LES ENTORSES DE CHEVILLE
LES LESIONS
Les lésions isolées du ligament latéral interne (LLI) sont rares et seules les lésions du ligament
latéral externe (LLE) seront traitées dans cet article.
Une entorse bénigne correspond à une distension du ligament, sans rupture vraie. Elle ne lui fait
pas perdre son rôle de hauban articulaire. Elle affecte habituellement le faisceau antérieur du
ligament, ou péronéo-astragalien antérieur, tendu presque horizontalement du bord antérieur de
la malléole externe au col de l'astragale
(Fig. 1). Ce faisceau est mis sous tension dans
les mouvements forcés en flexion plantaire de
cheville associés à une adduction de l'arrière
pied.
Si le traumatisme est plus violent le faisceau
antérieur peut se rompre, ce qui définit une
entorse grave.
Si la violence du traumatisme est suffisante, la
rupture s'étend successivement aux deux
autres faisceaux du LLE, à savoir le faisceau
moyen (péronéo-calcanéen), puis le faisceau
postérieur (péronéo-astragalien postérieur).
Les entorses graves entraînent une
déstabilisation externe de l'articulation tibio-
astragalienne faisant apparaître lors du
mouvement forcé un bâillement externe de
l'articulation.
DIAGNOSTIC CLINIQUE
Le diagnostic d'entorse du LLE, est évoqué devant un sujet s'étant violemment «tordu» la
cheville. L'interrogatoire retrouve un mécanisme en varus équin, le pied s'étant couché sur son
bord externe. La douleur initiale est très vive, parfois syncopale. L'impotence fonctionnelle est
variable.
L'entorse est confirmée par l'examen qui retrouve une douleur pré-malléolaire externe, précise,
sur le trajet du faisceau antérieur du LLE. Une douleur sur le bord antérieur de la malléole est
habituellement retrouvée. Il faut palper les repères osseux qui, s'ils sont douloureux, doivent
faire rechercher une fracture : bord postérieur, pointe et partie haute de la malléole externe,
base du cinquième métatarsien, scaphoïde, talon.
Figure 1 : Cheville et arrière pied de profil (calque d'après
radiographie) - en grisé, les 3 faisceaux du ligament latéral
externe (péronéo-astragalien antérieur, péronéo-calcanéen,
péronéo-astragalien postérieur).
1 : malléole externe - 2 : pilon tibial - 3 : malléole interne - 4 :
astragale - 5 : tubercule antéro-externe de l'astragale - 6 :
scaphoïde tarsien - 7 : cuboïde - 8 : bec de la grande apophyse
du calcanéum - 9 : sinus du tarse - 10 : grande apophyse du
calcanéum - 11 : grosse tubérosité du calcanéum - 12 : tubercule
postérieur de l'astragale.
Le diagnostic clinique d'une entorse grave repose sur un faisceau de signes :
- Le traumatisme a été violent, avec impression de déboîtement ou de grand déplacement. La
sensation d'un craquement, surtout s'il a été audible, est très évocatrice. Par contre l'intensité
de la douleur et de l'impotence fonctionnelle n'est pas parallèle à la gravité de l'entorse. Au
contraire après la douleur initiale fulgurante commune à tous les types d'entorse, on observe
dans les entorses graves une sédation presque totale pendant quelques heures, suivie d'une
douleur permanente peu intense (classique évolution en trois temps), n'entraînant qu'une
impotence modérée. Au maximum, une sensation d'instabilité indolore à l'appui est très
évocatrice (mais elle est très rarement retrouvée).
- Il existe un volumineux hématome sous-cutané pré- et sous-malléolaire en œuf de pigeon,
apparu très précocement dans les minutes qui suivent le traumatisme. Quelques heures après, la
région péri-malléolaire est gonflée par un œdème plus étendu, la diffusion de l'hématome jusqu'à
la peau étant responsable de son aspect ecchymotique. Seuls les volumes de l'œdème et
l'étendue de l'ecchymose sont ici des signes de gravité.
- La mise en évidence d'une laxité tibio-astragalienne externe à l'examen clinique dynamique est
certes un signe de gravité, mais elle est aléatoire du fait du caractère douloureux de la
manœuvre qui nécessite pour certains l'usage d'ânes
Thésiques locaux. Elle ne saurait être recherchée avant que les
radiographies standards de la cheville n'aient confirmé l'absence de
fracture associée. L'examen est réalisé sur un patient en décubitus
dorsal, l'examinateur au pied du malade. On empaume d'une main le
talon par sa face externe, en sous-malléolaire, et de l'autre main le
quart inférieur de la jambe par sa face interne. Deux manœuvres sont
réalisées, très douces pour ne pas être douloureuses. Dans le plan
frontal, la main externe porte le talon en varus tentant de faire
bailler l'articulation de la cheville. Le mouvement anormal de
ballottement astragalien est rarement perçu. Le choc astragalien est
plus évocateur, traduisant le choc en retour de l'astragale contre la
malléole externe à l'arrêt de la contrainte (Fig. 2). Dans le plan
sagittal, on attire l'arrière pied vers l'avant à la recherche d'une
mobilité anormale de l'astragale glissant vers l'avant sous le tibia,
réalisant le tiroir antérieur (Fig. 3). La combinaison de ces manœuvres
recherche une sub-luxation rotatoire de l'astragale dans le plan
horizontal, autour du point fixe qu'est la malléole interne sur laquelle
s'insère le faisceau antérieur, intact, du LLI.
