la crise de l`état-providence

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LA CRISE DE L’ÉTAT-PROVIDENCE
L’État-providence désigne les formes d’intervention de l’État dans toutes les
sphères de l’économie et de la société dans un souci de bien-être collectif. En
butte à de sérieuses difficultés financières, il est critiqué par les partisans
d’un État-gendarme n’assurant que des fonctions régaliennes.
LA CRISE FINANCIÈRE DE L’ÉTAT-PROVIDENCE
q Des dépenses croissantes
Sur le plan économique, l’État est intervenu massivement depuis la « crise des années
soixante-quinze », afin de réguler l’activité économique, notamment dans l’espoir d’endiguer la croissance du chômage. Il a donc engagé des dépenses importantes, à l’origine d’un
déficit budgétaire croissant.
Sur le plan social, la spécificité de l’État-providence réside dans le système de protection sociale dont le but est, dans un esprit solidaire, de socialiser un certain nombre de
dépenses. Sur ce point, les aspirations individuelles à l’allongement de la durée de la vie
poussent tout d’abord l’État-providence à supporter des dépenses de santé importantes.
En outre, le vieillissement démographique entraîne le versement de pensions de retraite
croissantes. De même, l’importance du chômage se traduit par une forte augmentation
des dépenses pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
q Des recettes amoindries
De l’affaiblissement du rythme de la croissance économique découle un ralentissement
général de la croissance des revenus des agents économiques. Par conséquent, les ressources de l’État prélevées sur ces revenus n’augmentent guère.
En outre, la consommation des agents économiques progresse plus lentement, ce qui
se répercute sur la TVA et amène une moindre rentrée fiscale.
Enfin, le système de protection sociale subit la hausse du chômage, qui se caractérise
par une diminution du nombre de cotisants. Ainsi, les dépenses des administrations
publiques augmentent plus vite que leurs recettes, ce qui se traduit par une tendance
générale à la détérioration croissante des budgets publics, d’où un recourt croissant à l’emprunt, qui alourdit les dépenses et creuse encore le déficit.
LA CRISE DE LÉGITIMITÉ ET D’EFFICACITÉ
DE L’ÉTAT-PROVIDENCE
q Les interventions de l’État-providence exercent des effets pervers
Le versement de revenus de transfert offre à un nombre croissant d’exclus du marché
du travail un niveau minimal de consommation qui, tout en dynamisant l’activité économique, évite l’exclusion sociale. Cependant, des économistes libéraux pensent que la redistribution encourage les individus à ne pas travailler, qu’elle développe une mentalité
d’assisté et qu’elle provoque l’abandon de la solidarité « civile » au profit d’une solidarité
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« étatique ». Aussi l’État-providence
LA COURBE DE LAFFER
est-il considéré comme « illégitime »
Recettes fiscales de l’État
aux yeux de ces économistes. Cette
idée est, par ailleurs, alimentée par le
fait que l’État-providence, en ponctionnant les agents économiques, incite au
Taux estimé
développement d’une économie inforpar Laffer
melle faite d’échanges non monétaires
(économie de troc, travail au noir). Du
coup, l’État lui-même court à sa perte,
Taux normaux
Taux dissuasifs
car « trop d’impôt tue l’impôt »,
comme le suggère la courbe construite
0
Taux d’imposition
par l’économiste américain Laffer.
En outre, l’alourdissement des
charges sociales pénalise la compétitivité des entreprises et par conséquent l’emploi. En
effet, dans un contexte de mondialisation des économies, le coût du travail (salaires et
charges sociales) constitue un élément important de la compétitivité-prix. Les cotisations
sociales patronales deviennent ainsi un coût qu’il faut minimiser. Plus globalement, les politiques sociales sont perçues comme un facteur de rigidité face à l’adaptation nécessaire de
la société et des systèmes productifs. Les
interventions de l’État-providence seraient
en définitive responsables de la crise, puisUne approche statique
qu’elles fausseraient le mécanisme de
Il est parfois reproché aux transferts
régulation spontanée du marché.
q L’État-providence est inefficace
Un des objectifs sociaux de l’État-providence consiste à lutter contre la pauvreté.
Or, celle-ci n’a pas disparu au cours des
Trente Glorieuses alors que les moyens
financiers le permettaient. De plus, depuis
la crise, de nouvelles formes de pauvreté
sont apparues que l’État-providence se
révèle incapable de faire disparaître.
Par ailleurs, la politique de redistribution
du revenu national amène l’État-providence à mobiliser beaucoup de moyens
financiers et humains pour de piètres
résultats : les inégalités de revenu subsistent, elles se sont même accentuées depuis
la crise, et les individus de la classe
moyenne tirent davantage partie des équipements mis à la disposition de la collectivité (éducation, santé…) que ceux de la
classe populaire.
sociaux de pénaliser le retour à l’emploi,
et de créer des trappes à inactivité qui
rendraient le chômage persistant. Ce
problème d’incitation ou d’efficacité a
été qualifié de « loi d’airain de la redistribution ». L’architecture des prélèvements et des transferts conduirait au
fait qu’une personne qui ne travaille pas
peut percevoir le même revenu qu’une
personne qui travaille.
Toutefois, ces reproches et les recommandations de politique économique qui
en découlent procèdent d’une approche
très statique des gains du retour à l’emploi. Ce type d’approche est retenu, par
exemple, dans la plupart des travaux
appliqués français sur les gains du retour à l’emploi. Avec cette approche
statique, on ne prend pas en considération les perspectives ultérieures ouvertes par l’accès à l’emploi.
Source : T. Laurent, Y. L’Horty, Travail et Emploi,
n° 98, avril 2004, « Incitation au retour à
l’emploi : une perspective dynamique ».
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