Jean-Marie Léger, Jean-Gabriel Ouango
104
Facteurs psychiques de vulnérabilité chez le sujet âgé
Il est admis que des facteurs spécifiques de vulnérabilité liés à l'affaiblissement du
Moi interviennent dans la fréquence des troubles thymiques du sujet âgé. Parmi,
ceux-ci, les blessures narcissiques liées aux transformations de l'apparence physique
et la baisse des performances intellectuelles sont souvent responsables d'un senti-
ment de dépréciation de soi. Cette modification douloureuse de la perception du
Moi est exacerbée par les tendances de la société actuelle à exclure les personnes
vieillissantes à qui le culte de la beauté et de la force réserve peu de rôles valori-
sants. La dépossession du rôle social, le vide et l'ennui, occasionnés par la perte des
occupations professionnelles et les difficultés économiques qui en résultent, consti-
tuent des éléments de souffrance psychologique. Cette souffrance est d'autant plus
ressentie qu'il existe une altération naturelle des enveloppes psychiques par le pro-
cessus du vieillissement.
En effet, le vieillissement est responsable d'une modification naturelle de l'appa-
reil psychique qui a pour conséquence la diminution fonctionnelle du préconscient
et le rétrécissement de la conscience. Il en résulte un amoindrissement du potentiel
libidinal et, à l'occasion d'un stress important ou d'un traumatisme psychique violent
(deuil, séparation, conflit, changement d'habitude de vie, de situation ou de domi-
cile), une désorganisation survient et frappe d'abord le plus haut étage évolutif.
Celle-ci ne s'arrête, dans son trajet contre-évolutif, que lorsqu'elle rencontre un
palier solide d'organisation, naturellement moins évolué [15]. Le sujet âgé peut alors
basculer rapidement dans la dépression, ou se réfugier dans la régression qui traduit
un repli sur des positions fortes laissées en cours de route pour se réorganiser et se
remobiliser.
Les événements de vie, subis par l'individu, jouent tout au long de l'existence un
rôle fondamental ; ils modèlent dès l'enfance la personnalité du sujet expliquant cer-
taines failles ; ils permettent de comprendre l'origine d'une fragilité affective ou
l'existence d'une susceptibilité particulière à certaines situations de la vie courante.
Chez le dépressif âgé, comme chez le dément, l'étude de la biographie confirme ce
fait (Persson et Skoog, 1996 ; Clément). Depuis Freud (Deuil et mélancolie), on
connaît parfaitement l'effet des pertes en général sur l'induction des états dépressifs ;
le deuil qui en résulte peut être amplifié par un processus similaire non encore tota-
lement résolu (décès successifs sur une courte période de plusieurs proches…).
Or, ces situations sont fréquemment rencontrées chez le vieillard, expliquant pour
une part la fréquence des dépressions rencontrées à cette époque de l'existence.
Ainsi, l'environnement constitue un facteur déterminant dans l'équilibre psychique
et somatique du sujet âgé. Son inadéquation avec les capacités du sujet peut être un
facteur de décompensations ; il augmente le degré de vulnérabilité de la personne,
d'où la mise en place d'un véritable cercle vicieux.