Les comités de lecture en milieu scolaire

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7ème édition 2014-2015
Partenariats (en cours) :
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Le Prix de l’inédiThéâtre
L’inédiThéâtre est un prix décerné par les lycéens de différents établissements, à la pièce de théâtre qu’ils
choisiront parmi trois manuscrits* qui leur seront proposés.
Il aboutit à la publication de la pièce lauréate chez Lansman éditeur.
Le Prix est remis lors d’une soirée avec lecture publique du texte au Théâtre de l’Aquarium.
Parallèlement, aux différentes étapes du comité de lecture, les classes participantes pourront découvrir au
moins 2 spectacles de théâtre contemporain choisis dans la programmation du Théâtre de l’Aquarium, visiter le
théâtre et rencontrer les équipes artistiques afin de permettre aux élèves d’appréhender les enjeux de la
représentation théâtrale d’un texte.
Ce lien avec un théâtre prolongera la découverte du théâtre par les élèves, en leur permettant d’appréhender
les enjeux de la représentation théâtrale d’une pièce.
En fonction des possibilités et des souhaits des différents partenaires, des ateliers de mise en voix de la pièce
lauréate pourront éventuellement être proposés aux classes participantes par des artistes attachés au Théâtre
de l’Aquarium.
* Un appel à pièces inédites
Chaque année en avril, un appel à textes est envoyé aux auteurs.
Préjury et jury
 En juin, un préjury (composés des intervenants dans les classes et des partenaires organisateurs) lit
l'ensemble des manuscrits envoyés – le nom de leurs auteurs ne figurant pas sur les textes distribués.
Ce préjury retient les pièces qui lui semblent les plus adaptées au projet. Soit une dizaine de textes
riches et variés dans leur propos, dans leur forme dramaturgique, dans leur ouverture et dans leur
langue. Ces textes seront soumis au jury.
 En septembre, un jury, composé des enseignants participant à l’édition de l’année scolaire en cours,
des intervenants dans les classes, et des partenaires organisateurs, désigne les trois pièces qui seront
proposées aux élèves des classes engagées dans le projet.
Publication
L’opération ne sera définitivement terminée et le lauréat proclamé que quand le texte définitif, prêt à être
publié, sera établi (en mai 2015). Le texte retenu fera l’objet d’une publication chez Lansman Editeur
suivant un contrat dont le modèle peut être obtenu sur simple demande.
L’ouvrage sera offert aux lycéens qui ont participé au prix. Certains exemplaires seront également
diffusés dans le monde francophone auprès de personnes ou d’institutions susceptibles de les valoriser
à la scène. L’autre partie des ouvrages sera diffusée via le circuit habituel de Lansman Editeur.
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► Objectifs
Le principe du comité de lecture propose un éveil à la lecture du théâtre contemporain et à
l’argumentation, et guide les jeunes vers une posture critique. Il leur permet de découvrir une littérature
vivante, souvent méconnue et d’en rencontrer les auteurs et les acteurs. À l’image d’un comité de lecture
professionnel, le groupe constitué se fixe des enjeux en suivant différentes étapes : lecture des textes,
discussion, et sélection. A chaque séance, les élèves sont invités à trouver leurs « outils », leurs
« entrées » pour aborder la littérature dramatique contemporaine : comment parler d’une pièce ?
Comment parvenir à restituer son identité ? Comment déterminer son avis et en fonction de quels
éléments ? L’intervenant, accompagné par l’enseignant, incite les élèves à se poser des questions sur la
littérature et la théâtralité conjointement, en abordant tous les éléments qui participent d’une pièce de
théâtre (notions de fable, personnages, construction, rythme, langue, oralité etc…). Le comité de lecture
se présente comme un parcours de sensibilisation au théâtre d’aujourd’hui et aux auteurs vivants.
Les débats sont un apprentissage de l’écoute de l’autre et de la prise de parole dans le respect de
l’opinion de chacun. Ils invitent les jeunes à développer leur sens critique, à préciser leur prise de parole,
à réfléchir et à choisir les mots pour dire ce qu’ils pensent et pour convaincre.
► Les partenaires
Le théâtre c’est d’abord l’écriture d’un texte (quelle que soit sa forme), puis son partage avec le public,
sous la forme d’une pièce éditée et d’une mise en scène portée sur un plateau de théâtre.
