APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page11 DOSSIER 12 L’AGRICULTURE AMÉRICAINE AU MILIEU DU GUÉ Par Guy VASSEUR, Président des Chambres d’agriculture 13 16 19 23 27 29 L’ÉCONOMIE AMÉRICAINE ENTRE ENDETTEMENT ET RÉINDUSTRIALISATION CRISE ÉCONOMIQUE : LE COMMERCE EXTÉRIEUR AGROALIMENTAIRE AMÉRICAIN PEU AFFECTÉ LE FARM BILL REPORTÉ EN SEPTEMBRE 2013 PRODUCTION AGRICOLE AUX ÉTATS-UNIS : MAÏS, SOJA, VOLAILLES ET PRODUITS LAITIERS TIRENT LEUR ÉPINGLE DU JEU LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE AUX ÉTATS-UNIS REVENU ET STRUCTURE DES EXPLOITATIONS : LA TRÈS GRANDE DIVERSITÉ DE L’AGRICULTURE AMÉRICAINE CE DOSSIER A ÉTÉ COORDONNÉ Avec la participation rédactionnelle de : PAR THIERRY POUCH, Viviane PONS, Didier CARAES, CHAMBRES D’AGRICULTURE FRANCE, Chambres d’agriculture France, Direction Économie des agricultures et des territoires DIRECTION ÉCONOMIE DES AGRICULTURES ET DES TERRITOIRES Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 11 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page12 DOSSIER L’agriculture américaine au milieu du gué Dans le registre de la mondialisation, les Chambres d’agriculture ont régulièrement diffusé des analyses comparatives, afin d’informer les agriculteurs sur l’état présent et à venir des marchés agricoles. Qui sont leurs concurrents, comment et selon quels moyens évoluent-ils, quelles sont leurs perspectives en matière de positionnement sur les marchés internationaux ? L’agriculture américaine a, de ce point de vue, régulièrement fait l’objet d’une attention particulière et cela pour au moins deux raisons. La première tient à ce que les Etats-Unis demeurent le premier producteur et exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires. Ils forment donc l’un des grands concurrents de l’Union européenne et de la France sur les marchés. L’acuité de la concurrence entre ces deux entités dans les années 1970-80 s’est alors traduite par des conflits commerciaux réguliers dans le cadre du GATT/OMC. La seconde raison a trait à l’évolution même de l’économie américaine et aux similitudes qu’elle entretient avec celle de l’économie française. Les Etats-Unis se caractérisent en effet économiquement, comme la France, par un déficit commercial important partiellement compensé par un excédent en produits agricoles et alimentaires. Le secteur agricole et alimentaire revêt ainsi de part et d’autre de l’Atlantique une importance stratégique ! Dans les deux cas, et c’est ce que montre ce dossier, le commerce extérieur a bien résisté à la crise économique et financière. Il s’ensuit, autre aspect important détaillé dans les pages suivantes, que le revenu des agriculteurs s’est ici comme là-bas plutôt et bien orienté depuis trois ans, sauf pour les secteurs de l’élevage. Une troisième raison justifiait ce dossier. Elle relève de la politique agricole. La dégradation des comptes publics américains a constitué une entrave dans le processus de financement de la future loi agricole, couvrant la période 2012-2018, au point de conduire les autorités à reporter de plusieurs mois le vote du Farm Bill, et d’un an son application. Il s’agit d’une autre similitude avec le cas européen, plusieurs facteurs ayant convergé pour repousser la réforme de la PAC, son application étant désormais prévue pour 2015. Mais le parallèle s’arrête là. La similitude des résultats et des calendriers ne saurait dissimuler les orientations divergentes que devraient prendre les réformes des deux politiques agricoles. Le travail réalisé et les informations fournis par l’équipe du service Etudes et références de l’APCA seront utiles à tous ceux qui, dans le contexte actuel, ont besoin de points de repères pour, d’une part évaluer les forces en présence, d’autre part apprécier les évolutions probables, et, enfin, réfléchir à des leviers d’action possibles. Car c’est aussi l’intérêt d’une approche comparative des économies et des politiques agricoles que d’inciter les agriculteurs et les Pouvoirs publics à se doter de moyens adaptés, afin de ne pas se laisser distancer par les concurrents dans un monde où la production de biens alimentaires est (re)devenue si essentielle. Guy VASSEUR Président des Chambres d’agriculture 12 Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page13 © Abel Tumik -, Sergey Galushko Fotolia.com L’économie américaine n’en finit pas de surprendre. Ayant connu l’une des pires crises économiques et financières depuis les années trente, affichant un déficit budgétaire et un endettement fédéral hors du commun au regard de sa position de première puissance économique mondiale, elle est toutefois parvenue à se redresser. Outre sa croissance économique, les Etats-Unis ont même enclenché un processus de ré-industrialisation. Rappels fondamentaux sur une économie très contrastée. © Abel Tumik -, Sergey Galushko Fotolia.com L’économie américaine entre endettement et réindustrialisation Dès 2008, la FED a procédé à plusieurs reprises à un « assouplissement quantitatif » mesure « non conventionnelle » consistant à acheter des titres détenus par les banques – notamment des titres publics – en échange de liquidités, de façon à maintenir le plus bas possible les taux d’intérêt. La récession dans laquelle est entrée l’économie américaine à la suite de l’éclatement de la bulle immobilière en 2007 aura duré 18 mois, s’étalant du dernier trimestre 2007 au second trimestre de l’année 2009. Cette période de crise a été, sans doute, la plus longue après la grande récession des années 30, qui aura duré près de 44 mois (le Produit intérieur brut ayant diminué durant cette période d’un peu plus de 30 %). La baisse du PIB a atteint 5 %, le niveau d’avant la crise n’ayant été retrouvé qu’en 2011. Depuis, le taux de croissance du PIB américain se situe aux alentours de 2 % en rythme annuel (graphique 1). Le rétablissement de la croissance n’a cependant pas permis de se rapprocher du PIB potentiel, loin s’en faut. Afin de repousser le spectre d’une spirale dépressive qui aurait rappelé les mauvais souvenirs de la grande dépression des années 30, le policy mix américain a été des plus expansionnistes. Il s’est caracté- risé par la combinaison d’une politique monétaire très accommodante et de mesures budgétaires contra-cycliques, destinées à restaurer une croissance économique malmenée par la crise. En 2012, la croissance du PIB américain a été de 2,3 %, et devrait être, selon les prévisions du FMI, de 2 % en 2013, en dessous de la croissance mondiale, estimée à 3,5 %, mais bien au-dessus de celle d’une zone euro encore en récession (- 0,2 %, après - 0,4 % en 2012). Les effets de la politique économique depuis 2009 La Banque Centrale (Federal Reserve) a répondu en deux temps à l’entrée en crise de l’économie américaine. D’abord en réduisant fortement son taux d’intérêt directeur, devenu voisin de 0 % dès 2008, mesure conventionnelle accompagnée d’une action visant à ouvrir aux intermédiaires financiers non bancaires le guichet de refinancement. Ensuite, toujours dès Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 13 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page14 DOSSIER Graphique 2 Dette fédérale américaine et solde budgétaire 4 en % du PIB en % du PIB 2 Dette (échelle de droite) 120 100 0 2000 2008, la FED a procédé à plusieurs reprises à un « assouplissement quantitatif» (quantitative easing, QE1 en 2008, QE2 en 2010), mesure « non conventionnelle » consistant à acheter des titres détenus par les banques – notamment des titres publics – en échange de liquidités, de façon à maintenir le plus bas possible les taux d’intérêt. Ce sont ces liquidités qui doivent en principe être utilisées pour accorder des crédits aux entreprises et aux ménages, afin de soutenir l’investissement et la consommation(1). La quantité de monnaie ainsi émise – appelée également « base monétaire » – est passée de 820 à 2 600 milliards de dollars entre 2008 et 2010. C’est pourquoi de nombreuses critiques ont été adressées depuis à la FED, soulignant le caractère inflationniste de sa politique d’assouplissement monétaire. Or les tensions inflationnistes ne se sont toujours pas concrétisées. En revanche, le regain de croissance a permis de réduire la progression du chômage, progression qui avait été fulgurante dès le déclenchement de la crise, le nombre d’emplois détruits ayant atteint près de 9 millions entre 2007 et 2010. 