Un poème naturaliste : La découverte, de Charles MAURRAS
inaccessible.
« Le vent de mer qui frémissait » Un élément dynamique intervient enfin : le vent. C'est lui le voyageur qui se
déplace « par les grand'routes ». Plus que mobile, ce vent est vivant — comme le suggère le verbe « frémir »
—, peut-être même est-il doué de volonté pour décider quelle route il doit emprunter. Le vent vient de la Mer.
Terre, Ciel, Mer (ou Terre, Air, Eau) ! Voici considérés trois des quatre éléments qui, dans la physique des Anciens,
constituent l'univers. Manque donc, pour décrire le monde dans sa totalité, le quatrième élément : le Feu.
« Le vent de mer qui frémissait tendit mon coeur comme une toile. » Ce vent vivant, qui a investi les routes,
parvient enfin jusqu'au coeur de l'auteur et le gonfle comme il le ferait avec la toile d'une voile. Il lui insuffle son
énergie. À ce stade, on ne sait pas vraiment ce que représente le vent : une émotion ? la vie elle-même ? À moins
que ce ne soit une inspiration qui tend le coeur de l'artiste comme la toile tendue d'un tableau est prête à recevoir sa
peinture, à accueillir sa vision, son idée.
Deuxième strophe
« Comme il mettait en mouvement » Le vent de mer est donc bien ce qui met en mouvement. Il est le moteur.
« Depuis la cendre des ancêtres » Ce vent soulève la poussière (ou la cendre), l'anime, lui communique la vie
avant qu'elle ne retombe. Ce vers, très important, permet d'identifier enfin sa nature : il s'agit du vent de vie, de la vie
elle-même.
En effet le mouvement de la vie se transmet de génération en génération, chaque existence se dissipant en
poussières pour les chrétiens, ou en cendres pour les païens !
« Jusqu'au brasier du firmament » Le vent attise le feu du brasier et soulève des étincelles jusqu'au ciel pour en
faire autant d'étoiles. Voici le Feu, le quatrième et dernier des éléments qui constituent l'univers dans l'ancienne
physique. Le monde est maintenant décrit de façon exhaustive. Le vent de la vie consume l'être vivant dans un
brasier. La mort consiste à réintégrer l'univers dont on est sorti, avec un plus cependant : non seulement elle nous
conduit à regagner la Terre, par les cendres qu'on laisse (mouvement horizontal), mais elle nous permet aussi de
nous approprier le Ciel (mouvement vertical), car le brasier projette des étincelles qui sont autant de poussières
d'étoiles. Un enfant de dix ans, à qui était expliqué le poème, a de lui même fait le rapprochement avec le film Le Roi
lion, des studios Walt-Disney. Le jeune roi retrouve en effet son courage grâce à l'initiation du vieux singe (le sage),
qui, en lui montrant les étoiles, lui révèle que son père et ses ancêtres veillent sur lui dans ce monde. On comprend
maintenant cette familiarité avec les étoiles, évoquée à la première strophe : « nos étoiles » s'identifient à nos
ancêtres. Maurras nous livre ici le symbolisme du rituel païen de l'incinération, de la crémation des défunts.
« Toutes les sources de mon être » Le vers synthétise et assoit tous les précédents, il établit que le vent de vie,
par lui seul, explique :
• L'existence et la vie actuelles (qui suis-je ?) : c'est le monde lui-même, grâce à l'impulsion primordiale du vent
de mer, qui tend mon coeur, me donne le mouvement, m'anime, me fait vivre.
• L'origine lointaine de la vie (d'où viens-je ?) : de la Mer (de la Mère). N'y aurait-il pas là comme un écho à la
théorie de l'évolution selon laquelle la mer — la fameuse soupe prébiotique — permit la synthèse
des premiers acides aminés susceptibles de s'auto-répliquer et de générer le vivant ?
• L'origine immédiate de la vie : la vie nous est directement communiquée par nos ancêtres.
• La destinée de l'homme (où vais-je ?) : l'horizon de la vie est l'univers lui-même et plus précisément, la Terre
(par les cendres qu'on laisse) et le Ciel qu'on investit grâce à l'élan impulsé par le brasier de la vie.
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