Provence-Alpes-Côte d'Azur, Hautes-Alpes, Guillestre
maisons, celliers dits caves IA05000920
4 juin 2017 Page 3
Les matériaux utilisés dans toutes les constructions et leur mise en oeuvre dénotent également une architecture très
modeste. Les bâtiments sont construits en blocage de moellons et de galets noyés dans un mortier de chaux. Les
encadrements des baies sont en pierre pour le logis et en bois pour les parties agricoles ou à vocation de réserve. Les
escaliers en pierre sont rares, de même que les éléments sculptés en façade.
Le parcellaire
L'analyse des textes notariés, ainsi que la reconstitution du cadastre de 1698 et sa superposition avec le plan de 1830
font apparaître plusieurs caractéristiques : un bâti serré (cf. dossier VILLE de Guillestre), des parcelles imbriquées, de
nombreux partages de propriétés, une relative permanence des fonds entre 1698 et 1830.
En 1698, l'habitat guillestrin apparaît dense et serré, avec une extension de l'habitat équivalente, dans le bourg, à celle
que l'on connaît pour le début du XIXe siècle. Entre 1469 et 1698, le nombre de parcelles bâties intra-muros a augmenté
d'une centaine. Le réseau des parcelles bâties apparaît également comme relativement complexe. Plusieurs textes des
XVIe et XVIIe siècles évoquent en effet des maisons dont les rez-de-chaussée sont imbriqués. En 1545, un échange entre
Guillaume et Barthélémy Joue indique que l'étable «dessous ladite maison passe dessous la fogaigne tirant vers la partie
un pas et demi dans la maison de Guillaume Joue» (AD. 05 : 2 Mi 136, fol. 61). Le cadastre de 1698 mentionne quant à
lui une trentaine de passages entre les différentes propriétés du bourg. Ce qui ne va pas sans créer quelques problèmes.
Le 8 février 1546, une transaction est passée devant le notaire Pierre Isnel, à propos d'un litige concernant « un passage
entre deux chasals et une pare, entre le chasal et maison desdites parties» (AD. 05 : 2 Mi 137, fol. 46).
Un autre phénomène mis en évidence par les textes est celui du partage des parcelles, détenues en commun ou bien divisées
lors de ventes ou d'échanges. Le 26 mars 1545, Esprit et Claude Girard se partagent «leurs biens meubles et immeubles
tant de l'héritage de leur père que de leur mère». Les deux frères deviennent propriétaires de la moitié de chaque parcelle
(AD. 05 : 2 Mi 136, fol. 69 verso). Les frères Guillaume et Barthélémy Joue font de même le 24 février 1547 (AD 05: 2 Mi
138, fol. 63 verso). Le 9 février 1546, Claude Blanc vend à André Delort une partie de chambre, «un canton d'une salle ».
Les travaux d'aménagement engagés pour séparer les deux habitations seront partagés par le vendeur et l'acquéreur, tandis
que l'escalier sera mis en commun (AD. 05 : 2 Mi 137, fol. 45 verso). Le 18 juin 1546, Pierre Isnel enregistre la vente
de la moitié d'une grange (AD. 05 : 2 Mi 137, fol. 146). Dans le cas des ventes, on constate que les propriétaires cèdent
souvent une partie seulement de leur bien immobilier. Ainsi, le 18 janvier 1546, Jacques Brun vend deux chambres situées
au-dessus d'un cellier qu'il conserve (AD. 05 : 2 Mi 137, fol. 18). Au mois de mars suivant, Antoine Fornier vend deux
chambres situées à Ville-Vieille. La seconde sera partagée entre deux personnes qui pourront y faire un mur et construire
une cheminée (Ibid., fol. 80 verso).
Les partages se font le plus souvent dans le sens d'un découpage vertical de J'habitation. En 1547, Jean Broyon échange
avec Jean et Antoine Laurent la moitié d'une maison à Fontloube « de haut en bas et de bas en haut» (Ibid. : 2 Mi 138). On l'a
vu (cf supra), le 24 février de la même année, les frères Joue partagent dans le sens de la hauteur la maison qu'ils possèdent
en indivis comprenant « toute la fogaigne avec la moitié de l'estable dessous ladite fogaigne » (Ibid., fol. 63 verso). Ces
nombreux partages, souvent mentionnés dans les textes du XVIe siècle, peuvent être l'indice d'un essor démographique
durant cette période précédant la peste de 1630. Les divisions continuent aux siècles suivants. Elles sont visibles à travers la
comparaison du cadastre de 1698 et celui de 1830, mais elles s'équilibrent avec les réunions de parcelles. Dans l'ensemble,
on constate donc une grande continuité entre les deux cadastres, qu'il a été relativement facile de superposer.
Les bâtiments
L'aspect extérieur des bâtiments est mal connu, les textes donnant peu de précisions à ce sujet. Les matériaux utilisés pour
la construction sont rarement cités, voire pas du tout évoqués. En ce qui concerne toitures et charpentes, il est fort probable
que le mélèze ait été utilisé comme c'est le cas à Ceillac par exemple. Quant aux murs, une vente passée devant le notaire
Pierre Isnel en 1545 parle d'une grange «avec ses causes assises chaulhes et murres, située dans le fort de Guillestre» (AD.
05 : 2 Mi 136, fol. 95). On a par ailleurs plusieurs témoignages sur des maçons installés à Guillestre et sollicités pour
des constructions. Entre 1547 et 1561, plusieurs actes concernent Mathieu de Guras, tantôt qualifié de gippier, maçon ou
encore peyrier de Guillestre. Le 10 décembre 1547, il reçoit quittance de 40 florins « pour prix d'une maison» (AD. 05:
1 E 2235 ; Guillaume, 1916, p. 409). Le 27 juillet 1705, prix-fait est passé à François Mercier et à Jean Roufin "de la
val d'Oste en Savoye, maistres massons et plâtriers", pour réparer une maison récemment acquise dans Guillestre (AD.
05: 1 E 896; Guillaume, 1916, p. 491).
Il semble qu'il n'y ait pas eu dans le bourg de construction comprenant une partie en charpente importante, du type des
fustes que l'on rencontre dans d'autres communes comme Ceillac, ou même dans certaines fermes de Bramousse.
Rien n'est précisé ni sur la forme ni sur le nombre des ouvertures.
D'après les textes et l'observation de terrain, la maison guillestrine compte au moins trois niveaux d'élévation. Le logement,
qui comprend une cuisine ou fougaigne (pièce avec le foyer), se trouve à l'étage. Certaines habitations comportent en plus
de la cuisine une ou plusieurs chambres. C'est le cas de la maison vendue le 23 juillet 1545 par Claude Marchis « contenant
deux chambres de ault en bas et de bas en ault» (AD. 05 : 2 Mi 136, fol. 120 verso-122 recto).
Le rez-de-chaussée ou rez-de-chaussée surélevé est généralement occupé par une étable, tandis que la grange est aménagée
dans le comble. Le 16 mars 1545, Guillaume et Barthélémy Joue échangent « leur maison de haut en bas et de bas en
haut contenant fogaigne, stable, grange » contre « une maison avec grange, étable et fogaigne » (AD. 05 : 2 Mi 136, fol.
61). Ces descriptions indiquent que la maison guillestrine, tout comme la ferme des hameaux, rassemble sous un même