LES ENTORSES DE CHEVILLES
C. Lecoq, G.Curvale
Sommaire de l'article
LES LESIONS
DIAGNOSTIC CLINIQUE
DIAGNOSTIC RADIOGRAPHIQUE
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Les entorses sous-astragaliennes
Les entorses médio-tarsiennes (ou du Chopart)
L'entorse du faisceau antérieur des ligaments péronéo-tibiaux inférieurs
Luxation des tendons péroniers
Rupture du tendon d'Achille
Les fractures de la malléole externe
Les fractures de la base du 5ème métatarsien
Fractures de l'astragale
Les fractures du calcanéum
DIAGNOSTIC DES COMPLICATIONS TARDIVES DES ENTORSES DU L.L.E.
Syndrome d'instabilité latérale externe de la cheville
L'arthropathie mécanique de la cheville
La cheville douloureuse et instable
PRINCIPES THERAPEUTIQUES
Entorses fraîches
a- Les moyens
b- Les indications
Instabilité de cheville
Hôpital La Conception - 147, Bd Baille - 13385 Marseille Cedex 05 [email protected]r, g.curvale@infonie.fr
LES LESIONS
Les lésions isolées du ligament latéral interne (LLI) sont rares et seules les lésions du ligament latéral externe (LLE) seront traitées dans cet article.
Une entorse bénigne correspond à une distension du ligament, sans rupture vraie. Elle ne lui fait pas perdre son rôle de hauban articulaire. Elle
affecte habituellement le faisceau antérieur du ligament, ou péronéo-astragalien antérieur, tendu presque horizontalement du bord antérieur de la
malléole externe au col de l'astragale
(Fig. 1). Ce faisceau est mis sous tension
dans les mouvements forcés en flexion
plantaire de cheville associés à une
adduction de l'arrière pied.
Si le traumatisme est plus violent le
faisceau antérieur peut se rompre, ce qui
définit une entorse grave.
Si la violence du traumatisme est
uffisante, la rupture s'étend
successivement aux deux autres
faisceaux du LLE, à savoir le faisceau
moyen (péronéo-calcanéen), puis le
faisceau postérieur (péronéo-astragalien
postérieur).
s
Figure 1 : Cheville et arrière pied de profil (calque d'après radiographie) - en grisé, les 3 faisceaux du ligament
latéral externe (péronéo-astragalien antérieur, péronéo-calcanéen, péronéo-astragalien postérieur).
1 : malléole externe - 2 : pilon tibial - 3 : malléole interne - 4 : astragale - 5 : tubercule antéro-externe de
l'astragale - 6 : scaphoïde tarsien - 7 : cuboïde - 8 : bec de la grande apophyse du calcanéum - 9 : sinus du
tarse - 10 : grande apophyse du calcanéum - 11 : grosse tubérosité du calcanéum - 12 : tubercule postérieur de
l'astragale.
Les entorses graves entraînent une déstabilisation externe de l'articulation tibio-astragalienne faisant apparaître lors du mouvement forcé un
bâillement externe de l'articulation.
DIAGNOSTIC CLINIQUE
Le diagnostic d'entorse du LLE, est évoqué devant un sujet s'étant violemment «tordu» la cheville. L'interrogatoire retrouve un mécanisme en
varus équin, le pied s'étant couché sur son bord externe. La douleur initiale est très vive, parfois syncopale. L'impotence fonctionnelle est variable.
L'entorse est confirmée par l'examen qui retrouve une douleur pré-malléolaire externe, précise, sur le trajet du faisceau antérieur du LLE. Une
douleur sur le bord antérieur de la malléole est habituellement retrouvée. Il faut palper les repères osseux qui, s'ils sont douloureux, doivent faire
rechercher une fracture : bord postérieur, pointe et partie haute de la malléole externe, base du cinquième métatarsien, scaphoïde, talon.
Le diagnostic clinique d'une entorse grave repose sur un faisceau de signes :
- Le traumatisme a été violent, avec impression de déboîtement ou de grand déplacement. La sensation d'un craquement, surtout s'il a été audible,
est très évocatrice. Par contre l'intensité de la douleur et de l'impotence fonctionnelle n'est pas parallèle à la gravité de l'entorse. Au contraire après
la douleur initiale fulgurante commune à tous les types d'entorse, on observe dans les entorses graves une sédation presque totale pendant
quelques heures, suivie d'une douleur permanente peu intense (classique évolution en trois temps), n'entraînant qu'une impotence modérée. Au
maximum, une sensation d'instabilité indolore à l'appui est très évocatrice (mais elle est très rarement retrouvée).
- Il existe un volumineux hématome sous-cutané pré- et sous-malléolaire en oeuf de pigeon, apparu très précocement dans les minutes qui suivent
le traumatisme. Quelques heures après, la région péri-malléolaire est gonflée par un œdème plus étendu, la diffusion de l'hématome jusqu'à la
peau étant responsable de son aspect ecchymotique. Seuls le volume de l'œdème et l'étendue de l'ecchymose sont ici des signes de gravité.
