L`AGRICULTURE AMÉRICAINE AU MILIEU DU GUÉ

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DOSSIER
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L’AGRICULTURE AMÉRICAINE
AU MILIEU DU GUÉ
Par Guy VASSEUR, Président des Chambres d’agriculture
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16
19
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29
L’ÉCONOMIE AMÉRICAINE ENTRE ENDETTEMENT
ET RÉINDUSTRIALISATION
CRISE ÉCONOMIQUE : LE COMMERCE EXTÉRIEUR
AGROALIMENTAIRE AMÉRICAIN PEU AFFECTÉ
LE FARM BILL REPORTÉ EN SEPTEMBRE 2013
PRODUCTION AGRICOLE AUX ÉTATS-UNIS : MAÏS, SOJA,
VOLAILLES ET PRODUITS LAITIERS TIRENT LEUR ÉPINGLE DU JEU
LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE AUX ÉTATS-UNIS
REVENU ET STRUCTURE DES EXPLOITATIONS :
LA TRÈS GRANDE DIVERSITÉ DE L’AGRICULTURE AMÉRICAINE
CE DOSSIER A ÉTÉ COORDONNÉ Avec la participation rédactionnelle de :
PAR THIERRY POUCH, Viviane PONS, Didier CARAES,
CHAMBRES D’AGRICULTURE FRANCE, Chambres d’agriculture France, Direction Économie des agricultures et des territoires
DIRECTION ÉCONOMIE DES AGRICULTURES
ET DES TERRITOIRES
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
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DOSSIER
L’agriculture américaine
au milieu du gué
Dans le registre de la mondialisation, les Chambres d’agriculture ont
régulièrement diffusé des analyses comparatives, afin d’informer les
agriculteurs sur l’état présent et à venir des marchés agricoles. Qui sont
leurs concurrents, comment et selon quels moyens évoluent-ils, quelles
sont leurs perspectives en matière de positionnement sur les marchés
internationaux ? L’agriculture américaine a, de ce point de vue, régulièrement fait l’objet d’une attention particulière et cela pour au moins deux
raisons.
La première tient à ce que les Etats-Unis demeurent le premier producteur et exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires. Ils forment donc l’un des grands concurrents de l’Union européenne et de la
France sur les marchés. L’acuité de la concurrence entre ces deux entités dans les années 1970-80 s’est alors traduite par des conflits commerciaux réguliers dans le cadre du GATT/OMC.
La seconde raison a trait à l’évolution même de l’économie américaine
et aux similitudes qu’elle entretient avec celle de l’économie française. Les
Etats-Unis se caractérisent en effet économiquement, comme la France,
par un déficit commercial important partiellement compensé par un excédent en produits agricoles et alimentaires. Le secteur agricole et alimentaire revêt ainsi de part et d’autre de l’Atlantique une importance stratégique ! Dans les deux cas, et c’est ce que montre ce dossier, le commerce extérieur a
bien résisté à la crise économique et financière. Il s’ensuit, autre aspect important détaillé
dans les pages suivantes, que le revenu des agriculteurs s’est ici comme là-bas plutôt
et bien orienté depuis trois ans, sauf pour les secteurs de l’élevage.
Une troisième raison justifiait ce dossier. Elle relève de la politique agricole. La dégradation des comptes publics américains a constitué une entrave dans le processus de
financement de la future loi agricole, couvrant la période 2012-2018, au point de conduire les autorités à reporter de plusieurs mois le vote du Farm Bill, et d’un an son application. Il s’agit d’une autre similitude avec le cas européen, plusieurs facteurs ayant
convergé pour repousser la réforme de la PAC, son application étant désormais prévue
pour 2015. Mais le parallèle s’arrête là. La similitude des résultats et des calendriers ne
saurait dissimuler les orientations divergentes que devraient prendre les réformes des
deux politiques agricoles.
Le travail réalisé et les informations fournis par l’équipe du service Etudes et références
de l’APCA seront utiles à tous ceux qui, dans le contexte actuel, ont besoin de points
de repères pour, d’une part évaluer les forces en présence, d’autre part apprécier les évolutions probables, et, enfin, réfléchir à des leviers d’action possibles. Car c’est aussi l’intérêt d’une approche comparative des économies et des politiques agricoles que d’inciter les agriculteurs et les Pouvoirs publics à se doter de moyens adaptés, afin de ne
pas se laisser distancer par les concurrents dans un monde où la production de biens
alimentaires est (re)devenue si essentielle.
Guy VASSEUR
Président des Chambres d’agriculture
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© Abel Tumik -, Sergey Galushko Fotolia.com
L’économie américaine
n’en finit pas de surprendre.
Ayant connu l’une des pires
crises économiques
et financières
depuis les années trente,
affichant un déficit
budgétaire
et un endettement fédéral
hors du commun
au regard de sa position
de première puissance
économique mondiale,
elle est toutefois parvenue
à se redresser.
Outre sa croissance
économique, les Etats-Unis
ont même enclenché
un processus
de ré-industrialisation.
Rappels fondamentaux
sur une économie
très contrastée.
© Abel Tumik -, Sergey Galushko Fotolia.com
L’économie américaine entre
endettement et réindustrialisation
Dès 2008, la FED a procédé à plusieurs reprises à un « assouplissement quantitatif » mesure
« non conventionnelle » consistant à acheter des titres détenus par les banques – notamment des
titres publics – en échange de liquidités, de façon à maintenir le plus bas possible les taux d’intérêt.
La récession dans laquelle est entrée
l’économie américaine à la suite de l’éclatement de la bulle immobilière en 2007
aura duré 18 mois, s’étalant du dernier trimestre 2007 au second trimestre de l’année 2009. Cette période de crise a été,
sans doute, la plus longue après la grande
récession des années 30, qui aura duré
près de 44 mois (le Produit intérieur brut
ayant diminué durant cette période d’un
peu plus de 30 %). La baisse du PIB a
atteint 5 %, le niveau d’avant la crise
n’ayant été retrouvé qu’en 2011. Depuis, le
taux de croissance du PIB américain se
situe aux alentours de 2 % en rythme
annuel (graphique 1). Le rétablissement de
la croissance n’a cependant pas permis
de se rapprocher du PIB potentiel, loin
s’en faut.
Afin de repousser le spectre d’une spirale
dépressive qui aurait rappelé les mauvais
souvenirs de la grande dépression des
années 30, le policy mix américain a été
des plus expansionnistes. Il s’est caracté-
risé par la combinaison d’une politique
monétaire très accommodante et de
mesures budgétaires contra-cycliques,
destinées à restaurer une croissance économique malmenée par la crise. En 2012,
la croissance du PIB américain a été de
2,3 %, et devrait être, selon les prévisions
du FMI, de 2 % en 2013, en dessous de la
croissance mondiale, estimée à 3,5 %,
mais bien au-dessus de celle d’une zone
euro encore en récession (- 0,2 %, après
- 0,4 % en 2012).
Les effets de la politique
économique depuis 2009
La Banque Centrale (Federal Reserve) a
répondu en deux temps à l’entrée en crise
de l’économie américaine. D’abord en
réduisant fortement son taux d’intérêt
directeur, devenu voisin de 0 % dès 2008,
mesure conventionnelle accompagnée
d’une action visant à ouvrir aux intermédiaires financiers non bancaires le guichet
de refinancement. Ensuite, toujours dès
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DOSSIER
Graphique 2
Dette fédérale américaine et solde budgétaire
4
en % du PIB
en % du PIB
2
Dette (échelle de droite)
120
100
0
2000
2008, la FED a procédé à plusieurs
reprises à un « assouplissement quantitatif» (quantitative easing, QE1 en 2008, QE2
en 2010), mesure « non conventionnelle »
consistant à acheter des titres détenus par
les banques – notamment des titres
publics – en échange de liquidités, de
façon à maintenir le plus bas possible les
taux d’intérêt. Ce sont ces liquidités qui
doivent en principe être utilisées pour
accorder des crédits aux entreprises et
aux ménages, afin de soutenir l’investissement et la consommation(1). La quantité
de monnaie ainsi émise – appelée également « base monétaire » – est passée de
820 à 2 600 milliards de dollars entre 2008
et 2010. C’est pourquoi de nombreuses
critiques ont été adressées depuis à la
FED, soulignant le caractère inflationniste
de sa politique d’assouplissement monétaire. Or les tensions inflationnistes ne se
sont toujours pas concrétisées. En
revanche, le regain de croissance a permis
de réduire la progression du chômage,
progression qui avait été fulgurante dès le
déclenchement de la crise, le nombre
d’emplois détruits ayant atteint près de
9 millions entre 2007 et 2010.
