7ème édition 2014-2015 Partenariats (en cours) : 1 Le Prix de l’inédiThéâtre L’inédiThéâtre est un prix décerné par les lycéens de différents établissements, à la pièce de théâtre qu’ils choisiront parmi trois manuscrits* qui leur seront proposés. Il aboutit à la publication de la pièce lauréate chez Lansman éditeur. Le Prix est remis lors d’une soirée avec lecture publique du texte au Théâtre de l’Aquarium. Parallèlement, aux différentes étapes du comité de lecture, les classes participantes pourront découvrir au moins 2 spectacles de théâtre contemporain choisis dans la programmation du Théâtre de l’Aquarium, visiter le théâtre et rencontrer les équipes artistiques afin de permettre aux élèves d’appréhender les enjeux de la représentation théâtrale d’un texte. Ce lien avec un théâtre prolongera la découverte du théâtre par les élèves, en leur permettant d’appréhender les enjeux de la représentation théâtrale d’une pièce. En fonction des possibilités et des souhaits des différents partenaires, des ateliers de mise en voix de la pièce lauréate pourront éventuellement être proposés aux classes participantes par des artistes attachés au Théâtre de l’Aquarium. * Un appel à pièces inédites Chaque année en avril, un appel à textes est envoyé aux auteurs. Préjury et jury En juin, un préjury (composés des intervenants dans les classes et des partenaires organisateurs) lit l'ensemble des manuscrits envoyés – le nom de leurs auteurs ne figurant pas sur les textes distribués. Ce préjury retient les pièces qui lui semblent les plus adaptées au projet. Soit une dizaine de textes riches et variés dans leur propos, dans leur forme dramaturgique, dans leur ouverture et dans leur langue. Ces textes seront soumis au jury. En septembre, un jury, composé des enseignants participant à l’édition de l’année scolaire en cours, des intervenants dans les classes, et des partenaires organisateurs, désigne les trois pièces qui seront proposées aux élèves des classes engagées dans le projet. Publication L’opération ne sera définitivement terminée et le lauréat proclamé que quand le texte définitif, prêt à être publié, sera établi (en mai 2015). Le texte retenu fera l’objet d’une publication chez Lansman Editeur suivant un contrat dont le modèle peut être obtenu sur simple demande. L’ouvrage sera offert aux lycéens qui ont participé au prix. Certains exemplaires seront également diffusés dans le monde francophone auprès de personnes ou d’institutions susceptibles de les valoriser à la scène. L’autre partie des ouvrages sera diffusée via le circuit habituel de Lansman Editeur. 2 ► Objectifs Le principe du comité de lecture propose un éveil à la lecture du théâtre contemporain et à l’argumentation, et guide les jeunes vers une posture critique. Il leur permet de découvrir une littérature vivante, souvent méconnue et d’en rencontrer les auteurs et les acteurs. À l’image d’un comité de lecture professionnel, le groupe constitué se fixe des enjeux en suivant différentes étapes : lecture des textes, discussion, et sélection. A chaque séance, les élèves sont invités à trouver leurs « outils », leurs « entrées » pour aborder la littérature dramatique contemporaine : comment parler d’une pièce ? Comment parvenir à restituer son identité ? Comment déterminer son avis et en fonction de quels éléments ? L’intervenant, accompagné par l’enseignant, incite les élèves à se poser des questions sur la littérature et la théâtralité conjointement, en abordant tous les éléments qui participent d’une pièce de théâtre (notions de fable, personnages, construction, rythme, langue, oralité etc…). Le comité de lecture se présente comme un parcours de sensibilisation au théâtre d’aujourd’hui et aux auteurs vivants. Les débats sont un apprentissage de l’écoute de l’autre et de la prise de parole dans le respect de l’opinion de chacun. Ils invitent les jeunes à développer