SOUS LA LOUPE >>Isabelle Vincke et Matthias De Cock LA COMMISSION EUROPÉENNE DONNE DE NOUVELLES PRÉCISIONS SUR LA NOTION D’AIDE D’ETAT INTRODUCTION Lorsqu’un Etat octroie des avantages à une entreprise, cet octroi est en principe subordonné à un contrôle par la Commission européenne, dans la mesure où ces avantages entrent dans la définition des aides d’Etat et dans la mesure où ils affectent ou menacent d’affecter les échanges entre les Etats membres de l’Union européenne. La question se pose alors naturellement de savoir ce qu’est une aide d’Etat, et en quoi les pouvoirs locaux peuvent être concernés. Relevons déjà, à titre préliminaire, qu’ils le sont à deux points de vue : d’une part, lorsqu’ils reçoivent un avantage et d’autre part, lorsqu’au contraire ils en octroient eux-mêmes un. La Commission européenne a publié une communication le 19 juillet 20161 pour clarifier la notion d’ « aide d’Etat » mentionnée à l’article 107, paragraphe 1er du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Cette communication emporte des conséquences importantes pour les pouvoirs locaux quand ils reçoivent ou octroient un avantage pouvant être qualifié d’aide d’Etat, notamment en ce qui concerne l’obligation ou non de déclarer cette dernière à la Commission européenne. Dans cet article, nous analyserons la notion d’aide d’Etat ainsi que cette communication de la Commission afin de déterminer dans quelles conditions un avantage perçu ou octroyé par un pouvoir local peut être qualifié d’aide d’Etat et si c’est le cas, quelles sont celles considérées comme compatibles avec le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. I. QUELS AVANTAGES PEUVENT ÊTRE CONSIDÉRÉS COMME DES AIDES D’ÉTAT ? Aux termes de l’article 107, paragraphe 1, du traité, constituent des aides d’État, «dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent 32 TRAIT D’UNION 2016 / 06 de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». Les différents éléments constitutifs de la notion d’«aide d’État » sont : 1. l’existence d’une entreprise ; 2. l’imputabilité de la mesure à l’État et le financement au moyen de ressources d’État ; 3. l’octroi d’un avantage ; 4. la sélectivité de la mesure ; 5. les effets de la mesure sur la concurrence et les échanges entre États membres 1. LES NOTIONS D’ENTREPRISE ET D’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE Les règles en matière d’aides d’État ne s’appliquent que lorsque le bénéficiaire d’une mesure est une «entreprise ». Une entreprise est définie comme une entité qui exerce une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. La question de savoir si une entité particulière constitue une entreprise ou non dépend donc entièrement de la nature de ses activités. Par exemple, une ASBL ou un club sportif peuvent donc parfaitement être des entreprises. Une autorité peut de même être une entreprise. Ceci entraîne trois conséquences. Premièrement, le statut d’une entité en droit interne n’est pas déterminant. Deuxièmement, le fait qu’une entité a été créée à des fins non-lucratives ne signifie pas que les règles en matière d’aide d’Etat ne s’appliquent pas. De telles entités peuvent en fait aussi offrir des biens et des services sur un marché donné. Troisièmement, la qualification d’entreprise est toujours liée à une activité économique bien précise. Une activité économique est toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné. 1. Communication de la Commission relative à la notion d’«aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, C/2016/2946, JO C 262 du 19.7.2016, p. 1–50 SOUS LA LOUPE Il est donc possible que, si un pouvoir local exerce une activité économique, il soit considéré comme une entreprise, et s’il reçoit, par exemple, une subvention entrant dans la définition des aides d’Etat, elle devra en principe être déclarée à la Commission européenne. L’imputabilité à l’Etat vise le fait que, pour que l’on puisse parler d’aide d’Etat, il faut que l’avantage octroyé à un bénéficiaire le soit par une autorité publique. Ceci englobe non seulement l’Etat fédéral ou fédéré, mais aussi toute entité décentralisée, dont les pouvoirs locaux. Par exemple, la Commission a expressément considéré que des CPAS constituent des entreprises lorsqu’ils se livrent à des activités susceptibles d’être exercées par des opérateurs privés, comme la livraison de repas à domicile ou lors de la fourniture de soins de santé à domicile2. Ceci marche de nouveau dans les deux sens : tant lorsqu’un pouvoir local octroie un avantage à une entreprise, que lorsqu’un pouvoir local reçoit un avantage d’une autre autorité publique (par exemple la Région bruxelloise ou une entité fondée par celle-ci), les règles en matière