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Lise Collomb
On comprend mieux le monde à travers l'économie, Patrick ARTUS et MariePaule VIRARD (2008)
I. La globalisation et ses effets
1. Globalisation : le monde peut-il se refermer ?
Historique
 Première manifestation de la globalisation : intégration des marchés de
produits, de capital et de travail en Méditerranée sous l'empire romain.
 Au XV° siècle, avec les grandes découvertes, prémices de l'économiemonde.
 « Première mondialisation » de l'ère moderne : 1870-1914. Elle fut
transatlantique. Ouverture de routes maritimes (Suez, Panama),
extension du chemin de fer, flotte marchande x2, échanges x6,
migrations...
 9 novembre 1989 : chute du Mur. Victoire du libéralisme. Le nombre
d'acteurs de l'économie de marché passe de 1 à 5 milliards d'individus.
 Révolution des communications au XX° siècle.
 Décembre 2001: entrée de la Chine à l'OMC.
Constat
Depuis une dizaine d'années, transfert d'activités productives vers les
pays émergents ; les grands pays développés perdent des emplois industriels
(zone euro : -8% depuis 1995, USA : -20%, GB : -25%) et des parts de
marché dans la bataille avec les pays émergents (exportations et importations)
dont la part des importations dans la demande intérieure des pays développés
ne cesse de progresser. D'où un fort impact sur l'emploi et la production en
Occident et la nécessité de repenser le modèle économique.
Sur le plan financier, baisse des prix des biens dont la croissance est la
plus rapide et des produits de consommation courante fabriqués dans les pays
émergents. Avec la mondialisation accélérée de l'épargne, cette désinflation a
provoqué la baisse des taux d'intérêt nominaux et réels.
Mais le niveau de vie global s'élève avec l'ouverture des échanges
internationaux, l'échange crée la croissance et favorise la division du travail
puisque les pays ont tendance à se spécialiser dans les domaines où ils ont un
avantage comparatif. L'intégration des marchés permet aux producteurs et aux
consommateurs
de
bénéficier
d'économies
d'échelle.
La
pression
concurrentielle accrue incite les producteurs à s'attaquer aux sources
d'inefficacité et à investir dans l'innovation, d'où la baisse des prix et
l'augmentation de la production et de l'emploi.
Quand la globalisation bouscule la hiérarchie des places
Entre pays émergents et pays développés : nouvelle division
internationale du travail, pour l'industrie comme pour les services. Dans la
zone OCDE, 20% des salariés réalisent des prestations qui peuvent être
délocalisées, 16% des travailleurs de l'industrie produisent des biens qui
pourraient être importés.
Entre citoyens du monde :
 Gagnants : working rich de certains pays pauvres, entreprises
mondialisées, consommateurs.
 Perdants : les plus pauvres des pays pauvres, bénéficiaires de l'EtatProvidence, salariés peu qualifiés et « non protégés » des pays riches.
Vérité globale, mensonge local ?
Approche optimiste : la mondialisation comme un mouvement créateur
d'avantages et d'opportunités (accélération de l'innovation, création
d'entreprises et d'emplois), ne lésant pas les économies avancées (ex :
réussite industrielle de l'Allemagne qui a su se spécialiser efficacement).
Mais les effets de la mondialisation sont jugés de plus en plus
négativement par les Européens et les Américains (course aux bas salaires,
délocalisations, chômage).
Enjeux
Les facteurs qui ont, depuis le milieu des années 90, amorti le choc de la
globalisation pourraient progressivement disparaître :
 « effets
richesse » (hausse des bourses, de l'immobilier) : en
augmentant la valeur des patrimoines, ils ont permis un supplément de
dépense et d'endettement.
 les déficits publics ont joué un rôle stabilisant pour la croissance dans les
pays développés.
 les politiques monétaires accommodantes et l'abondance de la liquidité
mondiale ont favorisé l'endettement et la hausse du prix des actifs.
 l'activité a été fortement stimulée par la construction de l'immobilier
résidentiel.
Les inégalités de revenus dans les pays développés risquent de
s'approfondir. Les créations d'emplois pourraient eux se polariser entre les
emplois très qualifiés d'un côté et les emploi peu ou pas qualifiés de l'autre.
Les pays émergents seraient en position d'acquérir de grandes firmes
occidentales pour optimiser l'utilisation de leurs énormes réserves d'épargne.
D'où un retour des tentations et tensions protectionnistes.



Mise en perspective historique :
Avant 1820, les économies émergentes (Asie) représentaient l'essentiel
du PIB mondial.
Entre 1820 et 1913, les pays avancés (Triade) ont repris l'avantage avant
d'imposer leur puissance économique dans la seconde moitié du XX°
siècle.
Aujourd'hui : nouveau « grand croisement » ? Selon les experts, ce
serait d'ici à 2025...
2. L'explosion des inégalités de revenus en France est-elle
inévitable ?
Les classes moyennes à la dérive, Louis Chauvel (2006) : tandis que
nous nous inquiétons de ses marges, c'est peut-être en son coeur que la
société française se désagrège.
Au XX° siècle (travaux de Th. Piketty)
Les inégalités de revenu se sont réduites en France, mais cette tendance
ne fut pas linéaire, variant selon les événements politiques mondiaux jusqu'à
1950 (guerres, inflation, crise de 29) puis français (augmentation de 1968 à
1968 puis baisse jusqu'à 1983 et augmentation légère ensuite).
