TITRE
C
LE COLLÈGE, Vol. XLVI, no2 Printemps-Été 2006 5
ÉDITORIAL
OMME PSYCHIATRE, je n’ai pas eu
souvent à intervenir dans les soins de fin de vie
des patients. Mais dès que le rôle du médecin en fin
de vie est évoqué, je repense à une expé rience que
j’ai vécue durant mon internat, une expérience
que j’ai d’ailleurs déjà choisie comme l’une des plus
marquantes de ma carrière de cli nicien
1
. J’avais alors
eu la difficile tâche de débrancher les appareils qui
maintenaient en vie un patient en état de mort
neurologique depuis trois semaines. Qu’importe si
c’était la recommandation de l’équipe médicale et
si la famille y avait consenti, c’est moi qui ai dû
faire le geste final : je n’ai jamais eu aussi froid de
ma vie. Était-ce là le rôle du médecin ?
Les années ont passé, et je constate que les actes
liés aux décisions de fin de vie continuent de sus-
citer non seulement un malaise dans la profession
médicale, mais aussi de la confusion dans la popu -
lation. Pourtant, notre code de déontologie est clair :
« Le médecin doit agir de telle sorte que le décès
d’un patient qui lui paraît inévitable survienne
dans la dignité. Il doit assurer à ce patient le
soutien et le soulagement appropriés. » Mais
avons-nous tous la même définition de ce que sont
le soutien et le soulagement appropriés ? La notion
de dignité a-t-elle le même sens pour chacun
de nous ?
Alors que se multiplient les traitements qui
prolongent la vie et ceux qui adoucissent les derniers
moments des malades, les médecins soignent parfois
des patients qui leur demandent plutôt de les aider
à mourir. La relation de confiance entre le médecin
et son patient devra-t-elle aller jusque-là ? Le
médecin deviendrait-il alors celui qui symboli serait
la mort plutôt que le soulagement ?
Ces difficiles questions ont été
posées au cours du colloque
annuel du Collège des médecins,
qui a eu lieu en mai dernier
à Québec. Les médecins, présents
en grand nombre, ont témoigné
de la complexité du sujet, aux
dimensions légales, médicales,
sociales, éthiques, politiques et
reli gieuses. Ce numéro du bulle -
tin reflète l’essentiel d’échanges
souvent em preints d’émotion
et parfois tiraillés entre le désir
profond de faire tout ce qui est possible pour
soulager les plus souffrants et la crainte de
tomber dans l’acharnement moral.
Loin d’avoir cependant répondu à la question
qui nous est posée par ceux qui souhaiteraient
décriminaliser l’aide au suicide et l’euthanasie
—
« Est-ce au médecin de décider ? »
—,
ce collo que
aura été l’occasion de remettre cette réflexion au
cœur de nos préoccupations. Une réflexion que
poursuivra, au cours des prochains mois, notre
groupe de travail en éthique clinique.
Le président-directeur général,
Yves Lamontagne, M.D.
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page 30
© Paul Labelle Photographe
Les médecins soignent
parfois des patients
qui leur demandent
de les aider à mourir.
La relation de confiance
entre le médecin et
son patient doit-elle
aller jusque-là ?
Le médecin devrait-il
aider à mourir ?
1 . Y. LAMONTAGNE, « Monsieur Arthur », Confidences d’un médecin, Montréal, Québec Amérique, 2003, p. 38.