« étatique ». Aussi l’État-providence
est-il considéré comme « illégitime »
aux yeux de ces économistes. Cette
idée est, par ailleurs, alimentée par le
fait que l’État-providence, en ponction-
nant les agents économiques, incite au
développement d’une économie infor-
melle faite d’échanges non monétaires
(économie de troc, travail au noir). Du
coup, l’État lui-même court à sa perte,
car « trop d’impôt tue l’impôt »,
comme le suggère la courbe construite
par l’économiste américain Laffer.
En outre, l’alourdissement des
charges sociales pénalise la compétitivité des entreprises et par conséquent l’emploi. En
effet, dans un contexte de mondialisation des économies, le coût du travail (salaires et
charges sociales) constitue un élément important de la compétitivité-prix. Les cotisations
sociales patronales deviennent ainsi un coût qu’il faut minimiser. Plus globalement, les poli-
tiques sociales sont perçues comme un facteur de rigidité face à l’adaptation nécessaire de
la société et des systèmes productifs. Les
interventions de l’État-providence seraient
en définitive responsables de la crise, puis-
qu’elles fausseraient le mécanisme de
régulation spontanée du marché.
qL’État-providence est inefficace
Un des objectifs sociaux de l’État-provi-
dence consiste à lutter contre la pauvreté.
Or, celle-ci n’a pas disparu au cours des
Trente Glorieuses alors que les moyens
financiers le permettaient. De plus, depuis
la crise, de nouvelles formes de pauvreté
sont apparues que l’État-providence se
révèle incapable de faire disparaître.
Par ailleurs, la politique de redistribution
du revenu national amène l’État-provi-
dence à mobiliser beaucoup de moyens
financiers et humains pour de piètres
résultats : les inégalités de revenu subsis-
tent, elles se sont même accentuées depuis
la crise, et les individus de la classe
moyenne tirent davantage partie des équi-
pements mis à la disposition de la collecti-
vité (éducation, santé…) que ceux de la
classe populaire.
89
LA COURBE DE LAFFER
Recettes fiscales de l’État
Taux d’imposition
0
Taux normaux Taux dissuasifs
Taux estimé
par Laffer
Une approche statique
Il est parfois reproché aux transferts
sociaux de pénaliser le retour à l’emploi,
et de créer des trappes à inactivité qui
rendraient le chômage persistant. Ce
problème d’incitation ou d’efficacité a
été qualifié de « loi d’airain de la redistri-
bution ». L’architecture des prélève-
ments et des transferts conduirait au
fait qu’une personne qui ne travaille pas
peut percevoir le même revenu qu’une
personne qui travaille.
Toutefois, ces reproches et les recom-
mandations de politique économique qui
en découlent procèdent d’une approche
très statique des gains du retour à l’em-
ploi. Ce type d’approche est retenu, par
exemple, dans la plupart des travaux
appliqués français sur les gains du re-
tour à l’emploi. Avec cette approche
statique, on ne prend pas en considéra-
tion les perspectives ultérieures ou-
vertes par l’accès à l’emploi.
Source : T. Laurent, Y. L’Horty,
Travail et Emploi,
n° 98, avril 2004, « Incitation au retour à
l’emploi : une perspective dynamique ».