Cette réduction tendancielle des inégalités tient pour l'essentiel aux
chocs subis par les très hauts revenus du capital (effondrement à la suite des
crises de 1914 à 1945), notamment à cause de l'impôt progressif sur la
reconstitution et l'accumulation des gros patrimoines et des périodes
d'inflation.
Mais l'inégalité des salaires est restée sensiblement la même et si le
pouvoir d'achat a été multiplié par 5, la hiérarchie n'a pas été bousculée. C'est
cette extraordinaire stabilité qui est remise en cause aujourd'hui.
Aujourd'hui (travaux de C. Landais)
La dernière décennie est marquée par un approfondissement des
inégalités de revenus en France comme dans la plupart des pays développés,
confirmant un mouvement déjà amorcé aux USA au cours des 40 dernières
années (cf The Conscience of a Liberal de Paul Krugman sur la « révolution
inégalitaire » américaine) et de plus en plus virulent au Japon.
Depuis 8 ans, les inégalités de revenus s'accroissent fortement en France
: les revenus des Français les plus riches explosent, tandis que les bas et
moyens revenus augmentent très modestement.
Le temps des working rich
C'est avant tout la très rapide augmentation des inégalités de salaires qui
explique l'explosion des écarts. Partout l'écart se creuse entre une sorte
d'hyperclasse mondialisée et la grande masse des salariés : aux USA le salaire
des dirigeants est passé de 30 fois le salaire moyen en 1980 à 180 fois en
2005. En France, les working rich supplantent désormais les rentiers. Parmi le
top 20 des dirigeants européens les mieux payés en 2005, 10 étaient français.
Les rémunérations des opérateurs de marché et traders ont littéralement
explosé.
Cette explosion des inégalités est désormais une caractéristique des
économies développées pour les hauts salaires, mais aussi pour l'ensemble de
la hiérarchie des salaires. Deux explications sont privilégiées : la globalisation
et le progrès technique.
La classe moyenne au purgatoire
Double mouvement dans nos pays :
 hausse du salaire relatif des plus qualifiés par rapport aux qualifications
intermédiaires

resserrement de la hiérarchie des salaires entre les moins qualifiés et les
moyennement qualifiés.
Les effets de la globalisation et progrès technique s'additionnent le plus
souvent pour creuser les écarts de rémunération dans nos pays. On observe
aussi une forte progression de certains revenus (salarié très qualifié d'une
grande entreprise opérant dans un secteur favorisé par la mondialisation) et
l'écrasement de la hiérarchie des revenus entre les salariés moyennement et
peu qualifiés qui sont tirés vers le bas.
La France au modèle anglo-saxon ?
La question des inégalités n'est pas seulement un problème politique et
social mais aussi économique, comme semble le suggérer l'exemple anglais.
Lorsqu'une minorité riche détient une partie importante du revenu et de
la richesse nationale, sa consommation d'actifs, de biens et de services est peu
sensible au niveau des prix ou des taux d'intérêt (élasticité faible). La
consommation continue donc à augmenter, même lorsque les autorités
monétaires augmentent les taux d'intérêt. Ce fut le cas en GB.
Comment alors contrôler une économie par la politique monétaire dès
lors que la hausse des taux d'intérêt a peu d'effet sur l'endettement et la
demande d'une partie certes minoritaire mais agissante des ménages?
En France, la tendance à la très forte hausse des revenus les plus élevés
se poursuit, tout comme les revenus du patrimoine. La fiscalité évolue
clairement dans le sens de l'approfondissement des inégalités au niveau du
revenu disponible des ménages (bouclier fiscal à 50%, forte baisse des droits
de succession sur les hauts patrimoines).
Enjeux
Lutter contre les inégalités, c'est poser la question des politiques
redistributives, donc du mélange optimal entre équité et efficacité. Les AngloSaxons laissent pour l'essentiel au marché le soin de se charger des inégalités
de revenus, même si a été créé aux USA l'Earned Income Tax Credit (crédit
d'impôt réservé aux foyers les plus modestes dans lequel au moins une des
personnes travaille et donnant lieu à une réduction d'impôts ou à un versement
direct aux ménages) pour lutter contre la pauvreté sans exposer l'économie
aux effets indésirables des systèmes de revenu minimum.
En France, le modèle est loin d'être optimal car il fait prendre en charge
aux entreprises une grande partie de la redistribution (salaire minimum élevé).
La redistribution par les bas salaires détruit des emplois peu qualifiés et
fabrique en réalité de plus en plus de précarité.
Il faut doser la pression fiscale et éviter le plus possible de taxer le
travail. L'Allemagne, le Japon et la Suède montrent qu'il est possible de
sauvegarder et de développer des activités industrielles compétitives, ce qui
permet de soutenir emplois et niveaux de salaires dans tous les secteurs. Une
sophistication croissante des secteurs protégés favorise aussi une meilleure
rémunération.
3. Comment partager les ressources rares ?
L'accélération de la croissance mondiale depuis 2003 a entraîné celle de
la consommation de matières premières. En Chine la consommation de pétrole
augmente de 10% par an.
L'exemple de la Chine : si les Chinois consommaient autant d'énergie que les
Américains, les ressources de 5 planètes seraient nécessaires.
La consommation d'énergie y est encore faible en raison de la proportion
élevée de paysans et de la modestie du niveau de vie. Mais on estime qu'en
2016 elle aura plus que doublé et que leur consommation de pétrole aura elle
plus que triplé.
Le problème des émissions de CO2 y est encore plus inquiétant.
