33 DE L’ÉTAT-GENDARME À L’ÉTAT-PROVIDENCE Les théoriciens libéraux affirment qu’en économie de marché, l’État doit se contenter d’assurer ses missions régaliennes ; c’est ce qu’on a appelé l’Étatgendarme. Mais dans la première moitié du XXe siècle, l’intervention économique et sociale s’est développée : l’État-gendarme fait place à l’État-providence. NAISSANCE ET DÉVELOPPEMENT DE L’ÉTAT-PROVIDENCE q L’État-gendarme, quelle réalité ? L’expression État-providence apparaît au cours de la seconde moitié du XIXe siècle puisqu’elle est employée, pour la première fois, par un député libéral en 1870, Émile Olivier. Cependant, l’expression est péjorative, car elle dénonce la prétention de l’État à se substituer à la providence divine. Seul le marché peut réguler l’économie et l’État ne doit avoir pour seules fonctions que ses missions régaliennes : la défense de la propriété privée contre les agressions intérieures (domaine de la police et de la justice) ou extérieures (domaine de l’armée). Néanmoins, la réalité montre que l’État est toujours intervenu et que son rôle a dépassé les limites du simple État-gendarme en pratiquant des politiques protectionnistes ou en prenant en charge, directement ou indirectement, des investissements difficilement rentables pour le secteur privé (infrastructures), mais indispensables à la collectivité, ainsi que dans le domaine de l’éducation, afin de fournir une main-d’œuvre suffisamment qualifiée pour faire face aux besoins de l’industrie. q L’émergence de l’État-providence L’idée d’État-providence est le produit d’un processus historique qui va aboutir à l’idée de conscience sociale. S’il est difficile de dater précisément l’apparition des notions de solidarité et de cohésion sociale, cerLa loi de Wagner tains événements comme la révolution de L’économiste allemand Adolphe Wagner 1848 favorisent l’émergence de la ques(1835-1917) a, le premier, montré tion de l’injustice sociale. l’augmentation inévitable des dépenses Peu à peu, on se rend compte que la publiques dans les pays industrialisés. pauvreté, dont on peut par ailleurs regretEn effet, le développement et l’urbaniter l’existence, n’est pas une nécessité sation impliquent une augmentation des besoins collectifs (éducation, infraindispensable à l’équilibre de la société, structures, par exemple), ce qui suppomais un véritable danger pour l’ordre se des investissements que seul l’État social. Il faut donc définir de nouveaux peut financer, car leur rentabilité, à droits qui permettent aux plus démunis de court terme, est nulle. se prémunir contre les risques que fait courir la société. Ce droit social apparaît pour la première fois dans l’Allemagne de Bismarck qui met en place des lois sociales entre 1883 et 1889. 78 LES FONDEMENTS DE L’ÉTAT-PROVIDENCE q L’irrésistible montée de l’État-providence Au cours de la première moitié du XXe siècle, les assurances sociales se développent dans les pays industrialisés. Mais la crise des années trente et l’œuvre théorique de Keynes vont conduire à un renouvellement de la conception de l’État-providence. En 1942, est publié le plan Beveridge qui propose un système de Sécurité sociale fortement influencé par la théorie keynésienne. Dans ce plan, on trouve les fondements du Welfare State, qui seront mis en œuvre après la Seconde Guerre mondiale. Au cours de la période des Trente Glorieuses, on assiste à une croissance régulière des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales), et à la mise en place d’un système de protection sociale. Cependant, la crise économique des années soixante-dix marque la fin de l’âge d’or de l’État-providence, qui est progressivement remis en cause dans tous les pays développés. Le renouveau des théories libérales accentue le phénomène. Néanmoins, l’importance croissante de besoins collectifs ne permet pas d’envisager un retour à un « État minimal », et oblige les pouvoirs publics à prendre en charge des secteurs entiers de l’économie et de la société (éducation, santé…). q Les différentes formes de l’État-providence On peut distinguer trois formes de l’État-providence. Sous la première forme (aux États-Unis, au Canada, en Australie), il est qualifié de « libéral » et encourage le marché en garantissant un minimum de bien-être pour les plus défavorisés en subventionnant les projets privés d’assurance sociale. Sous la deuxième forme (en France, Autriche, Allemagne, Italie), il est qualifié de corporatiste et prévoit une intervention de l’État pour se substituer au marché, si celui-ci ne peut assurer le bien-être à la population. Enfin, le dernier modèle (dans les pays scandinaves) peut être qualifié de social-démocrate, car il vise à instaurer l’égalité des conditions entre les différents membres de la société. Il faut rechercher les causes des différents régimes d’État-providence dans l’histoire des pays, notamment dans l’interaction entre la mobilisation des catégories les plus défavorisées (la classe ouvrière) et les forces politiques de ces pays. ÉQUILIBRES BUDGÉTAIRES DES PAYS DE L’OCDE Depuis 1970, les budgets des principaux pays industrialisés sont devenus presque systématiquement déficitaires. Les dépenses publiques se sont alourdies en % du PIB, notamment du fait de la hausse des dépenses de Sécurité sociale, tandis que la hausse de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB ne suffisait pas pour boucler le financement des dépenses. Note : il y a une rupture de séries en 1995. 55 % 50 % Dépenses 45 % Recettes 40 % 35 % Évolution des dépenses et recettes publiques des pays de l'OCDE en % du PIB 30 % 25 % 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 Source : OCDE ; www.politique-economique.info/docs/Fiche-dette.htm. 79