1 Sommaire Le prix de l’inédiThéâtre p3 2015-2016 Huitième édition Le déroulement p4 Les lycéens lecteurs p5 Les textes, les auteurs p5 L’hiver, quelle tonalité / Philippe Crubézy p 6 Miss Europa va en Afrique /Georgia Doll p 7 Deux enfants / Gilles Granouillet p8 Organisateur et partenaires p9 Annexe : 2008-2015 : historique et publications Mots d’auteurs p10 p 11 à 13 2 Le Prix de l’inédiThéâtre L’inédiThéâtre est un prix décerné par les lycéens de différents établissements, à la pièce de théâtre qu’ils choisissent parmi trois manuscrits* qui leur sont proposés. Il aboutit à la publication de la pièce lauréate chez Lansman éditeur. Le Prix est remis lors d’une soirée avec lecture publique du texte au Théâtre de l’Aquarium. Comment aborder un texte théâtral, l’analyser, en rendre compte ? Quelles sont les différentes méthodes de lecture ? Qu’est-ce que la littérature théâtrale, ses tendances actuelles, son histoire récente ? Du texte à la représentation, quels écarts ? Le principe du comité de lecture propose un éveil à la lecture du théâtre contemporain et à l’argumentation, et guide les jeunes vers une posture critique. Il leur permet de découvrir une littérature vivante, souvent méconnue et d’en rencontrer les auteurs et les acteurs. À l’image d’un comité de lecture professionnel, le groupe-classe se fixe des enjeux en suivant différentes étapes : lecture des textes, discussion, et sélection. A chaque séance, les élèves sont invités à trouver leurs « outils », leurs « entrées » pour aborder la littérature dramatique contemporaine : comment parler d’une pièce ? Comment parvenir à restituer son identité ? Comment déterminer son avis et en fonction de quels éléments ? L’intervenant, accompagné par l’enseignant, incite les élèves à se poser des questions sur la littérature et la théâtralité conjointement, en abordant tous les éléments qui participent d’une pièce de théâtre (notions de fable, personnages, construction, rythme, langue, oralité etc…). Le comité de lecture se présente comme un parcours de sensibilisation au théâtre d’aujourd’hui et aux auteurs vivants. Les débats sont un moyen d’accès aux multiples sens des œuvres. Ils sont aussi un apprentissage de l’écoute de l’autre et de la prise de parole en respectant l’opinion de chacun. Ils invitent les jeunes à développer leur sens critique, à préciser leur prise de parole, à réfléchir et à choisir les mots pour dire ce qu’ils pensent et pour convaincre. Si le débat n’aboutit pas à un accord, la sélection se fait en comptant les arguments positifs pour chaque pièce défendue : un argument égale une voix. Un élève à lui tout seul peut ainsi, en énonçant plusieurs arguments, avoir autant de poids qu’un groupe d’élèves, aussi nombreux soient-ils. Parallèlement, aux différentes étapes du comité de lecture, les classes participantes peuvent découvrir au moins 2 spectacles de théâtre contemporain choisis dans la programmation du Théâtre de l’Aquarium (ou des théâtres partenaires en région), visiter le théâtre et rencontrer les équipes artistiques afin de permettre aux élèves d’appréhender les enjeux de la représentation théâtrale d’un texte. Ce lien avec un théâtre prolonge la découverte du texte dramatique par les élèves, en leur permettant d’appréhender les enjeux de la mise en scène d’une pièce. Les partenaires à l’initiative du projet Le théâtre c’est d’abord l’écriture d’un texte (quelle que soit sa forme), puis son partage avec le public, sous la forme d’une pièce éditée et d’une mise en scène portée sur un plateau de théâtre. C’est pourquoi L’inédiThéâtre réunit autour des classes participantes, 3 partenaires qui représentent ce parcours. Postures, qui accompagne les lycéens dans leur découverte du texte théâtral contemporain, Lansman éditeur qui publie la pièce choisie par les élèves et le Théâtre de l’Aquarium, qui permet aux élèves de mieux comprendre les enjeux d’une représentation théâtrale. 