L'essentiel de l'électricité y est produite à partir du charbon (77%) en raison de
la rareté des autres ressources et de la vitesse de croissance de la demande.
D'où l'explosion des émissions de CO2. En 2006, ils représentaient 70% de plus
que la zone euro et peut-être 6 fois plus dans 10 ans.
La rareté de l'eau : 2500 êtres humains meurent chaque jour faute d'eau en
quantité suffisante
1 milliard d'êtres humains n'ont pas encore accès à l'eau potable, 2,6
milliards vivent sans système d'évacuation des eaux usées. L'eau insalubre est
la première cause de mortalité devant la malnutrition.
Cependant, la question est moins celle du gaspillage de l'eau par les pays
riches que celle de l'agriculture, qui consomme pratiquement 75% de l'eau
douce, et celle du non-traitement des eaux usées.
Les ressources alimentaires peuvent elles aussi venir à manquer. La FAO
recense déjà 39 pays affectés par les crises alimentaires, dont 25 en Afrique.
La surface cultivable mondiale stagne depuis 2000, et diminue même en Asie
et en Amérique du Nord.
Les Etats pourraient avoir un rôle important à jouer à l'avenir. En
encourageant le progrès agricole et la propriété, la diffusion de connaissances,
l'accès au crédit, la stabilisation des prix, ils pourraient stimuler fortement la
production agricole, qui plafonne depuis quelques années.
Second type de ressources rares -les « productibles »- i.e. ce que
l'homme fabrique mais en quantité insuffisante ou dont l'allocation est loin
d'être optimale.
L' exemple de l'épargne : au niveau global, il n'y a aucune rareté de
l'épargne mondiale. Mais elle est siphonnée par les pays riches pour financer la
consommation des ménages, l'investissement logement, les déficits publics...
qui sont des dépenses improductives. D'où la question d'une meilleure
allocation de cette ressource rare qu'est l'épargne.
La rareté du travail qualifié
Il n'y a aucune pénurie mondiale de travail mais il y a pénurie de travail
qualifié, de chercheurs, de recherche et d'innovation. La main d'oeuvre est en
moyenne trop peu instruite et trop peu formée. Ce qui freine le progrès
technique et donc la qualité de la croissance. Ce travail qualifié est trop rare, et
pas seulement dans les pays en développement.
Enjeux
La prise de conscience est planétaire : les ressources en matières
premières, la quantité de capital accumulable, la possibilité d'émettre des gaz
à effet de serre ne sont pas infinis. D'où l'urgence de réfléchir aux conditions
de mise en place d'un modèle de croissance soutenable, une croissance qui
viendrait davantage du progrès technique que de l'accumulation des facteurs
de production, qui ne détourne pas l'épargne qui pourrait être utilisée plus
efficacement ailleurs, qui ne soit pas trop gourmande en énergie, en matières
premières et en activités polluantes.
Cette nécessité d'une croissance soutenable met en lumière une lacune
de la théorie de la valeur fondée sur les prix de marché : un certain nombre de
biens ( la qualité de l'air, le degré de préservation de la biodiversité, l'évolution
du climat, la qualité et la disponibilité de l'eau,...) ont une valeur sociale,
individuelle, collective, sans avoir pour autant de prix de marché.
L'économiste distingue donc deux types de rareté :
 la « rareté cumulative » : concerne les biens dont la gestion repose sur
les actions combinées des différents acteurs. Ex : la qualité de l'air.
 la « rareté concurrentielle » : pousse les individus à se garantir l'accès à
la ressource. Ex : les sources d'énergie non renouvelables. Il faut alors
savoir partager la rareté pour des raisons éthiques, économiques et
politiques et pour éviter des conflits potentiels.
Dans les deux cas, il faut penser les principes et les institutions susceptibles de
favoriser la coopération et de sanctionner les comportements prédateurs.
4. Faut-il avoir peur de la Chine ?
Fin 2007, la Chine a dépassé l'Allemagne en terme de PIB et est devenue
la troisième économie mondiale derrière les USA et le Japon.
Constat
L'extraordinaire croissance chinoise profite à des dizaines de millions de
Chinois qui sortent chaque année de la misère, ce qui passe par la migration
vers les villes des paysans chinois. Ils seraient 3 millions à converger
clandestinement vers les 4 méga-cités (Pékin, Shanghai, Tianjin, Chongqing).
Ce sont souvent des ouvriers du bâtiment qui travaillent nuit et jour et 7/7
jours pour gagner environ 150 $/mois.
Mais l'économie chinoise est aussi devenue un des moteurs de la
croissance mondiale. Le rythme de la croissance chinoise, qui doit amener en
20 ans le pays au niveau de vie des nations les plus avancées, ne peut être
soutenu dans la durée que grâce à une augmentation très rapide des
exportations et des investissements. Les Chinois doivent ainsi conquérir tous
les marchés du monde. L'agressivité commerciale constitue donc une des clés
de la croissance chinoise. La politique monétaire très expansionniste vise elle à
maintenir un taux de change sous-évalué qui conduit à la fois à l'augmentation
très rapide des capacités de production et des exportations.
En Chine, la rareté des facteurs de production n'existe pas : ni celle du
capital (taux d'épargne intérieure de 54%), ni celle du travail (immense
potentiel migratoire des campagnes vers les villes). La Chine lance ainsi un défi
à la théorie des avantages comparatifs : elle peut conquérir des parts de
marché partout et ne s'en prive pas. La Chine peut se permettre de ne pas se
spécialiser et de partir à la conquête de parts de marché dans pratiquement
tous les secteurs.
