Sur les extensions de Q `a groupe de Galois S4 et ˜

ACTA ARITHMETICA
LXIX.3 (1995)
Sur les extensions de Q`a groupe de Galois S4et e
S4
par
Arnaud Jehanne (Talence)
Introduction. Soient k0un corps et ks
0une clˆoture s´eparable de k0. Soit
K/k0une sous-extension de ks
0/k0de clˆoture galoisienne N/k0. Le groupe
de Galois Gde N/k0peut ˆetre vu comme groupe de permutations sur les
racines d’un polynˆome d´efinissant K/k0, isomorphe `a un sous-groupe du
groupe sym´etrique Sn. I. Schur a d´emontr´e que pour n4, H2(Sn,1})
est bicyclique d’ordre 4. Il existe donc `a isomorphisme pr`es trois extensions
centrales non triviales de Snpar 1}.
Dans ce travail, nous consid´erons l’extension e
Snde Snnot´ee II0dans [Sc],
p. 164 et d´ecrite dans [Se1], p. 654, en nous limitant au cas n= 4. Dans
e
Sn, toute transposition de Snest relev´ee en un ´el´ement d’ordre 2 et tout
produit de deux transpositions `a supports disjoints est relev´e en un ´el´ement
d’ordre 4. Ajoutons que l’on peut donner une interpr´etation g´eom´etrique de
l’extension e
S4de S4,S4´etant isomorphe `a PGL2(F3) et e
S4`a GL2(F3). De
fa¸con g´en´erale, on d´efinit l’extension e
Gde Gen plongeant Gdans Sn.
L’´etude d´ecrite dans cette note s’inspire de l’article de C. Bachoc et
S.-H. Kwon sur le groupe A4(voir [B-K]), qui admet une unique extension
centrale non triviale par 1}, laquelle a une r´ealisation dans le groupe des
quaternions usuels de norme 1 : 1,±i, ±j, ±k, (±1±i±j±k)/2}.
Ce travail consid`ere le cas o`u k0=Qet o`u Gest isomorphe `a S4. La
premi`ere partie d´ecrit les extensions `a groupe de Galois S4et en ´etudie les
ramifications. La seconde utilise un th´eor`eme de Serre ([Se1]) — qui permet
de lier la possibilit´e de plonger N/k0dans une extension e
N/k0de groupe
de Galois e
G`a la valeur de l’invariant de Witt de la forme quadratique
TrK/k0(x2) — pour donner une condition suffisante de plongement portant
sur les ramifications de nombres premiers dans l’extension N/Q.
Dans une troisi`eme partie, nous consid´erons le cas o`u N/Qest plon-
geable et cherchons `a r´ealiser le plongement en minimisant le nombre de
places ramifi´ees. La quatri`eme partie discute ensuite l’existence d’une classe
au sens restreint d’ordre 2 dans la clˆoture galoisienne Nde toute extension
[259]
260 A. Jehanne
quartique de Qde type S4dans le cas o`u Nest plongeable dans une ex-
tension galoisienne de Q`a groupe de Galois isomorphe `a e
S4. En fait, nous
d´emontrons l’existence d’une telle classe dans le cas o`u Kest totalement r´eel,
que Nsoit plongeable ou non (th´eor`eme IV.2), et donnons une condition
suffisante d’existence dans le cas plongeable (th´eor`eme IV.3).
La derni`ere partie utilise le paragraphe III pour calculer des polynˆomes
d´efinissant les corps `a groupe de Galois e
S4qui r´ealisent les plongements de
corps `a groupe de Galois S4et de d´eterminer les discriminants minimaux
des corps de degr´e 8 de type e
S4.
Dans le cas o`u k0=Qet o`u l’extension e
Gde G(le groupe Gn’´etant
pas n´ecessairement isomorphe `a S4) est non triviale (i.e. e
Gn’est pas produit
direct de Gpar un sous-groupe d’ordre 2), J. Martinet a conjectur´e que le
plongement e
GGn’est possible que lorsque le nombre de classes au sens
restreint h+
Nde Nest pair. Quand Gest isomorphe `a S4, le th´eor`eme IV.2
d´emontre cette conjecture dans le cas totalement r´eel, et mˆeme un r´esultat
plus pr´ecis : le nombre de classes au sens restreint du sous-corps K0de N
de degr´e 2 sur Kest pair.
Toutefois, `a la suite du th´eor`eme IV.3, nous donnons des contre-exemples
`a la parit´e de h+
K0dans le cas d’une signature mixte et exhibons mˆeme un
exemple pour lequel h+
Nest impair (cf. exemple 1, §IV). Le caract`ere semble-
t-il largement al´eatoire de la parit´e du nombre de classes dans une extension
cubique donne `a penser que le nombre de classes au sens restreint de Nest
souvent impair lorsque celui de K0l’est. Aussi, sans doute convient-il de
se limiter aux corps totalement r´eels pour comparer la parit´e du nombre
de classes au sens restreint et la possibilit´e de construire un plongement
e
GG, suppos´e non trivial.