C’est pourquoi L’inédiThéâtre réunit autour des classes participantes, 3 partenaires qui représentent ce
parcours. Postures, qui accompagne les lycéens dans leur découverte du texte théâtral contemporain,
Lansman éditeur qui publie la pièce choisie par les élèves et le Théâtre de l’Aquarium, qui permet aux
élèves de mieux comprendre les enjeux d’une représentation théâtrale.
► Déroulement
16 septembre 2014 : réunion du jury au Théâtre de l’Aquarium et choix des trois manuscrits qui seront
soumis aux élèves.
De janvier à avril 2015 : 7 séances (14 heures) sont consacrées à la découverte des textes, à des
tentatives de mise en voix d’extraits, et à la discussion. Ces séances sont animées par un intervenant, en
collaboration avec l’enseignant.
Pour les classes qui le souhaitent elles peuvent se dérouler au Théâtre de l’Aquarium lors de deux jours
de stage.
L’enseignant accompagne et prolonge la lecture et l’analyse des textes.
La première séance est consacrée à la présentation du projet et des participants ; les élèves y
découvrent pour la première fois les textes dont ils devront débattre par la suite, ils prennent
connaissance des « règles du jeu » (lecture, prise de note, argumentation, et échanges) et s’attachent à
définir ensemble pour leur comité des critères de sélection et des enjeux.
Pour les élèves d’Ile de France participant au projet, cette première séance se déroulera le
vendredi 26 septembre 2014 au Théâtre de l’Aquarium. Les classes qui le souhaitent pourront
ensuite assister à la représentation d’End/Ignés de Mustapha Benfodil, mise en scène par
Kheireddine Lardjam.
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Les 3 séances suivantes sont consacrées chacune à un texte. Elles sont découpées en 2 temps :
présentation de la pièce, analyse, avis, puis choix d’extraits et mise en voix. Ces trois séances peuvent
être groupées sous forme d’un stage de deux jours au Théâtre de l’Aquarium, avec un atelier de mise en
voix.
La 5ème séance est consacrée au débat du comité de lecture. C’est un des temps forts de l’action, qui
détermine ce qui va suivre. Elle commence par une discussion ou chacun énonce les raisons de son
choix. Les différents aspects des pièces sont ainsi détaillés, analysés, soumis à la controverse.
Si le débat n’aboutit pas à un accord, la sélection se fait en comptant les arguments positifs pour chaque
pièce défendue : un argument égale une voix. Un élève à lui tout seul peut ainsi, en énonçant plusieurs
arguments, avoir autant de poids qu’un groupe d’élèves, aussi nombreux soient ils.
La 6ème séance réunit des représentants de chaque classe le 1er avril 2015 au Théâtre de l’Aquarium à
Paris pour le comité de lecture final qui aboutit à la sélection de la pièce lauréate.
La 7ème séance permet de passer le relais. Autre temps fort, elle ouvre d’autres perspectives : les
élèves rencontrent l’ auteur. Cette rencontre peut-être l’occasion d’une discussion mais aussi d’un travail
pratique.
Le 21 mai 2015, le Théâtre de l’Aquarium accueille la remise de prix et la lecture de la pièce lauréate,
en présence de toutes les classes participantes.
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7 éditions
1ère édition, année scolaire 2008-2009 : L’action touche 4
classes à Paris au Lycée Voltaire.
La pièce lauréate : Taklamakan de Gérald Dumont
2ème édition, année scolaire 2009-2010 : L’action touche 5
classes en Ile de France des lycées Voltaire, Etienne
Dolet, et Hélène Boucher à Paris.
La pièce lauréate : Les Yeux d’Anna de Luc Tartar
3ème édition, année scolaire 2010-2011 : L’action touche 5
classes en Ile de France des lycées E.Dolet, P.Valéry à
Paris, E.Hénaff à Bagnolet et J.Renoir à Bondy.
La pièce lauréate : De mémoire d’estomac d’ Antoinette
Rychner
4ème édition, année scolaire 2011-2012 : Le Théâtre de
l’Aquarium prend le relais du Théâtre de l’Est parisien et
devient le nouveau partenaire du prix.
L’action touche 7 classes en Ile de France dans les lycées
E.Dolet, S.Weil et P.Valéry à Paris, P.Bert à Maisons Alfort,
E.Delacroix à Drancy et R. Rolland à Ivry sur Seine.
