Marie, Apollinaire, Alcools 1) Les analogies avec une chanson

Marie, Apollinaire, Alcools
1) Les analogies avec une chanson
Plusieurs caractéristiques
rapprochent ce texte dune chanson
: la
présence dun refrain ( vers 5 et 25, avec lanaphore de « quand
donc, le futur et linterrogation) ; des reprises dexpression ( que
nai-je, v.13), ( que sais-je vers 15), (sais-je, vers 16 et 18), (cœur
changeant, vers 14) ; lallusion à la danse qui pourrait accompagner la
chanson (vers 1à3) ; le mélange des thèmes et des personnages que
lon rencontre souvent dans des complaintes ( les soldats, la femme
aimée au nom très courant de Marie, le poète solitaire avec son
livre, limage du fleuve éternel, les allusions au temps, les
références imagées à la nature) ; la disposition des rimes en
encadrement qui mettent en relief chacune delle : ababa ; la
variation des temps verbaux qui évoque le passé, le présent et le
futur.
Les thèmes simples et populaires (un homme, une femme etleur
amour, la séparation, lexpression imagée des certitudes, du
bonheur, du chagrin), la forme ( le vers 9 est le seul alexandrin au
milieu des octosyllabes), les sons orientent ce poème vers la
complainte et lui confère une double tonalité :
fantaisie et
mélancolie.
2) Labsence de ponctuation
Le poème ayant une forme classique (vers réguliers, octosyllabes
sauf un, strophes délimitées, rimes), labsence de ponctuation na
pas le même effet que dans « zone ».
Labsence de points dinterrogation
: la question des vers 5 et 25
semble en suspens, et le poème reste ouvert, ce qui prolonge leffet
dun simple constat : « il sécoule et ne tarit pas (vers 24) : éternité
du fleuve temps (thème du pont Mirabeau) ; même remarque pour
pour les vers 2, 13, 15, 16, 18 : les questions semblent de pure forme
et atténuées par leur intégration à des éléments du récit.
Labsence de virgules et de points
: impression dune juxtaposition
simplement organisée par la structure en quintil et par les rimes. A
lintérieur, lorganisation semble relever de lévocation désordonnée
de souvenirs, despoirs et de constats, ce que mettent en valeur les
variations des temps des verbes.
Labsence de ponctuation souligne une sorte de liberté et
dimprécision qui apparente le poème à une rêverie faite déléments
juxtaposés appartenant aux différents moments du temps et de la
vie du poète. On a donc une vision fragmentée du monde et du temps
associés aux sentiments de lauteur.
3) Un poème lyrique
Le thème du temps
: passage du passé au futur et au présent mêlés :
Evocation dun passé lumineux et heureux (enfance de Marie,
errances au bord de la Seine). Ce thème est aussi exprimé par les
interrogations au futur, par la comparaison du fleuve et du chagrin
associés au temps qui passe, lévocation des saisons, par lévocation
des saisons, par les incertitudes sur le devenir des êtres, des
choses et des sentiments (sais-je)
Le thème de laffectif
: interrogation sur le retour de la femme
aimée (vers 5), évocation des « aveux « , de lamour mêlé au chagrin
vers 9) et jeu de mots sur « à peine » = avec peine, évocation imagée
de la chevelure et des mains à travers des comparaisons et des
métaphores (mer, feuilles, automne), ; champ lexical développé de la
peine et de lamour (vers 9, 10, 14, 15, 23) avec la reprise du verbe
« aimer », du cœur. Les associations de termes et dimages insistent
sur les incertitudes et sur les sentiments contradictoires : espoir et
chagrin, amour et peine, volonté et ignorance. A noter le passage du
« vous » au « tu ».
Les images, les mots choisis, les évocations, les temps mettent en
valeur la souffrance et lespérance, lattente et la désespérance, la volonté
daimer et la difficulté de lamour face au temps et aux incertitudes : on
retrouve là les thèmes traditionnels du lyrisme, rendus déchirants par la
musicalité et les rythmes de la chanson faussement fantaisiste, par la naiveté
presque enfantine de certaines images (début de la strophe 3). Il se dégage du
poème une certaine amertume, que souligne lemploi du présent dont
linterprétation reste ambigue : présent dactualité ou présent de généralité ? La
deuxième hypothèse peut être confirmée par labsence dindications concernant
lidentité du destinataire : Marie. Sans doute cependant pense-ton à Marie
Laurencin
4) Marie, anagramme du verbe « Aimer »
Il y a plusieurs Marie dans la vie dApollinaire. On peut aussi penser
au vers de Ronsard soulignant lanagramme :
« Marie, qui voudrait votre nom retourner
Il y trouverait aimer ; aimez-moi donc Marie. » et voir dans ce
prénom au-delà dune identification précise, un symbole, celui de
lamour. On peut remarquer une analogie de structure entre le vers
5 et le vers de Ronsard, et linsistance sur le verbe « aimer » au
vers 9 lui-même mis en valeur par sa typographie et sa longueur.
Interlocutrice privilégiée, Marie ici peut représenter Marie
Laurencin ou la jeune fille rencontrée à Stavelot. Plus
symboliquement elle connote la quête de lamour, ses incertitudes
face au temps et à la vie, et incarne linspiration.
Conclusion : Un lyrisme traditionnel traduit dans une forme déstructurée ; une
complainte amoureuse imagée et douloureuse avec la récurrence de thèmes à la
fois personnels et éternels, et loriginalité des images mêlées aux réminiscences
littéraires.
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