d’aide d’Etat s’appliquent. Certaines activités sont considérées comme non-économiques : •Les activités qui font intrinsèquement partie des prérogatives de puissance publique si elles sont exercées par l’État ou par des entités publiques qui agissent «dans leur qualité d’autorités publiques », à moins que l’État membre concerné ait décidé d’introduire des mécanismes de marché ; L’enseignement public organisé dans le cadre du système d’éducation nationale financé et supervisé par l’État ; •certaines activités ayant trait à la culture (exemple : les bibliothèques publiques), au patrimoine et à la protection de la nature, compte tenu de la spécificité de celles-ci, si elles ne revêtent pas de caractère commercial. Concernant une activité communale pour laquelle les communes perçoivent des subsides, la construction de logements de type social, la Commission confirme de manière constante le caractère économique des activités de construction et de gestion des logements sociaux. Au sens de ces décisions, les activités liées aux logements sociaux comprennent : « la construction, la location/vente et l’entretien de logements à des prix abordables ainsi que leur attribution et leur gestion, [elles peuvent] aussi englober la gestion de lotissements et de quartiers ».3 Il découle de ce qui précède qu’une même entité peut en même temps exercer des activités économiques et non-économiques. C’est particulièrement vrai pour les pouvoirs locaux. Les règles en matière d’aides d’Etat ne s’appliquent que pour les activités économiques de ce type d’entité, donc des pouvoirs locaux. 2. L’ORIGINE ÉTATIQUE L’octroi d’un avantage directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et l’imputabilité d’une telle mesure à l’État sont deux conditions distinctes et cumulatives pour constater l’existence d’une aide d’État. Il est en outre requis que l’avantage soit accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d’Etat. Celles-ci comprennent toutes les ressources du secteur public, y compris les ressources des entités décentralisées, fédérées, régionales ou autres. La question de savoir si un organe au sein du secteur public est autonome ou non n’est pas pertinente. Si une mesure procurant un avantage n’est pas financée directement par l’Etat, mais par un organisme public ou privé institué ou désigné par ce dernier pour gérer l’aide, ceci ne veut pas nécessairement dire que cette mesure n’est pas financée par des ressources d’Etat. Une mesure de l’autorité publique favorisant certaines entreprises ou certains produits ne perd pas son caractère d’avantage gratuit par le fait qu’elle serait partiellement ou totalement financée par des contributions imposées par l’autorité publique et prélevées sur les entreprises concernées. Des ressources d’Etat peuvent être transférées de nombreuses manières, par exemple des subventions directes, des prêts, des garanties, des investissements directs dans le capital d’entreprises, des avantages en nature, un engagement ferme et concret à fournir des ressources d’Etat à un stade ultérieur, une assistance logistique et commerciale ou une renonciation à des recettes d’Etat (allégements de charge, exonération fiscale ou de charges sociales, crédits d’impôts, report et fractionnement d’une dette, non recouvrement de créances ou renonciation à la rémunération du capital, …). La fourniture par une autorité publique de biens ou services à un prix inférieur aux tarifs du marché, ou l’investissement par une autorité publique de manière non conforme au critère de l’opérateur en économie de marché constituent chaque fois une renonciation à des ressources d’Etat et l’octroi d’un avantage. Il en va de même lorsqu’une autorité publique octroie un accès à un domaine public ou à des ressources naturelles ou octroie des 2. Document de travail de la Commission du 7 décembre 2010, Guide relatif à l’application aux services d’intérêt économique général, et en particulier aux services sociaux d’intérêt général, des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, de «marchés publics » et de «marché intérieur », p. 27. 3. Document de travail de la Commission européenne du 23 mars 2011 relatif à l’application des règles de l’UE en matière d’aides d’État applicables aux services d’intérêt économique général depuis 2005 et résultats de la consultation publique, SEC(2011) 397. TRAIT D’UNION 2016 / 06 33 SOUS LA LOUPE droits spéciaux ou exclusifs sans rémunération appropriée conforme aux tarifs du marché. L’origine des ressources n’est pas importante pour autant que celles-ci soient soumises à un contrôle public et soient donc à la disposition des autorités nationales avant d’être transférées directement ou indirectement aux bénéficiaires, et ce même si les ressources ne deviennent pas la propriété de l’autorité publique. Les ressources provenant de l’Union (par exemple des Fonds structurels) sont des ressources d’Etat si les autorités nationales disposent d’un pouvoir d’appréciation quant à leur utilisation (notamment la sélection des bénéficiaires). 