Pour les exemples num´eriques, les calculs ont ´et´e faits `a l’aide du logiciel
PARI, r´ealis´e par C. Batut, D. Bernardi, H. Cohen et M. Olivier `a Bor-
deaux. Des tables de corps quartiques ´etablies par J. Buchmann, D. Ford et
M. Pohst (cf. [Bu-Fo] et [Bu-Fo-Po]) ont ´egalement ´et´e utilis´ees.
Remerciements. Je remercie Jacques Martinet pour m’avoir guid´e dans
ce travail, ainsi que Christine Bachoc et Francisco Diaz y Diaz pour m’avoir
fait profiter de leur connaissance du sujet. Je remercie ´egalement Sigrid
oge et Philippe Cassou-Nogu`es pour leurs nombreuses remarques et sug-
gestions.
I. Extensions `a groupe de Galois S4.Reprenons les notations de
l’introduction avec G'S4comme groupe de Galois de l’extension N/k0.
L’´etude des sous-groupes de S4donne le diagramme de Hasse suivant :
Extensions de Q`a groupe de Galois S4et e
S4261
Diagramme I.1 :
N
4K06KC 3L0
3L3e
LC0
4K3C
k
k0
322
2
4
22
2
3
4
3
2
Le corps Cest une extension cubique non galoisienne de k0de clˆoture
galoisienne C0qui contient l’extension quadratique kde k0associ´ee `a K/k0,
c’est-`a-dire l’extension d´efinie par l’unique caract`ere d’ordre 2 de G. Soient
Het gles groupes de Galois respectifs de N/K et de N/C, d´efinis `a conjugai-
son pr`es dans G;Hest isomorphe `a S3et gau groupe di´edral D4d’ordre 8.
Les extensions N/L,N/C0et L0/C sont bicycliques d’ordre 4, N/e
Lest cy-
clique d’ordre 4 et N/K est di´edrale d’ordre 6. Si l’on identifie Gal(N/Q) `a
S4agissant par permutations des indices sur l’ensemble {γ1, γ2, γ3, γ4}des
racines d’un polynˆome d´efinissant K`a conjugaison pr`es, on prendra par
exemple le corps K0(resp. KC,L0) fix´e par le sous-groupe de S4engendr´e
par (123) (resp. (12), (12)(34)).
On d´efinit une norme NC/k0du groupe des extensions quadratiques de
Ccontenues dans Nsur celui des extensions quadratiques de k0de la fa¸con
suivante : si Lest une extension quadratique de C, il lui correspond un
´el´ement xde H1(g, 1}). On notera NC/k0(L) l’extension quadratique
de k0d´efinie par Cor(x) o`u Cor est la corestriction de H1(g, 1}) dans
H1(G, 1}) (voir [Ma], p. 365). La norme sur k0de l’extension C0/C est
´egale `a k/k0. Comme les normes des extensions e
L/C et L/C sont incluses
dans N/k0, on en d´eduit que l’une d’entre elles est triviale, l’autre ´etant
´egale `a k/k0.
Th´
eor`
eme I.2.L’extension L/C est de norme triviale.
P r e u v e. Soient xl’´el´ement de H1(g, 1}) correspondant `a l’extension
L/C et χun ´el´ement de Hom(g, 1}) repr´esentant x(i.e. Ker(χ) fixe L).
262 A. Jehanne
Tableau I.3
C L k K K0Commentaire
p1p0
1p00
1p2
1p02
1p00
2p1p0
1p2
2p2
2p02
2G1'C2×C2
G1A4
p1p0
1p00
1p2
1p02
1p00
1p000
1p1p0
1p2
1p02
1Q4
i=1 p(i)2
1G1=G0A4
|G0|= 2
p1p0
1p00
1p2
1p02
1p002
1p1p0
1p4
1p4
1p04
1G1=G0A4
G0'C2×C2, p = 2
p1p0
2p2
2p0
1p00
1p2p2
1p02
1p2
2p02
2|G0|= 2
ou p2p02
2ou p2
2ou p2
4G0A4
p1p0
2p2
2p02
1p2p4
1p4
2G0'C2×C2,p= 2
G1'D4,G0A4
p1p02
1p1p0
1p004
1p2
1p2
1p02
1p4
1p04
1G0'C2×C2
ou p2p04
1ou p2
2ou p4
2G06⊆ A4,p= 2
p1p02
1p2
1p04
1p2
1p4
1p4
1p04
1G0cyclique
ou p4
2d’ordre 4
p1p02
1p2
1p04
1p2
1p4
1p8
1G0'D4
p= 2
p1p02
1p1p0
1p002
1p0002
1p2
1p1p0
1p002
1p2
1p02
1p002
1p0002
1|G0|= 2
G06⊆ A4
p1p02
1p1p0
1p002
2p2
1p2p02
1p2
2p02
2|G0|= 2, G06⊆ A4
G1'C2×C2
p3
1p3
1p03
1p1p0
1p3
1p0
1p3
1p03
1p00
1p000
1|G0|= 3
ou p2ou p3
2p0
2
p3
1p3
1p03
1p2
1p3
1p0
1p6
1p02
1|G0|= 6
p= 3
p3
1p6
1p1p0
1p4
1p4
1p04
1G0'A4
ou p2ou p4
2p= 2
Soit VerC
k0le transfert de Gab vers gab, o`u Gab et gab sont les groupes G
et grendus ab´eliens. Comme L=NKer(χ),NC/k0(L) = NKer(χVerC
k0). Par
cons´equent, nous sommes ramen´es `a montrer que χVerC
k0est trivial. Le
quotient gab est repr´esent´e par l’ensemble {1, τ, σ, τσ}o`u τest une transpo-
sition et σun ´el´ement d’ordre 4 de g. Soit cun ´el´ement d’ordre 3 de Gtel que
hc, τisoit isomorphe au groupe sym´etrique S3d’ordre 6. Le quotient Gab est
repr´esene par {1, τ }et G/g par S={1, c, c2}. Quand on ´ecrit pour tS:
=a(t, τ)·b(t, τ), o`u a(t, τ )get b(t, τ )S, on voit que la permutation
a(t, τ) est une transposition puisqu’elle est impaire et contenue dans hc, τi.