leur sens critique, à préciser leur prise de parole, à réfléchir et à choisir les mots pour dire ce qu’ils pensent et pour convaincre. ► Les partenaires Le théâtre c’est d’abord l’écriture d’un texte (quelle que soit sa forme), puis son partage avec le public, sous la forme d’une pièce éditée et d’une mise en scène portée sur un plateau de théâtre. C’est pourquoi L’inédiThéâtre réunit autour des classes participantes, 3 partenaires qui représentent ce parcours. Postures, qui accompagne les lycéens dans leur découverte du texte théâtral contemporain, Lansman éditeur qui publie la pièce choisie par les élèves et le Théâtre de l’Aquarium, qui permet aux élèves de mieux comprendre les enjeux d’une représentation théâtrale. ► Déroulement 16 septembre 2014 : réunion du jury au Théâtre de l’Aquarium et choix des trois manuscrits qui seront soumis aux élèves. De janvier à avril 2015 : 7 séances (14 heures) sont consacrées à la découverte des textes, à des tentatives de mise en voix d’extraits, et à la discussion. Ces séances sont animées par un intervenant, en collaboration avec l’enseignant. Pour les classes qui le souhaitent elles peuvent se dérouler au Théâtre de l’Aquarium lors de deux jours de stage. L’enseignant accompagne et prolonge la lecture et l’analyse des textes. La première séance est consacrée à la présentation du projet et des participants ; les élèves y découvrent pour la première fois les textes dont ils devront débattre par la suite, ils prennent connaissance des « règles du jeu » (lecture, prise de note, argumentation, et échanges) et s’attachent à définir ensemble pour leur comité des critères de sélection et des enjeux. Pour les élèves d’Ile de France participant au projet, cette première séance se déroulera le vendredi 26 septembre 2014 au Théâtre de l’Aquarium. Les classes qui le souhaitent pourront ensuite assister à la représentation d’End/Ignés de Mustapha Benfodil, mise en scène par Kheireddine Lardjam. 3 Les 3 séances suivantes sont consacrées chacune à un texte. Elles sont découpées en 2 temps : présentation de la pièce, analyse, avis, puis choix d’extraits et mise en voix. Ces trois séances peuvent être groupées sous forme d’un stage de deux jours au Théâtre de l’Aquarium, avec un atelier de mise en voix. La 5ème séance est consacrée au débat du comité de lecture. C’est un des temps forts de l’action, qui détermine ce qui va suivre. Elle commence par une discussion ou chacun énonce les raisons de son choix. Les différents aspects des pièces sont ainsi détaillés, analysés, soumis à la controverse. Si le débat n’aboutit pas à un accord, la sélection se fait en comptant les arguments positifs pour chaque pièce défendue : un argument égale une voix. Un élève à lui tout seul peut ainsi, en énonçant plusieurs arguments, avoir autant de poids qu’un groupe d’élèves, aussi nombreux soient ils. La 6ème séance réunit des représentants de chaque classe le 1er avril 2015 au Théâtre de l’Aquarium à Paris pour le comité de lecture final qui aboutit à la sélection de la pièce lauréate. La 7ème séance permet de passer le relais. Autre temps fort, elle ouvre d’autres perspectives : les élèves rencontrent l’ auteur. Cette rencontre peut-être l’occasion d’une discussion mais aussi d’un travail pratique. Le 21 mai 2015, le Théâtre de l’Aquarium accueille la remise de prix et la lecture de la pièce lauréate, en présence de toutes les classes participantes. 