3. LA NOTION D’AVANTAGE L’avantage visé est un avantage économique qu’une entreprise n’aurait pas pu obtenir dans les conditions normales du marché, c’est-à-dire en l’absence d’intervention de l’Etat. Pour apprécier cette notion d’avantage, on doit regarder seulement l’effet de la mesure. La raison ou l’objectif de l’intervention n’entrent pas en considération. Il y a un avantage dès lors que la situation financière d’une entreprise est améliorée par l’intervention de l’Etat réalisée à des conditions autres que les conditions normales du marché. Pour savoir si un avantage existe, il faut comparer la situation financière de l’entreprise après l’introduction de la mesure avec sa situation financière si cette mesure n’avait pas été prise. La forme précise de la mesure n’entre pas davantage en ligne de compte pour établir si cette dernière procure un avantage économique à l’entreprise. Non seulement l’octroi d’avantages économiques positifs est pertinent pour la notion d’«aide d’État », mais l’exonération de charges économiques peut également constituer un avantage. En ce qui concerne la compensation des coûts supportés pour fournir un service d’intérêt économique général, la Cour a précisé dans l’arrêt Altmark que l’octroi d’un avantage peut être exclu de la notion d’aide d’état si quatre conditions cumulatives sont remplies.4 4. LA SÉLECTIVITÉ Pour qu’il soit question d’aide d’Etat, l’aide accordée par un Etat doit favoriser certaines entreprises ou certaines productions. En conséquence, toutes les mesures qui favorisent des opérateurs économiques ne relèvent pas nécessairement de la notion d’aide, mais seulement celles qui confèrent un avantage de 34 TRAIT D’UNION 2016 / 06 manière sélective à certaines entreprises ou catégories d’entreprises ou à certains secteurs économiques. Les mesures de portée purement générale qui ne favorisent pas uniquement certaines entreprises ou certaines productions ne relèvent pas de l’article 107, paragraphe 1, du traité. La sélectivité peut être matérielle et régionale. La sélectivité matérielle d’une mesure signifie que cette mesure ne s’applique qu’à certaines entreprises ou catégories d’entreprises ou qu’à certains secteurs de l’économie dans un Etat membre donné. Quant à la sélectivité régionale, sans entrer dans le détail, notons que les mesures qui ne s’appliquent qu’à certaines parties du territoire d’un état membre pourraient être considérées comme sélectives. En principe, seules les mesures qui s’appliquent à l’ensemble du territoire de l’État membre échappent au critère de sélectivité régionale établi à l’article 107, paragraphe 1, du traité. 5. DISTORSION DE LA CONCURRENCE ET AFFECTATION DES ÉCHANGES La dernière condition qui doit être remplie afin de pouvoir parler d’une aide d’Etat est que l’avantage doit fausser ou menacer de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions et affecter les échanges entre les Etats membres. Même si théoriquement il s’agit là de deux éléments distincts, ils sont souvent, dans la pratique, traités ensemble dans l’appréciation des aides d’Etat, vu qu’ils sont généralement considérés comme indissociablement liés. Une mesure octroyée par l’Etat est considérée comme faussant ou menaçant de fausser la concurrence lorsqu’elle est de nature à renforcer la position concurrentielle du bénéficiaire par rapport à d’autres entreprises concurrentes. Une aide publique est de nature à fausser la concurrence même si elle n’aide pas l’entreprise bénéficiaire à développer ses activités et à gagner des parts de marché. Il suffit que l’aide lui permette de conserver une position concurrentielle plus forte que celle qu’elle aurait eue en l’absence d’aide. La distorsion de la concurrence ou l’affectation des échanges ne doit pas nécessairement être sensible ou substantielle. Le fait que le montant d’aide soit faible ou que l’entreprise bénéficiaire soit de taille modeste n’exclut pas en soi une distorsion de la concurrence ou une menace de distorsion de la concurrence, à condition toutefois que 4. Arrêt de la Cour de justice du 24 juillet 2003, Altmark Trans, C 280/00, ECLI :EU :C :2003 :415, points 87 à 95 : Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable. Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. SOUS LA LOUPE LE CRITÈRE DE L’OPÉRATEUR EN ÉCONOMIE DE MARCHÉ Les opérations économiques effectuées par des organismes publics ne confèrent pas d’avantage à leur destinataire et, donc, ne sont pas des aides d’Etat lorsqu’elles sont réalisées dans les conditions normales du marché. L’objectif de ce critère est d’apprécier si, dans le cadre d’une opération donnée, les organismes publics se sont comportés comme un opérateur en économie de marché l’aurait fait en pareille situation. Si ce n’est pas le cas, l’entreprise se trouve alors dans une situation plus favorable que celle de ses concurrents. Pour apprécier ce critère il ne faut prendre en compte que les bénéfices et les obligations liés au rôle de l’Etat en qualité d’opérateur économique, et non ceux qui sont liés à sa qualité de puissance publique. Par exemple, une intervention étatique peut être intéressante pour des raisons d’intérêt public (par exemple à des fins sociales ou de développement régional). Le comportement de l’Etat est alors rationnel du point de vue de l’action publique alors qu’il ne le serait pas pour un opérateur en économie de marché pour lequel des considérations d’intérêt public n’entrent pas en ligne de compte. Le comportement de l’Etat reste donc irrationnel par rapport au critère de l’opérateur en économie de marché et l’aide octroyée pourrait constituer une aide d’Etat. L’appréciation de la conformité d’une intervention étatique avec les conditions du marché doit se faire ex ante, en tenant compte des informations disponibles au moment où la décision d’intervenir a été prise. Des évaluations économiques effectuées a posteriori et conduisant à un constat rétrospectif de la rentabilité effective de l’investissement par l’Etat ne sauraient suffire. L’appréciation de la conformité d’une opération avec les conditions du marché doit se faire en évaluant globalement les effets de l’opération sur l’entreprise concernée. Sans entrer dans le détail des méthodes d’appréciation, il nous semble important de préciser que lorsque l’opération porte sur la vente et l’achat d’actifs, de biens et de services (ou autres opérations comparables) dans le cadre d’appels d’offres concurrentiels, transparents, non discriminatoires et inconditionnels, la conformité de cette opération avec les conditions du marché peut être établie directement sur base des informations du marché spécifique à cette opération. Le recours aux procédures prévues dans les directives européennes sur les marchés publics (adjudication, appel d’offres, procédure ouverte, procédure restreinte) et le respect de celles-ci sont suffisants pour satisfaire à ces conditions, pour autant que toutes les conditions d’utilisation de la procédure applicable soient remplies. Cela ne s’applique toutefois pas dans les circonstances particulières qui rendent impossibles l’établissement d’un prix du marché, telles que le recours à la procédure négociée sans publication d’un avis de marché. De même, si une seule offre est soumise, la procédure ne suffira normalement pas pour garantir un prix du marché, à moins - qu’il existe des mesures de sauvegarde particulièrement strictes lors de l’élaboration de la procédure, qui garantissent une concurrence réelle et effective, et qu’il n’apparaisse pas qu’un seul opérateur soit objectivement en mesure de présenter une offre crédible, - ou que les autorités publiques vérifient par des moyens supplémentaires que le résultat correspond au prix du marché. Nous renvoyons à la communication de la Commission européenne citée au début de cet article pour plus de détails sur les diverses méthodes d’appréciation. la probabilité d’une telle distorsion ne soit pas purement hypothétique. Par ailleurs, les aides publiques aux entreprises constituent des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité uniquement dans la mesure où elles «affectent les échanges entre États membres ». A cet égard, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre les États membres, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges Ainsi, une subvention octroyée à une entreprise qui ne fournit que des services locaux ou régionaux et ne fournit aucun service en dehors de son Etat d’origine peut affecter les échanges entre Etats membres lorsque des entreprises d’autres Etats membres pourraient fournir de tels services et lorsque cette possibilité n’est pas purement hypothétique. Toutefois, la Commission européenne a déjà rendu plusieurs décisions dans lesquelles elle a considéré que, tenant compte des faits d’espèce propres à chaque affaire, la mesure ne produisait ses effets qu’à un échelon purement local et n’affectait pas les échanges entre Etats membres. Dans de tels cas, la Commission a estimé, en particulier, que le bénéficiaire fournissait des biens ou des services à une zone limitée d’un Etat