3 8ème édition, année scolaire 2015-2016 Déroulement De novembre à fin mars : 7 séances (14 heures) sont consacrées à la découverte des textes, à des tentatives de mise en voix d’extraits, et à la discussion. Ces séances sont animées par un intervenant, en collaboration avec l’enseignant. (Pour les classes d’Ile de France qui le souhaitent ces séances peuvent se dérouler au Théâtre de l’Aquarium lors de deux jours de stage.) L’enseignant accompagne et prolonge la lecture et l’analyse des textes. La première séance est consacrée à la présentation du projet et des participants ; les élèves y découvrent pour la première fois les textes dont ils devront débattre par la suite, ils prennent connaissance des « règles du jeu » (lecture, prise de note, argumentation, et échanges) et s’attachent à définir ensemble pour leur comité des critères de sélection et des enjeux. Les 3 séances suivantes sont consacrées chacune à un texte. Elles alternent présentation de la pièce, analyse, avis et mise en voix d’extraits. La 5ème séance est consacrée au débat du comité de lecture. Chaque classe choisit « son » texte. La 6ème séance réunit des représentants de chaque classe au Théâtre de l’Aquarium à Paris pour le comité de lecture final qui aboutit à la sélection de la pièce lauréate. La 7ème séance permet de passer le relais. Elle ouvre d’autres perspectives : les élèves rencontrent l’auteur. Cette rencontre peutêtre l’occasion d’une discussion mais aussi d’un travail pratique. Calendrier Séances de présentation du prix et des textes Octobre / Novembre 24 novembre, au Théâtre de l’Aquarium : séance de présentation commune à toutes les classes d’Ile de France Décembre / Février Séances de discussion autour des textes lus par les élèves Mars Comité de lecture, 1er tour : dans chaque classe 30 mars Comité de lecture final au Théâtre de l’Aquarium Avril / Mai / Juin 11 avril : Travail de plateau au Théâtre de l’Aquarium lors d’une journée de rencontre entre une classe d’Ile de France et les lycéens du Danderyd Gymnasium (Suède) ayant travaillé sur le corpus des textes de l’inédiThéâtre 24 mai Remise du prix en public au Théâtre de l’Aquarium Rencontre des auteurs avec les classes qui les ont choisis, dans les lycées 4 Les lycéens lecteurs Les textes sélectionnés, les auteurs 136 textes ont été reçus suite à l’appel à pièces lancé en avril 2015, 3 textes ont été sélectionnés à l’issue du comité du 16/09/2014 au Centre Wallonie Bruxelles : L’Hiver, quelle tonalité ? de Philippe Crubézy Miss Europa va en Afrique de Georgia Doll Deux enfants de Gilles Granouillet L’action touche 18 classes dans 6 régions : Alsace : 1 classe avec Actémobazar Lycée / Haguenau (67) Bourgogne : 1 classe avec Ces Messieurs sérieux Lycée Dijon Franche Comté : 1 classe avec Le Granit Lycée Belfort Ile de France : 4 classes avec le Théâtre Jean Arp, le Théâtre de Cachan, le Théâtre de la Vallée, le Théâtre de l'Aquarium Lycée Hélène Boucher / Paris 20ème / 2nde Lycée Camille Saint Saëns / Deuil la Barre / 95 Lycée Gustave Eiffel / Cachan / 94 / 2nde Lycée Edouard Branly / Créteil / 94 La Réunion : 1 classe Lycée Georges Brassens / St Denis de La Réunion Poitou Charente : 7 classes avec Le Moulin du Roc, Scène nationale de Niort Lycée Polyvalent Paul Guérin / Niort (79) / 2nde ou 1ère Lycée Saint André / Niort (79) / 2nde Lycée Gaston Barré / Niort (79) / terminale Lycée Polyvalent Haut Val de Sèvres / St Maixent l’Ecole (79) Lycée Général et Technologique Perrochon / Parthenay (79) Lycée Maurice Genevoix / Bressuire (79) / 2nde Lycée Jean Monnet / Cognac (79) Rhône Alpes : 3 classes avec Traversant 3 Lycée Charles Beaudelaire / Cran-Gevrier (74) Lycée Paul Painlevé, Oyonnax (01) avec La Maison du Théâtre Lycée Edgar Quinet / Bourg en Bresse (01) avec La Maison du Théâtre Un appel à pièces inédites Chaque année en avril, un appel à textes est envoyé aux auteurs. Préjury et jury - En juin, un préjury (composés des intervenants dans les classes et des partenaires organisateurs) lit l'ensemble des manuscrits envoyés – le nom de leurs auteurs ne figurant pas sur les textes distribués. Ce préjury retient les pièces qui lui semblent les plus adaptées au projet. Soit une dizaine de textes riches et variés dans leur propos, dans leur forme dramaturgique, dans leur ouverture et dans leur langue. Ces textes seront soumis au jury. - En septembre, un jury, composé des enseignants participant à l’édition de l’année scolaire en cours, des intervenants dans les classes, et des partenaires organisateurs, désigne les trois pièces qui seront proposées aux élèves des classes engagées dans le projet. Publication L’opération ne sera définitivement terminée et le lauréat proclamé que quand le texte définitif, prêt à être publié, sera établi (en mai 2015). Le texte retenu fera l’objet d’une publication chez Lansman Editeur suivant un contrat dont le modèle peut être obtenu sur simple demande. L’ouvrage sera offert aux lycéens qui ont participé au prix. Certains exemplaires seront également diffusés dans le monde francophone auprès de personnes ou d’institutions susceptibles de les valoriser à la scène. L’autre partie des ouvrages sera diffusée via le circuit habituel de Lansman Editeur. 