LES ENTORSES DE CHEVILLE

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LES ENTORSES DE CHEVILLE
LES LESIONS
Les lésions isolées du ligament latéral interne (LLI) sont rares et seules les lésions du ligament
latéral externe (LLE) seront traitées dans cet article.
Une entorse bénigne correspond à une distension du ligament, sans rupture vraie. Elle ne lui fait
pas perdre son rôle de hauban articulaire. Elle affecte habituellement le faisceau antérieur du
ligament, ou péronéo-astragalien antérieur, tendu presque horizontalement du bord antérieur de
la malléole externe au col de l'astragale
(Fig. 1). Ce faisceau est mis sous tension dans
les mouvements forcés en flexion plantaire de
cheville associés à une adduction de l'arrière
pied.
Si le traumatisme est plus violent le faisceau
antérieur peut se rompre, ce qui définit une
entorse grave.
Si la violence du traumatisme est suffisante, la
rupture s'étend successivement aux deux
autres faisceaux du LLE, à savoir le faisceau
moyen (péronéo-calcanéen), puis le faisceau
postérieur (péronéo-astragalien postérieur).
Figure 1 : Cheville et arrière pied de profil (calque d'après
radiographie) - en grisé, les 3 faisceaux du ligament latéral
externe (péronéo-astragalien antérieur, péronéo-calcanéen,
péronéo-astragalien postérieur).
1 : malléole externe - 2 : pilon tibial - 3 : malléole interne - 4 :
astragale - 5 : tubercule antéro-externe de l'astragale - 6 :
scaphoïde tarsien - 7 : cuboïde - 8 : bec de la grande apophyse
du calcanéum - 9 : sinus du tarse - 10 : grande apophyse du
calcanéum - 11 : grosse tubérosité du calcanéum - 12 : tubercule
postérieur de l'astragale.
Les entorses graves entraînent une
déstabilisation externe de l'articulation tibioastragalienne faisant apparaître lors du
mouvement forcé un bâillement externe de
l'articulation.
DIAGNOSTIC CLINIQUE
Le diagnostic d'entorse du LLE, est évoqué devant un sujet s'étant violemment «tordu» la
cheville. L'interrogatoire retrouve un mécanisme en varus équin, le pied s'étant couché sur son
bord externe. La douleur initiale est très vive, parfois syncopale. L'impotence fonctionnelle est
variable.
L'entorse est confirmée par l'examen qui retrouve une douleur pré-malléolaire externe, précise,
sur le trajet du faisceau antérieur du LLE. Une douleur sur le bord antérieur de la malléole est
habituellement retrouvée. Il faut palper les repères osseux qui, s'ils sont douloureux, doivent
faire rechercher une fracture : bord postérieur, pointe et partie haute de la malléole externe,
base du cinquième métatarsien, scaphoïde, talon.
Le diagnostic clinique d'une entorse grave repose sur un faisceau de signes :
- Le traumatisme a été violent, avec impression de déboîtement ou de grand déplacement. La
sensation d'un craquement, surtout s'il a été audible, est très évocatrice. Par contre l'intensité
de la douleur et de l'impotence fonctionnelle n'est pas parallèle à la gravité de l'entorse. Au
contraire après la douleur initiale fulgurante commune à tous les types d'entorse, on observe
dans les entorses graves une sédation presque totale pendant quelques heures, suivie d'une
douleur permanente peu intense (classique évolution en trois temps), n'entraînant qu'une
impotence modérée. Au maximum, une sensation d'instabilité indolore à l'appui est très
évocatrice (mais elle est très rarement retrouvée).
- Il existe un volumineux hématome sous-cutané pré- et sous-malléolaire en œuf de pigeon,
apparu très précocement dans les minutes qui suivent le traumatisme. Quelques heures après, la
région péri-malléolaire est gonflée par un œdème plus étendu, la diffusion de l'hématome jusqu'à
la peau étant responsable de son aspect ecchymotique. Seuls les volumes de l'œdème et
l'étendue de l'ecchymose sont ici des signes de gravité.