2001 2002 2003 2004 2005 40 0 -12 * Estimation en 2012 2065 département du Trésor américain L’autre dimension de la politique économique américaine a été le stimulus budgétaire pratiqué par l’Administration Obama. Diminution de certains prélèvements, accroissement des dépenses. Le déficit budgétaire s’est du même coup creusé, se fixant désormais à un peu moins de 9 % du PIB. Des mesures visant à contenir ce déficit ont été prises à partir de 2009, portant essentiellement sur les dépenses, en raison des tensions entre l’exécutif américain et la Chambre des Représentants, à majorité Républicaine depuis les élections de midterm de novembre 2010. Ce creusement du déficit budgétaire fédéral s’est répercuté sur le montant de la dette de l’Etat amé- 2,3 1 2002 2004 2006 2008 2010 2012 -1 ricain, laquelle est passée de 67 % du PIB en 2007 à 105 % à la fin de l’année 2012 (graphique 2). Premier débiteur du monde… en voie de réindustrialisation Dans un tel contexte, la dernière élection présidentielle a été dominée par le thème de la réduction du déficit (falaise fiscale, signifiant que, s’il n’y avait pas eu accord le 31 décembre 2012, les hausses d’impôts et les réductions automatiques de dépenses auraient entraîné un choc fiscal de 4 points de PIB, donc une récession de l’économie américaine) et de la dette des Etats-Unis. Si le débat fut moins virulent qu’en 2010, lors du scrutin à mi-mandat, en raison des positions tranchées adoptées par le Tea Party, le problème reste entier : comment diminuer la contrainte pesant sur l’Etat fédéral en matière de déficit et de dette ? Car les conditions de financement du déficit et de la dette pourraient se complexifier, notamment du fait de la dégradation de la note américaine par les agences de notation. Si l’impact de la perte du triple A n’a pas eu jusqu’ici de répercussions trop importantes, les Etats-Unis doivent toutefois adopter une stratégie destinée à réduire les dépenses et/ou augmenter les recettes fiscales. -2 -3 -4 899 14 Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 80 20 2 2000 2012 -10 3 1998 2011 Solde budgétaire (échelle de gauche) 4 1996 2010 -8 5 1994 2009 -6 en % 1992 2008 60 Taux de croissance du PIB américain en volume 0 2007 -4 Graphique 1 6 2006 -2 OCDE 1. Une fois la croissance retrouvée, la Banque Centrale revend ces titres et procède ainsi à une destruction de monnaie initialement créée. APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page15 d’une réduction de la dépendance énergétique des Etats-Unis d’ici à 2020, et d’une diminution du coût d’approvisionnement en énergie pour les entreprises(2). L’objectif ultime étant d’amorcer une réduction du déficit commercial colossal de l’économie américaine. © alekseykh - Fotolia.com Réduction du déficit, maîtrise de la dette, regain de croissance, diminution du chômage et réindustrialisation de l’économie, assainissement du secteur financier, l’agenda du Président Obama est chargé pour son second mandat. L’ampleur des défis à relever laisse entendre qu’une partie devra être confiée à son, voire à ses successeurs. Siège du Sénat et de la Chambre des Représentants le Capitole est le lieu privilégié du débat sur la réduction du déficit américain. Le clivage politique y est net, opposant d’un côté les Républicains qui entendent préserver, voire accentuer les mesures de baisses des impôts et de l’autre les Démocrates, optant plutôt pour une hausse massive des impôts. C’est là que le clivage politique est net, opposant d’un côté les Républicains qui entendent préserver, voire accentuer les mesures de baisses des impôts héritées de l’Administration Bush, et de l’autre les Démocrates, optant plutôt pour une hausse massive des impôts. Un compromis Les Etats Unis comptent beaucoup sur l’exploitation du gaz de schiste pour réduire leur facture énergétique. Thierry POUCH Chambres d’agriculture France Direction des économie des agricultures et des territoires ayant été trouvé à la fin de l’année 2012, c’est la question du relèvement du plafond de la dette qui va intervenir dès le printemps 2013, ranimant les tensions entre les deux partis. Encore première puissance économique mondiale, les Etats-Unis sont aussi le premier débiteur de la planète. Cette dimension de l’économie américaine a son importance, notamment pour le secteur agricole. La crise a malgré tout provoqué un sursaut politique, conduisant le gouvernement à soutenir massivement l’industrie automobile d’une part, puis, d’autre part, l’exploitation du gaz de schiste. Concernant l’industrie automobile, outre les mesures financières destinées à renflouer les entreprises, une politique de baisse du coût du capital, de maîtrise des coûts salariaux, assortie d’une dépréciation du dollar s’est mise en place pour redresser la compétitivité et amorcer la réindustrialisation du secteur. La production de gaz de schiste est, quant à elle, porteuse à la fois 2. Sur ce point, se reporter à P. Artus (2012), « Tout est utilisé aux Etats-Unis pour gagner de la compétitivité et réindustrialiser », FLASH économie, NATIXIS, numéro 809, 21 novembre, p. 1-7. Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 15 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page16 DOSSIER Crise économique Le commerce extérieur agroalimentaire américain peu affecté La crise a exercé des effets sur le rythme de croissance des échanges mondiaux de marchandises, notamment durant l’année 2009. Si les flux commerciaux de produits agricoles et alimentaires ont été touchés par ce ralentissement, la dynamique de la demande mondiale en a atténué l’impact pour les exportateurs. Les Etats-Unis sont dans ce cas de figure, puisque leur excédent commercial est resté élevé malgré la crise. La dynamique de la demande mondiale, associée à une parité du dollar en baisse, ont constitué un facteur favorable à la bonne tenue des exportations. américaine. En 2012, l’excédent commercial dégagé des échanges de produits agricoles et alimentaires a atteint 32,4 milliards de dollars, en baisse 24,5 % par rapport à 2011, mais supérieur aux excédents de 2009 et de 2010. Après avoir connu un repli assez net en 2009, les exportations agroalimentaires américaines se sont vite redressées dès 2010. Quels sont les principaux facteurs de ce redressement ? Un excédent commercial robuste La balance commerciale globale des EtatsUnis est structurellement déficitaire depuis la fin des années 1970. En 2012, le déficit commercial s’est situé aux alentours de 850 milliards de dollars. S’agissant du secteur agroalimentaire, l’économie américaine n’a pas connu de déficit commercial depuis les années 50. La robustesse de l’appareil commercial agroalimentaire a été toutefois fragilisée à deux reprises. La première période d’affaiblissement de la compétitivité du secteur agroalimentaire américain se situe entre 1981 et 1986, durant laquelle le solde s’est fortement contracté, obligeant le pouvoir fédéral à inscrire à l’ordre du jour de l’Uruguay Round le dossier agricole (dans le cadre de ce qui était le GATT, le cycle Uruguay Round s’est étendu de 1986 à 1994, débouchant sur la signature des Accords de Marrakech). La seconde, beaucoup plus longue, s’étend de 1996 à 2006, laissant surgir l’hypothèse pour le moins surprenante d’un retour au déficit commercial agroalimentaire. La crise asiatique de 1997 et 1998 fut pour partie à l’origine de la réduction des débouchés sur cette zone. Le basculement dans le déficit commercial ne se produisit pas, bien au contraire. Malgré la crise qui éclate en 2007 et qui affecte la croissance des échanges mondiaux en 2009 et en 2012 (– 2 % en 2012 après une hausse de + 7 % en 2011), les performances extérieures du secteur agroalimentaire américain sont demeurées à peu près intactes surtout si on les compare à celles des autres secteurs de l’économie (graphique 1). Comme pour les autres économies exportatrices de produits agricoles et alimentaires, dont la France, les exportations américaines se sont repliées de 2 % en 2009 et de – 1,2 % en 2012, entraînant une diminution du solde excédentai- Graphique 1 Le commerce mondial de marchandises avait fortement reculé durant la récession de 2009. Cumulé au ralentissement de la croissance dans les pays émergents, la contraction des échanges fut suffisamment importante pour interpeller les observateurs quant à la profondeur de la crise. Toutefois, un secteur s’est distingué par sa résistance à la crise, l’agroalimentaire. Aux Etats-Unis, l’excédent commercial s’est en effet replié en 2009, tout en restant supérieur à ce qu’il était avant la crise. Il a ensuite retrouvé des niveaux rarement atteints depuis une décennie. Il faut y voir la confirmation que le commerce extérieur agroalimentaire