Les acquisitions chinoises hors de Chine
Pour soutenir sa croissance et faire d'énormes gains de productivité, il
devient nécessaire pour la Chine de s'attaquer aux hautes technologies. Mais la
stratégie d'accueil des firmes étrangères assorti d'un copiage intensif ne lui
garantit pas l'accès aux technologies les plus sophistiquées. D'où une évolution
: l'acquisition directe des technologies et des savoir-faire à travers celle des
entreprises étrangères qui se développent.
En 2006, les Chinois ont ainsi réalisé plus d'une centaine d'acquisitions
pour 15 milliards de dollars. La priorité est donnée aux secteurs de l'énergie et
des
matières
premières,
ainsi
qu'aux
banques,
entreprises
de
télécommunications
et
à
l'aéronautique.
Cette
diversification
de
l'investissement est permise par sa réserve en épargne liquide qui s'élève à
5000 milliards de dollars.
Enjeux
La tentation du protectionnisme commercial et financier est de plus en
plus grande dans les pays occidentaux. Or cela aurait des conséquences
catastrophique pour ces pays : se protéger contre l'importation de produits des
pays émergents reviendrait
 soit à faire monter les prix pour les consommateurs et les entreprises,
 soit à désorganiser le processus de production s'il s'agit de biens
intermédiaires importés après outsourcing (externalisation).
L'Occident doit plutôt amener la Chine à entrer dans le jeu et à en
respecter les règles, qu'elles soient commerciales, monétaires, économiques,
juridiques ou environnementales. En s'unissant pour mieux la convaincre
qu'elle à tout à gagner à s'associer à une démarche de gestion multilatérale
des ressources de la planète, ce serait le meilleur moyen d'aider la Chine à
initier et à accompagner le changement inévitable de son modèle de
croissance.
5. L'économie américaine, futur maillon faible de l'économie
mondiale ?
Depuis 1945, l'Amérique a toujours été donnée en exemple pour le
niveau et la « qualité » d'une croissance fondée sur une productivité élevée et
surtout sur sa capacité à développer les innovations susceptibles de lui garantir
en permanence une véritable avance technologique, la dernière étant illustrée
par l'effervescence créatrice issue d'Internet et de la révolution des nouvelles
technologies de l'information.
Pendant des décennies, les USA ont été « la » locomotive économique
du monde grâce à une politique économique réactive associée à des qualités
économiques sans pareilles : une croissance solide (3%), un taux de chômage
faible (4.5%), un marché du travail fluide, une capacité à faire naître et se
développer de nouvelles entreprises, un niveau élevé en recherche et en
développement, une éducation supérieure reconnue dans le monde entier.
Le déficit extérieur
Cependant, l'épargne des ménages américains est faible et le déficit
extérieur important. Le déficit courant reflète l'écart qui existe entre le taux
d'investissement et le taux d'épargne d'un pays, il signifie ici que les USA
vivent « au-dessus de leurs moyens », i.e. que la croissance de la demande
intérieure est plus élevée que ce que leur permet l'épargne disponible.
L'Amérique a donc besoin d'attirer l'épargne étrangère, sous la forme
d'investissements directs étrangers ou d'investissements en actifs libellés en
dollars, pour financer la croissance.
Ce déficit extérieur est financé par les banques centrales des pays
émergents d'Asie qui se sont mis à accumuler d'importantes réserves de
change en devises. Mais celles-ci vont progressivement commencer à
accumuler moins de réserves de change en raison des inconvénients associés à
cette accumulation, notamment une création de liquidité excessive. Les USA
risquent donc d'avoir de plus en plus de difficultés à financer leur déficit
extérieur et cela aura des conséquences graves sur les ménages américains :
la dépréciation du dollar grignotera leur pouvoir d'achat, la hausse des taux
d'intérêt à long terme freinera la demande intérieure, la contraction de la
liquidité sera du plus mauvais effet sur tous les agents économiques endettés.
Le dollar, too big to fail ?
La dépréciation du dollar est organisée par les autorités américaines,
pilotée par les banques centrales qui accumulent d'importantes réserves en
dollars. Cette dépréciation peut-elle se transformer en un effondrement
incontrôlé dès lors que les investisseurs non américains convertiraient leurs
actifs libellés en dollars en d'autres devises ? Le dollar peut-il perdre son statut
de monnaie de réserve dominante ?
La taille des marchés et de la dette extérieure des USA est telle qu'il est
difficile d'imaginer un transfert des actifs détenus en dollars vers d'autres
devises. Un transfert précipité déboucherait sur une explosion du prix d'actifs
et des taux de change des devises concernées.
Le déclin de son avance technologique ?
La spécialisation productive est claire : elle associe le déclin de l'industrie
traditionnelle au développement des nouvelles technologies et des services
plus ou moins sophistiqués. Mais cette avance technologique associée au
développement de services exportables sophistiqués sera-t-elle durablement
suffisante pour compenser la perte de revenus et d'emplois et le déficit
commercial associés à la disparition de l'industrie traditionnelle ?
Les USA seraient en train de prendre du retard en matière de recherche-
développement. Ainsi l'investissement en recherche fondamentale est resté
constant depuis 20 ans. De plus, l'essentiel des nouvelles décisions
d'implantation d'unités de R&D sont localisées en Chine ou en Inde, grâce à la
présence d'individus formés et de la coopération des structures universitaires.