- La mise en évidence d'une laxité tibio-astragalienne externe à l'examen clinique dynamique est
certes un signe de gravité, mais elle est aléatoire du fait du caractère douloureux de la
manœuvre qui nécessite pour certains l'usage d'ânes
Thésiques locaux. Elle ne saurait être recherchée avant que les
radiographies standards de la cheville n'aient confirmé l'absence de
fracture associée. L'examen est réalisé sur un patient en décubitus
dorsal, l'examinateur au pied du malade. On empaume d'une main le
talon par sa face externe, en sous-malléolaire, et de l'autre main le
quart inférieur de la jambe par sa face interne. Deux manœuvres sont
réalisées, très douces pour ne pas être douloureuses. Dans le plan
frontal, la main externe porte le talon en varus tentant de faire
bailler l'articulation de la cheville. Le mouvement anormal de
ballottement astragalien est rarement perçu. Le choc astragalien est
plus évocateur, traduisant le choc en retour de l'astragale contre la
malléole externe à l'arrêt de la contrainte (Fig. 2). Dans le plan
sagittal, on attire l'arrière pied vers l'avant à la recherche d'une
Figure 2 : Réalisation de la
mobilité anormale de l'astragale glissant vers l'avant sous le tibia,
manœuvre en varus forcé. Noter
réalisant le tiroir antérieur (Fig. 3). La combinaison de ces manœuvres
la technique d'empaumement du
recherche une sub-luxation rotatoire de l'astragale dans le plan
talon.
horizontal, autour du point fixe qu'est la malléole interne sur laquelle
s'insère le faisceau antérieur, intact, du LLI.
Figure 3 : Recherche du tiroir antérieur.
- L'étude du terrain est importante car elle conditionne les indications thérapeutiques. Deux
groupes de sujets peuvent être distingués. Les sujets jeunes, sportifs, actifs, éventuels
candidats à une indication chirurgicale en cas d'entorse grave, et chez qui la poursuite des
explorations complémentaires est justifiée. Les sujets à risques, âgés, obèses, insuffisants
veineux ou variqueux, qu'il ne faudra surtout pas exposer à des complications iatrogènes.
DIAGNOSTIC RADIOGRAPHIQUE
Le bilan radiographique standard de la cheville, réalisé avant tout examen dynamique,
recherchant des lésions associées, est indispensable au diagnostic différentiel. Il comporte des
incidences de face et de profil. Le cliché de face vérifie l'intégrité des malléoles. Un
arrachement de la pointe de la malléole externe signe une entorse grave. Un cliché de face en
légère rotation interne de jambe (environ 20°) est indispensable à la visualisation de l'interligne
articulaire et surtout de l'angle supéro-externe de l'astragale qui peut être le siège d'une
fracture ostéochondrale (l'atteinte du coin supéro-interne est plus rare). Le cliché de profil peut
montrer un discret arrachement osseux du col de l'astragale, signe d'entorse grave, ou en regard
de 1'interligne astragalo-scaphoïdien, traduisant une entorse grave de cette articulation
quelquefois associée. Les clichés du pied de face et de profil sont utiles pour vérifier l'absence
de lésion ostéo-articulaire en aval.
Le bilan radiographique dynamique de la cheville, vise à prouver et à quantifier la gravité de
l'entorse dans l'optique d'une indication chirurgicale. Il ne sera donc envisagé que pour une
entorse cliniquement grave et en fonction du terrain. Deux clichés sont réalisés, toujours
comparatifs (éventuellement sous anesthésie locale ou générale en préopératoire).
- Le cliché de face en varus forcé recherche un bâillement articulaire tibio-astragalien. L'angle
tibio-astragalien, ouvert en dehors est physiologiquement inférieur à 5 à 10°. Une bascule de
l'ordre de 15° correspond à une rupture isolée du faisceau péronéo-astragalien antérieur. Une
rupture conjointe des faisceaux antérieurs et moyens se traduit par un angle aux environs de
20°. Lorsque les trois faisceaux sont atteints, le bâillement avoisine ou dépasse les 30° (Fig. 4).
Figure
4 : Cliché dynamique en varus forcé montrant un varus de 15°.
- Le cliché de profil, en tiroir antérieur recherche une ouverture postérieure de l'articulation
par glissement de l'astragale vers l'avant. L'espace ainsi ouvert, mesuré à partir du bord
postérieur du pilon tibial, traduit le tiroir antérieur. Une mesure supérieure à 8 mm est
pathologique. Elle signifie au minimum la rupture du faisceau antérieur du LLE (Fig. 5).