Ainsi, QtSa(t, τ), qui v´erifie les mˆemes propri´et´es, est l’´el´ement de Gab
Extensions de Q`a groupe de Galois S4et e
S4263
repr´esene par les transpositions de g. Comme Gal(N/KC) est engendr´e
par une transposition, χVerC
k0est bien trivial.
On suppose que k0est le corps des fractions d’un anneau de Dedekind A,
`a corps r´esiduels parfaits, relativement auquel sont d´efinis les conducteurs.
Le groupe Gposs`ede cinq caract`eres irr´eductibles. Trois d’entre eux rel`event
les caract`eres irr´eductibles du groupe sym´etrique S3: le caract`ere trivial 1, le
caract`ere de signature ε(dont le noyau fixe k) et un caract`ere ϕde degr´e 2.
Les deux autres sont des caract`eres fid`eles de degr´e 3, not´es χet χ0, o`u χest
la repr´esentation naturelle de S4dans R3et o`u χ0=εχ (voir par exemple
[Se3]). Soit ψle rel`evement `a gdu caract`ere non trivial de Gal(L/C). On
v´erifie que χest induit par ψet que le caract`ere de permutation de G/H est
´egal `a 1 + χ. Ainsi, dK/k0=dC/k0·NC/k0(dL/C ). Comme NC/k0(dL/C ) est
un carr´e, on obtient dK/k0=dC/k0·g2=dk/k0·(f·g)2, o`u fest l’id´eal de A
tel que dC/k0=dk/k0·f2. En particulier, la ramification dans Kd’un id´eal
premier quelconque de k0se lit dans les extensions C/k0et L/C. Si k0=Q,
on a dK=dk(fg)2=dCg2, o`u fet gsont des entiers strictement positifs.
Posons k0=Q. Soit pun nombre premier ramifi´e dans Ket Pun id´eal
de ONau-dessus de p. On note respectivement G1et G0le groupe de
d´ecomposition et le groupe d’inertie de Pdans N/Q. Le tableau I.3 donne
les d´ecompositions possibles de pdans les corps C,L,k,Ket K0. (Dans ce
tableau, C2d´esigne un groupe d’ordre 2.)
II. Le probl`eme de plongement e
S4S4.Reprenons les notations du
paragraphe I. Si l’on suppose l’extension N/k0plongeable dans une extension
e
N/k0`a groupe de Galois isomorphe `a S4, la caract´erisation de e
Sndonn´ee
dans l’introduction montre que l’extension e
N/K0est cyclique d’ordre 6.
De plus, on peut d´ecrire un 2-sous-groupe de Sylow de e
S4`a l’aide de la
pr´esentation suivante : heτ , eσ:eτ2=eσ8= 1; eτeσeτ1=eσ3i. Soit e
K0l’unique
extension quadratique de K0contenue dans e
N; on remarque que e
K0est une
extension bicyclique de degr´e 4 de K. On note e
Ket K00 les deux extensions
quadratiques de Kdistinctes de K0contenues dans e
K0. Les deux extensions
e
N/ e
Ket e
N/K00 sont di´edrales d’ordre 6. Par la suite, nous dirons que K
est plongeable dans le cas o`u l’extension N/k0sera plongeable dans une
extension e
N`a groupe de Galois isomorphe `a e
S4.
Comme l’extension C/k0est de degr´e impair, on montre :
Proposition II.1.L’extension N/k0est plongeable dans une extension
de groupe de Galois e
Gsi et seulement si l’extension N/C est plongeable
dans une extension de groupe de Galois eg,extension centrale correspondant
`a Res(x), o`u Res est la restriction de H2(G, 1})dans H2(g, 1})et x
l’´el´ement de H2(G, 1})correspondant `a e
G.
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