membre et qu’il n’allait probablement pas attirer des clients d’autres Etats membres. On ne pouvait alors pas prévoir que la mesure aurait un effet plus que marginal sur les conditions d’investissement ou d’établissement transfrontières. Voici quelques exemples, tirés des décisions de la Commission, de situations dans lesquelles celle-ci a estimé que l’aide publique n’était pas de nature à affecter les échanges entre Etats membres : a) les installations sportives et de loisirs destinées principalement à un public local ; b) les événements culturels locaux ; c) les hôpitaux fournissant des services médicaux à une population locale ; d) les médias d’information et/ou produits culturels qui ont un public potentiel limité à la population locale ; e) un centre de conférence local ; f) une plateforme d’information et de réseau locale ; Finalement, la communication donne quelques clarifications spécifiques aux infrastructures. TRAIT D’UNION 2016 / 06 35 La Commission a rappelé que les orientations concernant la notion d’«aide d’État » fournies dans sa communication s’appliquent de la même manière au financement public des infrastructures à usage économique qu’à tout autre financement public favorisant une activité économique. Toutefois, compte tenu de l’importance stratégique du financement public des infrastructures, en particulier pour la promotion de la croissance, et des questions qu’il soulève souvent, la Commission a tenu à fournir des orientations spécifiques sur les circonstances dans lesquelles le financement public des infrastructures favorise une entreprise, procure un avantage et affecte la concurrence et les échanges entre États membres. Nous renvoyons vers la communication de la Commission à ce sujet. II. CAS DANS LESQUELS UNE AIDE PEUT NÉANMOINS ÊTRE COMPATIBLE Si un avantage économique recoupe les conditions pour être qualifié d’aide d’Etat, il faut encore se poser la question de savoir si cette aide d’Etat est incompatible avec le Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne. En effet, il y a des exceptions qui permettent de qualifier une aide d’Etat comme étant compatible. 1. Le règlement de minimis L’exception la plus fameuse concerne sans doute le règlement de minimis. L’idée est que la Commission européenne ne doit pas s’occuper des aides d’Etat qui sont négligeables au point de vue de leur montant. Actuellement, le montant s’élève à 200.000 euros sur une période de trois exercices fiscaux. L’Etat membre (ou l’autorité publique, voir supra) est responsable du respect de ce plafond. Lorsqu’il octroie une aide de minimis à une entreprise, il doit donc vérifier que cette aide ne portera pas le montant total des aides de minimis perçues par cette entreprise au cours des trois exercices fiscaux concernés au-delà de ce plafond en cas de cumul d’aides de minimis. Lorsque l’aide de minimis couvre une même dépense admissible qu’une autre aide octroyée à l’entreprise, son montant est cumulé à celui de cette aide et 36 TRAIT D’UNION 2016 / 06 l’ensemble ne peut dépasser le plafond prévu pour le type d’aide considéré. 2. Les exceptions dans le TFUE Certaines catégories d’aides sont considérées comme compatibles de plein droit (art. 107, al. 2 TFUE), tandis que d’autres peuvent être déclarées compatible par la Commission après appréciation discrétionnaire (art. 107, al. 3 TFUE). 3. Le règlement d’exemption par catégorie Le règlement N° 651/2014 de la Commission européenne du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité prévoit aussi des catégories d’aide qui sont considérées comme compatibles. Relevons ainsi, parmi beaucoup d’autres catégories, les infrastructures locales, les infrastructures sportives et les infrastructures récréatives multifonctionnelles, pour autant que les conditions prévues par ce règlement soient remplies. 4. Les SIG, SIEG, SIGNE et SSIG Les services d’intérêt général (SIG) comprennent les services marchands et non marchands que les autorités publiques considèrent comme étant d’intérêt général et soumettent à des obligations spécifiques de service public. Les pouvoirs publics considèrent que leur fourniture est une nécessité même quand le marché n’est pas favorable à leur prestation. Ils sont soumis à des obligations spécifiques de service public, accomplissant une mission particulière qui leur est impartie. En application du principe de subsidiarité, seuls les Etats membres peuvent définir les SIG. Les services d’intérêt économique général (SIEG) sont des services de nature économique que les Etats membres ou l’Union européenne soumettent à des obligations spécifiques de service public en vertu d’un critère d’intérêt général. On vise ainsi les grands services en réseaux, tels