Figure 5 : Cliché dynamique montrant un tiroir astragalien antérieur supérieur à 8
mm.
Les règles d'Ottawa édictées en 1994 ont précisé qu'un examen clinique précis et bien conduit
peut suffire au diagnostic d'entorse du LLE et permet d'éviter la prescription de radiographies.
Ce à la condition que : la palpation ne retrouve qu'une douleur sur le trajet et les insertions des
faisceaux du LLE ; il n'y ait pas de douleurs sur les autres repères osseux (bord postérieur et
pointe de la malléole, styloïde du 5ème métatarsien, scaphoïde, talon, ...) ; le patient soit capable
de marcher en charge plus de 4 pas (Fig. 6a et 6b). Ces règles n'ont été validées qu'après une
étude prospective sur une population entre 18 et 60 ans. Le patient doit être clairement informé
et obligatoirement revu dans les jours suivants en consultation par un médecin expérimenté pour
un nouvel examen.
Figure 6a : Critères d'Ottawa, vue latérale. Une
douleur sur une zone grise ou hachurée impose
une radiographie.
Figure 6b : Critères d'Ottawa, vue médiale. Une
douleur sur une zone grise ou hachurée impose
une radiographie.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
La prise en charge initiale d'un traumatisme récent de la cheville impose de bien connaître les
autres lésions traumatiques que l'on peut rencontrer au niveau de l'arrière pied.
Les entorses sous-astragaliennes
Elles correspondent à un arrachement du ligament en haie dans le sinus du tarse. Leur mécanisme
est voisin de celui de l'entorse du LLE. La douleur est discrètement plus basse, juste en avant de
la pointe de la malléole externe, au fond de la dépression correspondant à l'orifice externe du
sinus du tarse.
Les entorses médio-tarsiennes (ou du Chopart)
Elles intéressent les articulations astragalo-scaphoïdienne et calcanéo-cuboïdienne. Leur
mécanisme est voisin de celui de l'entorse du LLE de la cheville, mais le LLE et la cheville sont ici
indolores. La douleur siège au dos du pied et à son flanc externe, réveillée par la mobilisation de
l'articulation (une main mobilisant l'avant-pied, l'autre bloquant le talon).
L'entorse du faisceau antérieur des ligaments péronéo-tibiaux inférieurs
Elle entraîne une douleur située plus haut que celle du LLE, dans la partie antéro-externe du cou
de pied. La douleur peut y être déclenchée à la palpation ou à la flexion dorsale passive de la
cheville et à la rotation externe du pied autour de l'axe jambier, l'astragale tendant à repousser
la malléole externe et à mettre le ligament en tension (Fig. 7a et 7b).
Figure
Figure 7a : Entorse grave du ligament latéral interne et des
ligaments péronéo-tibiaux inférieurs associée à une fracture du col
du péroné.
7b : Fracture du col du péroné.
Luxation des tendons péroniers
Les tendons des muscles court et long péroniers latéraux sont rétro-malléolaires externes et se
réfléchissent sous la pointe malléolaire pour se diriger en avant et en bas vers le bord externe
du pied. Leur luxation vers l'avant à la face cutanée de la malléole est rare ; elle est souvent
confondue avec une entorse externe. Pourtant le mécanisme est tout à fait différent
(contraction brutale active des péroniers, contrariée par un agent extérieur, pied en éversion).
Les symptômes (douleur et œdème) prédominent en rétro-malléolaire. Une sensation de
déplacement fugace est fréquente (Fig. 8). La radio de face de la cheville peut montrer
(rarement) un arrachement en coup d'ongle à la face superficielle du péroné.
Figure 8 : Luxation des tendons des péroniers. L'examen clinique doit être dynamique et rechercher
un déplacement antérieur des tendons lors des mouvements d'éversion contrariée de la cheville.