Les USA commenceraient à souffrir d'un brain drain à l'envers (les Américains
d'origine indienne ont tendance à repartir vers leur pays d'origine). Enfin, leur
leadership dans les secteurs de pointe est de plus en plus challengé et leurs
importations de produits high-tech sont supérieures à leurs exportations.
Vers un ralentissement de la croissance potentielle ?
La spécialisation productive des USA ne permettra peut-être donc pas
dans l'avenir de couvrir le déficit extérieur des biens. Et si cette spécialisation
productive s'opère surtout sur les services protégés de la concurrence
internationale, il existerait un risque non négligeable de réduction de la
croissance potentielle puisque ces secteurs ont des gains de productivité
faibles.
La croissance potentielle pourrait aussi être affectée par l'importance de
ses besoins énergétiques. D'ici 2030, elle devra probablement importer
presque 70% de ses besoins en pétrole (47% aujourd'hui) et 20% de son gaz
(4% aujourd'hui). La hausse tendancielle des prix de l'énergie et des coûts
associés à l'émission de gaz à effet de serre pourrait ainsi peser sur sa
croissance potentielle.
Enjeux
A court terme, la crise immobilière américaine aura aussi des
conséquences sur la consommation, d'autant que les banques sont devenues
plus restrictives dans la distribution du crédit. Et l'arsenal keynésien (plan de
relance, baisse du principal taux directeur de la Fed) utilisé pour soutenir
l'activité lors de la précédente crise de 2001-2003 pourrait aujourd'hui se
révéler impuissant.
A moyen terme, on redoute que les USA succombent à la tentation
protectionniste qui ne pourrait se traduire que par une perte de pouvoir d'achat
des consommateurs américains. De la même manière, un freinage de
l'immigration réduirait encore la croissance de la population active, donc la
croissance potentielle.
II.
La planète finance et ses fragilités
1. Comment finit un monde gavé de liquidités ?
Comparaison avec la crise des années 1930
La période de prospérité depuis le milieu des années 1990 peut être
comparée à celle des années 1920 : même croissance éblouissante, même
envolée des bourses, même fièvre acheteuse
Cette comparaison peut être productive quant aux politiques monétaires
menées lors de la crise de 1929. Pour le directeur actuel de la Fed -Ben
Bernanke- comme pour M.Friedmann, c'est la politique restrictive alors menée
par la Fed qui est la cause première du développement de cette crise :
l'autorité monétaire avait alors réagit à la montée de l'endettement en
réduisant la quantité de monnaie pour stopper la spéculation qui menaçait de
submerger Wall Street. C'est le liquidity crunch, qui précipite les faillites
bancaires. Les mesures protectionnistes ont elles aussi asphyxié l'activité.
Le début des années 2000
Mars 2000 : explosion de la bulle Internet. D'août 2000 à décembre
2001, l'indice des valeurs technologiques cotées par le Nasdaq s'effondre. La
crise s'étend à l'ensemble de l'économie. Alan Greenspan, directeur de la Fed,
décide alors d'encourager la création de liquidités en abaissant immédiatement
les taux d'intérêt pour les porter à 0% en termes réels. Il voulait ainsi
préserver la liquidité du système financier et d'éviter les faillites en chaîne.
A partir de 2002, les grandes banques centrales mondiales favorisent le
redémarrage de la croissance. Avec l'envolée du prix du pétrole, les banques
centrales des pays émergents d'Asie et des pays pétroliers, notamment
chinois, prospèrent à grande vitesse. C'est un changement majeur : de
nombreux pays en développement sont désormais prêteurs (et non plus
emprunteurs) sur les marchés financiers internationaux. Leurs banques
centrales achètent essentiellement des obligations gouvernementales,
provoquant ainsi une détente des taux d'intérêt. Ils tombent en 2005 en
dessous de 0% aux USA et de 1% en zone euro. Le nouvel « équilibre »
mondial qui s'installe est un équilibre qui s'auto-entretient mais qui n'est pas
moins dangereux à terme en raison de l'accumulation des dettes.
L'irrésistible inflation du prix des actifs
On considère que sur une longue période les taux longs réels doivent se
situer aux alentours de 3%. Si ces taux d'intérêt réels sont durablement
inférieurs aux taux de croissance de l'économie, s'installe une situation
qualifiée de « pathologique » : il n'y a aucune limite à l'endettement puisque la
croissance des revenus rembourse la dette. De plus, le prix des actifs
financiers (=somme des profits futurs de l'entreprise dans le cas d'une action)
peut devenir excessivement élevé car si les profits futurs croissent à un taux
supérieur au taux d'intérêt alors la valeur théorique de l'action devient infinie.
Les autorités monétaires n'ont rien fait pour arrêter ce mouvement. Au
printemps 2003, alors que l'économie américaine repart sur une trajectoire de
croissance, l'injection de liquidités bat des records : la base monétaire
mondiale se cale sur un rythme d'augmentation de 12%/an. l'excédent
monétaire par rapport aux besoins de la production se déverse alors forcément
sur les prix, des biens ou des actifs : on observe alors l'irrésistible inflation des
prix de tous les actifs (immobilier, matières premières, pétrole, prix des
entreprises, bourses).