La pièce lauréate : La Bande de Xavier Carrar
5ème édition, année scolaire 2012-2013 : L’action s’étend
en région, avec trois classes en Ile de France dans les
lycées Charles le Chauve à Roissy en Brie, P.Bert à
Maisons Alfort et J.Monod à Clamart et deux classes en
Alsace.
La pièce lauréate : Little boy en trois temps de Camille
Rebetez
6ème édition, année scolaire 2013-2014 : L’action touche 7
classes en Ile de France dans les lycées Charles le
Chauve à Roissy en Brie, P.Bert à Maisons Alfort, J.Monod
à Clamart, G.Eiffel à Cachan, H.Boucher et J.Lurçat à Paris,
C.Saint Saëns à Deuil la Barre, 2 classes en Rhône-Alpes
dans les lycées E.Fitzgerald à St Romain en Gal et
A.Camus à Firminy, 1 classe en Poitou-Charente au lycée
de la Venise verte à Niort et 1 classe en Suisse à l’Ecole de
Culture générale de Délémont.
La pièce lauréate : Adelphes, Nous étions mutants de
Léonie Casthel
7ème édition, année scolaire 2014-2015 :
6 classes en Ile de France : à Maisons Alfort, Clamart, Cachan, Paris, Deuil la Barre, Créteil ; 3 classes en
Rhône-Alpes : à Firminy, Chambéry, Oyonnax ; 3 classes en Poitou-Charentes : à Niort, Parthenay, St
Maixent l’Ecole ; 2 classes en Alsace : à Wissembourg ; 1 classe en Suisse : à Porrentruy.
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Les textes sélectionnés, les auteurs (2014-2015)
85 textes ont été reçus suite à l’appel à pièces lancé en avril 2014, 3 textes seront sélectionnés à l’issue du
comité du 16/09/2014
► Lisolo de Laurent Contamin
La pièce
Dans le Lisolo de Laurent Contamin, il est question des enfants des rues de Kinshasa : les enfants sorciers, les enfants
soldats, les enfants abandonnés. Il est aussi et surtout question de ce qui lie l’hémisphère nord à l’hémisphère sud, des
rapports de pouvoir, des forces d’attraction et de répulsion entre ces deux parties du monde.
L’histoire, c’est celle d’un homme blanc, pilote de ligne, qui retourne à Kinshasa sur les traces d’un enfant des rues,
retrouvé mort dans le train d’atterrissage de son avion : besoin d’affronter son traumatisme en essayant de comprendre
ce qui a conduit cet enfant à ce voyage sans retour.
L’auteur
Laurent Contamin est auteur, metteur en scène et comédien. Ses pièces tournent sur les scènes d’Europe, du Québec et
d’Afrique.
Outre le théâtre (Lauréat Beaumarchais, Villa Médicis Hors les Murs, Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre), il écrit
pour la radio, le cirque, la marionnette, le théâtre de rue… ainsi que des nouvelles et de la poésie. Il a été entre 2002 et
2007 artiste associé au Théâtre Jeune Public de Strasbourg. Depuis, il compagnonne régulièrement avec des collectivités
locales (Pont-Audemer, Colombes, Beaumont-sur-Oise) ou des théâtres (Bellac, Les Ulis, Valréas)
http://www.laurent-contamin.net
L’extrait
Scène 1 : Arrival
W : Voilà l’histoire : j’avais pris –
B : Attends – pas prêt.
Un temps.
W : C’est bon ?
B (un temps :) C’est bon.
W : Voilà l’histoire : j’avais pris un congé pour retourner à Kin. Un congé-maladie. Je voulais revenir à Kin – repartir.
Plusieurs mois que je ne pouvais plus piloter, impossible de monter dans le cockpit – nausées, tachycardie, les rotules qui
me lâchaient, s’effondraient, alors le médecin qui me suivait a fini – de guerre lasse – par me conseiller d’affronter mes
fantômes, c’est l’expression qu’il a employée, « vous devriez peut-être affronter vos fantômes », « vous résoudre à
affronter ça » – il a dit « ça » comme ça, « lutter front contre front avec vos spectres, qu’est-ce que vous en pensez » ; j’en
pensais que –
B : « Ça ».
W : J’en pensais : quelques jours de congé et un billet pour Kin.
B : La décision doit venir de vous.
W : Kin.
B : Mmm.