Rupture du tendon d'Achille
Les ruptures siègent électivement deux travers de doigt au dessus du calcanéum. Leur
mécanisme est bien particulier : contraction brutale du triceps sural, le plus souvent à la
réception d'un saut, sur l'avant pied. Le malade ressent une vive douleur, en coup de fouet, à la
face postérieure de la cheville. L'examen retrouve une douleur postérieure, au dessus du talon. A
la palpation du tendon on perçoit rarement une encoche, vite comblée par l'hématome. La
diminution de force de la flexion plantaire est peu significative. Deux signes d'examens cliniques
suffisent à affirmer le diagnostic. Ils sont recherchés sur un malade couché à plat ventre sur
une table d'examen, genoux en extension, les pieds débordant de la table. Du côté atteint le pied
chute verticalement vers le sol, alors que du côté sain il existe une légère flexion plantaire (15 à
20°) du fait de la tension du muscle triceps sural (signe de Brunet-Guedj) (Fig. 9). Dans la même
position, la pression transversale des masses musculaires du mollet n'entraîne pas de flexion
plantaire du pied (signe de Thompson-Campbell), contrairement au côté sain. La radiographie
standard de profil de l'arrière pied vérifie l'absence d'arrachement osseux du calcanéum.
Figure 9 : Rupture du tendon d'Achille
droit. Le pied est à 90° (signe de BrunetGuedj) et il existe une dépression visible
au niveau de la zone distale du tendon.
Les fractures de la malléole externe
Elles doivent être suspectées en cas de douleurs sur le bord postérieur de la malléole et en cas
d'atteinte du plan ligamentaire interne (Fig. 10a et 10b).
Figure 10a : Radiographie de face. Fracture peu déplacée de
la malléole externe.
Figure 10b : Radiographie de profil. Fracture peu déplacée de
la malléole externe.
Les fractures de la base du 5ème métatarsien
Il s'agit de fracture arrachement de la styloïde du 5ème métatarsien par le tendon du court
péronier latéral. Le mécanisme peut être une contraction active brutale du muscle lors d'un faux
pas ou d'une chute, plus habituellement il est voisin de celui qui engendre une entorse du LLE
(varus équin passif forcé). Les signes fonctionnels sont les mêmes que ceux d'une entorse du LLE.
Les signes physiques sont retrouvés plus bas, au bord externe du pied, trois à quatre travers de
doigt en bas et en avant de la pointe malléolaire (douleur exquise, hématome, œdème puis
ecchymose). La mobilisation douce de la cheville est cependant indolore. La palpation et la
mobilisation du 5ème métatarsien sont douloureuses, ainsi que l'éversion active du pied contre
résistance (contraction des muscles péroniers). La radiographie de profil de la cheville montre
rarement la base du 5ème métatarsien. C'est la radiographie de 3/4 du pied (ou «pied déroulé»)
qui confirmera le diagnostic (Fig. 11).
Figure 11 : Fracture de la base du 5ème métatarsien. Noter la mauvaise visualisation de celle-ci sur la
radiographie simple de profil.
Fractures de l'astragale
Les fractures parcellaires ou non déplacées passent souvent inaperçues lors de l'examen initial.
Les fractures ostéochondrales du dôme de l'astragale ne sont en général visibles que sur
d'excellents clichés de face de la cheville (Fig. 12a et 12b).
Figure 12b : Tomodensitométrie,
reconstruction frontale. La lésion
ostéochondrale est de petite taille mais
déplacée.
Figure 12a : lésion ostéochondrale de type fracturaire de l'angle supéro-externe
du dôme astragalien.
Les fractures des tubercules postérieurs de l'astragale entraînent une douleur rétro malléolaire
interne, retrouvée à la palpation, et réveillée à la contraction contrariée du gros orteil (le tendon
de son fléchisseur propre passant entre les deux tubercules) (Fig. 13). Elles doivent être
différenciées, sur le cliché de profil de la cheville, d'un os trigone (os surnuméraire inconstant)
qui peut aussi devenir douloureux après un traumatisme et n'est pas toujours bilatéral (Fig. 14).
Figure 14 : Os trigone chez un enfant.
Figure 13 : Tomodensitométrie montrant une fracture du tubercule postérieur de l'astragale.
La fracture du tubercule antéro-externe du corps de l'astragale, difficilement visible sur les
radiographies standards de profil entraîne une douleur palpable au bord antérieur de la pointe de
la malléole externe, entre celle-ci et l'orifice superficiel du sinus du tarse (Fig. 15a, 15b et 15c).