5 L’Hiver, quelle tonalité ? de Philippe Crubézy L’auteur - Né en 1955, Philippe Crubézy est comédien, auteur et metteur en scène. Après être sorti du CNSAD, il travaille notamment avec Robert. Gironès, Jacques Lassalle, Anne Torrès, Matthias Langhoff, Catherine Anne, Sylvie Mongin-Algan, Jean-Pierre Vincent, Denis Marleau, Charles Tordjman, Michel Raskine, Hélène Vincent, Philippe Adrien, Christian Benedetti… Depuis 1989, il écrit régulièrement pour le théâtre et a mis en scène plusieurs de ses textes. L’air du dehors, Aperçus, Moloch… Il a été bénéficiaire d’une bourse du CNL en 1998 et 2003 et d’une bourse de la Fondation Beaumarchais en 2000 et auteur associé au Théâtre de l’Est Parisien durant la saison 2007/08. Il est édité aux éditions Théâtrales, Crater, Le bruit des autres, Lansman, Actes-sud papiers et aux éditions de L’Amandier pour un recueil de poésie : Poèmes de l’Est pour tout le monde. La pièce Hommage à Miguel Angel Estrella, pianiste virtuose argentin enfermé plusieurs années par la junte au pouvoir dans les années 70 et qui a tenu bon grâce à un clavier de piano en carton. Un homme se souvient du temps de ses bourreaux. Il est musicien et parce qu’il est musicien il a pu résister, leur résister, et ne pas se briser. L’Hiver, quelle tonalité ? Ou comment faire de l’art un refuge inatteignable. Rien dans les mains, rien dans les poches, tout dans la tête. Voir un piano dans un crouton de pain, enseigner la musicologie aux cafards de sa cellule, rejouer par cœur et sans cesse Les quatre saisons de Vivaldi… L’esprit plus fort que les muscles, la poésie contre la douleur. L’espoir malgré tout. L’extrait Une petite cuisine. Une table, posée dessus une épaisse partition, deux chaises, un frigo, quelques fruits, du pain. Quelque part, une platine tournedisque, des disques vinyles. C’est la nuit. Un homme entre dans la cuisine, pieds nus, vêtu d’un pyjama froissé mais de belle qualité. Il ouvre le frigo et prend une bouteille de bière qu’il décapsule. Il en boit une longue rasade… Il feuillette la partition, déplace les disques, il cherche quelque chose. Où est-ce que j’ai mis ce papier ? Je ne vais pas passer ma nuit à chercher le programme tout de même non ça va revenir ça va revenir il faut dormir maintenant En finir Il boit. Le programme je ne sais plus le programme Il y a encore une tache sur la partition elle s’étale s’étale s’étale où sont les notes la mélodie ? Où est le sens ? La nuit est tombée d’un coup noir on a renversé l’encrier Il boit. Quatre murs verts marais la peinture est écaillée un néon au plafond un autre au dessus du lavabo La tête et le corps cadenassés en cadenassés le corps décarcassé le silence plus rien ne sert à rien je ne sers à rien le silence même si les verrous tournent une fois le matin une fois le soir même si le volet de l’œilleton sur la porte grince couine même si le raclement du tabouret sur le ciment le clapotis de l’eau dans le broc de la soupe dans l’assiette les aiguilles d’eau froide sous la douche comme un solo de batterie même si les pleurs les râles les cris tous étouffés confus honteux saignants les sales bruits de la mort contre les sons vifs de la vie oubliés On va retrouver sa belle il est midi il fait chaud on voudrait déjà ouvrir sa chemise on presse le pas on a soif c’est dimanche dans le ciel un cerf-volant et très loin très haut derrière lui un avion vers l’Europe peut-être celui qu’on prendra demain avec tout l’orchestre on cherche du regard l’enfant qui fait voler le cerfvolant on ne voit pas que la grille d’égout a été enlevé un trou dans la chaussée on tombe dans un trou noir sans fin noir une tombe l’ascenseur s’est décroché câbles sciés on tombe de plus en plus vite de plus en plus bas on tombe la chute est silencieuse l’égout n’a pas de fond l’ascenseur plus de destination Plus de mesure seulement la douleur une litanie invisible et la peur comme 6 Miss Europa va en Afrique de Georgia Doll L’auteure - Georgia Doll est née à