4 7 éditions 1ère édition, année scolaire 2008-2009 : L’action touche 4 classes à Paris au Lycée Voltaire. La pièce lauréate : Taklamakan de Gérald Dumont 2ème édition, année scolaire 2009-2010 : L’action touche 5 classes en Ile de France des lycées Voltaire, Etienne Dolet, et Hélène Boucher à Paris. La pièce lauréate : Les Yeux d’Anna de Luc Tartar 3ème édition, année scolaire 2010-2011 : L’action touche 5 classes en Ile de France des lycées E.Dolet, P.Valéry à Paris, E.Hénaff à Bagnolet et J.Renoir à Bondy. La pièce lauréate : De mémoire d’estomac d’ Antoinette Rychner 4ème édition, année scolaire 2011-2012 : Le Théâtre de l’Aquarium prend le relais du Théâtre de l’Est parisien et devient le nouveau partenaire du prix. L’action touche 7 classes en Ile de France dans les lycées E.Dolet, S.Weil et P.Valéry à Paris, P.Bert à Maisons Alfort, E.Delacroix à Drancy et R. Rolland à Ivry sur Seine. La pièce lauréate : La Bande de Xavier Carrar 5ème édition, année scolaire 2012-2013 : L’action s’étend en région, avec trois classes en Ile de France dans les lycées Charles le Chauve à Roissy en Brie, P.Bert à Maisons Alfort et J.Monod à Clamart et deux classes en Alsace. La pièce lauréate : Little boy en trois temps de Camille Rebetez 6ème édition, année scolaire 2013-2014 : L’action touche 7 classes en Ile de France dans les lycées Charles le Chauve à Roissy en Brie, P.Bert à Maisons Alfort, J.Monod à Clamart, G.Eiffel à Cachan, H.Boucher et J.Lurçat à Paris, C.Saint Saëns à Deuil la Barre, 2 classes en Rhône-Alpes dans les lycées E.Fitzgerald à St Romain en Gal et A.Camus à Firminy, 1 classe en Poitou-Charente au lycée de la Venise verte à Niort et 1 classe en Suisse à l’Ecole de Culture générale de Délémont. La pièce lauréate : Adelphes, Nous étions mutants de Léonie Casthel 7ème édition, année scolaire 2014-2015 : 6 classes en Ile de France : à Maisons Alfort, Clamart, Cachan, Paris, Deuil la Barre, Créteil ; 3 classes en Rhône-Alpes : à Firminy, Chambéry, Oyonnax ; 3 classes en Poitou-Charentes : à Niort, Parthenay, St Maixent l’Ecole ; 2 classes en Alsace : à Wissembourg ; 1 classe en Suisse : à Porrentruy. 5 Les textes sélectionnés, les auteurs (2014-2015) 85 textes ont été reçus suite à l’appel à pièces lancé en avril 2014, 3 textes seront sélectionnés à l’issue du comité du 16/09/2014 ► Lisolo de Laurent Contamin La pièce Dans le Lisolo de Laurent Contamin, il est question des enfants des rues de Kinshasa : les enfants sorciers, les enfants soldats, les enfants abandonnés. Il est aussi et surtout question de ce qui lie l’hémisphère nord à l’hémisphère sud, des rapports de pouvoir, des forces d’attraction et de répulsion entre ces deux parties du monde. L’histoire, c’est celle d’un homme blanc, pilote de ligne, qui retourne à Kinshasa sur les traces d’un enfant des rues, retrouvé mort dans le train d’atterrissage de son avion : besoin d’affronter son traumatisme en essayant de comprendre ce qui a conduit cet enfant à ce voyage sans retour. L’auteur Laurent Contamin est auteur, metteur en scène et comédien. Ses pièces tournent sur les scènes d’Europe, du Québec et d’Afrique. Outre le théâtre (Lauréat Beaumarchais, Villa Médicis Hors les Murs, Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre), il écrit pour la radio, le cirque, la marionnette, le théâtre de rue… ainsi que des nouvelles et de la poésie. Il a été entre 2002 et 2007 artiste associé au Théâtre Jeune Public de Strasbourg. Depuis, il compagnonne régulièrement avec des collectivités locales (Pont-Audemer, Colombes, Beaumont-sur-Oise) ou des théâtres (Bellac, Les Ulis, Valréas) http://www.laurent-contamin.net L’extrait Scène 1 : Arrival W : Voilà l’histoire : j’avais pris – B : Attends – pas prêt. Un temps. W : C’est bon ? B (un temps :) C’est bon. W : Voilà l’histoire : j’avais pris un congé pour retourner à Kin. Un congé-maladie. Je voulais revenir à Kin – repartir. Plusieurs mois que je ne pouvais plus piloter, impossible de monter dans le cockpit – nausées, tachycardie, les rotules qui me lâchaient, s’effondraient, alors le médecin qui me suivait a fini – de guerre lasse – par me conseiller d’affronter mes fantômes, c’est l’expression qu’il a employée, « vous devriez peut-être affronter vos fantômes », « vous résoudre à affronter ça » – il a dit « ça » comme ça, « lutter front contre front avec vos