Figure 15b : Tomodensitométrie visualisant parfaitement le déplacement fracturaire.
Figure 15a : Fracture du tubercule antéro-externe peu visible sur le
cliché radiographique de profil.
Figure 15c : Ostéosynthèse à l’aide d’une vis.
Les fractures parcellaires de la tête astragalienne entraînent une douleur palpable de la tête de
l'astragale, au dos du pied, immédiatement en avant du cou de pied.
Les fractures totales non déplacées du col ou du corps de l'astragale entraînent une douleur plus
globale du cou de pied, mais le contexte clinique est très différent (traumatisme violent, chute
d'un lieu élevé).
Les fractures du calcanéum
Les fractures totales non déplacées et les fractures parcellaires sont difficiles à reconnaître.
Les fractures de la grosse tubérosité postérieure, parfois dites en soufflet, réalisent un
arrachement du tendon d'Achille avec son insertion osseuse et répondent au même mécanisme
que la rupture de ce tendon. Les douleurs siègent à la partie pos-téro-supérieure du calcanéum.
La fracture du tubercule pos-téro-interne de la tubérosité plantaire postérieure, succède à un
choc direct du talon au sol. La douleur élective est retrouvée à la partie plantaire interne de
celui-ci.
Les fractures du bec de la grande apophyse du calcanéum (partie la plus antérieure et externe du
calcanéum) entraînent une douleur exquise à la palpation du plancher de l'orifice superficiel du
sinus du tarse, en avant de la pointe de la malléole externe.
La fracture du tubercule des péroniers, très rare, entraîne une douleur à la palpation de celui-ci,
parfaitement palpable un travers de pouce au dessous de la pointe de la malléole externe.
Les fractures totales thalamiques ou péri thalamiques non déplacées sont responsables de
douleurs plus globales du talon, retrouvées à la pression transversale de celui-ci, au dessous des
malléoles. Mais le contexte clinique est totalement différent de celui d'une entorse du LLE
(chute d'un lieu élevé, polytraumatisé).
DIAGNOSTIC DES COMPLICATIONS TARDIVES DES ENTORSES
DU L.L.E.
Dans les suites éloignées d'une entorse de la cheville peuvent apparaître des troubles
fonctionnels associant diversement instabilité, douleur, et enraidissement. L'enquête s'orientera
vers une laxité chronique de la cheville, une lésion ostéochondrale de l'astragale ou une arthrose
tibio-tarsienne.
L'interrogatoire s'attache à vérifier rétrospectivement la réalité et la gravité de l'entorse
initiale (mécanisme, signes fonctionnels...) et s'enquiert des traitements réalisés. Il précise
ensuite le type du syndrome fonctionnel :
- Une instabilité pure oriente avant tout vers une entorse récidivante par laxité du LLE.
- Une arthropathie mécanique (douleur à la marche et au sport) doit évoquer de principe une
lésion ostéochondrale ou une arthrose.
- Une cheville douloureuse et instable, associe les deux syndromes précédents.
Syndrome d'instabilité latérale externe de la cheville
Comme pour toutes les articulations, trois types d'éléments (osseux, ligamentaire et musculaire)
participent à la stabilité de la cheville. Parmi les éléments osseux il faut citer la forme propre
des pièces osseuses et le valgus physiologique de l'arrière pied. Les ligaments sont représentés
par les trois faisceaux du LLE. Les muscles péroniers latéraux sont les stabilisateurs externes
actifs. Les ligaments n'interviennent pas uniquement comme des freins articulaires passifs,
haubans externes de l'articulation. Ce sont aussi des organes sensoriels qui contiennent des
récepteurs de la proprioception et qui renseignent les centres moteurs médullaires sur la force,
la direction et la vitesse du mouvement. Les centres moteurs régulent les ordres moteurs
véhiculés par le nerf sciatique poplité externe vers les muscles péroniers, ceux-ci par leur
contraction adaptée, contrôlent le mouvement et éventuellement l'arrêtent avant qu'il ne
devienne vulnérant pour les ligaments. Une instabilité de la cheville peut être non seulement le
résultat de l'atteinte mécanique du ligament mais aussi de la faillite d'un des éléments de la
boucle proprioceptive.