Figure 2 : Réalisation de la
manœuvre en varus forcé. Noter
la technique d'empaumement du
talon.
Figure 3 : Recherche du tiroir antérieur.
- L'étude du terrain est importante car elle conditionne les indications thérapeutiques. Deux
groupes de sujets peuvent être distingués. Les sujets jeunes, sportifs, actifs, éventuels
candidats à une indication chirurgicale en cas d'entorse grave, et chez qui la poursuite des
explorations complémentaires est justifiée. Les sujets à risques, âgés, obèses, insuffisants
veineux ou variqueux, qu'il ne faudra surtout pas exposer à des complications iatrogènes.
DIAGNOSTIC RADIOGRAPHIQUE
Le bilan radiographique standard de la cheville, réalisé avant tout examen dynamique,
recherchant des lésions associées, est indispensable au diagnostic différentiel. Il comporte des
incidences de face et de profil. Le cliché de face vérifie l'intégrité des malléoles. Un
arrachement de la pointe de la malléole externe signe une entorse grave. Un cliché de face en
légère rotation interne de jambe (environ 20°) est indispensable à la visualisation de l'interligne
articulaire et surtout de l'angle supéro-externe de l'astragale qui peut être le siège d'une
fracture ostéochondrale (l'atteinte du coin supéro-interne est plus rare). Le cliché de profil peut
montrer un discret arrachement osseux du col de l'astragale, signe d'entorse grave, ou en regard
de 1'interligne astragalo-scaphoïdien, traduisant une entorse grave de cette articulation
quelquefois associée. Les clichés du pied de face et de profil sont utiles pour vérifier l'absence
de lésion ostéo-articulaire en aval.
Le bilan radiographique dynamique de la cheville, vise à prouver et à quantifier la gravité de
l'entorse dans l'optique d'une indication chirurgicale. Il ne sera donc envisagé que pour une
entorse cliniquement grave et en fonction du terrain. Deux clichés sont réalisés, toujours
comparatifs (éventuellement sous anesthésie locale ou générale en préopératoire).
- Le cliché de face en varus forcé recherche un bâillement articulaire tibio-astragalien. L'angle
tibio-astragalien, ouvert en dehors est physiologiquement inférieur à 5 à 10°. Une bascule de
l'ordre de 15° correspond à une rupture isolée du faisceau péronéo-astragalien antérieur. Une
rupture conjointe des faisceaux antérieurs et moyens se traduit par un angle aux environs de
20°. Lorsque les trois faisceaux sont atteints, le bâillement avoisine ou dépasse les 30° (Fig. 4).
Figure
4 : Cliché dynamique en varus forcé montrant un varus de 15°.
- Le cliché de profil, en tiroir antérieur recherche une ouverture postérieure de l'articulation
par glissement de l'astragale vers l'avant. L'espace ainsi ouvert, mesuré à partir du bord
postérieur du pilon tibial, traduit le tiroir antérieur. Une mesure supérieure à 8 mm est
pathologique. Elle signifie au minimum la rupture du faisceau antérieur du LLE (Fig. 5).
Figure 5 : Cliché dynamique montrant un tiroir astragalien antérieur supérieur à 8
mm.
Les règles d'Ottawa édictées en 1994 ont précisé qu'un examen clinique précis et bien conduit
peut suffire au diagnostic d'entorse du LLE et permet d'éviter la prescription de radiographies.
Ce à la condition que : la palpation ne retrouve qu'une douleur sur le trajet et les insertions des
faisceaux du LLE ; il n'y ait pas de douleurs sur les autres repères osseux (bord postérieur et
pointe de la malléole, styloïde du 5ème métatarsien, scaphoïde, talon, ...) ; le patient soit capable
de marcher en charge plus de 4 pas (Fig. 6a et 6b). Ces règles n'ont été validées qu'après une
étude prospective sur une population entre 18 et 60 ans. Le patient doit être clairement informé
et obligatoirement revu dans les jours suivants en consultation par un médecin expérimenté pour
un nouvel examen.
Figure 6a : Critères d'Ottawa, vue latérale. Une
douleur sur une zone grise ou hachurée impose
une radiographie.
Figure 6b : Critères d'Ottawa, vue médiale. Une
douleur sur une zone grise ou hachurée impose
une radiographie.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
La prise en charge initiale d'un traumatisme récent de la cheville impose de bien connaître les
autres lésions traumatiques que l'on peut rencontrer au niveau de l'arrière pied.
Les entorses sous-astragaliennes
Elles correspondent à un arrachement du ligament en haie dans le sinus du tarse. Leur mécanisme
est voisin de celui de l'entorse du LLE. La douleur est discrètement plus basse, juste en avant de
la pointe de la malléole externe, au fond de la dépression correspondant à l'orifice externe du
sinus du tarse.
Les entorses médio-tarsiennes (ou du Chopart)
Elles intéressent les articulations astragalo-scaphoïdienne et calcanéo-cuboïdienne. Leur
mécanisme est voisin de celui de l'entorse du LLE de la cheville, mais le LLE et la cheville sont ici
indolores. La douleur siège au dos du pied et à son flanc externe, réveillée par la mobilisation de
l'articulation (une main mobilisant l'avant-pied, l'autre bloquant le talon).
L'entorse du faisceau antérieur des ligaments péronéo-tibiaux inférieurs
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