spectres, qu’est-ce que vous en pensez » ; j’en pensais que – B : « Ça ». W : J’en pensais : quelques jours de congé et un billet pour Kin. B : La décision doit venir de vous. W : Kin. B : Mmm. W : Capitale de la République Démocratique du Congo, ex-Zaïre, ex Congo-belge, ex… Deuxième ville de l’Afrique subsaharienne. Onze millions d’habitants, quatre vingts kilomètres de diamètre. Quatre cents ethnies, six cents partis politiques, deux mille ONG, trente-cinq mille églises ou sectes. Cent trente ans d’existence. Le sous-sol le plus riche du monde, et en surface du sable, de la poussière – sable, poussière –, des décibels. Et des enfants, en nombre incalculable. B : Vingt mille enfants dans la rue à Kinshasa : poussière vaste. W : Venu à Kin à la recherche d’un spectre, avec dans ma poche, à fleur de cuisse, une photo essentielle, et le désir d’en découdre avec le sort. De lutter front contre front avec mes spectres. 6 ► Pika Dôn (Hiroshima) d’Alex Lorette La pièce A travers plusieurs paroles – celle des survivants et celle aujourd’hui de touristes occidentaux - l’auteur nous plonge dans la mémoire toujours vivante de cette journée du 6 août 1945 : comment penser Hiroshima, tragédie à la fois si lointaine et toujours si présente ?… Une pièce paysage sur les restes d’un monde défiguré ; une écriture sobre, tenue, à la fois concrète et poétique pour dire la difficulté de nos consciences à parler de l’impensable. L’auteur Alex Lorette a quarante ans, il est de nationalité belge et vit à Bruxelles. Ses formations sont multiples, mais plusieurs d’entre elles nourrissent son champ d’écriture théâtrale. Diplômé en économie et en sociologie, Alex est également détenteur d'une licence en sciences théâtrales, et d'un diplôme de comédien. En tant que metteur en scène, Alex Lorette a travaillé sur les textes de divers auteurs contemporains (notamment Edward Albee, Peter Handke, Xavier Durringer, Koffi Kwahulé, Rodrigo Garcia) et a également réalisé une mise en scène de l'un de ses textes (Pikâ Don (Hiroshima)). Ses mises en scène ont fait l'objet de plusieurs nominations aux prix du théâtre et de la critique en Belgique (meilleur espoir féminin, meilleure scénographie). Depuis les deux dernières années, Alex Lorette a privilégié l’écriture. Ses textes, dont les formes sont diverses, interrogent toujours le rapport au territoire, et traitent de questions relatives à l’identité, qu’il s’agisse d’une identité sociale ou d’une identité historique. Parmi ses obsessions d’écriture, on trouve le rapport à la mémoire et la question de l’errance et la difficulté de « trouver son champ ». " L’extrait Les vacances - choeur C’est doux J’aime le mois d’août Nous partons en vacances Quelle chance Quand Au Japon C’est la mousson Les sushis Ça te va bien cette couleur Je ne suis pas au courant Tu trouves ? Merci je viens de l’acheter C’est difficile de se rendre compte de Je me disais bien aussi C’est là et ce n’est pas là mais c’est là quand même tout au fond on le sent Vous croyez Kyoto L’ancienne capitale Tokyo Le palais de l’empereur Karaoké Ces gens tellement gentils Accueillants La grande muraille Non ça c’est en Chine Ah oui tout à fait 7 ► CtrlX de Pauline Peyrade La pièce Une fenêtre s’ouvre. Vidéo. Pub. Flash-info. Le téléphone sonne. Adèle s’inquiète. “Tu as pris ton médoc?” Laurent s’impatiente. “Tu veux que je remonte ?”