
 
Économie, sociologie et histoire du monde contemporain, 2e édition  
© Armand Colin, 2016. 
 
Fiche concours : Un État-providence généreux enferme-t-il  
les individus dans l’inactivité ? (Chapitre 12-III) 
Vingt ans après la création du revenu minimum d’insertion en France (RMI, 1988), les pouvoirs publics ont voulu sortir 
les allocataires de l’assistanat en lui substituant le revenu de solidarité active (RSA). Il s’agissait à la fois de lutter contre 
la pauvreté et d’inciter à la reprise d’une activité salariée, même restreinte. Cette tendance à l’activation des dépenses 
sociales  repose  sur  l’hypothèse  selon  laquelle  les  individus  rationnels  effectueraient  un  calcul  coût/avantage  et 
refuseraient  de  travailler  en  raison  de  revenus  sociaux  trop  élevés,  révélant  une  préférence  pour  l’assistanat.  Cette 
hypothèse est-elle acceptable ? 
I. Les revenus sociaux enferment dans l’inactivité 
Sans  remonter  jusqu’aux  critiques  d’un  T.R. Malthus  à  propos  du  Speenhamland  Act  (1795-1834),  il  est  un  discours 
récurrent  visant  à  présenter  « l’inactif »  indemnisé  comme  un  fainéant.  Le  terme  inactif  ici  signifie  sans  activité 
professionnelle et s’éloigne donc de la définition de l’Insee pour qui le chômeur est un actif. L’économiste Jacques Rueff 
(1896-1978) n’écrivait-il pas en 1931 un article intitulé « L’assurance chômage : cause du chômage permanent » ? Pour lui, 
l’indemnité  devient  un  salaire  plancher  en  dessous  duquel  l’ouvrier  préfère  vivre  de  cette  « subvention »  plutôt  que 
travailler. 
Cette idée se retrouve dans la notion d’activation des dépenses sociales qui semblent se généraliser dans le monde anglo-
saxon d’abord puis en Europe continentale sous l’appellation 
workfare
. 
Mais  ce  soupçon  à  l’égard  des  pauvres,  se  complaisant  dans  cet  « assistanat »,  va  au-delà  des  chômeurs.  Ainsi,  le 
philosophe  allemand  Peter  Sloterdijk  considère-t-il  que  l’État-providence  conduit  à  une  situation  dans  laquelle  « les 
citoyens improductifs vivent directement aux dépens des citoyens productifs ». Les indemnités ne doivent donc être ni 
généreuses ni inconditionnelles. 
II. L’inactivité ne correspond pas aux aspirations citoyennes 
Pourtant, selon les enquêtes disponibles comme celles réalisées par la Drees en France, dans leur grande majorité les 
allocataires de minima sociaux sont en recherche d’emploi. Ceux qui n’accèdent pas à un emploi considèrent dans leur 
grande  majorité  que  c’est  par  manque  de  formation.  Ces  enquêtes  montrent  par  ailleurs  que  c’est  davantage 
l’insuffisance de l’offre d’emploi qui enferme dans le chômage. Une minorité  d’allocataires déclare ne pas chercher un 
emploi  pour  deux  raisons  principales :  des  problèmes  de  santé,  des  contraintes  familiales  (femmes  seules  avec  des 
enfants en bas âge sans solution de garde). 
D’ailleurs,  le  modèle  danois  de  flexisécurité  est  fondé  sur  une  relation  de  confiance  envers  les  citoyens.  Les  niveaux 
d’indemnisation sont plutôt généreux, et plutôt que surveiller et punir les « mauvais pauvres », les conditions d’un retour 
à  l’emploi  sont  construites  à  travers  un  accompagnement  et  une  formation  en  concordance  avec  les  besoins  de 
l’économie. Par ailleurs, les services facilitant ce retour à l’emploi, comme les gardes d’enfant, sont proposés en quantité 
suffisante pas les pouvoirs publics. 
 
En conséquence, il semble que l’enfermement dans l’inactivité comme conséquence de la générosité de l’État-providence 
soit exagérée. Il existe sans doute des personnes qui trichent, mais la plupart des allocataires souhaiteraient accéder à un 
emploi  décent.  Repenser  l’accompagnement  vers  l’emploi  plutôt  que  stigmatiser  les  allocataires  gagnerait 
vraisemblablement en efficacité.