L'interrogatoire analyse le syndrome d'instabilité qui associe souvent une succession d'entorses
vraies, de dérobements plus ou moins indolores et de sensations d'insécurité.
Il faut apprécier les circonstances de l'instabilité (au sport, à la course, à la marche sur terrain
irrégulier ou normal), et noter l'aggravation dans le temps.
L'examen recherche une laxité externe de la cheville selon les mêmes modalités que celles
décrites précédemment à propos des entorses fraîches (Fig. 2 et 3). Le tiroir antérieur est
beaucoup plus perceptible que le varus dynamique. Il faut également rechercher un varus
constitutionnel de l'arrière pied susceptible de décompenser la laxité
Figure 3 : Recherche du tiroir antérieur.
Figure 2 : Réalisation de la
manœuvre en varus forcé. Noter
la technique d'empaumement du
talon.
Des clichés de la cheville de face et de profil vérifient 1'intégrité de 1'interligne tibio-péronéoastragalien et retrouvent parfois des calcifications sous-malléolaires témoignant d'arrachements
multiples.
Un cliché de face de l'arrière pied en charge avec cerclage métallique des malléoles (incidence de
Méary) vérifie l'axe de l'arrière-pied à la recherche d'un varus. En effet, la présence d'un varus
compromet l'efficacité de la réparation ligamentaire par les contraintes qu'il entraîne sur le
bord latéral de la cheville.
Des clichés dynamiques de la cheville, identiques à ceux décrits pour les entorses fraîches
recherchent un bâillement tibio-astragalien de face et un tiroir antérieur de profil (Fig. 4 et 5).
Figure 5 : Cliché dynamique montrant un tiroir astragalien antérieur supérieur à 8
mm.
Figure 4 : Cliché dynamique en varus forcé montrant un varus
de 15°.
Si les clichés dynamiques montrent une laxité externe, le diagnostic d'entorses récidivantes sur
laxité chronique est confirmé.
Dans le cas contraire, il faudra envisager les diagnostics différentiels que sont l'instabilité sousastragalienne (l'instabilité à la marche en terrain irrégulier en est le signe le plus évocateur), des
corps étrangers intra-articulaires, une luxation récidivante des tendons péroniers, un déficit des
muscles péroniers d'origine neurologique (il faut évoquer sur ce terrain une compression du nerf
sciatique poplité externe sous plâtre), et en dernier lieu un déficit fonctionnel proprioceptif des
ligaments cicatriciels.
L'arthropathie mécanique de la cheville
Dans les suites tardives d'une entorse externe, elle évoque avant tout une lésion ostéochondrale
du dôme astragalien.
L'interrogatoire recherche les éléments de ce syndrome mécanique pouvant associer, à une
douleur au sport ou au décours d'une activité sportive, des sensations de gonflements
douloureux, de blocages fugaces de l'articulation, ou une impression de corps étrangers intraarticulaires.
La palpation de la cheville peut déceler un point douloureux au niveau d'un des angles des bords
latéraux de la face supérieure du dôme astragalien, palpables en flexion plantaire maximale de la
cheville à la face antérieure du cou de pied.
Figure 12b : Tomodensitométrie,
reconstruction frontale. La lésion
ostéochondrale est de petite taille mais
déplacée.
Figure 12a : lésion ostéochondrale de type fracturaire de l’angle supéro-externe
du dôme astragalien.
Les radiographies standard de la cheville peuvent mettre en évidence une image de fracture (Fig.
12a et 12b), d'ostéochondrite sous la forme d'une petite dépression cupuliforme, amputant
l'angle de l'astragale soulignée par une sclérose osseuse, contenant parfois un petit séquestre
osseux non encore libéré dans l'articulation (Fig. 16), ou de géode intra-osseuse. Les fractures
siègent surtout dans la région antéro-externe de l'astragale alors que les ostéochondrites et les
géodes sont plus volontiers postéro-internes.
Figure 16 : Ostéochondrite interne du
dôme astragalien.
Un arthro-scanner montrera au mieux la lésion. Il appréciera sa taille et sa profondeur, de même
que l'état du cartilage articulaire, et recherchera un corps étranger libéré dans l'articulation
(Fig. 17).