constitue un secteur clé de l’appareil d’exportation de l’économie 16 Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 Solde du commerce extérieur des Etats-Unis 50,00 en milliards de dollars 45,00 40,00 35,00 Produits agroalimentaires 32,4 30,00 25,00 20,00 15,00 10,00 5,00 0,00 1968 7 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012 USDA APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page17 Un regard jeté sur la ventilation des produits agricoles et alimentaires exportés révèle plusieurs points intéressants. Au préalable, rappelons que l’USDA procède à une décomposition des exportations en deux types de produits : le premier regroupe (qualifiés de produits en vrac) les grains, les oléagineux, le coton et les tabacs non transformés, le second les produits à haute valeur ajoutée (High Value Products ou HVP), eux-mêmes répartis en souscatégories, d’une part bruts (animaux vivants, fruits et légumes frais, fruits à coques et produits de pépinières), et ensuite semi-transformés (graisses et huiles, farines, cuirs et peaux, fibres, aliments pour animaux, sucre), puis transformés (viandes, produits laitiers, travail des grains, fruits et légumes transformés, jus de fruits, vins et boissons alcoolisées et non alcoolisées, huiles essentielles et produits tropicaux). De façon assez traditionnelle, ce sont les produits à haute valeur ajoutée qui sont majoritaires dans les exportations américaines. En 2012, 63 % des exportations étaient composées de produits HVP. Toutefois, à l’intérieur de cette catégorie, 55 % étaient des produits transformés (viandes congelées de porc, de bovin et de poulet, puis sucre et boissons non alcoolisées comme les jus de fruits, et enfin les produits laitiers). Concernant les produits en vrac, les céréales et les graines oléagineuses sont les plus exportées. Le maïs, le blé et les graines de soja ont représenté à parts égales 39 % des exportations de cette catégorie, suivis du coton (13 %). Ces exportations totales de produits en vrac ont toutefois fortement progressé en valeur depuis 2006, en raison de la hausse des prix qui caractérise les marchés céréaliers et oléagineux. Elles © AZP Worldwide - Fotolia.com re. Les prévisions pour l’année 2013 de l’USDA restent plutôt bien orientées, le solde excédentaire devant atteindre 30 milliards de dollars(3). Entre 2007 et 2012, les exportations sont passées de 82,2 à 136 milliards de dollars, soit une progression de plus de 65 %. De leur côté, les importations se sont accrues de 47,5 %. Les exportations agroalimentaires ont représenté en 2012 moins de 11 % des exportations totales américaines (7 % en 2000), les importations à peine 5 % (3 % en 2000). Les exportations totales de produits en vrac ont fortement progressé en valeur depuis 2006, en raison de la hausse des prix qui caractérise les marchés céréaliers et oléagineux. Camion de maïs à l’export. sont en effet passées de 24,8 à 58,5 milliards de dollars entre 2006 et 2011, avant de redescendre à 50 milliards en 2012, année de sécheresse ayant occasionné une diminution des récoltes de blé, de maïs et de soja, et donc des surplus exportables. Les prévisions de l’USDA pour l’année fiscale 2013 indiquent que les exportations de soja devraient se redresser assez nettement, à la fois en raison de la demande asiatique et des contraintes pesant sur les exportations des deux principaux producteurs d’Amérique latine, le Brésil et l’Argentine. En revanche, les exportations américaines de coton devraient se replier en 2013, du fait de la faiblesse de la production et de la baisse de la demande mondiale, en particulier celle émanant de la Chine. Les exportations de viandes et de produits laitiers ont connu une progression régulière depuis 2009, la demande mondiale étant particulièrement soutenue. Pour les viandes, elles seraient toutefois en baisse pour l’année fiscale 2013, les productions américaines ayant été révisées à la baisse. Seules les exportations de produits laitiers augmenteraient en 2013, notamment les fromages, la poudre de lait écrémée et le beurre. Les importations américaines sont depuis les années 1970 composées à 95 voire 97 % de produits à haute valeur ajoutée (café, vins, boissons à base de malt, huile de palme, sucre, produits de la biscuiterie…). Répondre à la demande mondiale La crise n’a donc pas engendré d’effondrement des exportations américaines de produits agricoles et alimentaires. Il faut y voir des retombées de la dynamique de la demande mondiale, en particulier celle en provenance des pays d’Asie. Les importations asiatiques ont en effet progressé depuis 2009, en dépit du ralentissement qui a caractérisé la croissance de certains des pays de la région. En 2012, 44 % des exportations américaines étaient destinées à l’Asie, la Chine et la Japon en étant le deux principales destinations (respectivement 17,2 et 10,1 %), la Corée du Sud (4,6 %) se situant bien après. Viennent ensuite les partenaires de l’ALENA (Canada et Mexique) avec 14,7 et 13,9 % et, loin derrière, l’Union européenne avec seulement 6,5 %. La croissance des exportations américaines de produits agroalimentaires a été soutenue vers la Chine depuis 2009, désormais premier débouché (+ 50,4 % entre 2009 et 2012). 3. Les données sont exprimées sur l’année fiscale novembre de l’année n à novembre de l’année n+1. Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 17 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page18 DOSSIER L’appareil exportateur agroalimentaire américain dépend donc crucialement de la croissance des pays d’Asie, qu’ils soient industrialisés ou émergents, voire en développement. Le Japon et la Chine étaient en effet en 2011 les troisième et quatrième importateur mondiaux de produits agricoles et alimentaires (graphique 2). Les exportations américaines vers les pays en développement ont augmenté de plus de 40 % depuis 1998. L’élévation du degré d’interdépendance des économies dans la mondialisation passe aussi par l’agriculture. Graphique 3 Solde agroalimentaire des USA et taux de change euro/dollar Taux de change nominal effectif 2005 = 100 140 Solde agroalimentaire américain en millions de dollars Taux de change 35 120 30 100 25 80 20 Solde extérieur agroalimentaire 60 15 40 10 20 Exporter aussi massivement des produits agricoles et alimentaires dans une période de crise économique et financière repose aussi sur un deuxième atout. Contrairement aux pays de la zone euro qui ne peuvent plus compter sur une modification de la parité de la monnaie unique, les EtatsUnis détiennent encore une souveraineté monétaire sur laquelle ils peuvent s’appuyer pour faire évoluer le taux de change du dollar en fonction de leurs objectifs commerciaux. Depuis 2002, le taux de change du dollar par rapport aux principales monnaies s’est en effet déprécié, apportant un surcroît de compétitivité-prix aux exportations agroalimentaires américaines. Il s’agit même de la période de dépréciation la plus longue depuis l’entrée dans une phase de flottement des monnaies en 1973 (graphique 3). Ces deux facteurs ont permis à l’agriculture américaine de mieux résister à la crise que ne l’on fait 5 0 0 1997 1999 2001 2003 1258 les autres secteurs d’activité économique, notamment dans l’industrie. Il s’ensuit que, une fois de plus, l’agriculture et les industries de la transformation constituent un avantage comparatif des plus robustes pour l’économie américaine. Au regard des perspectives de demande mondiale, de la parité actuelle du dollar face à l’euro, sans parler de la politique monétaire de la FED qui, en maintenant des taux d’intérêt très bas, permet aux agriculteurs d’emprunter dans des conditions favorables et de diminuer les risques de défaillances financières, le secteur a non seulement mieux résisté à la crise, mais (4) peut entrevoir l’année 2013 avec sérénité . Importateurs de produits alimentaires en milliards de dollars 149 UE Extra 114 Etats-Unis 79 Japon 2007 2009 2011 De plus, les prévisions en matière de prix mondiaux restent bien orientées, signifiant, du coup, que les revenus des agriculteurs pourraient encore être en 2013 élevés. L’agriculture et l’agroalimentaire américains forment un secteur clé de l’économie américaine. En dépit d’une perte de parts de marché depuis le début des années 80, il est l’un des rares secteurs dégageant encore un excédent commercial. De ce point de vue, on notera les similitudes avec l’évolution du secteur en France. Concurrents hier, les producteurs américains et français ont au moins cela en commun, contribuer, ne