- La mise en évidence d'une laxité tibio-astragalienne externe à l'examen clinique dynamique est certes un signe de gravité, mais elle est aléatoire
du fait du caractère douloureux de la manœuvre qui nécessite pour certains l'usage d'anes thésiques locaux. Elle ne saurait être recherchée avant
que les radiographies standards de la cheville n'aient confirmé l'absence de fracture associée. L'examen est réalisé sur un patient en décubitus
dorsal, l'examinateur au pied du malade. On empaume d'une main le talon par sa face externe, en sous-malléolaire, et de l'autre main le quart
inférieur de la jambe par sa face interne. Deux manœuvres sont réalisées, très douces pour ne pas être douloureuses. Dans le plan frontal, la main
externe porte le talon en varus tentant de faire bailler l'articulation de la cheville. Le mouvement anormal de ballottement astragalien est rarement
perçu. Le choc astragalien est plus évocateur, traduisant le choc en retour de l'astragale contre la malléole externe à l'arrêt de la contrainte (Fig.
2). Dans le plan sagittal, on attire l'arrière pied vers l'avant à la recherche d'une mobilité anormale de l'astragale glissant vers l'avant sous le tibia,
réalisant le tiroir antérieur (Fig. 3). La combinaison de ces manœuvres recherche une sub-luxation rotatoire de l'astragale dans le plan horizontal,
autour du point fixe qu'est la malléole interne sur laquelle s'insère le faisceau antérieur, intact, du LLI.
Figure 3 : Recherche du tiroir antérieur.
- L'étude du terrain est importante car elle conditionne les indications thérapeutiques. Deux groupes de sujets peuvent être distingués. Les sujets
jeunes, sportifs, actifs, éventuels candidats à une indication chirurgicale en cas d'entorse grave, et chez qui la poursuite des explorations
complémentaires est justifiée. Les sujets à risques, âgés, obèses, insuffisants veineux ou variqueux, qu'il ne faudra surtout pas exposer à des
complications iatrogènes.
Figure 2 : Réalisation de la
manœuvre en varus forcé.
Noter la technique
d'empaumement du talon.
DIAGNOSTIC RADIOGRAPHIQUE
Le bilan radiographique standard de la cheville, réalisé avant tout examen dynamique, recherchant des lésions associées, est indispensable au
diagnostic différentiel. Il comporte des incidences de face et de profil. Le cliché de face vérifie l'intégrité des malléoles. Un arrachement de la pointe
de la malléole externe signe une entorse grave. Un cliché de face en légère rotation interne de jambe (environ 20°) est indispensable à la
visualisation de l'interligne articulaire et surtout de l'angle supéro-externe de l'astragale qui peut être le siège d'une fracture ostéochondrale
(l'atteinte du coin supéro-interne est plus rare). Le cliché de profil peut montrer un discret arrachement osseux du col de l'astragale, signe
d'entorse grave, ou en regard de 1'interligne astragalo-scaphoïdien, traduisant une entorse grave de cette articulation quelquefois associée. Les
clichés du pied de face et de profil sont utiles pour vérifier l'absence de lésion ostéo-articulaire en aval.
Le bilan radiographique dynamique de la cheville, vise à prouver et à quantifier la gravité de l'entorse dans l'optique d'une indication chirurgicale. Il
ne sera donc envisagé que pour une entorse cliniquement grave et en fonction du terrain. Deux clichés sont réalisés, toujours comparatifs
(éventuellement sous anesthésie locale ou générale en pré-opératoire).
- Le cliché de face en varus forcé recherche un bâillement articulaire tibio-astragalien. L'angle tibio-astragalien, ouvert en dehors est
physiologiquement inférieur à 5 à 10°. Une bascule de l'ordre de 15° correspond à une rupture isolée du faisceau péronéo-astragalien antérieur.
Une rupture conjointe des faisceaux antérieurs et moyens se traduit par un angle aux environs de 20°. Lorsque les trois faisceaux sont atteints, le
bâillement avoisine ou dépasse les 30° (Fig. 4).
- Le cliché de profil, en tiroir antérieur recherche une ouverture postérieure de l'articulation par glissement de l'astragale vers l'avant. L'espace
ainsi ouvert, mesuré à partir du bord postérieur du pilon tibial, traduit le tiroir antérieur. Une mesure supérieure à 8 mm est pathologique. Elle
signifie au minimum la rupture du faisceau antérieur du LLE (Fig. 5).
Figure 4 : Cliché dynamique
en varus forcé montrant un varus de 15°
.
Figure 5 : Cliché dynamique montrant un tiroir
astragalien antérieur supérieur à 8 mm.