que la fourniture d’énergie (gaz et électricité), les télécommunications, les chemins de fer, les services postaux, la gestion des déchets, etc. Les SIEG regroupent également d’autres types de services d’intérêt économique général locaux, régionaux ou transfrontaliers (services d’aide aux entreprises, entreprises d’insertion professionnelle). Les services d’intérêt général non économique (SIGNE) comprennent notamment les systèmes d’éducation obligatoire, les régimes de sécurité sociale, les pensions du premier pilier. Ils sont explicitement exclus du champ d’application des règles du TFUE en raison de leur caractère non économique. Les services sociaux d’intérêt général (SSIG) visent à garantir la cohésion sociale, à améliorer les conditions de vie des populations sans aucune forme de discrimination. Ce sont des services sociaux, économiques ou non économiques, revêtant un caractère d’intérêt général. Les critères suivants permettent de déterminer si un service social est d’intérêt général : la solidarité (conditions essentielle), le fait que les services s’adressent à des personnes dans le besoin, qu’ils fassent appel à des bénévoles, qu’ils n’imposent pas de conditions de solvabilité des bénéficiaires, ... CONCLUSION Il nous a semblé opportun de clarifier la notion d’aide d’Etat et de préciser qu’une aide d’état n’est pas toujours incompatible avec le Traité sur le fonctionnement de l’Union car notre Association est de plus en plus souvent questionnée par ses membres sur leur responsabilité dans ce cadre. Plus particulièrement, une pratique de plus en plus courante consiste, pour certains pouvoirs subsidants des pouvoirs locaux à soumettre l’octroi du subside à une déclaration sur l’honneur relativement au règlement de minimis. Or, comme nous l’avons vu dans cet article, le système de minimis n’intervient que lorsqu’un avantage a déjà passé l’étape de qualification en aides d’Etat, c’est-à-dire qu’il répond aux cinq critères requis pour être qualifié comme tel. Un pouvoir local pourrait très bien ne pas être considéré comme une entreprise dans le cadre de l’activité pour laquelle il sollicite un subside, par exemple s’il s’agit de l’enseignement public. De même, cette activité pourrait être considérée comme n’étant pas susceptible de créer une distorsion de concurrence ou d’affecter les échanges entre états membres. Cette pratique ne permet pas de faire ces nuances, elle ne tient pas compte de toute la règlementation applicable aux aides d’état et aux diverses possibilités d’exemption qui existent. La règlementation sur les aides d’état est déjà en tant que telle extrêmement mal adaptée à la réalité des pouvoirs locaux. Il est donc primordial que les pouvoirs subsidiants n’ajoutent pas des entraves supplémentaires en mettant sur pied des procédures de contrôle trop simplistes et non conformes à la règlementation européenne. Nous avons écrit aux ministres concernés par ces matières il y a déjà quelques temps. Les pratiques ne changent pas. Nous avons donc opté pour conseiller à nos membres de vérifier au cas le cas si l’avantage concerné rentre dans les conditions de qualification d’une aide d’état et, dans la positive, de vérifier si elle ne bénéficie pas d’une exemption. Rien ne les empêche en effet de justifier auprès du pouvoir subsidiant que la règlementation européenne est respectée et qu’en cas de doute, ils peuvent rappeler au pouvoir subsidiant que la notification de l’aide à la Commission reste le principe. Enfin, précisons qu’en termes de responsabilités, celle du pouvoir subsidiant est limitée. Seul le bénéficiaire de l’intervention est en fait passible de sanction en cas de perception d’une aide d’état. Ce bénéficiaire sera en effet alors tenu au remboursement de l’aide. Il lui appartient donc de vérifier s’il est dans les conditions d’une aide et si oui, si elle bénéficie d’une exemption. Il n’appartient pas au pouvoir subsidiant de refuser un subside parce qu’il considère par exemple que la règle « de minimis » n’est pas respectée. Bruxelles Environnement, l’administration de l’environnement et de l’énergie de la Région de Bruxelles-Capitale. Nos missions Etudier, surveiller et gérer l’air, l’eau, les sols, les déchets, le bruit, la nature (espaces verts et biodiversité )… mais aussi délivrer des permis d’environnement, contrôler leur respect, développer et soutenir des projets d’éducation à l’environnement dans les écoles bruxelloises, participer à des réunions et des négociations aux niveaux belge et international… Enfin, Bruxelles Environnement a développé ses activités dans le domaine de l’écoconstruction et des liens entre santé et environnement. 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