serait-ce que partiellement, à alléger un déficit global des plus préoccupants. Il était important de rappeler cet aspect de l’économie américaine, surtout dans un contexte où la croissance reste fragile, où le niveau de la dette fédérale a franchi le seuil des 100 % du PIB, et où une nouvelle Loi agricole (Farm Bill) est en préparation. Thierry POUCH Chambres d’agriculture France Direction économie des agricultures et des territoires 75 Chine 38 Féd. de Russie 32 Canada Rép. de Corée 25 Mexique 25 Total monde 2011 1049 milliards de dollars dont UE intra : 400 21 1014 18 2005 FMI, Department of Commerce Graphique 2 Arabie Saoudite 40 Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 OMC 4. L’évolution de la croissance des économies émergentes doit toutefois faire l’objet d’un examen attentif et régulier. La Chine n’est pas à l’abri des répercussions de la récession dans la zone euro ou de la fragilité de la croissance aux Etats-Unis sur ses exportations. Lire A. Chevallier (2012), « L’économie mondiale cinq ans après la crise financière », in CÉPII (éd.), L’économie mondiale 2013, éditions La Découverte, coll. « Repères », p. 5-19. APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page19 Le Farm Bill reporté en septembre 2013 Les Etats-Unis ont un autre point commun avec la France, et, plus largement, avec l’Union européenne. Ils doivent en effet engager une réforme de leur politique agricole, le précédent Farm Bill étant arrivé à échéance en septembre 2012. Au regard des contraintes de calendrier, du déficit budgétaire et de l’endettement et du clivage entre le Sénat et la Chambre des Représentants, l’adoption du Farm Bill 2012-2018 est reportée en septembre 2013. Quant à la réforme de la PAC, son entrée en vigueur est déjà repoussée en 2015 au lieu de 2014. La politique agricole américaine fait l’objet tous les cinq ans (voire tous les six ans) d’une réforme appelée Farm Bill, décidée et votée par le Congrès. Le Farm Bill doit s’entendre au sens de projet de loi agricole. Il est intitulé, une fois voté Farm Act. Ce dispositif public témoigne de la longévité d’une politique instaurée en 1933, pour pallier les répercussions désastreuses de la grande dépression sur le revenu des agriculteurs américains(5). Celui-ci avait en effet connu une forte baisse durant la crise, faisant suite à une période plutôt faste (graphique 1). Sous l’impulsion de F.D. Roosevelt et de son Secrétaire à l’agriculture (USDA), Henry Wallace, les principaux instruments de soutien de l’activité agricole Graphique 1 Revenu agricole net des Etats-Unis Net Farm Income 20 en milliards de dollars 18 17,7 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1910 1913 1916 1919 1922 1925 1928 46 furent mis en place dans une certaine urgence, dans le cadre de l’Agricultural Adjusment Act (AAA), qui était le complément pour l’agriculture du National Industry Recovery Act (NIRA). Le redressement du revenu agricole s’est effectué dès 1934, puis ensuite à partir de 1940. Si l’AAA a connu une succession de mutations, la philosophie générale du dispositif n’a toutefois guère changé depuis sa fondation. Ce qu’il importe de retenir est que la politique agricole américaine a souvent fait preuve d’une capacité élevée d’adaptation au contexte économique dans lequel évoluait l’agriculture. Avec la grande dépression des années 1930 et la montée de la misère chez les agriculteurs, un programme de soutien public fut mis en place (contrôle des volumes produits, stockage public, prix de soutien, réduction des surfaces…). Lorsque ce sont les exportations qui pâtissent, soit de la montée de la concurrence, soit de l’appréciation du dollar consécutive d’une politique monétaire restrictive, comme durant la première moitié des années 1980, un programme de stimulation de ces exportations est inséré dans la loi agricole. 1931 1934 1937 1940 1943 1946 USDA Lorsque les agriculteurs sont exposés à des risques climatiques, à des baisses de leur revenu, des mesures contra-cycliques ou des dispositifs d’assurance sont instaurés, la période le Farm Bill 2008-2012 en constituant une dernière illustration. Une rupture intervient tout de même dans les années 1990. Il faut attendre en effet 1996 pour voir surgir un projet novateur instaurant le découplage des aides, vite abandonné d’ailleurs en raison de la baisse du revenu agricole engendré par la contraction des débouchés en Asie, à la suite de la crise de 1997-1998. Le Farm Bill 2008-2012 fut voté en dépit du veto affiché par le Président Bush, et se caractérisa par une croissance des dépenses budgétaires agricoles, représentant à peine 1 % du PIB américain (graphique 2). Illustration selon laquelle, depuis 1933, le secteur agricole constitue encore une réelle priorité pour l’économie américaine. On peut en déduire que, surtout depuis le début de la décennie 1990, un contraste 5. Certaines mesures pouvant avoir une origine beaucoup plus lointaine, remontant même à l’indépendance (4 juillet 1776). Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 19 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page20 DOSSIER © arinahabich - Fotolia.com sions sur le budget agricole. Il a donc été décidé de proroger le Farm Bill 2008 jusqu’au 30 septembre 2013. Il ne faut toutefois pas accorder une importance démesurée au rôle du Président américain et du Ministère de l’Agriculture dans la définition et l’orientation de la loi agricole. Lorsque les agriculteurs sont exposés à des risques climatiques, à des baisses de leur revenu, des mesures contra-cycliques ou des dispositifs d’assurance sont instaurés. existe entre les orientations que la Commission européenne (mais aussi le Conseil européen) fait prendre à la PAC et celles de la politique agricole américaine. D’un côté l’ambition de déréguler progressivement la PAC, de rapprocher les prix européens des prix de marché, de l’autre, le souci de préserver un outil de production, un appareil d’exportation, et le revenu des agriculteurs. Qu’en sera-t-il dans le prochain Farm Bill, dans un contexte de dégradation des comptes publics et d’envolée de l’endettement fédéral ? Des contraintes bien trop fortes pour élaborer un projet de loi agricole Les Etats-Unis s’apprêtent donc à voter un nouveau Farm Bill, avec, comme dans le cas de l’UE à 27, un retard d’une année, et couvrira la période 2013-2018/2019. Quelles vont en être les grandes orientations ? Le précédent Farm Bill, voté et appliqué en 2008, a expiré à la fin du mois de septembre 2012. Plusieurs facteurs ont contribué à repousser le vote d’une nouvelle loi agricole couvrant la période 20122018. D’abord l’élection présidentielle. Il faut, en effet, attendre le mois de janvier de l’année suivante pour que le candidat élu soit officiellement nommé Président par le Congrès. Ensuite le différend sur la 20 Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 « falaise fiscale ». L’incertitude sur l’issue des négociations entre le Président et le leader des Républicains à la Chambre des Représentants s’est répercutée sur les décisions attendues en matière agricole, sachant que le secteur agricole devait apporter sa contribution au plan d’économies budgétaires global, à hauteur de 23 à 30 milliards de dollars sur dix ans. L’épineuse question du relèvement du plafond de la dette, intervenant en mars, risquait de compromettre l’avancée des discus- L’Administration fédérale ne détient qu’un pouvoir limité, l’essentiel des décisions étant prises par le Congrès, Chambre des Représentants (à majorité républicaine actuellement) et Sénat (majorité démocrate), et leurs Commissions agricoles respectives. D’ailleurs, le veto présidentiel de 2008, lors du précédent Farm Bill, n’a pas constitué d’obstacle rédhibitoire pour que la loi soit votée et appliquée. La loi agricole de 2008 se composait de quatre rubriques fondamentales : assistance nutritionnelle et aide alimentaire, l’environnement, les soutiens aux producteurs – dont les paiements directs – et les subventions aux assurances. La répartition de ces dépenses agricoles est très largement en faveur de l’assistance nutritionnelle et de l’aide alimentaire. En 2011, ces deux postes pesaient pour plus de 80 % des Graphique 2 Budget agricole américain 160 en milliards de dollars 147,5* 140 120 Dépenses agricoles 100 80 60 40 20 * Estimation 0 1982 1984 1417 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 BEA-Office of Management and Budget APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page21 Graphique 3 Nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire aux Etats-Unis 49 en millions de personnes 46,4* 44 dépenses agricoles totales (77 % et 5 %), les paiements directs et les dépenses d’assurance récoltes représentant 5 % chacune. Le nombre d’Américains bénéficiant de ce programme d’assistance nutritionnelle (Supplemental Nutrition Assistance Program, SNAP) a fortement augmenté depuis le début de la crise, passant de 26 millions en 2007 à 46 au début de l’année 2012 (soit 22 millions de ménages) (graphique 3). Le Farm Bill 2008 se distinguait également par l’adjonction de mesures relatives à l’environnement et à l’énergie, d’où la qualification de Food, Conservation and Energy Act (FCEA). Les contours encore incertains du prochain Farm Bill Les quelques éléments permettant d’anticiper les décisions qui seront prises en septembre prochain émanent du vote du 21 juin 2012, par le Sénat, du Farm Bill 2013-2018. Au regard de l’évolution du revenu des agriculteurs américains depuis 39 34 29 * Mars 2012 24 nov-05 mai-06 nov-06 mai-07 nov-07 mai-08 1554 trois ans et des niveaux de prix constatés sur les marchés des céréales et des oléagineux, le Sénat a opté pour la suppression des aides directes découplées, ce qui représenterait, dans un contexte budgétaire tendu, une économie de quelque 5 milliards de dollars par an(6). L’autre ambition du projet concocté par les Sénateurs a trait aux dispositifs d’assurances. On sait que de tels mécanismes de protection sont entrés en vigueur depuis fort longtemps. Deux outils fondamentaux existaient dans le Farm Bill 2008, et qui sont par consé- nov-08 mai-09 nov-09 mai-10 nov-10 mai-11 nov-11 USDA quent prolongés jusqu’en septembre 2013. D’abord l’assurance récolte, destiné à contrecarrer les baisses de rendements et dont les principaux secteurs bénéficiaires sont les grandes cultures et les fruits et légume, et ensuite l’assurance chiffre d’affaires visant à parer à toute baisse du chiffre d’affaires intervenant entre la mise en culture et les récoltes. Dans le futur Farm Bill, il s’agirait de renforcer ces outils d’assurance, et de mieux les articuler aux soutiens contracycliques. L’Etat fédéral verse aujourd’hui plus de 3 milliards de dollars de subventions aux compagnies d’assurance privées, auxquels s’ajoutent 7 milliards attribués aux agriculteurs pour alléger le surcroît de charges d’exploitation occasionnées par les contrats d’assurance(7). C’est pourquoi Barack Obama aurait souhaité réaliser quelque 10 milliards d’économies budgétaires sur ce programme, souhait repoussé par les Sénateurs, qui voient désormais dans la généralisation du dispositif assurantiel en agriculture le fondement même de la politique agricole. Les Séna- © sborisov - Fotolia.com 6. L’idée étant de ne plus verser d’aides à des producteurs qui ne produisent pas. L’Administration fédérale ne détient qu’un pouvoir limité sur les mesures concernant la politique agricole. L’essentiel des décisions sont prises par le Congrès, Chambre des Représentants (à majorité républicaine actuellement) et Sénat (majorité démocrate), et leurs Commissions agricoles respectives 7. La sécheresse historique de l’année 2012 a été à l’origine d’une élévation des indemnités versées par les compagnies d’assurance. Une politique agricole fondée sur le principe du tout assurance comporte le risque d’une explosion des financements publics, les contextes climatique et économique étant des plus incertains. Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 21 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page22 DOSSIER S’agissant des aides dites contracycliques, le texte du Sénat recommande de fusionner les différents programmes en vigueur dans le précédent Farm Bill. C’est le cas pour l’Average Crop Revenue Election (ACRE) et les paiements contracycliques, deux outils qui seraient remplacés par Agriculture Risk Coverage (ARC)(8). L’objectif de ARC serait, en cas de baisse du chiffre d’affaires, d’apporter aux producteurs une compensation financière, sans doute partielle, mais qui s’ajouterait aux programmes d’assurance. Une dotation budgétaire a même été avancée, de l’ordre de 28 à 30 milliards de dollars. L’originalité du projet du Sénat réside sans doute dans le sort qui a été réservé au secteur laitier. Les éleveurs pourront percevoir deux types de paiements contracycliques garantissant leurs marges : un paiement dit de base, dont l’objectif est de préserver un seuil minimal de marge (production en valeur moins les coûts de l’aliment pour animaux), puis une aide complémentaire pour les éleveurs souhaitant dégager une marge supérieure (la couverture du volume de production pouvant être comprise entre 25 et 90 % de la production)(9). Ces quelques données de cadrage sur la prochaine loi agricole américaine entrent en contraste avec les perspectives agricoles européennes. Même non finalisées, ces intentions laissent intactes l’objectif des 22 Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 Sénateurs de préserver une certaine forme de soutien aux agriculteurs, dont on a dit qu’elle pourrait se fonder sur un programme assurantiel renforcé. C’est particulièrement le cas en élevage laitier. Le prochain Farm Bill apparaîtrait alors comme un dispositif tourné vers la croissance des productions agricoles(10). Il demeure toutefois une inconnue : quelle sera la position des Républicains à la Chambre des Représentants ? Un accord s’est manifestement dessiné sur la suppression des paiements découplés, sur la création du dispositif ARC, ainsi que sur les orientations du secteur laitier. ENCADRÉ 1 Pour la période 2013-2022, le Congressional Budget Office (CBO) a évalué à 993 milliards de dollars les dépenses totales agricoles, selon un scénario de référence mars 2012. Elles se répartiraient de la façon suivante : 772 milliards pour le poste nutrition et aide alimentaire (78 %), 91 pour les assurances récoltes, 63 pour les divers soutiens (appelé Commodity program), et 64 pour le poste environnement, le résidu étant distribué entre le poste échanges extérieurs et l’aide alimentaire internationale, horticulture, énergie, développement rural, forêt, recherche, soit 3 milliards de dollars. Par comparaison, le coût total de la loi agricole sur la période 2008-2012 a été estimé par le CBO à 284 milliards de dollars, 604 sur une durée de dix ans. © HamsterMan - Fotolia.com teurs ont suggéré par ailleurs la création d’un Supplemental Coverage Option (SCO), sorte de mécanisme optionnel de couverture de la franchise d’assurance, la prime d’assurance versée par le producteur pouvant être ainsi subventionnée à hauteur de 70 %, soit davantage que dans les dispositifs fonctionnant dans le Farm Bill 2008. Ces programmes d’assurance ont toutefois été soumis à une conditionnalité environnementale, thème sur lequel les environnementalistes entendent rester vigilants. Il y a là en effet un défi que l’agriculture américaine doit relever, celui du développement soutenable (thème auquel est souvent associé celui de la santé publique). Des réductions de dépenses liées à l’aide alimentaire pourraient être effectuées. De telles coupes claires dans le programme d’aide alimentaire entreraient alors en résonance avec la disparition en 2013 du Programme Européen d’Aide aux plus Démunis (PEAD). Cette convergence, somme toute encore relative et embryonnaire, n’empêchera pas les Républicains de maintenir leurs exigences en matière d’économies budgétaires (encadré 1). Au regard de la masse financière que le budget agricole représente, les économies seraient sans doute bien marginales. C’est donc sans doute du côté de l’aide alimentaire que des réductions de dépenses pourraient être effectuées. De telles coupes claires dans le programme d’aide alimentaire entreraient en résonance avec la disparition en 2013 du Programme Européen d’Aide aux plus Démunis (PEAD). Thierry POUCH Chambres d’agriculture France Direction économie des agricultures et des territoires 8. Le dispositif ACRE fut la grande innovation du Farm Bill 2008. Sa visée était de compenser les diminutions de chiffres d’affaires par des aides directes. Se reporter à P. Claquin (2011), « ACRE, un nouveau type d’aides confirmant l’orientation anticyclique de la politique agricole américaine », Analyse, numéro 33, septembre, Centre d’études prospectives, MAAPRAT, p. 1-4. 9. Le détail des mesures sur la garantie des marges se trouve sur : www.ag.senate.gov/newsroom, notamment la participation des agriculteurs au programme de stabilisation du marché des produits laitiers. 