2001
2002
2003
2004
2005
40
0
-12
* Estimation en 2012
2065
département du Trésor américain
L’autre dimension de la politique économique américaine a été le stimulus budgétaire pratiqué par l’Administration Obama.
Diminution de certains prélèvements,
accroissement des dépenses. Le déficit
budgétaire s’est du même coup creusé, se
fixant désormais à un peu moins de 9 % du
PIB. Des mesures visant à contenir ce déficit ont été prises à partir de 2009, portant
essentiellement sur les dépenses, en raison
des tensions entre l’exécutif américain et la
Chambre des Représentants, à majorité
Républicaine depuis les élections de midterm de novembre 2010. Ce creusement
du déficit budgétaire fédéral s’est répercuté sur le montant de la dette de l’Etat amé-
2,3
1
2002
2004
2006
2008
2010
2012
-1
ricain, laquelle est passée de 67 % du PIB
en 2007 à 105 % à la fin de l’année 2012
(graphique 2).
Premier débiteur du monde…
en voie de réindustrialisation
Dans un tel contexte, la dernière élection
présidentielle a été dominée par le thème
de la réduction du déficit (falaise fiscale,
signifiant que, s’il n’y avait pas eu accord le
31 décembre 2012, les hausses d’impôts et
les réductions automatiques de dépenses
auraient entraîné un choc fiscal de 4 points
de PIB, donc une récession de l’économie
américaine) et de la dette des Etats-Unis. Si
le débat fut moins virulent qu’en 2010, lors
du scrutin à mi-mandat, en raison des positions tranchées adoptées par le Tea Party,
le problème reste entier : comment diminuer la contrainte pesant sur l’Etat fédéral
en matière de déficit et de dette ? Car les
conditions de financement du déficit et de
la dette pourraient se complexifier, notamment du fait de la dégradation de la note
américaine par les agences de notation. Si
l’impact de la perte du triple A n’a pas eu
jusqu’ici de répercussions trop importantes,
les Etats-Unis doivent toutefois adopter une
stratégie destinée à réduire les dépenses
et/ou augmenter les recettes fiscales.
-2
-3
-4
899
14
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80
20
2
2000
2012
-10
3
1998
2011
Solde budgétaire (échelle de gauche)
4
1996
2010
-8
5
1994
2009
-6
en %
1992
2008
60
Taux de croissance du PIB américain
en volume
0
2007
-4
Graphique 1
6
2006
-2
OCDE
1. Une fois la croissance retrouvée,
la Banque Centrale revend ces titres
et procède ainsi à une destruction
de monnaie initialement créée.
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d’une réduction de la dépendance énergétique des Etats-Unis d’ici à 2020, et
d’une diminution du coût d’approvisionnement en énergie pour les entreprises(2).
L’objectif ultime étant d’amorcer une
réduction du déficit commercial colossal
de l’économie américaine.
© alekseykh - Fotolia.com
Réduction du déficit, maîtrise de la dette,
regain de croissance, diminution du chômage et réindustrialisation de l’économie,
assainissement du secteur financier,
l’agenda du Président Obama est chargé
pour son second mandat. L’ampleur des
défis à relever laisse entendre qu’une partie devra être confiée à son, voire à ses
successeurs.
Siège du Sénat et de la Chambre des Représentants le Capitole est le lieu privilégié du débat sur
la réduction du déficit américain. Le clivage politique y est net, opposant d’un côté les Républicains qui entendent préserver, voire accentuer les mesures de baisses des impôts et de l’autre
les Démocrates, optant plutôt pour une hausse massive des impôts.
C’est là que le clivage politique est net,
opposant d’un côté les Républicains qui
entendent préserver, voire accentuer les
mesures de baisses des impôts héritées
de l’Administration Bush, et de l’autre les
Démocrates, optant plutôt pour une hausse massive des impôts. Un compromis
Les Etats Unis comptent beaucoup sur l’exploitation du gaz de schiste pour réduire leur
facture énergétique.
Thierry POUCH
Chambres d’agriculture France
Direction des économie des agricultures
et des territoires
ayant été trouvé à la fin de l’année 2012,
c’est la question du relèvement du plafond
de la dette qui va intervenir dès le printemps 2013, ranimant les tensions entre
les deux partis. Encore première puissance économique mondiale, les Etats-Unis
sont aussi le premier débiteur de la planète. Cette dimension de l’économie américaine a son importance, notamment pour
le secteur agricole.
La crise a malgré tout provoqué un sursaut politique, conduisant le gouvernement à soutenir massivement l’industrie
automobile d’une part, puis, d’autre part,
l’exploitation du gaz de schiste. Concernant l’industrie automobile, outre les
mesures financières destinées à renflouer
les entreprises, une politique de baisse du
coût du capital, de maîtrise des coûts salariaux, assortie d’une dépréciation du dollar s’est mise en place pour redresser la
compétitivité et amorcer la réindustrialisation du secteur. La production de gaz de
schiste est, quant à elle, porteuse à la fois
2. Sur ce point, se reporter à P. Artus (2012),
« Tout est utilisé aux Etats-Unis pour gagner
de la compétitivité et réindustrialiser »,
FLASH économie, NATIXIS, numéro 809,
21 novembre, p. 1-7.
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DOSSIER
Crise économique
Le commerce extérieur
agroalimentaire américain peu affecté
La crise a exercé des effets
sur le rythme de croissance
des échanges mondiaux de
marchandises, notamment
durant l’année 2009.
Si les flux commerciaux
de produits agricoles et
alimentaires ont été touchés
par ce ralentissement,
la dynamique de la demande
mondiale en a atténué
l’impact pour les
exportateurs. Les Etats-Unis
sont dans ce cas de figure,
puisque leur excédent
commercial est resté élevé
malgré la crise.
La dynamique de la demande
mondiale, associée à une
parité du dollar en baisse,
ont constitué un facteur
favorable à la bonne tenue
des exportations.
américaine. En 2012, l’excédent commercial dégagé des échanges de produits agricoles et alimentaires a atteint 32,4 milliards
de dollars, en baisse 24,5 % par rapport à
2011, mais supérieur aux excédents de
2009 et de 2010. Après avoir connu un repli
assez net en 2009, les exportations agroalimentaires américaines se sont vite redressées dès 2010. Quels sont les principaux
facteurs de ce redressement ?
Un excédent commercial
robuste
La balance commerciale globale des EtatsUnis est structurellement déficitaire depuis
la fin des années 1970. En 2012, le déficit
commercial s’est situé aux alentours de
850 milliards de dollars. S’agissant du secteur agroalimentaire, l’économie américaine n’a pas connu de déficit commercial
depuis les années 50. La robustesse de
l’appareil commercial agroalimentaire a été
toutefois fragilisée à deux reprises. La première période d’affaiblissement de la compétitivité du secteur agroalimentaire américain se situe entre 1981 et 1986, durant
laquelle le solde s’est fortement contracté,
obligeant le pouvoir fédéral à inscrire à
l’ordre du jour de l’Uruguay Round le dossier agricole (dans le cadre de ce qui était
le GATT, le cycle Uruguay Round s’est
étendu de 1986 à 1994, débouchant sur la
signature des Accords de Marrakech). La
seconde, beaucoup plus longue, s’étend
de 1996 à 2006, laissant surgir l’hypothèse pour le moins surprenante d’un retour
au déficit commercial agroalimentaire. La
crise asiatique de 1997 et 1998 fut pour
partie à l’origine de la réduction des débouchés sur cette zone.
