Bulletin no 30 – Avril 1998
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Il serait cependant faux de prétendre que nous avons trouvé, une fois pour toutes, la bonne
réponse à toute demande ou toute difficulté de communication entre les représentants de cultures
différentes. Une formation n'est pas un ensemble de recettes bien tournées que l'on peut resservir
à tous les repas (seuls les charlatans s'efforcent de nous le faire croire). Chaque formation doit
être pensée, conçue en regard d'un certain nombre de paramètres qui peuvent varier d'un contexte
culturel à un autre, d'une situation professionnelle à une autre. Elle doit être élaborée en fonction
des objectifs que l'on s'est fixés, en tenant compte de l'adéquation entre ces objectifs et les
caractéristiques de nos publics. Toute formation à l'interculturel qui fait l'impasse sur la maîtrise
de concepts fondateurs, sur la prise en compte des différentes dimensions, sur l'adaptation de
cette démarche globale à chaque cas de figure, n'est plus qu'une coquille vide dont l'habitant
principal aurait été exproprié.
En conclusion, nous rappellerons ici l'importance des enjeux, trop cruciaux pour jouer aux
apprentis sorciers : il nous paraît nécessaire, voire urgent, de reconsidérer en amont la formation
des formateurs pour qu'ils ne soient plus des informateurs qui transmettent du contenu, mais de
véritables formateurs dont la mission première est de solliciter et d'accompagner la mise à plat
des idées reçues et jugements de valeurs, la transformation progressive des comportements
figés. La fonction de formateur est une fonction “d'interface” entre la connaissance et le savoir-
faire, il est l'artisan de la construction de compétences culturelles à acquérir. Davantage encore, il
est le médiateur entre sa propre culture et celle du partenaire étranger. La finalité de notre
entreprise est relativement claire et ciblée : apprendre à anticiper les conflits potentiels dans les
situations de communication multiculturelle et acquérir les stratégies nécessaires pour les
identifier et si possible les gérer. Que la discipline de référence et de formation initiales soit
l'ethnologie, l'anthropologie culturelle, la sociologie, la psychologie sociale, etc. ne change pas le
problème : ce qui compte est que le formateur ait emprunté la voie de l'objectivation du problème et
une attitude de distanciation lui évitant toute tentation d'ethnocentrisme ou de sociocentrisme.
Pour que “l'interculturel” reste ou devienne un processus interactif se construisant de manière
consciente, rationalisée et progressive entre les représentants de cultures différentes, la formation
doit axer ses priorités sur l'apprentissage d'un relativisme culturel et social non figé, non
complaisant, c'est-à-dire un apprentissage interrogeant sans relâche ses propres acquis.
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