W : Capitale de la République Démocratique du Congo, ex-Zaïre, ex Congo-belge, ex… Deuxième ville de l’Afrique subsaharienne. Onze millions d’habitants, quatre vingts kilomètres de diamètre. Quatre cents ethnies, six cents partis
politiques, deux mille ONG, trente-cinq mille églises ou sectes. Cent trente ans d’existence. Le sous-sol le plus riche du
monde, et en surface du sable, de la poussière – sable, poussière –, des décibels. Et des enfants, en nombre incalculable.
B : Vingt mille enfants dans la rue à Kinshasa : poussière vaste.
W : Venu à Kin à la recherche d’un spectre, avec dans ma poche, à fleur de cuisse, une photo essentielle, et le désir d’en
découdre avec le sort. De lutter front contre front avec mes spectres.
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► Pika Dôn (Hiroshima) d’Alex Lorette
La pièce
A travers plusieurs paroles – celle des survivants et celle aujourd’hui de touristes occidentaux - l’auteur nous
plonge dans la mémoire toujours vivante de cette journée du 6 août 1945 : comment penser Hiroshima,
tragédie à la fois si lointaine et toujours si présente ?…
Une pièce paysage sur les restes d’un monde défiguré ; une écriture sobre, tenue, à la fois concrète et poétique
pour dire la difficulté de nos consciences à parler de l’impensable.
L’auteur
Alex Lorette a quarante ans, il est de nationalité belge et vit à Bruxelles. Ses formations sont multiples, mais
plusieurs d’entre elles nourrissent son champ d’écriture théâtrale. Diplômé en économie et en sociologie, Alex
est également détenteur d'une licence en sciences théâtrales, et d'un diplôme de comédien.
En tant que metteur en scène, Alex Lorette a travaillé sur les textes de divers auteurs contemporains
(notamment Edward Albee, Peter Handke, Xavier Durringer, Koffi Kwahulé, Rodrigo Garcia) et a également
réalisé une mise en scène de l'un de ses textes (Pikâ Don (Hiroshima)). Ses mises en scène ont fait l'objet de
plusieurs nominations aux prix du théâtre et de la critique en Belgique (meilleur espoir féminin, meilleure
scénographie).
Depuis les deux dernières années, Alex Lorette a privilégié l’écriture. Ses textes, dont les formes sont diverses,
interrogent toujours le rapport au territoire, et traitent de questions relatives à l’identité, qu’il s’agisse d’une
identité sociale ou d’une identité historique. Parmi ses obsessions d’écriture, on trouve le rapport à la mémoire
et la question de l’errance et la difficulté de « trouver son champ ». "
L’extrait
Les vacances - choeur
C’est doux
J’aime le mois d’août
Nous partons en vacances
Quelle chance
Quand
Au Japon
C’est la mousson
Les sushis
Ça te va bien cette couleur
Je ne suis pas au courant
Tu trouves ? Merci je viens de l’acheter
C’est difficile de se rendre compte de
Je me disais bien aussi
C’est là et ce n’est pas là mais c’est là quand même tout au fond on le sent
Vous croyez
Kyoto
L’ancienne capitale
Tokyo
Le palais de l’empereur
Karaoké
Ces gens tellement gentils
Accueillants
La grande muraille
Non ça c’est en Chine
Ah oui tout à fait
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► CtrlX de Pauline Peyrade
La pièce
Une fenêtre s’ouvre. Vidéo. Pub. Flash-info. Le téléphone sonne. Adèle s’inquiète. “Tu as pris ton médoc?” Laurent
s’impatiente. “Tu veux que je remonte ?”. Une fenêtre s’ouvre. Photos de Pierre. Interviews de Pierre. Souvenirs de
Pierre. Une fenêtre s’ouvre. L’amour d’Ida. Sa mémoire. Ses pulsions. Ses obsessions. Un passé enfermé dans le
présent d’un écran d’ordinateur. Le temps d’une nuit.
L’auteure
Pauline Peyrade étudie la mise en scène à la Royal Academy of Dramatic Art puis les études théâtrales à la Sorbonne
Nouvelle. En 2012, elle intègre le département Ecriture Dramatique de l’ENSATT et crée la revue Le bruit du monde.