. Une fenêtre s’ouvre. Photos de Pierre. Interviews de Pierre. Souvenirs de Pierre. Une fenêtre s’ouvre. L’amour d’Ida. Sa mémoire. Ses pulsions. Ses obsessions. Un passé enfermé dans le présent d’un écran d’ordinateur. Le temps d’une nuit. L’auteure Pauline Peyrade étudie la mise en scène à la Royal Academy of Dramatic Art puis les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle. En 2012, elle intègre le département Ecriture Dramatique de l’ENSATT et crée la revue Le bruit du monde. Elle est l’auteure de plusieurs textes, dont 0615366417 (finaliste du Grand Prix d’Ecriture Théâtrale de Guérande 2014 ; Actes du Théâtre n°71), Vingt centimètres (Mousson d’hiver 2014) et Ctrl x (soutenu par A mots découverts). En 2014, elle participe à la rencontre franco-tunisienne « Ecrire avec son temps » ainsi qu’à l’Obrador d’Estiu de la Sala Beckett. L’extrait -1Ida allume une cigarette. -2L’ŒIL QUI LUIT 00:13:52 OTTIS TOOLE. J’adore le feu. Les incendies sur trois étages. Parfois je rêve et je me dis : « Mince ! J’aimerais tant voir un feu haut de quatre ou cinq étages, tout là-haut, dépassant les immeubles. » Je prendrais mon pied – Le portable vibre. LAURENT. TU MAS VIDE… SAUVAGE Ida sourit, envoie un texto. IDA. OH… PETITE NATURE -3- -4- -5JACK L’EVENTREUR, SON VRAI VISAGE FRANCK FERRAND. Ce soir, enfin, on va peut-être connaître l’identité de l’assassin. Qui était Jack l’Eventreur ? Un nom, ou plutôt un surnom qui évoque le piège, le sang, l’acharnement sadique contre des femmes sans défense – Le portable vibre. LAURENT. TU ME CHERCHES? TEN VEUX ENCORE? Ida sourit, envoie un texto. IDA. DOUCEMENT PAPY. TAFFOLE PAS -6- -7- -8JACK L’EVENTREUR, SON VRAI VISAGE FRANCK FERRAND. L’Eventreur n’aurait fait que cinq victimes, mais il doit sa célébrité à la sauvagerie de ces corps dépecés, lacérés et installés dans des mises en scène monstrueuses – Le portable vibre. LAURENT. PETASSE -9- -10Ida rigole. 8 Paroles d’auteurs La part belle Saint-Denis-de-la Réunion, mai 2010, festival Bat la lang. Mon téléphone sonne. Je gare sur le côté ma vieille voiture de location et je décroche. C’est pascale Grillandini, de l’association Postures, qui m’apprend que Les yeux d’Anna vient d’obtenir le prix de L’inédiThéâtre. Je suis fou de joie. Je descends de cette guimbarde et je marche dans la rue, de long en large. Je m’assieds, je me relève. Je téléphone en métropole, malgré la distance. Je préviens mon entourage, les gens qui comptent dans ma vie, signe que la nouvelle est d’importance. Recevoir ce « prix lycéen de pièces inédites » me touche profondément. Au-delà de la gratification de voir récompensé mon travail, c’est surtout le lien fait avec les jeunes qui me remue. De retour en métropole et accompagné de Pascale, je rencontre les classes qui ont choisi ce texte et je constate avec émotion combien les lecteurs ont adhéré à cette écriture et défendu cette histoire de différence et de liberté. Au cours de nos échanges, des questions imortantes sont abordées, tant au niveau du thème et de son inscription dans notre monde d’aujourd’hui qu’au niveau des personnages et de la dramaturgie. Pourquoi Anna, personnage principal, n’apparaîtelle jamais physiquement dans l’histoire ? Pourquoi avoir choisi comme « différence » des yeux vairons ? Et cette question, à laquelle je ne m’attendais pas : « Monsieur, pourquoi Anna n’a-t-elle pazs décidé de porter des lentilles pour cacher sa différence ? » Je reste coi quelques secondes, conscient que nous sommes là au cœur du problème et puis je saisis la perche qui m’est tendue pour préciser ma pensée : non, Anna ne veut pas se cacher, Anna assume sa différence. Le regard que ces adolescents posent sur mon travail est roboratif et nos discussions dépassent le cadre même du texte et viennent flirter avec l’engagement, le sens de la vie. C’est bien le sens profond de L’inédiThéâtre, qui allie la découverte des textes et l’apprentissage du monde. Parce qu’il fait le lien entre les auteurs dramatiques, les jeunes, le théâtre et le livre, ce prix fait la part belle à la transmission du goût pour la lecture, pour la culture et, in fine, à la transmission du goût pour la vie. En confiant aux adoslescents la responsabilité d’un choix, les partenaires du projet posent à la fois un acte pédagogique et civique. En usant de cette confiance avec liberté et pertinence, les lycéens font preuve d’indépendance, de maturité