38 LA CRISE DE L’ÉTAT-PROVIDENCE L’État-providence désigne les formes d’intervention de l’État dans toutes les sphères de l’économie et de la société dans un souci de bien-être collectif. En butte à de sérieuses difficultés financières, il est critiqué par les partisans d’un État-gendarme n’assurant que des fonctions régaliennes. LA CRISE FINANCIÈRE DE L’ÉTAT-PROVIDENCE q Des dépenses croissantes Sur le plan économique, l’État est intervenu massivement depuis la « crise des années soixante-quinze », afin de réguler l’activité économique, notamment dans l’espoir d’endiguer la croissance du chômage. Il a donc engagé des dépenses importantes, à l’origine d’un déficit budgétaire croissant. Sur le plan social, la spécificité de l’État-providence réside dans le système de protection sociale dont le but est, dans un esprit solidaire, de socialiser un certain nombre de dépenses. Sur ce point, les aspirations individuelles à l’allongement de la durée de la vie poussent tout d’abord l’État-providence à supporter des dépenses de santé importantes. En outre, le vieillissement démographique entraîne le versement de pensions de retraite croissantes. De même, l’importance du chômage se traduit par une forte augmentation des dépenses pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. q Des recettes amoindries De l’affaiblissement du rythme de la croissance économique découle un ralentissement général de la croissance des revenus des agents économiques. Par conséquent, les ressources de l’État prélevées sur ces revenus n’augmentent guère. En outre, la consommation des agents économiques progresse plus lentement, ce qui se répercute sur la TVA et amène une moindre rentrée fiscale. Enfin, le système de protection sociale subit la hausse du chômage, qui se caractérise par une diminution du nombre de cotisants. Ainsi, les dépenses des administrations publiques augmentent plus vite que leurs recettes, ce qui se traduit par une tendance générale à la détérioration croissante des budgets publics, d’où un recourt croissant à l’emprunt, qui alourdit les dépenses et creuse encore le déficit. LA CRISE DE LÉGITIMITÉ ET D’EFFICACITÉ DE L’ÉTAT-PROVIDENCE q Les interventions de l’État-providence exercent des effets pervers Le versement de revenus de transfert offre à un nombre croissant d’exclus du marché du travail un niveau minimal de consommation qui, tout en dynamisant l’activité économique, évite l’exclusion sociale. Cependant, des économistes libéraux pensent que la redistribution encourage les individus à ne pas travailler, qu’elle développe une mentalité d’assisté et qu’elle provoque l’abandon de la solidarité « civile » au profit d’une solidarité 88 « étatique ». Aussi l’État-providence LA COURBE DE LAFFER est-il considéré comme « illégitime » Recettes fiscales de l’État aux yeux de ces économistes. Cette idée est, par ailleurs, alimentée par le fait que l’État-providence, en ponctionnant les agents économiques, incite au Taux estimé développement d’une économie inforpar Laffer melle faite d’échanges non monétaires (économie de troc, travail au noir). Du coup, l’État lui-même court à sa perte, Taux normaux Taux dissuasifs car « trop d’impôt tue l’impôt », comme le suggère la courbe construite 0 Taux d’imposition par l’économiste américain Laffer. En outre, l’alourdissement des charges sociales pénalise la compétitivité des entreprises et par conséquent l’emploi. En effet, dans un contexte de mondialisation des économies, le coût du travail (salaires et charges sociales) constitue un élément important de la compétitivité-prix. Les cotisations sociales patronales deviennent ainsi un coût qu’il faut minimiser. Plus globalement, les politiques sociales sont perçues comme un facteur de rigidité face à l’adaptation nécessaire de la société et des systèmes productifs. Les interventions de l’État-providence seraient en définitive responsables de la crise, puisUne approche statique qu’elles fausseraient le mécanisme de Il est parfois reproché aux transferts régulation spontanée du marché. q L’État-providence est inefficace Un des objectifs sociaux de l’État-providence consiste à lutter contre la pauvreté. Or, celle-ci n’a pas disparu au cours des Trente Glorieuses alors que les moyens financiers le permettaient. De plus, depuis la crise, de nouvelles formes de pauvreté sont apparues que l’État-providence se révèle incapable de faire disparaître. Par ailleurs, la politique de redistribution du revenu national amène l’État-providence à mobiliser beaucoup de moyens financiers et humains pour de piètres résultats : les inégalités de revenu subsistent, elles se sont même accentuées depuis la crise, et les individus de la classe moyenne tirent davantage partie des équipements mis à la disposition de la collectivité (éducation, santé…) que ceux de la classe populaire. sociaux de pénaliser le retour à l’emploi, et de créer des trappes à inactivité qui rendraient le chômage persistant. Ce problème d’incitation ou d’efficacité a été qualifié de « loi d’airain de la redistribution ». L’architecture des prélèvements et des transferts conduirait au fait qu’une personne qui ne travaille pas peut percevoir le même revenu qu’une personne qui travaille. Toutefois, ces reproches et les recommandations de politique économique qui en découlent procèdent d’une approche très statique des gains du retour à l’emploi. Ce type d’approche est retenu, par exemple, dans la plupart des travaux appliqués français sur les gains du retour à l’emploi. Avec cette approche statique, on ne prend pas en considération les perspectives ultérieures ouvertes par l’accès à l’emploi. Source : T. Laurent, Y. L’Horty, Travail et Emploi, n° 98, avril 2004, « Incitation au retour à l’emploi : une perspective dynamique ». 89