Elle est l’auteure de plusieurs textes, dont 0615366417 (finaliste du Grand Prix d’Ecriture Théâtrale de Guérande 2014 ;
Actes du Théâtre n°71), Vingt centimètres (Mousson d’hiver 2014) et Ctrl x (soutenu par A mots découverts). En 2014,
elle participe à la rencontre franco-tunisienne « Ecrire avec son temps » ainsi qu’à l’Obrador d’Estiu de la Sala Beckett.
L’extrait
-1Ida allume une cigarette.
-2L’ŒIL QUI LUIT
00:13:52
OTTIS TOOLE. J’adore le feu. Les incendies sur trois étages. Parfois je rêve et je me dis : « Mince ! J’aimerais tant voir
un feu haut de quatre ou cinq étages, tout là-haut, dépassant les immeubles. » Je prendrais mon pied –
Le portable vibre.
LAURENT. TU MAS VIDE… SAUVAGE
Ida sourit, envoie un texto.
IDA. OH… PETITE NATURE 
-3-
-4-
-5JACK L’EVENTREUR, SON VRAI VISAGE
FRANCK FERRAND. Ce soir, enfin, on va peut-être connaître l’identité de l’assassin. Qui était Jack l’Eventreur ? Un
nom, ou plutôt un surnom qui évoque le piège, le sang, l’acharnement sadique contre des femmes sans défense –
Le portable vibre.
LAURENT. TU ME CHERCHES? TEN VEUX ENCORE?
Ida sourit, envoie un texto.
IDA. DOUCEMENT PAPY. TAFFOLE PAS
-6-
-7-
-8JACK L’EVENTREUR, SON VRAI VISAGE
FRANCK FERRAND. L’Eventreur n’aurait fait que cinq victimes, mais il doit sa célébrité à la sauvagerie de ces corps
dépecés, lacérés et installés dans des mises en scène monstrueuses –
Le portable vibre.
LAURENT. PETASSE 
-9-
-10Ida rigole.
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Paroles d’auteurs
La part belle
Saint-Denis-de-la Réunion, mai 2010, festival Bat la lang. Mon téléphone sonne. Je gare sur le
côté ma vieille voiture de location et je décroche. C’est pascale Grillandini, de l’association
Postures, qui m’apprend que Les yeux d’Anna vient d’obtenir le prix de L’inédiThéâtre. Je suis fou
de joie. Je descends de cette guimbarde et je marche dans la rue, de long en large. Je m’assieds,
je me relève. Je téléphone en métropole, malgré la distance. Je préviens mon entourage, les gens
qui comptent dans ma vie, signe que la nouvelle est d’importance. Recevoir ce « prix lycéen de
pièces inédites » me touche profondément. Au-delà de la gratification de voir récompensé mon
travail, c’est surtout le lien fait avec les jeunes qui me remue.
De retour en métropole et accompagné de Pascale, je rencontre les classes qui ont choisi ce texte
et je constate avec émotion combien les lecteurs ont adhéré à cette écriture et défendu cette
histoire de différence et de liberté. Au cours de nos échanges, des questions imortantes sont
abordées, tant au niveau du thème et de son inscription dans notre monde d’aujourd’hui qu’au
niveau des personnages et de la dramaturgie. Pourquoi Anna, personnage principal, n’apparaîtelle jamais physiquement dans l’histoire ? Pourquoi avoir choisi comme « différence » des yeux
vairons ? Et cette question, à laquelle je ne m’attendais pas : « Monsieur, pourquoi Anna n’a-t-elle
pazs décidé de porter des lentilles pour cacher sa différence ? » Je reste coi quelques secondes,
conscient que nous sommes là au cœur du problème et puis je saisis la perche qui m’est tendue
pour préciser ma pensée : non, Anna ne veut pas se cacher, Anna assume sa différence. Le
regard que ces adolescents posent sur mon travail est roboratif et nos discussions dépassent le
cadre même du texte et viennent flirter avec l’engagement, le sens de la vie.
C’est bien le sens profond de L’inédiThéâtre, qui allie la découverte des textes et
l’apprentissage du monde. Parce qu’il fait le lien entre les auteurs dramatiques, les jeunes, le
théâtre et le livre, ce prix fait la part belle à la transmission du goût pour la lecture, pour la culture
et, in fine, à la transmission du goût pour la vie. En confiant aux adoslescents la responsabilité d’un
choix, les partenaires du projet posent à la fois un acte pédagogique et civique. En usant de cette
confiance avec liberté et pertinence, les lycéens font preuve d’indépendance, de maturité et de foi
en l’avenir.