Le basculement dans le déficit commercial
ne se produisit pas, bien au contraire. Malgré la crise qui éclate en 2007 et qui affecte la croissance des échanges mondiaux
en 2009 et en 2012 (– 2 % en 2012 après
une hausse de + 7 % en 2011), les performances extérieures du secteur agroalimentaire américain sont demeurées à peu
près intactes surtout si on les compare à
celles des autres secteurs de l’économie
(graphique 1). Comme pour les autres économies exportatrices de produits agricoles
et alimentaires, dont la France, les exportations américaines se sont repliées de
2 % en 2009 et de – 1,2 % en 2012, entraînant une diminution du solde excédentai-
Graphique 1
Le commerce mondial de marchandises
avait fortement reculé durant la récession
de 2009. Cumulé au ralentissement de la
croissance dans les pays émergents, la
contraction des échanges fut suffisamment
importante pour interpeller les observateurs quant à la profondeur de la crise. Toutefois, un secteur s’est distingué par sa
résistance à la crise, l’agroalimentaire. Aux
Etats-Unis, l’excédent commercial s’est en
effet replié en 2009, tout en restant supérieur à ce qu’il était avant la crise. Il a ensuite retrouvé des niveaux rarement atteints
depuis une décennie. Il faut y voir la
confirmation que le commerce extérieur
agroalimentaire constitue un secteur clé
de l’appareil d’exportation de l’économie
16
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
Solde du commerce extérieur des Etats-Unis
50,00
en milliards de dollars
45,00
40,00
35,00
Produits agroalimentaires
32,4
30,00
25,00
20,00
15,00
10,00
5,00
0,00
1968
7
1972
1976
1980
1984
1988
1992
1996
2000
2004
2008
2012
USDA
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Un regard jeté sur la ventilation des produits agricoles et alimentaires exportés
révèle plusieurs points intéressants. Au
préalable, rappelons que l’USDA procède
à une décomposition des exportations en
deux types de produits : le premier regroupe (qualifiés de produits en vrac) les grains,
les oléagineux, le coton et les tabacs non
transformés, le second les produits à
haute valeur ajoutée (High Value Products
ou HVP), eux-mêmes répartis en souscatégories, d’une part bruts (animaux
vivants, fruits et légumes frais, fruits à
coques et produits de pépinières), et
ensuite semi-transformés (graisses et
huiles, farines, cuirs et peaux, fibres, aliments pour animaux, sucre), puis transformés (viandes, produits laitiers, travail
des grains, fruits et légumes transformés,
jus de fruits, vins et boissons alcoolisées et
non alcoolisées, huiles essentielles et produits tropicaux).
De façon assez traditionnelle, ce sont les
produits à haute valeur ajoutée qui sont
majoritaires dans les exportations américaines. En 2012, 63 % des exportations
étaient composées de produits HVP. Toutefois, à l’intérieur de cette catégorie, 55 %
étaient des produits transformés (viandes
congelées de porc, de bovin et de poulet,
puis sucre et boissons non alcoolisées
comme les jus de fruits, et enfin les produits laitiers). Concernant les produits en
vrac, les céréales et les graines oléagineuses sont les plus exportées.
Le maïs, le blé et les graines de soja ont
représenté à parts égales 39 % des exportations de cette catégorie, suivis du coton
(13 %). Ces exportations totales de produits en vrac ont toutefois fortement progressé en valeur depuis 2006, en raison
de la hausse des prix qui caractérise les
marchés céréaliers et oléagineux. Elles
© AZP Worldwide - Fotolia.com
re. Les prévisions pour l’année 2013 de
l’USDA restent plutôt bien orientées, le
solde excédentaire devant atteindre
30 milliards de dollars(3). Entre 2007 et
2012, les exportations sont passées de
82,2 à 136 milliards de dollars, soit une
progression de plus de 65 %. De leur côté,
les importations se sont accrues de
47,5 %. Les exportations agroalimentaires
ont représenté en 2012 moins de 11 %
des exportations totales américaines (7 %
en 2000), les importations à peine 5 %
(3 % en 2000).
Les exportations totales de produits en vrac ont fortement progressé en valeur depuis 2006, en
raison de la hausse des prix qui caractérise les marchés céréaliers et oléagineux. Camion de
maïs à l’export.
sont en effet passées de 24,8 à 58,5 milliards de dollars entre 2006 et 2011, avant
de redescendre à 50 milliards en 2012,
année de sécheresse ayant occasionné
une diminution des récoltes de blé, de
maïs et de soja, et donc des surplus
exportables.
Les prévisions de l’USDA pour l’année fiscale 2013 indiquent que les exportations
de soja devraient se redresser assez nettement, à la fois en raison de la demande
asiatique et des contraintes pesant sur les
exportations des deux principaux producteurs d’Amérique latine, le Brésil et l’Argentine. En revanche, les exportations
américaines de coton devraient se replier
en 2013, du fait de la faiblesse de la production et de la baisse de la demande
mondiale, en particulier celle émanant de la
Chine. Les exportations de viandes et de
produits laitiers ont connu une progression
régulière depuis 2009, la demande mondiale étant particulièrement soutenue. Pour
les viandes, elles seraient toutefois en baisse pour l’année fiscale 2013, les productions américaines ayant été révisées à la
baisse. Seules les exportations de produits
laitiers augmenteraient en 2013, notamment les fromages, la poudre de lait écrémée et le beurre.
Les importations américaines sont depuis
les années 1970 composées à 95 voire
97 % de produits à haute valeur ajoutée
(café, vins, boissons à base de malt, huile
de palme, sucre, produits de la biscuiterie…).
Répondre
à la demande mondiale
La crise n’a donc pas engendré d’effondrement des exportations américaines de
produits agricoles et alimentaires. Il faut y
voir des retombées de la dynamique de la
demande mondiale, en particulier celle en
provenance des pays d’Asie. Les importations asiatiques ont en effet progressé
depuis 2009, en dépit du ralentissement
qui a caractérisé la croissance de certains
des pays de la région. En 2012, 44 % des
exportations américaines étaient destinées
à l’Asie, la Chine et la Japon en étant le
deux principales destinations (respectivement 17,2 et 10,1 %), la Corée du Sud
(4,6 %) se situant bien après. Viennent
ensuite les partenaires de l’ALENA (Canada et Mexique) avec 14,7 et 13,9 % et, loin
derrière, l’Union européenne avec seulement 6,5 %. La croissance des exportations américaines de produits agroalimentaires a été soutenue vers la Chine depuis
2009, désormais premier débouché
(+ 50,4 % entre 2009 et 2012).
3. Les données sont exprimées
sur l’année fiscale novembre
de l’année n à novembre de l’année n+1.
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DOSSIER
L’appareil exportateur agroalimentaire
américain dépend donc crucialement de la
croissance des pays d’Asie, qu’ils soient
industrialisés ou émergents, voire en développement. Le Japon et la Chine étaient en
effet en 2011 les troisième et quatrième
importateur mondiaux de produits agricoles et alimentaires (graphique 2). Les
exportations américaines vers les pays en
développement ont augmenté de plus de
40 % depuis 1998. L’élévation du degré
d’interdépendance des économies dans
la mondialisation passe aussi par l’agriculture.
Graphique 3
Solde agroalimentaire des USA
et taux de change euro/dollar
Taux de change nominal effectif
2005 = 100
140
Solde agroalimentaire américain
en millions de dollars
Taux de change
35
120
30
100
25
80
20
Solde extérieur agroalimentaire
60
15
40
10
20
Exporter aussi massivement des produits
agricoles et alimentaires dans une période
de crise économique et financière repose
aussi sur un deuxième atout. Contrairement aux pays de la zone euro qui ne peuvent plus compter sur une modification de
la parité de la monnaie unique, les EtatsUnis détiennent encore une souveraineté
monétaire sur laquelle ils peuvent s’appuyer pour faire évoluer le taux de change
du dollar en fonction de leurs objectifs
commerciaux. Depuis 2002, le taux de
change du dollar par rapport aux principales monnaies s’est en effet déprécié,
apportant un surcroît de compétitivité-prix
aux exportations agroalimentaires américaines. Il s’agit même de la période de
dépréciation la plus longue depuis l’entrée
dans une phase de flottement des monnaies en 1973 (graphique 3). Ces deux facteurs ont permis à l’agriculture américaine
de mieux résister à la crise que ne l’on fait
5
0
0
1997
1999
2001
2003
1258
les autres secteurs d’activité économique,
notamment dans l’industrie.
Il s’ensuit que, une fois de plus, l’agriculture et les industries de la transformation
constituent un avantage comparatif des
plus robustes pour l’économie américaine.
Au regard des perspectives de demande
mondiale, de la parité actuelle du dollar face
à l’euro, sans parler de la politique monétaire de la FED qui, en maintenant des taux
d’intérêt très bas, permet aux agriculteurs
d’emprunter dans des conditions favorables et de diminuer les risques de
défaillances financières, le secteur a non
seulement mieux résisté à la crise, mais
(4)
peut entrevoir l’année 2013 avec sérénité .
Importateurs de produits alimentaires
en milliards de dollars
149
UE Extra
114
Etats-Unis
79
Japon
2007
2009
2011
De plus, les prévisions en matière de prix
mondiaux restent bien orientées, signifiant,
du coup, que les revenus des agriculteurs
pourraient encore être en 2013 élevés.