Des bulles (=appréciation extrême du prix d'un actif) se créent alors : au
départ, les raisons données pour expliquer les valorisations extraordinaires
sont toujours réelles. Les « super profits » engrangés alors accroissent la
motivation de ceux qui y ont participé et le regret de ceux qui s'en sont tenus
à l'écart. Comme au départ il n'y a que des gagnants, une baisse générale des
risques futurs se diffuse. L'effet richesse et le sentiment d'optimisme stimulent
l'activité d'autant que l'endettement s'accroît. Mais lorsqu'elles éclatent, elles
peuvent déboucher sur des crises très graves.
Au cours des décennies précédentes, le système bancaire était le
principal fournisseur de liquidités, les banques centrales avaient la main. Mais
depuis 2004, elles ont perdu une partie de leur pouvoir : elles se trouvent
aujourd'hui dans la quasi-impossibilité d'influencer le niveau des taux longs.
Enjeux
Le désendettement doit intervenir tôt ou tard. L'équilibre économique
actuel n'est pas durable à terme car les risques peuvent dégénérer à tout
moment en crise.
Une sortie moins violente à la situation d'hyperliquidité dans laquelle
nous nous trouvons aujourd'hui suppose un consensus pour traiter le problème
fondamental de l'économie mondiale : l'insuffisance d'épargne aux USA et
l'excès d'épargne dans le reste du monde. Il faudrait donc que les USA se
donnent les moyens de faire remonter l'épargne de leurs ménages et que les
pays émergents riches en épargne commencent eux à investir dans leurs
infrastructures publiques (protection sociale, retraite, santé, éducation).
2. L'innovation financière réduit-elle les risques ?
La crise des subprime
En août 2007, la crise des prêts immobiliers subprimes aux USA est
déclenchée à la fois par la hausse des taux d'intérêt et par la baisse du prix
des maisons qui empêche les Américains de s'endetter davantage à partir des
plus-values en capital sur leur habitation pour rembourser leur dette
immobilière.
Cette situation est comparable à celle de la « finance de Ponzi » :
situation où la solvabilité d'un agent économique, en l'espèce un emprunteur,
n'est pas assurée par ses flux futurs de revenu. La solvabilité ne peut être
assurée que dans la mesure où il peut se réendetter régulièrement au service
de cette dette, par exemple s'il détient des actifs (ici une maison ou un
appartement) dont le prix augmente à un rythme supérieur au taux d'intérêt et
qui servent de garantie à cet endettement. L'emprunt pour acheter va donc de
facto soutenir la demande de cet actif dont le prix va augmenter. C'est une
anticipation autoréalisatrice qui va aboutir à la création d'une bulle financière.
La perte cumulée pour les prêteurs est chiffrée à la fin du mois à
quelques 30 milliards de dollars. Cette perte continue à croître en 2008
puisque la plus grande partie des crédits subprime a vu son taux d'intérêt
contractuel continuer à augmenter.
La titrisation : une « arme de destruction massive » ?
Mais cette crise a ensuite gagné de nombreux actifs dans un processus
de contagion quasi-instantané. Alors que la finance est censée avoir une action
contracyclique (lutter contre l'amplification d'une tendance en exerçant une
fonction de rééquilibrage), un mécanisme a transformé une petite crise en une
énorme crise : c'est la titrisation.
C'est une opération qui permet aux banques de revendre sur les marchés
financiers les actifs qu'elles détiennent, en particulier les crédits, après les
avoir « structurés » : ce ne sont pas les prêts eux-même qui sont cédés à
l'investisseur final, mais des titres complexes eux-même composés d'actifs de
niveaux de risque très divers.
Cette opération a plusieurs inconvénients majeurs :
 les investisseurs ne font pas l'objet d'une sélection et peuvent se révéler
trop fragiles : la logique d'assurance se met alors fonctionner à l'envers
puisque les moins fragiles revendent leurs risques aux plus fragiles.
 les actifs sont illiquides, ils ne peuvent être cédés instantanément. Et les
investisseurs, eux, ont de fortes contraintes de liquidités et des horizons
de court terme.
 en devenant un marché d'investissement, le marché des dérivés est
devenu si énorme qu'il échappe à tout contrôle.
Une chaîne prudentielle défaillante
Les banques amplifient de plus en plus les cycles et donc les crises. En
prêtant de manière inconsidérée et sans prise de garantie au cours des années
fastes, puis en durcissant brutalement les conditions de crédit lorsque les
risques sont apparus, elles ont à l'évidence fabriqué puis alimenté la crise de
l'été 2007.
Au-delà des banques, c'est toute la chaîne prudentielle qui a été
défaillante. Les agences de notation ont suivi la valorisation des actifs sur les
marchés au lieu de noter leurs caractéristiques fondamentales. Elles ont par
ailleurs conseillé ceux qui fabriquent ces produits dérivés pour bénéficier de la
meilleure note et ont donc joué un rôle ambigu dans ce qui devrait être une
chaîne de contrôle.
Lorsque certains acteurs, étroitement surveillés et évoluant dans un
cadre très strict, se sont donnés les moyens (grâce à l'innovation financière et
la titrisation) de transférer les risques vers d'autres, installés sur des places
offshore et peu soumis à la réglementation, la perte de contrôle était
inévitable. La crise de l'été 2007 repose ainsi la question de l'aléa moral.
Les banques centrales ont alimenté le comportement irresponsable des
banques : en corrigeant l'explosion de la dernière bulle par une nouvelle vague
de liquidités, elle a créée les conditions de la prochaine bulle, qui provoquera la
prochaine crise financière...