Vienne. Après des études de lettres et de théâtre à Hambourg et Toulouse, et de mise en scène à Paris, elle suit le cursus d'écriture scénique à l'Université des Arts de Berlin. Sa première pièce Le Pays sombre est mise en espace à Théâtre Ouvert, Klara Morgenroth, Le penchant pour le principe, L'or bleu, Le retour de Lorenzo, La faim du roi, Miss Europa va en Afrique, et Stranger ; Sous le sixième soleil (Bourse de découverte du CNL) seront représentées ou lues en France comme en Allemagne ou en Autriche. En 2013, elle est boursière du laboratoire d'auteurs politique du Ballhaus Naunynstrasse et Gorki Theater Berlin avec sa pièce Nous étions Moi. L'or bleu est nommé pour le Prix de promotion aux écritures contemporaines de Munich et obtient le deuxième prix du Forum de jeunes auteurs de Cobourg. Egalement metteuse en scène (Miss Europa Va en Afrique à Paris, L'or bleu à Toulouse, L'exception et la règle de Brecht à Amlamé, Togo) elle travaille à Marseille avec sa compagnie Les Passagers du Mardi. Elle est aussi formatrice de théâtre et d'écriture et s'engage comme médiatrice culturelle pour les Droits de l'Homme et contre l'exclusion et le racisme. Georgia Doll écrit en langue française et allemande. La pièce Aéroport de Francfort. Lila, un mannequin vedette en crise d'identité, se rend au Caire pour un tournage publicitaire. Nestor, agent commercial d'une multinationale, va promouvoir le lancement une nouvelle gamme de produits sur le marché africain. Amir est sur le point d'être expulsé du pays. Il est accompagné par les trois CRS Klausi, Gert et Max, chargés de sa « reconduite » au Soudan. Mais il s'agit d'une erreur, répète Amir : Il s'était fait volé sa veste, il était venu au poste de police pour porter plainte... En raison d'un avion retardé et d'un bagage suspect, ils se retrouvent ensemble dans le même espacetemps : Leurs trajectoires vont se croiser. Mais quand l'avion décolle, chacun reprend sa place assignée, en business classe ou classe économique... Ecrite sur le ton d'une farce grinçante, avec des répliques courtes et d'un rythme rapide, la tragédie sous-jacente ressurgit à la fin de la pièce dans un monologue d'Amir: Sept à huit minutes pour mourir. Le texte reprend librement des faits réels qui avaient mené à la mort violente d'Aamir Ageeb, assassiné par trois CRS lors de son expulsion d'Allemagne, dans un avion de transport rempli. L’extrait PROLOGUE / EPILOGUE Long distance call. TEMPS I : EN ROUTE. Elle. Votre plus belle histoire d’amour. Alain, au téléphone portable. Lila, au spotlight, elle est en train de donner une interview. ALAIN Bordel de merde. Ils t’ont rien fait ? (Ecoute la réponse) Bon sang, tu es où ? (Ecoute la réponse) Quoi ? De quel putain de pays tu parles ? On est en train de retourner la planète à ta recherche. J’ai appelé Interpol. (Ecoute la réponse) Qui? Je sais. C’était dans les infos. Amin, Amir quelque chose. Qu´est-ce que ça peut me foutre... Qu’est-ce qui s’est passé? (Ecoute la réponse) Comment rien ? C’est pour ça que tu m’appelles de je ne sais où ? Pour me dire qu’il n’y a rien ? (Attend la réponse) Tu sais combien ça me coûte, une heure de tournage annulée aux Pyramides? (Attend la réponse) Lila ? (Attend la réponse) Lila ! LILA C’était au bord de la Mer Noire. Il était commis voyageur, vous savez, les chambres frigorifiques. C’était la première fois qu’il était allé aussi loin pour affaires. C’était son dernier jour. Il faisait chaud, très chaud. En taxi, il passe à côté de la plage. Le vent fait vibrer les images. Imaginez Elle joue au volley avec ses copines. Il la voit. Il dit au conducteur de ralentir, de s’arrêter, de l’attendre, le moteur allumé. Il enlève ses chaussures noires, vernies. Le match est terminé. Elle boit de l’eau dans une bouteille en plastique. Et elle voit arriver l’homme, costume blanc, pieds nus. Il marche contre le soleil. Il s’agenouille devant Elle Qui, souriante, lui met la couronne des vainqueurs, couronne de fleurs et d’épines Sur sa tête qui brille, couleur or, Tel un dieu étranger - Vous imaginez la scène ? 