L’agriculture et l’agroalimentaire américains
forment un secteur clé de l’économie américaine. En dépit d’une perte de parts de
marché depuis le début des années 80, il
est l’un des rares secteurs dégageant encore un excédent commercial. De ce point de
vue, on notera les similitudes avec l’évolution du secteur en France. Concurrents hier,
les producteurs américains et français ont
au moins cela en commun, contribuer, ne
serait-ce que partiellement, à alléger un
déficit global des plus préoccupants. Il était
important de rappeler cet aspect de l’économie américaine, surtout dans un contexte où la croissance reste fragile, où le niveau
de la dette fédérale a franchi le seuil des
100 % du PIB, et où une nouvelle Loi agricole (Farm Bill) est en préparation.
Thierry POUCH
Chambres d’agriculture France
Direction économie des agricultures
et des territoires
75
Chine
38
Féd. de Russie
32
Canada
Rép. de Corée
25
Mexique
25
Total monde 2011
1049 milliards de dollars
dont UE intra : 400
21
1014
18
2005
FMI, Department of Commerce
Graphique 2
Arabie Saoudite
40
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
OMC
4. L’évolution de la croissance
des économies émergentes doit toutefois
faire l’objet d’un examen attentif et régulier.
La Chine n’est pas à l’abri des répercussions
de la récession dans la zone euro ou
de la fragilité de la croissance aux Etats-Unis
sur ses exportations. Lire A. Chevallier (2012),
« L’économie mondiale cinq ans après
la crise financière », in CÉPII (éd.), L’économie
mondiale 2013, éditions La Découverte,
coll. « Repères », p. 5-19.
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page19
Le Farm Bill
reporté en septembre 2013
Les Etats-Unis ont
un autre point commun avec
la France, et, plus largement,
avec l’Union européenne.
Ils doivent en effet
engager une réforme
de leur politique agricole,
le précédent Farm Bill
étant arrivé à échéance
en septembre 2012.
Au regard des contraintes
de calendrier,
du déficit budgétaire et
de l’endettement et
du clivage entre le Sénat
et la Chambre des
Représentants, l’adoption
du Farm Bill 2012-2018 est
reportée en septembre 2013.
Quant à la réforme de la PAC,
son entrée en vigueur
est déjà repoussée en 2015
au lieu de 2014.
La politique agricole américaine fait l’objet
tous les cinq ans (voire tous les six ans)
d’une réforme appelée Farm Bill, décidée
et votée par le Congrès. Le Farm Bill doit
s’entendre au sens de projet de loi agricole. Il est intitulé, une fois voté Farm Act. Ce
dispositif public témoigne de la longévité
d’une politique instaurée en 1933, pour pallier les répercussions désastreuses de la
grande dépression sur le revenu des agriculteurs américains(5). Celui-ci avait en effet
connu une forte baisse durant la crise, faisant suite à une période plutôt faste (graphique 1). Sous l’impulsion de F.D. Roosevelt et de son Secrétaire à l’agriculture
(USDA), Henry Wallace, les principaux instruments de soutien de l’activité agricole
Graphique 1
Revenu agricole net des Etats-Unis
Net Farm Income
20
en milliards de dollars
18
17,7
16
14
12
10
8
6
4
2
0
1910
1913
1916
1919
1922
1925
1928
46
furent mis en place dans une certaine
urgence, dans le cadre de l’Agricultural
Adjusment Act (AAA), qui était le complément pour l’agriculture du National Industry Recovery Act (NIRA). Le redressement
du revenu agricole s’est effectué dès 1934,
puis ensuite à partir de 1940.
Si l’AAA a connu une succession de mutations, la philosophie générale du dispositif
n’a toutefois guère changé depuis sa fondation. Ce qu’il importe de retenir est que
la politique agricole américaine a souvent
fait preuve d’une capacité élevée d’adaptation au contexte économique dans lequel
évoluait l’agriculture. Avec la grande
dépression des années 1930 et la montée
de la misère chez les agriculteurs, un programme de soutien public fut mis en place
(contrôle des volumes produits, stockage
public, prix de soutien, réduction des surfaces…). Lorsque ce sont les exportations
qui pâtissent, soit de la montée de la
concurrence, soit de l’appréciation du dollar consécutive d’une politique monétaire
restrictive, comme durant la première moitié des années 1980, un programme de stimulation de ces exportations est inséré
dans la loi agricole.
1931
1934
1937
1940
1943
1946
USDA
Lorsque les agriculteurs sont exposés à
des risques climatiques, à des baisses de
leur revenu, des mesures contra-cycliques
ou des dispositifs d’assurance sont instaurés, la période le Farm Bill 2008-2012 en
constituant une dernière illustration.
Une rupture intervient tout de même dans
les années 1990. Il faut attendre en effet
1996 pour voir surgir un projet novateur
instaurant le découplage des aides, vite
abandonné d’ailleurs en raison de la baisse du revenu agricole engendré par la
contraction des débouchés en Asie, à la
suite de la crise de 1997-1998. Le Farm
Bill 2008-2012 fut voté en dépit du veto
affiché par le Président Bush, et se caractérisa par une croissance des dépenses
budgétaires agricoles, représentant à peine
1 % du PIB américain (graphique 2). Illustration selon laquelle, depuis 1933, le secteur agricole constitue encore une réelle
priorité pour l’économie américaine. On
peut en déduire que, surtout depuis le
début de la décennie 1990, un contraste
5. Certaines mesures pouvant avoir une
origine beaucoup plus lointaine, remontant
même à l’indépendance (4 juillet 1776).
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
19
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page20
DOSSIER
© arinahabich - Fotolia.com
sions sur le budget agricole. Il a donc été
décidé de proroger le Farm Bill 2008 jusqu’au 30 septembre 2013. Il ne faut toutefois pas accorder une importance démesurée au rôle du Président américain et du
Ministère de l’Agriculture dans la définition
et l’orientation de la loi agricole.
Lorsque les agriculteurs sont exposés à des risques climatiques, à des baisses de leur revenu,
des mesures contra-cycliques ou des dispositifs d’assurance sont instaurés.
existe entre les orientations que la Commission européenne (mais aussi le Conseil
européen) fait prendre à la PAC et celles
de la politique agricole américaine. D’un
côté l’ambition de déréguler progressivement la PAC, de rapprocher les prix européens des prix de marché, de l’autre, le
souci de préserver un outil de production,
un appareil d’exportation, et le revenu des
agriculteurs. Qu’en sera-t-il dans le prochain Farm Bill, dans un contexte de
dégradation des comptes publics et d’envolée de l’endettement fédéral ?
Des contraintes
bien trop fortes pour élaborer
un projet de loi agricole
Les Etats-Unis s’apprêtent donc à voter un
nouveau Farm Bill, avec, comme dans le
cas de l’UE à 27, un retard d’une année, et
couvrira la période 2013-2018/2019.
Quelles vont en être les grandes orientations ? Le précédent Farm Bill, voté et
appliqué en 2008, a expiré à la fin du mois
de septembre 2012. Plusieurs facteurs ont
contribué à repousser le vote d’une nouvelle loi agricole couvrant la période 20122018. D’abord l’élection présidentielle. Il
faut, en effet, attendre le mois de janvier
de l’année suivante pour que le candidat
élu soit officiellement nommé Président par
le Congrès. Ensuite le différend sur la
20
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
« falaise fiscale ». L’incertitude sur l’issue
des négociations entre le Président et le
leader des Républicains à la Chambre des
Représentants s’est répercutée sur les
décisions attendues en matière agricole,
sachant que le secteur agricole devait
apporter sa contribution au plan d’économies budgétaires global, à hauteur de 23 à
30 milliards de dollars sur dix ans. L’épineuse question du relèvement du plafond
de la dette, intervenant en mars, risquait
de compromettre l’avancée des discus-
L’Administration fédérale ne détient qu’un
pouvoir limité, l’essentiel des décisions
étant prises par le Congrès, Chambre des
Représentants (à majorité républicaine
actuellement) et Sénat (majorité démocrate), et leurs Commissions agricoles respectives. D’ailleurs, le veto présidentiel de
2008, lors du précédent Farm Bill, n’a pas
constitué d’obstacle rédhibitoire pour que
la loi soit votée et appliquée.
La loi agricole de 2008 se composait de
quatre rubriques fondamentales : assistance nutritionnelle et aide alimentaire, l’environnement, les soutiens aux producteurs
– dont les paiements directs – et les subventions aux assurances. La répartition de
ces dépenses agricoles est très largement
en faveur de l’assistance nutritionnelle et
de l’aide alimentaire. En 2011, ces deux
postes pesaient pour plus de 80 % des
Graphique 2
Budget agricole américain
160
en milliards de dollars
147,5*
140
120
Dépenses agricoles
100
80
60
40
20
* Estimation
0
1982
1984
1417
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
BEA-Office of Management and Budget
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page21
Graphique 3
Nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire
aux Etats-Unis
49
en millions de personnes
46,4*
44
dépenses agricoles totales (77 % et 5 %),
les paiements directs et les dépenses d’assurance récoltes représentant 5 % chacune. Le nombre d’Américains bénéficiant de
ce programme d’assistance nutritionnelle
(Supplemental Nutrition Assistance Program, SNAP) a fortement augmenté depuis
le début de la crise, passant de 26 millions
en 2007 à 46 au début de l’année 2012
(soit 22 millions de ménages) (graphique 3).