Figure 17 :
Arthro-scanner.
Il existe 2 images de séquestre, le
cartilage astragalien est respecté.
Le diagnostic différentiel peut évoquer une séquelle capsulo-ligamentaire de l'entorse, capsulite
post-traumatique, responsable d'une douleur et d'un empâtement sous-malléolaire externe. Le
signe le plus fidèle en serait une limitation douloureuse de la flexion dorsale de la cheville en
appui monopodal. Parfois, un empâtement est palpé au niveau du carrefour péronéo-tibioastragalien. Les examens complémentaires sont peu utiles sauf peut-être l'IRM dans certains
cas. C'est l'arthroscopie de cheville qui confirme le diagnostic en visualisant une masse de tissu
cicatriciel fibreux qui pourra être excisée à l'aide d'instrument motorisé.
L'arthrose post-traumatique débute par une ostéophytose antérieure de l'articulation précédant
le pincement articulaire. Ce pincement se caractérise par une bascule en varus de l'astragale
avec pincement interne et baillement tibio-astragalien externe, et un conflit astragalomalléolaire interne (Fig. 18a et 18b).
Figure 18b : Radiographie de profil.
Figure 18a : Radiographie de face. Arthrose tibioastragalienne évoluée sur laxité chronique externe. Noter la
bascule en varus de l'astragale, le pincement articulaire
prédomine en interne.
La cheville douloureuse et instable
C'est en fait la situation clinique la plus fréquente où les deux syndromes précédents se
superposent. L'enquête diagnostique doit alors rechercher à la fois une laxité séquellaire et une
dégradation intra-articulaire. Un arthroscanner peut être utile afin de confirmer la rupture
ligamentaire et de rechercher une lésion intra-articulaire (Fig. 19a, 19b et 20).
Figure 19a : Arthrographie de cheville. Passage du produit de contraste sous la
pointe de la malléole externe.
Figure 19b : Arthroscanner. Opacification de la gaine des
péroniers.
Figure 20 : Arthroscanner prescrit pour bilan de cheville
douloureuse et instable. Il existe un début d'arthrose avec
pincement interne et bâillement externe. Noter le passage de
produit de contraste sous la malléole externe témoignant
d'une solution de continuité du plan ligamentaire externe.
PRINCIPES THERAPEUTIQUES
Entorses fraîches
Il est actuellement résolument fonctionnel, réservant le traitement chirurgical à de rares cas
particuliers.
a- Les moyens :
Les moyens utilisés dans la phase initiale sont la cryothérapie (vessie de glace, bain glacé), le
repos, la compression, l'élévation du membre, et la prescription d'antalgiques et antiinflammatoires (R.I.C.E. : rest, Ice, compression, élévation des Anglo-Saxons). Le strapping
(bandage élastique) est adapté aux entorses bénignes mais impose une surveillance cutanée
rigoureuse. Les immobilisations semi-rigides type Air-cast® assurent une bonne stabilisation dans
le plan frontal évitant ainsi la mise en tension ligamentaire, mais autorisant les mouvements de
flexion-extension. Elles remplacent actuellement la botte plâtrée dont elles évitent les
inconvénients iatrogènes. Il est indispensable qu'elles soient portées nuit et jour pendant toute
la durée prescrite.
Les bottes en plâtre ou en résine assurent une immobilisation stricte de la cheville mais doivent
éviter les compressions aux points d'appui (col du péroné, talon).
La rééducation, indiquée après une immobilisation, vise à récupérer les amplitudes articulaires,
lutte contre l'œdème, agit contre la douleur à l'aide des moyens de physiothérapie.
Progressivement est débuté le renforcement analytique des muscles péroniers, puis, après le
délai de cicatrisation ligamentaire, le travail de reprogrammation proprioceptif est entrepris.
b- Les indications :
Les entorses bénignes relèvent d'un traitement fonctionnel autorisant une reprise initiale de
l'appui sous couvert d'une contention (bandage, strapping...) et de médicaments antalgiques ou
anti-inflammatoires.