7 Deux enfants de Gilles Granouillet L’auteur - Né en 1963 à Saint-Étienne, Gilles Granouillet, après avoir exercé divers métiers, se tourne vers l’écriture théâtrale. Il écrit et met en scène Les anges de Massilia (1995) puis Chroniques des oubliés du Tour (1998), puis vient la création de nombre de ses textes : Vodou par Gilles Chavassieux, Nuit d’automne, par Guy Rétoré, L’incroyable voyage (prix fondation L. Barrière) par Philippe Adrien, Six hommes grimpent sur la colline, par Carole Thibaut, Ralf et Panini par André Tardy, Une saison chez les cigales, par Philippe Zarch et Trois femmes descendent vers la mer, par Thierry Chantrel. En décembre 2006, Gilles Granouillet part à Kiev à l’invitation du Théâtre de la Tête noire d’où il revient avec Vesna qu’il mettra lui-même en scène l’année suivante en France puis en tournée en Ukraine. En 2008 Jean Claude Berutti crée L’envolée, en 2009 François Rancillac porte Zoom à la scène, et à Montréal, Odette Guimond La maman du petit soldat. En 2010 Gilles Granouillet monte lui-même Nos écrans bleutés ainsi que Un endroit où aller. 2011 voit la création de Combat par Jacques Descorde, 2013 celle de Ma mère qui chantait sur un phare (pièce lauréate des journées d’auteurs de Lyon 2007), par François Rancillac. Auteur associé à la Comédie de Saint-Étienne de 1999 à 2010, il y a mène un travail autour de l’écriture contemporaine. Plusieurs de ses pièces ont été mises en ondes à France Culture, sous forme de dramatiques radiophoniques. Traduit dans une demi-douzaine de langues il a été joué dans une dizaine de pays. La pièce Retour d’Ulysse à Ithaque, retour du héros, fin de l’Odyssée. Ulysse a un fils Télémaque, fidèle à son père, il chasse les prétendants qui veulent épouser Pénélope. Il est le bon fils, le guerrier dans la lignée du père. Mais imaginons à côté, un peu dans l’ombre, celle que la légende oubliera : la petite sœur. Une d’Antigone qui remet en question le voyage homérique, qui remet en question la légende du père, qui refuse le mensonge et l’ordre établi. Elle ne participe pas au festin des retrouvailles. Elle se tient avec le petit peuple qui passe les plats, ce petit peuple d’Ithaque qui, avec le retour d’Ulysse, enterre tout espoir de revoir les marins qui l’accompagnaient. Ce petit peuple qui n’est pas de la fête. Elle appelle son frère à la rejoindre. A ouvrir les yeux sur le mensonge: la guerre de Troie ne fut pas une épopée. Au petit matin il n’est pas venu. Elle va quitter son île pour trouver ailleurs le chemin de la vérité. Ces deux-là, frère et sœur, si unis dans l’enfance, devenus si différents aujourd’hui, ces deux-là ne se reverront pas. L’extrait Le chien La femme du mentor Parce que pour comprendre cette histoire il faut voir jusqu’ où elle remonte et celle-ci a l'âge d’un chien, du chien d'Ulysse, c'est comme ça qu'on s'en souvient, même si ce chien n’a pas toujours été le sien vu qu'au tout début c'était surtout le chiot de ma chienne, donc le mien, une portée de cinq ! Alors plutôt que les tuer dans l'œuf, ou juste après comme il se fait souvent, mon mari et moi cherchons à leur trouver famille, comme il se fait souvent aussi, alors Ulysse nous rend visite avec sa femme, se penche au-dessus du panier : "Regarde celui-là ! Regarde comme il est beau, il nous le faut Pénélope!" et ce fut lui, pas un autre, même si Pénélope n’était pas emballée – entre femmes le dérangement est très vite repéré : avec Pénélope je l’ai vu tout de suite, cette idée de chiot n'était pas la sienne- non pas que la bête déplaisait, un chiot c’est toujours mignon, mais toute grosse qu'elle était de celle qui allait devenir sa fille, elle avait déjà sur les bras le petit Télémaque, alors un chien, même si chez eux le personnel ne manque pas, un chien qui se rajoute à deux moutards, le grand dans ses bras et la petite encore dans son tiroir, un petit chiot qui pisse forcément partout, disons le franchement, ça ne l'emballait pas du tout, surtout que son mari embarquerait bientôt pour Troie - Les guerres ? On y part pour deux semaines, on y reste dix ans ! Ça aussi, elle le savait Pénélope ! Donc pas du tout emballée de devoir rajouter un chien à cette longue solitude qui s’annonçait ! Mais chez nous comme partout, les hommes se penchent sur le panier, choisissent l’air confiant… et foutent le camp ! Et les femmes, elles, gèrent tout le temps qu’il faut, tout le temps de la guerre, c’est comme ça depuis bien longtemps et si j’y repense elle avait bien raison Pénélope de tirer la gueule au petit clébard ! Donc ça part de là, de ce chien devenu celui d'Ulysse qui rapprocha nos familles - même si Ithaque n'est pas très grande, jusqu’alors on ne se