Enjeux
Avec la crise de l'été 2007, la titrisation est devenue presque impossible,
la demande de titres s'étant effondrée. Pourtant, cette technique financière est
indispensable au modèle de croissance actuel : depuis 15 ans, l'endettement
des agents économiques privés n'a été possible que parce que leurs banques
ont titrisé leurs créances, du fait de l'insuffisance de leurs fonds propres. Le
problème se posant est celui de l'horizon des actifs titrisés, qui sont des actifs
de long terme, et de celui des investisseurs qui les achètent, trop dépendants
du court terme.
Mais il faut aussi réintroduire de la gouvernance et du contrôle là où ils
ont disparu, par exemple :
 interdire la finance de Ponzi : le seul critère d'évaluation de la solvabilité
d'un emprunteur doit être ses revenus futurs,
 responsabiliser les banques dans la distribution de crédits (franchise,
malus),...
3. Les banques centrales servent-elles encore à quelque chose
?
Dans les années 1980, marquées par la dérive irrésistible des prix, Milton
Friedmann affirme que l'origine de l'inflation est purement monétaire : c'est la
banque centrale qui crée trop de monnaie et enclenche le processus
inflationniste. Il préconise ainsi un contrôle très strict de la création monétaire
et donc de l'action de la banque centrale.
La globalisation, un choc d'offre positif
Ce sont désormais les capacités mondiales qui comptent. La globalisation
fonctionne comme un choc d'offre positif puisque tout se passe comme si 2 ou
3 milliards d'individus supplémentaires pouvaient faire irruption sur le marché
du travail mondial : le monde est dans une situation de gigantesque sousemploi, les coûts salariaux dans les pays émergents restent donc très bas.
Dès lors que le taux d'emploi du monde tournera autour de 44%,
l'inflation ne risquera pas de menacer les pays industrialisés.
Les banquiers centraux se trompent de cible
Réfléchir les politiques monétaires en fonction de l'inflation pourrait ne
plus avoir de sens aujourd'hui : ce sont désormais le prix des actifs ou l'excès
d'endettement qui révèlent les déséquilibres financiers mondiaux.
Mais lors de chaque crise l'enchaînement est le même : la Fed laisse se
développer inconsidérément les crédits aux ménages, les niveaux
d'endettement, les cours boursiers, le prix des actifs parce que l'inflation est
faible aux USA et que les autorités monétaires ne voient pas de raison de
freiner une croissance si porteuse de richesses pour tous. Mais quand
l'explosion se produit, il faut injecter d'urgence des liquidités pour éviter le
pire, cette réinjection alimentant les prochaines bulles.
L'impuissance des banques centrales
Par ailleurs, conséquence de la globalisation financière, nos banques
centrales ont perdu une partie de leur pouvoir, notamment sur les taux longs :
ce sont les banques centrales des pays émergents et leurs gigantesques
réserves de change qui « font » le prix de l'argent à long terme.
Ces banques centrales veulent éviter une appréciation de leur devise
qu'elles affirment excessive et achètent donc des actifs libellés en dollars,
euros... En venant investir massivement sur la dette américaine, les réserves
de ces pays mettent donc la pression à la baisse sur les taux d'intérêt longs. La
Banque centrale américaine ne peut plus contrôler les marchés financiers en
dollars, ce qui pose un énorme problème de gouvernance de l'économie.
Enjeux
En s'obstinant à continuer à faire de la lutte contre l'inflation du prix des
biens et des services leur objectif central, sans réagir assez tôt à l'envolée du
prix des actifs et à la fuite en avant de l'endettement, les banques centrales
mènent des politiques monétaires qui ont tendance à amplifier les cycles et
peuvent déclencher une catastrophe. Elles doivent donc aujourd'hui tenir
compte des nouvelles caractéristiques du monde globalisé.
Il s'agit maintenant de protéger les agents économiques privés contre les
risques financiers majeurs (dérive du prix des actifs, excès d'endettement). La
liquidité circulant librement, il ne peut y avoir de contrôle de la liquidité
mondiale que sur la base d'une coopération internationale.
4. Comment remettre l'épargne mondiale à l'endroit ?
Au niveau mondial, il n'y a aucune rareté de l'épargne, le taux d'épargne
augmentant d'ailleurs, ce qui est bon signe puisque cela permet d'investir
davantage et de financer le développement économique. Mais ce phénomène
est inégal : certains pays (émergents d'Asie, exportateurs de matières
premières) sont en « excès d'épargne » tandis que d'autres (UE, USA) sont en
« insuffisance d'épargne ».
Les pays émergents financent la planète
Depuis 10 ans, les pays en voie de développement sont passés de
consommateurs à fournisseurs de fonds sur les marchés internationaux : ils
ont d'une part tiré les leçons de la série des crises financières des années 1990
et certains ont d'autre part engrangé les milliards associés au renchérissement
du prix de l'énergie et des matières premières. Ces pays émergent placent leur
excès d'épargne dans les pays développés.
Ce flux massif de capitaux des pays pauvres vers les pays riches va à
l'encontre de la théorie néoclassique de la croissance selon laquelle l'argent va
investir d'abord là où le rendement marginal du capital est le plus élevé, en
l'occurrence dans les pays en développement où le capital par tête est
beaucoup moins élevé que dans les pays développés. Les pays riches disposent
déjà de beaucoup de capital installé et le rendement du capital supplémentaire
y est donc plus faible que dans les pays pauvres où le capital manque.
