Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013 11
DOSSIER
LAGRICULTURE AMÉRICAINE
AU MILIEU DU GUÉ
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L’ÉCONOMIE AMÉRICAINE ENTRE ENDETTEMENT
ET RÉINDUSTRIALISATION
CRISE ÉCONOMIQUE : LE COMMERCE EXTÉRIEUR
AGROALIMENTAIRE AMÉRICAIN PEU AFFECTÉ
LE FARM BILL REPORTÉ EN SEPTEMBRE 2013
PRODUCTION AGRICOLE AUX ÉTATS-UNIS : MAÏS, SOJA,
VOLAILLES ET PRODUITS LAITIERS TIRENT LEUR ÉPINGLE DU JEU
LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE AUX ÉTATS-UNIS
REVENU ET STRUCTURE DES EXPLOITATIONS :
LA TRÈS GRANDE DIVERSITÉ DE LAGRICULTURE AMÉRICAINE
Par Guy VASSEUR, Président des Chambres d’agriculture
CE DOSSIER A ÉTÉ COORDONNÉ
PAR THIERRY POUCH,
CHAMBRES D’AGRICULTURE FRANCE,
DIRECTION ÉCONOMIE DES AGRICULTURES
ET DES TERRITOIRES
Avec la participation rédactionnelle de :
Viviane PONS, Didier CARAES,
Chambres d’agriculture France, Direction Économie des agricultures et des territoires
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Dans le registre de la mondialisation, les Chambres d’agriculture ont
régulièrement diffusé des analyses comparatives, afin d’informer les
agriculteurs sur l’état présent et à venir des marchés agricoles. Qui sont
leurs concurrents, comment et selon quels moyens évoluent-ils, quelles
sont leurs perspectives en matière de positionnement sur les marchés
internationaux ? L’agriculture américaine a, de ce point de vue, réguliè-
rement fait l’objet d’une attention particulière et cela pour au moins deux
raisons.
La première tient à ce que les Etats-Unis demeurent le premier produc-
teur et exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires. Ils for-
ment donc l’un des grands concurrents de l’Union européenne et de la
France sur les marchés. L’acuité de la concurrence entre ces deux enti-
tés dans les années 1970-80 s’est alors traduite par des conflits com-
merciaux réguliers dans le cadre du GATT/OMC.
La seconde raison a trait à l’évolution même de l’économie américaine
et aux similitudes qu’elle entretient avec celle de l’économie française. Les
Etats-Unis se caractérisent en effet économiquement, comme la France,
par un déficit commercial important partiellement compensé par un excé-
dent en produits agricoles et alimentaires. Le secteur agricole et alimen-
taire revêt ainsi de part et d’autre de l’Atlantique une importance straté-
gique ! Dans les deux cas, et c’est ce que montre ce dossier, le commerce extérieur a
bien résisté à la crise économique et financière. Il s’ensuit, autre aspect important détaillé
dans les pages suivantes, que le revenu des agriculteurs s’est ici comme là-bas plutôt
et bien orienté depuis trois ans, sauf pour les secteurs de l’élevage.
Une troisième raison justifiait ce dossier. Elle relève de la politique agricole. La dégra-
dation des comptes publics américains a constitué une entrave dans le processus de
financement de la future loi agricole, couvrant la période 2012-2018, au point de condui-
re les autorités à reporter de plusieurs mois le vote du Farm Bill, et d’un an son appli-
cation. Il s’agit d’une autre similitude avec le cas européen, plusieurs facteurs ayant
convergé pour repousser la réforme de la PAC, son application étant désormais prévue
pour 2015. Mais le parallèle s’arrête là. La similitude des résultats et des calendriers ne
saurait dissimuler les orientations divergentes que devraient prendre les réformes des
deux politiques agricoles.
Le travail réalisé et les informations fournis par l’équipe du service Etudes et références
de l’APCA seront utiles à tous ceux qui, dans le contexte actuel, ont besoin de points
de repères pour, d’une part évaluer les forces en présence, d’autre part apprécier les évo-
lutions probables, et, enfin, réfléchir à des leviers d’action possibles. Car c’est aussi l’in-
térêt d’une approche comparative des économies et des politiques agricoles que d’in-
citer les agriculteurs et les Pouvoirs publics à se doter de moyens adaptés, afin de ne
pas se laisser distancer par les concurrents dans un monde où la production de biens
alimentaires est (re)devenue si essentielle.
Guy V
ASSEUR
Président des Chambres d’agriculture
L’agriculture américaine
au milieu du gué
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L’économie américaine
n’en finit pas de surprendre.