fréquentait pas : Ulysse est tout de même roi, roitelet, roi minus mais roi tout de même et nous rien du tout. Ça part d’une petite boule de poils aveugle qui sent le lait et ça grossit, comme une rivière, et c’est lancé pour aller beaucoup plus loin qu’on ne peut l’imaginer, nous, petits grecs perdus sur un caillou entouré de bleu, ça peut traverser les siècles pour atterrir chez nos arrières, arrières, arrières, arrières, arrières, arrières, arrières petits-enfants, sur la terre d’après-demain, pour atterrir chez vous ! Mais pour l’heure, ça continue deux semaines plus tard, ce qui n’est pas bien loin, le jour où Ulysse convoque mon époux au palais. N'imaginez pas...c'est tout au nord de l'île, une grosse ferme un peu cossue : un tout petit palais... "Monsieur Mentor, asseyez-vous, faites comme chez vous, monsieur Mentor si je vous fais venir c’est que depuis cette histoire de chiot je m'intéresse à vous : je vous observe et j’ai confiance." Là, Mentor, mon époux, rougit un peu. "Comme vous le savez, demain je pars pour Troie et je n’irai pas par quatre chemins : je vous demande de vous occuper de Télémaque. 8 Organisateur Créée en 2008, POSTURES est une association agréée Jeunesse et éducation populaire, qui a pour objet de créer, organiser, susciter des manifestations culturelles qui favorisent le lien social, la promotion et l’émancipation de la personne humaine. L’association développe des actions de sensibilisation à l’écriture contemporaine à travers l’organisation de comités de lecture en direction de publics jeunes ou non initiés à la littérature d’aujourd’hui : Des mots pour le Théâtre, Des Mots pour la Poésie, Collidram - prix de littérature dramatique des collégiens, l’inédiThéâtre– prix lycéen de pièces inédites, Inédits d’Afrique et Outremer – prix lycéen de pièces francophones. Elle suscite la création de journaux d’élèves Jeunes Pages, de la maternelle au lycée. Elle propose des formations en direction des enseignants, bibliothécaires et documentalistes. Ces actions fonctionnent grâce à un partenariat qui associe différents acteurs culturels, éducatifs et sociaux : établissements scolaires, théâtres, bibliothèques et autres associations, des collectivités territoriales et les directions régionales des ministères de la Culture et de l’Education Nationale. Partenaires Lansman Editeur / Emile & Cie Le Théâtre de l’Aquarium L’Académie de Créteil, les régions Ile de France et Poitou Charentes, le Moulin du Roc - scène nationale de Niort, le Granit – scène nationale de Belfort, le Théâtre de la Vallée, la Maison du théâtre à Jasseron, Traversant 3, Actémobazar, la compagnie Ces Messieurs sérieux, le Centre Wallonie-Bruxelles, l’ANRAT. 9 2008-2015, historique et publications 1ère édition, année scolaire 2008-2009 : L’action touche 4 classes à Paris au Lycée Voltaire. La pièce lauréate : Taklamakan de Gérald Dumont 2è édition, année scolaire 2009-2010 : L’action touche 5 classes en Ile de France dans les lycées Voltaire, Etienne Dolet, et Hélène Boucher à Paris. La pièce lauréate : Les Yeux d’Anna de Luc Tartar 3è édition, année scolaire 2010-2011 : L’action touche 5 classes en Ile de France des lycées E.Dolet, P.Valéry à Paris, E.Hénaff à Bagnolet et J.Renoir à Bondy. La pièce lauréate : De mémoire d’estomac d’ Antoinette Rychner 4è édition, année scolaire 2011-2012 : Le Théâtre de l’Aquarium prend le relais du Théâtre de l’Est parisien et devient le nouveau partenaire du prix. L’action touche 7 classes en Ile de France dans les lycées E.Dolet, S.Weil et P.Valéry à Paris, P.Bert à Maisons Alfort, E.Delacroix à Drancy et R. Rolland à Ivry sur Seine. La pièce lauréate : La Bande de Xavier Carrar 5è édition, année scolaire 2012-2013 : L’action s’étend en région, avec trois classes en Ile de France dans les lycées Charles le Chauve à Roissy en Brie, P.Bert à Maisons Alfort et J.Monod à Clamart et deux classes en Alsace. La pièce lauréate : Little boy en trois temps de Camille Rebetez 6è édition, année scolaire 2013-2014 : L’action touche 7 classes en Ile de France dans les lycées Charles le Chauve à Roissy en Brie, P.Bert à Maisons Alfort, J.Monod à Clamart, G.Eiffel à Cachan, H.Boucher et J.Lurçat à Paris, C.Saint Saëns à Deuil la Barre, 2 classes en Rhône-Alpes dans les lycées E.Fitzgerald à St Romain en Gal et A.Camus à Firminy, 1 classe en PoitouCharente au lycée de la Venise verte