et de foi en l’avenir. Bravo aux organisateurs, association Postures, Théâtre de l’Est Parisien et Editions Lansman, pour la très belle organisation du prix. Bravo et merci aux lycéens d’avoir mis là-dedans de la curiosité, de l’énergie, de l’humour et un certain enjeu, celui que nous ressentons tous face à la marche du monde. Lors de la séance de dédicace finale, une lycéenne m’a remerié en me confiant son espoir : « Moi, je crois que Les yeux d’Anna peut faire changer les mentalités ». Je n’ai pas osé la décevoir, la contredire. Et puis je me suis interrogé : pourquoi j’écris ? Pour nourrir ma révolte ? Ne reste-t-il pas quelque part, au fond de moi, ce désir fougeux de faire bouger untout petit peu les choses ? Ce qu’on pourrait appele l’incompressible espoir, ou pourquoi pas, la part belle… Luc Tartar 9 L’imbécile heureux L’auteur est maladroit. Il tâtonne et rature. Souvent, il ne comprend même pas ce qu’il cherche. Il se fie comme une bestiole à une piste évanescente, vague idée d’une chose à dire qui serait grande et bouleversante pour chacun et chacune. L’auteur ne peut pas s’en empêcher : il traque, course, il flaire et s’agite. Durant des semaines ou des années. C’est comme une addiction. Jusqu’à ce que sa piste le mène quelque part. Assez souvent, hélas, elle débouche sur des recoins sombres et humides où rien ne pousse que l’envie de tut lâcher. L’auteur n’est pas efficace. Il n’apprend pas la prudence, il s’obstine au contraire et s’agrippe à sa piste. Il n’a ni formule ni recette de grand-mère. Il convoque quelques techniques et trois fois rien d’expérience, sans être sûr de ce qu’il met en forme. Tant pis si c’est vain, l’auteur organise, trace et écrase, se révolte, lisse, tisse et réduit. Il malaxe en détruisant la méthode qu’il venait juste d’invente. Puis il mesure à la virgule et dirige mots et silences au garde-à-vous comme sur du papier à musique. L’auteur est une sorte d’orfèvre sur vent. Parfois, il sent qu’il invente un truc. Il sent que tout se fige comme une évidence. Il est alors assis sur des toilettes ou reçoit la monnaie sur une boîte de raviolis des mains de la caissière. Le déclic survient n’importe quand, mais qu’est-ce qu’il a fallu suer dans le vide. Tout ça pour quoi ? Pour lui-même d’abord. Parce qu’il ne peut pas faire autrement, c’est un chien en rut, je vous dis. Et puis, surtout, pour défier l’indicible. Pour faire la nique au néant et à la barbarie. Leur mettre devant la gueule un modèle éphémère de cohérence et d’humanité. L’auteur est un idéaliste. Il crée de la langue et du mouvement pour aller vers les autres, pour que chacun et chacune se reconnaisse et partage du sens, au même moment, devant ses pairs. C’est très rare. Mais lorsque la piste débouche sur une salle qui semble s’animer devant ses morceaux d’invention, alors l’auteur existe. Il laisse sa place aux voix et aux corps présents sur le plateau, bien plus intelligents que ses seuls mots inventés en digérant des raviolis. Bien plus vivants. En fait, sitôt qu’il existe, l’auteur se trouve un peu con. Bête et content, mais qu’est-ce que ça fait du bien de respirer cet air-là ! on a si peu l’occasion d’être des imbéciles heureux. L’auteur redevable peut repartir de zéro, avec l’expérience de ce sens qui a existé, et qui va le rendre sans doute encore plus borné. Parce que c’est sûr, une fois qu’il a goûté à ce type derencontre, l’auteur devient encore plus addict, il va tout faire pour reprendre un shoot. Camille Rebetez 10 Informations pratiques Contact organisateurs : Pascale Grillandini 01 84 17 37 00 / 06 82 25 84 82 [email protected] 21 rue Alexandre Dumas 75011 Paris Site internet : www.postures.fr Contact presse Estelle Laurentin 06 72 90 62 95 [email protected] Contact Jessica Pinhomme, responsable des relations publiques 01 43 74 67 36 [email protected] Site internet : www.theatredelaquarium.net 11