses
chalutiers, cette société capture
6000tonnes d’«espèces profon-
des»dans l’Atlantique du nord-est
chaque année.
Quant àl’argument économi-
quesoulevéparMichelBarnier, les
associations le récusent. Elles rap-
pellent que cette pêche qui s’est
développée pour compenser la
diminution des stocks de poissons
en surface se traduit par une des-
truction des fonds marins et des
écosystèmes qu’ils abritent, raclés
par les chaluts. Pêchés entre 500 et
1500mètres de profondeur, la lin-
gue bleue, le grenadierderoche et
le sabre noir aux cycles de repro-
duction très lents, sont désormais
menacés.Cette pêche ne faitvivre
qu’un nombre limité de pêcheurs,
notamment en France, où une
dizaine de bateaux sont dévolus à
cette activité. Enfin, le secteur
bénéficie d’importantes subven-
tionspoursubsister. «Ils’agit pour
la France d’une activité résiduelle
dontl’impact écologiqueest dispro-
portionnépar rapportàson impor-
tance socio-économique»,aainsi
déclaré, dans un communiqué du
12juillet Claire Nouvian, fondatri-
ce de l’associationBloom, qui fer-
raille contre cette pratique.
Le «mémorandum explicatif»
accompagnant la proposition de
règlement qui devait être rendue
publique le 13 juillet, dont Le Mon-
de aobtenu copie, justifiait le ban-
nissement programmé de la
pêche profonde par «lahaute vul-
nérabilité des stocks [exploités],
plusieurs d’entre eux ne pouvant
soutenir qu’une pression de pêche
basse sur des périodes longues, qui
ne sont pas économiquement via-
bles».Cette forme de pêche, ajou-
tait le texte, «représente le plus
haut risque de détruire des écosys-
tèmesmarinsirremplaçableset vul-
nérables».Quant à «l’étendue des
destructionsqui ontdéjàété provo-
quées»,elle est «inconnue».
Outre la destruction des fonds
marins, dont la biologie demeure
toujours pour une grande part
inconnue, le texte préparé par
Mme Damanaki observait que la
pêche des espèces profondes
«implique un haut niveau de pri-
ses non intentionnelles, en moyen-
ne 20%à40%enpoids, avec des
pics àdes taux bien plus élevés ».
De son côté, la Scapêche relativi-
se ce constat (Le Monde du
27décembre 2011), arguant de bon-
nespratiques.Maissadernièrecam-
pagne de publicité, qui présentait
son activité comme «responsable,
raisonnée et maîtrisée, qui respecte
durablement la nature et les hom-
mes»,aété épinglée fin juin par le
Jury de déontologie publicitaire,
après une plainte de l’association
Bloom.Celui-ciademandéàl’Auto-
rité de régulation professionnelle
de la publicité (ARPP) «defaire ces-
ser cette publicité» et de s’assurer
qu’elle «nesoit pas renouvelée ».
p
Stéphane Foucart
et Sophie Landrin
La pêche en eaux profondes divise l’Europe
Le commissaire au marché intérieur, Michel Barnier, s’oppose àunprojet d’interdiction d’ici à2014
U
npour cent des foyers fran-
çais où vit un enfant de
moins de sept ans présente
un taux de plomb dans l’eau du
robinetsupérieuràlanormeactuel-
le,etprèsde3%dépassent lanorme
européenne qui entrera en vigueur
le1er janvier 2013.Uneétude,condui-
te par le Centre scientifique et tech-
nique du bâtiment (CSTB) et l’Ecole
des hautes études en santé publi-
que (EHSEP) et publiée dans le
numéro de juillet de la revue Envi-
ronmentalResearch,«décrit pour la
première fois la contaminationpar
le plomb àlaquelle sont exposés les
enfants dans l’habitat français ».
Autrefois utilisé dans les peintu-
res et dans les canalisations, le
plomb est un métal toxique.
«Depuis longtemps, les pouvoirs
publicscherchentàréduireles expo-
sitions des enfants au plomb. Elles
ont effectivement diminué, notam-
ment après son interdiction dans
l’essence, mais du coup, nous avons
constaté des effets toxiques même
pour des valeurs plus basses de
plombdans lesang »,remarquePhi-
lippe Glorennec (EHESP, Institut de
recherche sur la santé, l’environne-
ment et le travail, Rennes), l’un des
auteurs de l’étude.
Ces effets sont essentiellement
neurocomportementaux:problè-
mes de développement intellec-
tuel avec un quotient intellectuel
abaissé, troubles de l’audition… La
France ne dispose pas d’une base
de données nationale sur la conta-
mination par le plomb. Les pou-
voirs publics ont donc financé la
mise sur pied de cette étude qui
s’estintéressée aux expositions
liées au logement. Les auteurs ont
travaillésur un échantillon repré-
sentatif de près de 500foyers, par-
mi les 3,6 millions abritant un
enfant de moins de 7ans en Fran-
ce, âge où il est le plus exposé et le
plus sensible aux effets toxiques.
Les mesures faites dans l’eau du
robinet montrent que, dans 1%
des foyers, ce qui représente
36 000 logements àl’échelle du
pays, la concentration en plomb
dépasse25 µg/L,lavaleur maxima-
le en vigueur en Europe depuis
2003. Mais, dans 2,9 %des habita-
tions, soit 105 000 nationalement,
elle excède les 10 µg/L, norme qui
entrera en vigueur en 2013.
Pas de valeur-guide
Dans 0,21 %des foyers (7 500
logements),lateneur en plomb
des poussières du sol est supérieu-
re àlavaleur maximale de
430µg/m² recommandé par les
autorités américaines. Il n’existe
pas de valeur-guide pour les pous-
sières en France si ce n’estlorsque
destravaux doivent être effectués.
Leplomb danslespoussièrespro-
vient notamment des peintures au
plomb, théoriquement interdites
depuis 1949. «Nous nous atten-
dions àneplus trouver beaucoup de
plomb dans les peintures d’après
1949, confie Philippe Glorennec. En
fait,cela n’est devenu vrai qu’à par-
tir des années1970. » Cette étude
montrele travaildeluttecontrel’in-
toxication par le plomb qui reste à
achever. Philippe Glorennec se dit
optimiste sur la traduction en
action par les pouvoirs publics.
p
Paul Benkimoun
Dans les maisons françaises,
des enfants se trouvent
encore exposés au plomb
36 000 familles vivent dans des logements où le taux
du métal toxique dépasse les normes nationales
Le risque qu’un vaccin
redevienne virulent
par réversion ou
par croisement entre
souches ne peut pas
être exclu
Cette pêche se traduit
par une destruction
des fonds marins
et des écosystèmes
qu’ils abritent,
raclés par les chaluts
Etats-Unis
Inquiétude
sur la centrale nucléaire
de San Onofre
La Commission de régulation
nucléaire américaine (NRC) a
publié, jeudi 12 juillet, une mise à
jour de l’état de la centrale nucléai-
re de San Onofre, près de San Die-
go (Californie), dont un réacteur a
été fermé fin janvier àlasuite de
fuites radioactives. Elle montre
que 3400 tubes des générateurs
de vapeur sont endommagés:une
situation «bien plus grave» que ce
qui avait été annoncé. –(AFP.)
France
De nouvelles règles
pour les zones d’actions
prioritaires pour l’air
Le projet lancé par le gouverne-
ment en 2011 va être assoupli car
les sept agglomérations candida-
tes pour expérimenter une ZAPA
n’ont pas été en mesure de remet-
tre leur proposition le 13 juillet.
–(AFP.)
80123
Samedi 14 -Dimanche 15 -Lundi 16 juillet 2012