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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
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chercheur à l'UFR des Sciences de la Santé de l'Université Gaston Berger de Saint Louis (Sénégal), le jeune
biologiste s'est particulièrement intéressé à l'Aspergillus clavatus et, dans un deuxième temps,
à l'Aspergillus flavus, deux entomopathogènes opportunistes.
Le choix des deux experts s'est porté sur une espèce bien connue dans les zones tropicales et
subtropicales, le Culex quinquefasciatus. De taille moyenne, ce moustique est essentiellement nocturne.
Sa femelle a pour particularité de piquer prioritairement les oiseaux et, lorsqu'elle n'en trouve
pas, de s'en prendre aux humains après avoir investi leurs lieux de vie au gré de bourdonnements
prononcés. Plus grave: le Culex quinquefasciatus est vecteur de maladies aussi redoutables chez
l'homme que la filariose lymphatique, causée par de minuscules vers parasites (nématodes) et
caractérisée par l'atrophie des membres. A l'heure actuelle, près de 120 millions de personnes des
régions tropicales et subtropicales sont atteintes par la filariose. L'insecte a également la spécificité
de produire des larves en très grandes quantités, capables de coloniser entièrement la surface d'eaux
polluées: flaques, caniveaux, égouts, fosses septiques, etc.
"La première partie de notre travail a consisté à évaluer le pouvoir pathogène d'Aspergillus
clavatus et d'Aspergillus flavus par comparaison avec un pathogène bien connu, le Metarhizium
anisopliae, dont certaines souches sont déjà agréées dans le commerce pour la lutte biologique d'autres
insectes. Pas simplement à évaluer le pouvoir insecticide, mais aussi la capacité à produire des spores
(les propagules responsables de l'infection) sur deux types de substrats pouvant être utilisés pour la
mise en culture de tels organismes: le riz blanc et le son de blé". L'opération, menée d'abord
à petite échelle dans des fioles d'incubation puis reproduite dans des bioréacteurs, s'est vite
avérée concluante: la culture des Aspergillus sur ces deux substrats est aisée et peu onéreuse. Par ailleurs,
le pouvoir insecticide des spores vis-à-vis des larves du moustique est, grosso modo, identique à celui des
spores de Metarhizium.
La microscopie électronique en renfort
La méthode de production étant mise au point et le caractère insecticide étant avéré, les deux chercheurs
se sont intéressés à la compréhension en profondeur du mécanisme d'action des spores sur les larves du
moustique. "Classiquement, pour les insectes terrestres, la spore d'un champignon entomopathogène adhère
à la cuticule de l'animal. Elle y "colle" littéralement, mais il ne s'agit là que d'une interaction passive,
non spécifique. C'est seulement au terme d'un mécanisme de reconnaissance de l'hôte que la spore finit par
germer. Elle produit alors un filament infectieux qui pénètre le corps de l'insecte grâce à des pressions
physiques et enzymatiques. Une fois à l'intérieur, le champignon produit des métabolites toxiques
destinés à venir à bout de son système immunitaire. Les tissus se nécrosent et sont déstructurés par la
prolifération de filaments. L''animal finit par mourir. Or ici, il ne s'agit pas d'insectes
adultes, mais bien de larves qui vivent dans un milieu strictement aquatique ! Je voulais donc identifier la voie
d'entrée par laquelle la toxicité des spores s'exerce sur le Culex quinquefasciatus. Le schéma classique serait-
il reproduit ? Ou d'autres voies d'entrées dans le corps seraient-elles en jeu ?"
Pour répondre à ces questions, Thomas Bawin s'est rendu chez Philippe Compère, chef de travaux au
laboratoire de Morphologie fonctionnelle et évolutive de l'Université de Liège. Il y a infecté ses larves avec
les spores d'Aspergillus clavatus, qui s'est montré le plus virulent. Ensuite, à intervalles réguliers répartis
sur 48 heures, il a suivi le cheminement des spores dans le corps de l'insecte grâce aux techniques de