10. Certains observateurs de l’activité agricole américaine allant même jusqu’à considérer qu’il s’agit d’une politique « productiviste » ! Lire R. Ichter (2012), « Farm Bill 2012. Une politique agricole délibérément productiviste », Paysans, numéro 332, mars-avril, p. 43-49. APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page23 Premiers producteurs mondiaux de maïs, de graines de soja, de viande bovine et de poulets de chair, les Etats-Unis sont aussi parmi les cinq premiers producteurs de blé, de coton, de sucre ou de viande de porc. Malgré un fort impact de la sécheresse sur la production en 2012, les perspectives agricoles 2013-2022 dressées par l’USDA sont positives et laissent entrevoir des gains de productivité dans de nombreuses productions (maïs, soja, produits laitiers, …). © AZP Worldwide - Fotolia.com Production agricole aux Etats-Unis Maïs, soja, volailles et produits laitiers tirent leur épingle du jeu Aux Etats-Unis l’utilisation du maïs pour la fabrication d’éthanol dépasse celle pour l’alimentation animale. Usine de production d’Ethanol. Panorama des principales productions aux Etats-Unis Utilisatin du maïs aux Etats-Unis Maïs 350 en millions de tonnes 300 Biocarburants 250 200 Alimentation animale 150 100 Nourriture, semences et autres utilisations industrielles 50 Exports 0 1980 928 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012 USDA, ERS Les Etats-Unis sont les premiers producteurs mondiaux de maïs (314 millions de tonnes en 2011/2012). Avec plus de 35 millions d’hectares en 2012, le maïs est la grande culture la plus répandue aux EtatsUnis. Cette céréale est utilisée dans l’alimentation animale et dans un large éventail de produits industriels, dont l’éthanol. Depuis 2010, la part du maïs destiné à la fabrication d’éthanol dépasse celle de l’alimentation animale. Le maïs est également utilisé pour produire du sirop à haute teneur en fructose dont les principaux utilisateurs sont l’industrie ses boissons (sodas) et les fabricants de produits agroalimentaires transformés. Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 23 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page24 DOSSIER Soja © Paul Hill - Fotolia.com Le soja le principal oléagineux produit aux Etats-Unis. Il s’agit de la première source de protéines pour l’alimentation animale. Les Etats-Unis sont les principaux acteurs sur le marché du soja. En effet, ils sont à la fois les premiers producteurs et les premiers exportateurs jusqu’en 2011/2012. La sole de soja s’est fortement développée en lien avec les nouvelles variétés résistantes au herbicides, la simplification des pratiques,… Après le maïs, le soja est la deuxième grande culture la plus importante en terme de surfaces. De plus, le soja est très couramment associé au maïs dans les rotations. Blé Avec 54,4 millions de tonnes produites en 2011/2012, les Etats-Unis étaient les quatrième principaux producteurs mondiaux, derrière l’UE, la Chine, l’Inde et la Russie. En termes de surfaces récoltées, le blé occupe la troisième place. Néanmoins la tendance des ensemencements en blé est orientée à la baisse depuis 1981. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution selon l’USDA, notamment : Les Etats-Unis sont les troisièmes producteurs mondiaux de coton, après la Chine et l’Inde. – la baisse relative de la profitabilité du blé par rapport à d’autres productions (maïs, soja) ; – une législation qui permet aux agriculteurs plus de flexibilité dans leur choix d’assolement. Coton Les Etats-Unis sont les troisièmes producteurs mondiaux de coton, après la Chine et l’Inde. Ces trois pays rassemblent à eux seuls deux tiers de la production mondiale. Depuis 2006, toutefois, les surfaces et la production régressent aux Etats-Unis. Les évolutions de prix relatifs ont favorisé les ensemencements de maïs et de soja. La tendance haussière des rendements permet de limiter la baisse de la production mais les utilisations intérieures diminuent nettement depuis la fin des années 1990 et les exportations sont également orientées à la baisse depuis 2006. © sima - Fotolia.com Sucre Les Etats-Unis sont les principaux acteurs sur le marché du soja. 24 Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 Les Etats-Unis sont les plus importants consommateurs de produits sucrants (sucre, sirop de maïs à haute teneur en fructose, miel, sirop d’érable, …). Ils sont également l’un des plus grands producteurs de sucre (7,7 millions de tonnes en 2011/2012). La production provient à APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page25 Viande bovine Les Etats-Unis sont les premiers producteurs de viande bovine avec environ 12 millions de tonnes et 90 millions de têtes de bétail. La moitié de la valeur de la viande provient de cinq Etats (Texas, Kansas, Nebraska, Iowa)(11). Depuis 2008, la production américaine de viande bovine recule en lien avec la hausse des prix de l’alimentation et la stabilisation de la consommation. Les volumes produits et consommés sont relativement proches mais l’Institut de l’Elevage(12) souligne que la « filière bovine américaine est particulièrement ouverte sur les échanges » avec notamment des importations de bovins vifs (Mexique, Canada, …) et des exportations de viande. Produits laitiers Les Etats-Unis sont les deuxièmes producteurs de lait de vache, derrière l’UE27. La production est présente dans les cinquante Etats mais est plus importante dans l’Ouest et le Nord (Californie, Wisconsin, Idaho, New York,...). La progression de la productivité par vache, qui a plus que doublé depuis les années 1970, a permis à la production d’atteindre 90 millions de tonnes aujourd’hui. Un tiers de la production est destiné à la fabrication de lait liquide et de crèmes, le reste est transformé en une large gamme de produits laitiers, notamment en fromages (mozzarella, cheddar, …) et en poudres de lait. © Stephanie Frey – Fotolia.com 58 % de la betterave et à 42 % de la canne à sucre. Après une période de nette progression entre 1980 et 2000, la production de sucre des Etats-Unis a tendance à diminuer. Volailles Premiers producteurs mondiaux de viande de poulet de chair et de dindes, les Etats-Unis sont également parmi les premiers producteurs d’œufs. La production est concentrée dans les Etats du sud Est Les Etats-Unis sont les premiers producteurs mondiaux de viande de poulet de chair et de dindes. (Géorgie, Arkansas, Alabama, Mississippi, et Caroline du Nord principalement). Après avoir fortement progressé, la production de poulet de chair se stabilise autour de 16,5 millions de tonnes depuis 2010. Cette filière doit en effet faire face à la volatilité des marchés des céréales et un marché domestique mature selon la Rabobank(13). © Daisuke Ito - Fotolia.com 11. National Cattlemen's Beef Association, d’après USDA 2007 Ag Census http://www.beefusa.org/beefindustrystatistics .aspx 12. Institut de l’Elevage, Filière viande bovine aux USA, collection THEMA, décembre 2010. Les Etats-Unis comptent environ 90 millions de têtes de bétail. 13. U.S. chicken industry facing permanent challenges, significant changes required, December 2011. Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 25 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page26 DOSSIER Porcs Avec 10,6 millions de tonnes, les EtatsUnis sont les troisièmes producteurs mondiaux de viande de porc après la Chine (51,4 Mt) et l’UE-27 (22,8 Mt). La production suit une tendance haussière depuis le milieu des années 1980 et s’accompagne d’une forte concentration et spécialisation des élevages. Depuis le début des années 2000, le surplus de production s’oriente vers les marchés d’exportation, car la consommation se stabilise. Perspectives 2013-2022 La fabrication d’éthanol à partir du maïs a atteint un plafond en 2010 et 2011. A partir de 2013, la part des volumes destinés à l’alimentation animale redeviendrait majoritaire. Les exportations de maïs devraient progresser entre 2013 et 2022, de sorte que les Etats-Unis continueront de jouer un rôle majeur sur le marché mondial. Les surfaces en blé diminueraient légèrement d’ici 2022, dans le prolongement de la tendance de long terme. La consommation et les exportations de soja devraient continuer sur leur tendance croissante. Néanmoins, la concurrence du soja en provenance d’Amérique du Sud conduirait à une réduction de la part des Etats-Unis dans le commerce mondial de graines de soja (de 39 % à 30 % entre 2013 et 2022). La hausse des prix de l’alimentation animale devrait conduire à une réduction de la production de bœuf, de porc et de volailles en 2013. Les perspectives de l’USDA à