à Niort et 1 classe en Suisse à l’Ecole de Culture générale de Délémont. La pièce lauréate : Adelphes, Nous étions mutants de Léonie Casthel 7è édition, année scolaire 2014-2015 : 2 classes en Alsace au lycée Stanislas de Wissembourg, 5 classes en Ile de France dans les lycées Hélène Boucher à Paris, Paul Bert à Maisons Alfort, Camille Saint Saëns à Deuil la Barre, Gustave Eiffel à Cachan, Edouard Branly à Créteil, 4 classes en Poitou Charente, dans les lycées Paul Guérin et Thomas Jean Main à Niort, Haut Val de Sèvres à St Maixent l’Ecole, Perrochon à Parthenay 3 classes en Rhône Alpes dans les lycées Albert Camus à, Firminy, Vaugelas à Chambéry, Paul Painlevé à Oyonnax, 1 classe en Suisse à Firminy. Pas de pièce lauréate mais publication de deux des textes finalistes : Lisolo de Laurent Contamin et Pikâ Don (Hiroshima) d’Alex Lorette 10 Paroles d’auteurs La part belle Saint-Denis-de-la Réunion, mai 2010, festival Bat la lang. Mon téléphone sonne. Je gare sur le côté ma vieille voiture de location et je décroche. C’est pascale Grillandini, de l’association Postures, qui m’apprend que Les yeux d’Anna vient d’obtenir le prix de L’inédiThéâtre. Je suis fou de joie. Je descends de cette guimbarde et je marche dans la rue, de long en large. Je m’assieds, je me relève. Je téléphone en métropole, malgré la distance. Je préviens mon entourage, les gens qui comptent dans ma vie, signe que la nouvelle est d’importance. Recevoir ce « prix lycéen de pièces inédites » me touche profondément. Au-delà de la gratification de voir récompensé mon travail, c’est surtout le lien fait avec les jeunes qui me remue. De retour en métropole et accompagné de Pascale, je rencontre les classes qui ont choisi ce texte et je constate avec émotion combien les lecteurs ont adhéré à cette écriture et défendu cette histoire de différence et de liberté. Au cours de nos échanges, des questions importantes sont abordées, tant au niveau du thème et de son inscription dans notre monde d’aujourd’hui qu’au niveau des personnages et de la dramaturgie. Pourquoi Anna, personnage principal, n’apparaîtelle jamais physiquement dans l’histoire ? Pourquoi avoir choisi comme « différence » des yeux vairons ? Et cette question, à laquelle je ne m’attendais pas : « Monsieur, pourquoi Anna n’a-t-elle pas décidé de porter des lentilles pour cacher sa différence ? » Je reste coi quelques secondes, conscient que nous sommes là au cœur du problème et puis je saisis la perche qui m’est tendue pour préciser ma pensée : non, Anna ne veut pas se cacher, Anna assume sa différence. Le regard que ces adolescents posent sur mon travail est roboratif et nos discussions dépassent le cadre même du texte et viennent flirter avec l’engagement, le sens de la vie. C’est bien le sens profond de L’inédiThéâtre, qui allie la découverte des textes et l’apprentissage du monde. Parce qu’il fait le lien entre les auteurs dramatiques, les jeunes, le théâtre et le livre, ce prix fait la part belle à la transmission du goût pour la lecture, pour la culture et, in fine, à la transmission du goût pour la vie. En confiant aux adolescents la responsabilité d’un choix, les partenaires du projet posent à la fois un acte pédagogique et civique. En usant de cette confiance avec liberté et pertinence, les lycéens font preuve d’indépendance, de maturité et de foi en l’avenir. Bravo aux organisateurs, association Postures, Théâtre de l’Est Parisien et Editions Lansman, pour la très belle organisation du prix. Bravo et merci aux lycéens d’avoir mis là-dedans de la curiosité, de l’énergie, de l’humour et un certain enjeu, celui que nous ressentons tous face à la marche du monde. Lors de la séance de dédicace finale, une lycéenne m’a remercié en me confiant son espoir : « Moi, je crois que Les yeux d’Anna peut faire changer les mentalités ». Je n’ai pas osé la décevoir, la contredire. Et puis je me suis interrogé : pourquoi j’écris ? Pour nourrir ma révolte ? Ne reste-t-il pas quelque part, au fond de moi, ce désir fougueux de faire bouger un tout petit peu les choses ? Ce qu’on pourrait appeler l’incompressible espoir, ou pourquoi pas, la part belle… Luc Tartar Lauréat inédiThéâtre 2010 11 J'ai été très heureux de cette très belle soirée au théâtre de l'Aquarium. Ces adolescents, vous tous, étiez merveilleux sur scène et ce fut beaucoup d'émotions à recevoir d'un coup que de