Ayant connu l’une des pires
crises économiques
et financières
depuis les années trente,
affichant un déficit
budgétaire
et un endettement fédéral
hors du commun
au regard de sa position
de première puissance
économique mondiale,
elle est toutefois parvenue
à se redresser.
Outre sa croissance
économique, les Etats-Unis
ont même enclenché
un processus
de ré-industrialisation.
Rappels fondamentaux
sur une économie
très contrastée.
risé par la combinaison d’une politique
monétaire très accommodante et de
mesures budgétaires contra-cycliques,
destinées à restaurer une croissance éco-
nomique malmenée par la crise. En 2012,
la croissance du PIB américain a été de
2,3 %, et devrait être, selon les prévisions
du FMI, de 2 % en 2013, en dessous de la
croissance mondiale, estimée à 3,5 %,
mais bien au-dessus de celle d’une zone
euro encore en récession (- 0,2 %, après
- 0,4 % en 2012).
Les effets de la politique
économique depuis 2009
La Banque Centrale (Federal Reserve) a
répondu en deux temps à l’entrée en crise
de l’économie américaine. D’abord en
réduisant fortement son taux d’intérêt
directeur, devenu voisin de 0 % dès 2008,
mesure conventionnelle accompagnée
d’une action visant à ouvrir aux intermé-
diaires financiers non bancaires le guichet
de refinancement. Ensuite, toujours dès
L’économie américaine entre
endettement et réindustrialisation
La récession dans laquelle est entrée
l’économie américaine à la suite de l’écla-
tement de la bulle immobilière en 2007
aura duré 18 mois, s’étalant du dernier tri-
mestre 2007 au second trimestre de l’an-
née 2009. Cette période de crise a été,
sans doute, la plus longue après la grande
récession des années 30, qui aura duré
près de 44 mois (le Produit intérieur brut
ayant diminué durant cette période d’un
peu plus de 30 %). La baisse du PIB a
atteint 5 %, le niveau d’avant la crise
n’ayant été retrouvé qu’en 2011. Depuis, le
taux de croissance du PIB américain se
situe aux alentours de 2 % en rythme
annuel (graphique 1). Le rétablissement de
la croissance n’a cependant pas permis
de se rapprocher du PIB potentiel, loin
s’en faut.
Afin de repousser le spectre d’une spirale
dépressive qui aurait rappelé les mauvais
souvenirs de la grande dépression des
années 30, le policy mix américain a été
des plus expansionnistes. Il s’est caracté-
Dès 2008, la FED a procédé à plusieurs reprises à un «assouplissement quantitatif» mesure
«non conventionnelle» consistant à acheter des titres détenus par les banques – notamment des
titres publics – en échange de liquidités, de façon à maintenir le plus bas possible les taux d’in-
térêt.
© Abel Tumik -, Sergey Galushko Fotolia.com
© Abel Tumik -, Sergey Galushko Fotolia.com
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2008, la FED a procédé à plusieurs
reprises à un «assouplissement quantita-
tif» (quantitative easing, QE1 en 2008, QE2
en 2010), mesure «non conventionnelle»
consistant à acheter des titres détenus par
les banques – notamment des titres
publics – en échange de liquidités, de
façon à maintenir le plus bas possible les
taux d’intérêt. Ce sont ces liquidités qui
doivent en principe être utilisées pour
accorder des crédits aux entreprises et
aux ménages, afin de soutenir l’investis-
sement et la consommation(1). La quantité
de monnaie ainsi émise – appelée égale-
ment «base monétaire» – est passée de
820 à 2600 milliards de dollars entre 2008
et 2010. C’est pourquoi de nombreuses
critiques ont été adressées depuis à la
FED, soulignant le caractère inflationniste
de sa politique d’assouplissement moné-
taire. Or les tensions inflationnistes ne se
sont toujours pas concrétisées. En
revanche, le regain de croissance a permis
de réduire la progression du chômage,
progression qui avait été fulgurante dès le
déclenchement de la crise, le nombre
d’emplois détruits ayant atteint près de
9 millions entre 2007 et 2010.
L’autre dimension de la politique écono-
mique américaine a été le stimulus budgé-
taire pratiqué par l’Administration Obama.
Diminution de certains prélèvements,
accroissement des dépenses. Le déficit
budgétaire s’est du même coup creusé, se
fixant désormais à un peu moins de 9 % du
PIB. Des mesures visant à contenir ce défi-
cit ont été prises à partir de 2009, portant
essentiellement sur les dépenses, en raison
des tensions entre l’exécutif américain et la
Chambre des Représentants, à majorité
Républicaine depuis les élections de mid-
term de novembre 2010. Ce creusement
du déficit budgétaire fédéral s’est répercu-
té sur le montant de la dette de l’Etat amé-
ricain, laquelle est passée de 67 % du PIB
en 2007 à 105 % à la fin de l’année 2012
(graphique 2).