Bravo aux organisateurs, association Postures, Théâtre de l’Est Parisien et Editions Lansman,
pour la très belle organisation du prix. Bravo et merci aux lycéens d’avoir mis là-dedans de la
curiosité, de l’énergie, de l’humour et un certain enjeu, celui que nous ressentons tous face à la
marche du monde.
Lors de la séance de dédicace finale, une lycéenne m’a remerié en me confiant son espoir : « Moi,
je crois que Les yeux d’Anna peut faire changer les mentalités ». Je n’ai pas osé la décevoir, la
contredire. Et puis je me suis interrogé : pourquoi j’écris ? Pour nourrir ma révolte ? Ne reste-t-il
pas quelque part, au fond de moi, ce désir fougeux de faire bouger untout petit peu les choses ?
Ce qu’on pourrait appele l’incompressible espoir, ou pourquoi pas, la part belle…
Luc Tartar
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L’imbécile heureux
L’auteur est maladroit. Il tâtonne et rature. Souvent, il ne comprend même pas ce qu’il cherche. Il
se fie comme une bestiole à une piste évanescente, vague idée d’une chose à dire qui serait
grande et bouleversante pour chacun et chacune. L’auteur ne peut pas s’en empêcher : il traque,
course, il flaire et s’agite. Durant des semaines ou des années. C’est comme une addiction.
Jusqu’à ce que sa piste le mène quelque part. Assez souvent, hélas, elle débouche sur des
recoins sombres et humides où rien ne pousse que l’envie de tut lâcher.
L’auteur n’est pas efficace. Il n’apprend pas la prudence, il s’obstine au contraire et s’agrippe à sa
piste. Il n’a ni formule ni recette de grand-mère. Il convoque quelques techniques et trois fois rien
d’expérience, sans être sûr de ce qu’il met en forme. Tant pis si c’est vain, l’auteur organise, trace
et écrase, se révolte, lisse, tisse et réduit. Il malaxe en détruisant la méthode qu’il venait juste
d’invente. Puis il mesure à la virgule et dirige mots et silences au garde-à-vous comme sur du
papier à musique. L’auteur est une sorte d’orfèvre sur vent.
Parfois, il sent qu’il invente un truc. Il sent que tout se fige comme une évidence. Il est alors assis
sur des toilettes ou reçoit la monnaie sur une boîte de raviolis des mains de la caissière. Le déclic
survient n’importe quand, mais qu’est-ce qu’il a fallu suer dans le vide.
Tout ça pour quoi ? Pour lui-même d’abord. Parce qu’il ne peut pas faire autrement, c’est un chien
en rut, je vous dis. Et puis, surtout, pour défier l’indicible. Pour faire la nique au néant et à la
barbarie. Leur mettre devant la gueule un modèle éphémère de cohérence et d’humanité. L’auteur
est un idéaliste. Il crée de la langue et du mouvement pour aller vers les autres, pour que chacun
et chacune se reconnaisse et partage du sens, au même moment, devant ses pairs.
C’est très rare. Mais lorsque la piste débouche sur une salle qui semble s’animer devant ses
morceaux d’invention, alors l’auteur existe. Il laisse sa place aux voix et aux corps présents sur le
plateau, bien plus intelligents que ses seuls mots inventés en digérant des raviolis. Bien plus
vivants. En fait, sitôt qu’il existe, l’auteur se trouve un peu con. Bête et content, mais qu’est-ce que
ça fait du bien de respirer cet air-là ! on a si peu l’occasion d’être des imbéciles heureux.
L’auteur redevable peut repartir de zéro, avec l’expérience de ce sens qui a existé, et qui va le
rendre sans doute encore plus borné. Parce que c’est sûr, une fois qu’il a goûté à ce type
derencontre, l’auteur devient encore plus addict, il va tout faire pour reprendre un shoot.
Camille Rebetez
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Informations pratiques
Contact organisateurs :
Pascale Grillandini
01 84 17 37 00 / 06 82 25 84 82
[email protected]
21 rue Alexandre Dumas 75011 Paris
Site internet :
www.postures.fr
Contact presse
Estelle Laurentin
06 72 90 62 95
[email protected]
Contact
Jessica Pinhomme, responsable des relations publiques
01 43 74 67 36
[email protected]
Site internet :
www.theatredelaquarium.net
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