découvrir mes mots portés par tant de personnalités différentes, jeunes, adultes, femmes, hommes, tous ces corps, toutes ces voix pour donner chair et âme à des mots, de simples mots jetés sur un écran d'ordinateur solitaire, et pourtant des mots terrifiants car réalité d'une tragédie contemporaine. Chacun, chacune, à sa manière, avec son histoire, est venu défendre le texte du jeune auteur que je suis. Ils étaient certainement intrigués, impatients, impressionnés peut-être, je l'étais tout autant. Vous m'avez fait un magnifique cadeau sur ce beau plateau, premier lieu de vie d'un texte de théâtre, et encore plus d'associer ces jeunes lycéens qui ont défendu avec vigueur leur choix de texte tout au long de ces séances d'étude et de sélection de l'InédiThéâtre. Quelle récompense pour eux, pour moi, que de nous retrouver tous ensemble autour de ces mots. Et ce n'était pas fini car ce prix de l'InédiThéâtre offre une autre très belle surprise : se voir éditer. En plus des images et des émotions de cette soirée de rencontre et de partage, on remporte chez soi, concrètement, son texte édité. Un livre que l'on pourra feuilleter à jamais au rythme des souvenirs de cette magnifique aventure. Un livre qui pourra nous conforter, réconforter, dans les moments de doute de l'écriture. Dans les moments de doute, nombreux, d'une vie d'artiste. Merci. Merci à l'association Postures, à tous les intervenants et acteurs qui font vivre, à vos côtés, ce beau projet de l'InédiThéâtre ainsi qu'à vos partenaires : Lansman éditeur et le théâtre de l'Aquarium et enfin à tous ces lycéens, cette jeunesse à l'aube de l'âge adulte." Xavier Carrar Lauréat inédiThéâtre 2012 12 L’imbécile heureux L’auteur est maladroit. Il tâtonne et rature. Souvent, il ne comprend même pas ce qu’il cherche. Il se fie comme une bestiole à une piste évanescente, vague idée d’une chose à dire qui serait grande et bouleversante pour chacun et chacune. L’auteur ne peut pas s’en empêcher : il traque, course, il flaire et s’agite. Durant des semaines ou des années. C’est comme une addiction. Jusqu’à ce que sa piste le mène quelque part. Assez souvent, hélas, elle débouche sur des recoins sombres et humides où rien ne pousse que l’envie de tout lâcher. L’auteur n’est pas efficace. Il n’apprend pas la prudence, il s’obstine au contraire et s’agrippe à sa piste. Il n’a ni formule ni recette de grand-mère. Il convoque quelques techniques et trois fois rien d’expérience, sans être sûr de ce qu’il met en forme. Tant pis si c’est vain, l’auteur organise, trace et écrase, se révolte, lisse, tisse et réduit. Il malaxe en détruisant la méthode qu’il venait juste d’inventer. Puis il mesure à la virgule et dirige mots et silences au garde-à-vous comme sur du papier à musique. L’auteur est une sorte d’orfèvre sur vent. Parfois, il sent qu’il invente un truc. Il sent que tout se fige comme une évidence. Il est alors assis sur des toilettes ou reçoit la monnaie sur une boîte de raviolis des mains de la caissière. Le déclic survient n’importe quand, mais qu’est-ce qu’il a fallu suer dans le vide. Tout ça pour quoi ? Pour lui-même d’abord. Parce qu’il ne peut pas faire autrement, c’est un chien en rut, je vous dis. Et puis, surtout, pour défier l’indicible. Pour faire la nique au néant et à la barbarie. Leur mettre devant la gueule un modèle éphémère de cohérence et d’humanité. L’auteur est un idéaliste. Il crée de la langue et du mouvement pour aller vers les autres, pour que chacun et chacune se reconnaisse et partage du sens, au même moment, devant ses pairs. C’est très rare. Mais lorsque la piste débouche sur une salle qui semble s’animer devant ses morceaux d’invention, alors l’auteur existe. Il laisse sa place aux voix et aux corps présents sur le plateau, bien plus intelligents que ses seuls mots inventés en digérant des raviolis. Bien plus vivants. En fait, sitôt qu’il existe, l’auteur se trouve un peu con. Bête et content, mais qu’est-ce que ça fait du bien de respirer cet air-là ! on a si peu l’occasion d’être des imbéciles heureux. L’auteur redevable peut repartir de zéro, avec l’expérience de ce sens qui a existé, et qui va le rendre sans doute encore plus borné. Parce que c’est sûr, une fois qu’il a goûté à ce type de rencontre, l’auteur devient encore plus addict, il va tout faire pour reprendre un shoot. Camille Rebetez Lauréat inédiThéâtre 2013 13