Le titre de cet exposé est une concession coupable aux slogans qui
empoisonnent l’atmosphère. C’est, si vous le permettez, une concession
d’ironie.
Je ne vous parlerai guère, en effet, du sens de l’histoire, car il n’y a pas
de sens de l’histoire. Ce que nous appelons le sens de l’histoire n’est que le
paravent d’un mot qui cache toutes nos démissions et toutes nos lâchetés.
Il n’y a pas de sens de l’histoire, il y a un manque d’hommes qui en tient
lieu ; mais c’est plus difficile à reconnaître, plus difficile à avouer dans une
civilisation qui tend de plus en plus à remplacer la notion de service par celle
de confort.
Dans ce qui reste de notre vieille chrétienté, nous voyons encore une nation
qui n’entend pas parler du sens de l’histoire. C’est le Portugal. Ce Portugal
qui a été dirigé, mieux encore conduit, par un homme qui était l’honneur de
l’Occident, cet homme admirable, cet homme seul pour lequel nous devrions
prier chaque jour, Antonio de Oliveira Salazar 1.
J’ai hâte, cependant, d’en arriver à saint Pie X qui se dresse sur le Concile
comme un phare de vérité et puisque nous sommes en France, à l’attitude de
Pie X à l’égard du modernisme, de la démocratie chrétienne issue du Sillon
en commençant pas les origines reconnues et lointaines de la démocratie
chrétienne.
En effet, comme tous les parvenus, la démocratie chrétienne est à la
recherche d’ancêtres. En cherchant bien, elle en a trouvé un certain nombre,
mais tous ces tableaux qui se veulent anciens et vénérables ne peuvent avoir
grand air que pour ceux, précisément, qui contestent la valeur de l’hérédité,
notamment dans le domaine politique. . .
Sans remonter jusqu’au règne d’Henri II comme Joseph Hours par
exemple le fait pour l’action politique, nous partirons de Lamennais qui peut
être considéré comme l’ancêtre brillant et malheureux de nos démocrates
chrétiens. À vrai dire, c’est plus qu’un ancêtre, c’est un prophète.
Une grande intelligence minée par le romantisme, rebelle à toutes les
disciplines à partir du moment où elle s’aperçoit que ces disciplines ne peuvent
et ne veulent se mettre à sa remorque.
Il n’y avait pas, par exemple, plus ultra-montain que l’abbé Félicité de
Lamennais quand il pensait et espérait que Rome pourrait le suivre. Jusqu’au
jour où ce qui devait arriver arriva, c’est-à-dire jusqu’au moment où le Pape
Grégoire XVI, dans l’encyclique Mirari vos, vit dans les conceptions de
L’Avenir de ce prophète de la démocratie chrétienne, une dangereuse folie,
1En quelques pages excellentes, Jacques Isorni, avant de raconter un de ses entretiens
avec Salazar, fait un sort au sens de l’histoire (p. 114 à 116 de Jusqu’au bout de notre
peine, Éditions de la Table ronde).
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