Le Farm Bill 2008 se distinguait également
par l’adjonction de mesures relatives à l’environnement et à l’énergie, d’où la qualification de Food, Conservation and Energy
Act (FCEA).
Les contours encore incertains
du prochain Farm Bill
Les quelques éléments permettant d’anticiper les décisions qui seront prises en
septembre prochain émanent du vote du
21 juin 2012, par le Sénat, du Farm Bill
2013-2018. Au regard de l’évolution du
revenu des agriculteurs américains depuis
39
34
29
* Mars 2012
24
nov-05
mai-06
nov-06
mai-07
nov-07
mai-08
1554
trois ans et des niveaux de prix constatés
sur les marchés des céréales et des oléagineux, le Sénat a opté pour la suppression des aides directes découplées, ce qui
représenterait, dans un contexte budgétaire tendu, une économie de quelque 5 milliards de dollars par an(6). L’autre ambition
du projet concocté par les Sénateurs a trait
aux dispositifs d’assurances. On sait que
de tels mécanismes de protection sont
entrés en vigueur depuis fort longtemps.
Deux outils fondamentaux existaient dans
le Farm Bill 2008, et qui sont par consé-
nov-08
mai-09
nov-09
mai-10
nov-10
mai-11
nov-11
USDA
quent prolongés jusqu’en septembre 2013.
D’abord l’assurance récolte, destiné à
contrecarrer les baisses de rendements et
dont les principaux secteurs bénéficiaires
sont les grandes cultures et les fruits et
légume, et ensuite l’assurance chiffre d’affaires visant à parer à toute baisse du
chiffre d’affaires intervenant entre la mise
en culture et les récoltes.
Dans le futur Farm Bill, il s’agirait de renforcer ces outils d’assurance, et de mieux les
articuler aux soutiens contracycliques. L’Etat
fédéral verse aujourd’hui plus de 3 milliards
de dollars de subventions aux compagnies
d’assurance privées, auxquels s’ajoutent
7 milliards attribués aux agriculteurs pour
alléger le surcroît de charges d’exploitation
occasionnées par les contrats d’assurance(7). C’est pourquoi Barack Obama aurait
souhaité réaliser quelque 10 milliards d’économies budgétaires sur ce programme, souhait repoussé par les Sénateurs, qui voient
désormais dans la généralisation du dispositif assurantiel en agriculture le fondement
même de la politique agricole. Les Séna-
© sborisov - Fotolia.com
6. L’idée étant de ne plus verser d’aides
à des producteurs qui ne produisent pas.
L’Administration fédérale ne détient qu’un pouvoir limité sur les mesures concernant la politique
agricole. L’essentiel des décisions sont prises par le Congrès, Chambre des Représentants (à
majorité républicaine actuellement) et Sénat (majorité démocrate), et leurs Commissions agricoles respectives
7. La sécheresse historique
de l’année 2012 a été à l’origine
d’une élévation des indemnités versées
par les compagnies d’assurance.
Une politique agricole fondée sur le principe
du tout assurance comporte le risque
d’une explosion des financements publics,
les contextes climatique et économique
étant des plus incertains.
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
21
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page22
DOSSIER
S’agissant des aides dites contracycliques,
le texte du Sénat recommande de fusionner
les différents programmes en vigueur dans le
précédent Farm Bill. C’est le cas pour l’Average Crop Revenue Election (ACRE) et les
paiements contracycliques, deux outils qui
seraient remplacés par Agriculture Risk
Coverage (ARC)(8). L’objectif de ARC serait,
en cas de baisse du chiffre d’affaires, d’apporter aux producteurs une compensation
financière, sans doute partielle, mais qui
s’ajouterait aux programmes d’assurance.
Une dotation budgétaire a même été avancée, de l’ordre de 28 à 30 milliards de dollars.
L’originalité du projet du Sénat réside sans
doute dans le sort qui a été réservé au secteur laitier. Les éleveurs pourront percevoir
deux types de paiements contracycliques garantissant leurs marges : un paiement dit de base, dont l’objectif est de préserver un seuil minimal de marge (production
en valeur moins les coûts de l’aliment pour
animaux), puis une aide complémentaire
pour les éleveurs souhaitant dégager une
marge supérieure (la couverture du volume
de production pouvant être comprise entre
25 et 90 % de la production)(9).
Ces quelques données de cadrage sur la
prochaine loi agricole américaine entrent en
contraste avec les perspectives agricoles
européennes. Même non finalisées, ces
intentions laissent intactes l’objectif des
22
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
Sénateurs de préserver une certaine forme
de soutien aux agriculteurs, dont on a dit
qu’elle pourrait se fonder sur un programme
assurantiel renforcé. C’est particulièrement le
cas en élevage laitier. Le prochain Farm Bill
apparaîtrait alors comme un dispositif tourné vers la croissance des productions agricoles(10). Il demeure toutefois une inconnue :
quelle sera la position des Républicains à la
Chambre des Représentants ? Un accord
s’est manifestement dessiné sur la suppression des paiements découplés, sur la
création du dispositif ARC, ainsi que sur les
orientations du secteur laitier.
ENCADRÉ 1
Pour la période 2013-2022, le
Congressional Budget Office (CBO) a
évalué à 993 milliards de dollars les
dépenses totales agricoles, selon un
scénario de référence mars 2012. Elles
se répartiraient de la façon suivante :
772 milliards pour le poste nutrition et
aide alimentaire (78 %), 91 pour les
assurances récoltes, 63 pour les divers
soutiens (appelé Commodity program),
et 64 pour le poste environnement, le
résidu étant distribué entre le poste
échanges extérieurs et l’aide alimentaire internationale, horticulture, énergie, développement rural, forêt,
recherche, soit 3 milliards de dollars.
Par comparaison, le coût total de la loi
agricole sur la période 2008-2012 a été
estimé par le CBO à 284 milliards de
dollars, 604 sur une durée de dix ans.
© HamsterMan - Fotolia.com
teurs ont suggéré par ailleurs la création d’un
Supplemental Coverage Option (SCO), sorte
de mécanisme optionnel de couverture de la
franchise d’assurance, la prime d’assurance
versée par le producteur pouvant être ainsi
subventionnée à hauteur de 70 %, soit
davantage que dans les dispositifs fonctionnant dans le Farm Bill 2008. Ces programmes d’assurance ont toutefois été soumis à une conditionnalité environnementale,
thème sur lequel les environnementalistes
entendent rester vigilants. Il y a là en effet
un défi que l’agriculture américaine doit relever, celui du développement soutenable
(thème auquel est souvent associé celui de
la santé publique).
Des réductions de dépenses liées à l’aide alimentaire pourraient être effectuées. De telles
coupes claires dans le programme d’aide alimentaire entreraient alors en résonance avec
la disparition en 2013 du Programme Européen d’Aide aux plus Démunis (PEAD).
Cette convergence, somme toute encore
relative et embryonnaire, n’empêchera pas
les Républicains de maintenir leurs exigences en matière d’économies budgétaires (encadré 1). Au regard de la masse
financière que le budget agricole représente, les économies seraient sans doute
bien marginales. C’est donc sans doute du
côté de l’aide alimentaire que des réductions de dépenses pourraient être effectuées. De telles coupes claires dans le programme d’aide alimentaire entreraient en
résonance avec la disparition en 2013 du
Programme Européen d’Aide aux plus
Démunis (PEAD).
Thierry POUCH
Chambres d’agriculture France
Direction économie des agricultures
et des territoires
8. Le dispositif ACRE
fut la grande innovation du Farm Bill 2008.
Sa visée était de compenser les diminutions
de chiffres d’affaires par des aides directes.
Se reporter à P. Claquin (2011),
« ACRE, un nouveau type d’aides
confirmant l’orientation anticyclique
de la politique agricole américaine », Analyse,
numéro 33, septembre, Centre d’études
prospectives, MAAPRAT, p. 1-4.
9. Le détail des mesures
sur la garantie des marges se trouve sur :
www.ag.senate.gov/newsroom,
notamment la participation des agriculteurs
au programme de stabilisation du marché
des produits laitiers.