l’horizon 2022 indiquent toutefois que la production américaine de viande devrait progresser à nouveau après cette baisse conjoncturelle. Concernant les productions animales, le poulet de chair se distingue par la hausse de la production mais à un rythme moins élevé que dans les années 1980 et 1990. Cette évolution serait liée à la fois à la hausse du nombre 26 Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 Surfaces des principales grandes cultures aux Etats-Unis : maïs, soja, blé 40000 1000 ha Maïs 35000 Soja 30000 25000 20000 Blé 15000 Prévisions 10000 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012 2016 2179 d’animaux et à l’augmentation du poids à l’abattage. La production de viande bovine, affectée par la sécheresse et une hausse des abattages devrait diminuer jusqu’en 2015 avant de se redresser sans pour autant retrouver le niveau atteint en 2000. Les prix de la viande bovine ont subi une forte hausse et devraient rester élevés, ce qui conduit à en limiter la consommation. La production de porc devrait également poursuivre sa tendance à la hausse et rejoindre les niveaux de production de la viande bovine. Après une période de relative stabilité du cheptel laitier, celui-ci devrait légèrement décliner entre 2013 et 2022. Néanmoins, la production de lait devrait continuer de progresser grâce à l’amélioration de la productivité. Ainsi, l’USDA estime que les Etats-Unis seront bien positionnés pour développer leurs exportations de produits laitiers. Viviane PONS Chambres d’agriculture France Direction économie des agricultures et des territoires 2020 USDA SOURCE : USDA, United States Department of Agriculture – ERS, Economic Research Service http://www.ers.usda.gov P. Westcott and R. Trostle, USDA, Agricultural Projections to 2022, Outlook N°OCE-131, Février 2013. APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page27 Aux Etats-Unis, l’importance de la consommation hors domicile et de produits transformés traduisent une incorporation croissante de services dans la valeur des produits agroalimentaires. Les prix de l’alimentation à la consommation ont fortement augmenté en 2007, 2008 et 2011. L’USDA, le Ministère américain de l’Agriculture, montre qu’il s’agit en partie de la répercussion de la hausse des prix des matières premières agricoles. Le modèle alimentaire américain est fortement tourné vers les produits transformés et la consommation hors domicile © Daisuke Ito - Fotolia.com La consommation alimentaire aux Etats-Unis Malgré une baisse sensible, 40 % des dépenses alimentaires des familles américaines s’effectuent en restauration hors domicile. En 2011, les ménages américains ont dépensé en moyenne 6 460 $ pour leur alimentation, y compris en Restauration Hors Foyer (RHF) et en boissons non alcoolisées, soit 4 650 C ce qui représente 13 % de leur budget (contre 14,4 % en France). La part de la consommation hors domicile (cafés, restaurants et cantines) est très importante aux Etats-Unis. Elle représente 40 % des dépenses alimentaires en 2011 (d’après l’enquête du Bureau of Labor Statistics) mais diminue légèrement depuis 2005 où elle était de 44 %. L’enquête de consommation des ménages (Consumer Expenditure Survey) montre une baisse des dépenses alimentaires en 2010, notamment pour la viande et les produits laitiers. Puis, en 2011, les dépenses alimentaires totales repartent à la hausse, tirées par les achats de produits alimentaires (consommation à domicile). En revanche, les dépenses pour la consom- mation hors foyer 2011 ne retrouvent pas leur niveau d’avant crise. Par ailleurs, le CREDOC(14) montre que les Américains consomment une part très importante d’aliments transformés, déjà préparés et accompagnés de sodas, alors que les Français utilisent davantage de produits bruts qu’ils cuisinent. Par exemple, environ la moitié des fruits et légumes consommés(15) sont sous forme transformés (jus, conserves, surgelés, …)(16) 14. Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie 15. Il ne s’agit pas exactement des quantités consommées mais des disponibilités, comprend les pertes 16. Source USDA, Food Availability (Per Capita), http://www.ers.usda.gov/dataproducts/food-availability-%28per-capita%29data-system.aspx Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 27 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page28 DOSSIER et certains petits supermarchés ne proposent même pas de fruits et légumes frais. – les aliments liquides tiennent une part plus importante aux Etats-Unis qu’en France avec respectivement 17 % et 10 % de l’apport énergétique total ; Les prix à la consommation de l’alimentation (consommation à domicile) ont augmenté de 2,5 % en 2012 aux Etats-Unis. – le nombre de prises alimentaires est plus élevé en moyenne aux Etats-Unis qu’en France (3,9 par jour contre 5,5 aux EtatsUnis) et s’échelonne tout au long de la journée, contrairement à la France où la synchronisation des repas reste marquée. mentation très saine (modèle crétois) et ceux qui consomment plus d’aliments énergétiquement denses (à base de pizzas, quiches, sodas, …). © Jason Stitt - Fotolia.com Toutefois, le CREDOC montre une grande diversité des comportements alimentaires aux Etats-Unis entre ceux qui ont une ali- Les aliments liquides tiennent une part plus importante aux Etats-Unis qu’en France avec respectivement 17 % et 10 % de l’apport énergétique total. 28 © vepar5 - Fotolia.com Malgré un apport énergétique sensiblement identique en France et aux EtatsUnis, entre 2 050 et 2 100 kcal/j, le CREDOC met en avant des différences entre les modèles alimentaires français et américains : Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 Les prix alimentaires suivent la hausse du prix des matières premières Les prix à la consommation de l’alimentation (consommation à domicile) ont augmenté de 2,5 % en 2012 aux Etats-Unis (+ 3 % en France). La hausse était plus marquée entre 2010 et 2011 avec + 4,8 %, alors qu’elle avait été très limitée en 2009 et 2010 (+ 0,5 % et + 0,3 %). Depuis 2007, les prix de la consommation alimentaire à domicile ont progressé de 15 % en dollar courant. De même, sur cette période, les prix des produits agricoles à la production ont augmenté de façon considérable. L’USDA a utilisé des modèles économétriques pour étudier les effets des variations de prix au niveau de la production sur les prix industriels et à la consommation. Les prix à la production des produits agricoles ont un effet sur les prix aux stades suivant dans la chaîne alimentaire. De plus, un choc en amont de la filière conduit à un changement statistiquement significatif en aval. Les prix des produits alimentaires pour la consommation à domicile sont plus sensibles aux variations de prix des produits bruts car dans la restauration hors foyer, la part du service de préparation représente une part non négligeable de la valeur du produit. Ainsi, pour 2013, l’USDA prévoit une augmentation des prix de l’alimentation de 3 à 4 %. Viviane PONS Chambres d’agriculture France Direction économie des agricultures et des territoires POUR EN SAVOIR PLUS : T. MATHE, A. FRANCOU, J COLIN, P HEBEL, CREDOC, Cahier de recherche n° 283, «comparaison des modèles alimentaires français et étatsuniens», décembre 2011 Bureau of Labor Statistics (BLS), Consumer Expenditure Survey (CE), http://www.bls.gov/cex/home.htm J. C. WEINHAGEN, Bureau of Labor Statistics (BLS), Monthly Labor Review, December 2012, Price transmission effects through three stages of food production APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page29 Revenu et structure des exploitations La très grande diversité de l’agriculture américaine © Elena The Wise Fotolia.com Contrairement aux idées reçues, la statistique agricole américaine révèle la nature très hétérogène de l’agriculture américaine avec des exploitations familiales majoritaires. Plus de 2 millions d’exploitations agricoles aux Etats Unis en 2011 La France dispose d’une statistique agricole riche en données économiques et structurelles. Le poids de l’intervention publique oblige en effet la production de données statistiques solides pour évaluer l’efficacité des politiques mises en œuvre. Aux Etats Unis, la situation est identique : l’agriculture fait l’objet d’une politique nationale forte depuis des décennies. Pour les mêmes raisons qu’en France, la statistique agricole est donc particulièrement alimentée et fournie. Lors de la dernière enquête Agricultural Ressource Management Survey de 2011, publiée en 2012(17), 2 172 millions d’exploitations agricoles en activité