École des Mines de Douai — FIAASMathématiques Équations différentielles
Chapitre 3
Équations différentielles
F. Delacroix, École des Mines de Douai, 10 septembre 2010
Introduction
Présentation et objectifs
Les équations et systèmes différentiels les plus variés apparaissent dans quasiment tous
les domaines scientifiques où l’analyse est utilisée pour modéliser les phénomènes : méca-
nique (phénomènes oscillatoires, cinématique, . . .), thermodynamique, chimie (cinétique
chimique, équilibres. . .), électricité et électronique, économie. . .
Certaines équations peuvent être résolues explicitement, d’autres non. Certaines solu-
tions de ces équations peuvent être exprimées à l’aide de fonctions usuelles, tandis que
d’autres donnent lieu à la définition de nouvelles fonctions (l’exponentielle par exemple, ou
les fonctions de Bessel qui seront étudiées FI1A), et des méthodes numériques permettent
d’approcher les solutions cherchées.
On commence ici par préciser le cadre théorique (qu’entend-on par « équation dif-
férentielle » ?), et par énoncer quelques résultats généraux, notamment le théorème de
Cauchy-Lipschitz, qui permet d’identifier une solution particulière grâce à une ou plu-
sieurs conditions initiales.
On s’intéresse ensuite au cas plus particulier des équations et systèmes différentiels
linéaires, d’abord du premier ordre, puis d’ordre supérieur, et on termine avec quelques
exemples d’équations non linéaires résolubles et un aperçu d’une méthode numérique
classique : la méthode d’Euler.
Prérequis:
Chapitre 1
Algèbre linéaire et calcul matriciel (SUP)
Analyse et topologie (limites, continuité, dérivation, développements limités) (SUP)
Intégration (SUP)
Equations différentielles (SUP)
Suites:
Chapitres 5, 9
Analyse 1ère année (transformations intégrales, fonctions spéciales, EDP,. . .)
Analyse numérique
Thermodynamique, Electromagnétisme, Mécaniques classique, quantique et relativiste
Electronique
Traitement du signal
Exemples
1
Chapitre 3 MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Exemple 1
Lors d’une réaction chimique, les espèces réactives ont d’autant plus de chance de se
rencontrer (et donc de réagir) que leur concentration est importante, et ce de manière
proportionnelle (ceci pour des concentrations assez faibles, inférieures à 1mol.L1en
solution aqueuse), et ce phénomène caractérise la vitesse de réaction :
v=αc
vest la vitesse de disparition (en mol.L1.s1) d’une certaine espèce réactive, cla
concentration (en mol.L1) de cette même espèce et αune constante de proportionna-
lité strictement positive (dont la dimension est l’inverse d’un temps).
D’autre part, la vitesse de disparition vest la variation (c’est-à-dire la dérivée par
rapport au temps) de c:
v=dc
dt
(le signe permettant d’avoir un résultat positif).
Quelle est, au cours du temps, l’évolution de la concentration c?
L’exemple précédent présente une situation concrète dont la modélisation conduit à
l’équation différentielle linéaire scalaire homogène
dc
dt =αc
admettant pour solutions bien connues les fonctions du type
c(t) = c0eαt
c0est une constante réelle arbitraire qui physiquement s’interprète comme la concen-
tration en réactif à l’instant t= 0 choisi.
De cette situation simple découlent déjà plusieurs concepts fondamentaux dans l’étude
des équations différentielles :
une équation différentielle est une relation liant une fonction inconnue et sa (ou ses)
dérivée(s).
Une solution d’une équation différentielle est donc une fonction dérivable, ce qui
suppose en plus la donnée de son domaine de définition. À cet égard, on cherche
à définir les solutions sur les intervalles les plus grands possibles, conduisant à la
notion de solution maximale. On verra qu’il n’est pas toujours possible de définir
les solutions sur le même domaine que l’équation elle-même.
Les solutions d’une équation différentielle ne sont en général pas uniques. La donnée
d’une condition supplémentaire, nommée condition initiale telle la valeur de c0
dans l’exemple ci-dessus, peut permettre de déterminer une solution de manière
unique. C’est la notion de problème de Cauchy, problèmes auxquels le théorème
de Cauchy-Lipschitz s’adresse.
Une équation différentielle peut être scalaire (c’est-à-dire que la solution prend des
valeurs réelles) ou vectorielle (la solution est à valeurs dans un espace vectoriel plus
général). C’est le cas de l’exemple 2 suivant.
2
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Exemple 2
Un proton de masse met de charge électrique epénètre dans une chambre à bulle
où règne un champ magnétique
Bconstant et uniforme. Le référentiel du laboratoire
étant supposé galiléen, le proton est soumis à une force de frottement fluide modélisée
par
f=k
vkest une constante positive et
vest la vitesse du proton.
Quel type de trajectoire obtient-on ?
Le proton est soumis à son poids (négligé), la force de frottement fluide et la force de
Lorentz
F=e
v
B. En appliquant le principe fondamental de la mécanique :
f+
F=m
a
a=d
v
dt est l’accélération. On aboutit donc à l’équation différentielle linéaire vecto-
rielle du premier ordre dont
vest solution :
d
v
dt =k
m
v+e
m
v
B
On obtient la trajectoire du proton en prenant la primitive adéquate de la fonction
v
du temps. Cette primitive étant elle-même vectorielle, on obtient une courbe paramétrée
de l’espace.