L'Amérique siphonne l'épargne mondiale
Le supplément d'épargne mondial apporté par les pays émergents sert
dans les pays riches à financer le capacité des ménages, des Etats, des fonds
d'investissement à s'endetter. Les USA attirent cette épargne en général,
l'épargne chinoise en particulier, car le marché américain des capitaux reste le
plus profond, le plus liquide, et donc le plus « sûr » du monde. Dans le cas des
épargnants chinois, en finançant la consommation américaine, ils développent
leurs exportations et donc la croissance chinoise.
Mais, en siphonnant une large partie de l'épargne mondiale pour financer
son déficit extérieur, les USA siphonne une épargne qui serait mieux utilisée
dans d'autres régions du monde (Afrique, Amérique Latine), ainsi privées de
l'accès à l'épargne.
Plusieurs explications
D'abord, ce sont les banques centrales qui recyclent en grande partie
l'épargne. C'est parce que leur objectif est de stabiliser le taux de change
qu'elles acceptent d'investir dans des actifs liquides ou obligataires des USA ou
d'Europe.
Par ailleurs, les marchés financiers et les banques des pays émergents
sont encore trop frustres pour jouer leur rôle, d'où la difficulté d'y fixer
l'épargne : il faudrait que celle-ci y trouve des supports suffisamment liquides
et sophistiqués pour optimiser son allocation et son rendement.
Le niveau technologique dans les pays émergents n'est pas non plus
suffisamment élevé pour inciter l'épargne locale à investir sur place. Il faut
attendre que les investissements directs ou les acquisitions étrangères l'aient
accru pour qu'ils deviennent réellement attrayants pour l'épargne locale.
Enfin, l'absence de gouvernance (instabilité juridique et/ou politique,
corruption, bureaucratie,...) se traduit par une incapacité à investir
raisonnablement et décourage le maintien de l'épargne dans ces pays.
Enjeux
Lorsque l'épargne transitera moins par les banques centrales, que les
banques et les marchés financiers des pays émergents seront modernisés, que
la technologie y aura progressé ainsi que la gouvernance et la capacité à
réaliser des investissements efficaces, l'épargne des émergents devrait
financer de plus en plus l'investissement des émergents. Ce processus long est
déjà à l'oeuvre.
Le dernier problème reste l'inégal partage de la manne de l'épargne
mondiale qui laisse de côté le continent africain et certains pays d'Amérique
Latine.
5. L'inflation peut-elle revenir ?
Les années 1970 restent pour la France l'épisode le plus important d'une
inflation forte et prolongée en temps de paix : pendant une décennie, l'inflation
a alors évolué entre 10 et 15%. Les autres économies occidentales connaissent
aussi alors une forte inflation, les banques centrales ne luttant pas pour
l'éliminer. Mais peu à peu la lutte contre l'inflation devient la priorité des
gouvernements et des banques centrales : ils réduisent la liquidité en
surveillant l'évolution de la masse monétaire. Dès le milieu des années 1980,
l'inflation décroît, mais au prix d'un coût économique et social considérable
(blocage des salaires, taux d'intérêt élevés,...).
Globalisation et (dés)inflation
Un des principaux effets de la globalisation fut de faire baisser les prix
dans les pays développés et c'est encore le cas aujourd'hui. D'abord, la
globalisation favorise la « modération » des salaires dans les pays développés
qui, depuis 10 ans, ont augmenté moins vite que la productivité.
La globalisation est également déflationniste en raison de l'augmentation
de la part des pays émergents dans le commerce mondial et de la
consommation des grands pays de l'OCDE compte tenu des bas prix pratiqués
par ces producteurs. Ce ne sont plus les capacités de production locales qui
comptent mais les capacités mondiales : c'est désormais le taux d'utilisation
des capacités mondiales (output gap mondial) et la croissance mondiale du
crédit qui déterminent le risque de hausse des prix.
Mais des projections montrent que dans quelques années les effets
inflationnistes de la globalisation devraient finir par l'emporter sur ses effets
désinflationnistes. L'augmentation des salaires des pays émergents et celle de
la demande qui lui serait associée finiront par réduire l'écart de prix et donc
l'effet désinflationniste des importations en provenance de cas pays. C'est
surtout la hausse programmée du prix des matières premières, du fait de la
forte croissance de la demande mondiale, qui devrait nourrir dans les années
qui viennent les tendances inflationnistes.
Dans les années qui viennent, l'inflation dans les pays de l'OCDE devrait
être le résultat du conflit indécis entre forces inflationnistes et forces
désinflationnistes. A court terme, l'effet total serait plutôt inflationniste pour
les USA, et dans une moindre mesure au RU, neutre au Japon et encore
désinflationniste dans la zone euro...
Enjeux
Comment les banques centrales vont-elles réagir à la hausse des
pressions inflationnistes ? Il est probable qu'elles décident de résister à celles
surtout liées à la hausse du prix des matières premières et à élever en dernier
recours les taux d'intérêt nominaux et réels. Mais associée au fort endettement
des agents économiques, cette solution pourrait déboucher sur une crise
économique et financière sévère.
III.
IV.
L'avenir du capitalisme et ses enjeux
1.
2.
3.
4.
Demain, l'affrontement des capitalismes ?
Le capitalisme peut-il devenir « raisonnable » ?
Le private equity, mode ou mutation du capitalisme ?
Le capitalisme a-t-il perdu l' « esprit » ?
1.
2.
3.
4.
Comment gagner la bataille des savoirs ?
Les enjeux de la contrainte démographique
Quel « modèle » économique pour la France ?
Le travail a-t-il de l'avenir ?
La France et l'Europe dans vingt ans
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