10. Certains observateurs
de l’activité agricole américaine
allant même jusqu’à considérer
qu’il s’agit d’une politique « productiviste » !
Lire R. Ichter (2012), « Farm Bill 2012.
Une politique agricole délibérément
productiviste », Paysans, numéro 332,
mars-avril, p. 43-49.
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page23
Premiers producteurs
mondiaux de maïs,
de graines de soja,
de viande bovine
et de poulets de chair,
les Etats-Unis sont aussi
parmi les cinq premiers
producteurs de blé,
de coton, de sucre
ou de viande de porc.
Malgré un fort impact
de la sécheresse
sur la production en 2012,
les perspectives agricoles
2013-2022 dressées
par l’USDA sont positives
et laissent entrevoir
des gains de productivité
dans de nombreuses
productions (maïs, soja,
produits laitiers, …).
© AZP Worldwide - Fotolia.com
Production agricole aux Etats-Unis
Maïs, soja, volailles et produits laitiers
tirent leur épingle du jeu
Aux Etats-Unis l’utilisation du maïs pour la fabrication d’éthanol dépasse celle pour l’alimentation animale. Usine de production d’Ethanol.
Panorama des principales
productions aux Etats-Unis
Utilisatin du maïs aux Etats-Unis
Maïs 350
en millions de tonnes
300
Biocarburants
250
200
Alimentation animale
150
100
Nourriture, semences et autres utilisations industrielles
50
Exports
0
1980
928
1984
1988
1992
1996
2000
2004
2008
2012
USDA, ERS
Les Etats-Unis sont les premiers producteurs mondiaux de maïs (314 millions de
tonnes en 2011/2012). Avec plus de 35 millions d’hectares en 2012, le maïs est la
grande culture la plus répandue aux EtatsUnis. Cette céréale est utilisée dans l’alimentation animale et dans un large éventail de produits industriels, dont l’éthanol.
Depuis 2010, la part du maïs destiné à la
fabrication d’éthanol dépasse celle de l’alimentation animale. Le maïs est également
utilisé pour produire du sirop à haute teneur
en fructose dont les principaux utilisateurs
sont l’industrie ses boissons (sodas) et les
fabricants de produits agroalimentaires
transformés.
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
23
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page24
DOSSIER
Soja
© Paul Hill - Fotolia.com
Le soja le principal oléagineux produit aux
Etats-Unis. Il s’agit de la première source de
protéines pour l’alimentation animale. Les
Etats-Unis sont les principaux acteurs sur le
marché du soja. En effet, ils sont à la fois les
premiers producteurs et les premiers exportateurs jusqu’en 2011/2012. La sole de soja
s’est fortement développée en lien avec les
nouvelles variétés résistantes au herbicides,
la simplification des pratiques,… Après le
maïs, le soja est la deuxième grande culture la plus importante en terme de surfaces.
De plus, le soja est très couramment associé au maïs dans les rotations.
Blé
Avec 54,4 millions de tonnes produites en
2011/2012, les Etats-Unis étaient les quatrième principaux producteurs mondiaux,
derrière l’UE, la Chine, l’Inde et la Russie.
En termes de surfaces récoltées, le blé
occupe la troisième place. Néanmoins la
tendance des ensemencements en blé est
orientée à la baisse depuis 1981. Plusieurs
facteurs expliquent cette évolution selon
l’USDA, notamment :
Les Etats-Unis sont les troisièmes producteurs mondiaux de coton, après la Chine et l’Inde.
– la baisse relative de la profitabilité du blé
par rapport à d’autres productions (maïs,
soja) ;
– une législation qui permet aux agriculteurs plus de flexibilité dans leur choix
d’assolement.
Coton Les Etats-Unis sont les troisièmes producteurs mondiaux de coton, après la
Chine et l’Inde. Ces trois pays rassemblent à eux seuls deux tiers de la production mondiale. Depuis 2006, toutefois, les
surfaces et la production régressent aux
Etats-Unis. Les évolutions de prix relatifs
ont favorisé les ensemencements de maïs
et de soja. La tendance haussière des
rendements permet de limiter la baisse
de la production mais les utilisations intérieures diminuent nettement depuis la fin
des années 1990 et les exportations sont
également orientées à la baisse depuis
2006.
© sima - Fotolia.com
Sucre
Les Etats-Unis sont les principaux acteurs sur le marché du soja.
24
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
Les Etats-Unis sont les plus importants
consommateurs de produits sucrants
(sucre, sirop de maïs à haute teneur en
fructose, miel, sirop d’érable, …). Ils sont
également l’un des plus grands producteurs de sucre (7,7 millions de tonnes en
2011/2012). La production provient à
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page25
Viande bovine
Les Etats-Unis sont les premiers producteurs de viande bovine avec environ
12 millions de tonnes et 90 millions de
têtes de bétail. La moitié de la valeur de
la viande provient de cinq Etats (Texas,
Kansas, Nebraska, Iowa)(11). Depuis 2008,
la production américaine de viande bovine recule en lien avec la hausse des prix
de l’alimentation et la stabilisation de la
consommation. Les volumes produits et
consommés sont relativement proches
mais l’Institut de l’Elevage(12) souligne
que la « filière bovine américaine est particulièrement ouverte sur les échanges »
avec notamment des importations de
bovins vifs (Mexique, Canada, …) et des
exportations de viande.
Produits laitiers
Les Etats-Unis sont les deuxièmes producteurs de lait de vache, derrière l’UE27. La production est présente dans les
cinquante Etats mais est plus importante
dans l’Ouest et le Nord (Californie, Wisconsin, Idaho, New York,...). La progression de la productivité par vache, qui a
plus que doublé depuis les années 1970,
a permis à la production d’atteindre
90 millions de tonnes aujourd’hui. Un tiers
de la production est destiné à la fabrication de lait liquide et de crèmes, le reste
est transformé en une large gamme de
produits laitiers, notamment en fromages
(mozzarella, cheddar, …) et en poudres
de lait.
© Stephanie Frey – Fotolia.com
58 % de la betterave et à 42 % de la
canne à sucre. Après une période de
nette progression entre 1980 et 2000, la
production de sucre des Etats-Unis a tendance à diminuer.
Volailles
Premiers producteurs mondiaux de viande de poulet de chair et de dindes, les
Etats-Unis sont également parmi les premiers producteurs d’œufs. La production
est concentrée dans les Etats du sud Est
Les Etats-Unis sont les premiers producteurs
mondiaux de viande de poulet de chair et de
dindes.
(Géorgie, Arkansas, Alabama, Mississippi,
et Caroline du Nord principalement).
Après avoir fortement progressé, la production de poulet de chair se stabilise
autour de 16,5 millions de tonnes depuis
2010. Cette filière doit en effet faire face à
la volatilité des marchés des céréales et
un marché domestique mature selon la
Rabobank(13).
© Daisuke Ito - Fotolia.com
11. National Cattlemen's Beef Association,
d’après USDA 2007 Ag Census
http://www.beefusa.org/beefindustrystatistics
.aspx
12. Institut de l’Elevage, Filière viande bovine
aux USA, collection THEMA, décembre 2010.
Les Etats-Unis comptent environ 90 millions de têtes de bétail.
13. U.S. chicken industry facing permanent
challenges, significant changes required,
December 2011.
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
25
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page26
DOSSIER
Porcs
Avec 10,6 millions de tonnes, les EtatsUnis sont les troisièmes producteurs mondiaux de viande de porc après la Chine
(51,4 Mt) et l’UE-27 (22,8 Mt). La production suit une tendance haussière depuis le
milieu des années 1980 et s’accompagne
d’une forte concentration et spécialisation
des élevages. Depuis le début des années
2000, le surplus de production s’oriente
vers les marchés d’exportation, car la
consommation se stabilise.
Perspectives 2013-2022
La fabrication d’éthanol à partir du maïs a
atteint un plafond en 2010 et 2011. A partir de 2013, la part des volumes destinés à
l’alimentation animale redeviendrait majoritaire. Les exportations de maïs devraient
progresser entre 2013 et 2022, de sorte
que les Etats-Unis continueront de jouer
un rôle majeur sur le marché mondial.
Les surfaces en blé diminueraient légèrement d’ici 2022, dans le prolongement de
la tendance de long terme.
La consommation et les exportations de
soja devraient continuer sur leur tendance
croissante. Néanmoins, la concurrence du
soja en provenance d’Amérique du Sud
conduirait à une réduction de la part des
Etats-Unis dans le commerce mondial de
graines de soja (de 39 % à 30 % entre
2013 et 2022).