étaient recensées. Les statisticiens américains établissent une typologie sur la base du chiffre d’affaires et de la propriété du capital, en trois grands groupes d’exploitations : – 1 896 000 Small family farms, “Petites exploitations familiales” dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 000 $ (seuil statistique plancher de la définition d’une exploitation agricole) mais inférieur à 250 000 $ dont : • 352 000 Retirement farms, “Exploitations de retraite” qui sont gérés par des retraités pour qui l’activité agricole permet un revenu d’appoint, Les exploitations familiales sont majoritaires aux Etats-Unis. • 902 000 Residential/lifestyle farms, “Exploitations résidentielles” sans véritable objectif économique, • 642 000 Farming occupation farms, “Exploitations d’activité” qui dégagent un chiffre d’affaires inférieur à 250 000 $ mais qui représentent tout de même l’activité principale des chefs d’exploitations. – 219 000 Large scale family farms, “Exploitations familiales de grande dimension”. Ces unités de production réalisent plus de 250 000 $ de chiffre d’affaires et leur capital reste la propriété de la famille exploitante. Au sein de cette catégorie, on distingue : • les Large farms, “Grandes exploitations” dont le chiffre d’affaire est inférieur à 499 000 $ annuel ploitations et à sa famille. C’est dans cette catégorie d’exploitations que l’on trouve les très grandes entreprises agricoles : 5 800 de ces exploitations non familiales dégagent un chiffre d’affaires supérieur à 1 000 000 $. Un revenu d’activité stable à moyen terme Compte tenu de la diversité structurelle de l’agriculture américaine, il ne saurait être question d’analyser un indicateur de revenu moyen qui agrégerait les résultats de toutes ces catégories d’exploitation. Le tableau 1 indique tout de même, les résultats économiques des exploitations dans chacune des catégories citées cidessus avec leurs contributions au revenu agricole global dégagé par l’agriculture américaine. • et les Very Large farms, “Très grandes exploitations” dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 $ annuel. – 58 000 Non family farms, “Exploitations non familiales” où plus de la moitié du capital n’appartient pas aux chefs d’ex- 17. Disponible sur le site de l’USDA : http://www.ers.usda.gov/ Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 29 APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page30 DOSSIER Tableau 1 Revenu d’activité des exploitations agricoles Nombre Revenu par exploitation (en million) (1 000 $/exploitaiton)* All farms (Ensemble des exploitations) 2,17 Small family farms (Petites exploitations familiales) Retirement farms (exploitations de retraite) Residential/lifestyle farms (exploitations résidentielles) Farming occupation farms (exploitations d’activité) 1,89 0,35 0,90 0,64 Large scale family farms (Grandes exploitations familiales) Revenu* global dégagé par l’ensemble des exploitaitons en millions de $ en % du revenu agricole total 129 738 100 5 950 1 700 13 000 2 097 1 532 8 658 2 1 7 0,22 236 425 51 777 40 Large (grandes exploitations) Very large (très grandes exploitations) 0,10 0,12 87 250 352 250 8 401 43 376 6 33 Non family farms (Exploitations non familiales) 0,06 238 500 13 897 11 * Net Farm Income, Revenu net d'exploitation : Production + Subventions - Consommations intermédiaires - Consommation de capital fixe - Rémunérations des actionnaires Source : USDA, calculs APCA Sur le plan économique, les 219 000 Large scale family farms et les 58 000 Non family farms réalisent ensemble 85 % du revenu agricole américain global. La somme de ces deux catégories d’exploitations (277 000) n’est d’ailleurs pas très éloignée du nombre d’exploitations agricoles françaises véritablement professionnelles : Revenu des grandes exploitations et entreprises agricoles aux Etats-Unis 300 1000 $ par exploitations, $ de 2011 Net farm income / farm 240 235 Large scale family farms 200 100 Non family farms 0 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 USDA, calculs APCA Net Farm Income, Revenu net d'exploitation : Production + Subventions - Consommations intermédiaires - Consommation de capital fixe - Rémunération des actionnaires En 2010, le revenu des Non family farms n'a pas été renseigné. C'est la raison pour laquelle la courbe du revenu de cette catégorie s'interrompt en 2010 et reprend en 2011. 30 Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 320 000 dans le recensement de 2010 (“Exploitations moyennes et grandes”, dans la nomenclature du Ministère de l'agriculture). Structurellement, les exploitations familiales de grande dimension dégagent des revenus supérieurs aux exploitations non familiales à capitaux, ce qui va l’inverse de certains clichés (graphique 1). Ces deux catégories couvrent chacune un champ très large où les exploitations sont parfois proches mais ce distinguent par la nature de leur capital (propriété familiale ou non). Seules 18 % des exploitations non familiales sont des sociétés à capitaux. La proximité des courbes du revenu moyen de ces deux catégories de très grandes exploitations montrent bien la force et le poids de l’agriculture familiale américaine qui fait jeu égal, en moyenne, avec les entreprises non familiales. Diversité et performance de l’agriculture américaine L’examen des statistiques structurelles de l’agriculture américaine laisse apparaître une très grande diversité d’exploitations. De petites structures à l’économie parfois APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page31 modeste et peu marchandes sont très présentes sur tout le territoire et jouent un rôle important en termes d’aménagement territorial, car elles valorisent les deux tiers de la surface agricole américaine. Sur l’autre tiers de la surface agricole, les très grandes exploitations (familiales ou non) réalisent 85 % du revenu global de l’agriculture américaine. Ce sont surtout des exploitations familiales qui sont présentes dans l’effectif de ces très grandes exploitations agricoles. Cette dynamique entre territoire et performance, exploitations familiales et sociétés agricoles au sein de l’agriculture américaine est à méditer tandis qu’on réfléchit en Europe à l’avenir de la Politique agricole commune. Didier CARAËS Chambres d’agriculture France Direction économie des agricultures et des territoires Les très grandes exploitations agricoles réalisent 85 % du revenu global de l’agriculture américaine. REVENU AGRICOLE FRANCE - ETATS UNIS : HAUSSE STRUCTURELLE DU REVENU AGRICOLE GLOBAL AUX ÉTATS UNIS ET BAISSE EN FRANCE Compte tenu de la diversité de l’agriculture américaine, calculer un indicateur de revenu agricole moyen par exploitations ou par actifs n’aurait pas de sens. En France, ce calcul se montre plus pertinent, en raison de l’homogénéité des exploitations dont la plupart entreraient dans la catégorie des “Farming-occupation medium sales farms” et des “Large scale family farms” de la nomenclature de la statistique américaine. En revanche, il est possible de comparer les revenus dégagés par l’ensemble de la branche agricole en France et aux Etats Unis comme dans le graphique ci-dessous. Depuis le début des années 80, l’agriculture américaine et l’agriculture française sont engagées dans deux voies bien différentes. Aux Etats Unis, le revenu agricole global progresse. Le nombre d’exploitations s’est stabilisé et l’amélioration continue de la productivité de ces exploitations se traduit par la hausse du revenu global de l’agriculture américaine. En France, le revenu agricole global de la branche agricole baisse depuis bientôt quatre décennies. La croissance de la productivité agricole ne compense pas l’érosion du nombre d’exploitation (qui se poursuit encore aujourd’hui) et la dégradation des rapports de prix (prix agricoles, prix des intrants). In fine, le revenu global dégagé par l’agriculture française poursuit sa pente descendante. Revenu de la branche agricole en France et aux Etats-Unis 250 1970 = 100, monnaie constante 200 USA 168 150 Pour les USA, Net Farm Income, Revenu net d’exploitation : Production + Subventions - Consommations intermédiaires Consommation de capital fixe - Rémunérations des actionnaires Pour la France, Revenu Net d’Entreprise Agricole : Production + Subventions Consommations intermédiaires Consommation de capital fixe - Charges salariales - Intérêts - Charges locatives 100 50 50 France 0 1970 100 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006 2010 INSEE, USDA, calculs APCA Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 31