Ici le qualificatif d’«équation» différentielle est justifié par le fait qu’il y a une fonction
inconnue,
v. Mais le fait que cette fonction soit vectorielle (à valeurs dans un espace à
trois dimensions) permet également de la considérer comme la donnée de trois fonctions
à valeurs scalaires (vx,vy,vz), représentant les coordonnées cartésiennes de
vdans une
base orthonormée fixe. Alors, en explicitant le produit vectoriel
v
B, on obtient un
système différentiel (dont les inconnues ne sont pas correctement alignées) :
dvx
dt =k
mvx+e Bz
mvye By
mvz
dvy
dt =k
mvy+e Bx
mvze Bz
mvx
dvz
dt =k
mvz+e By
mvxe Bx
mvy.
Cet exemple montre que les notions d’équation différentielle et de système différen-
tiel ne font qu’une : tout système différentiel peut être considéré comme une équation
différentielle vectorielle. D’autre part, le qualificatif de «linéaire» est extrêmement impor-
tant. Il se justifie par le fait que l’application qui (à tfixé) à (vx, vy, vz)associe le second
membre du système est une application linéaire. D’ailleurs, le système différentiel peut
encore s’écrire comme d
v
dt =A
v
Aest la matrice de cette application linéaire :
A=
k
m
e Bz
me By
m
e Bz
mk
m
e Bx
m
e By
me Bx
mk
m.
3
Chapitre 3 MathématiquesÉcole des Mines de Douai — FIAAS
Les équations et systèmes différentiels linéaires ont beaucoup de propriétés impor-
tantes, notamment concernant la structure de l’ensemble de leurs solutions et leur inter-
valle de définition. De tels systèmes impliquent généralement une réduction de la matrice
A, réduction qui sera étudiée au chapitre 5.
Une feuille de calcul maple en annexe A (page 20) propose la résolution complète
de cet exemple, et cette feuille est jointe à la version PDF de ce poly, accessible par
double clic sur l’icône ci-contre.
D’autres équations, du type y0= sin you y0=x y2sont dites non linéaires car
ne peuvent être présentées comme précédemment. L’étude des non-linéarités (et des phé-
nomènes de stabilité associés) sont une difficulté majeure en physique, thermodynamique,
automatique, électronique. . .
1 Définitions
1.1 Équation différentielle ordinaire du premier ordre
Soient Uun ouvert de R×Rm(où mN) et f:URmune application continue.
On considère l’équation différentielle du premier ordre
(E)y0=f(t, y)
définie pour tRet yRm. L’objet de la définition suivante est de formaliser la notion
intuitive de solution d’une équation différentielle.
Définition 3
Une solution de (E)sur un intervalle Ide Rest une fonction dérivable y:I
Rmtelle que
tI, ((t, y(t)) U
y0(t) = f(t, y(t)).
On dit aussi que le couple (I, y)est une solution de (E).
Mettre en évidence qu’un système différentiel à minconnues peut être vu
comme une équation différentielle à valeurs vectorielles.
La définition suivante du problème de Cauchy donnera lieu à l’un des plus importants
théorèmes généraux sur les équations différentielles : le théorème de Cauchy-Lipschitz.
Définition 4 (Problème de Cauchy)
Soit (t0, y0)U. Le problème de Cauchy associé à (E)et (t0, y0)consiste à
déterminer les solutions (I, y)de (E)où l’intervalle Icontient t0vérifiant de plus
y(t0) = y0. La donnée (t0, y0)s’appelle la condition initiale.
Mettre en évidence un problème de Cauchy associé à la charge du condensateur
dans un circuit série de type RC, fermé par un interrupteur à l’instant t= 0.
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Définition 5 (Courbes intégrales)
On appelle courbe intégrale d’une équation différentielle (E)la courbe repré-
sentative d’une solution de (E).
Résoudre un problème de Cauchy revient donc à déterminer lesquelles des coubes
intégrales de (E)passent par le point (t0, y0).
Illustrer graphiquement ce phénomène dans le cas du circuit RC précédent.
1.2 Solutions maximales
On reprend la notation précédente d’une équation différentielle
(E)y0=f(t, y).
On l’a vu, la donnée d’une solution (I, y)d’une équation différentielle (E)inclut l’intervalle
Isur lequel elle est définie. Comment distinguer, parmi ces innombrables possibilités,
les solutions réellement intéressantes, celles définies sur les intervalles les plus grands
possibles ?
Définition 6
1. Soient y:IRmet e
y:e
IRmdeux solutions de (E). On dit que (e
I, e
y)
est un prolongement de (I, y)si
Ie
Iet e
yI=y.
Dans ce cas, on note (I, y)4(e
I, e
y), ce qui définit une relation d’ordre sur l’en-
semble des solutions de (E).
2. Une solution maximale de (E)est un élément maximal pour cette rela-
tion d’ordre, c’est-à-dire une solution (I, y)de (E)n’ayant d’autre prolongement
qu’elle-même :
(e
I, e
y)solution de (E),(I, y)4(e
I, e
y)=(I, y) = (e
I, e
y).
Rappeler ce qu’est une relation d’ordre. S’agit-il d’un ordre total ?
L’intérêt de la notion de solution maximale vient du théorème suivant, dont la démons-
tration est élémentaire.
Théorème 1
Toute solution de (E)se prolonge en une solution maximale.
Démontrer que ce prolongement est unique.
En considérant l’équation différentielle
y0=f(t, y)f:R×RR
(t, y)7−3|y|2
3
montrer que les solutions maximales d’un problème de Cauchy ne sont pas
toujours uniques.
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