La hausse des prix de l’alimentation animale devrait conduire à une réduction de
la production de bœuf, de porc et de
volailles en 2013. Les perspectives de
l’USDA à l’horizon 2022 indiquent toutefois
que la production américaine de viande
devrait progresser à nouveau après cette
baisse conjoncturelle. Concernant les productions animales, le poulet de chair se
distingue par la hausse de la production
mais à un rythme moins élevé que dans les
années 1980 et 1990. Cette évolution
serait liée à la fois à la hausse du nombre
26
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
Surfaces des principales grandes cultures
aux Etats-Unis : maïs, soja, blé
40000
1000 ha
Maïs
35000
Soja
30000
25000
20000
Blé
15000
Prévisions
10000
1980
1984
1988
1992
1996
2000
2004
2008
2012
2016
2179
d’animaux et à l’augmentation du poids à
l’abattage. La production de viande bovine, affectée par la sécheresse et une hausse des abattages devrait diminuer jusqu’en
2015 avant de se redresser sans pour
autant retrouver le niveau atteint en 2000.
Les prix de la viande bovine ont subi une
forte hausse et devraient rester élevés, ce
qui conduit à en limiter la consommation.
La production de porc devrait également
poursuivre sa tendance à la hausse et
rejoindre les niveaux de production de la
viande bovine. Après une période de relative stabilité du cheptel laitier, celui-ci
devrait légèrement décliner entre 2013 et
2022. Néanmoins, la production de lait
devrait continuer de progresser grâce à
l’amélioration de la productivité. Ainsi,
l’USDA estime que les Etats-Unis seront
bien positionnés pour développer leurs
exportations de produits laitiers.
Viviane PONS
Chambres d’agriculture France
Direction économie des agricultures
et des territoires
2020
USDA
SOURCE :
USDA, United States Department of
Agriculture – ERS, Economic Research
Service
http://www.ers.usda.gov
P. Westcott and R. Trostle, USDA, Agricultural Projections to 2022, Outlook
N°OCE-131, Février 2013.
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page27
Aux Etats-Unis, l’importance
de la consommation
hors domicile
et de produits transformés
traduisent une incorporation
croissante de services
dans la valeur des produits
agroalimentaires.
Les prix de l’alimentation
à la consommation
ont fortement augmenté
en 2007, 2008 et 2011.
L’USDA, le Ministère
américain de l’Agriculture,
montre qu’il s’agit en partie
de la répercussion
de la hausse des prix
des matières premières
agricoles.
Le modèle alimentaire américain
est fortement tourné vers les produits transformés et la consommation hors domicile
© Daisuke Ito - Fotolia.com
La consommation alimentaire
aux Etats-Unis
Malgré une baisse sensible, 40 % des dépenses alimentaires des familles américaines s’effectuent en restauration hors domicile.
En 2011, les ménages américains ont
dépensé en moyenne 6 460 $ pour leur alimentation, y compris en Restauration Hors
Foyer (RHF) et en boissons non alcoolisées, soit 4 650 C ce qui représente 13 %
de leur budget (contre 14,4 % en France).
La part de la consommation hors domicile
(cafés, restaurants et cantines) est très
importante aux Etats-Unis. Elle représente
40 % des dépenses alimentaires en 2011
(d’après l’enquête du Bureau of Labor Statistics) mais diminue légèrement depuis
2005 où elle était de 44 %.
L’enquête de consommation des ménages
(Consumer Expenditure Survey) montre
une baisse des dépenses alimentaires en
2010, notamment pour la viande et les produits laitiers. Puis, en 2011, les dépenses
alimentaires totales repartent à la hausse,
tirées par les achats de produits alimentaires (consommation à domicile). En
revanche, les dépenses pour la consom-
mation hors foyer 2011 ne retrouvent pas
leur niveau d’avant crise.
Par ailleurs, le CREDOC(14) montre que les
Américains consomment une part très
importante d’aliments transformés, déjà
préparés et accompagnés de sodas, alors
que les Français utilisent davantage de
produits bruts qu’ils cuisinent. Par
exemple, environ la moitié des fruits et
légumes consommés(15) sont sous forme
transformés (jus, conserves, surgelés, …)(16)
14. Centre de recherche pour l’étude
et l’observation des conditions de vie
15. Il ne s’agit pas exactement des quantités
consommées mais des disponibilités,
comprend les pertes
16. Source USDA, Food Availability
(Per Capita), http://www.ers.usda.gov/dataproducts/food-availability-%28per-capita%29data-system.aspx
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
27
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page28
DOSSIER
et certains petits supermarchés ne proposent même pas de fruits et légumes frais.
– les aliments liquides tiennent une part
plus importante aux Etats-Unis qu’en France avec respectivement 17 % et 10 % de
l’apport énergétique total ;
Les prix à la consommation de l’alimentation (consommation à domicile) ont augmenté de 2,5 %
en 2012 aux Etats-Unis.
– le nombre de prises alimentaires est plus
élevé en moyenne aux Etats-Unis qu’en
France (3,9 par jour contre 5,5 aux EtatsUnis) et s’échelonne tout au long de la journée, contrairement à la France où la synchronisation des repas reste marquée.
mentation très saine (modèle crétois) et
ceux qui consomment plus d’aliments
énergétiquement denses (à base de pizzas, quiches, sodas, …).
© Jason Stitt - Fotolia.com
Toutefois, le CREDOC montre une grande
diversité des comportements alimentaires
aux Etats-Unis entre ceux qui ont une ali-
Les aliments liquides tiennent une part plus
importante aux Etats-Unis qu’en France avec
respectivement 17 % et 10 % de l’apport
énergétique total.
28
© vepar5 - Fotolia.com
Malgré un apport énergétique sensiblement identique en France et aux EtatsUnis, entre 2 050 et 2 100 kcal/j, le CREDOC met en avant des différences entre
les modèles alimentaires français et américains :
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
Les prix alimentaires
suivent la hausse du prix
des matières premières
Les prix à la consommation de l’alimentation (consommation à domicile) ont augmenté de 2,5 % en 2012 aux Etats-Unis
(+ 3 % en France). La hausse était plus
marquée entre 2010 et 2011 avec + 4,8 %,
alors qu’elle avait été très limitée en 2009
et 2010 (+ 0,5 % et + 0,3 %). Depuis 2007,
les prix de la consommation alimentaire à
domicile ont progressé de 15 % en dollar
courant. De même, sur cette période, les
prix des produits agricoles à la production
ont augmenté de façon considérable.
L’USDA a utilisé des modèles économétriques pour étudier les effets des variations de prix au niveau de la production sur
les prix industriels et à la consommation.
Les prix à la production des produits agricoles ont un effet sur les prix aux stades
suivant dans la chaîne alimentaire. De plus,
un choc en amont de la filière conduit à un
changement statistiquement significatif en
aval. Les prix des produits alimentaires
pour la consommation à domicile sont plus
sensibles aux variations de prix des produits bruts car dans la restauration hors
foyer, la part du service de préparation
représente une part non négligeable de la
valeur du produit. Ainsi, pour 2013, l’USDA
prévoit une augmentation des prix de l’alimentation de 3 à 4 %.
Viviane PONS
Chambres d’agriculture France
Direction économie des agricultures
et des territoires
POUR EN SAVOIR PLUS :
T. MATHE, A. FRANCOU, J COLIN,
P HEBEL, CREDOC, Cahier de
recherche n° 283, «comparaison des
modèles alimentaires français et étatsuniens», décembre 2011
Bureau of Labor Statistics (BLS),
Consumer Expenditure Survey (CE),
http://www.bls.gov/cex/home.htm
J. C. WEINHAGEN, Bureau of Labor
Statistics (BLS), Monthly Labor Review,
December 2012, Price transmission
effects through three stages of food
production
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page29
Revenu et structure des exploitations
La très grande diversité
de l’agriculture américaine
© Elena The Wise Fotolia.com
Contrairement
aux idées reçues,
la statistique agricole
américaine révèle
la nature très hétérogène
de l’agriculture américaine
avec des exploitations
familiales majoritaires.