Les entorses de gravité modérée s'accompagnant d'emblée de douleurs importantes même à
l'appui et d'œdème doivent conduire à une immobilisation provisoire (plâtre ou contention semirigide type Air-cast®), à une suspension partielle de l'appui qui est protégé par une paire de
cannes, des médicaments antalgiques et anticoagulants, et une réévaluation clinique une semaine
après. Celle-ci permet de constater habituellement une évolution favorable et d'instituer un
traitement fonctionnel.
Les entorses graves comportant par définition une laxité par rupture ligamentaire imposent une
contention satisfaisante de la cheville pour 6 semaines. Dans les cas où l'impotence initiale est
très marquée, une immobilisation plâtrée est indiquée et sera relayée par une immobilisation
semi-rigide. Si le cortège douloureux est plus modéré, cette immobilisation peut être confiée à
une attelle de type Air-cast®.
Les indications chirurgicales sont réservées au sujet jeune, sportif, présentant une grande
laxité, et pratiquant une activité sportive particulièrement à risques. La chirurgie consiste alors
en une simple suture ligament collatéral suivie d'une contention par botte en résine ou de plus en
plus souvent par une immobilisation semi-rigide.
Il faut insister sur la place importante de la rééducation notamment proprioceptive en relais du
traitement orthopédique ou chirurgical.
Instabilité de cheville
La prise en charge thérapeutique initiale de toute cheville instable doit toujours faire appel à la
rééducation proprioceptive prolongée.
En complément et selon le niveau et le type de sport pratiqué, on peut associer des bandages
élastiques type strapping qui vont compenser le déficit ligamentaire lors de l'activité sportive ;
ou le port de semelle à coin pronateur postérieur (sous-calcanéen latéral).
Le traitement chirurgical n'est indiqué qu'en cas d'échec des traitements conservateurs.
Différentes techniques sont proposées.
Elles peuvent être conservatrices telles la suture directe des ligaments rompus, ou la remise en
tension ligamentaire (Fig. 21a et 21b).
Figure 21a : Suture directe des
faisceaux antérieur et moyen du LLE
avec fixation trans-osseuse et
éventuellement effet de retension
ligamentaire.
Figure 21b : Vue opératoire (cheville droite). La
pointe de la malléole externe est déshabitée. Les
ligaments restants en distal seront réinsérés sur la
malléole.
Ces sutures peuvent être protégées par des renforts tels celui prélevé aux dépens du ligament
frondiforme (Fig. 22a et 22b) ou le lambeau périostique de Roy-Camille prélevé sur la face
latérale de la malléole externe (Fig.23a, 23b, 23c et 23d). Ce dernier est alors divisé en 2
bandelettes longitudinales qui sont retournées et fixées en regard des insertions astragalienne
antérieure et calcanéenne du LLE.
Figure 22a : Prélèvement d'une
languette de ligament frondiforme qui
renforcera le faisceau antérieur du LLE.
Figure 22b : Ligament frondiforme.
Figure 23a : Prélèvement d'un lambeau
périostique à la face externe de la
malléole.
Figure 23c : Dédoublement et
retournement du lambeau.
Figure 23b : Vue opératoire. Un lambeau périostique
quadrangulaire à charnière inférieure est prélevé.
Figure 23d : Vue opératoire.
D'autres techniques font appel à des plasties ligamentaires de substitution autologues, telles la
ligamentoplastie de Castaing aux dépens du tendon du court péronier latéral (Fig. 24). De
nombreuses autres ligamentoplasties ont été décrites notamment celles qui utilisent l'hémitendon du court péronier latéral ou le plantaire grêle. Actuellement l'utilisation de ligaments
prothétiques n'est pas recommandée.
Figure 24 : Technique de Castaing. Le
court péronier latéral (peroneus
brevis) est laissé pédiculé sur son
insertion distale, il passe d'arrière en
avant à travers la malléole externe et
est suturé sur lui-même.
Nous préconisons la réalisation d'une suture voire d'une remise en tension ligamentaire associée
à un renfort (frondiforme + périostique). La cheville est alors immobilisée pour 6 semaines dans
une botte en résine voire moins longtemps si un relais est fait avec une attelle type Air-cast®.
En cas de varus de l'arrière-pied confirmé par les incidences de Méary, il faut réaliser une
ostéotomie de soustraction externe du calcanéum.
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