Les règles d'Ottawa édictées en 1994 ont précisé qu'un examen clinique précis et bien conduit peut suffire au diagnostic d'entorse du LLE et permet
d'éviter la prescription de radiographies. Ce à la condition que : la palpation ne retrouve qu'une douleur sur le trajet et les insertions des faisceaux
du LLE ; il n'y ait pas de douleurs sur les autres repères osseux (bord postérieur et pointe de la malléole, styloïde du 5ème métatarsien, scaphoïde,
talon, ...) ; le patient soit capable de marcher en charge plus de 4 pas (Fig. 6a et 6b). Ces règles n'ont été validées qu'après une étude prospective
sur une population entre 18 et 60 ans. Le patient doit être clairement informé et obligatoirement revu dans les jours suivants en consultation par
un médecin expérimenté pour un nouvel examen.
Figure 6a : Critères d'Ottawa, vue latérale. Une douleur sur une zone grise ou hachurée impose
une radiographie.
Figure 6b : Critères d'Ottawa, vue médiale. Une douleur sur une zone grise ou hachurée impose
une radiographie.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
La prise en charge initiale d'un traumatisme récent de la cheville impose de bien connaître les autres lésions traumatiques que l'on peut rencontrer
au niveau de l'arrière pied.
Les entorses sous-astragaliennes
Elles correspondent à un arrachement du ligament en haie dans le sinus du tarse. Leur mécanisme est voisin de celui de l'entorse du LLE. La
douleur est discrètement plus basse, juste en avant de la pointe de la malléole externe, au fond de la dépression correspondant à l'orifice externe
du sinus du tarse.
Les entorses médio-tarsiennes (ou du Chopart)
Elles intéressent les articulations astragalo-scaphoïdienne et calcanéo-cuboïdienne. Leur mécanisme est voisin de celui de l'entorse du LLE de la
cheville, mais le LLE et la cheville sont ici indolores. La douleur siège au dos du pied et à son flanc externe, réveillée par la mobilisation de
l'articulation (une main mobilisant l'avant-pied, l'autre bloquant le talon).
L'entorse du faisceau antérieur des ligaments péronéo-tibiaux inférieurs
Elle entraîne une douleur située plus haut que celle du LLE, dans la partie antéro-externe du cou de pied. La douleur peut y être déclenchée à la
palpation ou à la flexion dorsale passive de la cheville et à la rotation externe du pied autour de l'axe jambier, l'astragale tendant à repousser la
malléole externe et à mettre le ligament en tension (Fig. 7a et 7b).
Figure 7a : Entorse grave du
ligament latéral interne et des
ligaments péronéo-tibiaux
inférieurs associée à une
fracture du col du péroné.
Figure 7b : Fracture du col du
péroné.
Luxation des tendons péroniers
Les tendons des muscles court et long péroniers latéraux sont rétro-malléolaires externes et se réfléchissent sous la pointe malléolaire pour se
diriger en avant et en bas vers le bord externe du pied. Leur luxation vers l'avant à la face cutanée de la malléole est rare ; elle est souvent
confondue avec une entorse externe. Pourtant le mécanisme est tout à fait différent (contraction brutale active des péroniers, contrariée par un
agent extérieur, pied en éversion). Les symptômes (douleur et œdème) prédominent en rétro-malléolaire. Une sensation de déplacement fugace
est fréquente (Fig. 8). La radio de face de la cheville peut montrer (rarement) un arrachement en coup d'ongle à la face superficielle du péroné.
Figure 8 : Luxation des tendons des péroniers.
L'examen clinique doit être dynamique et rechercher
un déplacement antérieur des tendons lors des
mouvements d'éversion contrariée de la cheville.
Rupture du tendon d'Achille
Les ruptures siègent électivement deux travers de doigt au dessus du calcanéum. Leur mécanisme est bien particulier : contraction brutale du
triceps sural, le plus souvent à la réception d'un saut, sur l'avant pied. Le malade ressent une vive douleur, en coup de fouet, à la face postérieure
de la cheville. L'examen retrouve une douleur postérieure, au dessus du talon. A la palpation du tendon on perçoit rarement une encoche, vite
comblée par l'hématome. La diminution de force de la flexion plantaire est peu significative. Deux signes d'examens cliniques suffisent à affirmer le
diagnostic. Ils sont recherchés sur un malade couché à plat ventre sur une table d'examen, genoux en extension, les pieds débordant de la table.
Du côté atteint le pied chute verticalement vers le sol, alors que du côté sain il existe une légère flexion plantaire (15 à 20°) du fait de la tension du
muscle triceps sural (signe de Brunet-Guedj) (Fig. 9). Dans le même position, la pression transversale des masses musculaires du mollet n'entraîne
pas de flexion plantaire du pied (signe de Thompson-Campbell), contrairement au côté sain. La radiographie standard de profil de l'arrière pied
vérifie l'absence d'arrachement osseux du calcanéum.
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