Plus de 2 millions d’exploitations
agricoles aux Etats Unis en 2011
La France dispose d’une statistique agricole riche en données économiques et
structurelles. Le poids de l’intervention
publique oblige en effet la production de
données statistiques solides pour évaluer l’efficacité des politiques mises en
œuvre. Aux Etats Unis, la situation est
identique : l’agriculture fait l’objet d’une
politique nationale forte depuis des
décennies. Pour les mêmes raisons
qu’en France, la statistique agricole est
donc particulièrement alimentée et fournie. Lors de la dernière enquête Agricultural Ressource Management Survey de
2011, publiée en 2012(17), 2 172 millions
d’exploitations agricoles en activité
étaient recensées. Les statisticiens américains établissent une typologie sur la
base du chiffre d’affaires et de la propriété du capital, en trois grands groupes
d’exploitations :
– 1 896 000 Small family farms, “Petites
exploitations familiales” dont le chiffre
d’affaires est supérieur à 1 000 $ (seuil
statistique plancher de la définition d’une
exploitation agricole) mais inférieur à
250 000 $ dont :
• 352 000 Retirement farms, “Exploitations de retraite” qui sont gérés par des
retraités pour qui l’activité agricole permet un revenu d’appoint,
Les exploitations familiales sont majoritaires aux Etats-Unis.
• 902 000 Residential/lifestyle farms,
“Exploitations résidentielles” sans véritable
objectif économique,
• 642 000 Farming occupation farms,
“Exploitations d’activité” qui dégagent un
chiffre d’affaires inférieur à 250 000 $ mais
qui représentent tout de même l’activité
principale des chefs d’exploitations.
– 219 000 Large scale family farms,
“Exploitations familiales de grande dimension”. Ces unités de production réalisent
plus de 250 000 $ de chiffre d’affaires et
leur capital reste la propriété de la famille
exploitante. Au sein de cette catégorie, on
distingue :
• les Large farms, “Grandes exploitations” dont le chiffre d’affaire est inférieur
à 499 000 $ annuel
ploitations et à sa famille. C’est dans cette
catégorie d’exploitations que l’on trouve
les très grandes entreprises agricoles :
5 800 de ces exploitations non familiales
dégagent un chiffre d’affaires supérieur à
1 000 000 $.
Un revenu d’activité stable
à moyen terme
Compte tenu de la diversité structurelle
de l’agriculture américaine, il ne saurait
être question d’analyser un indicateur de
revenu moyen qui agrégerait les résultats
de toutes ces catégories d’exploitation.
Le tableau 1 indique tout de même, les
résultats économiques des exploitations
dans chacune des catégories citées cidessus avec leurs contributions au revenu
agricole global dégagé par l’agriculture
américaine.
• et les Very Large farms, “Très
grandes exploitations” dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 $ annuel.
– 58 000 Non family farms, “Exploitations
non familiales” où plus de la moitié du
capital n’appartient pas aux chefs d’ex-
17. Disponible sur le site de l’USDA :
http://www.ers.usda.gov/
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
29
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page30
DOSSIER
Tableau 1
Revenu d’activité des exploitations agricoles
Nombre
Revenu par exploitation
(en million)
(1 000 $/exploitaiton)*
All farms (Ensemble des exploitations)
2,17
Small family farms (Petites exploitations familiales)
Retirement farms (exploitations de retraite)
Residential/lifestyle farms (exploitations résidentielles)
Farming occupation farms (exploitations d’activité)
1,89
0,35
0,90
0,64
Large scale family farms (Grandes exploitations familiales)
Revenu* global dégagé
par l’ensemble
des exploitaitons
en millions
de $
en %
du revenu
agricole total
129 738
100
5 950
1 700
13 000
2 097
1 532
8 658
2
1
7
0,22
236 425
51 777
40
Large (grandes exploitations)
Very large (très grandes exploitations)
0,10
0,12
87 250
352 250
8 401
43 376
6
33
Non family farms (Exploitations non familiales)
0,06
238 500
13 897
11
* Net Farm Income, Revenu net d'exploitation : Production + Subventions - Consommations intermédiaires - Consommation de capital fixe - Rémunérations des actionnaires
Source : USDA, calculs APCA
Sur le plan économique, les 219 000 Large
scale family farms et les 58 000 Non family
farms réalisent ensemble 85 % du revenu
agricole américain global. La somme de
ces deux catégories d’exploitations
(277 000) n’est d’ailleurs pas très éloignée
du nombre d’exploitations agricoles françaises véritablement professionnelles :
Revenu des grandes exploitations et entreprises agricoles
aux Etats-Unis
300
1000 $ par exploitations, $ de 2011
Net farm income / farm
240
235
Large scale family farms
200
100
Non family farms
0
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
USDA, calculs APCA
Net Farm Income, Revenu net d'exploitation : Production + Subventions - Consommations intermédiaires - Consommation de capital fixe - Rémunération des actionnaires
En 2010, le revenu des Non family farms n'a pas été renseigné. C'est la raison pour laquelle la
courbe du revenu de cette catégorie s'interrompt en 2010 et reprend en 2011.
30
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
320 000 dans le recensement de 2010
(“Exploitations moyennes et grandes”,
dans la nomenclature du Ministère de
l'agriculture).
Structurellement, les exploitations familiales de grande dimension dégagent des
revenus supérieurs aux exploitations non
familiales à capitaux, ce qui va l’inverse de
certains clichés (graphique 1). Ces deux
catégories couvrent chacune un champ
très large où les exploitations sont parfois
proches mais ce distinguent par la nature
de leur capital (propriété familiale ou non).
Seules 18 % des exploitations non familiales sont des sociétés à capitaux. La
proximité des courbes du revenu moyen
de ces deux catégories de très grandes
exploitations montrent bien la force et le
poids de l’agriculture familiale américaine
qui fait jeu égal, en moyenne, avec les
entreprises non familiales.
Diversité et performance
de l’agriculture américaine
L’examen des statistiques structurelles de
l’agriculture américaine laisse apparaître
une très grande diversité d’exploitations.
De petites structures à l’économie parfois
APCA 1021_Gabarit APCA 15/03/13 14:11 Page31
modeste et peu marchandes sont très présentes sur tout le territoire et jouent un rôle
important en termes d’aménagement territorial, car elles valorisent les deux tiers de
la surface agricole américaine. Sur l’autre
tiers de la surface agricole, les très grandes
exploitations (familiales ou non) réalisent
85 % du revenu global de l’agriculture
américaine. Ce sont surtout des exploitations familiales qui sont présentes dans
l’effectif de ces très grandes exploitations
agricoles. Cette dynamique entre territoire
et performance, exploitations familiales et
sociétés agricoles au sein de l’agriculture
américaine est à méditer tandis qu’on réfléchit en Europe à l’avenir de la Politique
agricole commune.
Didier CARAËS
Chambres d’agriculture France
Direction économie des agricultures
et des territoires
Les très grandes exploitations agricoles réalisent 85 % du revenu global de l’agriculture américaine.
REVENU AGRICOLE FRANCE - ETATS UNIS :
HAUSSE STRUCTURELLE DU REVENU AGRICOLE GLOBAL AUX ÉTATS UNIS ET BAISSE EN FRANCE
Compte tenu de la diversité de l’agriculture américaine, calculer un indicateur de revenu agricole moyen par exploitations ou par actifs n’aurait pas de sens. En France, ce calcul se montre plus pertinent, en raison de l’homogénéité des exploitations dont la plupart entreraient dans
la catégorie des “Farming-occupation medium sales farms” et des “Large scale family farms” de la nomenclature de la statistique américaine.
En revanche, il est possible de comparer les revenus dégagés par l’ensemble de la branche agricole en France et aux Etats Unis comme dans
le graphique ci-dessous.
Depuis le début des années 80, l’agriculture américaine et l’agriculture française sont engagées dans deux voies bien différentes. Aux Etats
Unis, le revenu agricole global progresse. Le nombre d’exploitations s’est stabilisé et l’amélioration continue de la productivité de ces exploitations se traduit par la hausse du revenu global de l’agriculture américaine.
En France, le revenu agricole global de la
branche agricole baisse depuis bientôt
quatre décennies. La croissance de la productivité agricole ne compense pas l’érosion du nombre d’exploitation (qui se poursuit encore aujourd’hui) et la dégradation
des rapports de prix (prix agricoles, prix des
intrants). In fine, le revenu global dégagé
par l’agriculture française poursuit sa pente
descendante.
Revenu de la branche agricole en France et aux Etats-Unis
250
1970 = 100, monnaie constante
200
USA
168
150
Pour les USA, Net Farm Income, Revenu
net d’exploitation : Production + Subventions - Consommations intermédiaires Consommation de capital fixe - Rémunérations des actionnaires
Pour la France, Revenu Net d’Entreprise
Agricole : Production + Subventions Consommations intermédiaires Consommation de capital fixe - Charges
salariales - Intérêts - Charges locatives
100
50
50
France
0
1970
100
1974
1978
1982
1986
1990
1994
1998
2002
2006
2010
INSEE, USDA, calculs APCA
Chambres d’agriculture n° 1021 - Mars 2013
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