Premier débiteur du monde…
en voie de réindustrialisation
Dans un tel contexte, la dernière élection
présidentielle a été dominée par le thème
de la réduction du déficit (falaise fiscale,
signifiant que, s’il n’y avait pas eu accord le
31 décembre 2012, les hausses d’impôts et
les réductions automatiques de dépenses
auraient entraîné un choc fiscal de 4 points
de PIB, donc une récession de l’économie
américaine) et de la dette des Etats-Unis. Si
le débat fut moins virulent qu’en 2010, lors
du scrutin à mi-mandat, en raison des posi-
tions tranchées adoptées par le Tea Party,
le problème reste entier : comment dimi-
nuer la contrainte pesant sur l’Etat fédéral
en matière de déficit et de dette ? Car les
conditions de financement du déficit et de
la dette pourraient se complexifier, notam-
ment du fait de la dégradation de la note
américaine par les agences de notation. Si
l’impact de la perte du triple A n’a pas eu
jusqu’ici de répercussions trop importantes,
les Etats-Unis doivent toutefois adopter une
stratégie destinée à réduire les dépenses
et/ou augmenter les recettes fiscales.
département du Trésor américain2065
en % du PIB en % du PIB
Dette fédérale américaine et solde budgétaire
4
2
0
-2
-4
-6
-8
-10
-12
120
100
80
60
40
20
0
Graphique 2
Solde budgétaire (échelle de gauche)
* Estimation en 2012
Dette (échelle de droite)
20012000 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 20102009 2011 2012
1. Une fois la croissance retrouvée,
la Banque Centrale revend ces titres
et procède ainsi à une destruction
de monnaie initialement créée.
OCDE899
en %
Taux de croissance du PIB américain
en volume
6
5
4
3
2
1
0
-1
-2
-3
-4
Graphique 1
2,3
1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 20082006 2010 2012
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C’est là que le clivage politique est net,
opposant d’un côté les Républicains qui
entendent préserver, voire accentuer les
mesures de baisses des impôts héritées
de l’Administration Bush, et de l’autre les
Démocrates, optant plutôt pour une haus-
se massive des impôts. Un compromis
ayant été trouvé à la fin de l’année 2012,
c’est la question du relèvement du plafond
de la dette qui va intervenir dès le prin-
temps 2013, ranimant les tensions entre
les deux partis. Encore première puissan-
ce économique mondiale, les Etats-Unis
sont aussi le premier débiteur de la planè-
te. Cette dimension de l’économie améri-
caine a son importance, notamment pour
le secteur agricole.
La crise a malgré tout provoqué un sur-
saut politique, conduisant le gouverne-
ment à soutenir massivement l’industrie
automobile d’une part, puis, d’autre part,
l’exploitation du gaz de schiste. Concer-
nant l’industrie automobile, outre les
mesures financières destinées à renflouer
les entreprises, une politique de baisse du
coût du capital, de maîtrise des coûts sala-
riaux, assortie d’une dépréciation du dol-
lar s’est mise en place pour redresser la
compétitivité et amorcer la réindustrialisa-
tion du secteur. La production de gaz de
schiste est, quant à elle, porteuse à la fois
d’une réduction de la dépendance éner-
gétique des Etats-Unis d’ici à 2020, et
d’une diminution du coût d’approvision-
nement en énergie pour les entreprises(2).
L’objectif ultime étant d’amorcer une
réduction du déficit commercial colossal
de l’économie américaine.
Réduction du déficit, maîtrise de la dette,
regain de croissance, diminution du chô-
mage et réindustrialisation de l’économie,
assainissement du secteur financier,
l’agenda du Président Obama est char
pour son second mandat. L’ampleur des
défis à relever laisse entendre qu’une par-
tie devra être confiée à son, voire à ses
successeurs.
Thierry P
OUCH
Chambres d’agriculture France
Direction des économie des agricultures
et des territoires
Siège du Sénat et de la Chambre des Représentants le Capitole est le lieu privilégié du débat sur
la réduction du déficit américain. Le clivage politique y est net, opposant d’un côté les Républi-
cains qui entendent préserver, voire accentuer les mesures de baisses des impôts et de l’autre
les Démocrates, optant plutôt pour une hausse massive des impôts.
Les Etats Unis comptent beaucoup sur l’ex-
ploitation du gaz de schiste pour réduire leur
facture énergétique.
2. Sur ce point, se reporter à P. Artus (2012),
«Tout est utilisé aux Etats-Unis pour gagner
de la compétitivité et réindustrialiser»,
FLASH économie, NATIXIS, numéro 809,
21 novembre, p. 1-7.
© alekseykh - Fotolia.com
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